2. CHOIX ET INTERET DU SUJET
Le choix de ce sujet a été motivé par les
exigences académiques voulant que l'on traite des sujets se rapportant
aux interactions entre les acteurs des R.I. sur la scène internationale.
Dans le cas d'espèce, nous avons voulu étudier les interactions
entre la R.D.C. et l'UNICEF qui sont des acteurs des R.I. Notre sujet est donc
intitulé : l'UNICEF et la protection des enfants au Sud-Kivu : forces et
faiblesses.
Il y a lieu de situer l'intérêt porté dans
le choix de ce travail sur un double plan :
Du point de vue scientifique, d'abord, notre travail s'inscrit
dans la logique d'une recherche appliquée. D'une part, elle constitue un
effort de confrontation des théories et paradigmes dans la
résolution des problèmes pratiques vécus par une
population. Cela nous permet, dans le cas d'espèce, de contribuer
objectivement à la résolution des problèmes liés
à la protection des enfants dans la province du Sud-Kivu. D'autre part,
nous avons envisagé, à travers ce travail, constituer une banque
de données pour ceux qui désirent s'aventurer sur le terrain de
recherche.
Au niveau personnel et social, ensuite, ce thème a
attiré notre intellect du fait que nous avons été
interpellé par les conditions de marginalité et d'abandon dans
lesquelles vivent nombreux enfants dans la société sud-kivutienne
qui, pourtant constituent une couche sociale vulnérable, à
l'instar des femmes, des vieillards, etc.
A travers cette étude, nous avons voulu apporter notre
contribution à la compréhension des mesures tendant à
atténuer les souffrances dont sont victimes les enfants. Cela passe par
l'évaluation des actions entreprises par l'UNICEF, organe
spécialisé du système des Nations - Unies, qui,
grâce à la coopération internationale, vient en aide aux
Etats dans la protection des droits des enfants. Par leur pertinence, les
recommandations qui découlent des analyses faites dans le cadre de ce
travail, pourraient inciter tous les intervenants à prendre des
dispositions utiles à l'amélioration effective des conditions des
enfants dans la province du Sud-Kivu en particulier et dans la
République Démocratique du Congo en général.
3. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
La question relative à la protection des enfants
constitue un des goulots d'étranglement dans le développement de
la province du Sud-Kivu. L'accroissement en nombre des enfants orphelins,
abandonnés, séparés, affectés et/ou infectés
du SIDA, des enfants dans la rue et des enfants délinquants pose de
graves problèmes quant à la gestion de leur situation par le
6 UNITED NATIONS INTERNATIONAL CHILDREN EMERGENCY
FOUND, La situation des enfants dans le monde. L'enfance en
péril, New York, 2005, p. 2.
4
gouvernement. Pourtant, dans la plupart des cas, il apparait
que l'enfant est plus victime qu'auteur de sa situation alors qu'en
réalité il a besoin d'une protection spéciale et des soins
appropriés.
En effet, la nécessité d'assurer une protection
efficace aux enfants sur tous les plans s'était faite ressentir suite
aux conséquences néfastes de deux premières guerres
mondiales.
A l'issu de ces guerres, en fait, il a été
constaté que les enfants, d'une manière particulière,
étaient touchés par des effets négatifs dont ils
étaient pourtant victimes. Il y a lieu de citer parmi ces effets la
perturbation du système éducatif (suite à la destruction
des infrastructures scolaires, à la séparation des familles,
etc.), l'augmentation en nombre des enfants orphelins et abandonnés, des
troubles psychologiques et du traumatisme chez les enfants ayant assisté
au déroulement de la guerre, etc.
C'est dans cette optique, d'ailleurs, que les Etats du monde
avaient reconnu la nécessité d'assurer une protection efficace
aux enfants. Le 11 décembre 1946 l'organisation universelle avait
procédé à la création d'un organisme
spécialisé devant se charger de la protection des enfants,
l'UNICEF. Mais, c'est en grande partie grâce à une anglaise,
Eglantyne JEBB, que les droits de l'enfant bénéficient d'une
reconnaissance juridique internationale. Elle crée en 1919 l'association
Save the Children Fund pour remédier à la misère
que connaissent des milliers d'enfants européens au lendemain de la
première guerre mondiale. Ses ambitions dépassent le simple
apport de secours immédiats, et en 1920, elle va vivre à
Genève pour y former l'Union Internationale de secours aux Enfants
(qui deviendra par la suite l'Union internationale de Protection de
l'Enfance). En 1924, la Société des nations adopte la
Déclaration de Genève des droits de l'enfant, dont l'avant-projet
a été rédigé par l'Union Internationale de
protection de l'enfance. La déclaration énonce le droit des
enfants à un développement matériel, moral et spirituel ;
à recevoir de l'aide lorsqu'ils ont faim, sont malades,
handicapés ou orphelins ; à être les premiers à
recevoir des secours en cas de difficultés ; à être
protégés contre l'exploitation économique ; et à
recevoir une éducation qui leur inculque un sentiment de
responsabilité vis-à-vis des autres6. De même,
il fut reconnu l'obligation de protéger l'enfant dans les statuts des
autres institutions spécialisées de l'O.N.U. et ceux des
organisations internationales qui militent pour le bien-être de l'enfant
dans le monde ainsi que dans la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme du 10 décembre 1948 dont l'article 25 stipule : « La
maternité et l'enfance ont droit à une protection, à une
aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils
soient nés dans ou
5
hors mariage jouissent d'une protection de la même
manière. Il faut lutter contre les maladies chez l'enfant car il est un
être vulnérable et défavorisé »7.
