Annexe V-III : retranscription de l'entretien
effectué avec l'ergothérapeute 3
(Afin de garantir l'anonymat de la personne interrogée,
les informations pouvant permettre de l'identifier ont été
remplacées par « [xxx] »).
Enquêteur / Ergothérapeute
- Quel âge avez-vous ?
- Ça commence bien !
- Ce sont les questions qui fâchent...
- 55 ans.
- D'accord. Dans quel IFE vous avez été
formée ?
- À Nancy.
- Et depuis combien de temps travaillez-vous en tant
qu'ergothérapeute ?
- 34 ans.
- Et quels ont été tous vos lieux d'exercice, s'il
y en a eu plusieurs ?
- Uniquement la gériatrie, dans différents
services, mais uniquement gériatrie.
- Et quels étaient ces services ?
- En médecine interne gériatrique, en hôpital
de jour et à l'unité mobile.
- D'accord. L'unité mobile d'ici... ?
- Ici.
- Ok. Avez-vous déjà
préconisé des aménagements de domicile en vue de
favoriser
le maintien à domicile d'une personne
âgée isolée ?
- Oui.
- De quel(s) type(s) ?
- Euh la question de départ de... ?
- Les aménagements de domicile.
- Les aménagements, oui.... Ça peut être des
aménagements architecturaux, des
aménagements par rapport au matériel... Je dois
développer ?
- Un petit peu.
- Alors au niveau architecture c'est souvent au niveau des
sanitaires, la baignoire ou la
douche, voire les toilettes, sinon ça peut être sans
qu'il y ait de gros travaux... ça peut
être du réaménagement dans la maison et sinon
de la proposition de matériel.
- D'accord, donc on en vient à ma deuxième question
: avez-vous déjà préconisé une
aide technique en vue de favoriser le maintien à
domicile d'une personne âgée
isolée ?
- Oui.
- Et donc même question : de quel(s) type(s)
?
- Bah les aides techniques ça peut aller du lit
médicalisé aux aides à la marche, aux
aides aux transferts, aux aides techniques type rehausse-WC, ce
genre de choses...
Sièges de bain ou des choses plus..., je ne sais pas, par
rapport à des aides techniques
comme des couverts par exemple, voilà à peu
près. Téléalarme... ce sont les plus
fréquentes on va dire.
LXXXIV
Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
- D'accord. Et vous-êtes-vous déjà
sentie démunie face à une situation pour laquelle
il ne semblait y avoir aucune solution pour favoriser le
maintien à domicile d'une
personne âgée isolée ?
- Oui.
- Et c'était dans quelle(s) situation(s) ?
- Là je n'ai pas d'exemples précis mais...
- Dans ce cas dans quel(s) type(s) de situations ?
- Oui voilà, alors ce sont souvent des situations
où on a une idée, on propose un type de
recommandation et la personne n'accepte pas parce qu'elle ne veut
pas de
changements chez elle à domicile mais on se rend bien
compte qu'elle se mettrait en
danger. Je ne sais pas moi, si ce sont des chutes par exemple, on
se dit qu'il faudrait
quand même proposer quelque chose que la personne accepte
à minima pour limiter à
minima le risque de chutes par exemple.
- D'accord.
- Où ça peut être aussi des limites
financières. Quand on propose une aide technique par
exemple. Ou ça peut être des réticences par
rapport à la durée des interventions. Par
exemple si on propose un aménagement du domicile les gens
nous disent « ah mais ça
prend beaucoup trop de temps, faut que ce soit fait la semaine
prochaine, pas dans
deux mois ».
- D'accord, c'est plutôt le délai des interventions
?
- Le délai des interventions oui. Notamment quand il y a
des travaux...
- D'accord.
Et dans ces situations ou certaines d'entre elles,
aviez-vous alors considéré une
éventuelle assistante robotique ? Est-ce
que vous vous êtes dit que peut-être il existe
un robot qui permet d'aider la personne ?
- Un robot ? Ah j'avoue que non ! Car je trouve que les personnes
âgées, en tout cas
celles dont je m'occupe, si déjà pour leur
préconiser un petit truc qui nous parait nous
tellement simple, je me dis que des choses extraordinaires
ça va pas être évident et
puis en plus vu mon âge et depuis le temps que je
travaille, j'avoue ne pas être
forcément très au point vis-à-vis de tout
ça.
- D'accord.
- C'est peut être aussi une question de formation pour
moi.
- Ok. Donc vous pensez que c'est surtout l'acceptation de la
personne âgée qui pourrait
être un frein à la préconisation... et votre
formation ?
- Oui, oui.
- D'accord. Quel est votre niveau de connaissance
justement au sujet de la
robotique d'assistance ?
