GLOBAL BUSINESS SCHOOL
MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
Présenté en vue de l'obtention
du
Master en Relations Internationales
THEME : STRATÉGIES DE SORTIE DE CRISE POUR LE
COTON AFRICAIN À L'OMC ET AU-DELA : DEFIS ACTUELS ET
FUTURS
Directeur de Mémoire : Jean Paul GOSSE
Honoré Hadi YONLI
1
Novembre 2013
2
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d'abord à remercier BON DIEU, le tout
puissant et miséricordieux, qui m'a donné la force et la patience
d'accomplir ce Modeste travail malgré mes occupations.
En second lieu, je tiens à remercier Monsieur Jean-
Paul GOSSE, Directeur EENI - Francophonie, mon Directeur
de Mémoire, pour son aide et ses précieux conseils. Je
remercie également tous mes tuteurs durant les différents modules
pour leur sympathie et leur disponibilité.
Je remercie Madame Ghislaine GOSSE, Directrice des Relations
Internationales de la Francophonie pour son appui constant, sa gentillesse et
son soutien tout au long de cette formation.
Ces remerciements ne seraient pas complets sans une
pensée pour deux frères et fidèles amis, Hermanne dit le
Président, et Raouf dit Fofo (grand frère). Merci de m'avoir
aidé et encouragé, et pour m'avoir changé les idées
quand J'en avais besoin.
Un ami et frère de longue date mérite
d'être cité dans ces remerciements, Séverin P. WANGRE.
Merci de penser toujours à moi dans tes prières.
Un immense merci à mon épouse Fatimata, qui
m'a permis de découvrir ce Master et qui m'a soutenu dès le
début et m'a aidé dans les périodes de doute.
Mes dernières pensées iront vers mes deux
filles, Audrey et Keyla, toujours choux et qui ne m'ont pas du tout
embêtées durant ce Master.
Enfin, j'exprime ma gratitude à tous les
consultants, les personnes ressources et internautes rencontrés lors des
recherches effectuées et qui ont accepté d'échanger avec
moi ou de
répondre à mes questions avec gentillesse.
.
3
SIGLES ET ABREVIATIONS
ACP : Afrique, Caraïbes et Pacifique
ADPIC : Aspects des droits de
propriété intellectuels qui touchent au commerce
AFD : Agence française de
développement
AGCS : Accord Général sur le
Commerce des Services
AGOA : Loi des Etats-Unis sur la Croissance
et les Opportunités en Afrique
AOC : Afrique de l'Ouest et du Centre
APC : Aide pour le Commerce
ATC : Agent technique coton
BOAD : Banque Ouest Africaine de
Développement
CCIC : Comité Consultatif
International du Coton
CNUCED : Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement
DG : Directeur Général
EU : États-Unis
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture
FCPB : Fonds commun pour les produits de
base
FED : Fond européen de
développement
FMI : Fond Monétaire International
INERA : Institut national de l'Environnement
et des Recherches agricoles
MCA : Millenium Challenge Account
MGS : Mesures Globale de Soutien
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONG : Organisation non gouvernementale
ONUDI : Organisation des Nations Unies pour
le Développement Industriel
ORD : Organe de Règlement des
Différends
PAC : Politique Agricole Commune
PD : Pays Développés
PED : Pays en Développement
PMA : Pays les Moins Avancés (PMA)
PNUD : Programme des Nations-Unies pour le
Développement
SOCOMA : Société
cotonnière du Gourma
SOFITEX : Société
burkinabé des fibres textiles
SONAPRA : Société nationale
pour la promotion agricole
STAX : Stacked Income Protection Plan for
Producers of Upland Cotton
UE : Union Européenne
UEMOA : Union Économique et
Monétaire Ouest Africaine
UNPCB : Union nationale des producteurs de
coton du Burkina.
WACIP : Programme de renforcement du secteur
coton en Afrique de l'Ouest et du
Centre
4
TABLE DES MATIERES
Remerciement II
Sigles et Abréviations ..III
Résumé ..6
Introduction 7
Chapitre I :Présentation de l'initiative sectorielle en
faveur du coton présentée par le C_4 dans les
négociations
multilatérales 10
I. Initiative sectorielle en faveur du coton 11
I.1. Point des négociations sur le dossier coton depuis
avril 2003 à novembre 2013 12
I.1.1. Conférence de Cancun : échec/espoir
....13
I.1.2 Cadre de juillet 2004 : le coton trouve sa place 15
I.1.3. Conférence de Hong Kong : Mandat donné sur
le coton 16
I.1.4. Développement de 2006 à 2008 17
I.1.4.1. Réaction des Parties prenantes du dossier coton
au projet de Modalités 19
I.1.4.1.1. Réaction de l'Union Européenne (UE)
19
I.1.4.1.2. Réaction des États-Unis (EU) 20
I.1.4.1.3. Réaction du Groupe C_4 et des autres groupes
de négociations 20
I.1.5. Développement depuis décembre 2008 à
octobre 2013 20
II. Point des négociations sur le volet
Développement 23
III. Différend Brésil/États-Unis .25
Observations et conclusion .26
Chapitre II. Etat des lieux des filières
cotonnières en Afrique .28
I. Principaux problèmes du secteur coton en Afrique 28
I.1. Environnement 28
I.2. Compétitivité et productivité 28
I.3. Volatilité des prix 29
I.4. Financier et Monétaire 29
I.5. Equilibre des filières coton 30
I.6. Concurrentiels 30
I.7. Subventions 30
I.8. Libéralisation et privatisation 30
I.9. Transformations locales 30
I.10. Intrants et crédits 32
I.11. Organisations professionnelles 33
I.12. Autres problèmes liés au Contexte du
Commerce International 33
I.12.1. Accord Multifibres (AM) 33
I.12.2. Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les
Opportunités en Afrique (AGOA) 33
I.12.3. Accords de Lomé et de Cotonou 33
II. Différentes réformes internes entreprises pour
rendre plus compétitif le coton africain 34
II.1. Production et rendement dans les pays du C_4 34
II.2. Reformes internes du secteur coton dans les pays du C_4
35
II.2.1. Aperçu du système à circuit unique
dans les pays du C-4 avant les réformes actuelles 36
II.2.1.1. Réformes dans le secteur du coton au Burkina
Faso 36
II.2.1.1.1. Processus de réforme au Burkina Faso 37
II.2.1.1.2. Organisation actuelle du secteur cotonnier au Burkina
Faso 38
II.2.1.1.3. Situation actuelle et perspectives de la
filière en 2012/13 39
II.2.1.2. Réformes dans le secteur du coton au
Bénin 39
II.2.1.2.1. Processus de réforme au Bénin 39
II.2.1.2.2. Réglementation de la filière coton et
suspension de l'accord-cadre 41
II.2.1.3. Réformes dans le secteur du coton au Mali 41
II.2.1.3.1. Processus de réforme et les projets de
réglementation du secteur au Mali 42
II.2.1.3.2. Et maintenant? 43
II.2.1.4. Réformes dans le secteur du coton au Tchad 43
III.2.1.4.1. Processus de réforme au Tchad 44
II.2.1.4.2. Création de la COTONTCHAD SN 45
II.2.1.4.3. Réformes entravées par des
hésitations 45
III. Aide internationale 45
III. 1. Aide de l'Union européenne 46
III.2. Aide des États-Unis 46
III.3. Aide du Brésil 47
III.4. Aide de l'Australie 47
III.5. Aide de la Chine 48
III.6. Aide de l'Inde 48
III.7. Aide du Pakistan 48
Observations et conclusion 49
5
Chapitre 3 : Défis actuels et futurs à l'OMC et
dans les autres enceintes Internationales pour les pays africains
producteurs de coton 50
I. Leçons tirées de l'Initiative Sectorielle en
faveur du coton et Analyse 50
I.1. Analyse des négociations avec les Etats-Unis
50
I.1.1. Qu'est ce que le Stacked Income Protection Plan for
Producers of Upland Cotton (STAX) ? 51
I.1.2. Comment marche le STAX ? 51
III.1.3. Combien coûte le STAX ? 52
I.1.4. Etats-Unis dans la négociation
multilatérale sur le coton 53
I.2. Analyse des négociations avec l'Union
Européenne 54
I.2.1. Union européenne sur le marché mondial
du coton 54
I.2.2. Culture du coton sur le plan domestique 55
I.2.3. Union européenne dans la négociation
multilatérale sur le coton 55
I.2.4. Subventions au coton de l'Union européenne et
les relations ACP 56
I.3. Implication du différend Brésil/Etats-Unis
pour les pays africains 56
II. Solutions possibles de sorties de crise pour le coton
africain 57
II.1. Tendances des prix internationaux du coton 57
II.2. Action en règlement des différends ?
57
II.3. Transformation du coton africain 58
Conclusion 59
6
Résumé
Il y a quelques années, le coton était pour
l'Afrique en général et particulièrement pour l'Afrique de
l'Ouest et du Centre, une source de richesse. De nos jours, il est devenu un
fardeau pour ces pays, un facteur d'appauvrissement.
Quoique plusieurs facteurs notamment la
dépréciation des prix au niveau international, l'environnement,
les problèmes de compétitivité et de productivité
et les subventions des Pays développés aient conduis à
cette situation. Les subventions agricoles sont la principale cause de cette
dérégulation du marché qui a de sérieuses
conséquences sur les économies des pays africains producteurs de
coton.
A côté de l'impact macroéconomie des pertes
de recettes dues aux subventions des pays développés, il faut
ajouter les répercutions socio-économiques pour les vingt (20)
millions de personnes qui vivent directement du coton en Afrique.
Le paradoxe de cette situation est que le producteur africain
n'arrive plus à vivre de son coton qui est pourtant le plus
compétitif au monde.
Les subventions des pays développés ont toujours
été donc considérées comme un élément
important du problème du coton africain.
Beaucoup de concertations formelles et informelles ont
été organisées. Plusieurs organisations,
intergouvernementales et de la société civile, ont
été impliquées.
Les négociations sur le coton durent depuis 10 ans
maintenant et le Cycle de Doha ne semble pas donner une solution heureuse
jusqu'à maintenant pour les pays africains.
Globalement, l'objectif de cet thème est de faire
l'état des lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de
fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des
modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans les autres instances
internationales pertinentes.
7
Introduction
Le coton et son importance pour les économies d'un groupe
de pays de l'Afrique remonte à la révolution industrielle en
Europe, qui a vu la naissance d'une industrie textile mécanisée
approvisionnée par le coton des colonies. Depuis le milieu du
XIXe siècle, la hausse des prix du coton en Inde et la
diminution de la production américaine ont forcé les puissances
européennes à chercher des marchés d'importation
alternatifs. À l'époque, la France qui contrôlait une
partie non négligeable de l'Afrique de l'Ouest résolut
d'établir une entreprise publique, la Compagnie Française pour le
Développement des Fibres Textiles (CFDT), qui entreprit de fournir la
métropole en coton bon marché pour approvisionner en
quantité suffisante l'industrie européenne du vêtement
alors en plein essor.
