B- Les indicateurs de mesure de l'ouverture
commerciale
Dans la littérature économique, l'ouverture
commerciale a été mesurée de diverses façons. On
distingue à cet effet deux grandes catégories d'indicateurs : les
indicateurs d'ouverture absolue et les indicateurs d'ouverture relative.
1- Indicateurs d'ouverture absolue
Ces indicateurs sont traditionnellement les plus
utilisés. Ils visent à évaluer directement le niveau
d'ouverture d'une économie au commerce extérieur soit en
observant le résultat des échanges par un ratio d'ouverture, soit
en évaluant directement les mesures de protection mises en oeuvre dans
le pays considéré.
a- Degré d'ouverture
Le degré d'ouverture d'un pays mesure la place que
tient le reste du monde dans son économie. Il mesure le niveau de la
contrainte extérieure et est obtenu par le rapport de la valeur des
échanges extérieurs sur le PIB. De façon explicite on a :
Degré
d'ouverture5=100*[~~~~~~~~i~~+Importation]/PIB.
2
Il est facile à calculer. Ce qui justifie d'ailleurs le
fait qu'il soit plus utilisé dans les études empiriques. Ce ratio
présente aussi l'avantage de tenir compte de l'ensemble des nouvelles
formes de protection non tarifaire, et de ce point de vue, l'histoire
récente des politiques commerciales plaide en faveur de son utilisation
(Blancheton, 2004). Toutefois, ce ratio n'est pas exempt de critiques. En
effet, d'un point de vue comptable, il s'agit du rapport d'une production
(X+M)/2 sur une valeur ajoutée (PIB).
5 Certains auteurs utilisent (exportation/PIB)*100 ou
100*(exportation+importation)/PIB
Par conséquent, les grands pays exportateurs dont le
simple ratio X/PIB dépasse parfois 100% (Hong Kong, Singapour), se
trouvent favorisés.
En outre, un ratio élevé peut aussi être
la conséquence de politiques peu libérales qui agissent en sens
contraire. Un pays qui, par exemple, restreint ses importations et encourage
ses exportations apparaîtra, à ratio similaire, aussi ouvert qu'un
pays qui pratique une politique commerciale plus neutre. Aussi, un pays
importateur de biens intermédiaires élaborés et
exportateurs de produits finals ou quasi-finals, est moins
prédisposé au protectionnisme que les pays importateurs de biens
finals.
Enfin la critique majeure et rédhibitoire est selon
Pritchett (1996), le fait que cet indicateur dépend d'une multitude de
variables qui sont indépendantes des politiques commerciales comme la
taille de la population6, la configuration
géographique7, les dotations en ressources8
etc.
b- Mesure directe et évaluations qualitatives et
subjectives
Certains auteurs proposent une autre méthode qui
consiste à saisir directement les mesures restrictives de politiques
commerciales. Il s'agit de mesurer les barrières tarifaires (tarifs
moyens) et non tarifaires.
Toutefois, les mesures directes n'apparaissent pas toujours
comme les indicateurs les plus significatifs pour expliquer le volume des
échanges d'un pays (Serranito, 1999). Les relever pose, en effet, un
certain nombre de problèmes d'interprétation.
En ce qui concerne les tarifs, la moyenne proposée
n'est pas, en général, pondérée par les parts de
commerce. L'indicateur favorise donc les pays qui imposent fortement les
quelques produits qu'ils importent en grande quantité et fait
apparaître comme plus fermés les pays qui maintiennent une
protection forte sur des secteurs marginaux. Pour éviter les
conséquences de cette non pondération, d'autres études
retiennent la part des recettes tarifaires dans le PNB (ou dans les
importations). Edwards (1992), notamment, prend en compte le ratio des droits
de douane et des subventions à l'exportation sur le volume total du
commerce. Mais il s'agit là encore d'un mauvais indicateur d'ouverture
puisqu'un pays complètement fermé et ne
6 Les grandes économies sont en
général moins ouvertes car plus une économie est
étendue, plus elle se suffit à elle même.
7 Plus une économie est proche d'un
pôle commercial, plus elle sera ouverte et un pays non enclavé
aura aussi une économie plus ouverte
8 Les pays détenteurs de ressources naturelles
abondantes auront davantage une économie ouverte
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percevant donc aucune recette, apparaîtra comme
parfaitement ouvert sur ce critère. À contrario, les pays
indiqués comme les plus fermés seront ceux qui maximisent leurs
recettes fiscales (avec des importations peu élastiques aux prix
intérieurs), sans pour autant mener nécessairement une politique
commerciale fermée.
Le risque que certains pays compensent la baisse de leurs
barrières tarifaires par le durcissement des barrières non
tarifaires (BNT) voire les accords d'autolimitation, quotas, licences
d'importation implique que ces dernières entrent dans
l'appréciation directe de la politique commerciale. Pourtant, dans les
régressions qui visent à expliquer les flux des échanges,
les BNT donnent des résultats fréquemment décevants :
signe inattendu, coefficient faible et peu significatif (Pritchett, 1996).
