II.2. Reformes internes du secteur coton dans les pays du
C_4
Le rythme et l'ampleur des réformes dans le secteur
cotonnier du C_4 varient d'un pays à l'autre. D'autres facteurs,
notamment les prix internationaux du coton, ont également eu des effets
importants sur la production. Trois des pays du C_4 (Bénin, Burkina Faso
et Mali) font partie de la même Union économique et
monétaire (UEMOA). Cette organisation régionale a engagé
un plan stratégique commun pour stimuler la compétitivité
du coton, la Stratégie coton-textile de l'UEMOA26.
Il ya lieu de mentionner que la mise en place en 2003 de l'«
Agenda coton-textile » avec pour objectif principal de parvenir à
terme à la transformation de 25% de la production de fibre coton de
l'espace communautaire a été révisé en novembre
2010 pour le rendre plus opérationnel au contexte international.
L'espace UEMOA
26 L'Agenda pour la compétitivité de la
filière coton textile de l'UEMOA a pour objectif central la
transformation du quart de la fibre produite annuellement dans l'UEMOA à
l'horizon 2020.
36
s'est-il doté donc en novembre 2010 de la stratégie
coton-textile avec comme vision globale de transformer d'ici à 2020, 25%
de la production annuelle de coton fibre, en y apportant plus de valeur
ajoutée et en créant par la même occasion 50.000 emplois
industriels.
II.2.1. Aperçu du système à
circuit unique dans les pays du C-4 avant les réformes actuelles
Avant la réforme, le secteur cotonnier était
intégré verticalement dans chacun des pays du C_4, une entreprise
nationale se chargeant de promouvoir la production, de fournir conseils et
intrants agricoles aux cultivateurs, d'acheter la totalité du coton
graine à des prix fixes et garantis à chaque campagne, d'assurer
le transport et l'égrenage du coton graine et d'écouler le coton
graine et la fibre. Tous les producteurs de coton appartenaient à des
organisations agricoles villageoises, qui étaient chargées de
distribuer les intrants aux agriculteurs et de collecter le coton graine dans
les villages. Leurs organisations de tutelle aux niveaux régional et
national jouaient un rôle important dans la formulation des politiques au
sein des filières cotonnières. Un prix d'achat garanti pour le
coton graine était annoncé dans chaque pays avant la plantation
sur la base du cours mondial attendu du coton. Le prix garanti était
appliqué à l'échelle du pays et pour toute la campagne.
Une ristourne était versée à la fin de chaque campagne de
commercialisation si le prix moyen sur le marché était plus
élevé que le prix d'achat27.
Plusieurs pays du C_4 ont commencé à
réorganiser leur secteur cotonnier au milieu des années 1990 et
ont adopté des politiques visant à encourager la privatisation
dans le cadre des programmes d'ajustement structurel lancés par le FMI
et la Banque mondiale. Des tentatives ont été faites pour
renforcer les organisations de producteurs afin qu'elles participent plus
activement aux décisions essentielles touchant le secteur. Les
réformes étaient censées transférer des fonctions
de gestion de la chaîne d'approvisionnement des gouvernements aux
entreprises et aux groupements de producteurs28.
Dans le cadre des programmes de réforme, les pays du C_4
ont élaboré chacun leur propre modèle pour surmonter les
différentes crises subies par leurs filières respectives et
devenir compétitifs dans l'économie mondiale de la fibre.
II.2.1.1. Réformes dans le secteur du coton au
Burkina Faso
Avant la réforme de 2004, le secteur fonctionnait selon un
système à circuit unique, la société
paraétatique SOFITEX détenant le monopole de la collecte, du
traitement et de la commercialisation des graines, fibres et semences de coton.
Dans de nombreuses régions, la SOFITEX était le seul fournisseur
d'intrants et de services de vulgarisation. En 2004, le secteur a
abandonné son système à circuit unique pour passer
à un système de monopole local. La SOFITEX s'est retirée
de deux zones géographiques, dont l'exploitation a été
concédée à titre exclusif à deux nouvelles
sociétés cotonnières privées. La coordination du
secteur a été confiée à une
27 Levrat, Régine, 'Le coton dans la zone franc depuis
1950 : Un succès remis en cause', Paris, Éditions l'Harmattan,
2009, pages 105 à 123.
28 Levrat, Régine, ibid., page
159.
37
association interprofessionnelle composée des associations
nationales d'agriculteurs et d'égreneurs.