Par ailleurs, le préambule de la Déclaration des
droits de l'enfant adoptée et proclamée par l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. le 20 novembre 1959 affirme que l'enfant, en
raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin
d'une protection juridique appropriée avant comme après la
naissance. L'article 42 de la convention relative aux droits de l'enfant du 20
novembre 1989 invite les gouvernements des Etats à faire connaitre les
droits de l'enfant et d'en assurer le respect par des mesures
législatives et autres adaptées progressivement à
l'application des principes contenus dans ladite convention. En 1990, le Sommet
mondial pour les enfants a lieu à New York. Il réunit 71 chefs
d'Etat et de gouvernement. Les dirigeants signent la Déclaration
mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de
l'enfant, ainsi qu'un plan d'action pour l'application de la
Déclaration, dans lequel sont énoncés des objectifs
à atteindre au plus tard en l'an 2000.
En 1994, l'Année internationale de la famille
réaffirme que les programmes devraient soutenir les familles dans leurs
fonctions d'encadrement et de protection des enfants, au lieu de fournir des
substituts à ces fonctions. En 1999, la Convention concernant
l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action
immédiate en vue de leur élimination (Convention n°182 de
l'O.I.T.) est adoptée.
En 2000, les Objectifs du Millénaire pour le
développement (O.N.U.) comprennent des objectifs précis relatifs
aux enfants, visant notamment à réduire de deux tiers le taux
mondial de mortalité des enfants de moins de cinq ans et à
parvenir à l'enseignement primaire universel pendant la période
allant de 1990 à 2015. L'Assemblée Générale de
l'Organisation des Nations-Unies adopte deux protocoles facultatifs à la
convention relative aux droits de l'enfant, l'un concernant l'implication
d'enfants dans les conflits armés et l'autre la vente d'enfants, la
prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène les
enfants. En 2002, l'Assemblée Générale des Nations-Unies
tient une Session extraordinaire consacrée aux enfants, au cours de
laquelle elle examine spécifiquement, pour la première fois de
son histoire, les questions concernant les enfants8.
Convaincu que la situation des enfants ne fait que s'aggraver
au pays, le gouvernement de la R.D.C. a initié l'organisation
régulière des enquêtes nationales sur la situation des
enfants et des femmes. D'une manière globale, ces enquêtes visent
à améliorer le respect des droits de l'enfant ; améliorer
la pertinence des politiques et programmes en faveur des enfants
7 Article 25 de la DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS
DE L'HOMME du 10 décembre 1948.
8 UNITED NATIONS INTERNATIONAL CHILDREN EMERGENCY
FOUND, Op. cit., p. 2.
9 REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO,
Enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes MICS2
/2001, Rapport d'analyse, Kinshasa, Ed. de l'UNICEF, juillet 2002, p.
4.
6
et des femmes ; augmenter les allocations des ressources et
des financements en faveur des enfants et des femmes ; mieux faire connaitre la
situation des enfants et des femmes en R.D.C.; suivre les indicateurs sociaux
relatifs au bien-être des enfants et des femmes en R.D.C. ; renforcer les
capacités individuelles et institutionnelles en matière de
recherche socio-économique concernant les enfants et les
femmes9. Il a aussi publié, en 2009, une loi visant à
renforcer les mesures de protection des droits de l'enfant sur toute
l'étendue du territoire national. Il s'agit de la loi n°09/001 du
10 janvier 2009 portant protection de l'enfant en R.D.C. Soutenant les
initiatives gouvernementales dans ce domaine, l'UNICEF a aussi initié
une multitude d'actions en faveur des enfants congolais. Il publie en outre,
chaque année, des rapports sur la situation des enfants dans le monde en
vue de jeter un coup d'oeil sur l'état des enfants et de proposer des
pistes de solution pour améliorer leur situation.
Malgré tous les efforts fournis par les
différents acteurs, le constat demeure amer. La situation des enfants
demeure catastrophique dans la province du Sud-Kivu comme sur presque tout le
territoire national congolais. Cet état des choses prouve combien les
problèmes liés à la protection des enfants se posent
encore avec acuité. Ce qui nous pousse à nous poser la question
suivante en guise de problématique : Comment sont les implications de
l'intervention de l'UNICEF dans la protection des enfants au Sud-Kivu ? De
cette question principale découle une autre question qui s'avère
secondaire, celle de savoir quels mécanismes devrait-on envisager pour
que la protection des droits des enfants soit effective et efficace dans la
province du Sud-Kivu.
En guise d'hypothèses, la réponse suivante peut
être formulée à la question principale posée : nous
estimons que les implications de l'intervention de l'UNICEF dans la protection
des enfants au Sud-Kivu seraient négatives parce qu'il se constaterait
une certaine stagnation, et peut-être même une aggravation de la
situation des enfants dans cette partie du pays. Cette aggravation se
remarquerait, par exemple, par l'augmentation des cas d'enfants dans la rue,
d'enfants en conflit avec la loi, d'enfants en situation
particulièrement difficile, etc., ce qui remettrait en cause
l'efficacité de l'intervention de l'UNICEF dans la protection des
enfants au Sud-Kivu et justifierait une nécessité de
révision des mécanismes et stratégies d'intervention de
cet organisme spécialisé de l'ONU. Par rapport à la
deuxième question, nous estimons que la mise en place d'une structure
non Etatique de suivi et d'évaluation des activités
réalisées par le gouvernement de la R.D.C. en partenariat avec
l'UNICEF en faveur des enfants, le renforcement des méthodes de
sensibilisation du public sur le respect des droits
7
de l'enfant, la prise par l'Etat de ses responsabilités
au regard des enfants, la révision des activités jugées
prioritaires pour les enfants au Sud-Kivu en fonction des moments et des
circonstances sont autant d'éléments qui permettraient une
effective et efficace protection des enfants en province du Sud-Kivu.
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