WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de Simplice Ilunga Monga

( Télécharger le fichier original )
par Guy KEBA GUMBA
Université de Lubumbashi - DEA 2016
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

0. INTRODUCTION GENERALE

0.1. CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

0.1.1. CONTEXTE

Notre sujet de recherche porte sur «  Les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA ».

Nous partons du postulat selon lequel un texte littéraire est souvent taillé sur mesure pour répondre aux attentes et exigences du lecteur. Il est donc une réponse à la demande explicite ou implicite de sa société. A ce titre-là, il joue nécessairement un rôle ou, mieux, il remplit une fonction sociale.

Pendant que l' « agent social » Simplice ILUNGA MONGA prend conscience des maux qui déciment sa société, cette dernière formule de manière implicite quelques voeux (l'horizon d'attente) : fais-moi chanter, fais-moi rêver, fais-moi pleurer, fais-moi jouer, éduque-moi, etc. C'est de ce prisme auteur-lecteur que découlent les questions de notre problématique.

0.1.2. PROBLEMATIQUE

Dans le cadre de ce travail, notre questionnement tourne autour de trois questions suivantes :

- Quelles sont les fonctions sociales reprises dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA ?

- Comment fonctionnent-elles dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA ?

- En quoi l'articulation de ces fonctions sociales dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA trahit le positionnement de l'auteur dans divers champs ?

0.1.3. HYPOTHESES

En guise d'hypothèses, nous pensons que :

- Simplice ILUNGA MONGA développeprincipalement,dans ses oeuvres,les fonctions ci-après :

ü la fonction magico-religieuse

ü la fonction critique

ü la fonction pédagogique

ü la fonction idéologique

ü la fonction fantasmatique

- Ces différentes fonctions sociales forment une sorte d'écriture d'interpellation et d'éveil de conscience de la population dans une société congolaise décadente où lesvices sont devenus quasimentdes vertus.

- Sa profession de professeur d'Université, son poste de Secrétaire Général académique, sa foi chrétienne, ses fonctions de Député national ; fondent l'habitus, c'est-à-dire l'environnement social qui a fait prendre conscience à Simplice ILUNGA MONGA des vices vécus dans sa société. Sa prise de parole n'étant plus gratuite, elle devient alors l'expression figurée de son positionnement à l'intérieur de chaque champ.

0.2. Etat de la question

Les fonctions sociales de la littérature ont déjà fait objet de plusieurs études dont le mémoire d'études supérieures d'AchukaniOkaboportant sur : « Les fonctions sociales de l'écrivain africain ». (1994). Dans ce travail ; AchukaniOkaboposeclairement un postulat théorique sur le statut de l'écrivain noir, en général, et africain en particulier. Il complète sa réflexion dans sa thèse en 1966, en insistant sur la valeur et l'estime accordées aux écrivains africains et insista sur le statut privilégié de l'écrivain noir dans le contexte Africain considéré comme porte-parole de la société. Il fait aussi une analyse panoramique des différents prix littéraires accordés aux écrivains noirs Américains et Africains .L'écrivain est donc, selon AchukaniOkabo, le panneau de signalisation pour orienter et avertir la population devant les embuches éventuelles de la vie.

Nous pouvons aussi évoquer Nicholas Schengeta dans son travail intitulé « Analyse sémantique de 5 grandes fonctions de l'écriture »(1990) dans lequelil démontre qu'au-delà dela fonction divertissante de la littérature, elle remplit naturellement d'autres fonctions telles que : la fonction esthétique(qui renvoie au style et à l'écart d'écriture propre à chaque écrivain), la fonction critique(qui donne une sorte de réglementation de la société, se rabattant logiquement sur l'idéologie communautaire appelée la doxa),la fonction didactique(qui prône pour une dimension pédagogique et enseignante ld, ; dans les écrits) et, enfin,la fonction sociale (qui relève des dimensions morales de vie associative dans les écrits en faisant un lien entre la micro et la macro société).

Dans sa thèse portant sur « Fonction enseignante de la littérature »(2004),Milrs Mirebeau tente d'élaborer une grille de lecture des textes littéraires en priorisant les effets que le lecteur subit après la consommation d'une oeuvre littéraire. Ces effets sont des fonctions liées à l'interprétation d'une oeuvre littéraire.

Enfin, Emile Debourgognondans J'écris pour agir : Etude critique des fonctions de la littérature, survole de manière théorique toutes les fonctions de la littérature tout en les subdivisant en deux parties qui sont :

- Le côté de la production : c'est l'instance de conception et de confection du message. Le texte littéraire, fruit de l'imagination de l'écrivain, remplit plusieurs rôles selon différents contextes. Etant témoin de sa société, il prend la parole pour répondre au besoin de la société inspiratrice. En ce moment-là, l'acte d'écriture s'accompagne naturellement d'une mission précise.Ainsi, y a-t-il lieu de détecter certaines fonctions qui correspondent à la vision de l'auteur.

- Le coté de la réception : Il insiste sur les dispositions préalables pour bien recevoir une oeuvre littéraire enévoquant le fait que le lecteur est maitre de l'oeuvre parce qu'il la consomme selon son appréhension. Mais le lecteur subit des transformations par la force d'attraction de l'écriture qu'il consomme. Donc la consommation ou mieux, l'interprétation des oeuvres littéraires appelle naturellement d'autres genres des fonctions littéraires.

Eu égard aux études précédentes, nous pensons apporter une démarcation en présentant la trilogie écrivain (création), lecteur (réception) et texte (médiation) avec des notions corolaires telles que la notion d'éthos, la théorie des champs comme soubassement théorique de l'interprétatibilité des fonctions sociales dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

0.3. METHODES ET TECHNIQUES

Pour cette recherche qui vise essentiellement à décrypter les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA, nous avons choisi d'utiliser les approches sociologique et structuraliste.

L'écrivain, la création renvoient à la sociologie de la création.Le lecteur renvoie quant à lui à la sociologie de la réception.La sociologie de la création comme la sociologie de la réception font partie intégrante de la sociologie de la littérature. A cela s'ajoutent les notions connexes comme celles d'ethos, particulièrement l'ethos extralinguistique constitué en réponse au pathos ; la théorie des champs et du capital qui sont aussi des éléments extérieurs au texte mobilisés pour éclairer sa compréhension. D'où, la nécessité de l'approche sociologique.

Elément médiateur entre l'écrivain et le lecteur, le texte est considéré ici comme un tout, une structure autonome. D'où la nécessité de l'approche structuraliste.

Présentées ici à titre indicatif, feront l'objet d'un développement au premier chapitre.

0.4. DIVISION DU TRAVAIL

Hormis l'introduction et la conclusion générales, ce travail comporte trois chapitres :

Le chapitre premier intitulé Cadre théorique et méthodologique se chargera de définir essentiellement les termes clefs de notre analyse à savoir « fonction » et « littérature ».Commençant par la littérature, il sera question de survoler plusieurs définitions en rapport avec celle-ci ainsi que les termes connexes y afférents, ses tendances et ses écoles. Ce chapitre va aussi exploiter la trilogie littéraire susmentionnée et sera bouclé par la présentation du volet méthodologique dans lequel nous brosserons succinctement les approches sociologique et structurale utilisées dans le cadre de ce travail.

Le deuxième chapitre intitulé : Analyse fonctionnelle des récitss'attèlera àrelever lesdifférentes fonctions figurées dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA au moyen du schémaactantielcomplété par les triangles actantiels d'Anne Ubersfeldafin de ressortir les différentes forces sociales en conflits.

Le troisième chapitre qui s'intitule L'interprétation des fonctions de la littératureconsistera à conférer la portée significative des fonctions sociales repérées et analysées dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

0.5. PRESENTATION DE L'AUTEUR ET DU CORPUS

0.5.1. PRESENTATION DE L'AUTEUR 

SimpliceILUNGA MONGA est né à Kamina le 07 septembre 1971.Marié, père de famille et agrégé de l'enseignement moyen du degré Supérieur, Simplice ILUNGA MONGA est Docteur en Lettres et Civilisations Africaines à l'Université de Lubumbashi. Professeur des universités et chercheur en Linguistique, Pragmatique, Communication et Sciences du langage, il est auteur de plusieurs publications (articles scientifiques et ouvrages). SimpliceILUNGA MONGA est Secrétaire Généralacadémique honoraire de l'Université de Likasi. Il est aussi, depuis 2011,député national.

0.5.2. PRESENTATION DU CORPUS

Publiéà Lubumbashi aux éditions GRAMS sous le dépôt légal 08/20.2010.136, L'odeur de la malédiction est un recueil de 104 pages construit sur cinq nouvelles:Lelo, Premier mari, Deuxième mari, Troisième mari, Quatrième mari.

Lelo est l'histoire d'un quadragénaire plein d'ambition qui va se marier à une belle femme du nom de Bella. De leur union naitront trois « jolies » filles. L'ainée se nommait Cobella, tout le monde vantait sa beauté. Pour la protéger contre les regards envieux et voraces, son père avait restreint sa liberté de mobilité. Après plusieurs mois de réflexion, elle se décida d'effacer son père. Elle l'attaqua par derrière. Violemment, elle l'assomma. Sans avoir vue son agresseur, le père tomba et mourut quelques minutes plus tard. Des funérailles à la taille du défunt furent organisées. Quelque temps après, elle chassa ses oncles paternels de la maison et Cobella s'était autoproclamée héritière des biens de son père.

Deuxième nouvelle, Premier maripoursuit le motif de la première nouvelle. En effet, riche héritière de son père,Cobella épouse en deuxièmes noces un prêtre défroqué nommé Kabu. Ensemble, ils mènent une vie paisible. Jaloux, les oncles paternels de Cobella piègent le mari et finissent par le tuer brutalement après l'avoir opposé à son jeune frère.

Après le décès de son mari, Cobella épouse,Deuxième mari,un homme réputé pour son sens d'organisation et qui a permis à la famille de Cobella de prospérer dans leurs activités commerciales. Possessif et trop autoritaire, Tumo n'accordait pas la moindre liberté à son épouse. Celle-ci a fini par demander et obtenir le divorce pendant que son conjoint était soufrant d'une grave maladie, donc sans aucune défense.

Kabu est le Troisième maride Cobella qui tente, en vain, del'arraisonner sur la nécessité de faire la paix avec sa famille.L'héroïne finit par rompre leurs relations.

Kakas est le Quatrième mariqui, fin stratège :Le dernier mari du nom de KAKAS opta pour le règlement par voie diplomatique pour mettre fin aux conflits. Pendant des heures, ils discutèrent sur la proportion de la part. Enfin de compte, ils s'accordèrent et un pacte de paix fut signé. Chacune des quatre parties reçut sa portion. A la grande surprise de tout le monde et à la grande déception des paternels, la guerre fut éradiquée et la paix reprit sa place dans la maison de Cobella.

Publié aux éditions GRAMS sous le dépôt légal 05.20.02010.111, IIème trimestre à Lubumbashi, L'Imposteur Pasteur  comprend trois nouvelles posées sur 64 pages qui sont :Retrouvailles, Manipulations, Viol sacré.

Retrouvailles s'ouvre sur une rencontre de deux vieux amis d'enfance :Mwempo et Iluzi qui ont passé l'école primaire ensemble et que le destin a séparés. L'un fut orienté vers la section mécanique et son ami vers la section littéraire.

Pasteur, Mwempoest à l'origine de la rupture des relations deIluzidans Manipulations. En effet, le Pasteur va manipuler le couple de Iluzi à sa guise en utilisantleurs biens à son profit.Intendant et gérant de ce couple,le Pasteur finit par prendre la femme de Iluzi comme concubine.

Le zèle du Pasteur monta en puissance,dans Viol sacré,au point qu'il monta même un groupe de prière. Il profita de la souffrance d'un couple dévastéepar la disette et le désespoir pour violer la dame en prétendant la délivrer du mauvais sort. La femme qui attendait qu'un« serpent » soit extirpé de ses entrailles comme annoncé par le Pasteurva plutôt constater qu'une autre forme de « serpent » entrait. Le Pasteur fut amené en justice pour motif du viol et le juge le condamna à quelques années de prison. La famille de Iluzifutalors délivrée.

Imprimé et publié à Lubumbashi aux éditions GRAMS sous le dépôt légal 08/20.2010.135, IIIème trimestre, L'Université à la dérive est aussi un recueil de nouvelles comprenant trois titres ci-après :Parle-moi de l'université, Monsieur le professeur, Silence, on délibère.

Dans Parle-moi de l'Université, un professeur du nom de Talanga engage une vive discussion avec sa fille qui venait de décrocher son diplôme d'état et qui s'apprêtait à entamer ses études universitaires. Juliette tente de convaincre son père sur les vices qui ternissent l'image de l'université et qui ont atteint le seuil de l'intolérable. Méditatif, pensif et écartelé entre la défense de son métier et la pertinence des arguments de sa fille, le Professeur Talanga opère une digression et perd sa fille dabs les firmaments de son savoir sans pour autant réussir à contrer les arguments de sa fille.

Monsieur le professeur voit le professeur Talanga en plein exercice de son métier d'enseignant. Fondé sur le plagiat, son enseignement est se résume en des séances de marketing de son « syllabus » dont ses assistants sont des percepteurs. Avec l'argent issu de la vente de son « syllabus », le professeur écume les bistrots, tronquent ta toge et troque son savoir contre les charmes de ses étudiantes.

Dans Silence, on délibère, le Professeur décroche une nomination dans le bureau d'un jury et verse dans une corruption multiforme. Il finit par se faire surprendre, main dans le sac méritant ainsi la sanction du Recteur.

PREMIER CHAPITRE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

I.0. INTRODUCTION

Dans ce chapitre consacré au Cadre théorique et méthodologique, nous définirons essentiellement les termes clefs de notre analyse à savoir « fonction » et « littérature ». Commençant par la littérature, il sera question de survoler plusieurs définitions en rapport avec celle-ci ainsi que les termes connexes y afférents. Nous transiterons, ensuite, par la trilogie auteur-texte-lecteur et ses corollaires. Ce chapitre sera bouclé par la présentation du volet méthodologique dans lequel nous brosserons succinctement les approches sociologique et structurale utilisées dans le cadre de ce travail.

I.1. CADRE THEORIQUE

I.1.1. DEFINITION DES CONCEPTS CLES

I.1.1.1. LA LITTERATURE

I.1.1.1.1. « LITTERATURE » ET EVOLUTION DU SENS

Avouons qu'il est très embarrassant de définir avec exactitude la littérature, étant donné la complexité du terme qui, à la limite, verse dans le générique. Le mot littérature, provient du latin « littera » signifiant « lettre », ou « ce qui est écrit ». Le Dictionnaire encyclopédique des belles lettres(1979 :210) stipule que le terme « littérature »  apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite »,puis évolue à la fin du Moyen-âge vers le sens de « savoir tiré des livres » avant d'atteindre aux XVIIe?-?XVIIIe siècles son sens actuel : ensemble des oeuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique.

Le Dictionnaire Gaffiot (1966 : 321) repère plutôt une évolution de sens du mot « littérature » qui désigne d'abord, un ensemble de lettres constituant le fait d'écrire ou un ensemble de lettres constituées en alphabet.Ensuite, le sens s'élargit en renvoyant à celui de grammaire, de philologie, c'est-à-dire, à l'étude technique et érudite des textes écrits. Il aboutit enfin au sens de savoir, d'érudition dans le domaine des textes écrits. Philippe Caron, quant à lui, soutient que « le mot est attesté au début du XIIe siècle avec le sens premier du latin de  « chose écrite ». Le mot  littérature ne retrouve son sens plein qu'un peu plus tard en déformant la conception latine pour signifier « le savoir acquis par les livres »(Précis de psycholinguistique :1989). 

A ce sujet, Philippe Caron soutient encore dans La bestiaire(1994 :56) quela stratification de la littérature  s'élargitau XXe siècle à toutes les productions écrites. Il parle aussi bien du contenu (sentimentalisme des romans de gare, pornographie et érotisme) que de la forme (roman sans ponctuation, vers libre, écriture automatique). La définition de Philippe Caron s'adapte donc à des catégories affinées telles que le roman historique, la littérature de science-fiction ou paralittérature, sans faire disparaître les désaccords sur la qualification littéraire de certains types d'oeuvres comme le roman de gare, le roman-photo ou la bande dessinée. Il prétend que « La littérature se définit, comme un aspect particulier de la communication verbale, orale ou écrite. La littérature développe une exploitation des ressources de la langue pour augmenter les effets sur le destinataire, qu'il soit lecteur, auditeur ou interprétant.

Bien que les frontières de la littérature soient floues et variables selon les appréciations personnelles, cependant elles ne se caractérisent donc pas seulement, par ses supports et ses genres, mais aussi par sa dimension esthétique. La mise en forme du message l'emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d'informations même complexes.

Aujourd'hui la littérature est associée à la civilisation des livres par lesquels nous parlent à distance les auteurs, mais elle concerne aussi les formes diverses de l'expression orale. Nous avons, en occurrence, le conte et aussi la poésie traditionnelle des peuples  sans écriture. Le cas échéant et celui de la chanson qui, dans une certaine mesure, renferme une dimension littéraire. Lethéâtre aussi est destiné à être reçu à travers la voix et le corps des comédiens. Il convient de faire remarquer que la technologie numérique est en train de transformer le support traditionnel de la littérature et sa nature.

Le concept de littérature a été revisité plusieurs fois par différentes tendances, différents écrivains et théoriciens. Par conséquent, plusieurs définitions apparaissent au point de prêter même à confusion. Prenons principalement quatre définitions génériquesproposées par le Dictionnaire encyclopédique des belles lettres dans sa version revisitée de 2007 

· ensemble des oeuvres écrites ou orales, considérées du point de vue de la forme et de l'expression ; 

· ensemble des oeuvres écrites concernant un domaine précis ;  

· activité de l'homme de lettres;

· ce qui est décrit dans les oeuvres littéraires, comparé à la réalité.  

Par extension, la littérature peut aussi signifier :

· ensemble des oeuvres écrites auxquelles on reconnaît une finalité esthétique. Ces oeuvres sont considérées du point de vue du pays, de l'époque, du milieu où elles s'inscrivent, du genre auquel elles appartiennent : exemple, la littérature française du XVIIe siècle qui renvoie à la littérature avec une période précise ;

· ensemble des connaissances et des études qui se rapportent aux oeuvres et à leurs auteurs : exemple,Cours de littérature ;

· activité, métier de l'écrivain, de l'homme de lettres ;

· Ensemble des ouvrages, des articles de journaux, etc., consacrés à quelqu'un, à un sujet.

J. H. Fragonard dans la,« La lisseuse »(1769 : 311) pense à son tour que «La littérature est d'abord, la rencontre entre celui qui, par ses mots, représente son monde, et celui qui reçoit et partage ce dévoilement. La littérature apparaît donc comme une profération nécessaire, une mise en mots où se perçoit l'exigence profonde de l'auteur qui le conduit à dire et se redire ».

Il est évident qu'aux XVIème et XVIIème siècles, la littérature était considérée comme une branche de la Sociologie et comme tout autre objet social. C'est ainsi que R. Escarpit dans son ouvrage intitulé Le littéraire et le social (1976), pense que la société est indéfectible à la littérature et argumente en ces termes  : « La sociologie s'occupe de la littérature comme son objet social, c'est une prise de conscience de sa dimension sociale ou la littérature se considère comme un phénomène social ».(93) Il poursuit en prétendant que la littérature s'est constituée d'abord autour du pouvoir monarchique et ensuite son ascension arrive avec la révolution technique et précisément avec l'avènement de l'imprimerie qui amène le phénomène de multiplication.

R. Bernard (1999 :39) stipule que  « Les écrits qui jadis étaient des faits de la cour, deviennent publics et à la portée de tout le monde. La première partie du XVIIIème siècle étant dominée par le dogmatisme et l'absolutisme, la deuxième moitié est plutôt une époque de la raison, de la logique ou les élites réclament une explication à tout. Ils soulèvent plusieurs inquiétudes autour du terme « Littérature » qui se manifeste par les questions ci-après : la littérature est-elle enfant de la sociologie ? La littérature est-elle une discipline autonome ? Quel rapport existe-t-il entre texte et société ». Toutes ces questions qui rencontrent les pensées et préoccupations des Lumières du 18ème siècle sont formalisées par Madame de Staël quitente de diachroniser temporellement le parcours de la littérature et ressortir son rôle exact.

Vers 1800, la littérature acquiert le sens moderne et désigne les textes auxquels on accorde une qualité esthétique indiscutable. La distinction entre littérature et grammaire arrive un peu tard au milieu du XIXème siècle avec le grammairien B. Jullien dans son article tiré de la collection Que sais-je ?où il pense que « la pointe ultime de la  haute grammaire dépasse depuis l'Antiquité, la description des mécanismes de la langue pour aborder les critères du beau dans l'aspect formel et stylistique des textes. La littérature qui  classe et étudie les ouvrages (présentant un intérêt de style)  va au-delà : elle prend en charge l'étude et le questionnement sur le fond et sur le contenu des oeuvres » (2001 :58).

I.1.1.1.2. CONCEPTION DE LA « LITTERATURE » SELON JEAN-PAUL

SARTRE

Jean-Paul Sartre livre sa conception de la littérature dans on essaie intitulé Qu'est-ce que la littérature ?(1948).

Cet essai est une manifestation de la conception sartrienne de la littérature engagée, conception qu'il défend contre ses critiques. Jean-Paul Sartre répond aux trois questions suivantes : Qu'est-ce qu'écrire ?, Pourquoi écrire ?, Pour qui écrit-on ?

A. Qu'est-ce qu'écrire ?

La première question posée par Sartre concerne la définition de l'acte d'écrire et est formulée de la manière suivante : « Qu'est-ce qu'écrire ? ». L'auteur va tout d'abord esquisser une réponse en considérant ce qu'écrire n'est pas : écrire n'est pas peindre, écrire n'est pas composer de la musique. En effet, contrairement au peintre ou au musicien qui se contentent de présenter les choses et de laisser le spectateur y voir ce qu'il veut, l'écrivain, lui, peut guider son lecteur. La chose présentée n'est plus alors seulement chose, mais elle devient alors signe.