En outre, le Burkina Faso a officiellement approuvé
l'utilisation commerciale du coton biotechnologique en 2009/10. Des
variétés Bt (résistantes aux vers du cotonnier) ont
été plantées sur 59 pour cent de la superficie totale en
2011/12. Toutefois, une grave sécheresse a limité la production
à 141 000 tonnes en 2010/11, et les pluies sont restées
inférieures à la moyenne en 2011/12. La production totale de
coton graine du Burkina Faso a été de 449 641 tonnes pour 2012/13
et la la production de fibre a été de 151 000 tonnes. Les
objectifs assignés permettent de s'inscrire, respectivement dans des
prévisions de l'ordre de 730 000 tonnes graine pour la campagne
2013-2014.
II.2.1.1.1. Processus de réforme au Burkina
Faso
Les réformes du secteur du coton au Burkina Faso visaient
à consolider les organisations de producteurs et à
libéraliser le secteur tout en préservant les avantages de
l'intégration.
En 1996, la SOFITEX a commencé à créer de
nouveaux de groupements de producteurs de coton (GPC) au niveau des villages
pour remplacer les groupements villageois, devenus insolvables en 1992. Des
unions départementales et provinciales des GPC ont été
créées en 1997, et l'Union nationale des producteurs de coton du
Burkina (UNPCB), qui représente au niveau national l'ensemble des unions
locales, a été établie en 1998.
L'État a cédé à crédit 30 pour
cent du capital de la SOFITEX à l'UNPCB (ramenant ainsi sa participation
à 35 pour cent) et a transféré la responsabilité de
la coordination/gestion du secteur du coton aux parties prenantes par la voie
d'un accord interprofessionnel entre l'UNPCB et la SOFITEX et de la
création d'un comité de gestion du secteur du coton.
La dernière étape de la libéralisation a
été la cession par l'État de certains actifs de la SOFITEX
à des investisseurs privés, sélectionnés par voie
d'appel d'offres. Les nouvelles sociétés, FASO COTON (groupe Aga
Khan et Paul Reinhart) et SOCOMA (groupe GEOCOTON), ont démarré
leur activité en 2004 dans le cadre de contrats de huit ans leur
accordant un droit exclusif d'achat du coton graine, respectivement dans le
centre et l'est de la ceinture cotonnière burkinabé. Ces zones
représentaient 15 pour cent de la production nationale. L'UNPCB
possède 10 pour cent des parts de FASO COTON et 13 pour cent des parts
de la SOCOMA.
En conséquence, trois sociétés
cotonnières se partagent actuellement le contrôle de la production
de coton au Burkina Faso :
- la SOFITEX (Société des fibres textiles du
Burkina) dans l'ouest avec 20 provinces ;
- la SOCOMA (Société cotonnière du Gourma)
dans l'est avec six provinces;
- FASO COTON dans le centre avec 12 provinces.
38
Ces trois sociétés disposent au total d'un parc de
18 usines d'égrenage d'une capacité journalière
cumulée d'environ 6 500 tonnes de coton graine et de deux usines de
délitage pour la production et le traitement de la semence.
II.2.1.1.2. Organisation actuelle du secteur cotonnier
au Burkina Faso
Afin de défendre leurs intérêts et de
fédérer leurs efforts, ces trois sociétés ont
créé en 2006 une association professionnelle des
sociétés cotonnières du Burkina (APROCOB). Il en est de
même pour les cotonculteurs qui, dans le souci de gérer au mieux
leurs activités, se sont regroupés au sein de l'Union nationale
des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). Actuellement, la filière
cotonnière du Burkina est gérée par l'Association
interprofessionnelle du coton du Burkina Faso (AICB), qui est le regroupement
de l'APROCOB et de l'UNPCB. Les producteurs de coton détiennent des
parts du capital de chacune des trois sociétés (SOFITEX, SOCOMA
et FASO COTON) et font partie, en tant qu'actionnaires, du Conseil
d'administration de l'AICB, ce qui leur permet de mieux comprendre les
difficultés rencontrées par la filière.
La réorganisation du secteur a comporté la
création d'un mécanisme novateur de gestion du risque prix
grâce à la mise en place d'un fonds de stabilisation des prix du
coton fibre (Fonds de lissage). Selon ce mécanisme, le prix d'achat du
coton graine est calculé à chaque campagne en fonction d'une
moyenne mobile sur cinq ans de l'indice A de Cotlook, qui sert d'indicateur des
prix internationaux moyens du coton.