Après les indépendances des années 1960, les
pays ouest-africains mirent en place leurs propres entreprises publiques de
coton et intensifièrent le développement du secteur avec un grand
succès. Ils ont constamment amélioré et augmenté la
production de cette matière première au point d'en faire la
principale, sinon la seule, filière pourvoyeuse de devises
étrangères et d'emplois à la ville comme à la
campagne. Dans les usines d'égrenage, dans les huileries utilisant la
graine de coton, dans les usines de filature et les transports, nombreux
étaient ceux qui vivaient de cette filière.
Quarante ans plus tard, la production avait décuplé
jusqu'à atteindre 5% de la production mondiale de coton, la surface
destinée à sa production avait quadruplé, et l'Afrique de
l'Ouest se plaçait à la troisième place des plus gros
exportateurs de coton avec 15 % des exportations mondiales. Près de 10
millions de personnes dans toute l'Afrique francophone tiraient leurs moyens
d'existence du coton1 . Cet avantage concurrentiel dans la
production de coton a généré des revenus d'exportation et
a favorisé le développement des zones rurales où se
faisait la production. Même les paysans d'autres pays africains moins
dépendants du coton tiraient une partie de leurs revenus de la culture
de ce que l'on avait appelé « l'or blanc ». Au total, 36 pays
africains et d'autres pays membres du Groupe des Etats d'Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont aujourd'hui des intérêts
liés à la culture du coton. Cependant, la dépendance des
pays d'Afrique de l'Ouest vis-à-vis de l'exportation du coton n'a
cessé de croître jusqu'à ce que celle-ci représente
un tiers des exportations totales en 20092.
Pourtant, en 2003, quatre pays africains producteurs de coton :
le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad (ci-après
après dénommés C_4) restaient parmi les pays les plus
pauvres du monde, tous les quatre ayant quasiment 50 % voir plus de leur
population vivant en dessous du seuil de pauvreté international de 1,25
$3. Dans un monde exempt de distorsions commerciales, ce à
quoi tous les pays membres de l'OMC aspirent, leur avantage concurrentiel dans
la production de coton combinée avec l'augmentation de la demande
mondiale aurait dû permettre à l'Afrique de l'Ouest de sortir de
la pauvreté par le commerce.
1 Le cas du coton brésilien à l'OMC : entre la
négociation et le contentieux » Ray A. Goldberg, Robert Lawrence
and J. Katherine Milligan, 2005
3 World Development Indicators , Banque mondiale, consulté
le 14 avril 2011
2 ITC Trade Map. Consulté le 14 avril 2011
8
En effet, à la même époque, certains pays
développés comme les Etats-Unis et l'Union européenne (en
particulier la Grèce et l'Espagne) ont décidé de stimuler
la production du coton dans leur espace économique en allouant
d'énormes subventions à leurs producteurs de coton à
travers des lois agricoles (Farm Bill aux Etats-Unis et Politique
Agricole Commune en Europe). Ainsi, les cotonculteurs américains (au
nombre de 25 000) perçoivent des subventions à hauteur de 5
milliards de dollars par an. En Europe, les producteurs de coton sont moins
nombreux et le volume des subventions est moins élevé, mais il
reste le plus élevé à l'hectare. En offrant des
incitations à produire des quantités que le marché ne peut
absorber et en accordant des subventions à l'exportation, ces programmes
ont fait chuter les prix de 12,9 %, selon la Banque Mondiale4.
Malgré le fait que les pays d'Afrique de l'Ouest produisent du coton 50%
moins cher que l'UE ou les Etats-Unis, les graves distorsions causées
par les programmes de subventions occidentaux empêchent ces pays
d'écouler efficacement leur production sur le marché
international5.
Le prix du coton sur le marché mondial s'est
effondré de 54 % entre le milieu des années 1990 et 2003,
diminuant ainsi considérablement le revenu des 10 millions d'Africains
de l'Ouest et du Centre qui dépendent directement de sa production. La
perte des recettes d'exportation a sérieusement affecté le budget
de ces pays, alors que dans le même temps, le FMI poussait pour le
remboursement de leur dette. Bien que les facteurs qui expliquent la baisse des
prix sont nombreux et complexes, le plus significatif est l'augmentation des
subventions allouées par les États-Unis et l'Union
européenne à quelques producteurs de coton dans leurs pays.
D'ailleurs, un rapport publié par la Fairtrade Foundation fait
remarquer que "le retrait des seules subventions américaines
entraînerait la hausse des cours mondiaux de 6 à 14 %, la hausse
des prix payés aux producteurs d'AOC de 5 à 12 %, et la hausse du
revenu moyen des ménages d'Afrique de l'Ouest et du Centre de 2 à
9 %, soit l'équivalent des dépenses alimentaires d'un million de
personnes6.
Les pays africains ne sont pas les seuls affectés par la
chute des prix mondiaux, comme en témoigne l'affaire du coton
portée par le Brésil devant l'organe de règlement de
différends de l'OMC7.
Alors que la question fut soulevée quant à savoir
si le C_4 devait se joindre à la plainte, il fut réticent
à le faire notamment parce que le règlement des différends
à l'OMC prend beaucoup de temps, et quand bien même la
décision serait en leur faveur ils ne seraient pas en mesure d'exercer
des représailles contre les Etats-Unis en cas de non-respect. Finalement
le C-4 a choisi la voie de la négociation à travers
l'Organisation Mondiale du Commerce.
L'objectif de cet thème est de faire l'état des
lieux du dossier du coton africain à l'OMC et de fournir aux
différentes parties prenantes sur le coton des modalités
pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à l'OMC et dans
les autres
5
6Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair
Trade Foundation, janvier 2011 7Ibid.
4 Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair Trade
Foundation, janvier 2011 «Coton : le roman noir de l'or blanc», Fair
Trade Foundation, janvier 2011
9
instances internationales pertinentes. Pour ce faire nous allons
dans un premier chapitre faire une présentation détaillée
de l'initiative sectorielle en faveur du coton présentée par le
C_4 dans les négociations multilatérales. Il s'agira dans ce
chapitre de présenter le volet commercial du dossier coton en rappelant
les faits saillants, son évolution et les acquis. Un point relatif au
volet développement du dossier coton notamment une analyse du
mécanisme du Directeur Général de l'Organisation Mondiale
du Commerce en faveur du coton et sera également fait. La
dernière partie de ce chapitre sera consacrée au différend
Etats Unis-Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette
partie d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient
gagné les pays africains en allant au recours.
Un deuxième chapitre fera un état des lieux des
filières cotonnières en Afrique notamment les difficultés
rencontrées et les différentes réformes internes
entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain.
Un troisième chapitre sera consacré aux
leçons à tirées et les perspectives notamment aux
défis futurs à l'OMC et dans les autres enceintes internationales
pour les pays africains producteurs de coton.
10
Chapitre I : Présentation de l'initiative
sectorielle en faveur du coton présentée par le C_4 dans les
négociations multilatérales
Le coton joue un rôle crucial dans le développement
de plusieurs pays d'Afrique notamment en Afrique de l'Ouest et du Centre.
Depuis les années 1980, la production et les exportations de coton en
provenance de cette région ont été multipliées par
4, représentant entre 5 et 10 % du produit intérieur brut.
Près de 30% des recettes d'exportation viennent du coton et concernent
directement plus de 10 millions de personnes dans cette région. «
Naturellement » compétitif, le coton africain souffre
néanmoins de l'impact des subventions américaines et
européennes à la production de coton ayant pour effet de faire
baisser les prix sur le marché international du coton.
Dès 2001, les gouvernements des pays africains producteurs
de coton se sont trouvés confrontés au mécontentement
croissant des paysans qui souffrent de la perte des recettes tirées du
coton. Au mois de novembre, l'Union Nationale des Producteurs de Coton du
Burkina Faso (UNPCB) ainsi que d'autres associations de cotonculteurs d'Afrique
de l'Ouest et du Centre ont interpellé l'opinion dans une
déclaration commune pointant du doigt les subventions occidentales :
« En subventionnant leurs producteurs de coton les E.U. et l'U.E. menacent
gravement le coton africain, et donc l'avenir de millions de producteurs, et
les économies de nombreux pays comme celles du Bénin, du Burkina
Faso et du Mali. Aussi, nous demandons solennellement aux EU. et à
l'U.E. de supprimer leurs subventions aux producteurs de coton8
».
Les efforts de lobbying des associations de producteurs,
soutenues par plusieurs ONG, commencèrent à porter leurs fruits
en Juin 2002 quand la Conférence des Ministres de l'Agriculture de
l'Afrique de l'Ouest et du Centre décida d'analyser l'impact des
subventions occidentales sur leurs filières cotonnières en vue de
négociations futures avec les Etats-Unis et l'Union européenne
dans le cadre de l'OMC. Les négociations commerciales
multilatérales du Cycle de Doha lancées deux ans plus tôt
avec le développement comme objectif affiché seraient le moyen de
rechercher une solution en demandant la suppression ou la réduction
significative des subventions au coton qui contreviennent aux règles de
l'OMC.
Le dossier a rapidement pris de l'ampleur à l'approche de
la Conférence Ministérielle de Cancun, notamment après la
plainte du Brésil en septembre 2002 contre les Etats-Unis à l'OMC
pour ses subventions au coton (nous y reviendrons dans la partie III de ce
chapitre).
Les quatre pays en Afrique de l'Ouest et du Centre (Bénin,
Burkina Faso, Mali et Tchad) les plus touchés par les effets des
subventions des pays développés se sont mis à
préparer activement une proposition solide. En avril 2003, ils
déposent une proposition de négociations intitulée
«Réduction de la pauvreté: initiative sectorielle en faveur
du coton» aux organes compétentes de l'OMC.
Cette proposition fait suite à la Conférence
ministérielle de Doha de 2001, où il a été
décidé de faire du cycle de négociations lancé
alors un Cycle du développement, et à la veille de la
conférence ministérielle de l'OMC de Cancun
8 Appel commun des producteurs de l'Afrique de l'ouest et du
Centre, novembre 2001
11
prévue pour septembre 2003 et pour laquelle l'initiative
devait s'assurer d'être soutenue. C'est dans ce cadre que Monsieur Blaise
Compaoré, Président du Burkina Faso, a été
invité au nom de ses pairs africains à faire une
présentation devant le Conseil Général9 de
l'OMC en juin 2003. Dans son discours, le Président du Burkina Faso a
dit en substance que « pour la première fois, les pays africains ne
demandent pas l'aumône, nous demandons tout simplement que les membres de
l'OMC respectent les règles de l'organisation, règles auxquelles
ils ont librement consenti». Cela a contribué à assurer les
soutiens nécessaires, y compris ceux émanant des coalitions de
l'OMC dont davantage de soutien était recherché. C'était
là le début de l'offensive diplomatique et stratégique
appelée « l'initiative sectorielle en faveur du coton » comme
faisant partie intégrante du Programme de Doha pour le
développement.