Une fois que l'écriture a été distinguée des autres formes d'art, Sartre peut passer à l'étape suivante, c'est-à-dire à la distinction, au sein même de l'écriture, de la prose et de la poésie, un point capital dans sa réflexion. On peut résumer la distinction par la formule suivante bien connue : « La prose se sert des mots, la poésie sert les mots » . La poésie considère le mot comme un matériau, tout comme le peintre sa couleur et le musicien les sons. La démarche du prosateur est complètement différente. Pour lui, les mots ne sont pas des objets, mais désignent des objets. Le prosateur est un parleur et « parler, c'est agir ». En effet, en parlant, on dévoile, et, dernière étape du raisonnement, « dévoiler, c'est changer ».

Par cette distinction entre prose et poésie, Sartre a répondu à la question fondamentale du chapitre : écrire, c'est révéler. Révéler, c'est faire en sorte que personne ne puisse ignorer le monde et, dernier pas, si on connaît le monde, on ne saurait s'en dire innocent- c'est exactement la même situation que nous avons avec la loi, que chacun doit connaître afin de répondre ensuite de ses actes.

Après avoir parlé du fond qui définit ce que c'est qu'écrire, Sartre en vient à la forme. Le style, insiste-t-il, s'ajoute au fond et ne doit jamais le précéder. Ce sont les circonstances et le sujet que l'on désire traiter qui vont pousser l'écrivain à chercher de nouveaux moyens d'expression, une langue neuve, et non l'inverse.

A la fin du chapitre, Sartre revient sur l'idée d'engagement, idée sur laquelle il avait commencé son ouvrage en expliquant qu'on ne peut demander ni au peintre, ni au musicien de s'engager. L'auteur conclut que l'écrivain, lui, doit s'engager tout entier dans ses ouvrages. L'écriture doit être à la fois une volonté et un choix. Mais alors, si l'écriture est le fruit d'une décision, il faut à présent se demander pourquoi on écrit. Ce sera l'objet du chapitre suivant.

B. Pourquoi écrire ?

Pour Sartre, la littérature est, comme il l'a démontré dans son premier chapitre, un moyen de communication. Il s'agit maintenant de savoir ce que l'on veut communiquer, ce que résume la question posée en tête du chapitre : « Pourquoi écrire ? ».

Sartre commence par remonter à l'origine de l'écriture. « Un des principaux motifs de la création artistique est certainement le besoin de nous sentir essentiels par rapport au monde » explique l'écrivain. On peut prendre pour exemple une situation toute simple : un homme regarde un paysage. Par ce geste, il le « dévoile » et il s'établit une relation qui n'existerait pas si l'homme n'était pas là. Mais l'homme est en même temps profondément conscient du fait qu'il est inessentiel par rapport à cette chose dévoilée. Il ne fait que la percevoir sans prendre part au processus de création.

L'homme est aussi capable de créer. Mais alors, il va perdre cette fonction de « révélateur ». L'objet produit répond à des règles que lui-même a mises en place et est par là entièrement subjectif; il sera par exemple impossible à l'écrivain de lire ce qu'il a écrit avec un regard extérieur. La situation est inversée par rapport à celle que nous avions avec le paysage : le créateur devient essentiel car sans lui, l'objet n'existerait pas, mais ce dernier est maintenant inessentiel. Nous avons certes gagné la création, qui n'était pas présente lors de la contemplation d'un paysage, mais nous avons perdu la perception.

La clé du problème se trouve dans la lecture, laquelle va réaliser la synthèse entre perception et création. Pour que l'objet littéraire surgisse dans toute sa puissance, il faut qu'il soit lu : « c'est l'effort conjugué de l'auteur et du lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu'est l'ouvrage de l'esprit. Il n'y a d'art que pour et par autrui » . Dans la lecture, l'objet est essentiel car il impose ses structures propres, tout comme le faisait le paysage, et le sujet est essentiel car il est requis non plus seulement pour dévoiler l'objet, mais pour que cet objet soit absolument. L'objet littéraire, précise Sartre, n'est pas donné dans le langage, mais à travers le langage. Il mérite, pour être parachevé, d'être lu, d'être par làdévoilé et finalement créé. L'activité du lecteur est créatrice. Nous atteignons alors un cas unique : l'objet créé est donné comme objet à son créateur et le créateur a la jouissance de ce qu'il a créé.

Après avoir expliqué en quoi consistait l'opération d'écriture et de lecture, qui se complètent l'une l'autre, Sartre va maintenant s'attarder sur la relation particulière qui se développe entre l'auteur et son lecteur. Le premier ayant besoin du second afin que s'accomplisse ce qu'il a commencé, tout ouvrage littéraire est défini par Sartre comme un appel et plus particulièrement un appel à la liberté du lecteur, afin qu'il collabore à la production de l'ouvrage - sans lecteur, pas d'oeuvre littéraire, nous l'avons compris. Au centre de la relation entre auteur et lecteur, Sartre a ici placé le mot de « liberté ». Un pacte est scellé entre l'auteur et son lecteur : chacun reconnaît la liberté de l'autre. Le lecteur présuppose que l'écrivain a écrit en usant de la liberté dont est investi tout être humain (sinon l'oeuvre entrerait dans la chaîne du déterminisme et ne serait pas intéressante), et l'auteur reconnaît à son lecteur sa liberté, laquelle est essentielle, comme nous l'avons vu, pour le parachèvement de l'oeuvre. Voilà pourquoi la lecture peut être définie comme un exercice de générosité, chacun se donnant à l'autre dans toute sa liberté et exigeant de l'autre autant qu'il exige de lui-même. Si l'on résume le processus, on peut dire que l'écrivain a fait un premier mouvement qui est celui de la récupération du monde, le donnant à voir tel qu'il est, mais cette fois comme s'il avait sa source dans la liberté humaine et non plus dans le pur hasard des choses. Le lecteur, lui, récupère et intériorise ce non-moi en le transformant en impératif que l'on peut résumer ainsi : « Le monde est ma tâche ». C'est ce processus d'intériorisation qui va provoquer chez le lecteur ce que Sartre appelle « une joie esthétique ». C'est précisément lorsque cette joie paraît que l'oeuvre s'accomplit. Chacun est gagnant et récompensé pour sa peine.

Mais on ne saurait s'arrêter là. Ce « dévoilement - création » doit également être un engagement, tout d'abord imaginaire, dans l'action. Et Sartre critique le réalisme dont la posture est celle de la contemplation - ce mot s'opposant clairement à l'action. Si l'écrivain, en nommant l'injustice, la crée aussi en quelque sorte, il doit vouloir en même temps la dépasser et il invite son lecteur à effectuer la même démarche. D'un côté l'écrivain, de l'autre le lecteur : nous voilà en présence des deux responsables de l'univers.

Après l'évocation de la responsabilité, Sartre revient à la fin de son chapitre sur son idée centrale, celle de la liberté. « L'écrivain, homme libre s'adressant à des hommes libres, n'a qu'un seul sujet : la liberté » affirme-t-il. Par-là, il montre qu'il a répondu à la question « Pourquoi écrire ? » en proclamant que l'art de l'écriture est profondément lié à la liberté et par conséquent, s'aventurant sur le champ politique, à la démocratie. « Ecrire, insiste Sartre, c'est une certaine façon de vouloir la liberté ; si vous avez commencé, de gré ou de force vous êtes engagé » . Le mot est lâché : engagé. La question est maintenant de connaître son public afin de savoir où et comment s'engager. D'où la question du chapitre suivant : pour qui écrit-on ?

C. Pour qui écrit-on ?

Le troisième chapitre va développer la relation fondamentale que constitue celle de l'écrivain et de son public, mais cette fois sous une perspective historique.

Sartre esquisse une première réponse à la question posée en tête du chapitre : « À première vue, cela ne fait pas de doute : on écrit pour le lecteur universel ; et nous avons vu, en effet, que l'exigence de l'écrivain s'adresse en principe à tous les hommes ». Toutefois, une restriction est immédiatement introduite. Certes, l'écrivain a souvent pour ambition d'atteindre par l'écriture une sorte d'immortalité car il aurait transcendé le moment historique dans lequel il vit en s'élevant à un niveau plus élevé. Cependant, insiste Sartre, l'écrivain se doit d'abord de parler à ses contemporains et à ceux qui vivent dans la même culture que lui. Il y a en effet entre eux une complicité et des valeurs partagées qui permettent une communication tout à fait particulière.

C'est un contact historique, en tant qu'il fait partie de l'histoire et qu'il est inscrit dans l'histoire. L'écrivain joue alors un rôle de médiateur. Non seulement il est homme, mais en plus, il est écrivain, une position qu'il a choisie - alors qu'on ne choisit pas d'être juif, par exemple. La liberté, terme clé encore une fois, est à l'origine du geste. Mais une fois ce choix fait, la société va investir sur l'écrivain et lui poser des frontières, des exigences.

D'où l'intérêt de la question de la relation entre l'écrivain et son public. Sartre prend pour point de départ un exemple, celui de Richard Wright, écrivain noir des États-Unis qui avait pour ambition de défendre les droits de ses compatriotes opprimés. Deux points sont particulièrement intéressants. Wright s'adressait certes en premier lieu aux noirs cultivés, mais, à travers eux, il s'adressait en fait à tous les hommes. C'est bien en s'inscrivant dans l'histoire que l'écrivain va parvenir à faire ce saut tant désiré dans l'infini. Le deuxième point à relever chez Wright concerne la déchirure qui caractérisait son public : les noirs d'un côté, les blancs de l'autre. Ainsi, de chaque mot se dégage un double sens : il renverra à certains concepts pour le Noir, à d'autres pour le Blanc.

A partir de cet exemple, Sartre va développer sa réflexion sur les relations entre l'écrivain et son public. Comme nous l'avons déjà vu, l'écrivain dévoile la société et celle-ci, se voyant et surtout se voyant vue, est placée devant un choix impératif : s'assumer ou bien changer. Voilà pourquoi on peut dire que l'écrivain a une fonction de parasite : il va à l'encontre de ceux qui le font vivre en attirant leur attention sur des situations face auxquelles ils préféreraient fermer les yeux. Ce conflit, à la base de la position de l'écrivain, peut être exprimé de la manière suivante : nous avons d'une part les forces conservatrices, ou public réel de l'écrivain, et les forces progressistes, ou public virtuel. La distinction entre public réel et public virtuel étant posée, Sartre va pouvoir esquisser une brève histoire des relations entre ces deux forces.

Notre auteur commence par le Moyen-Age. À cette époque, seuls les clercs savaient lire et écrire. Ces deux activités étaient considérées comme des techniques, tout comme celles de n'importe quel artisan. Le public de l'écrivain - si on ose l'appeler ainsi - est terriblement restreint : les clercs écrivent pour les clercs. Le but n'est pas de changer, mais de maintenir l'ordre.

Le XVIIe siècle voit intervenir la laïcisation de l'écrivain, ce qui ne signifie pas, souligne Sartre, universalisation, puisque le public reste très limité. Celui-ci est actif : on lit parce qu'on sait écrire et on juge selon une table de valeurs précises. On a toujours une idéologie religieuse dominante, gardée par les clercs, laquelle s'est doublée d'une idéologie politique qui a aussi, comme Sartre les appelle, ses « chiens de garde ». Une troisième catégorie se dégage pourtant, les écrivains qui acceptent ces données religieuses et politiques parce qu'elles font partie du contexte, sans que l'on puisse dire qu'ils y soient complètement à leur service.

Naturellement, ils ne se posent pas de questions sur leur mission, celle-ci est déjà tracée - contrairement à l'écrivain d'aujourd'hui, sur lequel on reviendra plus tard. Ce sont des classiques, c'est-à-dire qu'ils évoluent dans un monde stable où il ne s'agit pas de découvrir, mais de mettre en forme ce que l'on sait déjà. La société, ou plutôt devrait-on dire l'élite, car il n'y a qu'elle qui lit, demande qu'on lui reflète non pas ce qu'elle est, mais ce qu'elle croit être. L'art doit être moralisateur. Sartre souligne toutefois que l'on peut déjà détecter un pouvoir libérateur dans l'oeuvre puisque celle-ci doit avoir pour effet, à l'intérieur de la classe, de libérer l'homme de ses passions.

Le XVIIIe siècle marque un tournant dans l'histoire. Pour la première fois, l'écrivain va refuser l'idéologie des classes dirigeantes. Il faut dire que cette idéologie chancelle. La bourgeoisie montante, qui revendique ses propres valeurs, commence à faire dangereusement concurrence. Or, cette bourgeoisie, pour accomplir sa révolution, a besoin de l'écrivain pour prendre conscience d'elle-même. En cette époque troublée, la conscience de l'écrivain, tout comme son public, est déchirée : on lui a appris qu'il lui fallait être reconnu par les grands de ce monde, les monarques, et il les voit en pleine décadence. Mais c'est justement grâce à ce conflit que l'écrivain va alors prendre conscience de sa position particulière au sein de la société et va s'identifier à l'Esprit, c'est-à-dire au pouvoir permanent de former et de critiquer des idées.

L'écrivain et la bourgeoisie sont alors alliés pour revendiquer la liberté. Il est alors évident que la littérature fait acte (libérateur) : Sartre s'indigne qu'il faille aujourd'hui à Blaise Cendrars prouver qu'un roman peut être aussi un acte". L'appel lancé par l'écrivain à la bourgeoisie est un appel à la révolte. Son public est à nouveau double comme pour Richard Wright : d'une part il "témoigne" face à la noblesse, d'autre part il "invite ses frères roturiers à prendre conscience d'eux-mêmes".

Malheureusement, cette situation favorable ne va pas durer longtemps. Une fois que la bourgeoisie a atteint ses objectifs, elle veut qu'on l'aide à construire son idéologie, exactement comme le réclamait autrefois la noblesse. Comme au XVIIe siècle, la littérature est à nouveau réduite à la psychologie. On ne croit pas, ou plus, à la liberté. C'est le déterminisme qui prend le pas sur celle-ci. Mais l'écrivain n'accepte pas si facilement de retrouver sa situation servile d'antan. C'est alors dans ces années-là, après 1850, qu'un public virtuel commence à se dessiner. La littérature se veut abstraite et refuse de s'historiciser, d'appartenir à une classe. Pourtant, ironise Sartre, dans les faits, le seul public de l'écrivain, c'est cette bourgeoisie qu'il se plait tant à critiquer. S'il avait été conséquent avec lui-même, l'écrivain aurait alors pu commencer à s'intéresser au prolétariat, mais il refuse ce qu'il ressent comme un déclassement.

La deuxième partie du XIXe siècle voit s'imposer une idéologie littéraire qui est celle de la destruction. Tout est à jeter à terre, y compris sa propre vie - on connaît l'usage que font les poètes de l'alcool et de la drogue.... On dit trouver la perfection dans l'inutile, on refuse de moraliser et on aspire à une création absolue.

Cette période de destruction va culminer avec l'avènement du mouvement surréaliste. Après avoir tout contesté, il ne restait à la littérature qu'à se contester elle-même et c'est bien ce qu'entreprennent les surréalistes qui se placent dans la Négation absolue, au-dessus de toutes les responsabilités et échappant par là au jugement. Voilà de quoi s'accommode très bien la bourgeoisie. Si la littérature est gratuite, c'est qu'elle est inoffensive. De plus, la bourgeoisie sait bien que l'écrivain a besoin d'elle, ne serait-ce que pour se nourrir et pour avoir quelque chose à détruire.

La littérature est alors à une période de son existence où elle est aliénée, c'est-à-dire qu'elle n'est pas parvenue à sa propre autonomie et qu'elle reste moyen et non fin, et est également abstraite, parce qu'elle tient le sujet de l'oeuvre comme indifférent. Si l'on retrace en quelques mots son parcours, on peut dire que la littérature était déjà aliénée et abstraite au XIIe siècle, lorsque les clercs écrivaient pour les clercs. La littérature est devenue ensuite concrète et aliénée, s'est libérée par la négativité mais est retombée dans l'abstraction pour devenir négativité abstraite puis enfin négativité absolue. La littérature a donc tranché tous ses liens avec la société.

Sartre résume en trois points la situation actuelle de l'écrivain :

1. Il est dégoûté du signe, préfère le désordre à la composition et par conséquent la poésie à la prose ;

2. Il considère la littérature comme une expression parmi d'autres dans la vie et n'est pas prêt à sacrifier sa vie à la littérature ;

3. Il est traversé par une crise de conscience morale car il n'arrive plus à cerner son rôle.

Que doit faire l'écrivain maintenant, afin de créer une situation d'équilibre dans laquelle le lecteur et l'auteur seraient chacun à leur place ? La réponse est claire : l'écrivain doit s'ancrer dans l'histoire, ce qui ne veut pas dire qu'il renonce à la survie. C'est en effet en agissant qu'il survivra.

Sartre trace le portrait d'une société idéale, qui serait une société sans classe où le public virtuel correspondrait pleinement au public réel. L'écrivain pourrait ainsi parler à tous ses contemporains, exprimer leurs joies et leurs colères. La littérature renfermerait la totalité de la condition humaine et deviendrait anthropologique.

La littérature pourrait alors s'accomplir dans cette société qui serait en révolution permanente et qui donnerait aux gens la possibilité de changer perpétuellement. La littérature serait Fête et générosité. Cette utopie, car c'en est une, Sartre l'admet, permet de voir la littérature réalisée dans toute sa pureté.

L'utopie est utile pour l'exemple, certes, mais elle a ses limites puisqu'elle ne représente aucunement ce qui se passe dans les années où Sartre écrit. Après avoir traité de la littérature de manière plutôt générale, Sartre se doit maintenant de devenir plus concret en s'attachant à décrire la situation présente de l'écrivain en 1947.

Sartre, toujours intéressé par l'histoire, tient à faire comprendre la situation actuelle en regardant un peu en arrière et notamment en distinguant les trois dernières générations d'écrivains français - car c'est à eux qu'il s'intéresse - qui se sont succédé depuis le début du siècle.

La première génération est composée d'auteurs qui ont commencé à produire avant la guerre de 1914 et qui ont achevé leur carrière aujourd'hui. Ce sont les premiers qui ont tenté une réconciliation entre la littérature et le public bourgeois. Eux-mêmes étaient bourgeois et ne tiraient pas leurs revenus de la littérature, mais plutôt de leurs biens (terres, commerce...). Ces écrivains étaient des hommes du monde, ils avaient des obligations professionnelles, des obligations envers l'état, ils participaient à la société en consommant et en produisant.

La deuxième génération est celle qui commence à publier après 1918. C'est l'âge du surréalisme, comme on l'a déjà dit. Le mouvement est accompli en deux temps : l'objectivité est d'abord détruite, puisque la réalité est disqualifiée, mais ensuite la subjectivité va être anéantie à son tour, notamment par la technique de l'écriture automatique, pour atteindre une sorte d'objectivité mystérieuse.

Sartre tient à souligner que la destruction reste complètement virtuelle. Lorsque les surréalistes se rallient aux communistes, lesquels prônent également une idéologie de la destruction, ils ne voient pas que pour les communistes, il s'agit d'un moyen pour la prise du pouvoir, alors que pour les membres du mouvement littéraire, la destruction est une fin en soi et le prolétariat n'a pas de sens à leurs yeux, puisqu'ils aspirent à sauter hors de la condition humaine.

On en vient maintenant à la troisième génération, « la nôtre » dit Sartre. L'auteur tient à montrer dans quel contexte historique celle-ci est arrivée à l'âge d'homme. Le tournant s'est fait dans les années 1930 lorsque les hommes, soudainement, ont pris conscience de leur historicité. Quand la menace de la guerre est bien réelle et promet des années terribles, les hommes se rendent compte de l'importance du monde matériel. Les écrivains ne peuvent plus se permettre d'écrire à des âmes vacantes qui s'amusent de jeux littéraires abstraits, il faut maintenant parler de ce qui attend les hommes de cette époque, la guerre et la mort. Le mal prend ses allures les plus concrètes, par exemple avec la pratique de la torture.

Sartre s'attarde sur l'expérience des hommes français pendant la guerre et notamment pendant l'occupation allemande. Sous la torture (une menace permanente pour le résistant de ces années-là), l'homme est mis face à un dilemme : soit il se tait, et alors il est un héros, soit il parle, et alors il est un lâche. C'est lorsque le résistant choisit le premier extrême que l'homme naît en lui. Comment parler de cette expérience ? Il faut créer une nouvelle littérature qui réconcilie l'absolu métaphysique et la relativité du fait historique. Ou bien, autrement dit, la littérature doit se poser la question suivante : comment peut-on se faire homme dans, par, et pour l'histoire ? L'homme a perdu ses points de repère. Celui qui lutte dans la résistance ne sait pas ce qui l'attend le lendemain, il est dans le doute, dans l'attente, dans l'inachevé. Voilà ce qui va pousser les hommes à écrire une littérature de situation qui rende compte de l'inquiétude du présent.

La fin de la Deuxième Guerre mondiale ne ressemble pas à celle de 1918 qui s'était terminée dans un esprit festif après la victoire et qui voyait sous ses yeux une fantastique reprise économique. En 1945, la littérature a décidé de refuser de lier son destin à la société de consommation, dont l'équilibre est trop précaire. Avec la guerre, l'homme a appris qu'écrire, c'est « exercer un métier, un métier qui exige un apprentissage, un travail soutenu, de la conscience professionnelle et le sens des responsabilités » . Si la guerre de 14 avait provoqué une crise du langage, la guerre de 1940 le revalorise. Lorsque chaque mot peut coûter une vie, explique Sartre, on les économise, on va au plus pressé. Le langage retrouve une fonction utilitaire.