- On va dire nul.
- Nul ? C'est ce que toutes les ergo précédentes
m'ont répondu, je vous rassure : nul ! Et
est-ce que vous en avez déjà entendu parler ?
- Ben je ne sais pas ce que ça regroupe ce thème
moi !
- C'est à partir de cette question justement que
j'explique un petit peu parce...
- Oui parce que je ne sais pas !
LXXXV
Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
- Alors, il existe plusieurs types de robots d'assistance : il
y a par exemple les robots d'assistance aux tâches
ménagères. C'est le fameux aspirateur qui passe l'aspirateur tout
seul...
- D'accord.
- Ça c'est déjà considéré
comme étant de la robotique d'assistance. Il y en a aussi qui nettoient
les piscines, les vitres, etc... Il en existe un tas !
On a aussi les robots de soutien émotionnel, qu'on
appelle aussi « robots compagnons » ou « robots sociaux »,
ils ont différents noms...
- D'accord, ouais...
- Ceux-là visent à distraire la personne, voire
à la stimuler cognitivement, à lui faire passer le temps...
- D'accord.
- C'est vraiment un rôle de compagnon. On en retrouve
dans un certain nombre d'hôpitaux français, pour des tests, des
études, etc.
On retrouve également des robots de
téléprésence. Ce sont des robots qui souvent peuvent se
déplacer de manière autonome dans la maison et qui permettent
d'explorer l'environnement d'une personne qui ne peut pas se déplacer.
Qui par exemple est bloquée dans son lit... elle a un écran et le
robot explore la maison avec une caméra et retransmet l'image sur
l'écran...
- D'accord, bah ça je ne connaissais pas du tout !
- Ou alors ces robots-là, ont toujours un écran
et une caméra et du coup permettent à la personne de contacter un
proche, un soignant ou n'importe qui qui n'est pas sur place, à
distance. Donc il s'agit d'une discussion en visioconférence.
- D'accord.
- Et puis ensuite il y a les robots dits « majordomes
». Ce sont des robots, encore à l'état de projets, ou
projets avancés pour certains... Ceux-là pourraient à
terme assister l'Homme dans toutes ses tâches de la vie quotidienne :
préparer à manger, faire les courses, sortir le chien...
- D'accord.
- Voilà. Donc actuellement il existe des robots comme
ça, ce n'est pas de la science-fiction...alors... les robots majordomes
c'est...
- ... c'est encore à l'état
d'ébauche j'imagine.
- Voilà. Il y en a certains au Japon mais surtout
utilisés à des fins de tests et de développement.
Des robots compagnons, je vous le disais, on en retrouve. Je
ne sais pas s'il y a des particuliers en France qui en ont... peut-être,
mais c'est très rare vu le prix.
Et on retrouve en institution, en France, certains robots de
téléprésence qui permettent les communications à
distance et des choses comme ça. C'est sûr que chez nous, en
France, ce n'est pas encore très démocratisé. Au Japon par
exemple, là où ces technologies sont nées, les
particuliers en ont de plus en plus chez eux.
- Alors moi ce qui m'interpelle, c'est par rapport à la
population dont je m'occupe : ce sont des personnes très
âgées, avec très souvent des troubles cognitifs majeurs...
Alors déjà, tout ce qui est technologique ils ne connaissent pas.
Déjà il faudrait devoir s'y
LXXXVI
Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
adapter, l'accepter et puis après, par rapport aux
troubles cognitifs c'est peut-être pas
très évident non plus quoi...
- Effectivement.
- Ah non mais je pense que pour les générations
à venir il y a forcément quelque chose à
travailler mais...voilà.
- Effectivement, ça peut ne pas convenir à tout le
monde... Entièrement d'accord !
Avez-vous déjà rencontré ou entendu
parler d'ergothérapeutes qui préconisent
des robots d'assistance ?
- Hm...
- Ne serait-ce que par exemple le robot aspirateur...
- Ah ça oui ! Le robot aspirateur oui !
- D'accord. Et c'était une véritable
préconisation en tant qu' « aide technique » de la
part d'un ergothérapeute ?
- Oui c'est ça, oui, ça oui ! C'était bien
le seul que je connaisse d'ailleurs !
- C'était une préconisation ponctuelle ou ça
lui arrivait souvent d'en préconiser ?
- Je l'ai entendu par plusieurs collègues et
moi-même du coup en y repensant j'en ai
parlé avec une famille. On avait regardé, on en
avait discuté avec la famille... c'est
pour ça c'était une bonne idée en tout cas
pour cet aspirateur !
- D'accord. Et vous avez des retours de personnes qui l'utilisent
?
- Non, non...