Dans cette partie, il s'agira dans une première partie de
présenter et d'analyser l'Initiative sectorielle en faveur du coton et
de faire le point des négociations depuis la soumission de cette
initiative à nos jours (novembre 2013). La deuxième partie sera
consacrée au volet développement du dossier coton notamment une
analyse du mécanisme du Directeur Général de
l'Organisation Mondiale du Commerce en faveur du coton. La dernière
partie de ce chapitre sera consacrée au différend Etats -Unis /
Brésil sur le coton à l'OMC. Il s'agira dans cette partie
d'analyser les résultats de ce recours et qu'auraient gagnés les
pays africains en allant au recours.
I. Initiative sectorielle en faveur du coton
L'initiative sectorielle en faveur du coton a été
soumisse en avril 2003 à l'OMC et visait à obtenir :
- l'élimination des subventions qui créent des
distorsions au commerce
international du coton ;
- la réduction substantielle des soutiens internes qui
créent des distorsions
au commerce international du coton ;
- le régime d'accès du coton en franchise de droits
et sans contingent
(exonéré de droits de douane et d'autres taxes, et
sans limitation des quantités exportées) sur le marché
international ;
- la mise en place d'un Mécanisme de gestion des pertes de
revenus
d'exportation du coton sur le marché international,
jusqu'à l'élimination
totale des soutiens internes et des subventions que certains pays
développés accordent à leurs producteurs et exportateurs
de coton.
9 Le Conseil général est l'Organe de
décision suprême de l'OMC à Genève; il se
réunit régulièrement pour exercer les fonctions de l'OMC.
Il est composé de représentants (habituellement, des ambassadeurs
ou des fonctionnaires de rang équivalent) de tous les gouvernements
Membres et est habilité à agir au nom de la Conférence
ministérielle, qui ne se réunit que tous les deux ans. Le
Président est actuellement S.E. Mr. Shahid BASHIR (Pakistan).
12
I.1. Point des négociations sur le dossier coton
depuis avril 2003 à novembre 2013
Comme on pouvait s'y attendre, l'initiative fut sujette à
controverse au sein des membres de l'organisation. Alors que de nombreux pays
en développement se félicitèrent de la proposition du C_4,
plusieurs délégués déclarèrent que
l'initiative ne pouvait pas être inclue dans le programme de Doha pour le
développement. Selon eux, la question du coton constituait un sujet
nouveau qui ne faisait pas partie du mandat confié à Doha. Fait
intéressant, les États-Unis et l'Union européenne n'ont
pas réagi du tout à la proposition. Il était cependant
clair que des négociations intensives allaient être
nécessaires afin de s'assurer le soutien crucial d'autres groupes de
négociation tels que le Groupe africain, les PMA et le Groupe ACP si
l'initiative devait faire partie du programme de travail de Doha.
Le premier groupe à avoir adopté l'initiative
sectorielle en faveur du coton comme dossier de négociation fut celui du
groupe d'Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP), au cours de la
77eme session de son conseil des ministres tenue à Bruxelles
en mai 2003.
En juin 2003, il fut suivi par le Groupe des PMA au cours de la
réunion ministérielle de Dacca, au Bangladesh. Cependant, arriver
à cette décision ne fut pas chose facile, car certains des
États membres ayant un grand intérêt dans l'importation du
coton, y compris en provenance des Etats-Unis, pour alimenter leur industrie
textile très performante qui, bénéficiant de la Loi des
Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (AGOA en
anglais), pouvait exporter ses produits textiles sur le marché
américain. Ces pays se trouvaient donc dans un conflit
d'intérêt mais finalement, après d'intenses consultations
où on a fait valoir que la question du coton était une
préoccupation pour 36 pays (dont la plupart était des PMA) et
qu'on ne pouvait pas laisser les intérêts d'un seul pays ou de
quelques pays menacer les moyens de subsistance de plus de 15 millions
d'africains, ces pays résistants ont finalement accepté de
s'associer au consensus. À ce stade, l'initiative
bénéficiait donc de l'appui de deux groupes majeurs de pays en
développement au sein de l'OMC.
Dans le cas du Groupe africain, des complications sont
également apparues du fait qu'un certain nombre de membres avaient
décidé à la même époque de présenter
une proposition sur les matières premières. Heureusement, alors
qu'une certaine rivalité commençait à naître entre
les deux propositions, la seconde fut abandonnée et le Groupe finit par
appuyer l'initiative du C_4.
Ainsi, durant les préparatifs pour la Conférence
ministérielle de Cancun, le Groupe africain, les ACP et les PMA n'eurent
de cesse d'appuyer l'initiative en faveur du coton dans leurs
déclarations tant individuelles que collectives, et furent bientôt
rejoint par d'autres pays en développement influents comme le
Brésil, l'Inde et la Chine. Au vu de ce soutien général
des pays en développement et de quelques pays développés,
il devenait difficile d'ignorer le sujet du coton dans le cadre de la
conférence de Cancun et les Etats-Unis firent alors une courte
déclaration par laquelle ils reconnaissaient que la question du coton
était d'importance et méritait d'être examinée.
C'était là l'un des premiers et plus importants succès
diplomatiques de l'initiative sectorielle en faveur de coton.
13
A partir de cet instant, le Groupe C_4 a intensifié son
travail de plaidoyer et les consultations ont continué pour faire
accepter l'initiative sectorielle en faveur du coton comme faisant partie
intégrante du programme de Doha pour le développement à
Cancun. Quelques jours avant le début de la conférence, le
président du Bénin d'alors, Monsieur Mathieu Kerekou, s'est rendu
à la commission de l'Union européenne pour rechercher des
soutiens alors qu'au même moment le Président du Mali, Monsieur
Amadou Toumani Touré se rendait à Washington pour évoquer
entre autres avec les autorités américaines la question du coton.
A la veille de la conférence, les ministres de l'Allemagne, de
l'Angleterre, des Pays-Bas et du Danemark, pays qui fournissent de l'aide aux
pays en développement ont organisé une réunion sur la
question du coton qui a rassemblé de nombreuses ONG, organisations de
producteurs de coton africains, journalistes et représentants des
États-Unis, et dont les résolutions favorables à
l'initiative sur le coton ont contribué à la faire
connaître. Cette volonté politique au plus haut niveau
couplée à une campagne de sensibilisation efficace ont finalement
porté leurs fruits et la question du coton fut inscrite comme le premier
point de l'ordre du jour de la conférence ministérielle de
Cancun, tout juste après les discours d'ouverture.
A cette conférence, le coton devint le symbole de l'aspect
développement du Cycle de Doha. Toutefois, avec l'échec de Cancun
et le dépassement de toutes les échéances
programmées du Cycle, le sprint devint un marathon.
En 2003, l'Initiative Coton est devenue l'un des thèmes
principaux de la négociation de Doha et représente toujours pour
la communauté internationale un test quant à son engagement
réel de faire de Doha le cycle du Développement. Il y a
aujourd'hui une reconnaissance internationale du fait que les subventions au
coton nuisent gravement aux pays pauvres en développement
dépendant des exportations de coton et des produits
dérivés du coton10 à la fois pour leur
intégration économique internationale et leur
développement national.
La prolongation des négociations a nécessité
des capacités grandissantes des pays impliqués pour prendre des
décisions rapides et difficiles sur des compromis relatifs aux positions
qu'ils défendent.
I.1.1. Conférence de Cancun :
échec/espoir
A l'ouverture de la Conférence Ministérielle de
Cancun le 10 septembre 2003, la plupart des groupes de négociation ont
apporté leur soutien au « dossier coton » et ont
réclamé que l'on mette fin dans un bref délai à
l'injustice des subventions ayant des effets de distorsion des échanges.
En fait, toutes les délégations des pays en développement
ainsi que celles de certains pays développés, à
l'exception de l'Union européenne et des Etats-Unis, ont soutenu
l'initiative. Le soutien du Groupe africain, des PMA, du Groupe des Etats ACP
et du G-90 (PMA, Groupe africain et ACP) créé lors de cette
conférence ont largement contribué à cette grande victoire
d'étape.
A l'issue de la session d'ouverture, la délégation
des Etats-Unis a invité le C_4 pour des consultations durant lesquelles
elle a fait valoir que leurs subventions
10 La définition de produits dérivés pose
problème à certains alliés du C_4 qui fini par
abandonné le terme
14
n'étaient pas la cause de la chute du prix du coton sur
les marchés internationaux, mais plutôt la concurrence avec les
nouvelles fibres comme le nylon et d'autres dérivés du
pétrole qui étaient moins cher que le coton. Les Etats-Unis ont
présenté un projet d'accord au C_4 qui résumait ces
arguments et arguait que les Etats-Unis étaient déterminés
à aider les producteurs de coton africains à atteindre des
rendements plus élevés. Naturellement le C_4 a refusé cet
accord.
Lors de la session officielle consacrée à
l'initiative sectorielle en faveur du coton, tous les pays en
développement ont réaffirmé leur soutien à la
position du C_4 et les États-Unis sont restés sur leur position
qui consistait à dire que les nouvelles fibres et le faible rendement du
secteur cotonnier africain étaient responsables des prix bas. Plus la
Conférence avançait, plus cette opposition entre pays en
développement et pays développés s'est accentuée
à tel point que la conférence s'est retrouvée dans
l'impasse un jour avant sa conclusion prévue. Si la principale cause de
cet échec est à chercher dans le refus des pays en
développement de débattre des «questions de
Singapour11» chères aux pays développés,
les désaccords sur le dossier agricole en général et sur
le coton en particulier ont cristallisé les divergences. Si certains ont
soutenu que l'initiative sur le coton était responsable de
l'effondrement de la conférence ministérielle de Cancun et que
l'espoir s'était évanoui pour des millions de producteurs de
coton africains, les négociateurs du C_4 n'ont pas abandonné pour
autant.
En effet, dans la période qui suivit, le travail technique
sur la question du coton a continué à Genève malgré
l'opposition des pays développés qui faisaient valoir que
l'introduction d'une initiative distincte sur le coton perturberait le
processus de négociation.
I.1.2 Cadre de juillet 2004 : le coton trouve sa
place
Après Cancun, les pays membres de l'OMC se fixèrent
comme nouvelle échéance le vendredi 30 juillet 2004 pour parvenir
à un accord sur un ensemble d'accords-cadres. D'intenses
négociations ont donc eu lieu dans les semaines précédant
ce qu'on a appelé «l'ensemble de résultats de juillet»
ou encore « cadre de juillet 2004 ». Dans ce contexte, le C_4 a
poursuivi ses efforts afin de faire adopter la question du coton comme un sujet
autonome dans les négociations et d'obtenir une solution rapide compte
tenu de la situation difficile dans leurs pays. Ils ont notamment tenu des
consultations avec la délégation américaine et organise
à plusieurs événements comme les journées de coton
dénommées « cotton days ».