Lorsque les prix d'une campagne sont supérieurs à
la moyenne mobile, le Fonds conserve les recettes des trois
sociétés cotonnières et lorsqu'ils sont inférieurs,
le Fonds verse de l'argent aux trois sociétés pour leur permettre
de maintenir le prix d'achat annoncé du coton graine. Le Fonds
possède actuellement un important excédent dû aux prix
élevés encaissés au cours des récentes
campagnes.
Le gouvernement burkinabé envisage de céder
à des investisseurs privés sa participation majoritaire dans la
SOFITEX, de redéfinir les limites des trois zones de production et de
vendre certaines usines d'égrenage pour réduire les
déséquilibres entre la taille de la SOFITEX, de la SOCOMA et de
FASO COTON.
Avec le désengagement effectif de l'État, l'AICB
est devenue l'organe essentiel de gestion de la filière. Elle a pour
missions principales de gérer l'Accord interprofessionnel afin d'assurer
son application, y compris la fixation du prix d'achat et des standards du
coton graine, de déterminer les conditions de cession des intrants
agricoles aux producteurs et de gérer les fonctions communes, y compris
la recherche, la question des intrants, le classement de la fibre et
l'entretien des pistes des zones de production29. Les cultivateurs
de coton, qui jouent un rôle administratif dans les
sociétés, détiennent des parts dans chacune d'elles :
30,14 pour cent dans la SOFITEX, 13 pour cent dans la SOCOMA et 12,62 pour cent
dans FASO COTON.
29 AICB, exposé sur la filière coton au Burkina
Faso, 2012.
39
III.2.1.1. 3. Situation actuelle et perspectives de la
filière en 2012/13
Les filatures burkinabé ne transforment que 3 500 tonnes
de coton par an, dont l'essentiel dans une seule entreprise
dénommée FILSAH. La production est exportée à
raison de 95 pour cent vers l'Asie, 2,7 pour cent vers l'Europe, 0,5 pour cent
vers les États-Unis et 1,8 pour cent vers l'Afrique. La production de
2012/13 a été 172 000 tonnes de fibres et de 630 000 tonnes de
coton graine.
Le secrétariat du CCIC observe que les réformes
sectorielles ont donné de meilleurs résultats au Burkina Faso que
dans les autres pays, même s'il n'y a pas de preuve tangible des gains
d'efficacité générés par la privatisation de
l'égrenage. Ce succès est dû à l'association d'une
bonne gouvernance et d'une situation géographique singulière
caractérisée par trois zones de production distinctes, ce qui
débouche naturellement sur un triple système de fourniture des
intrants et d'achat du coton graine.
La stabilisation du paysage institutionnel, la
responsabilité des parties prenantes dans la gouvernance du secteur,
l'utilisation de meilleures technologies et l'adoption de pratiques efficaces
sont des facteurs clés de réussite de la filière au
Burkina Faso.
Néanmoins, le cadre consultatif consensuel est souvent
perturbé. C'est le cas en mars 2011 ou les agriculteurs à travers
des manifestations souvent violentes exigeaient des prix plus
élevés et une baisse du prix des intrants.
En mars 2011, les prix internationaux du coton ont atteint un
niveau sans précédent avec près de 2,20 dollars EU la
livre, que les cultivateurs de nombreux pays ont interprété comme
un prix moyen dont ils souhaitaient bénéficier directement, sans
ajustement pour les frais de transport ou d'égrenage. Bien que le prix
d'achat réel de 274 CFA soit autour de 0,5 dollars par kilogramme ait
été supérieur d'environ un tiers à celui des
années précédentes, de nombreux cultivateurs
étaient déçus. Les protestations ont causé
d'importants dégâts matériels et entraîné un
changement de direction à la SOFITEX.
II.2.1.2. Réformes dans le secteur du coton au
Bénin
Au Bénin, la culture du coton occupe 150 000 foyers, dont
les exploitations varient en moyenne de 2,5 hectares dans le sud à 5
hectares dans le nord. Il y a 18 usines d'égrenage qui ont une
capacité totale d'environ 600 000 tonnes de coton graine par an.