- Ok. Selon vous les ergothérapeutes sont-ils
suffisamment formés ou informés au
sujet de la robotique d'assistance pour en
préconiser ?
- Non je ne pense pas. Bon, ce n'est qu'un avis personnel,
même si je pourrais parler au
nom de ma collègue, je n'ai pas l'impression qu'elle
soit... que ce soit un thème qui
soit bien développé pour tout le monde.
- D'accord.
- Peut-être que pour des personnes plus jeunes, plus ?
- Jusqu'à présent les personnes que j'ai
interrogées m'ont toutes répondu non... et
honnêtement, si j'avais moi-même à
répondre à cette question ce serait non. Parce
qu'on n'en parle jamais, on n'en a jamais parlé, alors que
l'institut est tout récent...
- Ben oui !
- Seriez-vous prête à préconiser ce
genre d'aide à une personne âgée ?
- N'importe laquelle ? De la plus simple à la plus
complexe ?
- Oui. Et vous pouvez détailler : s'il y'a un type d'aide
où ce serait plutôt « oui » et un
autre type d'aide où ce serait plutôt « non
»...
- Bon ben alors déjà, par exemple l'aspirateur,
ça oui... ça, ça peut être facilement
accepté. Après c'est ce que je vous disais tout
à l'heure. Je vois mal un robot
compagnon... nos personnes âgées, qui ne sont pas
toujours dans la réalité concrète du
quotidien, comment elles interpréteraient ça ?
Est-ce qu'elles comprendraient
l'intérêt ? Et moi je trouve que les personnes
très âgées, on a quand même des
personnes très dépendantes nous dans notre
population, moi je trouve que le lien
humain est quand même hyper important et que parfois on
peut même proposer le
passage d'une aide humaine pour trois fois rien, mais parce que
ça va être une aide,
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Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
notamment chez une personne âgée isolée
à domicile, ça va être le lien, l'ouverture à
l'extérieur, ça me paraît très important !
- D'accord.
- Et puis... voilà par comparaison, comme ce que je
vous disais tout à l'heure, par exemple par rapport à un couvert
grossi, parfois, on a du mal à le faire accepter, parce que c'est un
truc étrange, pour nos grand-mères de 92 ans... voilà
« mais qu'est-ce que c'est cette fourchette ? » alors je me dis...
des objets dont elles n'ont pas la connaissance... !
- Oui, j'imagine. Et du coup, dans ce cas-là, de la
fourchette à manche grossi, c'est simplement l'étrangeté
de la chose qui les rebute ?
- Oui et c'est aussi le fait que c'est quelque chose qu'elles
ne connaissent pas, donc l'adaptabilité est difficile et aussi c'est
aussi le fait que voilà, « je voudrais faire comme les autres !
».
- D'accord, c'est aussi par rapport à l'image que
ça véhicule.
- Oui voilà, c'est ça, voilà !
- D'accord. C'est un peu estampillé « Personne
Âgée Dépendante » en fait.
- Oui c'est exactement ça !
- D'accord. Donc, vous seriez plutôt pour un robot
d'assistance aux tâches ménagères, comme un aspirateur,
mais pas plus loin ? Par exemple un robot de soutien émotionnel c'est
plutôt non ?
- Ah m'ouais, de soutien émotionnel là, c'est...
là pour les personnes âgées, pour cette population,
là je serais un peu plus... frileuse mais bon !
- Parce qu'il manque ce lien humain...
- Oui voilà ! Mais après pourquoi pas,
peut-être dans certaines situations... Après on a aussi des gens
qui sont d'une nature très solitaire qui ne rencontrent pas beaucoup de
personnes, peut-être que pour elles ce serait justement plus
intéressant, pourquoi pas ! Je ne suis pas « pour » ou «
contre », ce n'est pas ça le souci, mais voilà... à
étudier quoi !
- D'accord. Dans quelle mesure le coût d'une
aide technique préconisée par un ergothérapeute
influence-t-il son acceptation par la personne ?
- Énormément, énormément ! On a...
donc je parle pour notre population toujours... on a souvent des personnes qui
sont dépendantes cognitivement, physiquement, on a tout un plan d'aides
à mettre en place, qui vont de l'aide humaine à l'aide technique
et tout ça, ça nécessite un plan de financement et parfois
même avec les aides extérieures, du Conseil Général
ou toute autre aide ou que sais-je, tous types d'allocations... eh ben
ça paie pas grand-chose et les gens doivent payer de leur poche et il
faut à ce moment-là prioriser. Donc on en revient toujours
à la même chose : il faut prioriser plutôt le passage de
quelqu'un... Je pense que le frein financier est vraiment quelque chose de
très important, d'énorme.