En mars 2004, à la demande des pays africains, le
secrétariat de l'OMC a organisé un atelier à Cotonou
(Bénin) sur le sujet au cours de laquelle il fut reconnu que le dossier
coton recouvre deux composantes : une relative à l'aspect commercial
à traiter au sein des négociations à l'OMC, et l'autre,
liée à la dimension du développement pour laquelle les
pays développés et les organisations
internationales ont été invitées à
aider les pays africains à surmonter les difficultés de la
filière, relatives notamment aux problèmes de recherche
pédologique, de rendement et de réorganisation structurelle de la
filière. Deux mois plus tard, l'Union européenne a
convoqué un grand Forum à Paris sur l'aspect développement
de la
11 Concurrence, investissements, facilitation des
échanges et marchés publics
15
filière cotonnière en Afrique, au cours duquel elle
a pris un certain nombre d'engagements pour aider la production du coton en
Afrique dans le cadre d'un partenariat UE-Afrique sur le coton.
En prélude aux importantes négociations
prévues fin juillet à Genève, les ministres du commerce du
Groupe G-90 (ACP, PMA, Groupe africain) se sont réunis à Maurice
début juillet 2004 une déclaration qui réaffirme que
« le G-90 insiste sur la nécessité de l'aborder en tant
que question distincte et séparée et non pas dans le cadre des
négociations globales sur l'agriculture. L'ensemble de résultats
de juillet doit inclure un engagement clair de traiter rapidement et
minutieusement les aspects de l'initiative liés au commerce et les
aspects liés au développement par le biais d'un processus rapide
».
Après la distribution du projet de texte de
«l'ensemble de résultats de juillet» par le secrétariat
de l'OMC le 16 juillet qui donne un aperçu de l'état des
négociations dans tous les domaines et doit servir de base pour
négocier l'accord cadre du 31 juillet, les Membres ont entamé des
négociations intensives de deux semaines sous diverses formes à
partir du 19 juillet. Concernant le coton, une réunion de
négociation a été convoquée entre la
délégation du C_4 et celle des Etats-Unis emmenée par
Robert Zoellick, qui deviendra par la suite président de la Banque
Mondiale. Après 19 heures de négociation ininterrompue, la
délégation américaine reconnut finalement que l'initiative
en faveur du coton était une question sérieuse qui
méritait d'être résolue mais qui doit être
traité dans le volet agriculture car le coton est un produit
agricole.
Après des mois de négociation à la suite de
Cancun, le C_4 accepta l'inclusion du coton dans la négociation agricole
globale en juillet 2004. Néanmoins, tous les membres de l'OMC ont
approuvé la nécessité d'un traitement « ambitieux,
spécifique et rapide » pour le coton. Le C_4 obtint
également la création d'un sous-comité coton au sein du
Comité Extraordinaire sur l'agriculture qui malheureusement n'est jamais
devenu un organe incontournable pour la négociation sur le coton.
Après juillet 2004, les négociations
s'engagèrent sur une route longue et sinueuse. L'action politique
était toujours nécessaire mais la mobilisation des ressources
humaines du C_4 ne fut pas toujours aisée. Toutefois, chacun des pays du
C_4 a pu établir une mission à Genève, ce qui a beaucoup
amélioré leur participation effective à la
négociation et la coopération entre les membres de ce groupe.
Au bout du compte, toutes ces consultations informelles
conduisirent à des décisions relatives au coton dans l'ensemble
de résultats de juillet 2004, et notamment que l'Initiative sectorielle
en faveur du coton serait abordée de deux manières distinctes :
d'une part la considérations de ses « aspects relatifs au commerce
», qui relèvent de la compétence de l'OMC, et d'autre part
les « aspects relatifs au développement » pour lesquels le
rôle de l'OMC serait d'encourager et de guider le renforcement de l'aide
au développement du secteur du coton dans les pays affectés.
16
Avec l'ensemble de résultats de Juillet 2004 et
l'inclusion du dossier coton dans le programme de Doha pour le
développement, les efforts fournis par le C_4 jusque-là
étaient en partie récompensés. Cependant, la pression des
différents alliés fut si forte que le C_4 fut obligé
d'accepter que le dossier soit versé dans les négociations
agricoles, et n'ont donc pas obtenu de faire du coton un dossier autonome comme
il l'avait souhaité. Le C_4 s'est alors résolu à
travailler pour sécuriser un bon résultat pour le coton dans le
cadre des négociations agricoles.
L'accord prévoyant que le coton serait traité de
manière "ambitieuse, rapide et spécifique" dans le cadre
des négociations sur l'agriculture, un Sous-comité coton fut
créé au sein de l'OMC le 19 novembre 2004. Celui-ci a pour mandat
de faire porter ses travaux sur « toutes les politiques ayant des effets
de distorsion des échanges affectant le secteur », dans les trois
domaines clés des négociations sur l'agriculture,
nommément l'accès au marché, les subventions à
l'exportation et le soutien interne du coton. Malheureusement après Hong
Kong, ce Comité n'est jamais devenu un organe incontournable pour la
négociation.
Le travail du sous-comité s'est ensuite intensifié
en aval de la sixième conférence ministérielle qui devait
se tenir à Hong Kong en décembre 2005, avec la soumission de deux
propositions importantes par le C_4 et l'Union européenne lors de la
huitième réunion du Sous-Comité du coton le 18 novembre
2005 qui comprenaient des mesures que les Ministres pourraient prendre à
Hong Kong.
D'une part, la proposition du C_4 prévoyait
l'élimination totale des subventions à l'exportation sur le coton
d'ici à la fin de l'année 2005 ainsi que des améliorations
substantielles en termes d'accès aux marchés avec accès en
franchise de droits et sans contingent pour le coton des pays les moins
avancés. Concernant le soutien interne ayant des effets de distorsion
des échanges, la proposition prévoyait une élimination
progressive à hauteur de 80 pour cent d'ici à la fin de 2006,
plus 10 pour cent en 2007 et 10 pour cent en 2008, pour aboutir à une
élimination totale au 1er janvier 2009. Finalement, le texte abordait
les aspects relatifs au développement en proposant un fonds d'urgence en
cas d'effondrement des prix internationaux, ainsi qu'une assistance technique
et financière pour le secteur du coton en Afriquei.
D'autre part, la proposition de l'Union européenne pour
Hong Kong demandait que les Ministres conviennent de réductions plus
importantes pour le coton que pour le reste de l'agriculture en ce qui concerne
les trois piliers. Par ce texte, l'UE faisait également savoir qu'elle
était prête à éliminer tous les droits, contingents
et autres restrictions quantitatives sur les importations provenant de tous les
pays, les soutiens internes ayant le plus d'effets de distorsion des
échanges (MGS) et toutes les subventions à l'exportation, et
à appliquer des disciplines sur les subventions relevant de la
catégorie bleue dès l'année 2006.
I.1.3. Conférence de Hong Kong : Mandat
donné sur le coton
La sixième conférence ministérielle qui
s'est tenue du 13 au 18 décembre 2005 à Hong Kong, se voulait une
étape importante menant les membres aux deux tiers du chemin vers un
accord final qui était à l'époque prévu en juillet
2006, et qui poserait de toute manière les bases pour les
négociations de l'année suivante.
17
Avant la séance plénière formelle qui devait
traiter de la question du coton, de nouvelles consultations entre les
Etats-Unis et le C_4 ont eu lieu au cours desquelles les derniers ont
demandé aux premiers des indemnités pour compenser les pertes
subies à cause des subventions. Les États-Unis ont rejeté
cette demande, faisant valoir qu'ils fournissaient déjà des
initiatives comme l'AGOA et le Millenium Challenge Account (MCA) dont
les pays du C_4 étaient bénéficiaires. Cependant, les
Etats-Unis ont proposé une initiative qui aide à accroître
la productivité du coton dans la région, qui fut lancée
quelques temps après sous le nom de « Programme de renforcement du
secteur coton en Afrique de l'Ouest et du Centre » (WACIP en anglais).
En séance plénière, la proposition que le
C-4 avait présentée au Sous-Comité du coton à
Genève un mois auparavant fut l'un des points centraux des discussions
et fut soutenue par de nombreux pays africains et des différents
groupes, notamment en développement. A cette occasion, l'UE a quant
à elle réitéré l'annonce qu'elle ouvrirait ses
marchés et réduirait ses subventions. Fait important, les
Etats-Unis ont admis qu'ils avaient la responsabilité de régler
le problème et qu'ils ne s'en déchargeraient pas, faisant valoir
que la réforme de leurs subventions à l'exportation était
déjà en cours après la décision de l'ORD dans le
cadre de leur différend avec le Brésil. Cependant, ils ont
également minimisé l'impact de leurs subventions en mettant en
avant les contraintes du côté de l'offre des pays africains, pour
lesquelles ils ont rappelé leurs engagements en termes d'aide au
développement.
Finalement, dans la déclaration finale de la
Conférence ministérielle de Hong Kong, les ministres du commerce
ont réaffirmé le mandat du Conseil général de
juillet 2004 et se sont engagés à « faire en sorte d'avoir
une décision explicite sur le coton dans le cadre des
négociations sur l'agriculture et par le biais du Sous-Comité du
coton de manière ambitieuse, rapide et spécifique ». Les
ministres ont également réaffirmé la
complémentarité des aspects relatifs aux politiques commerciales
et à l'aide au développement sur la question du coton. Le mandat
ainsi donné aux membres de l'OMC sur concernant les aspects relatifs au
commerce concerne : (i) l'élimination de toutes les formes de
subventions à l'exportation pour le coton par les pays
développés en 2006; (ii) l'accord par les pays
développés d'un accès en franchise de droits et sans
contingent aux exportations de coton en provenance des pays les moins
avancés (PMA) à compter du début de la période de
mise en oeuvre; et (iii) travailler en priorité sur l'objectif que les
subventions internes à la production de coton qui ont des effets de
distorsion des échanges soient réduites de manière plus
ambitieuse que pour le reste de l'agriculture, avec un délais de mise en
oeuvre également plus court.
Sur la base de ce mandat, le travail technique et de
négociation a repris en 2006 avec comme objectif principal une
réduction des subventions internes plus ambitieuse pour le coton que
pour les autres produits agricoles, alors que dans le même temps
commençait la mise en oeuvre des mesures à prendre par le
Directeur général, la communauté du développement
et les pays africains producteurs de coton.
18
I.1.4. Développement de 2006 à 2008
Partant du Mandat de Hong Kong, en juin 2006, les quatre pays
porteurs de l'Initiative sectorielle en faveur du coton ont soumis une nouvelle
proposition concernant les modalités et disciplines sur le coton dans
les trois piliers des négociations agricoles12. En plus
d'aborder les disciplines relatives à l'accès au marché et
à la concurrence à l'exportation, cette proposition
précise les concepts de modalités applicables aux
différents types de soutiens internes (catégorie bleue,
catégorie orange) sur le coton avec effet de distorsion sur les
échanges en prévoyant leur réduction substantielle
jusqu'à conduire à leur élimination totale, et
précise également les périodes de référence
et de mise en oeuvre.
