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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
INTRODUCTION GENERALE
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Avec un tissu bancaire peu dense, en comparaison à ceux
des pays riches, et actuellement composé de 13 banques en
activité (Conseil National du crédit, 2014), le système
bancaire camerounais est l'un des plus importants de la CEMAC. Il a pour
principaux traits caractéristiques une forte concentration et un
état perpétuel de surliquidité1.
La concentration s'appréhende aussi bien
géographiquement qu'en termes d'activité. Si l'on s'en tient
à l'aspect géographique de la concentration, les agences
bancaires camerounaises sont surtout localisées en zones urbaines, avec
une préférence avérée pour les plus grandes
métropoles du pays que sont Douala et Yaoundé. Ceci au
détriment des milieux ruraux qui s'assimilent plutôt à des
déserts bancaires (Avom et Eyeffa Ekomo, 2007).
Le tableau 1 (voir annexe 1) donne une illustration de cette
situation en mettant en exergue la répartition inégale des
banques sur le territoire national. On observe que les régions du
Littoral et du Centre-Sud-Est concentrent respectivement 86 et 62 agences
bancaires à elles deux (Conseil National du Crédit, 2014), soit
182 agences sur un total de 217 recensées dans le pays. En pourcentage,
cela équivaut à 83,87% de l'ensemble des agences bancaire.
Par ailleurs, au sein même des villes, il existe des
disparités entre centre et périphérie. Les quartiers
périphériques et ceux abritant les couches les plus
défavorisées de la population sont délaissés par
les banques. Ces dernières préfèrent s'installer dans les
quartiers huppés et au niveau du centre urbain.
Si l'on considère à présent le niveau
d'activité comme critère de concentration, on observe que sur 13
banques que compte le système bancaire camerounais, une minorité
d'entre elles détient un grand nombre de parts de marché. Il
s'agit de la SGBC, la BICEC, d'ECOBANK, de la SCB et d'Afriland First Bank qui
concentraient 74% des crédits octroyés et 73,6% des
dépôts collectés en décembre 2013 (MINFI, 2014).
1 La surliquidité bancaire traduit une
situation dans laquelle la trésorerie bancaire est en permanence
excédentaire (Avom et Eyeffa, 2007)
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Le tableau 2 (voir annexe 1), présente les statistiques
individuelles de chacune de ces banques en janvier 2014.
A l'observation, la SGBC, la BICEC et Afriland First Bank
arrivent tête, suivies d'ECOBANK et de la SCB qui se distinguent
également du reste des banques commerciales. On peut attribuer à
ces dernières, qui sont au nombre de 8, les parts restantes de
crédit et de dépôts qui ne s'élèvent
respectivement qu'à 26% et à 26,4%.
En ce qui concerne deuxièmement la surliquidité,
elle traduit une situation dans laquelle la trésorerie bancaire est
toujours excédentaire. Le dispositif réglementaire de la CEMAC
prévoit que toute banque dont le ratio de liquidité est
supérieur à 100%, est en situation de surliquidité. Depuis
1993, les ratios de liquidité des banques camerounaises sont
supérieurs à cette norme (COBAC, 2003).
Parallèlement à cet état de
surliquidité, les banques sont frileuses dès lors qu'il s'agit de
s'engager dans le financement de l'économie (Joseph, 2000 ; Avom et
Eyeffa, 2007)2. Elles proposent des crédits à des taux
hors de la portée de la grande masse, moyennant en outre des garanties
d'un niveau élevé.
La configuration ainsi présentée du
système bancaire camerounais est la résultante des
restructurations consécutives à la crise bancaire du milieu des
années 80. Ces restructurations visaient, pour les autorités
monétaires, à éviter l'effondrement du système
fortement secoué par la chute du montant des dépôts, la
fuite des capitaux, le recours des banques secondaires à des ressources
autres que les dépôts ainsi que la dégradation de la
rentabilité bancaire.
2 Selon Fouda Owoundi (2009), trois raisons peuvent être
avancées pour l'expliquer : le rapatriement des capitaux
spéculatifs, qui avaient été massivement
placés hors de la BEAC par anticipation de la dévaluation ; le
mauvais climat des affaires, qui serait de nature à accroître
l'aversion au risque des banques ; ainsi que l'incompatibilité pour les
banques à convertir les ressources courtes en emplois longs.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Il s'avérait alors impératif de procéder
à un changement du cadre institutionnel et de mettre en oeuvre une
politique monétaire moins laxiste. C'est ainsi que la COBAC vit le jour,
son avènement constituant l'épine dorsale du changement
institutionnel3.
Si la mise en oeuvre de ces réformes a permis de
limiter les dégâts systémiques, elle a également
profondément influencé les comportements des banques qui se sont
repositionnées spatialement et qui, dorénavant soucieuses de
respecter les normes édictées à travers les ratios
prudentiels, sont devenues moins enclines à accorder des prêts
(Joseph, 1998).
C'est donc dire que la concentration et la surliquidité
bancaires observées au Cameroun sont en quelques sortes un effet pervers
des réformes prises pour mettre un terme à la crise. Ces
caractéristiques du système bancaire constituent malheureusement
une brèche pour l'exclusion bancaire, qui loin d'être une
préoccupation récente, alimente depuis plusieurs années
les débats relatifs à la croissance et à la lutte contre
la pauvreté dans le monde.
En effet, l'expression exclusion bancaire a été
forgée en 1993 par des géographes anglais inquiets de la
limitation de l'accès physique de certaines populations aux services
bancaires suite à la fermeture d'une série d'agences bancaires
(Leyshon et Thrift, 1995). C'est seulement en 1999 que cette expression a
réellement été utilisée pour faire
référence aux personnes ne jouissant que d'un accès
limité aux services bancaires de base (Kempson et Whyley, 1999).
Au fil du temps, ce concept a considérablement
évolué et la définition communément admise est
celle du centre Walras, fondée sur les travaux de
3 Aussitôt qu'elle fut mise sur pied, la
COBAC a entrepris de définir des ratios prudentiels et de mettre en
place un système de cotations des établissements de crédit
(SYSCO) représentent ses principaux moyens d'action. S'agissant des
ratios, ils sont au nombre de cinq et permettent à la COBAC de remplir
ses missions de supervision et de contrôle des institutions bancaires. Il
s'agit du ratio de fonds propres nets (qui doit être positif), du ratio
de solvabilité (minimum 5%), du ratio de couverture des immobilisations
(minimum 100%), du ratio de liquidité (minimum 100%) et du ratio de
transformation à long terme (100%). Le système de cotation des
établissements de Crédit est basé sur une
évaluation de la santé individuelle des banques, qui
elle-même s'appuie sur le calcul des scores et des cotes permettant
d'apprécier périodiquement la situation de chaque
établissement de crédit, par rapport au respect des normes
réglementaires et des dispositifs de gestion interne.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Gloukoviezoff (2004) qui voit en l'exclusion
bancaire4 « un processus par lequel une personne rencontre de
telles difficultés d'accès et/ou d'usage dans ses pratiques
bancaires qu'elle ne peut plus mener une vie sociale normale». Ainsi, une
situation d'exclusion bancaire n'est définissable que par rapport aux
conséquences sociales des difficultés qui la composent.
Ces difficultés découlent de la
nécessité pour les particuliers de recourir aux produits
bancaires pour mener une vie normale alors mêmes qu'ils sont fournis par
des établissements soumis à des contraintes de
rentabilité. La clé de compréhension de l'exclusion
bancaire se trouve donc au coeur même du processus de financiarisation
des sociétés contemporaines en faveur duquel les produits
bancaires sont devenus quotidiennement indispensables.
La financiarisation désigne en effet « un ensemble
de contraintes à l'emploi des moyens de paiement et de règlement,
au recours au crédit et à la protection contre les risques.
Contraintes qui agissent de façon différente, directe ou
indirecte, tant au Nord qu'au Sud, individuellement sur les personnes et les
entreprises, et collectivement sur les groupes sociaux » (Servet, 2004b).
Ainsi, selon qu'une société est fortement financiarisée ou
non, l'ampleur et les conséquences de l'exclusion bancaire seront plus
ou moins sévères.
Les sociétés contemporaines se
caractérisent généralement par des degrés
élevés de financiarisation dans la mesure où les produits
et services bancaires y sont quasiment indispensables pour réaliser les
transactions de la vie ordinaire telles que la perception d'un revenu ou de
prestations sociales, le règlement des factures (d'eau,
d'électricité, de téléphone...), la
réalisation d'un achat (à l'aide d'une carte de crédit ou
via internet) etc. Pouvoir accéder aux services bancaires constitue
alors un élément clé d'intégration au sein desdites
sociétés.
4 Le qualificatif bancaire fait
référence au livret d'épargne, au compte de
dépôt ou courant, aux moyens de paiement scripturaux.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Toutefois, l'exclusion bancaire ne se limite pas aux
difficultés d'accès. Elle possède en tout trois
dimensions, qui selon Constans (2006) ne se recoupent pas entre elles et dont
l'addition serait erronée. Il opère donc la distinction suivante
:
- l'exclusion bancaire au sens propre du
terme, c'est-à-dire les personnes dépourvues de compte
bancaire. Il s'agit encore de la bancarisation qui désigne
l'équipement de la population en produits bancaires. On considère
généralement qu'une personne est bancarisée si elle
possède un compte dans une institution bancaire formelle. Or,
l'accès approprié aux produits rentre en ligne de compte dans une
perspective d'inclusion bancaire. Les produits doivent être
adaptés, c'est-à-dire que leur offre, leur structure et leurs
coûts ne doivent pas causer des problèmes d'accès et/ou
d'usage aux clients. Il est donc admis que l'exclusion du compte constitue le
premier degré de l'exclusion bancaire, car il ne suffit pas de
posséder un compte pour être financièrement inclus ;
- l'exclusion des moyens de paiement qui
concerne les personnes possédant déjà un compte
auprès d'une institution bancaire, mais qui se heurtent à des
difficultés d'usage liées au fait qu'elles ne possèdent
pas les moyens de paiement scripturaux nécessaires (Cartes bancaires,
chéquier ...). Il en résulte d'une part qu'elles sont contraintes
d'utiliser des espèces pour réaliser des transactions (ce qui
comporte des risques de vol ou de perte ou qui peut s'avérer
stigmatisant dans des sociétés très
financiarisées), et d'autre part qu'elles doivent toujours se plier aux
horaires d'ouverture des banques pour pouvoir effectuer des transactions
(notamment les retraits d'argent). Ne pas posséder un minimum
d'instruments de paiement peut s'avérer particulièrement
préjudiciable ;
- l'exclusion du crédit constitue le
troisième et dernier niveau d'exclusion bancaire. Elle fait prendre
conscience de ce qu'un individu peut bien posséder un compte en banque
ainsi que les instruments de paiement nécessaires, mais se heurter tout
de même à des difficultés liées à l'obtention
d'un crédit. A l'origine d'une telle exclusion se trouve ce que les
banques appellent
7
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
l'éligibilité principalement fondée sur
les capacités de remboursement du solliciteur. ainsi, le flux de revenu,
le patrimoine et le niveau d'endettement de ce dernier constituent des
indicateurs déterminants dans ce processus.
Dès lors les difficultés bancaires entrainent
des conséquences néfastes, ce d'autant plus qu'il est admis dans
la littérature économique que le recours aux services bancaires
contribue à la réduction de la pauvreté et des
inégalités, et favorise la croissance économique (Banque
Mondiale, 2012). Ce lien positif entre système financier et croissance
économique a été mis en évidence par plusieurs
travaux dont ceux de Goldsmith (1969) et Shaw (1973), précurseurs en la
matière.
Se situant dans le même sillage, Claessens (2005) met en
lumière l'existence d'une forte relation de causalité entre la
profondeur financière d'un pays et le niveau de développement
économique de celui-ci. Le développement économique d'un
pays serait alors une fonction croissante du degré de profondeur
financière dudit pays.
Pour Dupas et Robinson (2009), l'accès aux services
bancaires aurait un impact positif direct sur l'épargne, la consommation
et l'investissement productif, variables dont la contribution positive à
la croissance n'est plus sujet à débat.
Dans le même ordre d'idées Kendall, Mylenko et
Ponce (2010) démontrent que la finance améliore de façon
substantielle les conditions d'existence des couches les plus fragiles en
contribuant à la satisfaction des besoins essentiels (santé,
éducation...), à la maîtrise des risques de l'existence,
ainsi qu'en permettant la projection dans l'avenir (à travers
l'investissement).
Par ailleurs, Ashraf et al. (2010) soulignent que le recours
aux services bancaires constitue un instrument clé pour l'atteinte des
OMD, notamment ceux relatifs à la pauvreté, l'éducation,
la santé, voire l'autonomisation des femmes.
En fin de compte, l'accès aux services financiers est
constamment remis au goût du jour dans la mesure où la
réduction de la pauvreté, l'amélioration des conditions de
vie des populations et la croissance économique sont de
perpétuels enjeux socio-économiques. Dès lors, faciliter
l'accès des particuliers aux services bancaires devrait
8
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
donc constituer un objectif prioritaire dans l'agenda du
développement des PVD en général et du Cameroun en
particulier.
S'agissant de ce pays, s'il semble porter en lui les germes de
l'exclusion bancaire en raison de son organisation et son fonctionnement
actuels, il n'en demeure pas moins que les facteurs de ce problème qui
s'y pose avec une acuité particulière, sont à rechercher
bien plus loin. En effet, le taux de bancarisation au Cameroun ne
s'élevait qu'à 4%5 en 2010 selon des experts du
Ministère des Finances, avec un faible taux de densité
bancaire6.
A contrario, les pays riches tels que les Etats-Unis,
l'Allemagne ou encore la France connaissent des taux de bancarisation
très élevés7, de forts taux de densité
bancaire et une faible utilisation des numéraires dans les transactions
courantes. Dans ces pays-là, les institutions bancaires jouent
pleinement leur rôle d'intermédiaire financier en collectant des
fonds auprès d'individus à capacité de financement pour
les allouer de façon optimale, là où ils sont le plus
rentables (Gansinhoundé, 2008).
En dépit de toutes les vertus reconnues aux services
bancaires8, force est de constater que dans les PVD la finance
informelle reste prédominante (Banque Mondiale, 2012). Le Cameroun
n'échappe pas à cette réalité. Le rapport principal
ECAM III (2007) révèle que seulement 27,4% de camerounais
possèdent une épargne et seulement 5,5% ont reçu une
réponse favorable à une demande de crédit auprès
d'une banque.
Les personnes ainsi maintenues à l'écart ou
éconduites du système bancaire finissent
généralement par se replier sur des prestataires informels de
services financiers. Pourtant, les coûts proposés par ces derniers
sont très souvent plus prohibitifs
5 Ce taux de bancarisation comprend aussi bien les
comptes dans les établissements bancaires que dans les institutions de
microfinance.
6 La densité bancaire était d'une banque
pour 124 536,585 habitants en 2010 selon la COBAC.
7 Dans ces pays-là, les taux de bancarisation
surpassent généralement 90%.
8 En plus de réduire la pauvreté et de favoriser
la croissance économique, les services bancaires (moyens de paiement,
épargne, crédit etc.) participent à l'amélioration
du bien-être des particuliers en ouvrant les vannes de la consommation,
en leur permettant de se prémunir contre les aléas et même
d'investir dans l'éducation ou toute autre forme de projets porteurs
(Honohan et King, 2012).
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
et leurs activités ne profitent pas pleinement à
l'économie, car elles encouragent la thésaurisation et plombent
l'activité économique9.
Or, le Cameroun s'est résolument engagé sur la
voie de l'émergence à travers l'élaboration, l'adoption et
la mise en oeuvre amorcée d'une stratégie pour la croissance et
l'emploi. La réalisation d'une telle ambition passe par la construction
d'un système bancaire plus inclusif10, qui constitue un
levier de croissance et un important outil de réduction de la
pauvreté et des inégalités sociales (Beck, Demirguc-kunt
et levine, 2004a).
A cet effet, la démarche indiquée consiste
à procéder à l'identification préalable des causes
de l'exclusion bancaire afin de pouvoir élaborer et mettre en oeuvre les
politiques publiques conséquentes (Gloukoviezoff, 2010), tout en gardant
à l'esprit qu'il s'agit d'un phénomène multidimensionnel
et dont les facteurs sont fortement influencés par le contexte
national.
Ceci nous amène à la question fondamentale de
l'étude : « quels sont les facteurs explicatifs de
l'exclusion bancaire au Cameroun ? »
Cette étude revêt un double intérêt
théorique et pratique. S'agissant du premier aspect, elle contribue non
seulement à l'enrichissement de la littérature relative à
l'exclusion bancaire, mais aussi à la vulgarisation des
mécanismes de ce phénomène au Cameroun.
En effet, pendant longtemps les travaux menés se sont
cantonnés au traitement de la bancarisation, laquelle ne constitue
pourtant qu'un aspect de la vaste problématique de l'accès aux
services financiers. Ainsi, cette étude ne se limite pas à la
possession d'un compte ou d'une carte de paiement comme indicateur d'inclusion
bancaire : elle met en lumière l'exclusion de l'intérieur
auxquels sont confrontées les personnes détenant
déjà les instruments sus évoqués.
9 L'Etat ne peut par exemple pas prélever de
taxes sur de telles activités. Il en résulte un manque à
gagner dont l'importance s'accroit avec l'ampleur desdites activités.
10 Notamment à travers la mobilisation de
l'épargne des ménages bancarisés qui sera injectée
dans l'économie sous forme de concours bancaire.
10
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Il en découle naturellement un intérêt
pratique à travers la construction d'un système bancaire
camerounais plus inclusif, rendu possible grâce aux recommandations de
politiques économiques qui seront formulées et proposées
à l'issue de ce travail.
L'objectif principal de ce travail est d'identifier les
facteurs explicatifs de l'exclusion bancaire au Cameroun. Pour ce faire, il
repose sur l'hypothèse principale selon laquelle l'exclusion bancaire
est influencée simultanément par des caractéristiques
institutionnelles et des caractéristiques socioéconomiques de la
population camerounaise.