Sachs et Warner (1995) définissent un ensemble de
critères pour caractériser l'ouverture des pays. Ils
considèrent un pays comme fermé s'il présente au moins une
des cinq caractéristiques suivantes :
> les barrières non tarifaires couvrant 40% ou plus
du commerce total ; > les droits de douane moyens supérieurs ou
égale à 40% ;
> le taux de change sur le marché noir avec une
prime de 20% ou plus par rapport au taux de change officiel en moyenne durant
la période ;
> un système économique socialiste (les
auteurs n'en fournissent pas de définition précise mais
soulignent que cet indicateur couvre des pays tels que la Pologne et la Hongrie
qui se sont appuyés sur un système de planification
centrale9 pour protéger leur économie, plutôt
que sur des droits de douane) et
> un monopole d'État sur les produits d'exportation.
Par conséquent, une économie est
considérée comme ouverte si aucune de ces cinq conditions n'est
valable.
Des méthodes alternatives consistent à
l'utilisation d'indices synthétiques pour apprécier l'ouverture
commerciale. Certaines organisations publient un indice qui est la somme des
scores obtenus par un pays sur plusieurs critères d'ouverture. A ce
titre on distingue l'indice EMAI (Emerging Market Access Index) construit
à partir de
9 L'économie socialiste de marché
était le système économique mis en place par ces
États dans les années 1969.
11
16 critères d'ouverture commerciale et l'indice de
liberté économique de la fondation Héritage utilisant dix
critères dont la politique commerciale.
2- Indicateurs d'ouverture
relative
Ces méthodes visent à apprécier
l'ouverture par rapport à une "norme" construite ou constatée
dans un pays ou une zone de référence. L'écart entre la
valeur constatée dans ce pays et cette norme révèlerait le
niveau d'ouverture du pays. Si la première catégorie
d'indicateurs d'ouverture relative apprécie l'ensemble des distorsions
que les interventions publiques sont censées introduire, la seconde
quantifie l'influence de ces politiques sur les seuls flux commerciaux.
a- Indices de distorsion
Un indice de distorsion est un indicateur qui permet de capter
l'ampleur des mesures protectionnistes dans la politique commerciale d'un pays.
L'un des indices les plus connus et utilisés dans la littérature
est l'indice de distorsion de Dollar (1992).
Dollar va proposer un indicateur simplifié en se basant
sur le niveau des prix relatifs de différents pays. Cet indicateur vise
à établir une comparaison du niveau des distorsions commerciales
en prenant pour référence le niveau des prix des
États-Unis (USA). Tout écart positif existant entre les prix
domestiques d'un pays donné et ceux du pays de référence
(multiplié par le taux de change) est synonyme de distorsion
commerciale.
L'indicateur se base donc sur deux éléments, la
variation des prix et le taux de change. Il donne le niveau des prix relatifs
selon la formule suivante :
"usa
oÙ Pr est l'indice des prix relatifs,
° le taux de change nominal de la monnaie locale en dollar ($
us),
Pr = 100 * ° "~
Pi l'indice des prix à la consommation du pays (i), Pusa
est l'indice des prix aux États-Unis.
Cet indicateur présente le niveau des prix relatifs
entre différents pays mais pourrait aussi servir à calculer le
taux de change réel bilatéral entre un pays et les
États-Unis
12
Il donne pour des pays, dont les échanges commerciaux
ne subissent pas de restrictions, un niveau de prix proche ou égal
à celui des États-Unis, soit 100%. Ce qui amène l'auteur
à conclure que les pays dont les indices de prix sont proches de ceux
des États-Unis sont ouverts au commerce, alors que les pays dont
l'indicateur s'éloigne de l'idéal (100%), ont des prix distordus,
synonyme d'absence de politiques d'ouverture commerciale.
b- Évaluation de l'ouverture par les
résidus
Chenery et Syrquin(1989) et Guillaumont (1994 ; 2000),
notamment, ont proposé de contrôler les flux d'échange par
des variables structurelles indépendantes de la politique commerciale.
L'écart entre le volume constaté du commerce et celui
prévu à partir du modèle de référence
devient alors l'indicateur d'ouverture. Si ce résidu, est positif
(commerce constaté > commerce prévu) le pays est
considéré comme ouvert et inversement. L'indicateur d'ouverture
est alors un indicateur relatif : un pays n'est ouvert (ou fermé) que
relativement à ce qui peut être observé pour l'ensemble des
pays. On peut admettre que les travaux empiriques qui utilisent cette
méthode ne puissent prétendre conclure que sur l'avantage (ou
l'inconvénient) de s'ouvrir davantage (ou moins) que les autres. Ils ne
diront rien sur une relation monotone entre le degré d'ouverture absolue
et le taux de croissance et, a fortiori, ne permettront pas non plus
d'établir le degré d'ouverture "optimale".
Au regard de tous ces indicateurs de l'ouverture commerciale,
nous avons opté dans le cadre de cette étude pour l'utilisation
d'un indicateur d'ouverture absolue à savoir le degré d'ouverture
commerciale pour des raisons précédemment
évoquées.
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