Concernant le soutien interne relevant de la «
catégorie bleue » (certaines mesures de soutien faisant partie de
programmes de limitation de la production), le C_4 propose que le plafond
applicable au coton s'élèvera à un tiers du plafond par
produit adopté dans le cadre de la négociation agricole.
Concernant les soutiens relevant de la « catégorie orange »
(soutien interne avec effet de distorsion sur les échanges), le C-4
propose une formule dotée d'un coefficient correcteur qui
détermine un taux de réduction de la MGS supérieur pour le
coton conformément au cadre de juillet 2004 confirmé à
Hong Kong de traiter le coton de façon « ambitieuse, rapide et
spécifique ». La formule est la suivante :
RC = Réduction pour le coton, RG = Réduction
générale dans l'agriculture.
Au cours de toutes les consultations ultérieures, le C_4 a
demandé à la délégation américaine de faire
des contre-propositions, mais sans succès jusqu'à aujourd'hui.
Ainsi, il y a eu peu d'évolution depuis 2006 en ce qui concerne les
aspects relatifs au commerce du dossier coton par refus catégorique des
autres protagonistes de la question du coton d'entrer véritablement en
négociation, et cela malgré le mandat on ne peut plus clair
donné à Hong Kong qui érigeait la question en une
priorité des négociations commerciales du Cycle de Doha.
Pourtant, les mots prononcés en mars 2007 par l'Ambassadeur de la
Nouvelle-Zélande, M. Crawford Falconer (à l'époque
président de la Session Extraordinaire du Comité de
Négociations sur l'Agriculture du Sous-Comité coton) à
l'issue d'une importante Session de haut niveau sur le coton convoquée
par le Directeur général de l'époque Pascal LAMY devraient
donner matière à s'engager : « Je peux dire sans
hésitation que le Cycle de Doha n'aboutira pas si nous n'obtenons pas de
résultat en ce qui concerne le coton »ii.
D'ailleurs plus tard soit en août 2007 et en
février, mai, août et décembre 2008, le Président,
Crawford FALCONER a soumis un projet de texte de modalités sur
l'agriculture et le coton dont celle du 6 décembre 2008. Les
propositions sur le coton sont contenues aux paragraphes 43 et 53, à 58
en ce qui concerne le soutien interne du projet de modalités. En
substance, elles reprennent les propositions de
12 Accès aux marchés, soutien interne et
Concurrence à l'exportation
modalités soumises par le C4, et qui sont contenues dans
le document WT/AG/GEN/22 du 16 Juin 2006, notamment en ce qui concerne :
- la formule de réduction des soutiens internes de la
catégorie orange ;
-
le plafond des soutiens de la catégorie bleue ;
19
- la période de référence pour le coton ;
- la période de mise en oeuvre pour le coton ;
- le traitement spécial et différencié pour
le coton.
Le Président FALCONER prévoit dans le projet de
modalités, des disciplines supplémentaires pour traiter les
situations d'accroissement de niveau de soutiens de la boîte bleue qui
résulteraient du transfert des soutiens de la boîte orange.
En effet, conformément à la Déclaration
Ministérielle de Hong Kong de décembre 2005, le Président
FALCONER a prévu de conférer au coton la
spécificité et le niveau d'ambition nécessaires en portant
à 2 pour 1 le rapport de traitement du coton en cas d'accroissement des
soutiens de la catégorie bleue qui proviendraient de la réduction
des soutiens de la catégorie orange, contre un rapport de 1 pour 1 pour
tous autres produits.
I.1.4.1. Réaction des Parties prenantes du dossier
coton au projet de Modalités
I.1.4.1.1. Réaction de l'Union Européenne
(UE)
Dans sa réaction écrite qu'elle a
communiquée à la délégation du C_4, l'UE a
indiqué qu'elle accepte les propositions de modalités sur le
coton présentées le 16 Juin 2006 par le groupe des quatre pays,
mais qu'elle aurait des difficultés à mettre en oeuvre les
disciplines additionnelles prévues au paragraphe 38 du texte du
Président FALCONER. Elle demande que le rapport de 1 pour 1 soit
appliqué et qu'une exception ne soit pas faite au coton.
L'UE a déclaré que dans le cadre de la
réforme de la PAC en 2003 dans le secteur du coton, elle a fait de gros
efforts pour rendre son soutien au coton compatible avec les règles de
l'OMC, notamment en transférant un soutien de type boîte orange
(ayant des effets de distorsion sur les échanges) vers des soutiens de
type boîtes bleue (ayant moins d'effets de distorsion13 ) et
verte (n'ayant pas d'effets de distorsion). De toutes les consultations qu'elle
a eu avec le C_4, l'UE a invoqué des contraintes constitutionnelles
réelles l'empêchant d'aller plus loin dans le découplage
des aides. Elle a fait savoir particulièrement qu'elle a
déjà effectué des réformes en 2003 dans le secteur
du coton produit en Grèce, en Espagne et au Portugal,
c'est-à-dire le découplage à 65 % entre le niveau des
soutiens et la production sous forme de paiement unique, applicable à
partir de l'année 2006, et qu'elle ne pourra pas aller au-delà de
cette limite en raison des problèmes constitutionnels qu'elle aurait au
niveau communautaire au regard des dispositions des protocoles
d'adhésion de la Grèce et de l'Espagne à l'Union
européenne.
13 Effet sur le commerce international qui fausse la
concurrence
20
Elle a demandé que les résultats des
négociations des soutiens internes de la boîte bleue
accordés au coton lui permettent de situer à environ trois cent
millions (300. 000. 000) d'euros ses dépenses au titre de cette
boîte qui sont estimés actuellement à environ deux cent
soixante dix-huit millions (278. 000. 000) d'euros.
I.1.4.1.2. Réaction des États-Unis
(EU)
Initialement, les EU avaient souligné que les propositions
du C_4 vont au-delà du mandat donné sur le coton. En effet, ils
ont considéré que le niveau proposé pour la
réduction des soutiens internes accordés au Coton est trop
élevé sans toute fois faire de propositions ou de
contrepropositions.
I.1.4.1.3. Réaction du Groupe C_4 et des autres
groupes de négociations
Le Groupe C_4 appuyé par d'autres Groupes de
négociation (Groupe Africain, Groupe des PMA, G-20, Groupe des ACP) et
par d'autres Membres individuels, a soutenu l'approche suivante :
Un résultat sur le coton qui serait conforme au mandat de
Hong Kong (traitement ambitieux, rapide et spécifique) devra suivre :
- l'application de la formule de réduction des soutiens
internes de la
boîte orange accordés au coton, proposée par
le C_4, et reprise dans le projet de modalités présenté
par le Président de la Session Extraordinaire du Comité de
l'Agriculture ;
- la fixation du plafond spécifique pour les soutiens de
la boîte bleue accordés au coton, qui sera le 1/3 de ce qui
résulterait de l'application
de la méthodologie prévue audit document ci-dessus
cité ;
- l'application de la discipline supplémentaire de 2
pour 1 concernant l'accroissement des soutiens de la boîte bleue
provenant de la boîte orange ;
- la période de référence de 1995-2000 pour
le coton.
Au total, le C_4 et les autres Groupes de Membres et Membres
individuels ci-dessus mentionnés soutiennent l'approche proposée
par le Président FALCONER dans son texte pour la réduction des
soutiens internes qui distordent le commerce international du coton.
I.1.5. Développement depuis décembre 2008
à octobre 2013
Depuis décembre 2008, les négociations se
poursuivent sous plusieurs formats, processus dit de la « Salle E ou du
salon vert 14 », consultations informelles ouvertes
consultations « quadrilatérales15 » sans qu'aucun
résultat tangible n'ait été obtenu,
14 Le salon vert désigne, plutôt
qu'un lieu précis, un processus par lequel les chefs de
délégation recherchent informellement un consensus
généralement sous la présidence du Directeur
général. Parmi les Ministres, ou les ambassadeurs ou hauts
fonctionnaires, qui se réunissent dans le salon vert, figurent les
coordinateurs de tous les principaux groupes existant à l'OMC. Cette
représentation garantit que toutes les positions de tous les pays et
toutes les régions sont représentés dans les
négociations.
15 Brésil, C_4, Etats-Unis, Union
Européenne
21
principalement du fait du refus catégorique des Etats-Unis
d'Amérique d'entrer véritablement en matière sur la
question.
C'est dans ce sens que dans le cadre de la huitième
Conférence Ministérielle de l'OMC qui s'est
déroulée du 15 au 17 décembre 2011 à Genève
(SUISSE), le C_4 avait soumis aux Membres de l'OMC un projet de décision
sur le coton, publié par l'OMC sous la double cote TN/AG/GEN/32 et
TN/AG/SCC/GEN/11 du 08 novembre 2011 (voir annexe) afin d'obtenir des
résultats provisoires de cette question.
Mais après plus de trois semaines de tractations et de
consultations dans tous les formats et configurations possibles sur la
proposition, les Etats-Unis ont rejeté la proposition et finalement la
question du coton a été évoquée dans le cadre des
« éléments pour des orientations politiques » de la
conférence. C'est là, le plus petit niveau possible de
convergence auquel les membres sont parvenus, alors que le coeur de cible de
combat du C_4 est et demeure constitué par les subventions au coton
ayant des effets de distorsion sur le marché international du coton des
effets de distorsion des échanges que le projet de décision
visait en substance.
Il également bon de savoir que dans le cadre de la
sensibilisation et du plaidoyer, le C_4 effectue souvent des missions de
sensibilisation et de plaidoyer au Etats-Unis. Et comme la Farm Bill est en
discussion depuis 2012 à Washington au sein du Congrès et du
Senat, en juin 2012, une délégation du C-4 a effectué une
mission à Washington.
Il s'est agi pour le C-4, à cette étape
décisive de débats sur la révision de la Farm Bill, de
plaider pour que les programmes relatifs au coton envisagés dans le
cadre des discussions consacrées à la révision de ladite
loi permettent de réduire les distorsions que les subventions
accordées par le Gouvernement des États-Unis d'Amérique
provoquent sur le marché mondial du coton.
Il faut savoir que c'est cette loi, en effet, qui contient les
dispositions relatives aux subventions américaines à
l'agriculture et en particulier au coton qui sont querellées au niveau
de l'OMC, ainsi que leur mode de déclenchement selon le niveau des cours
mondiaux du coton.
Aux dernières nouvelles (1er octobre 2013) les
deux chambres ont été incapables de parvenir à un
compromis sur le budget définitif, déclenchant un arrêt du
gouvernement fédéral. Compte tenu de l'impasse budgétaire,
le Congrès a également été incapable de parvenir
à un accord sur un projet de loi agricole 2013, Compte tenu de cette
impasse les programmes de subventions existants sont susceptibles de continuer
sur la base de la prolongation de loi d'orientation agricole de l'année
dernière.
Comme les nouvelles ne sont pas rassurantes du côté
des Etats-Unis, dans la perspective de la 9ème
Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra du 03 au 06
décembre 2013 à Bali, le C-4 a soumis aux Membres de OMC un
projet de décision (proposition intérimaire uniquement en vue de
Bali) sur le coton, publié par l'OMC sous la double cote TN/AG/GEN/33 et
TN/AG/SCC/GEN/12 du 24 octobre 2013 (voir annexe).