Après un record de 171 000 tonnes de coton fibre en 2004/05, la
production a chuté bien au-dessous des 100 000 tonnes ces
dernières années. Elle a été d'environ 77 000
tonnes de coton fibre et de 226.000 tonnes de coton graine au cours de la
campagne 2012-2013.
III.2.1.2.1. Processus de réforme au
Bénin
Avant les réformes, la Société nationale
pour la promotion agricole (SONAPRA) avait le monopole de l'achat du coton
graine, de la vente de coton fibre et de la livraison des intrants
achetés à crédit par les cultivateurs. Dans le cadre du
40
programme d'ajustement structurel, le gouvernement s'est
retiré de la production de coton en 1991 et a commencé à
libéraliser le secteur. La plupart des réformes ont
été mises en oeuvre entre 1993 et 2000 :
- Les fonctions d'approvisionnement en intrants ont
été progressivement
transférées au secteur privé, et la SONAPRA
s'est retirée de cette activité en 2000.
- Huit entreprises d'égrenage privées ont obtenu
une licence entre 1995 et 1998
(ce qui s'est traduit par une surcapacité
d'égrenage) et chacune s'est vu attribuer un quota de coton graine par
la SONAPRA jusqu'en 2000.
- Le monopole de la SONAPRA pour la commercialisation du coton
graine a été supprimé en 2000.
- Des associations professionnelles nationales d'égreneurs
et d'importateurs/de distributeurs d'intrants ont été
créées.
- Après la Conférence nationale des forces vives en
1990, qui a prôné le désengagement de l'État de
toutes les activités économiques, les Groupements
révolutionnaires à vocation coopérative (GRVC) se sont
structurés en organisations de tutelle sous-préfectorales,
départementales et nationales. Une réforme adoptée en 2010
a remplacé les GVPC par des Coopératives villageoises de
producteurs de coton (CVPC), dotées d'un agrément officiel pour
la mise en place de leurs organisations de tutelle aux niveaux communal,
départemental et national.
- Des organismes interprofessionnels, notamment la centrale de
sécurisation des paiements et de recouvrement (CSPR) a été
créée pour assurer le recouvrement de tous les crédits
La création de l'Association interprofessionnelle du coton
(AIC) le
19 octobre 2000 était destinée à faciliter
le passage en douceur de la gestion étatique de la filière coton
à la privatisation complète. L'AIC est composée de trois
familles professionnelles : le Conseil national des égreneurs de coton
(CNEC), le Conseil national des importateurs et distributeurs d'intrants coton
(CNIDIC) et le Comité consultatif national transitoire des producteurs
de coton (CCNPC).
Les réformes ont entraîné la privatisation de
l'approvisionnement en intrants, l'introduction d'entreprises d'égrenage
privées et la création d'organismes interprofessionnels
chargés de reprendre la gestion du secteur en appliquant un
système très réglementé qui empêche la
concurrence entre égreneurs. Dans la filière
réformée, les organismes interprofessionnels répartissent
le coton graine entre les entreprises selon leur capacité
d'égrenage, tandis que les prix du coton graine restent fixes et
uniformes dans tout le pays. La politique de réforme a été
actualisée en 2001, 2008 et 2010 dont l'objectif étant
d'établir une chaîne d'approvisionnement du coton privée
mais intégrée à l'échelon national et d'en
transférer la gestion de l'État à l'organisme
interprofessionnel.
La complexité des mécanismes réglementant la
distribution des intrants aux agriculteurs et la collecte du coton graine en
fonction des quantités attribuées en rendait l'application
difficile. Les versements faits aux agriculteurs pour le coton graine sont
devenus irréguliers, ce qui a entraîné une chute de la
production.
41
Avec la privatisation fin 2008 de la principale
société cotonnière, la SONAPRA, le secteur s'est
concentré, de sorte qu'un opérateur privé contrôle
toutes les usines d'égrenage sauf une, l'approvisionnement en intrants,
le transport et une part importante de l'industrie de l'huile de coton et de
l'industrie textile.
