INTRODUCTION GENERALE
0.1 Contexte et intérêt de
l'étude
Après son indépendance, le Cameroun a connu une
croissance soutenue d'environ 5% en moyenne jusqu'en 1978, grâce
principalement à une agriculture florissante associée à
des prix mondiaux des matières premières favorables. Cette
croissance s'est ensuite accélérée avec la
découverte et l'exploitation du pétrole, qui a permis de porter
son évolution à un rythme moyen annuel de 7% jusqu'en 1986. Mais,
malgré cette décennie glorieuse, l'économie camerounaise
est entrée en récession dès 1986, étouffée
par une chute générale des prix de ses principaux produits
d'exportation (pétrole, cacao, café, bois, etc.) et une
appréciation d'environ 40% du taux de change effectif réel du
franc CFA. Ce contexte économique a eu pour effet immédiat la
chute du taux de croissance du PIB du Cameroun qui est passé de 8,1% en
1985 à -2,1% en 1987 (WDI, 2007), la chute du PIB réel par
habitant de plus de la moitié, la rupture des équilibres
macro-économiques (caractérisée par un déficit
budgétaire, un déficit de la balance courante, un taux de
chômage croissant, etc.). Il s'en est alors suivi un recours excessif
à l'endettement extérieur (IMF, 2005).
Pour renverser cette tendance, les autorités
camerounaises ont été obligées de mettre en oeuvre des
plans d'austérité, sous la pression et l'encadrement des
bailleurs de fonds, principalement le Fonds Monétaire International
(FMI) et la Banque Mondiale à partir de 1987. Ceux-ci ont proposé
un ensemble de mesures de rigueur, à l'instar de la réduction de
la masse salariale de l'Etat et des subventions aux entreprises publiques, ce
qui a poussé le gouvernement à baisser les salaires de la
fonction publique de l'ordre de 50% en 1993, et à procéder
à des licenciements. Malgré la mise en oeuvre de toutes ces
mesures et même la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier
1994, l'économie camerounaise n'a réellement retrouvé un
certain éclat qu'en 1996-1997 avec la mise sur pied et une
exécution satisfaisante par le gouvernement de réformes encore
plus importantes appuyées par la Facilité d'Ajustement Structurel
Renforcée (FASR) du FMI et par un crédit d'ajustement Structurel
(CAS III) de la Banque Mondiale. Le pays a ainsi renoué avec des taux de
croissance proches de 5% et, suite à la finalisation d'un Document
intérimaire de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté (DiSRP) en août 2000, le pays a atteint le point de
décision de l'initiative PPTE. Le point d'achèvement s'en est
suivi en 2006, avec un allègement considérable de la dette
extérieure. Mais les résultats de la mise en oeuvre du DSRP ont
été plutôt mitigés car pendant toute cette
période, le niveau de pauvreté est resté presque stable,
passant de 40,2% en 2001 à 39,9% en
Mémoire professionnel ISE, ISSEA & MINEPAT
2011 2 SIKUBE TAKAMGNO Célestin
Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
2007 (DSCE), et le taux de croissance a plutôt
chuté pour se stabiliser autour de 3%. La conjoncture internationale
caractérisée par des crises économiques (2001 et 2008) et
des prix des matières premières trop fluctuants n'a fait
qu'aggraver les choses. Face à cette donne, l'Etat camerounais a
entrepris une réorientation de sa politique avec une Vision de
développement à l'horizon 2035 qui se formule comme il suit :
« LE CAMEROUN : UN PAYS EMERGENT, DEMOCRATIQUE ET UNI DANS SA DIVERSITE
». Il a alors été élaboré un Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE), cadre de
référence de la politique du gouvernement pour la période
allant de 2010 à 2020. Ce document accorde une importance
particulière au développement des infrastructures (construction
des ports en eau profonde de Kribi et Limbé, construction des routes et
des chemins de fer, etc.), ainsi qu'à une meilleure redistribution des
revenus issus de la croissance générée. Ceci traduit bien
une volonté des dirigeants camerounais de relancer l'économie par
les grands travaux d'investissements publics dans le but de :
(i) stabiliser le taux de croissance autour de 5,5% sur la
période 2010-2020 ;
(ii) ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% ;
(iii) faire baisser la pauvreté monétaire de 39,9%
à 28,7%1.