22
D'une manière générale et tout comme celle
de 2011, cette proposition de décision qui comprend 3 volets : volet
commercial, volet développement et volet suivi réitère le
mandat de Hong Kong de décembre 2005.
Afin d'obtenir l'inscription effective de cette question à
l'ordre du jour de la Ministérielle de décembre, le C-4 s'est
employé à Genève à rallier les Membres de l'OMC en
forgeant le consensus le plus large possible autour de cette proposition.
Dans ce cadre, des démarches ont été
effectuées en direction des regroupements de négociation,
alliés stratégiques traditionnels du C-4. Il s'agit notamment du
Groupe Africain, du Groupe des Pays les Moins Avancés, du Groupe ACP et
du G-20.
Des consultations ont également eu lieu avec des
délégations individuelles qui sont des protagonistes clés
du dossier coton, en l'occurrence : le Brésil, l'Inde, la Chine, l'Union
Européenne et les Etats-Unis d'Amérique.
Au cours de ces différentes rencontres, le C-4 a
procédé à une présentation du projet de
décision, suivie d'un plaidoyer en faveur de son inscription à
l'ordre du jour de la Conférence ministérielle de l'OMC en
décembre 2013 à Bali, et a dans ce sens, vivement exhorté
tous ses interlocuteurs à faire preuve de flexibilité et à
s'engager dans une discussion franche et féconde en vue de parvenir
à une solution rencontrant l'agrément de tous.
D'une manière générale, s'il y a un soutien
inconditionnel à l'esprit et à la lettre du projet de
décision du C_4 de la part du Groupe des PMA, du Groupe Africain et du
Groupe des ACP et Un soutien, non moins explicite, mais assortie de
modifications mineures liées plus à la forme qu'au fond faveur du
projet de décision de la part du G-20, du Brésil, et de la Chine.
L'Union Européenne (UE) a quant à elle exprimé un appui
prudent en principe satisfaite par la soumission du C-4. L'Union
Européenne soutient l'idée de la clause de statut quo en ce qui
concerne les soutiens internes sous réserve qu'elle respecte le niveau
des 272 millions d'Euros qui lui sont concédés au titre de la
boîte bleue.
La seule objection non étonnante est venue des Etats-Unis
d'Amérique qui ont déclaré n'est pas être en mesure
de discuter en ce moment de la proposition du C_4 sur le coton compte tenu de
la situation à Washington. Mais d'ores et déjà, ils ont
indiqué que le coton est lié à l'agriculture et à
ce stade et se déclarent non recevabilité de la soumission du
projet décision du C-4 et ce, pour la simple raison que depuis 2011 rien
n'a changé et en plus, ils n'ont rien obtenu jusqu'à
présent de la part de leur partenaire de concessions
intéressantes dans les autres domaines de négociations.
Les consultations continuent avec les différentes parties
prenantes de la question du coton, sous l'égide du facilitateur des PMA
et du Président du Comité de l'Agriculture (Session
spéciale), afin de parvenir à un accord sur cette soumission
à Bali et de soulager un temps soit peu la vie de plusieurs millions de
personnes dont l'avenir et la survie sont liés à cette culture
vitale.
23
II. Point des négociations sur le volet
Développement
Suite aux réunions de mars 2004 à Cotonou et de
juin 2004 de l'Union Européenne à Paris sur l'aspect
développement, le Conseil général de juillet 2004 a
été décidé de reconnaitre que le traitement de la
question du coton comportera deux volets dont un volet relatif aux politiques
commerciales et l'autre volet relatif à l'aide au développement
du coton.
En octobre 2004, conformément au mandat du Conseil
Général du mois d'août de la même année, le
Directeur Général de l'OMC forma un « Mécanisme du
cadre consultatif du Directeur général de l'OMC en faveur du
coton », composé du C_4, des pays donateurs bilatéraux et
des institutions multilatérales, notamment le FMI et la Banque mondiale.
Ces consultations, qui ont pour principal objet l'échange de
renseignements sur l'aide en faveur du coton et de permettre aux membres
d'être informés de la situation des négociations et du
marché, ont élargi la participation de la communauté du
développement pour remédier à la question du coton.
Finalement la Conférence ministérielle de Hong Kong
de décembre 2005 a entériné l'option prise à
Genève (Paquet de Juillet 2004) d'aborder la question du coton, non
seulement du point de vue commercial, mais également à travers
l'aspect « développement et ont également
réaffirmé la complémentarité des aspects relatifs
aux politiques commerciales et à l'aide au développement sur la
question du coton. Dans ce sens, Concernant les aspects relatifs au
développement: (i) l'intensification des efforts de consultation du
Directeur général avec les institutions compétentes,
notamment en vue d'explorer la possibilité d'établir un
mécanisme pour faire face aux baisses de revenu dans le secteur du coton
jusqu'à la fin des subventions; (ii) le Directeur général
devra aussi fournir un rapport périodique à la prochaine
conférence ministérielle et mettre en place un mécanisme
de suivi et de surveillance approprié ; (iii) l'intensification par la
communauté du développement de l'aide concernant
spécifiquement le coton, notamment par la promotion de la
coopération Sud-Sud dans des domaines tels que le transfert de
technologies ; et (iv) la poursuite des efforts de réforme interne des
producteurs de coton africains visant à accroître la
productivité et l'efficience.
Conformément au mandat confié par les Ministres du
Commerce à Hong Kong en 2005 réaffirmant le cadre de juillet
2004, le Directeur général de l'OMC a poursuivi son travail de
consultation à travers le mécanisme du cadre consultatif du
Directeur général de l'OMC en faveur du coton. Dans ce cadre, il
a mis en place un tableau opérationnel évolutif sur l'aide au
développement en faveur du coton dont la circulation
régulière devait faciliter le suivi des progrès accomplis
sur les aspects du dossier coton relatifs au développement. Ce tableau
évolutif comprend trois parties : (i) l'aide au développement
portant spécifiquement sur le coton ; (ii) l'aide au
développement en faveur du coton fournie dans le cadre de l'aide
liée à l'agriculture et aux infrastructures ; et (iii) les
ressources disponibles pouvant être utilisées pour le secteur du
coton si le pays bénéficiaire éligible le souhaite.
Aujourd'hui, ce tableau constitue l'instrument sur la base duquel s'engagent la
communauté du développement et les bénéficiaires de
l'aide au développement en faveur du coton, ainsi que la base sur
laquelle est préparé le rapport périodique du Directeur
général
24
aux conférences ministérielles. C'est un instrument
de transparence, et une référence pour ceux qui doivent rendre
des comptes et surveiller la mise en oeuvre.
Le paragraphe 12 de la déclaration ministérielle de
Hong Kong définit le cadre dans lequel il est demandé à la
communauté internationale du développement « d'intensifier
encore son aide concernant spécifiquement le coton et de soutenir les
efforts du Directeur général ». Dans ce contexte, il est
demandé « instamment aux Membres de promouvoir et d'appuyer la
coopération Sud-Sud, y compris le transfert de technologie ».
En même temps, les pays africains producteurs de coton sont
encouragés à poursuivre et à approfondir leurs efforts de
réforme interne visant à accroître la productivité
et l'efficience de leurs filières cotonnières.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions qui
à travers le Mécanisme du cadre consultatif du Directeur
général (de l'OMC) en faveur du coton, deux réunions se
tiennent par an pour faire le point des contributions des donateurs et des
reformes internes dans les pays producteurs de coton du sud.
La dernière (la 20ème) s'est tenue en
fin octobre 2013 et la 16ème version du tableau
évolutif sur l'aide au développement en faveur du
coton16 a fait l'objet de l'examen des participants.
La mise à jour du tableau évolutif a
été rendue possible par les contributions du Brésil, des
Etats-Unis, du Japon et de l'Union européenne (ainsi que de plusieurs de
ses États membres), et de plusieurs institutions multilatérales,
à savoir la Banque mondiale, le CFC, la FAO, le FMI, l'ITC et l'ONUDI.
Il convient de signaler l'appui constant et les contributions importantes
apportés par le Brésil, la Chine et l'Inde concernant la
plateforme de coopération Sud-Sud.
Elle fait ressortir, en ce qui concerne l'Aide au
développement spécifique en faveur du coton, que le nombre de
bénéficiaires individuels est passé de 25 dans la version
précédente (15ème version du tableau sur l'aide
au développement) à 32, tandis que le nombre total d'engagement
est passé de 43 à 46.
Dans le même temps, la valeur totale des engagements a
diminué, de 2,3 millions de dollars US pour s'établir aujourd'hui
à 363,2 millions de dollars US, principalement en raison du transfert
des projets terminés.
Les décaissements quant à eux ont diminué
de 13,1 millions de dollars US, pour atteindre 118,5 millions de dollars US. Il
en est de même du ratio décaissements totaux /engagements totaux
qui a légèrement diminué, passant 36% à 33%. Le
nombre de bénéficiaires individuels est demeuré stable
à 28.
S'agissant de l'Aide au développement dans les domaines
de l'agriculture et des infrastructures connexes, le nombre total d'engagement
est passé de 44 à 46 et
16 Document de l'OMC publié sous la côte
WT/CFMC/6/Rev.15
25
la valeur totale de ces engagements a baissé à
4,86 milliards de dollars US, alors que les décaissements ont nettement
augmenté, de 593,9 millions de dollars US, pour atteindre 2,19 milliards
de dollars US.
Quant au ratio décaissements totaux /engagements
totaux, il a grimpé de 29% à 45%. Le nombre de
bénéficiaires individuels est passé quant à lui de
28 dans la version précédente à 19.
L'examen de ce point de l'ordre du jour a, en outre, permis
d'apprécier l'appui constant et les contributions importantes
apportés au titre de la coopération Sud-Sud par des pays
partenaires tels que le Brésil, la Chine et l'Inde, le Pakistan.
Les débats qui ont suivi l'examen de ce point font
ressortir la constance de la nécessité d'une évaluation
qualitative de diverses activités figurant dans le Tableau
évolutif. De nombreuses délégations ont à nouveau
souligné la nécessité de poursuivre la réflexion
s'agissant de l'évaluation de l'impact de l'aide en faveur du secteur du
coton dans le domaine des infrastructures sur le terrain, avec pour objectif,
d'identifier les contraintes et les besoins, tout en recherchant des solutions
possibles, propres à améliorer l'efficacité de cette
aide.
Huit ans après l'adoption de ces mesures, le C-4 constate
que les apports fournis par les partenaires au développement dans le
cadre de l'aspect
« développement » du dossier coton semblent,
sous leur forme actuelle, de plus en plus obsolète. C'est pourquoi, le
C-4 a demandé de tenir compte dans les négociations du
nécessaire lien entre l'aspect développement du dossier coton et
l'initiative de l'Aide Pour le Commerce (APC) et s'est engagé à
définir, en lieu et place des projets nationaux épars à
l'impact relativement limité, un cadre propice à la formulation
de programmes ou projets conjoints multidimensionnels et intégrés
à soumettre aux partenaires au développement. Cette option a
été acceptée et doit être mise en oeuvre.