Il en découle deux hypothèses secondaires :
H1 : les caractéristiques
institutionnelles (règlementation, documentation, coûts,
sélection de clientèle) influencent significativement la
probabilité pour un individu d'être exclu du système
bancaire.
H2 : les caractéristiques
socioéconomiques (âge, proximité, situation
financière) affectent significativement la probabilité pour un
individu d'être exclu du système bancaire.
Pour vérifier ces hypothèses, nous effectuerons
une régression logistique sur un modèle
économétrique tiré des travaux d'Allen et al. (2012) qui
mesurent l'exclusion financière dans 123 pays et sur un
échantillon de 1.000 individus par pays. A cet effet, les données
utilisées sont issues de la base de données Global Financial
inclusion (Global Findex database) de la Banque Mondiale obtenues à
l'issue d'une enquête sur un échantillon de 1000 individus
enquêtés au Cameroun.
La suite de ce travail est élaborée ainsi qu'il
suit. La première partie présente les facteurs de l'exclusion
bancaire du côté de l'offre. Elle consiste à identifier
dans la littérature les causes liées au cadre institutionnel,
puis à procéder à une analyse empirique dans le but d'en
retenir les plus pertinentes. La seconde partie reprend la même
démarche du côté de la demande de services bancaires. En
fin de compte et en guise de conclusion, ce travail de recherche sera
bouclé par des recommandations de politique économique.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
PREMIERE PARTIE
LA RECENSION DES FACTEURS LIES A L'OFFRE :
LES JUSTIFICATIONS DE L'EXCLUSION BANCAIRE
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE :
Dans l'optique de prévenir le risque systémique,
d'encadrer les frais bancaires ou encore de sauvegarder les
intérêts des consommateurs, les autorités monétaires
se doivent de réguler l'activité bancaire (Gloukoviezoff, 2010).
Les normes édictées à cette fin revêtent un
intérêt particulier, dans la mesure où elles sont le gage
de l'établissement et du maintien de la confiance entre clients et
prestataires, sans laquelle le système bancaire disparait.
Si ces mesures réglementaires sont indispensables au
bon fonctionnement du système bancaire, elles comportent malheureusement
des effets pervers. Certaines restrictions règlementaires peuvent
notamment amener les banques à développer des pratiques visant
à les contourner en faisant supporter aux clients les coûts de
telles mesures.
Par ailleurs, les banques sont guidées par des
impératifs de rentabilité qui les poussent à adopter des
comportements sélectifs. Tout comme des entreprises ordinaires, elles
ont pour seule responsabilité sociale de réaliser des profits
(Friedman, 1962). Au fil du temps, les théories de la firme
bancaire11 ont abondé dans ce sens en soulignant que les
actions des banques sont la résultante de choix optimaux, lesquels
relèvent d'une logique de minimisation des coûts ou de
maximisation du profit (Levratto, 1993).
Cependant les stratégies élaborées par
les banques sur une telle base ne tiennent aucunement compte des besoins
spécifiques des individus. L'exclusion bancaire serait donc une
externalité négative de l'activité
bancaire12.
Au total, la réglementation et les politiques
commerciales des banques apparaissent comme des justifications de l'exclusion
bancaire. Le système bancaire a besoin d'être
régulé, tout comme les banques ont vocation à
réaliser le maximum de profit possible.
11 La notion de firme bancaire résulte des travaux de
Pesek (1970), Towey (1974) et Saving (1977), qui se sont
attachés à déterminer la taille et la structure optimale
des bilans bancaires.
12 Gloukoviezoff, Op. cit.
13
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
L'objet de cette partie est d'identifier les facteurs de
l'exclusion bancaire du côté de l'offre des services bancaires.
Pour ce faire, le chapitre premier porte sur la recension théorique
desdits facteurs, tandis que le second consiste en une évaluation
empirique de ces derniers dans l'optique d'en retenir les plus pertinents au
niveau du Cameroun.
14
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CHAPITRE 1 : REVUE THEORIQUE DES FACTEURS DU
COTE DE L'OFFRE DE SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le secteur bancaire fait l'objet d'une réglementation
élaborée dans la perspective d'encadrer l'activité des
établissements de crédit et d'éviter l'occurrence des
crises. Toutefois, si ces normes visent à assurer sa stabilité,
elles peuvent également avoir des effets pervers, lesquels sont
susceptibles de favoriser l'exclusion bancaire.
Par ailleurs, soumises à des contraintes de
rentabilité, les banques se doivent d'élaborer et de mettre en
oeuvre des stratégies commerciales visant à maximiser leur profit
tout en minimisant les risques. Aussi, se livrent-elles à des pratiques
commerciales qui peuvent leur paraitre légitimes, mais qui sont par
ailleurs susceptibles d'engendrer ou d'exacerber les difficultés
bancaires des particuliers.
L'objet de ce chapitre est de mettre en lumière le
rôle néfaste de la réglementation et des politiques
commerciales des établissements de crédit sur l'exclusion
bancaire. Dans cet ordre d'idées, il comprend deux sections dont la
première est consacrée à l'impact de la
règlementation du secteur bancaire et la seconde met en lumière
les effets pervers des politiques commerciales des banques.
SECTION I : L'INCIDENCE DE LA REGLEMENTATION DU SECTEUR
BANCAIRE
Il est admis dans la littérature économique que
la règlementation exerce une influence certaine sur l'exclusion
bancaire. A titre illustratif, c'est le législateur qui, en imposant des
mesures telles que l'obligation de recourir à la domiciliation des
salaires dans un établissement de crédit ou interdisant le
règlement de certaines transactions en espèces, donne de
l'importance aux services bancaires.
Il revient également à la loi d'encadrer, aussi
bien les exigences documentaires auxquelles les banques soumettent les clients
pour bénéficier d'un service, que les
15
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
procédures bancaires relatives aux délais
d'ouverture d'un compte, d'obtention d'un instrument de paiement etc.
La présente section porte précisément sur
deux aspects réglementaires qui engendrent l'exclusion bancaire au
Cameroun : les exigences documentaires et la détermination quelque peu
arbitraire des taux d'intérêt débiteurs.
I.1. Le poids des exigences documentaires
L'accès des particuliers aux services bancaires est
conditionné par la satisfaction d'un certain nombre d'exigences
documentaires. En effet, l'ouverture d'un compte au sein d'une institution
bancaire nécessite du requérant qu'il fournisse des pièces
telles qu'une carte d'identité, un bulletin de solde etc.
Dans les pays riches, ces exigences documentaires sont
généralement faibles et ne sauraient donc constituer une entrave
à l'accès aux services bancaires. A contrario, le Cameroun fait
partie des pays dans lesquels les exigences documentaires sont très
élevées (Beck, Demirgüc-kunt et Peria, 2008). A ce sujet,
Allen et Al.(2012), indique que le client est souvent sommé de fournir
à la banque plusieurs documents, notamment une pièce
d'identité officielle (carte nationale ou passeport en cours de
validité), des preuves de domicile (factures
d'électricité, d'eau ou de téléphone, titre
foncier), des justificatifs d'emploi et de salaire (bulletins de paie).
I.2. L'exclusion par les mécanismes de
détermination des coûts des services bancaires
Deux aspects seront abordés dans ce point, à
savoir : la non rémunération des dépôts à vue
et l'encadrement du coût du crédit par la loi.
I.2.1- Le non-respect de la réglementation : le
cas de la non rémunération des dépôts à
vue
Cette mesure est souvent considérée comme la
contrepartie de la gratuité de certains services bancaires : tenue de
compte, gestion de chèques etc. (Chiappori, 1991). Au Cameroun, elle est
consacrée par l'article 8 de l'arrêté n°224/MINFI/DCE
du 5 avril
16
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
1989 portant conditions de banque, modifié et
complété par l'arrêté n°00001/MINEFI/CSB/REP du
4 janvier 1995.
Cependant, on observe dans les faits qu'en dépit du
fait que les dépôts à vue ne soient pas
rémunérés, certaines banques font supporter les charges
relatives à la tenue des comptes à leurs clients. Pour le
justifier, elles allèguent que la suppression de ces frais remet en
cause l'existence même de certaines agences dont l'exploitation et la
rentabilité sont en partie assurées par la perception desdits
frais (COBAC, 2010).
Par ailleurs, pour les établissements bancaires qui
appliquent effectivement cette mesure, la tendance est plutôt à la
revue à la hausse des tarifs des autres services proposés, ainsi
qu'à la création de nouveaux produits (mise en place de nouvelles
commissions, révision de la facturation de certains services...), en vue
de compenser ce qu'ils perçoivent comme un manque à gagner.
En fin de compte, il revient au consommateur de supporter ces
charges dont l'addition sur un an donne généralement des montants
élevés et de nature à favoriser chez les personnes les
plus démunies, une renonciation progressive aux services bancaires.
Au total, on observe deux cas de figure : premièrement,
certaines banques observent le principe de la non rémunération
des dépôts en contrepartie, entre autres, de la gratuité de
la tenue des comptes. En compensation, elles revoient à la hausse les
prix d'autres produits existants et mettent sur pieds de nouveaux services.
Deuxièmement, d'autres banques observent le principe de non
rémunération des dépôts mais perçoivent
néanmoins les frais de tenue de compte.
I.2.2- L'exclusion par la détermination
arbitraire du coût des services bancaires
Au Cameroun, les coûts des services bancaires ne font
pas toujours l'objet d'un encadrement adéquat. Le recours aux
institutions bancaires formelles est conditionné par la capacité
du client à pouvoir payer des frais, notamment un montant minimum
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
exigé pour conserver un compte, supporter le taux
d'intérêt et apporter les garanties requises afin de pouvoir
bénéficier d'un crédit (Avom et Bobbo, 2013).
Si les banques sont tenues d'ouvrir des comptes à toute
personne qui en fait la demande13 en vertu des dispositions du
Règlement de la CEMAC relatif aux systèmes et moyens de paiement
(mars 2003), il n'en demeure pas moins qu'en 2008 il était
particulièrement couteux d'ouvrir un compte au Cameroun en 2008. Il
fallait pour cela débourser plus de 700 dollars américains, soit
plus que le PIB par tête du pays à la même date (Beck et al,
2008).
C'est véritablement avec l'arrêté du
Ministre des Finances portant institution du Service Bancaire Minimum Garanti,
que la gratuité de l'ouverture des comptes a été
consacrée et est réellement observée par les banques. Ces
dernières ne disposent dorénavant que d'une seule marge de
manoeuvre qui consiste à fixer de façon arbitraire les
coûts de maintien de compte et les frais associés à la
détention des cartes de paiement.
De même, le coût du crédit est
déterminé de façon quelque peu arbitraire sur le
marché bancaire camerounais. En effet, depuis la suppression du
TDM14, les banques pratiquent des taux de base et des taux effectifs
annuels dont les modalités de calcul ne sont pas toujours transparentes.
Le graphique ci-après présente l'évolution des taux
d'intérêt créditeurs au Cameroun de 2006 à 2010.
13 Cette obligation est consacrée par
l'article 7 du règlement qui stipule que «toute personne physique
ou morale domiciliée dans un Etat membre de la CEMAC et dépourvue
d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte
dans l''établissement assujetti de son choix ».
14 Les autorités monétaires régionales
ont supprimé ce taux dans la perspective de poursuivre le processus de
libéralisation financière entamé au début des
années 1990.
18
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique I.1 : évolution des taux
d'intérêt créditeurs des banques camerounaises de 2007
à 2010
18,00%
16,00%
14,00%
12,00%
10,00%
4,00%
8,00%
6,00%
0,00%
2,00%
15,80%
2007 2008 2009 2010
11,60%
8,70%
9,30%
Source : COBAC, 2011.
Ce graphique suggère que le coût du crédit
a diminué sur la période considérée. Cela
s'explique par la volonté des autorités monétaires de
mettre un terme au désordre observé en matière de
tarification des services bancaires. Celles-ci ont en effet
procédé à la détermination d'un TEG des
différents crédits consentis à la clientèle et d'un
taux d'usure calculé périodiquement sur la base des coûts
historiques desdits TEG. Ces mesures ont contribué à
réduire sensiblement le coût du crédit qui a atteint son
niveau le plus bas en 2009. Toutefois, le Cameroun reste l'un des pays
marqués par le caractère dispendieux du coût du
crédit (Avom et Bobbo, 2013).
S'agissant des garanties nécessaires pour obtenir un
crédit bancaire, peu d'individus disposent de ressources suffisantes
pour pouvoir les apporter. En effet, certaines banques exigent du client qu'il
présente un titre foncier ou d'autres formes de caution (cautionnement,
hypothèque d'une maison, d'une voiture etc.), ce qui exclut un grand
nombre d'individus. Ce d'autant plus que le montant des garanties est souvent
supérieur ou au moins égal à celui du crédit
sollicité.
19
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
En fin de compte, la non rémunération des
dépôts à vue et le coût élevé de
l'endettement au Cameroun érigent donc des barrières à
l'entrée du marché bancaire, en même temps qu'ils
engendrent des difficultés d'usage liés services bancaires.
Outre poids du cadre réglementaire du secteur bancaire,
il convient également d'examiner le rôle joué sur
l'exclusion bancaire par certaines politiques commerciales des
établissements de crédit.
SECTION II : les effets pervers des politiques
commerciales des établissements de crédit
Les banques sont soumises à des contraintes de
rentabilité qui les amènent à mettre en oeuvre des
politiques commerciales, lesquelles ne tiennent pas toujours compte des
difficultés bancaires qui en découlent pour les particuliers.
Ainsi que nous allons le montrer, la sélection de clientèle et la
rentabilisation des difficultés des clients en constituent
d'édifiantes illustrations.
II.1- La sélection de clientèle
Il s'agit d'une stratégie commerciale qui consiste pour
les banques, à déterminer parmi les clients, ceux qui
méritent d'être servis et ceux qui ne devraient avoir aucun
accès aux services proposés. La sélection de
clientèle, qui est alors au coeur de l'activité bancaire, peut
être appréhendée à travers la pratique du
redlining et la segmentation de clientèle.
II.1.1- La pratique du redlining
Forgée par le sociologue McKnight dans les
années 1960 pour faire référence au marquage par une ligne
rouge des zones dans lesquelles les banques ne devraient pas investir,
l'expression anglaise redlining est une stratégie qui vise
à maintenir à l'écart du système bancaire classique
les franges les plus défavorisées de la population.
Plus spécifiquement, ce terme désigne le
caractère systématique de l'exclusion de certaines zones
géographiques par les banques (Tasqué, 2011/3). L'objectif
étant de décourager les personnes vivant dans ces zones de
recourir aux services bancaires en mettant en place des mécanismes
dissuasifs.
20
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Dans une étude visant à appréhender
l'impact du déploiement géographique bancaire sur la
cohésion sociale, Ayoub (2006/1) parvient au résultat selon
lequel les banques sont concentrées dans certaines localités,
notamment celles abritant les couches sociales financièrement
aisées, au détriment des plus pauvres. Or, souligne-t-il, la
concentration géographique des banques ne favorise pas le
développement économique mais donne plutôt lieu à
l'exclusion bancaire et accentue les inégalités
socio-économiques.
Comme nous l'avons déjà relevé, la
répartition géographique des établissements de
crédit au Cameroun n'échappe pas à cette tendance à
la concentration. Il en résulte inéluctablement une exclusion
géographique au sens de Leyshon et Thrift (1995), laquelle se traduit
par la mise à l'écart d'une importante frange de la population
contrainte à limiter ses déplacements pour la banque en raison
des coûts que cela implique.
Par cette méthode, les banques s'assurent de ne pas
avoir affaire à une clientèle indésirable et
financièrement limitée. Sachant que de telles personnes se
rendent plus souvent à leur banque que les autres, ne pas être
présent sur leur lieu de vie est un moyen de ne pas les avoir comme
client (Gloukoviezoff, 2003). De la sorte, les institutions bancaires peuvent
alors se concentrer sur les clients les plus rentables, en raison de leur
pouvoir d'achat élevé et leurs fortes capacités
d'investissement.
II.1.2- Les mécanismes de sélection
directe de la clientèle
La sélection directe de clientèle est une
caractéristique intrinsèque au métier de banquier. Elle
constitue d'ailleurs la contrepartie du risque assumé par les
établissements de crédit et se justifie par l'impératif de
se prémunir de l'incertitude (Bernard, 2006).
Cette pratique consiste spécifiquement pour les
banques, à sélectionner parmi les clients ceux qui leur
permettent d'atteindre leurs objectifs de rentabilité. Si un tel
21
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
procédé est utilisé pour guider
l'implantation spatiale des banques15, il intervient davantage dans
le traitement des demandes de crédit bancaire.
La théorie bancaire insiste généralement
sur l'asymétrie d'information existant entre les banques et leurs
clients, ces derniers étant sensés mieux connaitre leur risque de
défaut que les premières. Le problème majeur provient
alors du fait que les mauvais risques cherchent à cacher leurs
caractéristiques afin d'être sélectionnés.
Pour les banques, l'une des solutions consiste à
effectuer une sélection parmi les clients. Pour ce faire, elles se
fondent sur des critères bien précis. Si on se
réfère à la classification d'Eber (2000), on peut retenir
les critères suivants :
- la situation financière :
mesurée par la valeur des actifs dont un client est propriétaire.