Par ailleurs, en mars 2008, le chef de l'Etat a
décidé d'une augmentation des salaires de la fonction publique
allant de 20 à 25%, de la défiscalisation de certains produits de
première nécessité, ou encore de la création d'une
mission d'approvisionnement des produits de grande consommation. En 2011, il a
décidé du recrutement de 25000 nouveaux agents à la
fonction publique. Ces mesures rentrent dans le registre d'une relance de
l'économie par la consommation finale des ménages2.
Dans le même temps, le DSCE prévoit des recettes fiscales assez
stables jusqu'en 2020. La politique budgétaire et la politique fiscale
constituent pratiquement les seuls leviers de politique économique sur
lesquels le Cameroun peut agir car comme le reconnaît le DSCE, les
possibilités de politique monétaire sont très faibles,
voir même inexistantes. Or la mise en oeuvre de ces politiques
budgétaires dans certains pays a parfois produit des résultats
plutôt inattendus et négatifs sur l'économie, à
l'instar d'une chute du solde extérieur suite à une forte
augmentation des importations pour certaines relances par la consommation des
ménages, un déficit budgétaire ou de la balance des
paiements et un endettement insoutenable pour une relance par les
investissements. Parfois, ces effets négatifs s'accompagnent même
de taux de croissance plutôt à la baisse. Il apparaît alors
la nécessité pour un pays comme le Cameroun où la
situation économique demeure morose, d'approfondir
1 Confère Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi
2 D'après Mankiw (2009), il s'agit de
provoquer une augmentation de la demande, qui à son tour va pousser les
entreprises à accroître leurs investissements et à
embaucher davantage de personnes pour augmenter leurs productions afin de
répondre à ce surcroît de demande. Il s'en suit alors une
augmentation des revenus distribués et une croissance de
l'économie.
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2011 3 SIKUBE TAKAMGNO Célestin
Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
la réflexion sur les mesures de relance
économique, d'où l'intérêt de la présente
étude dont le thème est « Mesures alternatives de
relance économique par les dépenses publiques au Cameroun
».
Le problème que pose cette thématique s'inscrit
dans le débat traditionnel entre économistes sur le rôle
à assigner à l'Etat dans la vie économique d'un pays. Il a
pris une ampleur considérable au cours des trois dernières
décennies par le nombre élevé d'études
théoriques et empiriques, portant particulièrement sur
l'efficacité des dépenses publiques en tant qu'instrument de
régulation de l'économie, et aussi sur l'arbitrage entre
dépenses de consommation publique et dépenses d'investissement
public. Les travaux de Barro (1990) ont réaffirmé le rôle
crucial des dépenses publiques sur la dynamique économique, tout
en corroborant l'idée de Keynes sur la préférence pour les
dépenses d'investissement. Mais des résultats contradictoires
d'autres études3 ont contribué à rendre
prudents les dirigeants des pays non seulement quant à l'utilisation des
dépenses publiques à des fins de politique économique,
mais aussi sur le choix des mesures de relance et de leurs financements, en
particulier depuis la crise économique de 2008.
Pour ce qui est du Cameroun, les résultats de la
présente étude pourraient être utiles à plus d'un
titre :
3/4 Eclairer les pouvoirs publics sur les effets potentiels
à court et à moyen termes (sur les agrégats
macroéconomiques et la balance commerciale) des mesures alternatives de
relance économique, en fonction des stratégies de financement.
Ceci leur permettra d'arbitrer entre une augmentation des dépenses de
fonctionnement, un accroissement du taux d'investissement, et une baisse de
certains taux d'imposition.
3/4 Fournir aux décideurs un ensemble de mesures
d'accompagnement et des modalités nécessaires à la
réussite de la mise en oeuvre d'un éventuel plan de relance.
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