Dans ce sens plusieurs pays pourraient se mettre ensemble pour
élaborer et soumettre des projets aux partenaires en
développement.
D'une manière générale, il est à
retenir que s'il est indéniable qu'il existe des progrès sur les
aspects d'aide au développement comme il ressort du rapport du Directeur
Général de l'OMC du mois de décembre 2012, des efforts
restent à faire, notamment, pour réduire l'écart entre les
engagements et les décaissements, d'une part, et pour mettre en place
des mécanismes efficients d'évaluation qualitative de l'aide et
de son impact, d'autre part.
III. Différend
Brésil/États-Unis
Il est intéressant de rappeler qu'avant le lancement de
l'initiative sectorielle en faveur du coton, le Brésil avait
initié en 2002 une plainte contre les Etats-Unis devant l'Organe de
règlement des différends (ORD) de l'OMC. Le Bénin et le
Tchad membre du groupe C_4 se sont d'ailleurs constitués tierces parties
dans cette affaire. Dans cette affaire, le Brésil reprochait aux
Etats-Unis de favoriser ses producteurs de
26
coton upland17 en leur garantissant des
mesures de soutien interne et des crédits à l'exportation.
En 2009, au terme d'une procédure de plus de sept ans au
cours de laquelle les Etats-Unis ont utilisé tous les recours possibles,
l'arbitrage de l'ORD a autorisé le Brésil à prendre des
mesures de rétorsion contre les Etats-Unis dont les mesures en cause
avaient été reconnues incompatibles avec l'Accord sur
l'agriculture et l'Accord SMC. Le Brésil était ainsi
autorisé à suspendre dans une certaine mesure des concessions ou
d'autres obligations au titre des Accords sur le commerce des marchandises, et
potentiellement de s'affranchir de certaines obligations au titre de l'Accord
sur les ADPIC et/ou de l'AGCS. Après avoir d'abord annoncé son
intention d'appliquer de telles mesures de rétorsion, le Brésil a
annoncé en avril 2010 qu'il différait l'application de ces
mesures car il menait des discussions avec les États-Unis en vue de
parvenir à une solution mutuellement satisfaisante du différend.
Sous la menace, les Etats-Unis ont proposé la suppression des
crédits de garantie à l'exportation GSM-102. Les Etats-Unis ont
une autorisation de 5,5 milliards de dollars de garanties de crédits
à l'exportation. 2,7 milliards de dollars ont été
alloués et 1,9 milliards ont été utilisés
jusqu'à maintenant. La proportion non utilisée de ce
crédit sera retirée et placée dans un système neuf
et révisé qui reste à déterminé. Cela
représente une toute première étape vers la mise en
conformité de la politique commerciale américaine avec certaines
obligations de l'OMC. Un accord bilatéral passé entre les deux
protagonistes en 2010 offre également une compensation financière
au Brésil à hauteur de 147,3 millions de dollars par an pour
fournir une assistance technique et un renforcement des capacités en
faveur du secteur du coton. Le fonds restera en vigueur jusqu'à
l'approbation de la prochaine Farm Bill ou d'une solution mutuellement
agréée du différend sur le coton, si celle si intervient
avant.
Cet accord est indirectement bénéfique aux pays
africains producteurs de coton. En effet, le Brésil utilise une partie
(10%) de la compensation financière annuelle fournie par les
États-Unis pour accorder une assistance aux pays africains producteurs
de coton. De plus, cet accord maintient la pression sur les Etats-Unis pour
leur mise en conformité avec les règles de l'OMC. Ceux-ci n'ont
eu d'autre choix que de traiter de manière systémique au moins
une question : leur système de garanties de crédit à
l'exportation. Il faut espérer que ce premier pas débouche sur
une mise en conformité totale avec les obligations de l'OMC et un effort
signal doit être donné dans le cadre de la révision de la
farm bill en cours actuellement.
L'accord intérimaire montre aussi les limites du
système multilatéral. Il ressort que les grandes puissances
peuvent être amenées à la table des négociations
seulement sous la pression économique d'autres puissances, alors que les
règles du commerce multilatéral ont pour objectif de
protéger le faible contre l'usage arbitraire de la puissance
économique. Le fait que le Brésil reçoive une compensation
alors que les pays africains ne peuvent faire entendre leur cas légitime
ne contribue certainement pas à la croyance en un système
multilatéral équitable et participatif.
D'aucuns seront tentés de se demander pourquoi les
africains n'ont pas emprunté la même voie que le Brésil.
C'est en effet une option qui fut longuement
17 Variété de coton cultivée au
Etats-Unis
27
discutée, au début de l'initiative en 2003, au
cours d'une réunion ministérielle du C_4 à Ouagadougou
(Burkina Faso) mais qui ne fut pas retenue compte tenu du coût
généralement élevé des prestations des cabinets
d'avocats de qualité. Bien que le Centre Consultatif sur la
Législation de l'OMC (ACWL en anglais) puisse aider les PMA dans une
telle procédure, cette aide demeure largement insuffisante. De plus,
quand bien même les pays africains se seraient engagés avec
succès dans une telle procédure, ils n'auraient pas
disposé de véritables mesures de rétorsion pour forcer la
puissance américaine à se conformer à la décision
de l'ORD. C'est pourquoi le C_4 a préféré la voie des
négociations à l'OMC qui n'a, malheureusement, pas donné
les résultats escomptés jusqu'à présent.
Observations et conclusion
...Nous avons vu au niveau de l'aspect commercial du dossier
coton qu'à ce jour même s'il a eu quelques avancées sur
l'accès aux marchés et sur la concurrence à l'exportation,
le soutien interne est et demeure le levier sur lequel il faut rapidement agir
pour donner un signal fort à l'ensemble des pays les moins
avancés et africains producteurs de coton, car ce sont subventions
internes américaines et européennes qui posent le plus de
problèmes aux filières cotonnières africaines.
La position du C_4 (sa soumission de juin 2006 qui est toujours
sur la table des négociations) n'a pas varié, en ce sens qu'il la
juge comme étant la concession minimale pour laquelle il accepterait un
quelconque accord et repris dans les textes de modalités sur
l'agriculture.
Au niveau de l'aspect développement, tout en mesurant
l'importance de l'aide au développement en faveur du coton, le C_4 a
toujours souligné que l'aspect commercial reste la solution idoine pour
les filières cotonnières africaines menacées de
disparition. C'est pourquoi il a toujours appelé de tous ses voeux
à la conclusion rapide du Programme de Doha dans l'esprit du mandat
donné pour le coton dans la déclaration ministérielle
adoptée à Hong Kong en décembre 2005.
Mais quelles sont les autres problèmes du secteur
cotonnier notamment internes des filières cotonnières africaines
? C'est ce que nous allons voir dans le chapitre 2.
28
Chapitre II. Etat des lieux des filières
cotonnières en Afrique
Ce chapitre fera un état des lieux des filières
cotonnières en Afrique notamment les difficultés
rencontrées et les différentes réformes internes
entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain et enfin, un
volet relatif aux différentes aides sera détaillé.
I. Principaux problèmes du secteur coton en
Afrique
Les principaux problèmes du secteur cotonnier des pays de
l'Afrique notamment de l'Ouest et du Centre sont à la fois internes et
externes. Ils forment un ensemble complexe qui influe sur la production, la
consommation, le commerce et l'évolution des prix ainsi que sur la
capacité des organisations professionnelles à s'impliquer
substantivement dans les dynamiques du secteur.
I.1. Environnement
La culture du coton requiert exige l'utilisation importante de
pesticides, d'engrais chimiques et d'eau, provoquant un impact très
défavorable sur l'environnement. Les engrais à base de
nitrogène et les pesticides ont des effets de contamination de
l'environnement et requièrent des contrôles de suivis des
importations et une gestion rapprochée de leur utilisation.
A titre d'illustration, alors que l'immense majorité des
scientifiques annoncent un réchauffement climatique de la
planète, la production d'un kilo de coton nécessite en moyenne
l'utilisation de 5.263 litres d'eau contre 900 litres pour produire un kilo de
soja ou 590 litres pour produire un kilo de blé.
Une des conséquences les plus catastrophiques de la
production de coton a été le quasi-assèchement de la Mer
d'Aral, 4ème grand lac intérieur au niveau mondial, qui a ainsi
perdu en l'espace de 30 ans les 3/4 de son volume d'eau et la multiplication
par 3 de son taux de salinité.
Les politiques et les programmes se doivent d'intégrer les
résultats de la recherche sur les intrants, l'éco-culture et la
biotechnologie.
I.2. Compétitivité et productivité
La compétitivité et la productivité du coton
reposent sur la réduction des coûts et l'amélioration des
semences, des méthodes culturales et des intrants ; elles
requièrent des services d'encadrement plus efficaces.
L'accroissement de la production cotonnière en zone CFA a
été remarquable. Mais il a été du à
l'augmentation des surfaces cultivées : depuis une décennie, les
rendements ont plafonné et parfois diminué.
La baisse du cours mondial du coton est partiellement due
à la réduction du coût de production dans plusieurs pays
exportateurs et cette réduction reflète une évolution des
systèmes de production, qu'il s'agisse des semences
transgéniques18, de la
18 Le coton transgénique, introduit en 1996, couvre
aujourd'hui plus de 40% de la production mondiale et plus de 25% des
superficies cultivées, plus particulièrement dans les pays
développés et en Afrique du Sud où il atteint le niveau
d'utilisation de 80% ;
29
pratique du labour zéro ou d'autres innovations. Si les
pays africains veulent rester compétitifs, ils ne peuvent pas ignorer
cette évolution.
La poursuite de l'expansion requiert donc une augmentation des
rendements, c'est l'intensification de la culture qui permettra aux producteurs
d'augmenter leurs revenus par hectare malgré la stagnation ou la baisse
des cours mondiaux et assurera la pérennité de la
filière.
Il est à noter que sur ce point essentiel, les producteurs
africains et leurs partenaires sont tous d'accord.
I.3. Volatilité des prix
Selon le Comité Consultatif International du Coton (CCIC),
le prix mondial du coton égrené est très volatile quelle
que soit l'échelle de temps retenu. Cette volatilité des prix
constitue un risque permanent qui pèse sur le revenu des
cotonculteurs.
A titre d'illustration l'indice A19 traduit en FCFA a
augmenté de 24% entre 2001/02 et 2003/04 avant de chuter de 30% de
2003/04 à 2004/05. Si les prix reçus par les producteurs
étaient déterminés par les lois du marché, les
fluctuations de ces prix dépasseraient celles de l'indice A.
Les coûts encourus depuis la collecte du coton graine au
village jusqu'à la livraison au port de destination sont
comptent20 pour 45% de la valeur de l'Indice A et on estime que les
2/3 de ces coûts sont incompressibles. Des 55% restant, 1/3 n'est pas
versé au producteur, car il est prélevé pour apurer les
crédits intrants mis en place une année plus tôt. Aussi, le
montant perçu par le producteur ne représente qu'environ 37% de
la valeur de l'Indice A.