C'est un critère d'une importance capitale, car les banques ont tendance
à sélectionner prioritairement les individus les plus riches. Ces
derniers sont en effet capables d'apporter suffisamment de garanties
(matérielles) pour limiter le risque pris par la banque lorsqu'elle
prête des fonds. En outre, les flux de revenus constituent
également un critère non
négligeable pour apprécier la santé
financière d'un client. Les mouvements des comptes de ce dernier sont
suffisants pour renseigner la banque à ce sujet. Il en est de même
pour le niveau d'endettement du client. Plus il est élevé chez un
individu, moins il de chances d'obtenir un prêt bancaire. Les banques
accordent donc une importance particulière à toutes ces
informations et excluent systématiquement du crédit, voire
éconduit du système bancaire, les clients renvoyant de mauvais
signaux ;
- la situation professionnelle : les banques
ont une préférence avérée pour les personnes
possédant un emploi et manifestant une certaine stabilité
professionnelle. Ces critères attestent en effet de la
régularité des revenus et confèrent aux clients la
capacité de pouvoir rembourser un emprunt bancaire. ainsi, les
chômeurs et les individus changeant fréquemment d'emploi auront
plus tendance à être rationnés. En outre, une
distinction
15 Confer redling.
22
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
est faite parmi les travailleurs sur la base de la nature de
leur profession. Ainsi, exercer dans un secteur garantissant la
sécurité de l'emploi (notamment le secteur public, certaines
professions libérales...) constitue un avantage certain. A contrario,
travailler dans le secteur informel ou privé peut s'avérer
pénaliser. Même si le cas du secteur privé est à
relativiser, car si les revenus y sont consistants, le problème
réside surtout dans la nature du contrat. Un contrat à
durée déterminée donne à penser qu'à un
moment le contrat sera rompu et l'individu pourrait se retrouver au
chômage et donc incapable d'honorer ses engagements. C'est pourquoi, les
banques accordent difficilement des prêts à moyen ou long terme
à ces personnes ;
- la réputation : les relations entre
les banques et leurs clients s'inscrivent généralement dans la
durée. Ainsi, les «bons » clients se forgent une bonne
réputation au fil du temps, ce qui facilite leur accès à
une large gamme de produits bancaires à des coûts relativement
réduits. En revanche, les clients qui connaissent à
répétition des problèmes de remboursement se forgent quant
à eux une mauvaise réputation auprès de la banque. Les
possibilités qui s'offrent à eux sont alors limitées
(découverts, crédits, arrangements en cas de
difficultés...) sera réduit puisque. Toutefois, comme on le
constate, les relations de long terme ne concernent par définition que
les clients déjà établis. Les phénomènes de
réputation ne peuvent donc pas jouer sur les jeunes clients. Ces
derniers doivent encore s'en forger une bonne, en vue de pouvoir
bénéficier plus tard d'un traitement privilégié. Le
critère « âge » peut alors être
particulièrement stigmatisant ;
- les critères sociaux : il s'agit de
caractéristiques sociodémographiques qui influencent les
décisions des banques en matière de crédit. Ainsi, la
taille de la famille du client, le genre et le lieu de résidence
envoient d'importants signaux aux banques. D'abord, s'agissant de la taille de
la famille, les banques préfèrent les familles peu nombreuses car
elles sont
23
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
synonymes de faibles charges à supporter16.
Ensuite, concernant le genre qui est du genre, les hommes sont moins
rationnés que les femmes, même s'il n'existe pas de raison
objective pour l'expliquer. Enfin, si on considère le lieu de
résidence du client, une forte instabilité géographique
(changements d'adresse fréquents) ou une adresse dans un quartier
pauvre, caractérisé par des taux de criminalité et de
délinquance élevés constituent un mauvais signal pour les
banques.
Au total, les banques refoulent systématiquement les
personnes ne remplissant pas tout ou partie de ces critères.
La logique à l'oeuvre ici tient donc
véritablement au fait que les banques ne trouvent pas rentable de
proposer leurs services à tous les segments de la population (Claessens,
2005). Elles peuvent même aller jusqu'à élaborer des
stratégies de marketing discriminatoires. Kempson et whyley (1999)
désignent par « marketing exclusion » les politiques
des banques se manifestant par l'absence de publicité en direction de
certains publics, dans la perspective d'éviter de susciter le
désir de ceux-ci et de les avoir comme clients.
Une autre forme de discrimination envers les clients non
désirés consiste pour les institutions bancaires à
surenchérir les coûts des produits les plus prisés par
lesdits clients (Gloukoviezoff, 2005). L'objectif étant de les
éconduire progressivement de la banque
Ayant mis en évidence le lien entre l'exclusion
bancaire et les mécanismes de sélection sus exposés
étant évident, nous pouvons à présent nous
intéresser à d'autres stratégies bancaires qui favorisent
ce phénomène, notamment la rentabilisation des difficultés
des clients.
II.2- La rentabilisation des difficultés des
clients
La rentabilisation renvoie à un ensemble de pratiques
destinées à rendre profitables les relations avec les clients les
plus fragiles d'un point de vue financier
16 Toute chose restant égales par ailleurs.
24
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
(Gloukoviezoff, 2010). Il s'agit alors de mettre en place des
dispositifs techniques visant à exploiter les clients en
détresse. Nous nous intéresserons précisément
à la tendance des banques à faire surconsommer les clients, ce
qui mène souvent ces derniers à des situations de
surendettement.
II.2.1- La tendance à faire surconsommer les
clients
Guidés par des objectifs de rentabilité, les
prestataires de services bancaires ont tendance à proposer aux clients
des services financiers inadaptés à leurs besoins ou susceptibles
de dégrader leur situation financière. Pour ce faire, les
banquiers recourent à leur pouvoir de prescription pour pousser les
clients, les plus fragiles, à la surconsommation (Brunet et al,
2002).
Celle-ci se traduit par l'équipement des clients d'un
ensemble de services particulièrement rentables pour la banque, mais qui
ne sont pas nécessairement utiles auxdits clients ou qui ne seront pas
entièrement consommés par ces derniers, bien que payés en
totalité. Rentrent dans cette catégorie, les packages
correspondant aux bouquets de services compris dans la convention de compte
(carte de retrait, moyens de paiement scripturaux, assurance en cas de perte ou
de vol etc.).
Dans ce cas de figure, c'est moins le manque de revenus qui
explique que le client ne parvienne pas à négocier une prestation
lui convenant, que son manque de connaissances bancaires et l'étroitesse
de l'éventail des choix qui lui sont accessibles.
Une pratique connexe consiste à supprimer des produits
adaptés aux besoins des clients, mais jugés insuffisamment
rentables pour les prestataires. Les difficultés qui en découlent
pour les clients sont constituent, pour les banques une opportunité
d'accroitre les frais bancaires et, par voie de conséquence, la
rentabilité.
A ce propos, il est établi dans la littérature
économique, que les clients les plus rentables ne sont pas toujours les
plus riches. En effet, selon une étude relative au crédit
menée aux Etats-Unis par Ramsay (2003), les ménages aux revenus
les plus modestes dégagent une rentabilité supérieure
à celles des ménages les plus riches, au point de subventionner
les conditions tarifaires proposées à cette deuxième
catégorie.
25
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
En fin d'un compte, un établissement de crédit
n'a aucun intérêt à voir l'un de ses clients se trouver
dans l'impossibilité d'honorer ses engagements. En revanche, tant qu'il
peut en supporter le coût, ses difficultés sont une source de
profit pour ledit établissement (frais de rejet, pénalités
de retard etc.).
Les réponses que pourraient apporter les banques
à ces difficultés peuvent s'avérer dévastatrices en
aggravant des situations déjà précaires.
II.2.2- L'analyse du cas particulier du
surendettement
Si l'on se réfère au préfixe «sur
», tiré du latin « super » et qui signifie
surplus, excès, surcharge, le surendettement renvoie à un
endettement excessif. Toutefois, dans son ouvrage consacré à
l'exclusion bancaire, Gloukoviezoff (2010) en donne une définition plus
étoffée. Il voit dans le surendettement «
l'impossibilité structurelle pour une personne ou un ménage de
faire face à ses engagements financiers contractuels sans réduire
les dépenses nécessaires à son niveau de vie au-dessous
d'un seuil minimal socialement acceptable, en raison de son
impossibilité de mobiliser d'autres avoirs (financiers ou non) ou
d'autres sources de financement ».
L'analyse des mécanismes du surendettement repose sur
une grille de lecture binaire en termes de surendettement actif ou passif.
Ainsi, le premier concerne les personnes ayant contracté un
crédit auprès d'organismes financiers ou de sources informelles.
En revanche, le second type de surendettement est la conséquence d'un
accident de la vie (licenciement, maladie ou accident, divorce etc.) qui vient
déséquilibrer le budget des personnes qui en sont victimes.
A la base de l'endettement des particuliers se trouve le
crédit à la consommation qui occupe une place de choix dans les
sociétés contemporaines. La plupart du temps les individus
recourent à l'endettement dans un but précis, à savoir
financer des biens durables ou immatériels et faire face à des
aléas. En outre, ce mode de financement présente un grand
avantage, à savoir la possibilité qu'il offre d'étaler les
dépenses dans le temps.
26
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Suivant cette logique et compte tenu de la rentabilité
de telles opérations, les banques ont développé de divers
instruments de crédit au fil du temps, à l'instar des
découverts ou encore du crédit revolving17 dont les
consommateurs sont particulièrement friands. Il s'agit là de
facilités permanentes permettant aux utilisateurs de disposer de fonds
à leur guise.
Malheureusement, ces crédits sont très souvent
perçus comme des revenus artificiels, des « fontaines de miracles
» utilisés tant pour résoudre les problèmes
financiers que pour réaliser des rêves (Belkacem, 2009).
Seulement, un usage abusif de tels produits plonge les clients dans un cercle
vicieux, en déséquilibrant leurs budgets. Ces personnes
concernées se trouvent obligées de contracter de nouveaux
crédits pour combler des découverts, payer des dettes. Pour
mettre un terme à ce cycle infernal, elles sont contraintes de recourir
au crédit, ce qui complexifie d'avantage la situation.
Ce faisant, la banque n'offrira une option de rachat au client
que si ce dernier, bien qu'illiquide pour faire face aux mensualités de
ses différents crédits, continue à présenter un
profil relativement sûr. Il s'agit alors pour la banque de tirer avantage
de ces difficultés bancaires, en regroupant l'ensemble des
crédits en un nouveau prêt, sur une période plus longue et
avec des mensualités plus faibles.
Toutefois, si le risque de défaut de l'emprunteur
devient dangereusement élevé, la banque enclenche la
procédure de recouvrement : c'est la « disqualification bancaire
» (Gloukoviezoff, 2010). Elle vise pour la banque à éviter
limiter les coûts qu'occasionnerait la défaillance du client.
S'agissant de ce dernier, il est désormais en proie à l'exclusion
bancaire et indigne d'intérêt, les banques n'ayant pas de temps
à accorder à ceux qui n'ont pas de l'argent (Bernard, 2006).
17 Le crédit revolving est un crédit
à la consommation souvent accompagné d'une carte qui permet
à tout moment de disposer d'une réserve d'argent remboursable au
fur et à mesure et qui se reconstitue en fonction des remboursements
effectués. Selon le montant emprunté et celui des
mensualités, le taux d'intérêt varie rendant le calcul du
coût global très difficile (Gloukoviezoff, 2004). L'accès
à ce type de crédit est relativement simple dans la mesure
où les démarches et les informations requises sont
réduites au strict minimum. Toutefois, la simplicité
d'accès de ces crédits n'a d'égal que leurs
difficultés d'usage liées à la difficulté à
calculer le coût total du crédit, la tentation que
représentent ces réserves pour les personnes déjà
en situation de précarité, l'absence totale de suivi ainsi que la
brutalité des méthodes de recouvrement.
27
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION
L'objet de ce chapitre était d'identifier, du
côté de l'offre, les facteurs explicatifs de l'exclusion bancaire.
L'analyse qui s'en est suivie nous a permis de passer en revue certains aspects
de la réglementation du secteur bancaire et des politiques commerciales
des établissements de crédit qui causent l'exclusion bancaire.
En ce qui concerne la règlementation, nous avons vu que
certaines mesures peuvent avoir des effets pervers.
C'est le cas de la non rémunération des
dépôts qui a pour contrepartie la gratuité de la tenue de
compte. On observe que certaines banques ne rémunèrent
effectivement pas les dépôts à vue mais facturent la tenue
des comptes. D'autres, respectent cette norme mais révisent
systématiquement à la hausse les prix des autres services ou en
élaborent de nouveaux afin de combler ce qu'elles perçoivent
comme un manque à gagner.
De plus, la règlementation est mise en cause à
travers le laxisme observé dans la facturation des services bancaires
(frais de tenue de compte, taux d'intérêt débiteur, frais
liés à la détention d'une carte, garanties requises pour
bénéficier d'un crédit...).
Parallèlement, nous avons identifié les
stratégies commerciales des banques incriminables relativement à
l'exclusion bancaire. Celles-ci vont de la segmentation de la clientèle
suivant des critères bien précis, à la rentabilisation des
difficultés des clients et font de l'exclusion bancaire, une
externalité négative de l'activité bancaire.
28
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CHAPITRE 2 : ANALYSE EMPIRIQUE DES FACTEURS DU COTE DE
L'OFFRE DE SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le chapitre liminaire nous a permis de mettre en relief
l'état du débat théorique sur les facteurs de l'exclusion
bancaire du côté de l'offre du marché bancaire. Il en
ressort que le phénomène étudié se justifie par la
réglementation du secteur bancaire et certaines politiques commerciales
des établissements de crédit. A cet égard, l'exclusion
bancaire constitue une externalité négative de l'activité
bancaire.
Rendus à ce stade, il convient de confronter ces
observations théoriques à la réalité des faits
à travers une analyse empirique conséquente, l'enjeu étant
de déterminer les facteurs les plus pertinents pour expliquer
l'exclusion bancaire du point de vue de l'offre des services bancaires.
Notre démarche s'inspire de l'étude d'Allen et
al. (2012) menée dans 123 pays18, dans l'optique d'y
identifier les causes de l'exclusion bancaire. Trois indicateurs sont alors
utilisés pour mesurer l'exclusion bancaire, la détention d'un
compte dans une banque ou toute autre institution financière formelle,
l'utilisation de ce compte pour épargner et la fréquence
mensuelle d'usage dudit compte.
L'enjeu est de déterminer le niveau de
corrélation qui existe entre l'exclusion bancaire d'une part, et les
exigences documentaires, les politiques d'inclusion financière, le
statut des banques19, l'architecture de l'industrie
bancaire20 d'autre part.
L'objet de ce chapitre est donc d'évaluer, en nous
référant à l'approche d'Allen et al. (2012), l'influence
de certaines caractéristiques institutionnelles sur l'exclusion bancaire
au Cameroun. Le choix des caractéristiques retenues est uniquement
régi par la disponibilité des données.
18 Le Cameroun est inclus dans cet
échantillon.
19 Les banques peuvent être privées ou
publiques.
20 L'architecture bancaire renvoie à la
répartition des agences et des DAB.
29
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Le présent chapitre est organisé ainsi qu'il
suit : la première section présente le modèle empirique et
les données. La seconde section est consacrée à
l'estimation et l'interprétation des résultats.
SECTION I- La présentation du modèle et
description des données de l'analyse
Dans cette section, nous commençons présenter le
modèle empirique ainsi que les données qui permettront d'en
effectuer l'estimation.
I.1- La présentation du modèle empirique
Le modèle utilisé par Allen et al. (2012) est le
suivant :
'
y ij* = x i j fl + z ij ï
+ 8 ij
'
y ij = 1 si y1 * > 0
yij = 0 si *
yij < 0
Où i et j désignent
respectivement les pays et les individus, *
y1 ij est une variable
latente qui représente l'exclusion bancaire, xij
est un vecteur de caractéristiques institutionnelles, z1
ij est un vecteur de caractéristiques individuelles,
â et ã sont des
vecteurs de paramètres et å1ij est un
terme d'erreur normalement distribué, de moyenne nulle et de variance
égale à 1.
En estimant leur modèle par la méthode du
maximum de vraisemblance, ils arrivent au résultat selon lequel la
pénétration des comptes bancaires est plus faible dans les pays
au sein desquels les frais d'ouverture sont élevés. En outre, les
pays dotés des réseaux bancaires les plus denses21 se
caractérisent par de fortes propensions à épargner.
Par ailleurs, l'exclusion financière serait une
fonction décroissante de la stabilité politique et de la
transparence sur les pratiques bancaires. Enfin, les auteurs ne trouvent pas de
corrélation négative entre l'exclusion financière et les
exigences documentaires.
21 La densité bancaire étant
mesurée par le nombre d'agences ou de DAB pour 1000 habitants.
30
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
A ce niveau de l'analyse, des précisions d'ordre
méthodologique sont nécessaires pour présenter les points
de rupture entre l'approche sus présentée et la nôtre.
Premièrement, une différence est observée
au niveau du champ de l'étude. En effet, si les auteurs sus
évoqués étudient l'exclusion financière, qui est un
concept beaucoup plus complexe, nous nous limitons uniquement à
l'exclusion du système bancaire classique. Ce choix tient au fait que le
système financier camerounais est porté par les institutions
bancaires.
Deuxièmement, à la différence du
modèle théorique, nous n'utilisons que deux indicateurs pour
mesurer l'exclusion bancaire, notamment la détention d'un compte
bancaire et la détention d'une carte de paiement22.
Troisièmement, le cadre spatial de notre étude
se limite à un seul pays : le Cameroun. Par ailleurs, compte tenu du
fait que dans cette partie de notre travail nous nous intéressons
uniquement à l'impact des caractéristiques institutionnelles sur
l'exclusion bancaire, la variable qui capte les caractéristiques
individuelles est exclue.
Ces distinctions faites, la spécification du modèle
peut à présent être donnée.
Supposons l'existence d'un caractère qualitatif qui
peut prendre K modalités disjointes ; Si K=2, on dit que la variable est
dichotomique23. Exemple: avoir un compte ou ne pas avoir de
compte.
Dès lors, on peut représenter un
caractère qualitatif dans le cadre d'un modèle
économétrique. En prenant le cas qui consiste à avoir un
compte ou non, on définit la variable y par :
y = {1 si l'invididu possède un compte et 0 sinon.
22 Nous nous référons en effet
à la classification de Constans (2006) présentée en
introduction et qui établit trois niveaux d'exclusion, à savoir
la possession d'un compte bancaire, la détention de moyens de paiement
nécessaires à l'usage dudit compte et l'accès au
crédit
23 Dans le cas général K E N* on
dit que la variable est polytomique.
