Comprendre le concept de conscience en classe de philosophe au lycée: approche phénoménologique( Télécharger le fichier original )par Sylvère Gildas NGOMO École Normale Supérieure de Libreville - Master 2 2016 |
II-La conscience phénoménologique1-L'influence cartésienne Selon ce qu'écrit Husserl, la phénoménologie ne pourrait comprendre sa situation philosophique actuelle, son présent, sans passer par un examen historique, à tout le moins de la philosophie moderne depuis Descartes. Voilà pourquoi dès l'introduction de Méditations cartésiennes, Husserl écrit ceci : « Les impulsions nouvelles que la phénoménologie à reçues, elle les doit à René Descartes, le plus grand penseur de la France. C'est par l'étude de ses Méditations que la phénoménologie naissante s'est transformée en un type nouveau de philosophie transcendantale. Descartes inaugure un type nouveau de philosophie. Avec lui la philosophie change totalement d'allure et passe radicalement de l'objectivisme naïf au subjectivisme transcendantal.34(*) » Ceci nous amène donc à une étude brève de la conscience chez Descartes afin de mieux saisir la conscience phénoménologique. De ce fait, Descartes écrit ceci dans Discours de la méthode : « Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la revoir sans scrupule pour premier principe de la philosophie que je cherchais. (...) je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été ; je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle35(*). » En clair, pour Descartes, la conscience est métaphysique, donc substantielle. Substantielle en ce sens que la conscience pour Descartes est une chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister. En d'autres mots, cette conscience est renfermée est indépendante et renfermée sur elle-même. C'est cette conception de la conscience que Husserl va porter des limites en usant du concept d'intentionnalité. 2-L'intentionnalité de la conscience L'intentionnalité est cette propriété commune à tous les états de conscience de toujours se rapporter à un objet. Voici ce qu'écrit Husserl à propos dans Méditations Cartésiennes : «Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose (...)36(*) ». La conscience est conscience de quelque chose. Cela signifie que la conscience est ouverte sur autre chose qu'elle-même et devient elle-même en se pénétrant de cet autre. Simultanément, cette chose qui est visée (perçue) par la conscience n'acquiert une existence que sous le regard de celle-ci. L'intentionnalité est donc cet échange interactif continuel de la conscience et du monde, par quoi ce dernier prend sens pour la conscience, et la conscience pour le monde. Husserl poursuit dans Idées Directrices pour une Phénoménologie en disant ceci : « Nous entendions par intentionnalité cette propriété qu'ont les vécus `' d'être conscience de quelque chose `'. (...) une perception est perception de..., par exemple d'une chose ; un jugement est jugement d'un état de chose ; une évaluation, d'un état de valeur ; un souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite. Agir porte sur l'action, faire sur le fait, aimer sur l'aimé, se réjouir sur ce qui est réjouissant, etc.37(*) » La conscience phénoménologique est donc une conscience intentionnelle, une conscience qui est essentiellement rapport à un objet. C'est la un des principes de la phénoménologie : « toute conscience est conscience de quelque chose ». A bien comprendre Husserl, l'essence de la conscience phénoménologique serait fondamentalement de viser un objet. De ce fait, l'intentionnalité définit donc la conscience phénoménologique, en ce sens que celle-ci n'est pas connaissable en elle-même, mais seulement par rapport à ses objets. A bien voir, la conscience phénoménologique est à l'opposé de la conscience conçue par Descartes. D'une part, on a une conscience fondamentalement renfermée sur elle-même, indépendante puisqu'étant une substance, et d'autre part nous avons une conscience portée vers l'extérieur et dépendante des choses et du monde en ce sens qu'elle est essentiellement intentionnelle. La conscience phénoménologique refuse donc d'être substance et s'ouvre aux choses et au monde dont elle dépend d'ailleurs. Ce n'est pas Jean-Paul Sartre qui nous dira le contraire, puisqu'il affirme : « Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire dans un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ;si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous serez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près de l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de « dedans », elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience.(...)Cette nécessité pour la conscience d'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme « intentionnalité38(*) ». En clair, la conscience phénoménologique « refuse d'être substance », ce n'est pas une conscience qui n'a besoin que d'elle-même pour exister, au contraire, elle est intentionnelle et est dépendante des choses et du monde. En d'autres termes, si on supprimait les objets et le monde, ce serait faire évanouir la conscience phénoménologique, en ce sens que celle-ci finalement n'est essentiellement que rapport au monde et aux objets. * 34 HUSSERL E., Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie, Paris, Vrin, 1992 * 35 DESCARTES R., Discours de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953, pp.147-148. * 36 HUSSERL E., op. cit. p.2. * 37 HUSSERL E., Idée directrices pour une phénoménologie et philosophie phénoménologique pures. P.283. * 38 SARTRE J-P cité par COOREBYTER V., SARTRE La transcendance de l'Ego et autres textes phénoménologiques, Paris, LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J.VRIN, 2003, p.89. |
|