Après le tracé historique, Sartre tente de cerner la situation de l'écrivain au sortir d'une guerre qui laisse comme conséquence un monde déchiré entre capitalisme et communisme : jamais l'homme n'a été aussi conscient du fait qu'il faisait l'histoire et paradoxalement, jamais il ne s'est senti aussi impuissant devant l'histoire. Pour répondre à ce paradoxe, il faut s'interroger sur l'interaction entre être et faire. « Est-ce qu'on fait ? se demande Sartre, est-ce qu'on se fait ? ». Ces questions tourmentent l'écrivain comme le lecteur. La réponse de notre auteur est que le faire est révélateur de l'être. L'écrivain ne va plus donner à voir le monde, comme les impressionnistes le faisaient, par exemple, mais à le changer. C'est par là qu'on accédera à la connaissance la plus intime de notre monde. Autrement dit : abandonnons la littérature de l'exis, définie comme état passif de la contemplation, pour celle de la praxis, définie comme action dans l'histoire et sur l'histoire. Toutefois, à long terme, il faut viser une synthèse entre praxis et exis, entre négativité et construction afin d'atteindre la littérature totale.

Après avoir expliqué ce que doit être l'écriture aujourd'hui, il faut maintenant voir plus précisément à qui l'on s'adresse. « Au moment même où nous découvrons l'importance de la praxis, au moment où nous entrevoyons ce que pourrait être une littérature totale, notre public s'effondre et disparaît, nous ne savons plus, à la lettre, pour qui écrire » explique Sartre. Le public n'est plus celui d'autrefois, il peut s'élargir et, étonnamment, les écrivains sont aujourd'hui plus connus qu'ils ne sont lus, cela notamment en raison des nouveaux moyens de communication, les mass media que sont la radio et le cinéma.

Si l'on s'attache à décrire la situation concrète, on voit que l'écrivain a face à lui une bourgeoisie en pleine décadence. Ses valeurs de travail et de propriété se sont effondrées et elle est entrée dans ce que Sartre appelle « la conscience malheureuse ». Ce sont eux, pourtant, qui aujourd'hui forment le principal, si ce n'est le seul public de l'écrivain. Mais que peut faire l'écrivain pour cette classe, si ce n'est refléter cette « conscience malheureuse » ? Il doit plutôt profiter du pouvoir d'élargissement de son public qui lui est proposé. L'ouvrier de 1947, souligne Sartre, n'est pas celui d'il y a un siècle en arrière, il lit les journaux et écoute la radio. Il est donc possible pour l'écrivain de l'atteindre, de lui parler, de refléter ses colères et ses revendications. Sartre apporte encore une précision importante en soulignant que l'écrivain ne doit pas offrir ses services au parti communiste. Son oeuvre risquerait de devenir moyen et non plus fin et d'entrer ainsi dans une chaîne où ses principes lui viendraient de l'extérieur.

I.1.1.1.3. LA LITTERATURE SELON ROLAND BARTHES

Les écrits de Roland Barthes font partie des référents habituels quand on veut définir le concept « littérature ». Son premier souci, c'est, en effet, le texte littéraire ; l'opposé des écrits culturels que lisent la plupart des gens qui fréquentent des romans, cette littérature de masse que Barthes range dans la catégorie des textes "poisseux".

Ce qui peut nous questionner, c'est la façon particulière qu'a Barthes d'aborder le rapport lecture/littérature. Nous savons que la société et ses institutions, notamment l'école, entretiennent la confusion entre lecture et littérature au détriment des écrits sociaux ; que, dès le primaire, la pratique de la lecture et son évaluation sont trop souvent l'évaluation de la familiarité de l'élève avec l'écrit littéraire, donc la mise en oeuvre d'un processus inavoué de sélection autour de pratiques culturelles « légitimes » et excluantes.

De même, avec les manuels, l'école secondaire continue d'éliminer les « vrais textes » sociaux pour leur substituer des extraits, voire de « faux textes » pseudo-littéraires qui n'existent qu'à l'école.

Or, le lecteur d'aujourd'hui est obligé de développer des stratégies multiformes adaptées à la diversité des textes qu'il interroge ou rencontre.La lecture du texte littéraire n'est certes pas la lecture, mais une certaine lecture d'un certain type d'écrit, et le lecteur de romans met en jeu des stratégies et (peut-être surtout) des attitudes face à l'écrit très différentes de celles qui conviennent, par exemple, à la lecture d'écrits utilitaires.

C'est de la rencontre entre le lecteur et son texte que Barthes nous entretient. C'est là qu'il nous intéresse en renversant l'ordre établi dans l'approche de l'écrit littéraire.

C'est d'abord un renversement de l'opposition statique entre "forme" et « contenu » au profit d'une dynamique où la structuration du récit, elle-même productrice de sens, agit sur le sens dénoté du texte par le jeu des connotations. Ce sont ces connotations du sens, dans le récit, qui permettent une « lecture plurielle, polysémique », donc variable selon les lecteurs.

Ensuite, et cela me paraît le plus important, Barthes opère un renversement de l'ordre hiérarchique lecteur-auteur au profit du lecteur, détenteur du véritable pouvoir sur le texte : Mais l'aptitude à construire le sens ou, mieux, les sens, n'est-elle pas une aptitude de lecteur indissolublement liée à la capacité de parcourir l'espace texte avec le maximum de libre arbitre ? Cette possibilité est interdite au déchiffreur prisonnier d'une subvocalisation attentatoire à la perception du sens. Il est mis dans l'incapacité de vivre le champ des possibles offert par la langue.

Le déchiffreur est d'abord coincé par la lenteur et la rigidité de son entreprise d'oralisation. Mais il est tout autant la victime d'un statut d'infériorisation sociale qui lui enjoint de répondre à la sempiternelle question : « Que dit, qu'a dit, que veut dire l'auteur ? »

Comme si le système scolaire s'était évertué, de Bled à Lagarde et Michard, à réduire au maximum ces potentialités de l'apprenti lecteur à créer, imaginer, fantasmer lors de sa rencontre avec le texte littéraire. Devenir lecteur, c'est donc aussi accéder à une pluralité du sens qui ne peut pas s'accommoder de la domination symbolique de l'auteur sur le lecteur.

I.1.1.1.4. QUE RETENIR ?

A la fin de ce survol, nous pouvons retenir, à la suite de Maurice AmuriMpala-Lutebele1(*), que la littérature est la transformation du fait social en fait littéraire. Cette définition courte et claire résumé une conception de la littérature prenant en compte la trilogie écrivain-texte-lecteur. La prise en compte de cette trilogie débouche sur les prescriptions suivantes résumées par Sartre dans son essaie susmentionné :

1. D'abord recenser les lecteurs virtuels, c'est-à-dire les catégories sociales qui ne nous lisent pas mais qui peuvent lire.

2. Après avoir cerné un public possible, il faut se demander comment faire de lui des lecteurs en puissance, c'est-à-dire de vrais lecteurs, caractérisés par leur liberté, et qui s'engageraient comme l'écrivain le fait. Le but serait d'arriver à un point où le public ait besoin de lire et où l'écrivain serait alors indispensable. «  Alors l'écrivain se lancera dans l'inconnu » : il va parler à des gens à qui il n'a jamais parlé et refléter leur souci ;

3. Une fois que l'écrivain aura regagné un public, c'est-à-dire une unité organique de lecteurs, d'auditeurs et de spectateurs, il faut passer à l'étape suivante, c'est-à-dire à celle de transformation des hommes et du monde. Les lecteurs ont aujourd'hui une connaissance de l'être humain comme exemplaires singuliers de l'humanité, ils doivent accéder à un « pressentiment de leur présence charnelle au milieu de ce monde-ci ». Les lecteurs ont ce que l'on peut appeler une bonne volonté abstraite, ils doivent la concrétiser afin que celle-ci s'historialise et se transforme en revendications matérielles.

Le public est double : le premier épuise sa bonne volonté dans des rapports de personne à personne sans visée globale ; le deuxième, parce qu'il appartient aux classes opprimées, tente d'obtenir par tous les moyens une amélioration matérielle de son sort. L'enseignement n'est pas le même pour les deux : aux premiers, il faut apprendre que le règne des fins ne peut se réaliser sans Révolution et aux autres que la révolution n'est concevable que si elle prépare le règne des fins.

C'est à partir de cette tension que se réalisera l'unité du public. Car si la bourgeoisie ne se préoccupe pas du prolétariat, l'écrivain, lui, est pleinement conscient de son appartenance à la condition humaine et donc à ces deux groupes. Certes, l'écrivain pourrait tendre à une littérature pure, mais alors, il s'éloignerait du prolétariat et reviendrait à une littérature entièrement bourgeoise. Inversement, il pourrait également renier ses valeurs bourgeoises, mais alors son projet d'écrire serait entièrement discrédité. Il n'a d'autre choix que de surmonter l'opposition et la littérature dit que c'est possible, puisque la littérature est liberté totale, une liberté qui doit se manifester chaque jour.

Après avoir indiqué la route à suivre pour tout écrivain de son époque, Sartre précise encore les deux aspects sous lesquels doit se présenter un ouvrage littéraire : celui de la négativité et celui de la construction. La négativité, tout d'abord, implique une analyse approfondie de chaque notion afin de distinguer ce qui lui revient en propre et ce qui a été ajouté par l'oppresseur. Dans ce domaine, c'est surtout un travail sur le langage qu'il faut entreprendre. « La fonction de l'écrivain est d'appeler un chat un chat. Si les mots sont malades, c'est à nous de les guérir » . C'est une opération critique qui demande l'engagement de l'homme tout entier. Cependant, la critique ne suffit pas. On ne se bat plus contre une seule idéologie, comme c'était le cas en 1750, mais on est pris entre de multiples idéologies.

Voilà pourquoi il faut ajouter l'idée de la construction, ce qui ne veut pas dire, précise Sartre, qu'il faille créer une nouvelle idéologie. En effet, à chaque époque, c'est la littérature tout entière qui est l'idéologie et cela parce qu'elle constitue la totalité synthétique et souvent contradictoire de tout ce que l'époque a pu produire. Le temps n'est plus à la narration ou à l'explication, mais à une perception qui soit en même temps action puisqu'elle révèle aux gens ce qu'est le monde et le pousse à le changer, comme nous l'avons vu au premier chapitre : « L'homme est à inventer chaque jour ».

En résumé, nous dit Sartre, la littérature d'aujourd'hui doit être problématique et morale - morale, souligne notre auteur, non pas moralisatrice. La littérature doit montrer que l'homme est valeur et que les questions qu'il se pose sont toujours morales. Et Sartre de conclure : « Bien sûr, le monde peut se passer de la littérature. Mais il peut se passer de l'homme encore mieux ».

En somme, il se construit volontairement ou non, directement ou non, consciemment ou non une relation entre un écrivain et son lecteur via le texte. Une fois que l'écrivain appris conscience de son rôle et du rapport le liant au lecteur, ses stratégies narratives ne sont plus le fait du hasard et les attentes légitimes du public découlant de ce rapport peuvent alors s'appréhender comme le pathos d'un groupe hétérogène criant à l'écrivain :

· Consolez-moi;

· Amusez-moi;

· Attristez-moi;

· Attendrissez-moi;

· Faites-moi rêver;

· Faites-moi rire;

· Faites-moi frémir;

· Faites-moi pleurer;

· Faites-moi penser.

Seuls, quelques esprits d'élite demandent à l'artiste: Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre tempérament. L'artiste essaie, réussit ou échoue. GuyDe Maupassant sous son pseudonyme de Chaudrons-du-diable, qu'il utilisa pour signer en 1880 la chronique Etretat dans la revue Gil Blas, évoque les différentes revendications du lecteur mais surtout, le pacte implicite tissé entre ce dernier et l'écrivain: « Quelle fonction l'un et l'autre attribuent-ils à l'oeuvre ?Quels sont les enjeux de l'écriture, mais aussi de la lecture ?
Se demander si « la littérature a pour rôle de faire réfléchir le lecteur sur les problèmes moraux, politiques ou sociaux ,c'est s'interroger sur la fonction de la littérature, c'est considérer non seulement les objectifs de l'écrivain mais encore la place du lecteur » (1880 : 98).

I.1.1.2. Les fonctions sociales de la littérature

Fonction est un mot féminin que l'on retrouve dans plusieurs domaines.En mathématiques, une  fonction relie deux grandeurs (a priori numériques) de telle façon que la connaissance de la première permet de déterminer la deuxième. En chimie organique, une  fonction (aussi appelée  groupe fonctionnel) est un groupe d' atomes liés, ayant des propriétés particulières au sein d'une  molécule. Une fonction chimique est l'ensemble des propriétés communes à une catégorie des substances chimiques. Il existe en Chimie plusieurs catégories de fonctions, mais nous pouvons citer :

- La fonction Acide : HR = H hydrogène et R radical

Exemple : H2S04 ou H2S03

HCL0 ou HCL04

- La fonction Base : M0H= M métal et 0H Radical Hydroxyde

Na0H= Cu(cH)

Cu(0H)= K0h

- La fonction Sel = Acide +Base Hcl+Na0H qui implique que Nacl+H20

Exemple : Nacl(1)

Ca S04

En informatique, une  fonction est une portion de code qui effectue une tâche ou un calcul relativement indépendant du reste du programme. En programmation impérative, une fonction comporte une séquence d'instructions réalisant un calcul ou une tâche. En programmation fonctionnelle, la fonction est l'artifice qui permet de découper le problème global en élément plus simples. Le terme de routine est aussi utilisé pour les fonctions de bas niveau des systèmes d'exploitation. Une fonction informatique comporte : un nom, des paramètres explicites et implicites.

Exemple : Int max (int a, int b)

Return a >b = b : a

Comme tout texte littéraire est appelé à jouer un rôle donné dans la société et c'est en cela, exactement que réside la notion des fonctions de la littérature. Greimas parle, Sémantique structurale (1966) de la littérature et de ses effets qu'il nomme « fonctions ». Alphonse MbuyambaKakonlongo(2001) axe ses réflexions autour de l'interrogation suivante : l'écrivain a-t-il un rôle déterminé dans la société ? En guise de réponse, l'auteur pense que le « rôle existe et peut se résumer en quatre points : En premier lieu, les écrivains tiennent lieu de mémoire collective. Ils constituent cette bibliothèque de la culture qui conserve le patrimoine commun. Le second point, c'est que l'écrivain assure des fonctions de Virgile. Pour éviter les écoutas et les abus, il observe la société et indique dans quel sens il faut améliorer telle ou telle chose. Troisième point : l'écrivain est le miroir de la société. C'est par lui que celle-ci se regarde. Enfin, l'écrivain est un voyageur d'avenir. Il perçoit le sens dans lequel la société va évoluer. Nous retenons que l'écrivain est un miroir social en ce sens qu'il doit poser les problèmes de la société et amener les gens à prendre leurs responsabilités, pour résoudre un problème ».

Il est, en sa qualité de Virgile, une sorte d'alerte constante des consciences, alerte de tout ce qui doit tiquer et que les gens ne remarquent pas. Alphonse MbuyambaKankolongo(2008). poursuit en qualifiant l'écrivain africain de mobilisateur de conscience. En effet, « l'écrivain africain doit être un mobilisateur de conscience ». Quant à ses sources d'inspiration, cela peut aller d'un événement particulier, la vie courante, les problèmes politiques, les préoccupations personnelles. L'écrivain est un réceptacle et pour cette raison, il devrait pouvoir travailler comme un filtre de différentes réalités sociales dans un langage propre à la littérature. En principe, tout doit pouvoir frapper l'écrivain. Le plus important et il faut y insister, c'est la manière propre aux écrivains de dire les choses. L'inspiration des écrivains africains doit être prioritairement et éminemment social. C'est pourquoi Alphonse MbuyambaKankolongopense que, aujourd'hui, la littérature apparaît comme un recueil de contestation »

De ce qui précède, nous pouvons retenir trois rôles majeurs de l'écrivain qui sont :

· l'écrivain comme gardien de la tradition ;

· l'écrivain comme guide du peuple ;

· l'écrivain comme transformateur de la société.

L'écrivain est une mémoire vive qui garde les souvenirs et les grands événements qui ont marqué une société. Par les écrits, chaque écrivain tente de conserver les valeurs du passé en vue d'orienter la société pour les jours à venir. Benoît Peeters, auteur de Valéry, une vie d'écrivain, reprend les propos de P. Valery s'adressant à Bossuet en ces termes : « cher maitre, tes écrits ont incarné la tradition française, les valeurs et mérites du passé » (1957, 11).

L'écrivain oriente sa population par les écrits et devient un panneau de signalisation pour avertir la population devant les embuches et les dangers qui guettent la population. Ici l'écrivain est une référence qui oriente la population. L'écrivain est un visionnaire qui sait lire l'avenir, qui sait comprendre le mystère du monde. L'artiste crée ainsi le lien entre le réel et quelque chose d'imperceptible au commun des mortels, que seul lui peut comprendre et transmettre à travers ses oeuvres.

L'écrivain possède un pouvoir très fort au point qu'il est capable d'apporter des transformations dans la société. Etant donné que toute oeuvre est destinée à sa société, elle apporte impérativement une solution à un problème de société. Le texte est à la fois fait social et construction.

R. Escarpit, dans La Révolution du livre dit que « la phase de construction doit nécessairement être prise en compte dans l'interprétation du fait social transformé en texte littéraire»(1976, 111).

Pour P. Valery, « L'écrivain est le symbole de la nation, il est le miroir de la société. Il n'est pas encadré comme un médecin ou un ingénieur, mais il naît avec ce don. Les sociétés savantes sont celles qui savent le découvrir dès sa plus tendre enfance. Elles l'assistent jusqu'à ce qu'il devienne écrivain et qu'il relève leurs gloires. Il y a lieu de mesurer aussi la grandeur d'un peuple en fonction du nombre d'écrivains et de la place qu'ils se taillent dans la société » (1933 :312).

L'écrivain devient artiste par le fait qu'il attribue au texte une dimension artistique teintée de son ingéniosité. Grâce à ses oeuvres, l'artiste- écrivain conserve pour les générations futures tout ce qui a marqué son histoire et son passé, pour ainsi permettre le bon déroulement du futur. Grâce à la composition d'une oeuvre, l'artiste peut espérer des changements de la société et des mentalités qui l'entourent. L'artiste a, en effet, le talent d'émouvoir celui qui l'écoute facilement grâce à des procédés de langues.

L. Goldman, fait la mise au point suivante :« La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale orale ou écrite qui met en jeu une exploitation des ressources de la langue pour multiplier les effets sur le destinataire, qu'il soit lecteur ou auditeur. La littérature dont les frontières sont nécessairement floues et variables selon les appréciations personnelles se caractérise donc, non par ses supports et ses genres, mais par ses fonctions esthétiques : la mise en forme du message l'emporte sur le contenu, dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d'informations même complexes. » (1964 :21).

Evoquons à ce sujet MauriceAmuriMpala-Lutebele qui dit que : « La littérature est langage, porteuse de l'imaginaire collectif d'un groupe social. Aussi est-elle appelée à engendrer des mutations sociales. Elle donc une fonction sociale à remplir » (2005). Pour insister sur le rôle prépondérant de la littérature dans la société,MauriceAmuriMpala-Lutebele évoque dans le même article Paul Ricoeur en reprenant les propos ci-après : « C'est par la lecture que le texte se fait oeuvre, s'accomplit, sort de la virtualité pour devenir chez son lecteur source d'action(...)la littérature est reçue quand elle engendre des mutations sociales ». Nous pouvons donc dire que la littérature remplit forcement une fonction sociale.

En faisant un parcours synthétique des travaux consacrés aux fonctions de la littérature, il ressort plusieurs fonctions. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la fonction ludique (divertissement et de détente), la fonction pédagogique, la fonction politique ou idéologique, la fonction initiatique, et pour terminer, la fonction fantasmatique. Toutes ces fonctions proviennent soit de l'objectif de l'écrivain qui prend la parole pour répondre à un problème précis posé dans la société soit aux attentes changeantes du lecteur qui veut que le texte rencontre ses phantasmes, ses désirs et ses aspirations. Le texte étant au centre d'un mariage entre l'écrivain et le lecteur, il est porteur ou instigateur des fonctions sociales de la littérature qui répond plus ou moins au schéma ci-après :

Thèmes Fonctions

Fonction ludique

Amusement

Fonction pédagogique

Enseignement

Fonction idéologique

Politique

Fonction initiatique

Texte

Initiation

Fonction fantasmatique

Rêve

Fonction esthétique

Esthétique

Fonction critique

Critique/jugement

Fonction magico-religieuse

Croyance/spiritualité

A. La fonction ludique

Du latin Ludusqui signifie jeu, le ludisme renvoie au comportement d'une personne qui cherche à jouer dans toutes les circonstances. La fonction ludique en littérature peut alors designer, le ludo-éducatif, c'est-à-dire qui permet d'instruire en s'amusant. Le texte va renfermer des dimensions de jeu ou des dimensions comiques tout en visant l'instruction de la société. Par la fonction ludique, littérature peut aussi incarner une dimension de loisir. Elle châtie donc les moeurs par la voie du rire.

La fonction ludique imprègne une bonne partie des textes traditionnels. C'est ainsi que les devinettes, les contes, les chants, les épopées et récits mythologiques ont pour fonction de satisfaire les besoins de la communauté qui désire se « délecter » des histoires à travers les veillées nocturnes. Généralement, dans les villages africains, le soir, autour d'un feu, des vieux, des jeunes, des femmes et des enfants se retrouvant pour partager le plaisir de la parole. Cependant, ce plaisir de raconter est consubstantiel à d'autres fonctions notamment la fonction pédagogique.

B. La fonction pédagogique

La pédagogie étant l'art d'enseigner ou les méthodes d'enseignement propres à une discipline, à une matière, à un ordre d'enseignement, à une philosophie d'enseignement. Etymologiquement, le terme pédagogie signifie, science qui a pour objet l'instruction ou l'éducation. Venant du grec ancien, le terme pédagogie signifie conduire. La fonction pédagogique se rapporte donc à l'aspect didactionnel et au caractère instructionnel de la littérature. Le texte est considéré comme un canal de transmission des connaissances et comme une branche d'enseignement. La littérature est considérée comme outil de dispense du savoir. Cette fonction reconnait à la littérature le caractère enseignant.