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Si P représente la probabilité qu'un individu
possède effectivement un compte, alors P n'est rien d'autre que
l'espérance mathématique de y : P = E(y).
L'objectif du modèle choisi est alors d'expliquer la
survenue de l'événement considéré en fonction d'un
certain nombre de caractéristiques observées pour les individus
de l'échantillon. Il s'agit donc précisément de
spécifier la probabilité d'apparition de cet
événement.
Supposons que l'on dispose de N observations y1 d'une variable
endogène codée yj = 1 ou yj = 0 par convention et soit x
= (x ... x '), un vecteur ligne de variables exogènes associées
à la variable endogène y.
Le logit linéaire simple s'écrit : y1 = x + e.
Où å~ est un vecteur de termes d'erreur gaussiens
supposés identiquement et indépendamment distribués,
tandis que â désigne un vecteur colonne
de K paramètres inconnus.
Dans la littérature économique, il est
établi que la régression logistique permet, au travers de la
méthode du maximum de vraisemblance, d'estimer les paramètres,
d'évaluer la précision de l'estimation, de mesurer le pouvoir
explicatif du modèle, de vérifier s'il existe une liaison
significative entre l'ensemble des variables explicatives et la variable
dépendante, d'identifier les descripteurs pertinents et donc
d'évacuer les variables non significatives (Rakotomalala, 2014).
La vraisemblance correspond spécifiquement à la
probabilité d'obtenir l'échantillon ? à partir d'un tirage
dans la population. La méthode du maximum de vraisemblance consiste
à produire les paramètres â de la régression
logistique qui rendent maximum la probabilité d'observer cet
échantillon.
Nous effectuerons donc une régression logistique de
manière à identifier les facteurs les plus statistiquement
pertinents de l'exclusion bancaire au Cameroun.
31
Pour ce faire, nous utiliserons les données
présentées au point suivant.
32
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
I.2- L'analyse descriptive des données
Les données en notre possession sont issues de la base
de données Global Financial Inclusion (Global Findex Database)
construite par la Banque Mondiale avec pour triple objectif de collecter des
informations sur les pratiques financières à travers le monde,
d'identifier les exclus bancaires et de mesurer continuellement l'impact des
politiques d'inclusion financière.
Ces données ont été collectées
dans le cadre d'une enquête menée par la Banque Mondiale en 2011
dans 148 pays différents24, auprès de 150 000
individus âgés d'au moins 15 ans. L'enquête était
menée à travers des interviews directes ou
téléphoniques en fonction du degré de couverture
téléphonique de chaque pays.
La base renseigne sur les éléments
ci-après : le nombre de personnes détenant un compte bancaire ;
le nombre de personnes détenant une carte de paiement ; ainsi que le
nombre de personnes ayant bénéficié d'un crédit
auprès d'une institution financière, d'un parent ou d'une autre
source au cours des 12 mois précédents l'enquête.
Cependant, elle ne donne que les raisons pour lesquelles un
individu est privé de compte ou de carte de paiement sans expliquer
réellement l'exclusion du crédit. C'est pour cette raison que
nous ne retenons que les deux indicateurs d'exclusion bancaire
préalablement énoncés.
Deux types de variables seront mobilisés dans le cadre de
notre modélisation :
- les variables endogènes :
ce sont celles qui captent l'exclusion
bancaire. il s'agit notamment de la
détention d'un compte et de la détention d'une carte de paiement.
C'est deux variables sont notées EXCLU1 et
EXCLU2, c'est-à-dire la probabilité qu'un
individu soit exclu.
Ainsi, la variable dichotomique EXCLU1 prend
la valeur « 1 » si l'individu considéré détient
effectivement un compte bancaire et « 0 » sinon. Il est de
24 Le Cameroun fait partie de cet
échantillon. La liste exhaustive des pays concernés par
l'enquête est jointe en annexe.
33
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
même pour la variable EXCLU2. Elle est
égale à « 1 » si l'individu considéré
possède une carte de paiement et « 0 » sinon ;
- les variables exogènes :
comme nous l'avons vu plus haut, la règlementation, et les
stratégies commerciales des banques favorisent l'exclusion bancaire.
Toutefois, les contraintes relatives aux données nous amènent
à nous limiter à trois variables explicatives, les exigences
documentaires et la sélection de clientèle captée par les
critères « richesse » et « âge ».
L'ensemble des variables explicatives et leurs
définitions sont présentées dans l'encadré
ci-dessous :
Encadré 2.1 : présentation et
définition des variables exogènes
DOCUMENTATION : représente
les exigences documentaires ;
AGE : capte les effets de
réputation auprès des banques. Elles se fondent sur le
critère âge pour le déterminer ;
richesse : représente la
capacité d'un individu à pouvoir payer les frais
bancaires.
Source : auteur.
SECTION II- L'estimation du modèle et
l'interprétation des résultats
La présente section se subdivise en deux sous-parties :
la première est consacrée à l'estimation du modèle
et la seconde porte sur l'interprétation des résultats.
II.1- L'estimation du modèle mesurant l'exclusion
bancaire par la détention d'un compte bancaire
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les
résultats sont présentés dans le tableau suivant :
34
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Tableau 2.1 : résultats de l'estimation du
modèle relatif à la détention d'un compte
bancaire.
variable endogène EXCLU1
|
variables exogènes
|
Coefficients
|
p-value
|
Significativité
|
documentation
|
0,27569
|
0.000
|
1%
|
âge
|
0.243379
|
0.000
|
1%
|
Richesse
|
0,00793
|
0,09
|
10%
|
Logistic regression
|
Nombre d'observations
|
1000
|
|
LR chi2(3)
|
39.19
|
|
Prob > chi2
|
0.0000
|
Log likelihood = -141,3398
|
Pseudo R2
|
0.1218
|
Source : calculs de l'auteur.
La qualité du modèle est évaluée
par le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic), lequel suit une loi de
khi-deux à K degrés de liberté. C'est une procédure
qui se rapproche du test de significativité global de Wald. Le nombre de
degrés de liberté est égal au nombre de variables
explicatives, 3 dans le cas présent.
Les hypothèses de ce test sont les suivantes :
H0 : f31= f32 = ... = f3k = 0 contre H1 : il existe au moins un
f3i ? 0.
La règle de décision est telle que H1 est
acceptée si la statistique calculée est supérieure
à la probabilité de la LR statistic.
Dans notre cas, étant donné que la valeur
trouvée 39,19 est manifestement supérieure à celle de la
probabilité du rapport de vraisemblance, on accepte H1, ce qui revient
à dire que le modèle est globalement significatif.
Par ailleurs, la qualité de la régression est
analysée par le Pseudo R2 de Macfadden (1973), utilisé
pour quantifier la contribution des descripteurs dans l'explication de la
variable endogène. Nous retenons celui de Macfadden car Ménard
35
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
(2013) suggère qu'il est, non seulement le plus proche du
coefficient de détermination de la régression linéaire
multiple, mais aussi le plus adapté à la régression
logistique.
Toutefois, le R2 des modèles logit prennent
généralement des valeurs proches de 0, ils tendent difficilement
vers 1. On ne saurait donc réellement les prendre en
considération pour évaluer la qualité du modèle.
Pour cette raison, nous faisons appel à la ROC (Receiver
Operating Characteristics) associée au modèle. Elle est
présentée par le graphique suivant
Graphique 2.1 : Courbe ROC associée à la
détention d'un compte bancaire.
Source : calculs de l'auteur.
On désigne par sensibilité (sensivity), la
proportion d'individus possédant un compte bancaire et par
spécificité (specificity), la proportion d'individus n'en
possédant pas. Si l'on fait varier la probabilité seuil à
partir de laquelle on considère qu'un événement doit
être considéré comme positif, la sensibilité et la
spécificité varient.
36
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
L'aire en-dessous la courbe (ou Area Under the Curve - AUC)
est un indice synthétique calculé pour les courbes ROC.
Habituellement, on considère que la régression est de bonne
qualité dès lors que la valeur de l'AUC est supérieure
à 0.5. Un modèle ayant une valeur AUC supérieure à
0.9 est excellent.
A l'observation du graphique ci-dessus, la valeur de l'AUC est
de 0,7482. On peut donc n conclure que l'ajustement est de bonne
qualité.
Les tests sus effectués visaient à juger de
l'adéquation du modèle. Etant donné que tous les
résultats étaient favorables, on peut dire du modèle qu'il
est adéquat : les variables exogènes choisies contribuent
significativement à expliquer la détention d'un compte
bancaire.
Il convient de présenter les résultats de
l'estimation proprement dits.
Les valeurs numériques des coefficients
présentés dans le tableau 2.1 n'ont pas d'interprétation
directe. En revanche, leur signe renseigne sur la manière dont elles
influencent l'exclusion bancaire. Ainsi, un signe positif signifie que
l'exclusion bancaire est une fonction croissante de la variable explicative
concernée, tandis qu'un signe négatif implique le contraire.
Dans le tableau 2.1, on observe que tous les coefficients sont
précédés d'un signe positif, ce qui signifie qu'il existe
une corrélation positive entre la probabilité de détenir
un compte d'une part, et la documentation, l'âge, la richesse d'autre
part.
Ces résultats sont significatifs et appellent les
commentaires suivants :
- s'agissant des exigences documentaires, le
signe positif obtenu implique que la probabilité pour un individu de
détenir un compte bancaire est une fonction croissante des exigences
documentaires. Autrement dit, plus un individu est capable de fournir
l'intégralité des pièces requises pour accéder aux
services bancaires, plus forte est la probabilité qu'il détienne
un compte ;
- de même, le signe positif du
coefficient de l'âge implique que la probabilité de détenir
un compte augmente avec l'âge. Ce résultat confirme que les
personnes
37
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
âgées, en raison de la réputation qu'elles
se sont forgées grâce aux relations de clientèle, sont
préférées par les banques au détriment des jeunes
qui doivent encore faire leurs preuves ;
- pour ce qui est de la richesse, le signe
positif du coefficient traduit que la probabilité de détenir un
compte bancaire est une fonction croissante de la richesse. Ce résultat
est conforme à nos attentes ; car, du point de vue des banques, plus un
individu est riche, plus forte est sa capacité à payer les frais
bancaires. La prise en compte de ce critère augmente alors la
probabilité qu'il détienne un compte bancaire ;
Enfin, les odds-ratios associés à ce modèle
sont synthétisés dans le tableau ci-
après :
Tableau 2.2 : odds-ratios associés à la
détention d'un compte bancaire.
Variable endogène
EXCLU1
|
variables exogènes
|
Odds Ratio
|
p-value
|
Significativité
|
documentation
|
0,43502
|
0.0220
|
2%
|
Age
|
0.1275552
|
0.0000
|
1%
|
Richesse
|
0, 193
|
0,0312
|
3%
|
Source : calculs de l'auteur.
Ces ratios ou rapports de chance permettent d'identifier les
variables explicatives les plus pertinentes et donc, celles sur lesquelles il
convient d'agir prioritairement pour réduire l'exclusion bancaire.
On peut interpréter ces résultats comme suit :
- la documentation affecte de 43,5% la
probabilité pour un individu de détenir un compte bancaire ;
- la probabilité pour un individu de
détenir un compte bancaire est 12,75 fois plus élevée pour
un individu dont l'âge est relativement avancé ;
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
- s'agissant du critère richesse, la
probabilité de détenir un compte bancaire est 19,3 fois
élevée pour un individu capable de supporter le coût des
services bancaires.
En fin de compte, du côté de l'offre, la
probabilité de détenir un compte bancaire est plus forte est
positivement corrélée à la documentation, la richesse et
l'âge. Si l'on se réfère aux odds ratios, la variable la
plus pertinente pour expliquer l'exclusion du compte est la documentation.
II.2- L'estimation du modèle mesurant l'exclusion
bancaire par la détention d'un compte bancaire
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les
résultats sont présentés dans le tableau suivant :
Tableau 2.3 : Estimation du modèle relatif
à la détention d'une carte de paiement.
Variable endogène
EXCLU2
|
variables exogènes
|
Coefficients
|
p-value
|
Significativité
|
Documentation
|
-0.015037
|
0.0220
|
2%
|
Age
|
0.1808233
|
0.048
|
5%
|
Frais
|
0,007504
|
0,0702
|
7%
|
Logistic regression
|
Nombre observations
|
1000
|
|
LR chi2(3)
|
5.70
|
|
Prob > chi2
|
0.0580
|
Log likelihood =-100,72679
|
Pseudo R2
|
0.0275
|
Source : calculs de l'auteur.
La qualité du modèle est évaluée par
le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic). Cette statistique suit une
loi de khi-deux à trois degrés de liberté.
On pose les hypothèses du test ainsi qu'il suit :
38
H0 : f31= f32 = ... = f3k = 0 contre H1 : il existe au moins un
f3i ? 0.
39
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Suivant la règle de décision, on accepte H1 car
la statistique calculée est supérieure à la
probabilité de la LR statistic (5,70 > 0,0580). On conclut que le
modèle est globalement significatif.
En outre, le Pseudo R2 de Macfadden est
utilisé pour quantifier la contribution des descripteurs dans
l'explication de la variable endogène. Dans notre cas on a :
RMF= 0.0275
2
Ce résultat est généralement observé
pour les modèles logit, le R2 de Macfadden tend difficilement
vers 1. On ne saurait donc réellement le prendre en considération
pour évaluer la qualité de l'ajustement.
C'est pourquoi, on recourt souvent à la courbe ROC
(Receiver Operating Characteristics). Celle du présent modèle est
donnée par le graphique ci-dessous :
Graphique 2.2 : Courbe ROC associée à la
détention d'une carte de paiement.
Source : calculs de l'auteur.
Sur ce graphique, on observe que la valeur de l'AUC est
égale à 0,6112 ; ce qui signifie que l'ajustement est de bonne
qualité.
40
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Les tests sus effectués étant concluants, on
peut dire du modèle qu'il est adéquat : les variables
exogènes choisies contribuent significativement à expliquer
l'exclusion liée à la détention d'une carte bancaire.
Forts de ces acquis, nous pouvons à présent
procéder à l'interprétation des résultats de
l'estimation.
A l'observation du tableau 2.3, les signes des coefficients
associés à la richesse et à l'âge sont positifs,
tandis que le coefficient associé à la variable documentation est
négatif. On peut donc dire qu'il existe une corrélation positive
entre la probabilité de détenir une carte de paiement d'une part,
et l'âge et la richesse d'autre part. En revanche, il existe une
corrélation négative entre la probabilité de
détenir une carte de paiement et la documentation.
Ces résultats appellent les interprétations
suivantes :
- la probabilité de détenir une
carte est une fonction croissante de l'âge. Autrement dit, la
probabilité de détenir une carte augmente à mesure que
l'âge s'avance. Ce résultat rejoint l'idée selon laquelle
les clients s'étant forgés une bonne réputation dans une
banque ont une plus forte probabilité d'obtenir des produits bancaires
;
- en ce qui concerne la richesse, plus elle
s'accroit et plus la probabilité de détenir une carte de paiement
augmente. Ces résultats sont conformes à nos attentes, car il est
admis dans la littérature que les frais associés à la
détention d'une carte sont élevés. Ils peuvent aller
jusqu'à 20.000 francs par an dans certaines banques camerounaises. Un
tel produit n'est alors qu'à la portée des riches.
- Le signe négatif associé
à la documentation signifie que la probabilité de détenir
une carte est une fonction décroissante de cette variable
exogène. En d'autres termes, plus un individu est capable de remplir les
exigences documentaires, moins la probabilité de détenir une
carte de paiement est forte. Ce résultat est semblable à celui
trouvé par (Allen et al. , 2012) et contraire à nos
41
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
attentes, car la littérature économique nous
enseigne que les banques privilégient plutôt les individus
capables de remplir les exigences documentaires.
Pour finir, tableau ci-dessous présente les odds-ratios de
ce modèle : Tableau 2.4. : odds-ratios associés
à la détention d'une carte de paiement.
Variable endogène EXCLU2
|
variables exogènes
|
Odds Ratio
|
p-value
|
Significativité
|
Documentation
|
0,56120
|
0.0420
|
4%
|
Age
|
0.23251
|
0.0550
|
5%
|
Richesse
|
0, 2184
|
0,3312
|
Non
|
Source : calculs de l'auteur.
On peut interpréter ces résultats ainsi qu'il suit
:
- la probabilité de détenir une
carte de paiement est 56,12 fois plus élevée pour un individu
capable de remplir les exigences documentaires formulées par les banques
;
- la probabilité de détenir une
carte de paiement est 23,25 fois plus élevée pour une personne
riche ;
- enfin, pour un individu dont l'âge
est suffisamment avancé, cette probabilité est 21,84 fois plus
grande que pour un individu jeune.
Au total, la détention d'une carte de paiement est
positivement et significativement influencée par la richesse et
l'âge. En revanche, la mise en cause des exigences documentaires comme
favorisant l'exclusion des moyens de paiement, n'est pas statistiquement
confirmée.
Toutefois, les rapports de chance font apparaître que
cette dernière caractéristique institutionnelle est la plus
pertinente pour expliquer l'exclusion liée à la détention
d'une carte de paiement, ce qui suggère qu'on devrait prioritairement
mettre en oeuvre des politiques visant à réduire les exigences
documentaires.
42
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION
Ce chapitre avait pour objet d'identifier les causes de
l'exclusion bancaire au Cameroun, à l'aide d'une analyse empirique. Pour
ce faire, nous avons effectué une régression logistique sur la
base d'un modèle inspiré des travaux d'Allen et al. (2000).
Nous avons utilisé des données relatives au
Cameroun, issues de la base GLOBAL FINDEX (2011) conçue par la Banque
Mondiale pour mesurer l'exclusion bancaire à travers le monde. La
disponibilité des informations et les conclusions de l'étude
d'Allen ont guidé le choix des variables explicatives.
