SECTION I. ANALYSES ECONOMIQUES DES GUERRES CIVILES
Cette section présente d'une part les facteurs des
risques des conflits armés et met l'accent également sur les
ressources minières comme facteur des guerres civiles en RDC.
§1. Principaux facteurs de risque des conflits
armés
« Les guerres civiles sont les affrontements
à l'intérieur des frontières des pays, sans la
participation directe ou affichée de troupes étrangères,
ce qui n'exclut pas l'influence de forces extérieures »
(Collier, 2006).
Les tensions autour de la captation et la distribution de la
rente augmentent l'instabilité politique et le risque de conflit
armé (Omgba, 2010 ; Gbetnkom et al., 2013). Collier et Hoeffler
(1998 ; 2002) affirment que les pays dont la prospérité
repose sur l'exploitation de matières premières présentent
un risque accru de guerre civile, notamment lorsque ces activités
génèrent au moins un tiers du revenu national brut.
De même, Ross (2004) conclut que la découverte
de pétrole augmente les conflits ou sont à la base du conflit.
Que pourrions-nous dire de la situation actuelle de la R.D.Congo ? Ces
guerres ont permis aux acteurs régionaux africains d'exploiter les
ressources minières en dehors de tout cadre institutionnel ou technique
qui aurait pu assurer une réelle rentabilité.
La dépendance en ressources naturelles affecte
positivement l'occurrence et la durée des conflits armés.
Nombreux études empiriques sur les guerres civiles ont produit des
résultats différents à cause du rôle des ressources
naturelles, leurs différences des données, les modèles de
guerres civiles, la procédure de ces estimations et les techniques
appliquées.
En effet, Artus et al. (2010), à l'aide des
statistiques renseignent que l'argent du pétrole en Afrique centrale
renforce le pouvoir de la classe dirigeante, mais il est à l'origine
des rébellions et des révoltes, dès lors qu'il ne conduit
pas au développement économique et tend à aggraver les
inégalités.
Les travaux de la Banque mondiale et notamment ceux de Collier
et Hoeffler (2007) opposent la rébellion, forme de criminalité
organisée caractérisée par l'avidité
(Greed), et le gouvernement supposé légitime et recevant
les doléances (Grievance). De nombreux travaux montrent le
rôle spécifique des ressources naturelles dans la
conflictualité. En 2004, Collier et Hoeffler (2002) analysent
cinquante-deux guerres civiles entre 1960 et 1999. Ils montrent que la
dépendance économique envers les ressources naturelles augmente
les risques de guerre civile pendant les cinq années qui suivent
l'amplification de cette dépendance. La relation n'est pas
linéaire. De même Fearon et Laitin (2003) démontrent que le
risque de guerre civile dans un pays exportateur de pétrole est de
19,1 % contre 9,2 % pour un pays non doté en ressources
pétrolières. Ainsi, Reynal-Querol (2002) analyse le lien entre
l'abondance de ressources naturelles et l'occurrence de conflits civils
interethniques.Par contre, Elbadawi et Sambanis (2002) trouvent qu'il y a une
ambigüité, pour eux tout dépend de la procédure,
comment opérationnaliser la guerre civile. Pour 138 pays entre 1960 et
1995, l'abondance en ressources naturelles est un des facteurs essentiels.
Enfin, Doyle et Sambanis (2000) montrent que les guerres civiles sont plus
longues pour les pays dotés en ressources naturelles.Tout de même
en 1998, Paul Collier et Hoeffler affirment sur la base d'analyses
économétriques que les pays dont la prospérité
repose sur l'exploitation de matières premières présentent
un risque accru de guerre civile, notamment lorsque ces activités
génèrent au moins un tiers du revenu national brut.L'analyse des
conflits armés est rendue très difficile du fait de
l'enchevêtrement des facteurs explicatifs et de la
spécificité des différentes configurations.
Plusieurs rapports d'enquêtes (Nations Unies, 2002) et
documents ont récemment établi le lien entre l'exploitation des
ressources minières et les conflits armés en République
Démocratique du Congo. Ces relations ont également
été mises en lumière par plusieurs études sur les
causes économiques des guerres civiles (PNUD, 2004).Les
défenseurs de la thèse de l'avidité sont convaincus que la
plupart des conflits armés sont causés par des facteurs
économiques tels que la lutte pour le contrôle sur les ressources
naturelles.
C'est notamment la position de l'équipe de recherche de
la Banque mondiale dirigée par Collier pour qui, « les guerres
civiles résultent beaucoup plus souvent d'opportunités
économiques et, par conséquent, certains groupes rebelles sont
avantagés par le conflit et ont donc de puissants motifs pour l'amorcer
et l'entretenir. »Par contre, les partisans de la thèse des
grievances soulignent l'importance d'autres facteurs comme les oppositions
ethniques et religieuses, l'inégalité économique, le
manque de droits politiques et la mauvaise gestion économique de la part
du gouvernement(PNUD, 2004).
Cependant, Aknin et Serfati (2008), dans leur analyse se
proposent d'inverser la méthodologie utilisée par la Banque
mondiale, en replaçant, les guerres pour les ressources dans un contexte
de mondialisation.D'une part, elles impliquent de puissantes organisations et
acteurs transnationaux. D'autre part, ces guerres reflètent, à
leur manière, le déplacement des frontières entre
l'État et le marché qui permet aux élites
(gouvernementales, militaires ou autres) de tirer des bénéfices
du pillage des ressources.
Par ailleurs, Ballentine et Sherman (2003) essaie de trouver
le juste milieu entre les deux hypothèses. Ballentine remarque que
très peu de conflits contemporains peuvent être pris comme des
exemples clairs de guerres de ressources caractérisées par des
pillages à grande échelle commis par des acteurs étatiques
ou rebelles. Les motifs et les opportunités économiques ne
constituent presque jamais la cause principale des conflits armés. Au
contraire, dans la plupart des cas il est question d'une interaction entre des
facteurs économiques et des facteurs politiques,
socio-économiques et sécuritaires. C'est exactement cette
interaction qui donne lieu à l'éclatement d'une guerre.
Néanmoins, Ballentine ajoute que dans certains cas l'accès aux
ressources économiques est d'une importance significative pour la
création d'une `structure d'opportunités' permettant aux
belligérants de prolonger le conflit et de rester sur le champ de
bataille.Autrement dit, le degré d'accès aux ressources
économiques peut influencer la durée, l'intensité et le
caractère d'un conflit.
Il serait difficile de nier l'existence des
inégalités dans des pays mal ou pas du tout gouvernés
pendant une très longue période. Toutefois, l'identification
d'autres causes qui favorisent le déclenchement des conflits offre
d'énormes possibilités de prévention. L'étude de
Collier a identifié les éléments ci-après comme
étant les principaux facteurs de risque de guerre civile (PNUD, 2002) :
· les facteurs économiques : la
prépondérance des exportations des produits primaires dans
l'économie nationale, la faiblesse des revenus moyens, la lenteur de la
croissance, et la taille de la diaspora ;
· les facteurs géographiques : la taille du
territoire national et la répartition inégale de la population
sur ce territoire ;
· les facteurs historiques : les risques de conflit futur
sont beaucoup plus élevés dans les pays où une guerre
civile vient de prendre fin et ;
· les facteurs sociaux : la faiblesse du niveau
d'éducation et la composition ethnique et religieuse de la population.
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