II.2.1.2.2. Réglementation de la filière
coton et suspension de l'accord-cadre
Depuis juin 2012, la filière coton béninoise est de
nouveau dans la tourmente. Les réformes n'ont pas donné les
résultats escomptés, et la production a fortement baissé
durant la période 2006-2010. Dans un communiqué de presse du
29 avril 2012, le Conseil des Ministres avait cependant
annoncé la création d'une autorité/d'un organe national de
surveillance et de contrôle de la filière, avec le
rétablissement de l'ancienne société publique, la SONAPRA,
pour remplacer les structures de gestion créées à l'issue
d'accords entre l'État et l'AIC. Cette décision faisait suite au
rapport remis par la Commission d'enquête internationale instituée
par le gouvernement le 10 avril 2012 pour évaluer la campagne
cotonnière 2011/12. Ce rapport soulignait les nombreux
dysfonctionnements des structures responsables de la gestion de la
filière, l'AIC et la Centrale de sécurisation des paiements et de
recouvrement (CSPR).
L'organisation de la filière coton béninoise n'a
cessé d'être en proie à des conflits entre partenaires
publics et privés.
Le secrétariat du CCIC observe que les réformes
n'ont pas entraîné d'amélioration des résultats de
la filière coton, de gains d'efficacité, de hausse de la
production ni de diminution des frais d'exploitation dans les secteurs de
l'égrenage et du transport.
Le processus de privatisation a causé dans un premier
temps la
désorganisation du secteur, qui s'est ensuite
réorganisé dans une situation quasi monopolistique, une
société détenant environ 90 pour cent de la
capacité d'égrenage nationale.
II.2.1.3. Réformes dans le secteur du coton au
Mali
Le secteur du coton au Mali a affiché la plus forte
croissance de l'Afrique de l'Ouest durant la décennie qui a suivi la
dévaluation du franc CFA en janvier 1994. La production est
passée d'environ 169 000 tonnes de fibres en 1995/96 à un record
de 260 000 tonnes en 2003/04. Ensuite, elle n'a cessé de
décliner, car les prix du coton en CFA ont baissé et les
producteurs n'ont pas été payés dans les délais
pendant plusieurs années de suite en raison des difficultés
financières de la Compagnie malienne pour le développement des
textiles (CMDT). La production a atteint son plus bas niveau en 20 ans avec 85
000 tonnes en 2008/09, malgré un prix attractif à la production
de 200 CFA soit environ 0,4 dollars par kilogramme.
Avec la remontée des prix internationaux du coton
amorcée en 2009/10, la CMDT a commencé à combler ses
arriérés de paiements aux producteurs, et le gouvernement malien
a décidé de subventionner les engrais. Certains agriculteurs
42
qui s'étaient détournés du coton ont alors
repris la culture. La production est passée à 99 000 tonnes en
2009/10, puis à 103 000 tonnes en 2010/11 et de
185 000 tonnes pour 2011/12.
Pour la campagne 2012/13, la production de coton graine a
été de 449 641 tonnes et les prévisions pour la campagne
2013-2014 sont estimée à 522 000 tonnes de coton graine.
II.2.1.3.1. Processus de réforme et les projets de
réglementation du secteur au Mali
Des réformes ont été mises en oeuvre
à partir de 1998/99 pour redresser la situation financière
catastrophique de la société cotonnière nationale, et
préparer la privatisation prévue. Elles étaient
axées sur plusieurs objectifs :
- renforcement des capacités des organisations
villageoises et régionales de producteurs,
- restructuration de la CMDT et recentrage de ses
activités sur le secteur cotonnier,
- révision du mécanisme des prix aux producteurs
et création d'un fonds de soutien des prix, détenu par les
producteurs,
- création de l'Interprofession du coton (IPC) et d'un
Office central de classement (OCC),
- recapitalisation de la CMDT et scission en quatre filiales
régionales à capitaux entièrement privés (Ouest,
Centre, Nord-Est et Sud).
Il semble que le processus de réforme soit entré
dans une phase décisive avant la crise politique actuelle. La CMDT s'est
d'abord diversifiée en septembre 2009 avec la création de quatre
filiales et d'une holding. Le gouvernement a également
épongé la majeure partie des dettes des coopératives
cotonnières en préparation de leur privatisation.
Après une série d'appels d'offres infructueux, la
filiale de la CMDT chargée du triturage des graines de coton, Huicoma, a
été vendue à l'État, puis rachetée en 2005
par un groupe d'investisseurs locaux.
L'appel d'offres pour la privatisation des filiales de la CMDT au
moyen de la cession de blocs d'actions majoritaires par la
société de holding a été publié en
février 2010 et six sociétés ont été
sélectionnées pour y participer. Les premières
sélections provisoires ont été faites à partir
d'une analyse des paquets techniques et financiers.