Au terme de l'estimation économétrique, nous
avons trouvé conformément aux prédictions
théoriques que, du côté de l'offre, l'exclusion liée
à la détention d'un compte bancaire est une fonction
décroissante de la richesse, de l'âge et de la documentation ;
Tandis que, l'exclusion liée à la détention d'une carte de
paiement est une fonction décroissante de l'âge et de la
richesse.
Autrement dit, la probabilité pour qu'un individu se
voie ouvrir un compte dans une banque augmente avec l'âge, la richesse et
la documentation. Pour ce qui est de la probabilité pour qu'un individu
se fasse délivrer une carte de paiement, elle augmente avec l'âge
et la richesse.
En outre, la documentation est la variable la plus pertinente
pour expliquer les deux formes d'exclusion sus mentionnées, ce qui nous
permet de conclure que toutes mesures visant à alléger les
exigences documentaires associées à la détention d'un
compte bancaire ou d'une carte de paiement contribueraient à
réduire significativement l'exclusion bancaire au Cameroun.
43
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
L'objet de cette partie était d'identifier les causes
de l'exclusion bancaire du côté De l'offre de services
bancaires.
Une revue de la littérature conséquente a alors
permis d'identifier la réglementation du secteur bancaire et certaines
stratégies commerciales des établissements de crédit comme
facteurs explicatifs de l'exclusion bancaire au Cameroun.
S'agissant de la réglementation du secteur bancaire,
deux de ses aspects ont été mis en cause : les effets pervers de
la non rémunération des dépôts à vue, en
contrepartie de la gratuité de la tenue de compte, et la
détermination arbitraire des services bancaires.
Si le premier aspect a pour effet pervers l'augmentation des
tarifs des autres services bancaires et la mise sur pied de nouveaux produits,
le second aspect en revanche met en lumière un laxisme dans la
détermination des frais bancaires. Il est observé que les prix
pratiqués par les banques ne sont pas uniformes. C'est par exemple le
cas du montant initial exigé pour l'ouverture d'un compte
d'épargne, lequel varie d'une banque à l'autre.
En ce qui concerne les politiques commerciales des banques, il
a été montré qu'elles sont élaborées dans
l'unique objectif de maximiser leur profit, sans tenir compte des
difficultés qu'elles engendrent pour les clients. C'est le cas du
redlining, de la sélection de clientèle et des pratiques
consistant à rentabiliser les difficultés des clients.
Sur la base de ces acquis théoriques, une
évaluation empirique subséquente a permis de déterminer
les facteurs les plus pertinents statistiquement pour expliquer l'exclusion
bancaire du point de vue de l'offre. A cet effet, une régression
logistique a été effectuée sur modèle logit. Deux
indicateurs d'exclusion ont été retenus : la détention
d'un compte bancaire et la détention d'une carte de paiement. La
disponibilité des données a régi le choix des variables
explicatives qu'étaient la richesse, l'âge et la documentation.
44
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Les résultats trouvés permettent de conclure que
:
- l'exclusion bancaire liée à la détention
d'un compte bancaire est une fonction décroissante de la richesse, de
l'âge et des exigences documentaires.
- l'exclusion bancaire liée à la détention
d'une carte de paiement est une fonction décroissante de l'âge et
de la richesse. En revanche, les exigences documentaires n'affectent pas
significativement cette forme d'exclusion bancaire.
Pour finir, les rapports de côte calculés à
la suite de l'estimation permettent d'affirmer que les deux niveaux d'exclusion
sont plus sensibles aux exigences documentaires.
45
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
DEUXIEME PARTIE :
L'IDENTIFICATION DES FACTEURS DU COTE DE LA DEMANDE
: LES CAUSES DE L'EXCLUSION BANCAIRE
46
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE
Phénomène extrêmement complexe,
l'exclusion bancaire affecte la vie sociale et économique des personnes
qui y sont confrontées. Si une grande part de responsabilité en
cette matière incombe aux offreurs de services bancaires, une bonne
compréhension des mécanismes de ce phénomène
commande de creuser du côté de la demande.
En effet, selon qu'elles sont favorables ou non, les
opportunités qui précèdent la naissance des individus
influent de façon significative sur leur devenir, en termes
d'espérance de vie, de qualité d'éducation et
d'accès aux soins de santé, de mode de vie et de logement etc.
Ces caractéristiques liées aux catégories sociales ont des
conséquences économiques concrètes : probabilité
plus élevée d'être au chômage, d'avoir un faible
revenu, voire d'être financièrement exclu.
Or, ces barrières financières constituent un
maillon déterminant de l'accès aux services bancaires. La
nécessité et la possibilité de faire usage de ces derniers
est en effet tributaire de la possession d'un minimum de richesses. Il en
découle que les personnes déjà victimes d'un certain
nombre d'inégalités se voient en plus privées de
l'accès aux services bancaires. Le lien entre pauvreté et
exclusion bancaire devient alors évident : les deux s'engendrent
mutuellement, formant ainsi un cercle vicieux (Gloukoviezoff, 2010).
L'objet de cette partie est de recenser les
déterminants sociodémographiques et économiques de
l'exclusion bancaire au Cameroun. Pour ce faire nous procédons à
une analyse en deux chapitres : le premier consiste à identifier dans la
littérature les causes de l'exclusion bancaire qui pourraient être
rattachées à la demande tandis. Le second quant à lui,
consiste en une évaluation empirique des facteurs préalablement
identifiés, en vue d'en retenir les plus pertinents dans le contexte
camerounais.
47
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CHAPITRE 3 : LA RECENSION THEORIQUE DES FACTEURS LIES A
LA DEMANDE DES SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Il est établi dans la littérature que
l'accessibilité des particuliers aux produits bancaires dépend
d'un ensemble de caractéristiques sociodémographiques et
économiques qui leur sont intrinsèques. Celles-ci sont à
leur tour rattachées au contexte national qui peut amplifier ou
amoindrir les mécanismes de l'exclusion bancaire.
Dans le cas du Cameroun, le contexte national, marqué
par un fort taux de pauvreté monétaire25 et un faible
degré de pénétration financière, constitue
d'entrée de jeu un important handicap. Gulde et al. (2006) montre en
effet l'existence d'une étroite corrélation entre l'exclusion
bancaire d'une part, et le taux de pauvreté et le revenu par habitant
d'autre part.
Accablée par des inégalités sociales et
affectée par la pauvreté, une grande partie des ménages
est alors maintenue à l'écart du système bancaire ou
bénéficie d'un accès inapproprié aux services
bancaires. Elle se trouve ainsi privée de toute possibilité de se
constituer une épargne officielle et d'investir dans l'éducation,
le logement ou des projets porteurs.
L'objet de ce chapitre est d'identifier les barrières
socio-économiques qui sont à l'origine de l'exclusion bancaire
dans ce pays. Pour ce faire, il se subdivise en deux sections : la
première est consacrée à la recension des barrières
sociodémographiques et la seconde met en exergue l'impact négatif
de la pauvreté monétaire sur l'accès aux services
bancaires.
SECTION I : les barrières sociales : un frein
à l'accès aux services bancaires
De par leur impact sur les conditions de vie des individus,
certaines caractéristiques sociodémographiques peuvent prohiber
l'accès ou l'usage des services
25 Selon l'INS, ce taux était de 40% en 2007.
48
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
bancaires. Par ailleurs, certaines personnes font
elles-mêmes le choix de rester en dehors du système bancaire pour
des raisons personnelles ou suite à de mauvaises expériences
bancaires.
Cette section présente d'une part, les
caractéristiques sociodémographiques qui influencent l'exclusion
bancaire et, d'autre part elle analyse le cas de l'auto exclusion sus
évoqué.
I.1- La prise en compte des caractéristiques
sociodémographiques
Ces caractéristiques rentrent inéluctablement en
ligne de compte dans le processus d'identification des causes de l'exclusion
bancaire. La théorie économique, permet d'identifier plusieurs
caractéristiques individuelles qui entravent l'accès des
particuliers à l'accès des services bancaires. Il s'agit entre
autres de l'âge, du genre, de la religion etc.
I.1.1- La mise en exergue de l'impact de
l'âge
La littérature économique fait état d'un
lien entre l'âge et l'exclusion bancaire : deux catégories de
personnes seraient alors les plus exposées à ce
phénomène, notamment les plus jeunes et les personnes du
troisième âge. Plus exactement, les individus dont l'âge est
exclu de l'intervalle [25-64 ans] ont davantage tendance à être
financièrement exclus (Allen, Demirguc-kunt, Klapper et Péria,
2012).
S'agissant des individus ayant moins de 25 ans, ils sont pour
la plupart financièrement exclus parce qu'ils ne remplissent pas la
condition d'âge légale, nécessaire pour pouvoir
accéder aux services bancaires. En effet, il existe dans tous les pays,
une loi fixant l'âge minimum requis pour pouvoir prétendre
à l'usage des services bancaires. En général, cet
âge est égal à la majorité civile, qui oscille pour
la plupart entre 18 et 21 ans.
Cependant ces individus ne ressentent pas tous
nécessairement le besoin de recourir aux services financiers car
étant encore sous la responsabilité d'un parent ou utilisant les
services bancaires de façon indirecte à travers un membre du
ménage.
49
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Pour ce qui est de l'exclusion de certains
sexagénaires, voire des personnes encore plus âgées, elle
peut s'expliquer par trois raisons :
- Premièrement, elle provient du fait qu'une grande
partie de cette cohorte appartient à la « cash only generation
» (Kempson et Whiley, 1999). Autrement dit, elle a essentiellement
vécu à une époque où les sociétés
étaient moins financiarisées que de nos jours ;
- deuxièmement, le départ en retraite est
souvent synonyme de variation à la baisse des ressources
financières et, pour certains, d'installation en campagne où le
coût de la vie est réputé plus faible qu'en zone urbaine.
Dès lors, le recours aux services bancaires suppose pour les personnes
concernées de pouvoir braver des barrières aussi bien
financières que physiques ;
- troisièmement, la santé devient plus fragile
à mesure qu'on prend de l'âge. La probabilité de survenue
de dysfonctionnements (liés à la vue, à l'ouïe,
à la mobilité etc.) est alors plus forte et presque
inévitable. Ces difficultés rendent plus complexe l'usage des
services bancaires.
On peut représenter l'influence de l'âge sur
l'exclusion bancaire peut être représentée graphiquement
comme suit :
Graphique 3.1 : influence de l'âge sur
l'exclusion bancaire.
MOINS DE 24 ANS
25ANS 25-64 ANS 64 ANS 65 ANS ET
PLUS
exclusion bancaire
Source : auteur.
50
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Le graphique montre que l'exclusion bancaire frappe
particulièrement les personnes âgées de moins de 24 ans et
de plus de 65 ans. A contrario, pour les individus dont l'âge est compris
dans l'intervalle [25 ans - 64 ans], la probabilité d'être exclu
est beaucoup plus faible, car cette tranche d'âge correspond à la
phase active de la vie. Durant cette phase, il est possible d'exercer un
métier qui leur permettra de dégager des flux de revenus
réguliers, qui comme on l'a vu plus haut constituent le plus important
des critères de sélection de clientèle.
I.1.2- L'analyse du phénomène selon le
genre, l'origine ethnique et la religion
La prise en compte du genre fait ressortir que les femmes ont
plus tendance à être exclues que les hommes. Les écarts
liés au niveau d'instruction, laquelle joue un rôle clé sur
la possibilité de décrocher un emploi décent, constituent
la clé de compréhension de cet état des choses. A
l'échelle mondiale, 55% des hommes possèdent un compte en banque,
contre 47% de femmes seulement (Demirgüc-Kunt et Klapper, 2012).
Une autre raison avancée pour expliquer cette
réalité tient au fait que certaines femmes utilisent
indirectement les services bancaires à travers l'ouverture d'un compte
commun avec leur époux. En outre, les violences
économiques26, parfois encouragées par la
règlementation, constituent également une entrave aux services
financiers pour les femmes, notamment lorsqu'elles prennent la forme
d'obligation d'obtenir l'autorisation de leur conjoint pour pouvoir ouvrir un
compte en banque ou effectuer des transactions financières (ONU,
2009).
S'agissant de la culture, qui renvoie à un ensemble de
données acquises et transmises à l'intérieur d'un groupe
social, elle exerce sur l'exclusion bancaire une
26 Les femmes ont toujours eu un statut
inférieur aux hommes et sont souvent victimes de discriminations et de
violences de différents ordres. Ainsi, si les discriminations
revêtent surtout la forme de lacunes juridiques et institutionnelles ou
encore de mesures discriminatoires nourries par les traditions, les violences
en revanche peuvent être aussi bien physiques, sexuelles
qu'économiques. S'agissant de ces dernières, elles renvoient au
contrôle du salaire, à l'interdiction de mener une activité
lucrative ou d'ouvrir un compte en banque, ainsi que la privation des moyens ou
de biens (Organisation des Nations Unies, 2009).
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
grande influence à travers deux composantes : l'origine
ethnique et la religion, précisément dans un contexte très
conservateur.
Certaines ethnies vivent repliées sur elles-mêmes
et, jalouses de leur héritage culturel, interdisent à leurs
ressortissants flirtent tout contact avec les dérivés de la
mondialisation, au rang desquels les services bancaires. Il s'agit là
d'un choix personnel, d'une exclusion recherchée qui ne pose pas
véritablement de problème.
Par contre, dès lors que le repli-sur-soi est la
conséquence d'une discrimination à l'encontre d'un groupe
ethnique, tribal ou racial, nous sommes en présence d'exclusion
bancaire. Si cette forme d'exclusion financière est rencontrée au
Royaume-Uni (Kempson, 2000), au Cameroun aucun cas n'est rapporté
à notre connaissance.
Dans le même ordre d'idées, des religions telles
que l'islam s'opposent aux pratiques financières donnant lieu à
la perception d'intérêt, notamment l'usure (Collard et al, 2001).
Elles jettent alors l'opprobre sur l'usage des services bancaires. Or, la
raison d'être des banques est de réaliser des profits à
travers leurs rôles d'intermédiaires financiers qui consistent
à percevoir d'intérêts en contrepartie des fonds
prêtés. Ces taux appliqués au crédit sont d'ailleurs
une fonction croissante du niveau de risque de l'emprunteur.
I.1.3- La prise en compte du lieu de résidence,
du niveau d'instruction et du secteur socioprofessionnel
S'agissant du lieu de résidence, elle constitue un
facteur déterminant que l'on peut mesurer par le degré de
proximité des agences bancaires. Ainsi, résider en milieu urbain
ou en milieu rural, peut être un atout ou constituer un handicap. A
l'observation, les zones rurales sont moins fournies en infrastructures
bancaires, ce qui oblige les villageois à parcourir de longues distances
pour effectuer des transactions bancaires.
51
Le graphique ci-contre présente la densité bancaire
du Cameroun.
52
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique 3.2 : densité bancaire du
Cameroun
ouest : 7,37%
Grand Nord : 9,67%
Nord-ouest/Sud-ouest : 14,74% Centre/Sud/Est : 28,57% Littoral :
39,63%
Source : Conseil National du
Crédit, BEAC, janvier 2014.
Sur ce graphique, on peut voir que sur un total de 217 agences
que compte le Cameroun à la date sus indiquée, les régions
de l'Ouest et du Grand Nord27 (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord)
n'en possèdent respectivement que 16 et 32. Cela s'explique, entre
autres, par le fait que la pauvreté est un «
phénomène rural » dans ce pays (Fambon, 2005/1). Les banques
ne trouvent aucun intérêt à s'y installer.
En fin de compte, il est plus avantageux de résider en
milieu urbain car les villes sont relativement bien pourvues en infrastructures
bancaires et les distances à parcourir pour y accéder sont moins
longues et moins pénibles que lorsqu'il faut partir de la campagne.
Pour ce qui est de l'éducation, plusieurs travaux
démontrent l'existence d'une corrélation négative entre
cette variable et l'exclusion bancaire : plus un individu est instruit, plus
fortes sont ses chances d'être bancarisé. Selon Allen,
Demirguc-kunt, Klapper et Peria (2012), les adultes avec un niveau
d'éducation tertiaire ont en moyenne deux fois plus de chances de
détenir un compte bancaire. En revanche, ceux n'ayant
27 Le Grand Nord est lui-même composé de
trois régions, à savoir le Nord, l'Extrême-Nord et
l'Adamaoua.
53
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
reçu absolument aucune éducation ou ayant
quitté le système éducatif précocement, sont
généralement plus en proie à l'exclusion bancaire
(Anderloni, Bayot, Bledowski, Iwanicz-Drozdowska et Kempson, 2008).
Le système éducatif joue un rôle majeur
dans l'édification d'un système bancaire plus inclusif, notamment
à travers la culture financière qu'il permet d'inculquer aux
individus (Kempson, 2000) et les débouchés qu'il leur offre en
termes d'emploi28.
Cela tient au fait que l'instruction est réputée
faciliter :
- d'une part la compréhension de l'importance des
banques au plan socioéconomique (les banques mettent à
disposition des produits (constitution d'une épargne, crédits
etc.) qui permettent, entre autres, de réaliser des projets, de faire
face à des aléas ;
- et d'autre part, l'usage des produits et des services que
proposent les banques. Le manque de culture financière donne lieu
à une « exclusion de l'intérieur », laquelle est la
caractéristique des personnes financièrement incluses mais qui ne
comprennent rien au fonctionnement des services et à l'usage des
produits proposés par les banques (Ebermeyer et al, 2003).
Par ailleurs, on pourrait apporter une explication
supplémentaire aux écarts liés à la densité
bancaire entre régions observés sur le graphique, par le fait que
les régions les plus désertes en infrastructures bancaires sont
également les moins alphabétisées. Avec les taux
d'alphabétisation et de scolarisation les plus faibles du pays en 2007,
les régions l'Extrême-Nord, le Nord et l'Adamaoua29
constituent difficilement des zones propices à l'émergence des
établissements bancaires. On comprend pourquoi seulement 9,7% des
agences bancaires camerounaises se retrouvent dans le Grand-Nord.