La fonction pédagogique des textes sert donc essentiellement à initier les jeunes générations aux valeurs cardinales de la société. Une édification morale est assignée au message de l'écrivain qui prend le soin de baliser les bonnes conduites aux jeunes afin de contribuer à leur plein épanouissement. Pour ce faire, il est demandé, sinon prôné, l'obéissance aux coutumes, aux valeurs, aux idéaux. C'est ainsi que les contes mettent en scène une organisation sociale et économique forte, basée sur la hiérarchie et les strates sociales dans l'univers des fables. C'est le procédé de l'anthropomorphisme qui permet par métaphore, de critiquer et de stigmatiser les individus dans la société. Il y a donc à travers la fonction pédagogique, une puissante référence aux idéaux dont le socle est essentiellement assuré par la gérontocratie.

Il y a aussi un besoin impérieux de créer des liens étroits entre les morts et les vivants à cause d'une dette de sang qui lie les seconds aux premiers. Comme le note bien J. Chevrier, la fonction pédagogique de la littérature « permet de concilier les forces du bien et d'exorciser les forces du mal. On comprend donc toute l'importance qui est attachée à la parole bien dite ; car à certains moments la parole a véritablement valeur d'acte » (1999, 9).

Ainsi dans les textes, il y a toujours une pédagogie subreptice comme dans le cas de l'anthropomorphisme que nous avons évoqué, destinée aux jeunes et parfois aux adultes. On remarque aussi que les textes de la littérature orale sont souvent construits autour du récit d'un conflit, ou d'un méfait assorti d'un dénouement. Selon J.Chevrier «  Ces textes s'inscrivent dans la veine de la morale sociale en vigueur au sein de la société ; il y a comme une sanction infligée à toute infraction à la norme admise. C'est un procédé qui répond aussi au souci politique et idéologique du maintien de l'ordre. A ce niveau, les gouvernés et les gouvernants ne sont pas épargnés. Les chefs et les roturiers d'une part ; les responsables politiques comme le peuple d'autre part ne sont pas au-dessus de la loi et se doivent de respecter la coutume. Nous pouvons dire que la plupart des contes africains sont bâtis sur cette philosophie de la morale ». (1999, 44)

Il renchérit que Chez les Moose, qui sont en partie régis par le système de l'oralité, c'est plutôt à travers la parole que s'effectue une part importante de l'éducation, notamment la transmission des valeurs et savoirs. La pédagogie moose joue surtout la carte de l'émotion, de la stimulation, du fantastique (ou fantasmagorique) qui représentent pour elle, les moyens psychologiques les mieux appropriées, ainsi que les meilleures conditions pour éveiller et entretenir au maximum la réceptivité des enfants.

Cette réceptivité, en tant que conditionnement mental préparerait une bonne assimilation des choses enseignées en sollicitant entre autres choses, toute l'attention et l'intérêt des plus jeunes. L'usage à des fins pédagogiques de « l'épouvantail », l'appel répété au surnaturel et au sublime, à l'imaginaire ou la « crainte inconsciente » de voir mourir un être cher, de par la faute de l'enfant... participent de cette volonté posée ici comme principe de « pédagogie ». Les moyens pour réaliser un tel contexte mental et intellectuel, paraissent assez variés dans le patrimoine éducatif moose, de même le conte y tient une place de premier choix.

C. La fonction idéologique ou politique.

Une idéologie est un système prédéfini d'idées appelées aussi catégories par lesquelles la réalité est analysée, par opposition à une connaissance intuitive de la réalité sensible perçue. Dans Idéologie et luttes des classes (2006, 67), Isabello Garo pense que « l'idéologie comporte en elle des dimensions dogmatiques et des croyances profondes ». Du Grec, l'idéologie signifie, d'une part idéa : idée et logos science. Le Dictionnaire en ligne Wikipédia consulté le 09 avril 2015, stipule que « l'idéologie est donc, un discours sur les idées ou mieux la logique des idées. » La politique, quant à elle, concerne donc la structure et le fonctionnement méthodologique, théorique et pratique d'une société.

Cette fonction politique et idéologique s'adresse alors beaucoup plus aux adultes qu'aux enfants. Ainsi la mise en scène des problèmes vitaux a pour souci, d'une part, de juguler les tensions découlant des inégalités, des injustices sociales, d'autre part, de créer la cohésion sociale du groupe. C'est ainsi que nous avons des types de discours qui existent entre les groupes sociaux, basés sur la parenté à plaisanterie, jouant le rôle cathartique de régulateur de tensions sociales.

La fonction politique ou idéologique de la littérature orale est axée sur les grandes orientations choisies par la société en vue d'éviter son éclatement,sa déchéance. Elle consiste à faire en sorte que la littérature aide la société à demeurer gouvernable, que les grandes idées des autorités continuent à être acceptées par tous.

D. La fonction initiatique.

L'initiation renvoie à l'ensemble des rites, exercices, et enseignement qui permettent à l'apprenti de devenir membre effectif d'une corporation humaine consacrée. La fonction initiatique de la littérature orale se manifeste essentiellement à travers un langage métaphorique. L'initié a accès à certains codes secrets pour entrer dans le monde des adultes. A cet effet, à l'occasion de la circoncision et de l'excision, certains chants ou textes secrets sont enseignés aux candidats afin de les préparer psychologiquement à accepter la douleur et la souffrance, qui feront plus tard d'eux des hommes et des femmes mûrs.

Certains textes ésotériques sont également appris aux candidats. La fonction initiatique de la littérature orale permet de franchir l'étape de la mort symbolique (la réclusion dans le bois sacré) pour renaître dans un monde nouveau : l'intégration dans la vie adulte au sein du monde social. On apprend aux circoncis pendant tout ce temps, certains secrets propres au groupe : les interdits, la genèse du clan, le secret des plantes, etc.
Par ailleurs, dans les « Contes en miroir » de Denis Paulme, on retrouve la structure du récit initiatique. Ainsi,avons-nous deux héros au départ : le premier entreprend une quête en surmontant une série d'épreuves tout en évitant les pièges. Puis il revient gratifié de sa quête. Le second héros, jaloux du succès du premier, se lance aussi à la quête, mais il surmonte mal les épreuves et commet une série de bévues ; il est ensuite puni et mis à mort sous plusieurs chefs d'inculpation. Nous pensons notamment au célèbre conte de Bernard Dadié, Le Pagne noir, qui répond bien à la structure du conte en miroir.

E. La fonction fantasmatique

Le fantasme désigne une représentation imaginaire traduisant des désirs plus ou moins conscients. Disons alors quele fantasme en littérature renvoie à la représentation imaginaire des désirs traduisant des relations controversées. C'est aussi des réalisations artistiques orientées vers la rêverie.

La fonction fantasmatique de la littérature orale résulte de la mise en scène des tensions et des affrontements de la vie familiale. Il y a dans ce cadre, opposition de la parenté de sang à la parenté d'alliance ; les hommes aux femmes, la vie à la mort. Nous pouvons noter, à ce propos, les récits de Denise Paulme sur la mère dévorante qui présentent de façon métaphorique la peur que les hommes ont de la femme, simultanément objet de désir et de possession. Cela peut se traduire par Le récit de la courgequi avale tout sur son passage pour, en définitive, être fendu en deux par un coup de corne d'un bélier.

L'évocation du symbole phallique est évidente à travers les cornes tandis que le réceptacle féminin est connoté par la courge.
Certains contes mettent davantage en scène des personnages qui consomment des quantités énormes de nourriture. Ce procédé que nous retrouvons dans certains contes moose est proche des prouesses alimentaires du personnage Gargantua de Rabelais qui, en fait, semble un reflet du procédé fantasmatique du crève-la-faim qui permet, par exemple, en temps de famine, ou de disette, d'exorciser le spectre de la faim.

F. Fonction esthétique :

L'esthétique est une discipline philosophique, ayant pour objet les perceptions, les sens, le beau dans le contexte artistique ou dans un contexte naturel. L'esthétique peut aussi signifier tout ce qui se rapporte au beau. C'est une notion désignant l'ensemble des caractéristiques qui déterminent l'apparence d'une chose. La littérature entretient un rapport au sentiment, à la perception du beau. Ensemble des principes à la base d'une expression artistique visant à rendre la littérature conforme à un idéal de beauté. Hormis l'aspect sémantique de la littérature, l'aspect formel est aussi indispensable. La considération de la littérature comme fruit d'un travail detissage.

Sa fonction esthétique  implique une mise en forme du message  qui l'emporte sur le contenu dépassant ainsi la communication utilitaire limitée à la transmission d'informations même complexes. F. Grégoire (2001)nous apprend qu' «Aujourd'hui la littérature est associée à la civilisation des livres par lesquels nous parlent à distance les auteurs, mais elle concerne aussi les formes diverses de l'expression orale comme le conte (en plein renouveau depuis une trentaine d'années dans les pays occidentaux), la poésie traditionnelle des peuples sans écriture dont nos chansons sont les lointaines cousines ou le théâtre, destiné à être reçu à travers la voix et le corps des comédiens. La technologie numérique est cependant peut-être en train de transformer le support traditionnel de la littérature et sa nature. - La fonction esthétique chaque oeuvre littéraire est produite dans le but de plaire. On la façonne donc suivant une forme bien déterminée correspondant au message. Ce souci du beau confère à la littérature sa fonction esthétique La littérature est un art esthétique, un art du beau. Elle permet l'évasion du lecteur ».

G. Fonction critique de la littérature 

La critique littéraire est l'art de juger les oeuvres de l'esprit, artistiques ou littéraires. Il existe ainsi plusieurs assertions définissant des personnes dites des critiques : le critique littéraire, le critique dramatique, le critique musical, le critique gastronomique, etc.

La littérature remplit la fonction d'appréciation de l'authenticité des valeurs sociales transposées dans l'oeuvre littéraire. Le critique entant qu'individu renvoie à une personne dont le métier consiste à juger les oeuvres littéraires ou artistiques. Nous savons qu'il est difficile d'éloigner la société du texte. Le discours de la micro et de la macro société semble être révolu parce qu'on suppose que, d'une manière ou d'une autre, le texte garde des empreintes de la société inspiratrice. Partant de cette conception, il y a lieu de comprendre que la littérature peut avoir la fonction de censurer la société. La littérature va porter des critiques sur les aspects de la vie et de la société.

H. Fonction magico-religieuse :

La magie est une pratique fondée sur la croyance en l'existence d'êtres ou des pouvoirs surnaturels et des lois naturelles occultes permettant d'agir sur le monde matériel par le biais des rituels spécifiques. C'est un mot qui provient du latin, magiasignifiantla religion des magesperses. La religion signifie plutôt, un système de pratiques et de croyances pour un groupe ou une communauté. A la manière de Cicéron, nous pouvons définir la religion comme le fait de s'occuper d'une nature supérieure et divine en lui rendant hommage.

Cette fonction magico-religieuse en littérature prône les rites et les incantations spirituelles avec souvent un rôle initiatique. C'est de la catégorie du merveilleux qui passe d'un sens propre à un sens figuré de plus en plus envahissant. Dans une littérature de galanterie, la magie devient une sensibilité contraignante. La fonction initiatique se manifeste essentiellement à travers un langage métaphorique.

Nous pouvons le constater dans des rites d'initiation en Afrique avec des chansons appropriées relevant de la littérature orale. Cette fonction note une puissante référence aux ancêtres dont le socle est assuré par la gérontocratie. En Afrique, cette fonction dénote d'un grand besoin d'établissement d'un lien entre les vivants et les morts. J. Coquet(1984) nous signale que cette fonction permet de concilier les forces des biens et exorciser les forces du mal.

L'acte d'écriture possède un pouvoir magique. Il peut faire un recours au coutumier ou au sacré qui possèdent un pouvoir magique incontestable. C'est le cas des incantations des guérisseurs, des maléfices des sorciers, les sortilèges des magiciens et les cérémonies pastorales ou de tous les termes et expression tabou susceptibles d'exercer une action directe sur le monde matériel ou sur les événements. Cette fonction peut se laisser voir quand il y a une calamité et qu'il y a des incantations dans le sens d'éradiquer les maux qui troublent la société.

Pour déceler et interpréter les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA,nous recourons à l'approche sociologique et à l'analyse structurale sous son aspect fonctionnel qu'il nous faut à présent présenter.

I.2. CADRE METHODOLOGIQUE

I.2.1. LA SOCIOLOGIE DE LA LITTERATURE

Etudiant le fait littérairecomme fait social, la sociologie de la littérature s'interroge doublement sur la littérature comme phénomène social avec plusieurs acteurs (institutions, individus producteurs, consommateurs ou critiques) mais aussi sur l'inscription des représentations d'une époque et des enjeux sociaux en leur sein.Ce double questionnement, sur le plan méthodologique, une tension entre analyse externe et analyse interne des textes, tension qui traverse la sociologie de la littérature depuis ses origines.

L'étude de la littérature comme phénomène social remonte à Montesquieu avec Esprit des lois (1748) et à Madame de Staël avec De la littérature considérée dans son prisme avec les institutions sociales (1800). Hyppolite Taine en a mis en oeuvre le programme dans son Histoire de la littérature anglaise (1885).

Notons que, dans les années 1950, les études littéraires ont connu un renouvellement épistémologique profond sous la double impulsion du New Criticismet de structuralisme. Ainsi, l'histoire littéraire est opposée aux méthodes d'analyse interne du texte, mais un texte proclamé autonome.

En 1958, Robert Escarpit publie Que sais-je ?surla Sociologie de la littérature,fonde en 1960 le Centre de sociologie des faits littéraires à l'Université de Bordeaux et met en place des enquêtes quantitatives sur les processus de production et de consommation du livre pris dans leur dimension économique. Dans la foulée, on observe un certain « âge d'or » des approches sociologiques des phénomènes littéraires qui s'intéressent aux conditions sociales de production.

Cette approche positiviste ne permet cependant pas de rendre compte de la spécificité de la littérature comme activité sociale. Elle est représentative de l'analyse externe, qui tend à réduire les oeuvres à leurs conditions matérielles de production2(*) et de réception3(*), qu'il s'agisse de la biographie, de la sociologie et de l'histoire, au mépris des logiques propres aux univers de production symbolique.

L'analyse interne, représentée par le New Criticism et le Structuralisme, se focalise de son côté sur le déchiffrement, plutôt que sur l'acte créateur. Elle rapporte la structure des oeuvres soit à des catégories de perception universelles, qui constituent la « langue » ou la « structure profonde » à la façon des modèles linguistiques de Ferdinand de Saussure ou de Noam Chomsky, soit à une histoire des genres ou des formes symboliques, mais c'est une histoire désincarnée, dont les producteurs sont absents. Alors que l'analyse interne s'intéresse à la structure des oeuvres, l'analyse externe insiste plutôt sur leur fonction sociale.

La signification d'une oeuvre n'est pas réductible à l'intention de l'auteur. Elle résulte en partie de sa position même dans un espace des possibles et dans un espace réel et objectivement structuré de productions symboliques, ainsi que des appropriations (R. Escarpit : 1958) qui en sont faites, du sens qui lui est donné, et des tentatives d'annexion dont elle est l'objet.

I.2.1.1. LA SOCIOLOGIE DE LA CREATION

I.2.1.1.1. LA MATERIALISATION DU DISCOURS D'ARISTOTE

Il est raisonnable de parler de la sociologie de la création pour cerner le travail de l'écrivain. Le langage écrit constitue une communication. Il met donc en participation deux individus avec une certaine matière dont le support est le langage.

Disons d'entrée de jeu qu'au lendemain de l'indépendance politique des plusieurs peuples à travers le monde, les études littéraires connaissent un réajustement profond.

L'enchainement des étapes dans la création littéraire se résume plus ou moins à la proposition aristotélicienne sur la matérialisation du discours dont P. Benichou se fait chantre (1966) : «  Il s'agit de l'inventioou recherche des arguments. Ici, l'auteur regarde dans son environnement pour puiser les éléments pertinents qui doivent alimenter son discours. Si ces éléments ne sont pas teintés de la dimension sociale, ils sont fragiles parce que considérés comme fictionnels. La dispositio est une disposition logique selon des lois esthétiques d'abord mais aussi psychologiques et sociologiques. Un ordre esthétique se colle aussi à la doxa. L'élocutio est la mise en forme verbale du discours. L'actiorenvoie à la performance même du message devant un public. Donc, c'est le public (société) en dernière instance qui évalue la pertinence du texte. Un orateur selon Aristote est un harangueur de la foule qui a les moeurs oratoires mais c'est aussi la possibilité de lire le feed-back ».

Par conséquent l'idéologie Bakhtinienne, présente dans une oeuvre littéraire un protagonisme idéologique et une opposition entre différentes forces sociolectales.

Convoquons à présent la théorie des champs de P. Bourdieu et la notion d'ethos dans que développe R. Amossy pour éclairer la genèse des stratégies narratives de l'acte d'écriture.

I.2.1.1.2. LA THEORIE DES CHAMPS

Pour Pierre Bourdieu, l'écrivain est lui-même, un membre de la société. Il vit un certain nombre d'expériences qu'il va d'abord intérioriser et en plus extérioriser sous forme d'un discours social. Le processus d'écriture devient alors un dialogue entre l'intérieur et l'extérieur d'où la consécration du dialogisme littéraire de M. Bakhtine.

P. Bourdieu pense qu'« Il existe donc de manière permanente des conflits des valeurs appelés ; tension sociale. Ces tensions sont tranchées par le positionnement de l'auteur. Puisque un écrivain est aussi un agent social qui subit un certain nombre d'influences sociales qui le contraignent à prendre la parole. Sa décision d'écrire devient alors une réponse qui lui permet de se positionner dans un champ » (2001, 45)

A ce sujet, A. Viala dans sa sociopoétique s'inspirant de P. Bourdieu parle de la posture de l'auteur. Il considère l'auteur comme fruit de l'environnement socio-économique qui l'oriente dans son écriture. « La plume pour écrire n'est qu'un positionnement ».(A. Viala, 1963 :83) Il considère la sociologie comme une discipline la plus forte pour comprendre la socialisation de l'auteur renvoyant à l'habitus qui le socialise. L'écriture ne trouve sa fonction sociale que quand elle répond à un positionnement. Nous pouvons alors dire que l'acte d'écrire est une manifestation publique de la posture interne de l'auteur. Cette extériorisation et révélation de son positionnement face à un problème social est appelé par M. Bakhtine, l'exotopie (1995 :44).

La théorie des champs de P. Bourdieu soutient que la société est partagée en classes sociales ou strates sociales, appelées Champs. Il exige donc d'établir le rapport « Dominant-Dominé »entre agents sociaux en lutte permanente de leadership. Dans ce combat de leadership, seuls les agents sociaux disposant d'un capital prestigieux peuvent l'emporter sur les autres. Le capital selon P. Bourdieu, c'est l'atout nécessaire permettant à un agent social de s'imposer dans un champ (1966, p157).

I.2.1.1.2. LA NOTION D'ETHOS

Si le pathos, selon L-V. Thomas(1963), renvoie aux attentes du peuple et bien l'éthos quant à lui fait allusion au discours comme réponse aux attentes. Pour un écrivain contraindre le lecteur, c'est le pousser à adhérer à son positionnement, face à tel ou tel autre problème de la société ». Cela est conditionné par l'image que l'écrivain véhicule qui peut être de deux ordres, soit :

1) Ethos extralinguistique : le protocole environnant, soigné par l'image du personnage. L'écrivain qui se substitue en mandataire de la société doit par conséquent inspirer confiance. Cela va influer sur la légitimation de son discours.

2) Ethos linguistique : qui est le discours même qui porte son message. Il est impérieux également de le soigner avec des formes esthétiques soutenues. Il est évident qu'une oeuvre littéraire présente un protagonisme idéologique et une opposition entre différentes forces sociolectales » mais c'est par là qu'on peut dégager la position de l'auteur.

I.2.1.2. LA SOCIOLOGIE DU TEXTE

La sociologie du texte développée par Pierre V. Zima, en 1985, est au point de départ de notre exercice et apparaît la voie d'analyse toute désignée pour aborder le discours idéologique dans sa perspective critique. Présentée dans sonManuel desociocritique(1985)comme une technique systématique d'analyse, elle offre une synthèse méthodologique des plus utiles pour étudier ce discours selon une approche sémantique et syntaxique. Mais en exploitant les théories et les méthodes dialectiques qui relèvent du modèle théorique du signe, elle peut permettre également d'accéder à la systématisation d'un modèle sémiotique à lafois critique et social. Là se trouve l'intérêt de cette méthode dont il convient derappeler les fondements et les principales étapes.

Disons au départ que la méthode, inspirée de travaux antérieurs sur la «sociologie des textes»,s'appuiesur la sociologie de la littérature et repose essentiellement sur la linguistique structurale (structures discursives) et sur des composantes de la grammaire sémiotique (lexicologie, sémantique et syntaxe).

Cherchant à dépasser les limites du discours esthétique ou philosophique, elle retientenpriorité le langage et l'intertextualité comme catégorie sociologique. Un peu à la manière de la sociocritique de Claude Duchet, elle vise d'abord le texte et la «socialite» du texteet se donne pour objet d'étudier «le statut du social» dans le texte, tout en s'intéressant à la question de savoir comment des problèmes sociaux et des intérêts de groupe sont articulés sur les plans sémantique, syntaxique et narratif. Il s'agit bien de représenter ces différents niveaux du texte «comme structures à la fois linguistiques et sociales» et d'utiliser certains concepts sémiologiques existants dans leur dimension sociologique.

Il s'agit aussi de considérer l'univers social comme un «ensemble de langages collectifs» absorbés et transformés par les textes,sansjamais isoler ces langages du contexte culturel et discursif dans lequel ils s'inscrivent. En évaluant sous cet angle du langage les valeurs sociales, il est possible d'étudier le discours idéologique«dialogique» lié au pouvoir politique et de décrire les idéologies à l'oeuvre.

Ces fondements théoriques de la méthode, qui privilégient l'oeuvre commeproduction de la société et comme lecture-interprétation de celle-ci, impliquent une démarche en deux moments principaux: l'établissement de la situation sociolinguistique et l'analyse textuelle proprement dite mise en corrélation avec le contexte social. Ces étapes accordent la première importance à la notion de «langages collectifs», aussi appelés «sociolectes», «reconnaissables, dit Greimas, par les variations sémiotiques qui les opposent les uns aux autres (c'est leur plan de l'expression) et par les connotations sociales qui les accompagnent (c'est leur plan du contenu)».