- D'accord. Et de manière générale,
est-ce que malgré qu'une aide technique soit vraiment hyper importante,
plus que nécessaire, est-ce que son prix peut faire que la personne la
refuse malgré tout ?
- Bien sûr ! Bien sûr ! Et c'est dit très
clairement !
- D'accord.
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Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
- Et ce n'est pas du tout rare !
- Ok.
Et ce sont surtout des gens qui sont dans le besoin qui
refusent une aide comme ça, trop onéreuse ?
En réalité, nos patients, y'en a peu qui ont une
retraite faramineuse donc voilà quoi, ils ont juste assez pour se
débrouiller...
- D'accord.
- Après c'est vrai qu'on voit aussi des personnes qui
ont des moyens plus importants, c'est vrai que là c'est plus facile !
C'est vrai que l'aspect financier, y'en a certains qui disent « Bah non ce
n'est pas un problème, on va essayer... ».
- D'accord.
- On rentre dans une histoire politique avec la retraite des
personnes âgées... C'est un
autre souci ça. Est-ce qu'on favorise le maintien
à domicile au maximum ? En même
temps les gens ont peu de moyens alors... C'est difficile, il
faut faire avec les deux ! - Oui, complètement...
Dans quelle mesure la famille/l'entourage/le ou les
aidant(s) influence(nt) l'acceptation de l'aide technique et son utilisation
par la personne ?
- Ça, ça dépend. Il y a plusieurs cas de
figure. Soit par exemple il y a des enfants qui sont très... qui sont
prêts à tout pour le maintien à domicile, qui pour que la
maman puisse se débrouiller par exemple et qui disent du coup «
nous on va aider », « on explique ce qu'il faut, expliquer comment
ça fonctionne » etc., donc là on a de vrais partenaires, ou
alors on a l'inverse, y'en a qui disent « Elle est assez vieille alors bon
!... », « elle s'est toujours débrouillée sans...
» donc voilà... on peut un peu tout voir... partenaires ou pas,
aidants ou pas du coup. Mais les aidants eux-mêmes ne sont pas
toujours... alors par exemple, si on fait une visite à domicile et qu'on
montre du matériel, par exemple un guidon de transfert qui est on va
dire tout à fait banal pour nous, on se rend bien compte que ça
faciliterait bien la vie de la personne et l'aiderait... Démonstrations
à l'appui, utilisation à l'appui, essais à l'appui... ben
malgré tout l'aide technique n'est pas forcément acceptée
quoi !
- D'accord... par l'aidant ?
- Par l'aidant parce que « non finalement, avant je me
débrouillais pas si mal que ça », ou bien « si si j'ai
bien vu mais maintenant, c'est trop tôt ! » alors qu'objectivement
quand même, c'est le moment d'introduire l'aide technique. Alors on n'a
pas toujours la vraie raison du refus.
- D'accord, oui si ça se trouve c'est pour une raison
financière qui est cachée.
- Oui tout à fait, parfois elles n'osent pas le dire.
Alors qu'on a beau dire que c'est pris en charge, voilà, on explique
bien les manières de financement et tout, voilà... y'a des gens
aussi qui ne veulent pas être redevables. Enfin pas redevables, mais qui
n'acceptent pas d'avoir un financement quelconque, parce qu'ils n'ont jamais
rien demandé à qui que ce soit...
- Oui ça peut être par fierté personnelle.
- Voilà, un peu d'orgueil, un peu mal placé
d'ailleurs je dirais... Alors on leur explique que... enfin voilà quoi,
déjà qu'on ne reçoit pas grand-chose alors s'il y a
déjà un tout petit peu il ne faut pas le refuser ! Ce n'est pas
si rare non plus ça !
LXXXIX
Annexe V-III Entretien ergothérapeute 3
Durée de l'entretien : 36 min
- D'accord.
Et en général quand la personne, qui est la
première concernée, est plutôt pour une aide mais que la
famille, l'entourage ou l'aidant ne l'accepte pas, qu'est ce qui se passe ?
- On essaie de passer par les aidants professionnels qui
interviennent à domicile à ce moment-là. On peut prendre
l'exemple du guidon de transfert : on essaie de se faire l'allié de
l'infirmière ou de l'aide-soignante qui va faire le lever le matin par
exemple. Ou le kiné à domicile... On essaie de passer par les
professionnels qui eux, sont beaucoup plus sensibilisés et connaissent
déjà le matériel.
- Ok. Et ce que vous aviez des questions, une question sur
laquelle vous voulais revenir, plus de précision, ou simplement quelque
chose à rajouter ?
- Non, rien...
- Eh bien je vous ai posé toutes les questions. Merci
beaucoup !
XC
Annexe V-IV Entretien ergothérapeute 4
Durée de l'entretien : 32 min
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