28 L'éducation offre des opportunités
d'emploi et donc des possibilités d'acquérir des ressources
financières, sans lesquelles il est impossible de prétendre
à l'usage des services bancaires.
29 En 2007, ces trois régions connaissaient
des taux d'alphabétisation de l'ordre de 28,3%, 40,7% et 42,4%
respectivement et des taux de scolarisation qui étaient de moins de 6
enfants sur dix inscrits à l'école (INS).
54
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Enfin, il convient de s'intéresser au secteur
professionnel, au niveau duquel des disparités sont observées
relativement à l'exclusion bancaire. En effet, la probabilité
d'être inclus varie selon qu'on exerce dans le secteur privé,
public ou informel. Les deux travailleurs des deux premiers secteurs ont une
plus forte vraisemblance à être inclus en raison de la
stabilité de l'emploi et de la régularité des revenus. A
contrario, la précarité et la forte incertitude qui
caractérise le secteur formel, n'est pas de nature à encourager
les banques à servir ceux qui y travaillent. Si l'on se
réfère au cas camerounais, c'est alors 92% de la population
active camerounaise qui serait exclue. En effet, la population active
camerounaise s'élevait à environ 8 millions d'individus en 2007
(INS) ; au même moment, le secteur informel concentrait 92% de la
population active occupée, contre 8% qui exerçaient dans le
secteur privé ou public.
I.2- L'analyse du cas particulier de l'auto exclusion
Selon Kempson (2001), l'auto exclusion ou exclusion volontaire
d'un processus par lequel une personne renonce à l'usage des services
bancaires. Ce serait la forme d'exclusion la plus répandue au
Royaume-Uni, ce qui dénote de son importance et de la
nécessité d'en cerner les mécanismes.
La même source distingue alors trois cas de figure :
- il existe d'abord des situations dans lesquelles un individu
décide de n'avoir aucun contact avec les prestataires de services
bancaires pour des raisons autres qu'économiques, sociales, culturelles
etc. (Banque Mondiale, 2009). Compte tenu du fait que cette forme d'auto
exclusion émane réellement d'un choix personnel, elle ne pose pas
réellement de problème d'accès aux services financiers
(Beck et De La Torre, 2006) ;
- ensuite, dans d'autres cas l'auto exclusion est la
résultante de difficultés d'usage rencontrées dans la
relation bancaire, lesquelles engendrent une réduction progressive des
services auxquels un client a accès. Si les difficultés
persistent, alors ce dernier peut choisir une mise en retrait totale ;
- enfin, l'auto exclusion peut être la
conséquence d'un accident de la vie (dégradation de la situation
professionnelle ou familiale) ayant un grand
55
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
impact sur la situation financière de la victime, et
affectant donc sa capacité-même à supporter les frais
liés à l'usage des produits bancaires ou ses facultés
physiques et mentales (Kempson et Whiley, 1999).
Il convient de souligner que l'exclusion volontaire est
ancrée sur le degré de financiarisation de chaque
société. Ainsi, elle peut être totale ou partielle. Au
Royaume-Uni par exemple, ce processus peut aller jusqu'à une absence
totale de services bancaire ; tandis qu'en France, l'auto-exclusion ne peut
aller au-delà du renoncement aux moyens de paiement (cartes de paiement,
carte de crédit etc.) et aux services de découvert et de
crédit (Gloukoviezoff, 2005).
Le Cameroun se caractérisant encore par un faible
degré de financiarisation, il est tout à fait possible d'y
retrouver des cas d'auto exclusion totale. Ici, des barrières
psychologiques sont à l'oeuvre, notamment la méfiance envers le
système bancaire et le manque de culture financière (Leyshon et
al, 1998) qui favorisent alors la préférence pour une gestion
autonome.
II.2.1- La méfiance à l'égard des
institutions bancaires
Sapienza et Zingales (2009) expliquent ce sentiment de
méfiance par l'incertitude liée à l'avenir et la crainte
de la survenue des crises bancaires
En effet, l'incertitude est une caractéristique
intrinsèque de l'activité bancaire. Elle touche les
déposants à travers les asymétries d'information sur la
gestion de leurs avoirs en banque. Il leur est difficile de connaître le
degré de risque associé aux prêts adossés sur ces
avoirs. Ils perçoivent alors les banques comme des boîtes noires
dont le fonctionnement exact est difficile à maîtriser. Selon
Mishkin (2007), cette opacité des banques du peut engendrer
l'effondrement du système à travers des paniques et des faillites
bancaires.
En ce qui concerne les crises bancaires, elles se manifestent
souvent par l'impossibilité pour les banques d'honorer leurs engagements
envers les déposants. Le Cameroun connait des précédents
en la matière. En effet, le système bancaire camerounais a
été secoué par une crise au milieu des années 1980.
En dépit des mesures
56
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
prises par le Gouvernement, parmi lesquelles l'indemnisation
des déposants par le canal de la Société de Recouvrement
des Créances, une grande partie des clients n'a pas pu rentrer en
possession de son épargne. L'auto exclusion, totale ou partielle, peut
donc être motivée par la crainte de revivre une telle situation
II.2.2- La préférence pour une gestion
autonome
Elle est simultanément nourrie par la peur due à
la complexité de l'utilisation des services bancaires,
l'intériorisation des critères de sélection des banques et
la crainte liée aux expériences négatives (Gloukoviezoff,
2009). L'utilisation des services bancaires est en effet rendue complexe par le
vocabulaire technique et la dématérialisation du
budget30 qu'elle implique (Gloukoviezoff, 2005).
A ces raisons s'ajoute l'incompatibilité entre les
horaires d'ouverture des banques et la disponibilité des clients soumis
à des contraintes professionnelles. Il peut alors être difficile
particulièrement difficile, pour des clients privés de moyens de
paiement scripturaux, d'effectuer des retraits d'argent ou tout simplement de
rencontrer leur banquier bénéficier d'un conseil ou de tout autre
éclairage.
Dans le même ordre d'idées, la piètre
qualité du service au sein de certaines banques constitue une entrave
non négligeable. Très souvent, l'accueil réservé
aux clients est froid, les files d'attente sont longues et le personnel n'est
pas toujours disposé à donner des renseignements à ce qui
en demandent. Parfois, les procédures d'obtention d'une carte, d'un
crédit ou de retrait d'argent sont très longues.
Afin d'éviter tous ces désagréments,
certaines personnes préfèrent retirer leurs ressources du
système bancaire, en vue de les gérer de façon autonome.
Les plus tolérants conservent un compte courant pour la perception de
leur salaire, mais aussitôt que celui-ci y est viré, ils en
retirent la totalité en vue de la gérer personnellement. De la
sorte, ils se sentent également à l'abri des facturations et des
pratiques bancaires susceptibles de grever leur budget (Brunet, Robert et
Sigano, 2003).
30 La dématérialisation du budget
renvoie au passage d'une gestion physique de ses avoirs, à une gestion
dénuée de tout contact physique avec l'argent.
57
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
En plus des barrières sociodémographiques
à l'accès et à l'usage des services bancaires, il existe
des barrières financières que nous présenterons au point
suivant.
SECTION II: La pauvreté monétaire : un
important catalyseur de l'exclusion bancaire
Si la Banque Mondiale (1996) voit dans la pauvreté
aussi bien une carence en biens matériels qu'un accès
réduit à l'éducation et à la santé, le PNUD
(1998) quant à lui se réfère à l'insuffisance des
ressources et à l'absence d'opportunités qui permettraient au
peuple de jouir de conditions de vie décentes pour définir ce
phénomène (Benicourt, 2001)
Il existe un seuil de pauvreté retenue par la
communauté internationale. Selon celui-ci, est considérée
comme pauvre, toute personne vivant avec moins d'1,25 dollar américain
par jour. Cela revient à dire qu'est considérée comme
pauvre au Cameroun, toute personne vivant avec moins de 738 francs CFA, par
équivalent-adulte et par jour INS, 2007). Selon la même source et
à la même date, le taux de pauvreté monétaire
était de 40% dans ce pays qui comptait alors 17 millions d'habitant.
Ainsi près de la moitié de la population
camerounaise serait pauvre et incapable de supporter le coût des services
bancaires. Ces personnes disposant de moyens financier très
limitées, trouvent une issue de secours dans les fournisseurs
alternatifs de services financiers.
II.1- Les effets de la pauvreté monétaire sur
l'accès aux services bancaires
Ils sont appréhendés par l'absence de revenu
régulier et par les difficultés à supporter le coût
desdits services.
II.1.1- L'absence de revenu régulier
Nous avons vu dans le chapitre liminaire de notre étude
que la raison d'être des banques est de réaliser des profits. A ce
titre, tous les services qu'elles proposent ont un coût qui n'est
à la portée que des personnes possédant un minimum de
ressources financières et donc un revenu régulier et stable dans
le temps (Finscope survey, 2007).
58
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Dans cet ordre d'idées, la Banque Mondiale (2009)
indique dans le rapport « Banking the poor » que les personnes
pauvres sont exclues du système bancaire d'une part, parce qu'elles ne
disposent pas des ressources financières suffisantes pour ressentir la
nécessité d'y ; et d'autre part, parce qu'elles ne constituent
pas des clients suffisamment rentables pour les établissements de
crédit.
Selon l'ECAM III, le Cameroun la population active
camerounaise était de 10 millions d'habitants en 2007, avec seulement
586 319 habitants effectivement occupées dans les secteurs public et
privé formels. On présume que ces personnes disposent d'un revenu
mensuel contrairement aux 8 millions et demi restants, qui ne peuvent donc
prétendre à l'usage des services bancaires.
Toutefois, ce raisonnement est à relativiser car
certains travailleurs du secteur informel dégagent également
d'importantes ressources quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles ou suivant une
autre périodicité. Ceux-ci sont peut-être
financièrement inclus ou alors ils sont exclus pour d'autres raisons. En
outre, il ne suffit pas d'exercer dans le secteur privé ou public pour
être financièrement inclus. Là encore, il faut tenir
compte, d'une part du niveau du salaire, réputé faible dans le
secteur public ; et d'autre part de la nature du contrat dans le secteur
privée.
II.1.2- Les barrières financières
subséquentes
Le coût élevé des services bancaires est
réputé décourager leur usage, notamment dans des pays
aussi pauvres que le Cameroun. Ces coûts sont relatifs à :
- l'ouverture ou à l'entretien d'un compte
: alors que dans certains pays les frais y associés sont nuls,
dans les pays à faible revenu ils sont si élevés qu'ils
constituent un facteur décourageant. A titre illustratif, à la
BGFI BANK du Cameroun, il faut débourser un montant de 1.000.000 de
francs CFA à tire de dépôt initial lors de l'ouverture d'un
compte chèque. En outre, un montant minimum de 250.000 francs CFA y est
requis pour maintenir ce compte ouvert. A cela s'ajoutent les frais de tenue
bancaire qui, à la Standard Chartered Bank, peuvent aller jusqu'à
150.000 francs CFA hors taxes par an (BEAC, 2010) ;
59
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
- l'obtention des instruments de paiement :
si la délivrance des chèques est gratuite sur toute
l'étendue du territoire camerounais31, les coûts
associés à l'obtention des cartes de paiement y restent
élevés et peuvent aller jusqu'à 20.000 francs CFA par an
dans certaines banques ;
- l'obtention d'un crédit : outil
important pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté, le crédit
est paradoxalement d'avantage à la portée des personnes
financièrement aisées. Ceci tient aux conditions drastiques
à remplir pour pouvoir en bénéficier, relatives à
la documentation et aux collatéraux. Ces derniers qui, visent à
réduire la probabilité de défaillance de l'emprunteur et
limiter les pertes en cas de réalisation du risque, joue un rôle
décisif. Il est cependant accablant de constater que le niveau de
garanties requis par les banques est souvent supérieur au crédit
sollicité (Joseph, 2000). Au Cameroun, sur 6% de ménages ayant
demandé un crédit en 2007, seulement 2% ont obtenu une
réponse favorable. Il s'agissait pour la plupart de ménages non
pauvres. Parmi les raisons avancées pour justifier cet état de
chose, l'insuffisance des garanties arrive en premier (INS, 2007).
Les personnes disposant de ressources financières trop
limitées pour pouvoir accéder aux services bancaires, se tournent
vers les IMF ou recourent à des pratiques financières
informelles.
II.2- Le recours aux fournisseurs alternatifs de services
financiers
Selon Dunham (2001), il existe l'alternative du secteur non
bancaire pour les individus qui ne peuvent pas braver les barrières
à l'accès aux services bancaires. Au Cameroun, la microfinance et
les tontines constituent, à titre principal, cette alternative.
II.2.1- La ruée vers les institutions de
microfinance
La microfinance tire ses origines du microcrédit,
pratique élaborée dans les années 1970 par Mohammad Yunus
et qui consiste à accorder des prêts à des personnes
31 Voir en annexe l'article 3 de
l'arrêté du Ministre des Finances portant institution d'un service
bancaire minimum garanti.
60
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
très pauvres, ne remplissant pas les conditions
requises pour se financer auprès du circuit bancaire traditionnel.
L'objectif est de permettre à ces personnes de mener des
activités productives ou génératrices de revenus, dans
l'optique de les extirper de la misère.
Au fil du temps, cet outil d'intégration
socio-économique des couches défavorisées a vu sa gamme de
services s'élargir pour inclure désormais l'épargne,
l'assurance, les transferts d'argent etc.
La flexibilité, la simplicité des
procédures, la proximité et la bonne qualité des services
offerts par les IMF, en font l'expédient par excellence pour les
personnes mal servies du système bancaire classique.
Ces traits caractéristiques de la microfinance ne
laissent pas indifférentes la population camerounaise. La forte
densité des IMF sur le territoire national en constitue la preuve
palpable, ainsi que le montre le tableau suivant :
Tableau 3.1 : réseau des IMF du
Cameroun.
|
Centre- Sud-Est
|
Grand Nord
|
Nord- Ouest/ Ouest
|
Littoral/Sud- Ouest
|
Total
|
1ère catégorie
|
53
|
7
|
37
|
43
|
140
|
2ème catégorie
|
15
|
2
|
8
|
18
|
43
|
3ème catégorie
|
/
|
2
|
/
|
2
|
4
|
CAMCCUL
|
10
|
23
|
80
|
63
|
176
|
CMEC
|
/
|
/
|
27
|
/
|
27
|
CVECA
|
34
|
9
|
/
|
/
|
43
|
MUCADEC
|
6
|
/
|
/
|
/
|
6
|
Total
|
118
|
43
|
152
|
126
|
439
|
Source : MINFI, juin 2013.
61
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
A l'observation, les IMF sont effectivement présents
dans toutes les régions camerounaises. On observe cependant une
préférence pour le Centre-Sud-Est, le Littoral/Sud-ouest et le
Nord-Ouest, sûrement en raison de la forte demande émanant des
populations qui y vivent.
Par ailleurs, on observe que le nombre d'IMF implantées
au Cameroun est le double des agences bancaires y recensées. Ceci
confirme que les EMF s'appliquent à réduire au minimum les
barrières physiques à l'accès aux services financiers.
Cette place de choix qu'occupe la microfinance dans
l'économie camerounaise32 est également
confirmée par des statistiques collectées auprès du MINFI.
Ces dernières révèlent que l'offre de crédit par
les IMF s'élevait à 63,5 milliards de francs CFA au 31
décembre 201333. La ventilation de ces crédits par
secteurs d'activités est donnée par le graphique
ci-après.
32Si l'implantation de la microfinance au Cameroun
date du milieu des années 1960, on observe un important
développement de ce secteur au début de la décennie 1990.
Cela s'explique principalement par les faillites bancaires causées par
la crise économique des années 1980 qui a d'une part,
entamé la confiance des agents envers le système bancaire
traditionnel et d'autre part, amené les licenciés des banques
à se reconvertir dans la microfinance (Avom et Eyeffa, 2007). En outre,
cette expansion de la microfinance se justifie par la frilosité des
banques à financer l'économie au lendemain des restructurations
(Joseph, 2000).
33 Au même moment, le montant total de
crédits accordés par le système bancaire s'élevait
à 2264,5 milliards de francs CFA. La contribution des IMF au financement
de l'économie est peut-être encore marginale (les encours de
crédit des banques s'élevaient à 2 201 milliards de francs
CFA contre seulement 63,5 milliards pour les IMF), mais la croissance de ce
secteur semble prometteuse.
62
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique 3.3 : ventilation des crédits
octroyés par les EMF par secteurs d'activités
crédits aux commerçants 53,2% crédits
à la consommation 12% crédits à l'habitat 11,50%
crédits à l'agriculture 10,1% autres crédits
9,20%
crédits au secteur des services 3% crédits à
l'artisanat 0,60%
Source : MINFI, 2014.
II.2.2- Le recours à la finance informelle : le
cas des tontines
Au Cameroun, les tontines constituent la pratique
financière informelle la plus répandue. Cette pratique consiste
pour un groupe de personnes, unies par des liens amicaux, familiaux ou
professionnels, à se réunir à des périodes
d'intervalles réguliers afin de mettre en commun leur épargne
pour faire face à un problème ou réaliser un projet.
Selon Joseph (2000), deux types de tontines peuvent être
distingués au Cameroun :
? les mutuelles : dans ce cas, les sommes collectées
sont distribuées à tour de rôle suivant un ordre
négocié au préalable ou selon les priorités des
participants ;
? les enchères : dans cet autre cas, les sommes
collectées sont offertes au plus offrant.
Les tontines se caractérisent par des taux
d'intérêt débiteurs élevés, des conditions
d'adhésion souples et des règles de fonctionnement strictes. En
dépit du
63
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
niveau élevé des taux de remboursement, elles
restent plus attractives aussi bien pour les pauvres que les non pauvres, car
elles reposent sur la confiance mutuelle et la solidarité.