Ces sous-langages, constitués en taxinomies socialessous-jacentes aux discours sociaux, permettent d'établir des rapports étroits entre le texte et la société, tout en représentant des intérêts et des problèmes collectifs au niveau du langage. De tels sociolectes, inscrits dans les textes, retrouvent leur dimension réelle dans la situation sociolinguistique.

Rechercher cette situation sociale du langage vécue par l'auteur du texte étudié et par les écrivains de son temps, constitue la première étape d'analyse. Le fait de retracer ce type de langage, de faire ressortir les différents sociolectes idéologiques des années de production et même de mettre en relief les types de discours sur la langue conduit habituellement à découvrir la genèse d'une structure littéraire ou dramatique. Ce même langage acquiert cependant une nouvelle dimension lorsqu'il est reformulé dans une perspective sémiotique et selaisse découvrir à travers les structures narrative et discursive des oeuvres et à divers niveaux textuels.

L'étude de ces niveaux correspond à l'étape centrale de l'étude qui, rendantcompte des textes dans un contexte dialogique, consiste à décrire les sociolectessur les plans lexical, sémantique et syntaxique (narratif). Ces niveaux textuels, considérés dans leurs fonctions linguistiques et sociales, font voir comment s'articulent des intérêts collectifs dans le langage. Au stade de l'examen lexical, il importe de repérer un sociolecte général de l'oeuvre formé d'une dichotomie de lexèmes émanant d'une taxinomie de mots-clés. Cette unité sociolectale de base relevant du contenu de l'oeuvre établit une structure lexicale à lier avec la situation sociolinguistique.

Il faut toutefois aller plus loin pour découvrir l'univers sémantique de l'oeuvre et la structure de cet univers par la recherche de dichotomies de sèmes. Zima parle des sociolectes comme de codes que les membresd'unecollectivité ont en commun et qui sont régis par des oppositions valorisantes. Leur fonction estd'unirla structure du récit à la situation sociolinguistique.

Les catégories d'oppositions sémantiques relevées conduisent à dégager un sociolecte sémantique qui résume le sens de l'oeuvre et qui se traduit à travers les comportements de sujets collectifs ou individuels. Cette base sémantique des textes détermine leur structure narrative selon des groupements antagonistes. Elle fait aussi apparaître le sociolecte comme le résultat d'un processus de classification ou d'un «faire taxinomique». Elle doit dépasser cependant le stade des simples oppositions de sèmes et tenir compte des isotopies de classèmes et même des oppositions d'isotopies sémantiques.

La classification de telles distinctions, codifiées selon une pertinence collective particulière, établit le fondement sémantique du texte et le lieu où se manifestent clairement les problèmes ou les intérêts sociaux.

A la troisième étape de l'analyse, ces intérêts sont aussi à questionner sur le plan syntaxique ou narratif des textes, de manière à mettre les sociolectes en discours et à penser l'idéologie en tant que structure discursive. L'explication de la structure narrative aux niveaux de l'énoncé et de renonciation permet de les déceler en tant que discours théorique ou discours critique. Il importe d'abord de ressortir et d'expliquer la structure de l'oeuvre à l'aide de l'analyse actantielle(schéma greimassien) et ensuite de mettre les sociolectes en discours pour qu'apparaisse le discours idéologique issu aussi bien du programme narratif des sujets d'énonciation que de leurs attitudes critiques et réflexives envers leurs propres activités ou celles des autres.

Dans le cas où les modèles actantiels résistent mal à l'application de différents schémas, il faut alors recourir aux concepts fondamentaux d'actant collectif et d'isotopiesémantiqueou aux procédés rhétoriques de la métaphore et de la métonymie afin de définir le discours idéologique des sujets d'énonciation (narrateurs et personnages).

Cette étape d'analyse syntaxique ne peut suffire à vérifier la validité de ce discours,puisqu'elle se contente de rendre compte du texte dans un contexte dialogique par rapport aux formes discursives auxquelles il a réagi.

Une dernière analyse consiste à relier tout le processus intertextuelà la situation sociolinguistique précédemment étudiée et, plus largement, au contexte social des époques concernées. Cette mise en corrélation du texte au contexte, de la structure syntaxique à la structure sociale ou du discours idéologique du texte à celui du groupe social s'avère une opération d'intertextualité (externe) nécessaireà la vérification de la valeur empirique des concepts et à l'évaluation de la réelleinsertion des instances d'énonciation (auteurs, metteurs en scène) dans le processus de création.

Dans le domaine de la lecture, la sociologie du texte se propose «de mettre en rapport la structure textuelle et ses conditions de production avec les différents métatextes des lecteurs» (Pierre V. Zima, 1985 : 10). En cela, ce type de sociologie recoupe la définition de lasociocritique donnée par Claude Duchet et Françoise Gaillard (1976).

I.2.1.3. LA SOCIOLOGIE DE LA RECEPTION

Claude Duchet pense que « La signification d'une oeuvre n'est pas réductible à l'intention de l'auteur. Elle résulte en partie de sa position même dans un espace des possibles et dans un espace réel et objectivement structuré de productions symboliques, ainsi que des appropriations qui en sont faites, du sens qui lui est donné, et des tentatives d'annexion dont elle est l'objet » (1979).

Contre l'herméneutique anhistorique d'un côté, mais aussi contre l'histoire littéraire positiviste et la théorie du reflet marxiste de l'autre, Hans-Robert  Jauss a prôné une histoire littéraire antipositiviste fondée sur une approche de la réception conçue comme, l'histoire des effets produits par les oeuvres. Le concept clé est celui d'« horizon d'attente » que Jauss emprunte à Husserl, Mannheim et à Popper pour l'appliquer aux phénomènes littéraires(1967).

Depuis le milieu des  années 1970,les théories de la  réception et de la  lecture acceptent l'ambivalence dutexte et du lecteur, comme caractéristique de la réalisation et de l'actualisation des textes littéraires. Les travaux de  Hans Robert Jauss et de  Wolfgang Iser , répondent à cette insuffisance. Dans cette optique, l'Ecole de Constance (dont Iser et Jauss sont les principaux tenants) tente de renouveler, d'absolutiser l'histoire de la littérature. Cette approche consiste à placer le lecteur au centre de la littérature.

Bien que Jauss et Iser fassent du récepteur une instance nécessaire à l'expérience littéraire, le texte demeure au centre de leur étude. Il devient une entité portant en elle-même les conditions (structures et systèmes) de son actualisation. Le lecteur, en tant qu'agent de récréation littéraire, il est responsable des mises en marche de la sémiosis. Iser et Jauss sont de pionniers de la révolution formelle du texte littéraire.

Pour D. Fermier.: «  Iser et Jauss sont les terroristes de la méthode formelle : terroristes puisqu'ils désamorcent, avec une grande méthodologie, l'entité textuelle en y faisant entrer un intrus, le lecteur, indispensable à l'expérience littéraire. Toutefois, le public de Jauss et le lecteur d'Iser ne sont pas réels. Ce sont des représentations modélisées de l'instance réceptrice de la communication et elles ne peuvent en aucun cas servir à représenter tout lecteur » (2001:33).

Pour R. Barthes  « La lecture, c'est la rencontre de deux pôles : l'un, artistique et propre au texte, l'autre esthétique et propre au lecteur. Donc, le texte, portant en lui-même les conditions de sa réalisation, parle au lecteur, le guide afin qu'il réalise ce qui y est implicite. Ce qui est implicite au texte, c'est d'abord la situation qui sert d'arrière-plan à sa réalisation. D'une part, sa situation qui entoure l'auteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l' Histoire, appuyé de sa  culture, de ses valeurs, ses expériences, ses connaissances et capable d'articuler un lien artistique logique (le texte) entre tout ceci.Donc, il écrit un texte, lui aussi normalisé par des structures et des conventions qui sont à la fois textuelles et extra-textuelles.

D'autre part, ce texte nécessite un lecteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l'Histoire, appuyé de sa société, de son éducation, son enfance, sa sensibilité et habile à établir un lien logique (la lecture) entre tout ça, entre toutes ces conventions.Pour que la communication s'accomplisse, il doit s'établir un rapport entre texte et lecteur » (R. Barthes, : 1985).

Toute littérature est une histoire racontée par l'écrivain et qui doit répondre à un certain nombre des préoccupations et exigences du lecteur. Cela est développé dans la notion de l'horizon de l'attente en confirmant que l'écart esthétique permet de mesurer l'historicité d'un texte.

G. Genette reprend le concept d'horizon d'attente de Gadamer et Heidegger et l'adapte, pour la première fois, à l'histoire de la littérature, qui constitue un système de référence objectivement formulable à l'acte de lecture. Ce système résulte de trois facteurs :

· l'expérience préalable que le public a du genre dont l'oeuvre relève ;

· la forme et la thématique d'oeuvres antérieures dont (l'oeuvre) présuppose la connaissance

· l'opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne. C'est-à-dire que l'oeuvre est reçue et jugée par rapport à l'arrière-plan de l'expérience de la vie quotidienne du lecteur.

L'aisthesis désigne la dimension réceptrice de l'expérience esthétique où un tiers état, le lecteur, extérieur à la sémiose, prend plaisir au sens et sa valeur.

Dernier aspect de la Poétique d'Aristote repris par Jauss, « la catharsisinterpelle le lecteur et suscite son adhésion » (G.Genette, 1982).

I.2.1. L'APPROCHE STRUCTURALE

I.2.1.1. ORIGINES ET DEVELOPPEMENT

Le Cours de Linguistique générale de Ferdinand de Saussure de 1916 envisageant d'étudier la langue comme un ensemble avec des éléments qui entretiennent des liaisons d'équivalence ou d'opposition crée implicitement le structuralisme. En effet, vers 1950 l'homme est considéré comme un être pensant, être communicant, être social avec ses semblables. Selon Lévi-Strauss, un homme devient un objet de science, basé sur un système de parenté.

Disons que pour C. Lévi-Strauss, « la structure possède une organisation logique mais implicite, un fondement objectif en deca de la conscience et de la pensée (structure inconsciente). Par conséquent, le structuralisme vise à mettre en évidence ses structures inconscientes ». Vider l'action humaine de son individualité et la déconsidération de l'aspect historique de la langue reste l'objectif du structuralisme.

Les penseurs structuralistes disent que les processus sociaux sont tirés des structures fondamentales qui demeurent, le plus souvent, inconscientes. Ainsi l'organisation sociale produit naturellement certaines pratiques et certaines croyances propres aux individus.

C'est donc un mouvement idéologique qui est en même temps une théorie est une méthode littéraire. Le structuralisme est considéré, dans une certaine mesure, comme une innovation du positivisme tendant à s'émanciper de la philosophie.

Le texte littéraire dans la vision structuraliste est défini comme une manifestation de la langue : on l'étudie à l'aide de structures appelées réseaux, servant à l'analyse linguistique qu'elles soient d'ordre grammatical, syntaxique, rhétorique ou phonétique. En ce moment-là, le texte cesse d'être une entité unique mais devient plutôt comme un point de convergence de tous les réseaux de signification. Signalons aussi que M.Riffatere a introduit dans la pensée structuraliste une étude linguistique des effets du message, c'est-à-dire une prise en compte des effets du texte sur le lecteur. Ce dernier a un rôle à jouer : « il doit interpréter l'oeuvre et l'intérioriser pour sa vie »(1979 :68).

I.2.1.2. LE STRUCTURALISMELITTERAIRE

Le structuralisme littéraire a connu en France, à partir des années 60, le statut d'un mouvement unifié en dépit des caractéristiques particulières à chaque auteur.Roland Barthes, Gérard Genette, Claude Bremond,Paul Larivaille, Tzvetan Todorov, etc. sont les principaux représentants de ce courant structuraliste. Selon Jean-Marie Schaeffer, les sources du structuralisme se situent à la confluence de nombreuses traditions littéraires, telles que le formalisme russe, le cercle linguistique de Prague, etc. L'approche structuraliste littéraire n'est jamais hostile ni à l'examen des faits de l'histoire chronologique, ni à l'étude sociologique des faits littéraires. Cette approche cherche plutôt à remplacer l'histoire événementielle des acteurs et des oeuvres par une histoire des formes, des thèmes, des institutions pour ressortir les structures signifiantes.

Karcevesky et Troubeskoi présument que la linguistique est une méthode propre de manière à permettre de découvrir les lois structurelles de systèmes linguistiques. Influencé par la linguistique de F. de Saussure, aussi par la phénomologie de Hussel et enfin la sémantique de Gestaltisme, le structuralisme linguistique de l'Ecole de Prague se divise en trois périodes :

· 1èrepériode(1926-1934) : c'est la période de la fondation et de la structuration de ce groupe. Elle s'oriente vers les enquêtes structuralistes. Concernant les oeuvres poétiques, cette approche privilégie la composante phonétique. Roman Jakobson et Jean Mukarovisky sont les ténors de ce groupe.

· 2èmepériode (1934-1938): le groupe dévie de son orientation parce que la conception sémiologique de l'oeuvre littéraire transforme celle-ci en fait social et permet aux structurations de rattacher l'évolution littéraire aux autres aspects de la culture.

· 3èmepériode (1938-1948): nous citons Bogatyrev, Jakobson et René Wellek qui plonge le groupe dans un déclin.

Quant au structuralisme génétique, L.Goldman soutient que « C'est une démarche littéraire qui vise à éclairer la genèse des structures textuelles» (1964 :51). Le pionnier est Lucien Goldman qui ambitionne par le va-et-vient entre les parties et le tout pour porter au jour des homologies entre les structures significatives du texte qui mènent vers la conscience du groupe social 

L'écrivain acquiert des forces créatrices dans son groupe social, avec lequel il partage les structures mentales, les faits de conscience, les structures socio-économiques, etc. Pour Lucien Goldman, c'est un phénomène naturel que le caractère collectif de la création littéraire provient du fait que les structures, de l'univers de l'oeuvre sont homogènes aux structures mentales de certains groupes sociaux ou en relations intelligibles avec elles.

De plus, le structuralisme génétique Goldmannien a légué à la sociocritique les concepts de « sujet transindividuel » (la collectivité, le sujet collectif, la microsociété).

I.2.1.3. LE MODELE ACTANTIEL

Le schéma actantiel d'A.J. Greimas (1966) comporte un destinateur (émetteur), un objet (objectif), un destinataire (récepteur) ainsi qu'un adjuvant (aidant) et un opposant (adversaire). Ce schéma inclut parfois aussi la quête, selon qu'on la considère ou non comme un actant. Le schéma actantiel (ou modèle actantiel) rassemble l'ensemble des rôles (les actants) et des relations qui ont pour fonction la narration d'un récit, par acte.

Un personnage, le héros, poursuit la quête d'un objet. Les personnages, événements, ou objets positifs qui l'aident dans sa quête sont nommés adjuvants. Les personnages, événements ou objets négatifs qui cherchent à empêcher sa quête sont nommés opposants. La quête est commanditée par un émetteur (ou destinateur, ou énonciateur) au bénéfice d'un destinataire.

D'une façon générale, tous les personnages qui tirent profit de la quête sont les bénéficiaires. Schématiquement, la matrice actantielle se présente comme suit :

Destinateur

Adjuvant

Objet

Destinataire

Sujet

Opposant

Pour bien comprendre le schéma actantiel, il ne faut pas oublier que les rôles actantiels, c'est-à-dire, à proprement parler, les « actants », ne doivent en aucun cas être confondus avec des « acteurs ». Les actants sont des positions au sein d'une structure ; ils se définissent par leurs relations. Les acteurs d'une histoire, d'un conte, d'un roman... se déplacent d'une position à l'autre et voyagent au sein de cette structure. De plus, les actants sont situés par Greimas sur 3 axes qui les relient de manière significative :

· le sujet et l'objet sont situés sur l'axe du désir (ou de la quête) ;

· le destinateur et le destinataire sont situés sur l'axe de la communication ;

· les adjuvants et les opposants sont situés sur l'axe du pouvoir (pouvoir positif dans le cas des adjuvants, négatif dans le cas des opposants).

En ce qui concerne le rôle du destinateur, le plus souvent, cet actant constitue la ou les valeurs au nom de laquelle (ou desquelles) agit le sujet ; en effet, le sujet fait ou agit, tandis que le destinateur fait faire ou fait agir le sujet. En fin de récit, c'est aussi le destinateur qui « sanctionne » la réussite ou l'échec de la quête du sujet, c'est-à-dire l'obtention ou non de l'objet convoité.

Plusieurs rôles peuvent être cumulés par un personnage, un objet ou un événement ; ou ils peuvent être répartis entre plusieurs personnages, objets ou événements. Il peut y avoir plusieurs schémas actantiels dans un même récit, pour son ensemble -deux quêtes ou plus sont menées conjointement par un ou plusieurs héros- ou au cours du récit, le héros devant réaliser plusieurs quêtes successives (récits où le héros subit plusieurs épreuves) ou une quête incidente prenant place dans l'histoire (récits enchâssés).

Pour approfondir l'analyse des relations entre les actants d'un récit, Anne Ubersfeld propose de percevoir le schéma actantiel de Greimas en triangles actantiels selon les rapports spécifiques entre les actants.

Voici en quelques lignes comment se présente la configuration des triangles actantiels proposés par cette dernière :

A. Le triangle actif ou conflictuel

Le triangle actif ou conflictuel permet de saisir la pertinence de la quête. Il nous permet également de découvrir le niveau d'effort fourni par le sujet dans le cas de tel ou tel type d'opposition.

Par rapport à l'opposant il y a deux possibilités :

1) L'opposant s'oppose directement au sujet, c'est-à-dire que la quête du sujet présente beaucoup de risque dans la mesure où elle s'arrête et que le sujet est éliminé. C'est l'existence du sujet qui est visée.

Objet

SujetOpposant

2) L'opposant est opposant au désir du sujet et par rapport à l'objet. La quête du sujet présente moins de risque car ce n'est pas l'existence du sujet qui est visée par l'opposant.

Objet

Sujet Opposant

B. Le triangle psychologique

Le triangle psychologique nous permet donc de découvrir la source, l'origine, la motivation même de la quête. C'est à partir de ce triangle que nous saurons si la motivation est individuelle ou collective.

Les motivations de la quête se révèlent de manière détaillée : individuelles, collectives, etc.

Destinateur Objet

Sujet

C. Le triangle idéologique

Ce triangle nous permet donc découvrir, si l'intention de la quête sera au profit d'un bénéficiaire individuel ou collectif.L'action du sujet se réalise à l'intention d'un bénéficiaire individuel ou collectif.

Objet Destinataire

Sujet

CONCLUSION PARTIELLE

Dans ce chapitre consacré au Cadre théorique et méthodologique, nous avons défini essentiellement les termes clefs de notre analyse à savoir « fonction » et « littérature ». Nous avons survolé plusieurs définitions du concept littératureainsi que les fonctions sociales de littérature avant de terminer par la présentation approches sociologique et structurale utilisées dans le cadre de ce travail.

Pour conclure, nous retiendrons avec Maurice AmuriMpala-Lutebele que la littérature est un une transformation du fait social en fait littéraire. Une transformation qui s'opère par le biais d'un travail de tissage, c'est-à-dire un travail de mise en texte qu'opère l'artiste-écrivain pour figurer son message. Dès lors, la lecture devient, comme le dit R. Barthesune « rencontre de deux pôles : l'un, artistique et propre au texte, l'autre esthétique et propre au lecteur. Donc, le texte, portant en lui-même les conditions de sa réalisation, parle au lecteur, le guide afin qu'il réalise ce qui y est implicite ».

DEUXIEME CHAPITRE : L'ANALYSE DES RECITS

II.0. INTRODUCTION

Dans ce chapitre pratique consacré à l'analyse des récits, il sera question de démêler les intrigues pour relever les structures signifiantes de l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

Pour ce faire, le modèle actantiel de Greimas nous servira d'outil d'analyse littéraire pour passer du fond syntaxique au niveau sémantique. Enfin les triangles actantiels d'Anne Ubersfeld vont nous aider à décrire les forces sociales en conflit pour en déduire les différentes fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA.

Pour chaque recueil de nouvelles, nous procéderons d'abord à une analyse de la matrice actantielle centrale suivi d'un commentaire y afférent. Cette analyse de la matrice actantielle centrale sera suivie de l'analyse du récit en triangles actantiels. Un commentaire suivra chaque analyse en triangle.

2.1.ANALYSE DES NOUVELLES

2.1.1. L'IMPOSTEUR PASTEUR

2.1.1.1. La matrice actantielle

D1

Adj.

O

D2

S

Op.

(La pauvreté)(Bonheur) (Pasteur)

(Lotti, Iluzi, la naïveté, (Pasteur) (Le juge, la mère de Lotti)

letéléphone,les biensmatériels)

Le schéma actantiel ci-dessus peut se traduire de la manière suivante :

Destinateur (D1) : L'élément déclencheur de l'action estla pauvreté. En effet, le Pasteur MWEMPOqui vit dans unepauvreté indescriptible cherche,par tous les moyens,une possibilité de donner une nouvelle impulsion à sa vie. Alors que tout était noir dans sa vie et que rien ne lui réussissait, à ses côtés, son ami Iluzi vivait dans une aisance matérielle et une stabilité sociale. Il se déguise en « Pasteur » pour tenter d'escroquer son ami et ainsi changer le cours de sa vie.

Le Héros(Sujet) : Le Pasteur MWEMPOest l'acteur principal de la trame événementielle. Il est au centre de l'action.

Les adjuvants qui accompagnent le Pasteur dans sa quête sontle Chauffeur, les enfants, Lotti etIluzi.Chacun des personnages précités contribue à l'action du sujet de manière implicite ou explicite.

Le Chauffeur, de manière inconsciente, livre les informations qui alimentent les prophéties du Pasteur. Première personne trouvée par le Pasteur à son arrivée, le Chauffeur lui fournit tous détails de la maison de Iluzi. Les enfants sont aussi des adjuvants parce que lors l'échange des cadeaux, ils délient leurs langues et dévoilent certains secrets de la maison.