Les investisseurs privés détiendront 61 pour cent
du capital. Les producteurs agricoles et les salariés de l'entreprise en
détiendront respectivement 20 pour cent et 2 pour cent, et les 17 pour
cent restants seront conservés par l'État. Les entreprises
privées auront un monopole régional sur l'achat,
l'égrenage et la vente du coton dans leurs zones d'exclusivité,
comme au Burkina Faso.
43
La restructuration des associations de producteurs s'est
achevée avec la création de l'Union nationale des
sociétés coopératives de producteurs de coton du Mali
(UNSCPC), qui fédère les différents niveaux
régionaux, sectoriels et communaux regroupant 7 000
sociétés coopératives de producteurs de coton.
L'Inter-association professionnelle du coton (IPC),
créée le 3 février 2009, réunit l'UNSCPC et
l'Association professionnelle des sociétés cotonnières du
Mali (APROSCOM), mais le secrétariat du CCIC observe qu'elle reste
entravée par des dysfonctionnements. L'IPC est censée veiller
à ce que les différents groupements professionnels de la
filière coton gèrent ensemble les fonctions essentielles et
discutent des questions d'intérêt commun telles que la mise en
place d'un système d'information sur les performances de chaque filiale,
les plans de campagne, la recherche agricole, les semences, les routes rurales,
etc. La création d'un Office de classement du coton (détenu
à 100 pour cent par la CMDT) complète le dispositif
institutionnel.
La création d'une autorité de régulation du
secteur coton (ARSC) a également été examinée (le
projet de loi a été adopté en Conseil des Ministres le 9
février 2011 et transmis à l'Assemblée nationale pour
examen).
Enfin, un cadre stratégique de développement du
secteur coton et une lettre de politique de soutien au secteur coton ont
été adoptés en 2010, confirmant la volonté
politique de l'État de continuer à participer à la
réglementation du secteur. Ils ont notamment pour objectif
d'accroître la productivité, la compétitivité et la
durabilité du secteur, d'améliorer sa gestion grâce
à des consultations et d'établir des mesures de protection contre
les fluctuations des prix mondiaux. Une tentative de privatisation de la
filiale ouest de la CDMT a toutefois échoué, car l'unique offre
présentée a été jugée trop basse.
II.2.1.3.2. Et maintenant?
Au Mali, la mise en oeuvre des réformes institutionnelles
dans le secteur du coton, qui était attendue par les partenaires
financiers du pays, a été perturbée par le coup
d'État de mars 2012. Les autorités actuelles commencent à
reprendre les choses en main.
II.2.1.4. Réformes dans le secteur du coton au
Tchad
Bien qu'au Tchad le secteur primaire soit dominé depuis
2003 par les exportations de pétrole brut (64,6 pour cent de la valeur
ajoutée du secteur), l'agriculture et le coton restent importants pour
l'économie nationale. Dans les zones de culture du coton (la production
est localisée au sud du pays), 80 pour cent des producteurs pratiquent
la culture pluviale sur de petites exploitations de
1 à 2 hectares en moyenne. Malgré son isolement, le
Tchad était le premier producteur de coton de la zone franc africaine
jusqu'à la fin des années 1970. n 1985, le coton
représentait 80 pour cent des exportations du pays et 25 pour cent
44
des recettes publiques. En 1997, il représentait encore 65
pour cent des exportations de marchandises30.
Depuis cette période, le Tchad a vu sa production fondre
de manière spectaculaire, notamment durant les années 2000. La
situation financière de la COTONTCHAD était en fait
catastrophique. La société avait payé au prix fort le
manque d'investissement et d'entretien. En raison de la faiblesse des prix, la
production s'est effondrée, tombant d'un niveau record de 103 000 tonnes
de fibre en 1997/98 à 14 000 tonnes en 2009/10, son niveau le plus bas
depuis 50 ans. En 2009/10, malgré un prix attractif à la
production de 180 CFA soit environ 0.4 dollars le kilogramme de coton graine,
la production a enregistré un recul en raison du manque
d'intérêt des producteurs qui subissaient des retards de
paiement31. La production en 2010/11 s'est élevée
à 22 000 tonnes et celle de 2012/13 a été de 102 000
tonnes de coton graine et les prévisions de la campagne 2013/14 sont de
153 334 tonnes de coton graine pour le Tchad.