En outre, les asymétries d'information sont plus
faciles à gérer dans de telles associations car elles regroupent
des personnes qui se connaissent suffisamment pour se faire confiance. De plus,
l'usage des fonds y est plus facile à retracer et les
responsabilités sont rapidement établies en cas de
défaillance de l'un des membres.
CONCLUSION
L'objet de ce chapitre était d'identifier les facteurs
théoriques de l'exclusion bancaire du côté de la demande
des services bancaires.
Cette démarche nous a alors permis de recenser des
barrières aussi bien sociodémographiques, qu'économiques
qui entravent l'inclusion financière de la grande masse.
On peut retenir qu'au Cameroun, l'exclusion bancaire est
engendrée par :
- les barrières
sociodémographiques suivantes : l'âge, le genre, l'origine
ethnique, la culture, le niveau d'éducation, le lieu de résidence
et le degré de confiance dans les institutions bancaires ;
- les barrières économiques
relatives à l'absence de revenu régulier et au coût
élevé des produits et services proposés par les banques.
Ces barrières poussent les personnes pas ou mal servies à opter
pour l'alternative du secteur financier non bancaire, qu'il soit formel ou
non.
Les résultats ainsi trouvés feront l'objet d'une
évaluation empirique dans le chapitre suivant.
64
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CHAPITRE 4 : L'EVALUATION EMPIRIQUE DES FACTEURS LIES A
LA DEMANDE DE SERVICES BANCAIRE
INTRODUCTION
Le chapitre liminaire nous a permis de mettre en perspective
l'état du débat théorique sur les facteurs qui structurent
et modulent l'exclusion bancaire au Cameroun. Il en ressort que ces derniers
sont aussi bien d'ordre sociodémographique qu'économique.
Toutefois, l'on ne saurait se limiter à une approche
théorique pour affirmer que lesdits facteurs expliquent effectivement
l'exclusion bancaire au Cameroun. Ainsi, importe-t-il de confronter ces
éléments théoriques à la réalité des
faits à travers une évaluation empirique conséquente.
Pour ce faire, nous nous inspirons du modèle
logit34 simple utilisé par Allen, Demirguc-Kunt, Klapper et
Peria (2012) pour déterminer les causes l'exclusion financière
dans 123 pays, dont le Cameroun.
Dans leurs travaux, l'exclusion bancaire est mesurée
par trois indicateurs, à savoir : la détention d'un compte dans
une banque ou toute autre institution financière formelle, l'utilisation
de ce compte pour épargner et la fréquence mensuelle d'usage
dudit compte.
L'idée est de déterminer le niveau de
corrélation qui existe entre l'exclusion financière et un
ensemble de variables explicatives préalablement identifiées dans
la littérature. Ces variables comprennent des caractéristiques
institutionnelles (la stabilité politique, la protection des
consommateurs, la gouvernance etc) et individuelles (le coût des
services, les exigences documentaires, la distance, la confiance et la
pauvreté).
34 le choix du logit est guidé l'avantage
que possède ce modèle de générer des rapports de
chance, ceux-ci rajoutent de la certitude aux résultats de
l'estimation.
65
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
L'objectif de ce chapitre est donc d'évaluer,
grâce à l'approche d'Allen et al., (2012), l'influence de quelques
facteurs sociodémographiques et économiques sur l'exclusion
bancaire au Cameroun. Le choix desdits facteurs est régi uniquement par
la disponibilité des données.
Le présent chapitre s'articule autour de deux sections
parties : la première présente le modèle empirique et les
données ; la seconde porte sur l'estimation du modèle, la
présentation et l'interprétation des résultats.
SECTION I- La présentation du modelé et
des données de l'analyse
I.1- la présentation du modèle analytique
Le modèle utilisé par Allen et al. (2012) est le
suivant :
'
y ij* = x i j fl + z ' ij I +
8 ij
y ij = 1 si y1 * > 0
yij = 0 si *
yij < 0
Où i et j désignent
respectivement les pays et les individus, *
y1 ij est une variable
latente qui représente l'exclusion bancaire, xij
est un vecteur de caractéristiques institutionnelles, z1
ij est un vecteur de caractéristiques individuelles,
â et ã sont des
vecteurs de paramètres et å1ij est un
terme d'erreur normalement distribué, de moyenne nulle et de variance
égale à 1.
En estimant leur modèle par la méthode du
maximum de vraisemblance, ils arrivent au résultat selon lequel il
existe une corrélation entre l'exclusion financière d'une part et
l'âge, la pauvreté, l'éducation, le lieu de
résidence, le statut matrimonial et la confiance. Ces facteurs varient
en sens inverse de l'exclusion.
66
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Il convient d'apporter quelques précisions d'ordre
méthodologique avant de présenter le modèle analytique,
dans la mesure où notre approche diffère de celle sus
présentée en trois points.
D'abord, une différence est observée au niveau
du champ de l'étude. En effet, si les auteurs sus évoqués
étudient l'exclusion financière, qui est un concept beaucoup plus
large, nous nous limitons uniquement à l'exclusion du système
bancaire classique. Cela tient au fait que le système bancaire
camerounais est la seule composante opérationnelle du système
financier, les marchés financiers étant encore à un
état embryonnaire.
Ensuite, nous n'utilisons que deux indicateurs pour mesurer
l'exclusion bancaire. Si le premier est identique à celui retenu dans le
modèle de référence, le second en revanche est
différent. Ce second indicateur est la détention d'une carte de
paiement35.
Enfin, notre étude est menée dans un seul pays :
le Cameroun. Par ailleurs, compte tenu du fait que dans cette partie de notre
travail nous nous intéressons uniquement à l'impact des
caractéristiques individuelles sur l'exclusion bancaire, la variable qui
capte les effets fixes liés aux pays est exclue.
Ces distinctions faites, la spécification du modèle
peut à présent être donnée.
Supposons l'existence d'un caractère qualitatif qui
peut prendre K modalités disjointes ; Si K=2, on dit que la variable est
dichotomique36. Exemple: avoir un compte ou ne pas avoir de
compte.
Dès lors, on peut représenter un
caractère qualitatif dans le cadre d'un modèle
économétrique. En prenant le cas qui consiste à avoir un
compte ou non, on définit la variable y par :
35 Nous nous référons en effet à la
classification de Constans (2006) présentée en introduction et
qui établit trois niveaux d'exclusion, à savoir la possession
d'un compte bancaire, la détention de moyens de paiement
nécessaires à l'usage dudit compte et l'accès au
crédit
36 Dans le cas général K ? N* on dit que la
variable est polytomique.
67
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
y = {1 si l'invididu possède un compte et 0 sinon.
Si P représente la probabilité qu'un individu
possède effectivement un compte, alors P n'est rien d'autre que
l'espérance mathématique de y : P = E(y).
L'objectif du modèle choisi est alors d'expliquer la
survenue de l'événement considéré en fonction d'un
certain nombre de caractéristiques observées pour les individus
de l'échantillon. Il s'agit donc précisément de
spécifier la probabilité d'apparition de cet
événement.
Supposons que l'on dispose de N observations y1 d'une variable
endogène codée yj = 1 ou yj = 0 par convention et soit x
= (x ... x '), un vecteur ligne de variables exogènes associées
à la variable endogène y.
Le logit linéaire simple s'écrit : y1 = x + e.
Où å~ est un vecteur de termes d'erreur gaussiens
supposés identiquement et indépendamment distribués,
tandis que â désigne un vecteur colonne
de K paramètres inconnus.
Dans la littérature économique, il est
établi que la régression logistique permet, au travers de la
méthode du maximum de vraisemblance, d'estimer les paramètres,
d'évaluer la précision de l'estimation, de mesurer le pouvoir
explicatif du modèle, de vérifier s'il existe une liaison
significative entre l'ensemble des variables explicatives et la variable
dépendante, d'identifier les descripteurs pertinents et donc
d'évacuer les variables non significatives (Rakotomalala, 2014).
La vraisemblance correspond spécifiquement à la
probabilité d'obtenir l'échantillon ? à partir d'un tirage
dans la population. La méthode du maximum de vraisemblance consiste
à produire les paramètres â de la régression
logistique qui rendent maximum la probabilité d'observer cet
échantillon.
Nous effectuerons donc une régression logistique de
manière à identifier les facteurs les plus statistiquement
pertinents de l'exclusion bancaire au Cameroun.
68
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Pour ce faire, nous utiliserons les données
présentées au point suivant. I.2- L'analyse descriptive des
données
Les données en notre possession sont issues de la base
de données Global Financial Inclusion (Global Findex Database)
construite par la Banque Mondiale avec pour triple objectif de collecter des
informations sur les pratiques financières à travers le monde,
d'identifier les exclus bancaires et de mesurer continuellement l'impact des
politiques d'inclusion financière.
Ces données ont été collectées
dans le cadre d'une enquête menée par la Banque Mondiale en 2011
dans 148 pays différents37, auprès de 150 000
individus âgés d'au moins 15 ans. L'enquête était
menée à travers des interviews directes ou
téléphoniques en fonction du degré de couverture
téléphonique de chaque pays.
La base renseigne sur les éléments
ci-après : le nombre de personnes détenant un compte bancaire ;
le nombre de personnes détenant une carte de paiement ; ainsi que le
nombre de personnes ayant bénéficié d'un crédit
auprès d'une institution financière, d'un parent ou d'une autre
source au cours des 12 mois précédents l'enquête.
Cependant, elle ne donne que les raisons pour lesquelles un
individu est privé de compte ou de carte de paiement sans expliquer
réellement l'exclusion du crédit. C'est pour cette raison que
nous ne retenons que les deux indicateurs d'exclusion bancaire
préalablement énoncés.
Deux types de variables seront mobilisés dans le cadre de
notre modélisation :
- les variables endogènes :
ce sont celles qui captent l'exclusion
bancaire. il s'agit notamment de la
détention d'un compte et de la détention d'une carte de paiement.
C'est deux variables sont notées EXCLU1 et
EXCLU2, c'est-à-dire la probabilité qu'un
individu soit exclu.
Ainsi, la variable dichotomique EXCLU1 prend
la valeur « 1 » si l'individu considéré détient
effectivement un compte bancaire et « 0 » sinon. Il est de
37 Le Cameroun fait partie de cet
échantillon. La liste exhaustive des pays concernés par
l'enquête est jointe en annexe.
69
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
même pour la variable EXCLU2. Elle est
égale à « 1 » si l'individu considéré
possède une carte de paiement et « 0 » sinon.
- les variables exogènes :
comme nous l'avons vu plus haut, l'exclusion bancaire est influencée par
un ensemble de variables socio-économiques et démographiques.
Toutefois, les données dont nous disposons ne renseignent que sur la
distance, la situation financière, la confiance envers les institutions
bancaires et le niveau d'instruction.
L'ensemble des variables exogènes et leurs
définitions sont présentées dans l'encadré
ci-dessous :
Encadré 4.1 : présentation et
définition des variables exogènes
SUPERIEUR : capte l'impact du
niveau d'instruction sur l'exclusion
bancaire. la variable
« SUPERIEUR » est choisie parce que la littérature
établit que les individus ayant fait des études universitaires
ont beaucoup plus de chances d'être financièrement exclu
, ·
PROXIMITE : représente le
fait pour un individu de résider près des banques. C'est donc la
distance qui sépare l'individu des institutions bancaires
, ·
RICHESSE : renseigne sur la
situation financière de l'individu.
CONFIANCE : représente la
confiance des agents envers les institutions bancaires.
|
Source : auteur.
SECTION II- L'estimation du modèle et
l'interprétation des résultats
La présente section se subdivise en deux sous-parties :
la première est consacrée à l'estimation du modèle
et la seconde porte sur l'interprétation des résultats.
II.1- L'estimation du modèle mesurant l'exclusion
bancaire par la détention d'un compte bancaire
Elle se fait avec le logiciel STATA/S 13. Les
résultats sont présentés dans le tableau suivant :
70
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Tableau 4.1 : Estimation du modèle relatif
à la détention d'un compte bancaire
variable endogène EXCLU1
|
variables exogènes
|
Coefficients
|
p-value
|
Significativité
|
Proximité
|
0,46274
|
0,001
|
1%
|
Supérieur
|
1.173662
|
0,012
|
1%
|
Richesse
|
0,0337
|
0,098
|
10%
|
Confiance
|
0,12771
|
0,0337
|
5%
|
Logistic regression
|
Nombre d'observations
|
1000
|
|
LR chi2(4)
|
7.60
|
|
Prob > chi2
|
0.0058
|
Log likelihood = -99.917048
|
Pseudo R2
|
0.0366
|
Source : calculs de l'auteur.
La qualité du modèle est évaluée
par le test du rapport de vraisemblance (LR Statistic), lequel suit une loi de
khi-deux à K degrés de liberté. C'est une procédure
qui se rapproche du test de significativité global de Wald. Le nombre de
degrés de liberté est égal au nombre de variables
explicatives, 4 dans le cas présent.
Les hypothèses de ce test sont les suivantes :
H0 : f31= f32 = ... = f3k = 0 contre H1 : il existe au moins un
f3i ? 0.
La règle de décision est telle que H1 est
acceptée si la statistique calculée est supérieure
à la probabilité de la LR statistic. Comme dans notre cas la
valeur trouvée 7,60 est bel et bien supérieure à celle de
la probabilité du rapport de vraisemblance, on accepte H1, ce qui
revient à dire que le modèle est globalement significatif.
Par ailleurs, la qualité de la régression est
analysée par le Pseudo R2 de Macfadden (1973), utilisé
pour quantifier la contribution des descripteurs dans l'explication de la
variable endogène. Nous retenons celui de Macfadden car Ménard
(2013) suggère qu'il est, non seulement le plus proche du coefficient de
détermination de la régression linéaire multiple, mais
aussi le plus adapté à la régression logistique.
71
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Toutefois, le R2 des modèles logit prennent
généralement des valeurs proches de 0, ils tendent difficilement
vers 1. On ne saurait donc réellement les prendre en
considération pour évaluer la qualité du modèle.
C'est la raison pour laquelle on fait généralement
appel à la courbe ROC (Receiver Operating Characteristics). Celle du
présent modèle est donnée par le graphique ci-dessous :
Graphique 4.3 : Courbe ROC associée à la
détention d'un compte bancaire.
Source : calculs de l'auteur.
Dans la logique de son analyse de la courbe ROC, on
désigne par sensibilité (sensivity), la proportion d'individus
possédant un compte bancaire et par spécificité
(specificity), la proportion d'individus n'en possédant pas. Si l'on
fait varier la probabilité seuil à partir de laquelle on
considère qu'un événement doit être
considéré comme positif, la sensibilité et la
spécificité varient.
L'aire en-dessous la courbe (ou Area Under the Curve - AUC)
est un indice synthétique calculé pour les courbes ROC.
Habituellement, on considère que le modèle est bon dès
lors que la valeur de l'AUC est supérieure à 0.5. Un
modèle ayant une AUC supérieure à 0.9 est excellent.
A l'observation du graphique ci-dessus, la valeur de l'AUC
s'élève à 0,978. On peut donc conclure que l'ajustement
est de bonne qualité.
72
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Les tests sus effectués visaient à juger de
l'adéquation du modèle. Etant donné que tous les
résultats étaient favorables, on peut dire du modèle qu'il
est adéquat : les variables exogènes choisies contribuent
significativement à expliquer la détention d'un compte
bancaire.
Il convient à présent de présenter les
résultats de l'estimation proprement dits.
Les valeurs numériques des coefficients
présentés dans le tableau 3.1 n'ont pas d'interprétation
directe. En revanche leur signe est interprétable, il permet de savoir
si la probabilité de détenir un compte bancaire est une fonction
croissante ou décroissante de la variable explicative correspondante.
D'emblée, on observe que les signes de tous les
coefficients sont positifs. Cela signifie qu'il existe une corrélation
positive entre la probabilité de détenir un compte bancaire d'une
part, et la richesse, la proximité, le niveau d'instruction, la
confiance envers les banques d'autre part.
Ces résultats appellent les commentaires suivants :
- si l'on considère la
proximité, le signe positif obtenu est conforme à nos attentes.
Ainsi, la probabilité pour un individu de détenir un compte
bancaire est une fonction croissante de la proximité des infrastructures
bancaires ;
- de même, la probabilité
d'avoir un compte bancaire est d'autant plus importante que le niveau
d'éducation de l'individu considéré est
élevé ;
- concernant la richesse, le signe positif du
coefficient y associé corrobore avec les attentes théoriques et
indique l'influence positive de cette variable explicative sur la
probabilité de détenir un compte bancaire ;
- enfin, la probabilité de
posséder un compte bancaire augmente à mesure que la confiance
envers les institutions bancaires croit.
Pour finir, les odds-ratios associés à ce
modèle sont synthétisés dans le tableau ci-après
:
73
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Tableau 4.2 : odds-ratios associés à la
détention d'un compte bancaire.
Variable endogène EXCLU1
|
Variables exogènes
|
Coefficients
|
P-value
|
significativité
|
Proximité
|
0.0806
|
0.091
|
10%
|
Supérieur
|
0.03662
|
0.08
|
10%
|
Richesse
|
0.07
|
0.0198
|
5%
|
Confiance
|
0.1004
|
0.337
|
Non
|
Source : calculs de l'auteur.
Ces ratios ou rapports de chance permettent d'identifier les
variables explicatives les plus pertinentes et donc celles sur lesquelles il
convient d'agir prioritairement, en vue de réduire l'exclusion bancaire
au Cameroun.
En suivant l'ordre dans lequel les variables explicatives sont
classées dans le tableau, on peut faire les interprétations
suivantes :
- la probabilité de détenir un
compte bancaire est 8,06 fois plus élevée pour un individu
résidant à proximité des infrastructures bancaires
(agences et DAB) ;
- pour un individu ayant fait l'enseignement
supérieur, cette probabilité est 3,66 fois plus grande que pour
un individu ayant un niveau inférieur ;
- de même, la probabilité
d'avoir un compte dans une banque est d'autant plus importante que l'individu
est riche, soit 7 fois de plus qu'un individu pauvre ;
- cette probabilité est enfin 10,04
fois plus forte pour un individu ayant confiance dans les institutions
bancaires.