Femme du Docteur Iluzi, Lotti remet le pouvoir au Pasteur en cestermes : «Insiste encore, Pasteur. Tu n'as à craindre personne ! Annonce tête haute la bonne nouvelle, parle-nous de la part de l'Eternel, notre Dieu qui nous aime tant et qui a offert son fils unique en sacrifice pour nous sauver ».p35

Pour accompagner l'action du Pasteur, elle s'adresse de manière violente à sa mère la chassant même de la maison en ces termes : « Hééé ! Maman, arrête de délirer ! Ne m'appelle plus ta fille. Tu m'as déçue ! Je ne veux plus te voir dans cette maison. Puisque tu veux savoir qui est la personne en face de toi ! Tiens ! C'est un oint de Dieu. Un oint de Dieu dis-je. Maintenant disparais de ma face, inutile de te défendre. Tires-toi. Que ton sang tombe sur toi-même ».p38

Iluzi participe à l'action du Pasteur en disponibilisant le moyen de transport du Pasteur, le logement. Sur recommandation du Pasteur, il fait partir ses amis de la maison.

Objet : L'intégration au coeur de la famille de Iluzi symbolisait, pour le Pasteur,le bonheur suprême.

Destinataire(D2) : Sans gêne ni scrupule, le Pasteur Mwempos'était établi à la fois intendant de la maison et gérant des biens du médecin qui ne disposait pas de temps suffisant. On le voyait rouler carrosse, s'arrêter de manière ostentatoire à chaque coin de la rue pour saluer le besoin. Ses appareils de communication « souffraient de l'abondance des unités »p.45.

Les opposants : La mère de Lotti, la jeune femme et son mari ainsi que le juge s'opposent à l'objet de la quête. En effet, la mère de Lotti s'oppose au Pasteur qui vient interrompre l'harmonie familiale.D'un ton furieux, elle s'insurge contre le ton sur lequel le Pasteur ose lui parler de sa fille lui rappelant, au passage, les douleurs d'enfantement endurées lors de la naissance de Lotti.

Le même Pasteur abuse du charme d'une jeune femme au« corps affaibli » par le joug de la maladie et la viole sans coup férir. Envoûtée par les prêches du Pasteur, la jeune se laisse faire et permet ainsi au Pasteur d'assouvir ses instincts.

Pour mettre le Pasteur hors d'état de nuire, le juge prononce une sentence qui le condamne à 15 ans de prison ferme et à des dommages et intérêts. Toute la ville lâche un ouf de soulagement.

2.1.1.2. L'analyse en triangles actantiels

a) Le triangle actif ou conflictuel

Le Bonheur

Le Pasteur La mère de Lotti, le juge

Dans ce triangle, les deux opposants ne s'opposent pas directement à l'objet de la quête mais bien au sujet. En effet, pour la mère de Lotti, le Pasteur est un « imposteur », un intrus venu dans la famille de sa fille pour briser l'harmonie familiale. Elle ne lui accorde aucun répit et tente de barrer la route à son projet macabre. Le juge, quant à lui, reste le dernier rempart pour sanctionner et recadrer le Pasteur. Après la scène du viol, le réquisitoire comme le verdict sont sans appel. Si, pour ce Pasteur sans scrupules, le bonheur doit être obtenu au mépris de toutes les règles morales, religieuses, il a, pour la mère de Lotti et le juge, une autre connotation dans la mesure où il ne peut aucunement être obtenu en foulant au pied les règles de bienséance.

b) Le triangle psychologique

La pauvretéLe Bonheur

Pasteur

Ce triangle montre que la source de la quête est la pauvreté. A l'état initial de la nouvelle, le Pasteur vit une pauvreté indescriptible. Il ne sait que faire de sa vie et tous ses projets de relance n'avancent guère. Sa seule « chance » qui lui reste est de faire comme ses autres amis, pauvres hier comme lui et, du jour au lendemain, deviennent riches grâce à leur reconversion dans les « affaires de Dieu ». On peut ainsi remarquer que la réalisation de la quête se fera au bénéfice individuel du Pasteur.

c) Le triangle idéologique

Le bonheurLe Pasteur

Le Pasteur

Ce triangle montre clairement que le bonheur se fait au bénéfice individuel du Pasteur.

2.1.2. L'ODEUR DE LA MALEDICTION

2.1.2.1. L'analyse en matrice actantielle

D1

Adj.

O

D2

S

Op.

(L'impatience)(L'héritage du patrimoine familial) (Cobella et les oncles)

(Kalad,Tumo,Kakas et Kabu) (Cobella) (Les oncles paternels)

Destinateur : D1. Impatiente et pressée d'hériter du patrimoine familial, Cobella harponne son propre père et le tue.

Objet :Aussitôt le deuil levé, Cobella s'autoproclame héritière de son père chasse ses oncles paternels de la maison.

Sujet : Cobella planifie la mort de son père pour recouvrer ses droits d'héritière du patrimoine familial.

Adjuvants :Les adjuvants sont Kalad,Tumo,Kakas et Kabu. Tous les trois premiers maris de Cobella n'ont pas réussi à changer sa position et ont fini par épouser aussi ses opinions. Seul Kabu parvient à la persuader d'aller vers une solution pacifique :« Pour plus de paix dont la famille de Cobella avait besoin, il organisa une très grande fête familiale. Elle réunit les familles des paternels, les familles respectives de trois précédents maris de Cobella et nombreux amis et connaissances de la famille. L'opportunité créée permit d'harmoniser les vues sur la majorité des points.la réconciliation fut presque une réussite »p102.

Les opposants : les paternels s'engagent dans une lutte acharnée contre Cobella désignée comme assassin de leur frère et usurpatrice des biens familiaux. Ils mettent, par conséquent, en marche plusieurs stratagèmes de déstabilisation en s'opposant ainsi à tous les projets de paix.

Le destinataire (D2) : Cobella et les oncles finissent par signer un pacte de paix en se partageant les richesses.« Pendant des heures, ils discutèrent sur la proportion de la part. Enfin de compte, ils s'accordèrent et un pacte de paix fut signé. Chacune des quatre parties reçut sa portion. A la grande surprise de tout le monde, la guerre fut éradiquée »p101

2.1.2.2.L'analyse en triangles actantiels

a)le triangle actif ou conflictuel

L'héritage du patrimoine familial

Cobella Les oncles paternels de Cobella

Du vivant de leur frère, les oncles paternels de Cobella vivaient tous chez lui et n'étaient pas insensible à l'idée d'hériter des biens de leur frère après sa mort. Voilà pourquoi, dès que la mort de leur frère a été confirmée, ils se classent parmi les héritiers et s'opposent, non pas à l'objet de la quête, mais plutôt la prétendante légale et naturelle à l'héritage,Cobella.

b) Le triangle psychologique

L'impatience L'héritage du patrimoine familial

Cobella

Ce triangle montre que la source de la quête est l'impatience. A l'état initial de la nouvelle, Cobella est pressée par le temps et veut, vite, précipiter la succession de son père. Ne tarissant pas de projets d'investissement, celui-ci donne à sa fille une éducation très conformiste et presque liberticide. Le seul moyen qui reste à Cobella pour parvenir à ses fins est le parricide. Entre la réalisation de ses ambitions personnelles et la vie de son père, son coeur balance, le choix à faire étant cornélien. Elle n'y réfléchit pas deux fois. L'envie de réaliser ses ambitions est plus forte. Elle finit par tuer son père pour précipiter son destin.

c) Le triangle idéologique

L'héritage du patrimoine familial Cobella et ses oncles paternels

Cobella

Ce triangle montre que l'héritage du patrimoine familialconçu en secret au bénéfice individuel de Cobella finit, au nom de la paix, parprofiter aussi à ses oncles paternels.On peut ici remarquer qu'au départ de l'action, l'objectif final de la quête relève du secret personnel de Cobella. Elle trame son complot pour son propre bénéfice ne se doutant pas de la possibilité de voir ses oncles paternels lui contester son statut d'héritière. Au départ individuel, l'objet de la quête finit par devenir collectif.

2.1.3.L'UNIVERSITE A LA DERIVE

2.1.3.1. L'analyse en matrice actantielle

D1

Adj.

O

D2

S

Op.

(Lalibido et l'avarice) (Le plaisir sexuel et l'argent) (Le Professeur)

(Les assistants) (Le Professeur) (Le Recteur et le Ministre)

Destinateur(D1) : La nouvelle nous brosse au départ de l'action un éminent Professeur d'université peu scrupuleux qui n'a d'yeux que pour l'argent et les « cuisses de ses étudiantes ». Toute sa carrière enseignante, tous ses faits se réduisent au montage savant des stratagèmes visant à « vider les proches » de ses étudiants et à s'adjuger les charmes de ses étudiantes.

L'objet : La libido mal gérée du Professeur et son avarice le plongent dans des agissements irresponsables et non réfléchis. Il se proclame, en effet, le « distributeur exclusif des notes sexuellement transmissibles ».

Son avarice le contraint à rançonner systématiquement ses étudiants faisant fi de tous les textes réglementaires de l'université qui l'emploie. Il marchande ses notes de cours, aidé en cela par ses Assistants. Comme des collecteurs d'impôt, ses Assistants montent les enchères, terrorisent les étudiants, recouvrent tous les frais et rendent compte à leur maitre. Avec l'argent et le sexe, le Professeur se flatte de vivre le « paradis sur terre ».

Adjuvants : Les Assistantsdu Professeur accompagnent leur maitre son marchandage sexuel et pécuniaire du savoir.

Opposants : En apprenant ses déviations le Recteur décharge le Professeur de tous ses enseignements et le met à la disposition du Ministèrequi finit par le suspendre avec privation de salaire.

Destinataire(D2) : Le Professeur lui-même est également bénéficiaire des retombées de son action. En effet, l'argent issu de la vente des notes de cours lui permet de payer la bière, les plats dans les restaurants ainsi que ses séjours galants dans les hôtels.

2.1.3.2.L'analyse en triangles actantiels

a) Le triangle actif ou conflictuel

Le sexe et l'argent

Le Professeur Le Recteur, le Ministre

Ce triangle montre que, en derniers remparts des valeurs académiques, le Recteur et le Ministre s'opposent directement au sujet qu'ils mettent hors d'état de nuire en le mettant à la disposition du Ministère et en le suspendant pendant quelques années avec privation de salaire. Leur opposition va donc jusqu'à l'anéantissement du héros/sujet.

b) Le triangle psychologique

La libido, l'avarice Le plaisir sexuel, l'argent

Le Professeur

Ce triangle montre que les motivations du Professeur (la libido et l'avarice) ne sont pas nobles. Il trahit aussi le détournement du Professeur de la noble mission de son noble et beau métier. Formateur de la jeunesse, le Professeur qui devrait incarner une certaine exemplarité devient pratiquement la risée de tout le monde. Ses étudiantes deviennent ses « femmes », ses étudiants des « vaches à lait » et ses Assistants des recouvreurs d'argent.

c) Le triangle idéologique

Le plaisir sexuel, l'argent Le Professeur et ses Assistants

Le Professeur

Ce triangle montre bien que la quête de l'objet se fait principalement au bénéfice du Professeur et, à titre secondaire, de ses Assistants (à qui ils donnent des miettes issues de la vente des « syllabus »).

2.1.4. Présentation de la matrice générale

2.1.4.1. Matrice générale

D1

Adj.

O

D2

S

Op.

(Une société à la dérive(Gain facile)(Les citoyens peu scrupuleux)

et sans repères)

(Une Majorité des citoyens) (Les citoyens (Une poignée des citoyens)

peu ou pas vertueux peu scrupuleux) vertueux)

2.1.4.2. Triangles actantiels de la matrice générale

a) Le triangle actif ou conflictuel

Gain facile

Les citoyens peu scrupuleux Une poignée de citoyens vertueux

Ce triangle montre que, dans une société à la dérive, les « aventuriers » ou les citoyens peu scrupuleux se livrent à la recherche du gain facile en se passant de toutes les règles éthiques, religieuses, culturelles et sociales. Cependant, ils retrouvent parfois sur leur chemin quelques rares citoyens encore vertueux qui s'opposent à l'objet de leur quête. Leur opposition peut aller parfois jusqu'à l'anéantissement du héros/sujet ou alors à l'atténuation de l'ampleur de l'atteinte de la quête.

b) Le triangle psychologique

Une société à la dérive et sans repères Le gain facile

Les citoyens peu scrupuleux

Ce triangle montre que, dans une société à la dérive, les citoyens peu scrupuleux et tous les autres aventuriers se livrent à coeur joie à la recherche du gain facile. Pour y parvenir, tous les moyens sont bons. Ils sont en mesure de se passer de toutes les barrières morales, religieuses, culturelles et sociales.

c) Le triangle idéologique

Le gain facileLes citoyens peu scrupuleux

Les citoyens peu scrupuleux

Ce triangle montre bien que le gain recherché dans ces sociétés à la dérive et sans repères par les citoyens peu scrupuleux ne contribue pas au bonheur collectif mais bien au bonheur individuel de ces mêmes « aventuriers ».

CONCLUSION PARTIELLE

Dans ce chapitre pratique consacré à l'analyse des récits, nous avons tenté de démêler les intrigues pour relever les structures signifiantes de l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

Nous avons recouru au modèle actantiel de Greimas pour passer du fond syntaxique au niveau sémantique. Les triangles actantiels d'Anne Ubersfeld nous ont permis de décrire les forces sociales en conflit en révélant du même coup les différentes fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA.

Pour chaque recueil de nouvelles, nous avons présenté d'abord une analyse de la matrice actantielle centrale suivie d'un commentaire y afférent. Cette analyse de la matrice actantielle centrale a été suivie de l'analyse du récit en triangles actantiels ponctuée par un commentaire.

A la fin de l'analyse de trois recueils de nouvelles de notre corpus, une matrice générale assortie d'une analyse en tringles actantiels en a découlée.

Au regard de nos analyses, l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA développe les fonctions magico-religieuse, critique, pédagogique, fantasmatique et idéologique.

CHAP. III. LES FONCTIONS SOCIALES DE LA LITTERATURE 

DANS L'OEUVRE DE SIMPLICE ILUNGA MONGA

III.0. Introduction

Comme dit plus haut, l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA développe essentiellement quatre fonctions sociales à savoir les fonctions magico-religieuse, critiques, pédagogiques, fantasmatiques et idéologiques.

Nous nous proposons, dans ce chapitre, de présenter ces fonctions ainsi que tous les implicites qu'elles déploient au sens bourdieusien du mot, c'est-à-dire comme positionnement de l'auteur à intérieur de différents champs.

En effet, il sera question de montrer ici les problèmes sociaux à partir desquels l'agent social Simplice ILUNGA MONGA mène sa réflexion, problèmes sociaux entendus ici au sens de pathos à partir duquel on peut saisir la pertinence de l'éthos simplicien.

III.1. La fonction magico-religieuse

La fonction magico-religieuse est beaucoup exploitée dans L'imposteur pasteur. Dans cette nouvelle, le Pasteur procède par une sorte d'endoctrinement, une sorte d'envoûtement de la famille du Docteur Iluzi. Ce Pasteur revêt pratiquement les qualités reconnues aux gourous et, grâce à sa maitrise des textes sacrés, en l'occurrence, la Bible, il réussit à acquérir un ascendant moral, religieux sur ses victimes.

Trop croyants et presque devenus fanatiques, Iluzi et son épouse Lotti acceptent, de fait, l'autorité morale et religieuse du Pasteur. Tout ce qui vient du Pasteur relève de la volonté de Dieu. S'y opposer, c'est refuser de vivre et de marcher selon la parole de Dieu.

Le couple du Docteur Iluzi est une famille atypique de toutes les autres familles qui, du jour au lendemain, se retrouvent volontairement ou pas pris dans un tourbillon mené par une autre forme de religion de la libération en vogue en Amérique latine.

En effet, durant l'été 1968, naissait sous la plume de l'aumônier des étudiants péruviens, Gustavo Guttierez,  l'expression « théologie de la libération ». Un mois plus tard, la deuxième conférence du Celam (Conseil épiscopal latino-américain) se réunissait à Medellin (Colombie) pour réfléchir sur le thème : «L'Église dans la transformation de l'Amérique latine, à la lueur de Vatican II.» Dans leur texte final, les évêques proclamaient : «Nous sommes au seuil d'une époque nouvelle de l'histoire de notre continent, époque clé du désir ardent d'émancipation totale, de la libération de toutes espèces de servitude.»

Ce vaste courant de pensée théologique emportera toute l'Église d'Amérique Latine dans son sillage, suscitant de très vives réactions dans le monde catholique, obligeant le Vatican à se prononcer à deux reprises sur le bien-fondé de cette théologie.

Prenant sa source dans une expérience de contemplation, de compassion, d'indignation et d'engagement aux côtés des plus pauvres, la théologie de la libération offre une réponse spécifique à toutes les communautés opprimées : «La théologie de la libération dit aux pauvres que la situation qu'ils vivent actuellement n'est pas voulue par Dieu», dira Gustavo Gutiérrez.

Elle repose sur la prise de conscience que les pauvres attendent un libération réelle et qu'il est vain de parler du Christ et du salut qu'il apporte si ce salut n'est pas immédiat. Le critère le plus précis de l'authenticité évangélique est donc la lutte contre la pauvreté. "La création d'une société juste et fraternelle est le salut des êtres humains, si par salut nous entendons le passage du moins humain au plus humain. On ne peut pas être chrétien aujourd'hui sans un engagement de libération" Gustavo Gutierrez

Son impact s'explique par le fait que, face à l'immense écart entre riches et pauvres, elle plaçait l'homme au centre de sa réflexion, non pas un homme abstrait mais un homme engagé dans sa propre histoire et acteur de sa libération. Et aussi parce que les dictatures des années 1970 ne pouvaient que faire surgir une réaction vive et forte de l'ensemble du clergé.

Théologie neuve, authentiquement chrétienne par son oecuménisme et son enracinement biblique, la théologie de la libération a été l'objet d'innombrables publications. Son audience a dépassé le seul domaine de sa spécialité. Un très grand nombre de prêtres, religieux et religieuses travaillant auprès des populations les plus pauvres, l'ont adoptée avec enthousiasme. Grâce à elle, la théologie en Amérique latine est entrée dans les familles, à l'université, au risque parfois de voir son message déformé.

Les communautés ecclésiales de base (CEB), petites communautés populaires permettant une appropriation de l'Évangile et une lutte contre la pauvreté, sont issues de la théologie de la libération. Noyaux ecclésiaux, les CEB se sont multipliées au Brésil, en Bolivie, Colombie, au Paraguay, Salvador... Dirigées par des laïcs, homme et femmes, elles permettent encore aujourd'hui de faire vivre l'Église dans les régions les plus reculées et les plus isolées de ce continent.  

On a beaucoup évoqué en parlant de la théologie de la libération  de «perversion de la chrétienté» et de «théologie des rues». Elle a été également accusée de dérive idéologique, d'une forte connotation marxiste dans le discours, et du recours à la lutte des classes comme grille de lecture des conflits sociopolitiques. Le fait que beaucoup de membres du clergé se soit impliqué dans les luttes politiques (allant jusqu'à prendre les armes dans certains pays) a accru la méfiance des pouvoirs en place et du Vatican.

En Afrique et, particulièrement, en République Démocratique du Congo, cette théologie de la libération a enfilé le tablier de réveil spirituel au sein des Eglises pentecôtistes. Les abus avérés ou pas des Pasteurs sont devenus, pour tout objecteur de conscience un sujet d'interpellation.

D'ailleurs, la postface de Imposteur Pasteursignéepar le PasteurEzéchiasKumwamban'est pas anodine. En effet, pour le Pasteur Ezéchias Kumwamba, « Ce roman, écrit, non par un athée ou un incrédule mais par un serviteur de Dieu, dans un style vivant et bien assis dans les réalités vécues par les chrétiens de son pays et un avertissement divin (un appel à la repentance à tous ses ministres)et un travail de dévoilement qui nous montre clairement ce qui se passe derrière les murs des églises. (Il) souhaite que ce roman apparemment amusant, pousse tous les élus du Seigneur à combattre pour garder la foi apostolique par le message de l'évangile, en barrant la route à ces ouvriers de Satan déguisés en oint de Dieu ».

En République Démocratique du Congo, la naissance des Eglises de réveil remonte aux années 1980. Lorsque le régime du Président Mobutu s'essouffle, les contestations montent de partout sous l'impulsion de l'Eglise catholique. Pour contrer le poids inquiétant de l'Eglise catholique,le Gouvernement encouragea légalement et même financièrement l'émergence de nouvelles églises.

Mais vite, ces églises sont verser dans le clientélisme faisant ainsi de du Christianisme un véritable business. Pour Toussaint Muyombi, « Il n'y a pas de business plus lucratif, à Kinshasa, que les "Églises de réveil". Leurs guides vendent au prix fort leur bénédiction aux fidèles congolais... et leur influence aux hommes politiques. Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à prêcher. Créer une Église est devenu une sorte de "débouché sur le marché du travail" ». (2009 : 77)

La prolifération de ces églises et le détournement de leur vocation font que ces églises ne sont plus des temples de prière mais plutôt des guichets de perception d'argent.Le pasteur occupe une place prépondérante dans la vie du fidèle : c'est lui qui sauve, et non plus les sacrements. La grogne sociale est à son comble, le peuple a perdu toute confiance en l'État et se tourne vers la religion.

Dans un pays à fort taux de chômage, créer une Église est vite devenu une sorte de "débouché" sur le marché du travail pour certains jeunes diplômés en quête d'emploi. Dans cette recrudescence du phénomène religieux, le christianisme s'est enrichi d'un nouvel espace de circulation d'un discours religieux assez particulier et aux enjeux bien précis : le salut de l'âme, la santé du corps, la protection contre les mauvais esprits, le bien-être matériel et social des conducteurs et de leurs adeptes.

Ce discours assume ainsi des fonctions messianique, prophétique et thérapeutique au sein de la société en crise. L'euphorie religieuse suscitée par ces sectes chrétiennes, a profondément marqué les pratiques langagières des Congolais. Les mutations culturelles qu'elles ont introduites dans leur communauté de langage ont une incidence sociolinguistique certaine sur l'ensemble du christianisme; elles ont même marqué les pratiques langagières des Congolais qui attendent du ciel la nourriture quotidienne, un emploi rémunérateur, une protection contre les mauvais esprits, des bénédictions... Les Eglises de réveil détiennent donc tout un capital culturel qui impose son style langagier.