En décembre 1999, le gouvernement a adopté un
programme de réforme du secteur coton appuyé par la Banque
mondiale, dont l'objectif était d'améliorer les revenus des
cultivateurs et de rendre plus rentable la production grâce à la
libéralisation du secteur, y compris la privatisation de la
société paraétatique COTONTCHAD et le renforcement des
capacités des organisations de producteurs.
Ayant tiré les enseignements des difficultés de
mise en oeuvre des autres programmes de réforme du secteur du coton, le
Tchad a décidé d'accorder une attention particulière
à l'édification d'un consensus entre toutes les parties prenantes
tout au long de la réforme. Le choix d'un scénario de
privatisation des activités d'égrenage de la COTONTCHAD devait
notamment tenir compte de l'avis des organisations de producteurs.
III.2.1.4.1. Processus de réforme au
Tchad
La politique de réforme a été
approuvée à l'issue d'un processus très long. Elle a
abouti à la création en 1997 de l'Observatoire du coton, une
unité de soutien technique chargée d'aider le Comité de
réflexion et de suivi de la filière coton. En 1999, ce
comité est devenu le Comité technique chargé de la
réforme cotonnière. La stratégie de désengagement
de l'État a été autorisée par le décret
n° 541 du
19 décembre 1999. Ce décret a marqué le
début officiel du processus de privatisation, avec un plan de
réforme qui s'articule autour de deux grands axes:
- le désengagement de l'État du capital et de
l'administration de la société cotonnière (la COTONTCHAD)
et la libéralisation de la filière; et
- la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement au
bénéfice des producteurs de coton, afin de renforcer les
capacités des organisations
30 Au Tchad, le processus de réforme de la
filière cotonnière se trouve dans une impasse", K. Djondang, M.
Fok, B. Wampfler et N. Tordina, Conférence internationale de l'ISSCRI,
"Justifications et évolutions des politiques cotonnières",
Montpellier, 13 au 17 mai 2008.
31 http://www.lesafriques.com/ "Mahamat
Adoun Ismaël, Président directeur général de
COTONTCHAD".
45
de producteurs, de façon qu'elles puissent jouer un
rôle accru dans le fonctionnement de la filière.
Bien que l'État ait accepté de se
désengager du secteur, son contrôle reste très puissant. Le
débat sur le lancement d'un processus de privatisation a
été retardé par le différentiel de
rentabilité des zones ou des usines. Un accord a fini par être
conclu sur la privatisation des usines d'égrenage en tant que paquet
unique. Le
gouvernement a avancé lentement, hésitant entre
deux scénarios : la vente d'actions ou la vente d'actifs. Mais cette
lenteur dans la mise en oeuvre du plan a contribué au déclin du
secteur.
II.2.1.4.2. Création de la COTONTCHAD
SN
Une décision relative à la restructuration de la
COTONTCHAD a été adoptée en janvier 2012. Afin de relancer
la production de coton, les autorités tchadiennes ont
décidé d'apurer les dettes de la société nationale.
Fin décembre 2011, la direction du Conseil d'administration
réunie en assemblée extraordinaire a adopté un plan
stratégique prévoyant la création d'une nouvelle
société, la COTONTCHAD Société nouvelle (COTONTCHAD
SN). La participation de l'État dans cette nouvelle
société est de 51 pour cent et sera ensuite ramenée
à 33 pour cent. L'objectif est de rassurer les investisseurs
privés afin de relancer le processus de privatisation de la
société. Depuis le 25 janvier 2012, tous les engagements
contractés par la COTONTCHAD ont été
transférés à la COTONTCHAD SN.
Avec la création de la COTONTCHAD SN, la production de
coton pourrait redémarrer. Le plan de la société
prévoit la réintégration progressive des organisations de
producteurs dans la gestion du secteur, avec comme objectif de porter la
production à 300 000 tonnes de coton graine (120 000 tonnes de coton
fibre) en 2016.
II.2.1.4.3. Réformes entravées par des
hésitations
Les incertitudes relatives au rythme et à l'orientation de
la réforme au Tchad ont entraîné un désastre
financier pour la société cotonnière et un effondrement de
la production. En raison de la résistance aux réformes
prônées par la Banque mondiale et de l'absence de consensus sur la
marche à suivre, la filière s'est trouvée privée
d'orientations claires, et la COTONTCHAD n'a pas reçu les ressources
nécessaires pour maintenir le secteur. La création de la
COTONTCHAD SN laisse espérer une relance de la filière.
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