Au regard de ces résultats, la confiance, la richesse
et la proximité ont un impact plus élevé sur la
probabilité de détenir un compte bancaire.
74
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
II.2- L'estimation du modèle mesurant l'exclusion
bancaire par la détention d'une carte de paiement
Les résultats de la régression logistique sont
présentés dans le tableau ci-dessous Tableau 4.3 :
résultats de l'estimation du modèle relatif à la
détention d'une carte de paiement.
variable endogène EXCLU2
|
variables exogènes
|
Coefficients
|
p-value
|
Significativité
|
Proximité
|
_0.2434
|
0.095
|
10%
|
Supérieur
|
1.144096
|
0.015
|
1%
|
Richesse
|
0,023121
|
0,1001
|
10%
|
Confiance
|
0,104735
|
0,0701
|
7%
|
Logistic regression
|
Nombre d'observations
|
1000
|
|
LR chi2(4)
|
7.02
|
|
Prob > chi2
|
0.0081
|
Log likelihood = -94,245325
|
Pseudo R2
|
0.0359
|
Source : calculs de l'auteur.
Comme pour le second modèle nous analysons
l'adéquation du modèle. S'agissant du test du ratio de
vraisemblance, on conserve les mêmes hypothèses et la règle
de décision.
A l'observation du tableau, la valeur calculée 7,02 est
supérieure à la probabilité de la LR statistic. On accepte
donc H1, ce qui signifie que le modèle est globalement significatif.
En outre, le pseudo 2
RMF de ce modèle est égal à
0.0359. Pour les mêmes raisons que supra, on ne saurait se cantonner
à ce coefficient pour juger de la qualité de la
régression. Aussi, nous référons-nous à la courbe
ROC donnée par le graphique ci-contre :
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Graphique 4.2 : Courbe ROC associée à la
détention d'une carte de crédit.
Source : calculs de l'auteur.
On peut voir sur le graphique que la valeur AUC est
égale à 0,6112. Si elle est moins élevée que celle
du premier modèle, elle est néanmoins supérieure à
la valeur critique qui est de 0,5. On en conclut que l'ajustement est de bonne
qualité.
Sur la base de ces résultats, on peut dire que le
modèle est adéquat, ce qui nous mène à
l'interprétation des signes des coefficients associés aux
variables explicatives.
Le premier constat est que les signes de tous les coefficients
sont positifs. On en déduit qu'il existe une corrélation positive
entre la probabilité de détenir une carte de paiement d'une part,
et la proximité, le niveau d'instruction, la richesse et la confiance
dans institutions bancaires d'autre part.
Plus précisément, on peut dire qu'au Cameroun,
la probabilité de détenir un compte bancaire est une fonction
croissante de la richesse, la confiance, la proximité et du niveau
d'instruction.
75
Les rapports de côte associés à ce
modèle sont présentés dans le tableau suivant :
76
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Tableau II.6 : Odds-ratios associés à la
détention d'une carte de paiement.
variable endogène EXCLU2
|
variables exogènes
|
Coefficients
|
p-value
|
Significativité
|
Proximité
|
0,2620
|
0,000
|
1%
|
Supérieur
|
0.113004
|
0,05314
|
5%
|
Richesse
|
0,32144
|
0,0111
|
5%
|
Confiance
|
0,12465
|
0,2317
|
non
|
Source : calculs de l'auteur.
Ces ratios nous permettent d'identifier les variables qui
influencent le plus significativement la détention d'une carte de
paiement au Cameroun.
En suivant l'ordre dans lequel les variables explicatives sont
classées dans le tableau, on peut faire les interprétations
suivantes :
- la probabilité de détenir un
compte bancaire est 26,2 fois plus forte pour un individu résidant
à proximité des infrastructures bancaires (agences et DAB) ;
- la probabilité de détenir un
compte bancaire est 11,3 fois plus grande pour un individu ayant fait
l'enseignement supérieur ;
- la probabilité de détenir un
compte dans une institution bancaire formelle est 32,14 fois plus
élevée pour un individu riche ;
- la probabilité de détenir un
compte bancaire est 12,46 fois plus forte pour un individu ayant confiance dans
les banques.
A l'observation, la richesse et la proximité exercent
une plus grande influence sur la probabilité qu'un camerounais
détienne une carte de paiement que la confiance et
l'éducation.
77
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION
Ce chapitre avait pour objet de déterminer de
façon empirique les causes de l'exclusion bancaire au Cameroun. Pour ce
faire, nous avons effectué une régression logistique sur la base
d'un modèle inspiré des travaux d'Allen et Al. (2000).
Nous avons utilisé des données relatives au
Cameroun, issues de la base GLOBAL FINDEX (2011) conçue par la Banque
Mondiale pour mesurer l'exclusion bancaire à travers le monde. La
disponibilité des informations et les conclusions de l'étude
d'Allen ont régi le choix des variables explicatives.
A l'issue des estimations réalisées par la
méthode du maximum de vraisemblance, nous avons trouvé
conformément aux prédictions théoriques que, l'exclusion
bancaire au Cameroun est une fonction décroissante de la
proximité, la richesse, l'éducation et la confiance envers les
institutions bancaires.
Autrement dit, la probabilité de détenir un
compte bancaire ou une carte de paiement est une fonction croissante de la
richesse, de l'éducation, de la confiance et de la proximité.
En outre, la confiance, la richesse et la proximité
sont les variables les plus pertinentes pour expliquer l'exclusion liée
à la détention d'un compte bancaire ; tandis que la richesse et
la proximité sont plus pertinentes pour expliquer l'exclusion
liée à la détention d'une carte de paiement.
78
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
L'objet de cette partie était d'identifier les causes
de l'exclusion bancaire du côté de la demande de services
bancaires.
Une incursion dans la littérature relative à
l'exclusion bancaire a alors permis de mettre en cause certaines
caractéristiques sociodémographiques et économiques de la
population camerounaise.
Pour ce qui des caractéristiques
sociodémographiques qui favorisent l'exclusion bancaire au Cameroun,
elles comprennent l'âge, le genre, la religion, l'origine ethnique, le
niveau d'instruction, le lieu de résidence, le secteur professionnel
dans lequel exerce un individu, la préférence pour une gestion
autonome et la confiance envers les institutions bancaires.
Il est montré dans la théorie économique
qu'un fort niveau d'instruction, la proximité des infrastructures
bancaires et la confiance dans les banques ont pour effet de réduire
l'exclusion bancaire. Un effet inverse est associé à la religion,
l'origine ethnique et au genre, dans la mesure où des disparités
sont souvent observées à ces niveaux : la probabilité
d'être exclu est plus forte pour les femmes, les musulmans et les
minorités ethniques.
S'agissant de l'âge et du secteur professionnel, les
individus dont l'âge est compris entre 25 ans et 64 ans, ont une plus
forte probabilité d'être financièrement inclus que les
personnes dont l'âge n'est pas compris dans cet intervalle ; de
même, les individus employés dans le secteur public ou
privé formel ont d'avantage tendance à être
financièrement inclus.
A l'issue de cette étape, une analyse empirique a
été menée afin de déterminer les facteurs les plus
pertinents au plan statistique. Aussi, avons-nous effectué une
régression logistique sur un modèle logit dans lequel l'exclusion
bancaire était mesurée par la détention d'un compte
bancaire et d'une carte de paiement. Les contraintes relatives à la
disponibilité des données ont régi le choix des variables
explicatives
79
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
qu'étaient la richesse, la proximité des
infrastructures bancaires, l'éducation et la confiance dans les
institutions bancaires.
Les résultats obtenus permettent de conclure que
l'exclusion bancaire est une fonction décroissante de la richesse, de
l'éducation, de la proximité des infrastructures et de la
confiance dans les institutions bancaires.
En outre, les rapports de chance calculés à la
suite de l'estimation mettent en exergue, la confiance, la richesse et la
proximité comme étant les variables les plus pertinentes pour
expliquer l'exclusion liée à la détention d'un compte
bancaire. De même, ils permettent d'identifier la richesse et la
proximité comme les variables dont l'influence est la plus significative
sur l'exclusion liée à la détention d'une carte de
paiement.
80
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CONCLUSION GENERALE
81
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Ce travail pose le problème de l'accès
approprié aux services bancaires auquel se heurte une grande partie de
la population camerounaise, déjà confrontée à des
inégalités socio-économiques. En renforçant ces
dernières, l'exclusion bancaire compromet la contribution du
système bancaire au financement du développement
économique et humain. De plus, elle occasionne l'instabilité
macroéconomique, néfaste pour la croissance économique
(Breen et Garcia-Pénalosa, 1999).
La thèse de l'instabilité socio-politique met en
garde contre les manifestations que pourrait entraîner un contexte de
fortes inégalités (Perotti, 1996), la conséquence
immédiate serait une réduction de l'incitation à investir
et de faibles taux de croissance économique (Alesina et Perotti, 1996).
Ces développements mettent en lumière l'urgence de repenser le
système bancaire camerounais, dans l'optique de le rendre plus
inclusif.
La contribution positive du développement bancaire et
financier à la croissance est mise en exergue par dans la
littérature économique (Beck, Demirguç-Kunt et levine,
2004). Ainsi, les banques permettent d'accroître les volumes
d'épargne et d'investissement, et de sélectionner les
investissements les plus productifs, améliorant alors la
productivité marginale du capital (Ayoub, 2009/1). Les agents
économiques exclus du système bancaire peuvent difficilement
accéder à la santé ou à l'éducation et sont
dans l'incapacité, non seulement de faire face à
d'éventuels aléas, mais aussi de réaliser des projets
d'investissement rentables. Les conséquences qui en découlent
prennent la forme de l'altération des liens sociaux, de la
stigmatisation, de la mise à l'écart et de la marginalisation
économique des personnes qui en sont victimes, lesquelles peuvent
difficilement mener une vie normale (Servet, 2000).
Le point d'ancrage de ce travail a été
d'identifier les facteurs explicatifs de l'exclusion bancaire au Cameroun,
étape essentielle et primordiale dans la construction d'un
système bancaire inclusif. L'importance de cette démarche est
démontrée à travers un ensemble de travaux visant le
même objectif et recourant à une méthodologie similaire.
82
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Une incursion dans la littérature se rapportant
à l'exclusion bancaire nous a permis d'identifier les causes de ce
phénomène au Cameroun, aussi bien du côté de l'offre
que de celui de la demande de services bancaires.
Ainsi, du côté de l'offre, les effets pervers de
la réglementation et les politiques commerciales mises en oeuvre par les
établissements de crédit, soumis à de fortes contraintes
de rentabilité, sont à l'origine de l'exclusion bancaire.
Gloukoviezoff (2010) voit en ce phénomène, une externalité
négative de l'activité bancaire. Du côté de la
demande, un ensemble de caractéristiques sociodémographiques et
économiques de la population ont été pointées du
doigt, la pauvreté apparaissant comme la plus importante (Banque
Mondiale, 2010).
A l'issue de cette recension théorique, nous avons
modélisé les effets desdites caractéristiques sur
l'exclusion bancaire au Cameroun grâce à une régression
logistique. Pour ce faire, un modèle logit simple, inspiré des
travaux d'Allen et al. (2012), a été estimé pour
identifier respectivement, les déterminants de la détention d'un
compte bancaire et ceux de la détention d'une carte de paiement. A
l'issue de l'estimation, nous sommes parvenus aux résultats suivants
:
- du côté de l'offre de services bancaires, la
probabilité de détenir un compte bancaire est une fonction
décroissante de la richesse, de l'âge et des exigences
documentaires ; tandis que la probabilité de détenir une carte de
paiement est une fonction décroissante de l'âge et de la richesse.
Les exigences documentaires n'influencent pas significativement cette
deuxième forme d'exclusion ;
- du côté de la demande de services bancaires,
les probabilités de détenir un compte bancaire et une carte de
paiement sont des fonctions décroissantes de la richesse, de
l'éducation, de la proximité des infrastructures bancaires et de
la confiance dans les institutions bancaires.
Par ailleurs, à l'instar d'Allen et al. (2010) et de
Beck et al. (2008), nous trouvons que les exigences bancaires sont le facteur
qui affecte le plus la probabilité de détenir un compte bancaire
ou une carte de paiement. En effet, les rapports de côté
révèlent qu'un individu disposant de toutes les pièces
requises pour bénéficier d'un produit ou
83
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
d'un service bancaire a 49,81% de chances en plus d'être
inclus qu'un autre ne pouvant remplir ces exigences.
De même, du côté de la demande, les
rapports de chance révèlent que la richesse, la proximité
et la confiance dans les institutions bancaires sont des facteurs «
clés » de l'exclusion bancaire au Cameroun. Ces résultats
vont dans le même sens que ceux de Honohan et King (2012). La
probabilité de détenir un compte ou une carte de paiement est
19,59 fois plus élevée pour un individu riche et 16,6 fois plus
forte pour un individu résidant à proximité des
infrastructures bancaires. En outre, la confiance envers les banques influence
significativement la probabilité de détenir une carte de
paiement. Cette probabilité est 10,04 fois plus élevée
pour un individu ayant confiance dans les institutions bancaires.
Sur la base de ces résultats, les recommandations
suivantes peuvent être formulées, en vue de réduire la
proportion de personnes non, faiblement ou mal bancarisées au
Cameroun.
Du côté de l'offre, conscients de ce que la
responsabilité sociale des banques est de faire du profit, il serait
difficile d'agir directement sur leurs critères de sélection de
la clientèle. La marge de manoeuvre restante pour les autorités
monétaires consisterait à renforcer le dispositif
réglementaire existant. L'objectif étant d'encadrer la
détermination des taux d'intérêt et de limiter à un
niveau raisonnable les exigences documentaires. Des sanctions dissuasives
devraient être prévues et appliquées en cas de non-respect
des normes. Par ailleurs, l'adoption d'un tel cadre réglementaire aurait
aussi pour effet d'améliorer la confiance des individus envers le
système bancaire.
Du côté de la demande, étant donné
que la possession d'un minimum de ressources financières est la
condition sine qua non pour pouvoir recourir aux services bancaires,
le Gouvernement camerounais devrait accélérer la mise en oeuvre
de sa stratégie pour la croissance et l'emploi, dont les
retombées devraient améliorer les conditions de vie des
populations. Cette stratégie devrait notamment induire une
création massive d'emplois décents, ce qui assurerait aux agents
économiques un revenu régulier et facilitera leur accès
aux services bancaires. Elle devrait également
84
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
entrainer un accroissement de la scolarisation et de
l'alphabétisation. Parallèlement, dans la perspective de
réduire les difficultés d'usage, les banques et le Gouvernement
pourrait mettre sur pied des programmes visant à accroître la
culture financière des populations.
Par ailleurs, pour pallier l'inégale répartition
géographique des bancaires, les autorités monétaires
devraient encourager les banques à développer la Mobile banking.
La téléphonie mobile étant suffisamment répandue
dans le pays, aussi bien en zone urbaine que dans les zones reculées,
vulgariser cette pratique pourrait contribuer à l'extension de la
bancarisation. Les banques pourraient également relever ce défi
géographique en s'associant à des opérateurs
économiques déjà installés dans les zones les moins
couvertes. Elles pourraient installer dans les commerces desdits
opérateurs, des guichets ou des DAB, de manière rapprocher les
services bancaires de la population. Cette solution présente le double
avantage de réduire les coûts de transaction pour les individus
et, pour les banques, de réduire les coûts de fonctionnement
qu'occasionnerait l'ouverture d'une agence.
Bien qu'une telle étude contribue à
l'élaboration d'un cadre analytique mettant en perspective les
mécanismes du processus d'exclusion bancaire au Cameroun, de nombreuses
questions y abordées restent encore largement à approfondir. Si
les résultats qui y sont présentés constituent une base
solide pour l'action, il convient néanmoins de relever quelques limites.
Bien que la méthodologie retenue soit reconnue comme standard, les
données de l'analyse ne sont peut-être pas assez raffinées.
Une autre faiblesse réside dans la petite taille de l'échantillon
due à la rareté de données fiables sur l'accès et
l'usage des services bancaires.
85
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
ANNEXES
ANNEXE A : répartition géographique des
banques camerounaises, CNC, 2014.
|
ADAMADAOUA/NORD/EX TR. NORD
|
CENTRE/SUD/EST
|
LITTORAL
|
NORD- OUEST/SUD- OUEST
|
OUEST
|
BICEC
|
4
|
10
|
11
|
7
|
3
|
SCB
|
3
|
11
|
11
|
3
|
2
|
SGBC
|
4
|
7
|
11
|
2
|
3
|
STD. BK
|
0
|
1
|
1
|
0
|
0
|
AFBK
|
4
|
8
|
11
|
2
|
3
|
CBC
|
2
|
3
|
4
|
0
|
1
|
CITIBK
|
0
|
1
|
1
|
2
|
0
|
ECOBANK
|
4
|
7
|
13
|
3
|
1
|
UBC
|
0
|
3
|
5
|
4
|
1
|
NFC-BK
|
0
|
5
|
2
|
6
|
0
|
UBA
|
0
|
4
|
7
|
1
|
1
|
BAC
|
0
|
1
|
6
|
4
|
1
|
BGFI
|
0
|
1
|
3
|
0
|
0
|
TOTAL
|
21
|
62
|
86
|
32
|
16
|
Source . · conseil National du Crédit
du Cameroun, 2014.
ANNEXE B : concentration bancaire
liée aux crédits et aux dépôts
Dépôts et crédits (en
pourcentage)
|
SGBC
|
BICEC
|
ECOBANK
|
SCB
|
AFB
|
crédits octroyés
|
18,2
|
17,1
|
11,3
|
11,3
|
16,7
|
dépôts collectés
|
16,9
|
17,2
|
10,4
|
11,3
|
17,8
|
Total
|
35,1
|
34,3
|
21,7
|
22,6
|
34,5
|
Source . · Conseil National du Crédit
du Cameroun, 2014.
86
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
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