SimpliceILUNGA MONGA en fait échos dans son oeuvre. L'Imposteur Pasteur exproprieses adeptes en prétendant que c'est des éléments du rituel de délivrance imposés par le Saint Esprit. Il finit par devenir plus riche que ses adeptes en roulant des véhicules de luxe et en étant compté les mieux habillés de la ville. Ils montent en « grade » presque tous les dix jours (Intercesseur, Diacre, Evangéliste, Sacrificateur, Pasteur, Visionnaire, Bishop, Archibishop, Mandataire international...) et ne tarissent pas de surnoms (Le Général, Moto na Mopanga, Fire, La réserve de l'Eternel...).

Aux yeux de leurs adeptes, ils sont des « demi dieux » et se considèrent comme tels. Ils s'autoproclament abusivement prophète, visionnaire, apôtre, évangéliste, pasteur, guide, maître (...) Ces sacrificateurs des églises, ministères, assemblées du réveil spirituel sont prêts à tout pour attirer des adeptes. Mais, sous la parure d'« homme de Dieu », se cachent des « malins » déterminés à s'enrichir sur le dos des « naïfs » en quête de la manne céleste. Ces êtres faibles, enivrés et désillusionnés par les réalités quotidiennes de la vie, sont des proies faciles pour certains initiateurs des églises du réveil. Ces sacrificateurs leur promettent des recettes miracles, allant des séances de désenvoûtement aux guérisons miraculeuses en passant par les promesses les plus folles dont ils seraient les seuls à détenir le secret.

Pour Simplice ILUNGA MONGA, les sacrificateurs prendraient l'apparence de bergers, alors qu'ils sont devenus en réalité des loups acharnés contre les troupeaux de Dieu. Ils sont comme l'étoile du matin qui se lève avant l'aube et qui parait brillante et radieuse, mais qui égare les voyageurs de la cité de Dieu et les conduits sur les chemins de la perdition.

III.2. LA FONCTION PEDAGOGIQUE

0. Introduction

L'enseignement supérieur et universitaire (E.S.U.) au Congo n'est pas en crise. Il est en voie de disparition. La formation dispensée, dans ses instituts et dans ses facultés, est tombée en dessous du seuil qui permet de prétendre à une qualification professionnelle de niveau supérieur.

Au contraire, sa décomposition s'amplifie, d'année en année, au point de ronger même ses dimensions les plus essentielles que sont la pédagogie, la bibliothèque, la formation...

La pédagogie, on le sait, est un domaine très vaste et parfois ambigu. Elle a été considérée, à divers moments de son cheminement historique, tantôt comme un art, tantôt comme une science, tantôt encore comme une théorie pratique de l'action éducative. Cependant, comme l'affirment Georgette Pastiaux et Jean Pastiaux (1986, 4) aujourd'hui, on ne débat plus pour savoir si la pédagogie est un art ou une science, mais on reconnaît sa nature praxéologique et sa double visée : améliorer une situation réelle et comprendre les déterminants (psychologiques, historiques, sociaux, etc.) et les principes générateurs de l'action éducative. Pourtant, le domaine ne demeure pas moins vaste. Mais, avant de revenir à l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA, retraçons brièvement la genèse de l'E.S.U. en R.D.C.

Les deux premiers établissements d'enseignement universitaire congolais ont été créés respectivement en 1954 et 1956, soit 6 ans et 4 ans avant l'accession du pays à l'indépendance. Le profil d'homme à former traduit dans la conception du programme d'alors répondait essentiellement aux besoins de développement politique, économique, social et culturel de l'époque. Depuis l'indépendance, les quelques réformes du programme de formation universitaire n'ont pas suivi les profondes mutations que la société congolaise à l'instar de tous les autres pays a connues -et en train de connaitre.

Pendant que les entreprises, l'administration publique, les Organisations non gouvernementales, ... peinent à trouver de la main d'oeuvre qualifiée, le taux de chômage explose parmi les jeunes diplômés de l'Université. Il devient clair que les Universités ne répondent plus aux besoins des entreprises et de la société congolaise. Le système d'enseignement congolais vit en total déphasage avec son environnement économique alors qu'il devrait être en interaction avec ce dernier. Ce n'est guère étonnant si les grandes entreprises minières installées au Katanga font appel à la main d'oeuvre étrangère pour répondre à des impératifs économiques.

De manière particulière, l'augmentation rapide et continue des effectifs à l'Université a, paradoxalement, entrainé une faible attractivité de certaines filières.La libéralisation de l'offre d'enseignement supérieur a généré des formes inédites de compétition entre les formations et les établissements privés et publics qui proposent désormais des filières répondant au mieux aux besoins du marché. La dimension marchande de l'éducation supérieure, dans laquelle les savoirs deviennent de simples biens commerciaux, détermine la nature même de ces savoirs scientifiques mais également leurs conditions de production et de transmission.

Le programme universitaire conçu dans les années 1950 a connu quelques réformes (1971 ,1981 et de 2004) qui n'ont pas permis au système éducatif universitaire congolais de s'adapter aux transformations majeures et aux besoins fondamentaux de la société.

L'enseignement supérieur et universitaire au Congo doit encore relever le défi de la qualité de son enseignement, dont les performances sont jugées parmi les plus faibles de la planète. Ce pays qui comptait l'un des taux les plus élevés d'universitaires et qui a formé la plupart des « élites » d'Afrique, vit actuellement des heures sombres de son histoire dans le secteur éducatif. La belle époque a pris fin dans les années 1974. Plusieurs raisons sont à l'origine de cette situation catastrophique en occurrence le faible budget alloué à ce secteur, pauvreté des parents, non-paiement des enseignants, le clientélisme, le favoritisme, le tribalisme etc. Qualitativement l'enseignement congolais est à plaindre.

En observant la pratique pédagogique au niveau de l'enseignement supérieur et universitaire en R.D.C., on ne peut manquer de constater qu'une méthode de communication s'est imposée au fil des années : la méthode «dictée». Par cette méthode, s'il est toutefois permis de l'appeler ainsi, la communication pédagogique revient pratiquement à dicter le contenu du cours aux apprenants et, éventuellement, à expliquer le texte dicté. Certains enseignants, soucieux de la compréhension de la matière par les étudiants, ajoutent une troisième phase à la méthode, les réponses aux questions des étudiants.

De manipulation facile, ce qui justifie son extension, la méthode «dictée», préconisée par aucun didacticien, requiert un moindre effort dans la préparation de la communication pédagogique. Il suffit de savoir lire pour savoir dicter. De même, la préparation de la prestation pédagogique ne va pas au-delà de la préparation et de la compréhension du texte à dicter. Point n'est donc besoin de suivre un séminaire de pédagogie universitaire pour savoir exploiter cette procédure d'enseignement.

De facilité éprouvée, la méthode «dictée» est pourtant éprouvante tant pour l'enseignant que pour l'enseigné. Il n'est pas aisé, loin s'en faut, de procéder à une dictée dans une classe nombreuse. Terminer une page de dictée est une épreuve qui pourrait être retenue comme une Méthode «dictée». Et cette « méthode » se décline en trois phases suivantes :

Phase I

Dictée de la matière

Phase II

Explication de la matière

Phase III

Questions de compréhension

Il faut, en effet, répéter la phrase, si pas autant de fois qu'on a d'étudiants, mais certainement plusieurs fois. Ainsi, outre le fait que l'enseignant et l'enseigné sortent d'une telle séance physiquement abattus, les opportunités d'apprentissage, la réflexion, le raisonnement, la curiosité scientifique, la créativité, la recherche se voient fortement étouffés dans un contexte de communication pédagogique marquée par cette méthode. De manière particulière, les interventions des étudiants, dans ce contexte, se ramènent à peu près à ceci : « Je n'ai pas saisi la phrase, je manque le mot, je n'ai pas terminé la phrase... ».

Si même l'enseignant a le souci d'explication de la matière dictée, il prêchera littéralement dans le désert, les étudiants étant plutôt préoccupés par les notes à compléter. Ceci ne pourrait-il pas amener les étudiants à avoir une mauvaise estime des enseignants ? Les apprenants ne seraient-ils pas de ce fait conduits à formuler à l'égard des enseignants des institutions de l'E.S.U. en R.D.C. le reproche ci-après mis en évidence par la recherche de Mucchielli (1998, http://[...]/pedagogie.htm) menée auprès de quelques étudiants d'une université parisienne ? « Vous nous considérez comme des machines à prendre des notes, à mémoriser et à réciter non comme des individus qui veulent comprendre et trouver du sens à ce qu'ils apprennent. Nous ne sommes pas des machines, mais des individus en quête de sens. »

Devenu objet et non sujet de sa formation dans le contexte d'une communication pédagogique par la méthode «dictée», l'étudiant ne peut nullement développer l'apprendre à apprendre, aptitude aujourd'hui plus qu'indispensable dans le processus d'apprentissage. Si la communication pédagogique à l'E.S.U. laisse à désirer, l'évaluation n'est pas en reste. Des notions élémentaires de formulation des questions ne semblent pas être connues par beaucoup d'enseignants. En plus, le moment d'évaluation s'apparente plus à un moment de règlement de compte pour certains enseignants et de véritable trauma pour beaucoup d'étudiants. « L'ethos de l'évaluateur semble recouvert par cet obscur objet du désir : le pouvoir [...] la relation entre l'évaluateur et l'évalué semble régie d'un côté par un rapport de force, de l'autre côté par le soupçon ou la peur d'être fustigé, voire disqualifié » (Jorro, 2006, p. 68).

N'est-ce pas cela qui justifie toutes les pratiques éthiquement négatives constatées pendant les sessions d'examen et dénoncées par Simplice ILUNGA MONGA : la corruption, le trafic d'influence, le favoritisme ? Tout compte fait, l'évaluation est loin d'être partie intégrante du processus enseignement-apprentissage. L'évaluation formative, en particulier, représentée par des interrogations et des travaux pratiques, est fortement négligée dans certains établissements au profit de l'évaluation sommative.

Sur le plan de l'évaluation, l'on peut aussi stigmatiser le non-respect de certains principes essentiels : l'objectivité, la validité de contenu de l'évaluation, la cohérence entre l'évaluation et le contenu de la matière dispensée, entre l'évaluation et les objectifs du cours....

Lorsqu'on passe en revue quelques échantillons de questions d'examens ou d'interrogations, force est de constater qu'elles sollicitent plus les connaissances déclaratives que les connaissances procédurales et conditionnelles. Les questions sont ainsi plus du type quoi, qu'entendez-vous par, quels sont, définissez, citez-moi, et moins du type comment et pourquoi. Peut-il en être autrement lorsque la communication pédagogique, par la méthode «dictée» ou par d'autres méthodes qui ne mettent pas l'apprenant au centre de sa formation, n'insiste pas elle-même sur les connaissances procédurales et conditionnelles ?

La corruption est devenue presque la deuxième identité de l'université congolaise. Toute la crédibilité est perdue à cause de l'exagération de la corruption au point que les diplômes qu'elle décerne n'ont aucune valeur sur l'échiquier mondial.

Pour obliger les étudiants à donner de l'argent, certains enseignants se cachent derrière la vente  des « syllabus » et un paiement conditionnel avant de passer des travaux pratiques ou les frais d'enrôlement avant de passer une interrogation. La corruption pécuniaire change parfois pour se convertir en « NST » c'est-à-dire « Notes Sexuellement Transmissible ». Les étudiantes font régulièrement l'objet du harcèlement sexuel de la part de certains enseignants.

Ces derniers vont parfois jusqu'à menacer de faire échouer celles qui résisteraient à leurs sollicitations. Beaucoup de filles sont parfois recalées  à cause de leur refus de céder aux avances des enseignants. Il faut aussi signaler,avec Simplice ILUNGA MONGA que « des bureaux des certains enseignants sont devenus des chambres d'hôtel, plus question de se soucier de l'absence du  lit car leurs tables jouent déjà ce rôle ».

Les relations humaines/sociales comme la parenté, l'amitié, l'appartenance tribale ou ethnique sont aussi exploitées par les étudiants qui, parfois, font intervenir leurs proches pour plaider leurs cas auprès des enseignants. On voit passer des mains en mains, plus spécialement pendant et après les différents examens, d'innombrables lettres de recommandation des enseignants demandant à leurs collègues d'être favorables aux leurs. Cette pratique enfreint donc  l'égalité des chances dont doit bénéficier chaque étudiant sans discrimination. « Les autorités politico-administratives, les Conseillers de différents cabinets politiques, les Honorables, les officiers de la police et de l'armée, les directeurs d'entreprises, les pasteurs, les beaux frères, tous au mépris du règlement académique appelaient pour changer le rouge en bleu quelques part. Facilement, le zéro devenait six, le trois huit, le deux en douze. Il y avait de quoi estomaquer un fou.(...) Monsieur le président !le principe dont je parle n'est écrit nulle part, mais il est marqué dans la tête de chacun de nous. Il s'agit du principe nos enfants d'abord. »p90 -91

Pour l'auteur, le non-respect des principes  d'évaluation nuit aujourd'hui effectivement à la formation des étudiants. A court, moyen ou long terme, le recours à la corruption  nuira de façon très significative à la bonne marche du pays.

Les corrupteurs d'aujourd'hui sont appelés à être les cadres de demain. Que peut-on attendre d'eux une fois aux commandes du pays? Ils prendront sans aucun doute la place des corrompus d'hier. Si le pays est géré par des individus de ce genre, peut-on vraiment espérer quelque chose de bon ?

Aux yeux de Simplice ILUNGA MONGA, les enseignants ne sont pas les seuls à accuser.  Parfois les étudiants encouragent cette situation. Il faudra dire que ce sont là les habitudes apprises très tôt, car même à l'école maternelle certains parents n'acceptent que leurs enfants reprennent de classe. Une fois au niveau de l'enseignement supérieur, ces enfants ne peuvent que poursuivre ce chemin de corruption. 

Souvent ce sont ces étudiants qui vont frapper, porte après porte, aux  bureaux des enseignants pour demander une mesure de grâce en cas d'échec dans un cours donné. Certains enseignants ne peuvent que céder à la tentation.

III.3. LA FONCTION FANTASMATIQUE

La fonction fantasmatique est transversale à toute l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA. En effet, Dans Imposteur Pasteur, il s'observe des conflits entre personnages ayant des liens de sang ou alors ceux ayant une parenté par alliance.

En effet, premier d'entre tous, le Pasteur est en conflit avec la mère de Lotti, épouse de Iluzi et le juge. La mère de Lotti et le juge sont en quelque sorte les derniers « gardiens du temple ». Ils défendent avec bec et ongles un idéal social et moral auquel, hélas, le Pasteur ne croit plus. Au nom de la loi, le juge ne peut pas fermer les yeux devant le viol que commet le Pasteur. Au nom d'une certaine idée de modèle social, la mère de Lotti n'est pas disposée à laisser le Pasteur réaliser son projet. Elle n'est pas non plus en odeur de sainteté avec sa fille Lotti victime d'un endoctrinement déplorable de la part du Pasteur. Le Pasteur lui-même est en conflit avec les valeurs éthiques et déontologiques qu'impose son « métier ».

Dans L'odeur de la malédiction, le conflit entre personnages ayant les liens de sang oppose d'abord Cobella à son père, puis à ses oncles paternels et enfin à ses frères.

Dans l'Université à la dérive, le Professeur Talanga ne partage pas la même opinion avec sa fille. Le Recteur et le Ministre finissent, en gardien des valeurs universitaires, par mettre le véreux Professeur hors d'état de nuire.

III.4. LES FONCTION IDEOLOGIQUE

Par ces fonctions, Simplice ILUNGA MONGA nous plonge dans une société à la dérive et sans repère moral, une société dans laquelle les vices prennent la place des vertus.

On le sait, la perte des valeurs morales ne date pas d'aujourd'hui. En effet, ce thème a fait florès en tout temps : que ce soit sous l'Empire romain, qui vit certains auteurs déplorer le déclin des valeurs d'ordre, de justice et d'humanité (Cicéron), ou au contraire la montée en puissance des valeurs de renoncement, de charité et de pauvreté affirmées par la religion chrétienne naissante (Flavius Josèphe) ; que ce soit au siècle des Lumières, qui vit nombre d'aristocrates ironiser sur les valeurs d'épargne, de travail et d'effort (l'«esprit de calcul») ainsi que sur les valeurs de liberté et d'égalité en droit promues par la bourgeoisie montante ; que ce soit sous et après la Révolution, époques qui virent les «possédants» et/ou les conservateurs de toute sorte vitupérer contre les aspirations à davantage d'égalité réelle exprimées par certains (Thiers, Tocqueville) ou contre les valeurs d'une société préférant se placer sous l'égide de la Nation plutôt que sous celle de Dieu (Burke, de Maistre...) ; que ce soit après la défaite de 1871, époque qui vit des penseurs convaincus que cette dernière était imputable à une dégénérescence des valeurs traditionnelles en appeler à une «réforme intellectuelle et morale» (Renan) ; ou que ce soit encore dans l'entre-deux-guerres, qui vit un certain nombre de penseurs conservateurs dénoncer la France du Front populaire (la «France du pastis»), coupable, à leurs yeux, d'apprécier davantage les congés payés, le repos et le plaisir que l'effort, le travail et le sacrifice.

Par ailleurs, ce thème a fait - et fait aujourd'hui - également florès en tous lieux : sans qu'il soit besoin d'insister longuement, il est plus que probable que les aspirations à davantage de liberté, d'autonomie, d'égalité et de démocratie ressenties par une partie (variable) des populations vivant dans les sociétés du Proche et du Moyen-Orient voire du Sud-Est asiatique sont perçues, par tous ceux qui ne les partagent pas, comme le symptôme d'une réelle « crise des valeurs »...

Faut-il s'en étonner ? À l'évidence, non. La raison en est simple : c'est qu'il existe, pour Simplice ILUNGA MONGA, entre crise des valeurs et fonctionnement social, une relation dialectique en quelque sorte inévitable, chacune de ces deux instances agissant et réagissant l'une sur l'autre. De là cependant à en déduire que cette relation dialectique ne peut ni ne doit être régulée ou maîtrisée, il y a bien évidemment un pas qu'il faut se garder de franchir.

Si l'on part de l'idée que le concept de valeur renvoie à ce qui est vrai, beau ou bien, « selon un jugement personnel plus ou moins en accord avec celui de la société de l'époque » (Petit Robert), nul doute que la « crise des valeurs» censée affecter la société française contemporaine ne saurait être dissociée de la manière dont fonctionne et évolue cette dernière : non pas seulement parce que cette crise ne fait que refléter, finalement, l'évolution qui affecte la société ; mais aussi parce qu'elle ne manque pas d'agir, en retour, sur cette même évolution.

Que la « crise des valeurs » soit tout d'abord le reflet de l'évolution qui affecte la société ne saurait faire ici aucun doute. La plupart des vecteurs grâce auxquels l'intégration des valeurs de citoyenneté et de cohésion sociale par l'ensemble de la population s'effectuait sont aujourd'hui en panne ou en déclin : qu'il s'agisse de l'école, laquelle a du mal à remplir sa mission traditionnelle de structuration culturelle et/ou sociétale de ses usagers ; qu'il s'agisse du service national qui, compte tenu de son coût financier et des mutations opérées en matière de défense stratégique, a été supprimé et ne joue donc plus son rôle de ciment de la Nation ; qu'il s'agisse des partis politiques, dont la perte d'audience (on pense en particulier au rôle de mobilisation autrefois joué par le Mouvement Populaire de la Révolution) a laissé en déshérence (provisoire ?) une fraction importante des personnes qu'ils parvenaient, jadis, à regrouper autour de valeurs communes fortes ; qu'il s'agisse des syndicats, dont le déclin sensible bien que relatif est concomitant de celui des partis ; ou qu'il s'agisse encore de l'Église, dont la force d'attraction n'a cessé, au fil du siècle dernier, de régresser (en témoigne la baisse de la pratique voire de la foi), entraînant un étiolement là aussi relatif mais palpable des valeurs attachées à son message.

Par ailleurs, la société se trouve confrontée, compte tenu notamment de la mondialisation et de la globalisation de l'économie, de l'amplification des échanges et de l'accélération des communications qui en résultent (le « village-monde ») et aussi, on doit le souligner, de notre système politico-social, à de redoutables défis : exacerbation des règles de la concurrence, qui pèse sur la capacité et/ou sur la volonté des employeurs de ménager le capital humain ; nécessité d'intégrer (au sens de ne pas exclure) des populations issues de vagues plus ou moins récentes d'immigration d'origines culturelles et/ou religieuses fortement différenciées ; tendance d'une partie (certes marginale mais non négligeable) de ces populations à se replier sur des valeurs communautaires pas toujours en harmonie (c'est le moins que l'on puisse dire) avec les principes d'universalité ; insuffisance voire absence de sanctions à l'égard d'un grand nombre de ceux (de toutes origines et de toutes conditions) qui enfreignent la loi (situation délétère qui conduit certains à penser que tout ou presque est permis : échapper à l'impôt, soit par la fraude, soit par la délocalisation, compte tenu du niveau « insupportable » atteint par celui-ci ; se livrer à des incivilités croissantes eu égard à la fois au rejet dont on s'estime victime et au sentiment de relative impunité que l'on nourrit)...

Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que les valeurs anciennes sur lesquelles s'appuyait jusqu'alors notre société soient considérées par certains comme en crise : qu'il s'agisse des valeurs de laïcité et de neutralité (voir le débat sur le « foulard islamique » à l'école) ; des valeurs de tolérance et de respect de l'autre (ceux qui se retranchent derrière des valeurs identitaires et/ou communautaires reprochant aux autres de déroger à leurs valeurs de tolérance, ces derniers reprochant, à l'inverse, aux premiers de nier les valeurs de fraternité et de solidarité (que devient le rêve de la solidarité organisatrice et égalitariste exprimé en 1945 lorsque le mouvement du monde et la force supposée des choses la contraignent à n'être plus que réparatrice et « équitariste » ?) ; des valeurs de liberté, d'égalité et de responsabilité (quelle valeur peut avoir la liberté pour celui qui est sans emploi et sans logement ? l'égalité pour celui qui est victime de la panne de «l'ascenseur social» ? la responsabilité pour celui qui éprouve, à tort ou à raison, un sentiment de relative impunité, pour celui qui, mû par ses seuls intérêts personnels, n'hésite pas à transférer ses avoirs et/ou sa résidence à l'étranger pour échapper à l'impôt, ou, à l'inverse, pour celui qui, cherchant surtout à tirer profit de l'État-providence de manière soit passive soit active - voir la thématique anglo-saxonne du « passager clandestin » - en arrive parfois à compter non pas tant sur lui-même que sur les autres pour améliorer son sort ?).

Mais si la « crise des valeurs » doit, de toute évidence, se saisir comme le reflet ou le produit de l'évolution que connaît notre société, elle ne manque pas d'influer et de réagir, en retour, sur cette même évolution. Ainsi n'est-il guère contestable, par exemple, que c'est la croyance moins forte d'une partie des élites aux valeurs de solidarité qui a permis - via une résurgence de la valeur « responsabilité individuelle » et une priorité donnée aux valeurs de liberté voire d'équité (donner à ceux qui en ont le plus besoin, les autres se débrouillant par eux-mêmes) de préférence à celle d'égalité - un affaiblissement relatif bien que sensible de l'État-providence. Et ce, même s'il n'est pas davantage contestable, à l'inverse, que c'est l'attachement d'une grande partie de la population aux valeurs de solidarité sociale et de responsabilité collective qui, jusqu'à présent en tout cas, a permis de freiner une évolution rapide de la société congolaise vers une dislocation certaine.

De même n'est-il guère douteux, dans un ordre d'idées similaire, que si les attaques portées (au nom des valeurs d'efficacité, de responsabilité ou d'équité) à l'État-providence n'ont pas peu contribué à mettre un terme à l'expansion quasi continue dont celui-ci avait bénéficié depuis des lustres, le relatif repli qu'il a connu depuis une trentaine d'années a généré, en retour, une résurgence des valeurs de solidarité personnelle et intergénérationnelle d'entraide familiale, de fraternité via des engagements associatifs de plus en plus nombreux : constat qui tend clairement à montrer que le combat pour les valeurs doit se saisir autant comme un agent de structuration de la société que comme sa résultante...

On peut même aller plus loin : en l'occurrence, soutenir que si le fonctionnement de la société est bel et bien à l'origine de la crise des valeurs, les valeurs (anciennes ou nouvelles) qui tendent à prévaloir à un moment donné sont bel et bien à l'origine, à leur tour, de la crise de la société. Ainsi, et pour ne s'en tenir qu'à ce seul exemple : qui pourrait penser que le déclin des valeurs d'égalité, de justice, de solidarité (avec son corollaire : la résurgence des valeurs du « chacun pour soi », d'irresponsabilité, de liberté personnelle poussée à l'excès voire d'adhésion sans réserve aux communautés) qui touche aussi bien certains membres des élites (voir les rémunérations faramineuses que s'octroient certains dirigeants de sociétés) que certains membres des classes dites « défavorisées » (voir la multiplication des actes de petite délinquance, les incivilités croissantes, l'importance du groupe ou du clan, etc.) n'est pour rien dans la crise latente et dans la morosité ambiante qui affectent aujourd'hui notre société ? Comment inciter les uns à faire des sacrifices en termes de rémunérations et de revendications lorsque les autres s'estiment dispensés d'y consentir ? Comment sanctionner de manière cohérente les auteurs de petits délits (qui, en « pourrissant » la vie de ceux qui en sont victimes, les poussent parfois dans les bras des partis extrémistes) lorsque les auteurs - puissants et connus - d'autres délits (fraude fiscale, corruption, etc.) parviennent à passer entre les mailles du filet ?

Entre la « crise des valeurs » et le fonctionnement social, il existe donc bien, on le voit, une relation dialectique à la fois forte et inévitable. Ce qui ne saurait signifier, bien évidemment, que cette relation ne puisse - ou ne doive - connaître certaines limites.

Pour étayer le propos, on partira ici de l'hypothèse selon laquelle toute société organisée repose nécessairement sur des valeurs, c'est-à-dire sur une représentation de ce qui, à l'intérieur du groupe, est considéré majoritairement comme bon, bien ou juste ; valeurs dont il est certes possible de récuser aussi bien l'universalité que l'intemporalité mais dont il n'est guère pensable, en revanche, de nier l'existence.

Évoquer la « crise des valeurs » ne saurait avoir de sens, dans cette perspective, que pour autant que l'on postule que les valeurs en crise ne sont pas n'importe lesquelles : ce sont celles-là même qui sont en vigueur dans une société donnée à un moment donné. Autrement dit, celles qui peuvent se réclamer d'une certaine tradition et qui ont réuni, de manière plus ou moins durable, un minimum de consensus.

Parmi elles, certaines sont plus particulièrement marquées au coin de la contingence (même si cette dernière peut se révéler relativement durable dans le temps et assez répandue dans l'espace...) car liées, pour l'essentiel, aux moeurs, aux coutumes et usages, et, plus largement, au fonctionnement de la société civile : ainsi, par exemple, des valeurs liées à la sexualité (liberté sexuelle, avortement...), au couple (place du mariage, unions hors mariage, unions entre personnes du même sexe...), au statut de la famille (familles recomposées, place de l'enfant adultérin...), etc.

L'évolution qui les affecte pourra donner lieu à une appréciation très différenciée selon les convictions de chacun : elle pourra être considérée comme une crise par les uns et comme une évolution positive voire salutaire par les autres. Autant dire que la crise, ici, ne revêt pas (quel que soit le jugement que l'on peut porter sur elle) une importance fondamentale pour le devenir de la société : celle-ci pourra se pérenniser sans problème majeur sans être remise fondamentalement en cause dans son être ou dans sa forme politique (république, etc.) d'organisation.

Il en va différemment, en revanche, pour d'autres valeurs dont le déclin, l'oubli voire le non-respect se révèlent beaucoup plus dangereux pour la pérennité de la communauté nationale. Tel est le cas, tout d'abord, des valeurs qui, étroitement liées au fonctionnement même de la société politique, sont de nature à porter atteinte, si on les ignore ou les récuse, aux idées mêmes de démocratie et de république.

Pour ces valeurs, en effet, les choses sont claires. Toute remise en cause substantielle de leur existence ne saurait que menacer sinon le devenir même de la société (à moins qu'elle ne se disloque, celle-ci pourra perdurer indépendamment du régime politique qui est le sien), du moins la pérennité de ce modèle particulier d'organisation politico-sociale.

Sans doute, d'aucuns pourraient faire valoir qu'il en va de cette république et de ses valeurs comme il en va de toute société : elle a vocation à évoluer en même temps qu'évolue cette dernière. Qu'y a-t-il en effet de comparable entre la traduction donnée en 1960 à la valeur de l'authenticité, celle qui lui a été donnée en 1970 et celle qui lui est donnée en 1997 par les responsables de l'Alliances des Forces Démocratique pour la Libération du Congo ?

Tel est le cas, également, des valeurs liées aux règles élémentaires de la sociabilité telles que le respect des biens et des personnes, le respect de l'autre et de ses opinions, le rejet de l'intolérance et des incivilités, etc. À l'évidence, on touche là à des valeurs encore plus fondamentales que les précédentes car consubstantielles (indépendamment de la forme du régime politique) au principe même de toute vie en société : raison de plus pour que les pouvoirs publics dans leur ensemble conjuguent leurs efforts afin de combattre cette « crise » spécifique des valeurs. Crise aux conséquences mortifères car susceptible de déboucher sinon forcément sur ces deux formes de négation du droit que constituent la dictature ou l'anarchie, du moins sur la négation de ce qui spécifie toute société organisée et a fortiori toute société fondée sur le respect des Droits de l'homme.

III.5. FONCTION CRITIQUE

Transversale également à toute l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA, la fonction critique est toujours exploitée par ricochet. En effet, derrière le Pasteur Mwempo, c'est une sévère diatribe de l'auteur contre le détournement de l'Eglise et de sa mission première qui se cache. Le Professeur Talanga est tout sauf un modèle pour la communauté universitaire et scientifique. Mieux, il est une honte pour ce « corps ». Cobella comme ses oncles paternels sont également loin d'être une enfant ou alors des frères modèles. Ils lorgnent nuit et jour sur la richesse de Iluzi et rêvent en secret de le voir mort pour jouir de ses biens.

Derrière chaque figuration se cache un regard critique trahissant le discours social de l'auteur et son positionnement dans différents champs.

CONCLUSION PARTIELLE

Ce chapitre a présenté, au sens bourdieusien du mot, c'est-à-dire comme positionnement de l'auteur à intérieur de différents champs, les cinq fonctions sociales développées dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

En effet, il a été question de montrer les problèmes sociaux à partir desquels l'agent social Simplice ILUNGA MONGA mène sa réflexion, problèmes sociaux entendus ici au sens de pathos à partir duquel nous avons tenté de saisir la pertinence de l'éthos simplicien.

CONCLUSION GENERALE

Notre travail a porté sur «  Les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA ».Nous sommes parti du postulat selon lequel un texte littéraire est souvent taillé sur mesure pour répondre aux attentes et exigences du lecteur. Il est donc une réponse à la demande explicite ou implicite de sa société. A ce titre-là, il joue nécessairement un rôle ou, mieux, il remplit une fonction sociale.

La problématique de ce travail cherchait à répondre aux questions suivantes :

- Quelles sont les fonctions sociales reprises dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA ?

- Comment fonctionnent-elles dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA ?

- En quoi l'articulation de ces fonctions sociales dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA trahit le positionnement de l'auteur dans divers champs ?

En guise d'hypothèses, nous pensions que :

- Simplice ILUNGA MONGA développeprincipalement, dans ses oeuvres, les fonctions ci-après :

ü la fonction magico-religieuse

ü la fonction critique

ü la fonction fantasmatique

ü la fonction pédagogique

ü la fonction idéologique

- Ces différentes fonctions sociales forment une sorte d'écriture d'interpellation et d'éveil de conscience de la population dans une société congolaise décadente où les vices sont devenus quasiment des vertus.

- Sa profession de professeur d'Université, son poste de Secrétaire Général académique, sa foi chrétienne, ses fonctions de Député national ; fondent l'habitus, c'est-à-dire l'environnement social qui a fait prendre conscience à Simplice ILUNGA MONGA des vices vécus dans sa société. Sa prise de parole n'étant plus gratuite, elle devient alors l'expression figurée de son positionnement à l'intérieur de chaque champ.

Pour cette recherche qui visait essentiellement à décrypter les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de SimpliceILUNGA MONGA, nous avons choisi d'utiliser les approches sociologique et structuraliste.

Eu égard aux études précédentes, la démarcation de notre approche a présenté la trilogie « écrivain » (création), « lecteur » (réception) et « texte » (médiation) avec des notions corolaires telles que la notion d'éthos, la théorie des champs comme soubassement théorique de l'interprétatibilité des fonctions sociales dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA.

Conscient que les fonctions sociales de la littérature pouvaient également être étudiées en se focalisant sur le lecteur, nous avons orienté notre travail vers la création à partir de laquelle se définissent les stratégies narratives. D'où le recours aux notions d'éthos et de champ.

Hormis l'introduction et la conclusion générales, ce travail comporte trois chapitres :

Le chapitre premier intitulé Cadre théorique et méthodologique s'est chargé de définir essentiellement les termes clefs de notre analyse à savoir « fonction » et « littérature ». Commençant par la littérature,ce chapitre a survolé plusieurs définitions en rapport avec celle-ci ainsi que les termes connexes y afférents, ses tendances et ses écoles. Il a aussi exploité la trilogie littéraire susmentionnée et a été bouclé par la présentation du volet méthodologique dans lequel nous avons brossé succinctement les approches sociologique et structurale utilisées dans le cadre de ce travail.

Le deuxième chapitre intitulé : Analyse fonctionnelle des récitss'est attelé à relever les différentes fonctions figurées dans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGA au moyen du schéma actantiel complété par les triangles actantiels d'Anne Ubersfeldafin de ressortir les différentes forces sociales en conflits.

Le troisième chapitre qui s'intitule Les fonctions sociales de la littératuredans l'oeuvre de Simplice ILUNGA MONGAa consistéà conférer la portée significative des fonctions sociales repérées et analysées dans notre corpus.

A ce stade de notre recherche, face aux pressions venant d'une partie de la société en vue de modifier certaines de nos valeurs essentielles, gouvernants et citoyens doivent sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. D'abord, en faisant savoir et en faisant valoir qu'il y a des valeurs à ce point importantes qu'il ne saurait ici être question, tant du moins qu'elles sont partagées par une majorité de la population, de donner lieu à transaction. Ensuite, en faisant oeuvre résolument éducative, c'est-à-dire en rappelant et en expliquant sans relâche l'origine, le contenu, les conséquences et le bien-fondé de ces valeurs : en un mot, en se livrant à une véritable propédeutique de la citoyenneté. Enfin - et peut-être surtout - en s'efforçant de proposer à tous les membres du corps social un dessein ambitieux autour duquel chacun pourra se réunir, s'épanouir et se retrouver, individuellement et collectivement.

Pour Simplice ILUNGA MONGA, si tous vont dans cette direction, nul doute que, loin de constituer le signe annonciateur d'un délitement inévitable de la société, la « crise des valeurs » constituerait l'un des symptômes les plus incontestables de sa vitalité, puisqu'elle ne ferait que rappeler - dans la mesure notamment où la démocratie n'a d'autre ressort, ainsi que le vit en son temps Montesquieu, que la vertu - que le combat pour les valeurs a la même nature que le combat pour la république : celle du mouvement perpétuel.

BIBLIOGRAPHIE

I. CORPUS

ILUNGA MONGA,S., L'imposteur pasteur, Lubumbashi, Grams, 2010.

ILUNGA MONGA,S.,L'odeur de la malédiction, Lubumbashi, Grams, 2011.

ILUNGA MONGA,S., L'université à la dérive,Lubumbashi, Grams, 2010.

II. OUVRAGES

BACHELARD, G.,La poétique de l'espace, Paris, PUF, 2001.

BACRY, P.,Les figures de style, Paris, Berlin, 1992.

BAKHTINE, M., Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1987.

BARTHES, R.,Le plaisir du texte, Paris, Seuil 1973.

BARTHES, R.,L'aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985.

BARTHES, R.,L'ancienne rhétorique, Paris, Vaewey, 1970.

BELLEMIN-NOEL, J.,Psychanalyse et littérature, Paris, PUF, 1978.

BENICHOU,P.,Chroniques et précis de la littérature, Lyon,José corti, 1966.

BERGER, D., et al.,Introduction aux méthodes critiques pour l'analyse

littéraire, Paris, Bordas, 1990.

BERNARD, J.,Les fonctions de la littérature, Paris, édition  la nouvelle, 2001.

BESSIERES, J., et al.,Histoire des poétiques, Paris, PUF, 1997.

BOURDIEU, P., Le langage et le pouvoir symbolique, Paris, Seuil 2001.

BOURDIEU, P.,Ce que parler veut dire :L'économie des échanges

linguistiques, Paris, Fayard, 1982.

BOIDEFFRE, P.,Abrégé d'une histoire vivante de littérature d'aujourd'hui

(1939-1969), Tome 1, Paris, Perrin, 1968.

BRANDEAU, M., et al.,Le roman français contemporain, Paris, Michel

Bandeau, 2002.

CARON, J.,Précis de psycholinguistique,Paris,Bordas,1999.

CHEVRIER,J.,Littérature nègre, Paris, A. Colin, 1999.

COMPAGNON, A., Le démon de la théorie, Paris, Seuil, 1998.

COQUET, CL., Le discours et son sujet, Paris, Klincksieck, 1984.

COURRIER, P., Lettres de France et d'Italie, Paris,Edition Paulin et Pérotin,

1822.

CUQ,J-P.,Le français langue seconde, Paris, Hachette 1996

CROS,E.,La sociocritique, Paris-Budapest-Torino,L'Harmattan, 2003.

DIRKX,P., Sociologie de la littérature, Paris, A. Colin, 2000.

DERRIDA,J., L'écriture et la différence, Paris, Seuil,1967.

DUCHET,CL., Le peuple dans le roman français, de Zola à Céline, Paris PUF,

1990.

DUCHET, CL., La sociocritique, Paris, Fernand-Nathan, 1979.

ELLENA, L., Sociocritique et littérature, Paris,L'Harmattan, 1970.

EMILE,M., La littérature et son objet social,Paris, Hachette, 1998.

ESCARPIT,R. et al.,Le littéraire et le social, Paris, Flammarion, 1970.

FOURCAULT,L.,Le commentaire composé, Paris, Fernand-Nathan, 2004.

FERMIER, D.,  La réception en littérature, Paris, L'Harmattan, 2001.

FONTENELLE,J., Histoire littéraire,Paris, Edition la neuve, 1976.

FRAGONARD,J-H,La liseuse, Genève, édition Venus et Cupidon, 1960.

GENETTE, G.,Figures 3, Paris, Seuil, 1972.

GENETTE, G.,Palimpseste. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982.

GOLDMANN, L.,Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964. GOLDMAN, L., Marxisme et Sciences Humaines, Paris, Galimard, 1964.

GREGOIRE, F.,Les fonctions de la littérature, Paris, Hachette, 2001.

GREIMAS,L.,Sémantique structurale, Paris, PUF, 1966.

ISSER,W., L'acte de lecture et théorie de l'effet esthétique,Toulouse, Marion,

1977.

JAKOBSON, R., Essai de linguistique générale, Paris, Minuit, 1981.

JAUS, H-R,La jouissance esthétique, Marseille, Poétique, 1978.

JAUSS,H-R ; Histoire littéraire, Paris, Edition la nouvelle 1967

JEAN, A.,Le fondement de la littérature, Paris,Flammarion,2001.

KIMONI,I., Destin de la littérature negro africaine ou problématique d`une

culture, Québec, Edition Naoman, 1975.

KRISTEVA,J.,Sémiotike, recherche pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969.

LEVI-STRAUSS, CL., Anthropologie Structurale, Paris, Plon, 1958.

LUCKAS, G., L'âme et les formes,Paris,Galimard,1971.

RIFFATERE, M., Sémiotique intertextuelle, Paris, Revue esthétique, 1979.

PASTIAUX, G. et PASTIAUX, J., La pédagogie,Paris,Fernand-Nathan, 2006.

VALERY,P., Le bilan de l'intelligence, Paris, édition la nouvelle, 1993.

VIALA, A., La sociopoétique, Paris, Seuil, 1999.

LES ARTICLES

AMURI MPALA-LUTEBELE, « L'image de la femme dans le roman de Sony

LabouTansi »  in Recherches linguistique et

littéraire, Numéro 7,Lubumbashi,P.U.L., 1999,

pp. 28-34.

AUZER,T., « L'avenir de l'Université Congolaise » in Multirecrerche, numéro

31-32, Valenciennes, pp. 21-45, 1978.

BALIBAR,E. et MACHEREY,P.,  « Sur la littérature comme forme

idéologique. Quelques hypothèses marxistes » in

Littérature, Paris, Larousse,1974, pp. 29-48.

BOURDIEU,P., « Camp intellectuel et projet créateur » in Les temps

modernes,1966,pp.152-159.

DUCHET, Cl., « Pour une sociocritique ou variation sur un incipit »  in

Littérature, Paris, Larousse, 1971,pp. 5-14.

HALLY, F.,« Aspect du paratexte. Introduction aux études littéraires » in

Méthodes du texte, Paris-Gembloux, Duculot, 1987,pp. 206-209.

MBUYAMBA KANKOLONGO, A., « Les fonctions sociales de la littérature », Paris Harmattan 1977

MUKALAKADIMA-NZUJI, « Le paratexte du roman zaïrois »,communication faite aux journées littéraires du Shaba du 23 au 31 mai 1988.

MUYOMBI,M., « Les églises de réveil au Congo : une aventure ambiguë »in

Littérature d'Afrique, Cameroun, pp. 89-100, 2009.

ROBIN,R. et ANGENOT, M.,« La sociologie de la littérature » in Coll. Histoire des poétiques, Paris, P.U.F, 1997,pp. 395-409.

TABAKE, E., « L'histoire d'un monde oublié » in Actes du colloque sur

l'Histoire des peuples Africains, Paris, pp. 45-58, 2005.

TATI-LOUTARD,J-B ., « Itinéraire littéraire » in Notre librairie, numéro 92-

93,Paris, Clef,1988,pp. 4-7.

KASONGO,E., « La dépravation dans l'église du Congo », in Critique,Paris

2006.

THESES DE DOCTORAT ET MEMOIRES DE D.E.A.

ACHUKANI OKABO, Fonctions sociales de l'écrivain noir, Thèse de doctorat,

UNILU,1996, inédit.

KEBA TAU,Paul LomamiTchibamba : l'homme l'oeuvre et l'écriture,

UNILU, 1998, inédit.

NGOIE MWENZE, H., Les forces sociolectales dans l'univers romanesque

laboutansien, Mémoire de D.E.A., UNILU, 2005, inédit.

* 1AmuriMpala-Lutebele, M., Cours de Littérature Française du XXème siècle, UNILU, 1997-

1998, inédit.

* 2 Sociologie de la création qui se fonde sur la théorie de la vision du monde (1913-1970) prônant la réflexion au type de rapport entre l'oeuvre littéraire et le contexte socio-économique qui a présidé à sa création (Bonald, Chateaubriand, Madame de Staël, Goldmann). P. Barbéris parle de la sociologie du littéraire qui concerne l'amont, les conditions de production de l'écrit. (Georges Lukacs, Mikhaël Bakhtine, Michel Crouzet).

* 3 Sociologie du texte(1970) qui cherche àrendre compte non seulement de la genèse du texte, mais aussi de ses lectures, de sa structure polysémique: l'oeuvre est constituée de faits littéraires (R. Escarpit). Le texte est à la fois fait social et construction (P.V. Zima). L'interprétation doit partir de la structure à l'idée.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984