Si cet Indice baissait de 20% et si les frais compressibles ne
pouvaient être réduit que de 10%, le revenu net des producteurs
diminuerait de moitié, ce qui aurait des conséquences
désastreuses pour les ménages dépendant du coton pour
l'essentiel de leurs revenus monétaires et irait à l'encontre de
la lutte contre la pauvreté21.
I.4. Financier et Monétaire
En ce qui concerne les problèmes financiers la production
de coton nécessite d'importantes importations de pesticides, de semences
et d'engrais. A titre d'exemple, un rapport récent de l'OMC souligne que
la valeur des intrants par Madagascar pour la culture du coton a
été supérieure à la valeur du coton produit. Autre
exemple, de nombreux cotonculteurs indiens qui se sont lancés dans la
culture de coton OGM sont actuellement financièrement
étranglés, ne pouvant plus payer leurs factures de semences OGM
à leurs fournisseurs américains.
19 L'indice Cotlook A est conçu pour être
représentatif du niveau d'offrir des prix sur le marché
international du coton brut
20 Sur la base des données de la SOFITEX
(Burkina Faso),
21 Louis Goreux, « Volatilité des prix et
subventions », ACA 10 mars 2005
30
Monétaires également: les cours et par voie de
conséquence les revenus des cotonculteurs varient fortement en fonction
des fluctuations du dollar.
La dépréciation du dollar américain par
rapport au CFA arrimé à l'euro pénalise la filière.
Exemple, entre 2001 et 2008, le taux de change du dollar par rapport au CFA a
été divisé par 2. En avril 2002, le taux de change
était de 740 F CFA pour 1 dollar en moyenne contre 416 pour 1 dollar en
juillet 2008. Cette dépréciation du dollar par rapport au CFA a
eu pour conséquence la baisse du prix aux producteurs des pays de la
zone CFA.
I.5. Equilibre des filières coton
Les performances financières du secteur cotonnier, compte
tenu de la volatilité des prix du marché comparée aux
coûts de production et de commercialisation sont
caractérisées par des années déficitaires. Il est
besoin de mécanismes de compensation pour assurer au minimum
l'équilibre des comptes du secteur et assurer un revenu garanti aux
producteurs.
Face à la volatilité des prix et en l'absence de
compensations financières sur le plan international, les pays africains
sont contraints de recourir à la politique et à des
mécanismes de soutien.
Une des solutions proposée est celle du Fonds de soutien
dont la formule ne fait pas l'unanimité. Dans ce système, il
s'agit d'abonder le fonds dans les années fastes pour soutenir le revenu
dans les années néfastes. Le fonds peut réduire
l'amplitude des fluctuations d'année en année mais il ne peut pas
modifier la tendance à moyen terme. Si l'indice A marque une tendance
baissière, la filière ne peut rester compétitive que si
les coûts de production diminuent22.
I.6. Concurrentiels
Les producteurs de coton Africain sont face à de
très gros producteurs américains ou brésiliens,
très mécanisés. Les écarts de productivité,
de rendement et donc de coûts sont considérables, en
défaveur des pays africain.
I.7. Subventions
Le fait que les subventions cotonnières américaines
contribuent à déprimer le cours du coton sur le marché
mondial et causent un préjudice aux exportateurs de coton a
été reconnu par les juges de l'OMC comme nous l'avons vu au
chapitre précédent à l'issue du différend opposant
le Brésil aux Etats-Unis. L'expansion de la culture du coton a
contribué à réduire la pauvreté en zone
sahélienne et la relation de cause à effet ne semble plus
contestée.
Il y a lieu de rappeler simplement comme nous l'avons
également vu au chapitre précédent, le message puissant de
l'Initiative des quatre Pays les Moins Avancés (PMA) soumise en mai 2003
à l'OMC et qui stipulait à juste titre que l'élimination
des
22 Louis Goreux, « Soutien d'urgence », 29 mai 2005
31
subventions aux USA et dans l'Union européenne
réduirait la pauvreté de 10 millions d'africains vivant avec
moins de 1 dollar par jour et par personne et ne coûterait rien aux E.U
et à l'UE puisque les pertes de leurs producteurs seraient plus que
compensées par les gains de leurs contribuables.
I.8. Libéralisation et privatisation
L'expérience a montré que la libéralisation
conduisait généralement à une augmentation de la
production et une réduction des coûts. Certains en ont conclu que
la libéralisation de la filière cotonnière était la
solution pour l'Afrique. Si les cours baissent, il faut accélérer
les réformes et permettre la libre accès des opérateurs
privés à tous les maillons de la filière afin
d'intensifier la concurrence.
Mais, les réformes des filières cotonnières
africaines n'ont pas été sans causer de problèmes, comme
il apparaît dans l'étude comparative de six pays africains
conduite il y a deux ans23.
La production a augmenté plus rapidement en zone CFA
où la libéralisation était moins avancée (en
particulier au Burkina et au Mali) que dans le reste de l'Afrique (en
particulier, au Ghana et en Tanzanie) où les réformes
étaient plus avancées. Le monopole dont bénéficiait
la SONAPRA au Bénin a été aboli en 1995 avec
l'entrée d'égreneurs privés sur le marché, mais la
production du Bénin a plafonné de 1995/96 à 2004/05, alors
que celle du Burkina a quadruplé au cours de la même
période.
Néanmoins, l'augmentation de la production dans les pays
avant la libéralisation ne s'est pas toujours accompagnée d'un
équilibre des comptes du secteur et cette situation a requis des
interventions coûteuses de l'Etat.
Il faut sans doute réformer. Cependant, dans les processus
de réformes, il y aura lieu de tenir compte des leçons apprises,
des bonnes pratiques et des exigences d'efficacité.
I.9. Transformations locales
En exportant les produits finis au lieu de la fibre, les pays
africains seraient moins pénalisés par les subventions
accordées aux producteurs américains et l'Afrique
s'industrialiserait.
Des entreprises textiles ont été établies en
Afrique de l'Ouest depuis un demi-siècle, mais les résultats ont
été décevants. Il y a vingt ans, le Bénin, le
Burkina, la Côte d'Ivoire et le Mali transformaient localement 22% de
leur production de fibre, aujourd'hui, ils en transforment à peine
5%.
Le Sahel dispose d'un avantage comparatif dans la production de
coton fibre, car le coton est cultivé manuellement dans une zone
où le coût d'opportunité de la main d'oeuvre familiale est
très faible. Mais le Sahel ne dispose pas d'un avantage comparatif dans
la transformation de la fibre en filés, car cette transformation
requiert
23 « Reforming the Cotton sector in Sub-Saharan Africa
» by Louis Goreux. Second edition. Africa Region Working Paper Series, No
62, November 2003. Version française publiée par le MAE, Paris,
juillet 2003.
32
peu de main d'oeuvre non spécialisée et beaucoup
d'électricité qui est très chère au Sahel. Avec la
hausse récurrente du prix du pétrole, le problème ne
trouve pas de solution sinon ne fait que s'aggravé.
Dans une étude conduite sous l'égide de la
BOAD24 et présentée en juin 2003 à Ouagadougou,
les auteurs estimaient que, pour attirer les investisseurs, il faudrait leur
garantir une subvention de 30% sur leurs achats de coton fibre pendant une
période de 15 années au moins.
Il serait dangereux à notre avis de s'engager dans cette
voie, en particulier aujourd'hui lorsque certaines filatures américaines
ont été fermées après la récente suppression
des quotas sur les importations de produits textiles.
Ceci ne veut pas dire que les pays sahéliens ne doivent
pas transformer une plus grande part de leur coton en produits textiles
destinés à l'exportation. Mais cela prendra du temps et on ne
peut pas réduire le revenu des producteurs pendant 15 ans pour donner
des subventions aux filateurs sans compromettre la survie de la
filière.
En outre, dans l'hypothèse d'une conjoncture de hausse
continue du prix de pétrole, les graines de coton, déjà
triturées pour produire de l'huile alimentaire, peuvent être
transformées en carburant biologique. La filière huile et ses
esters constituent, en effet, à court terme une bonne opportunité
pour la production de biocarburants à base d'huile de coton incorporable
jusqu'à 30% dans le gazole traditionnel pour tous les types de moteurs
diesel selon certains chercheurs.
La production d'aliments du bétail à partir des
tourteaux issus des huileries qui triturent la graine de coton constitue une
autre voie de création de valeurs ajoutées. Il en est de
même pour l'artisanat textile dont le développement et la
promotion des produits vers les marchés internationaux notamment offre
une autre voie de transformation locale.
I.10. Intrants et crédits
Dans les systèmes intégrés des
sociétés cotonnières25 les intrants sont
fournis avec les crédits d'accompagnement et le mécanisme de
financement et de mise en place est bien rodé. Avec les privatisations,
les cotonculteurs devront se fournir les intrants et accéder
eux-mêmes au crédit. En outre, au niveau des exploitations
familiales, on note un « conflit » entre les logiques du coton et
celles plus larges de l'exploitation qui entraîne un détournement
des engrais coton vers les cultures vivrières.
Il devient alors urgent de veiller à assurer un
système efficace de financement et d'approvisionnement en intrants, de
mettre en place à temps (avec une saison d'anticipation) les intrants et
la commercialisation des semences et d'assurer
24 Etude d'identification et de promotion d'unités
industrielles régionales dans la filière coton de l'UEMOA »,
mars 2003.
25 Le financement du crédit d'achat des
intrants est assure par les sociétés cotonnières sur
nantissement du coton fibre et la mise en place des intrants auprès des
producteurs est réalise concomitamment avec l'enlèvement du coton
graine.
33
l'efficacité de la gestion des intrants au niveau des
exploitations pour une meilleure productivité.
I.11. Organisations professionnelles
Le développement des organisations professionnelles dans
le secteur du coton est une des caractéristiques des évolutions
récentes, celles-ci sont en montée de puissance.
Néanmoins les problématiques qui les
caractérisent sont celles du renforcement de leurs capacités et
de leur implication substantive dans la gestion du secteur. Il s'agit de
s'assurer que les paysans participeront de plus en plus efficacement dans des
filières privatisées, de renforcer leur capacités
d'influence dans la répartition du coût des filières et la
rationalisation de la gestion des sociétés cotonnières et
d'améliorer en continu l'organisation et la structuration internes des
organisations professionnelles du secteur cotonnier et renforcer leur
rôle de défense des intérêts du secteur et des
cotonculteurs (« advocacy role).
I.12. Autres problèmes liés au Contexte du
Commerce International
Au niveau international, régional ou bilatéral,
nous avons certains accords qui ont un impact sur le secteur cotonnier
africain.
I.12.1. Accord Multifibres (AM)
La disparition de l'Accord Multifibre en décembre 2004 a
fait du marché textile mondial un vaste marché ouvert à la
concurrence. Ce système de quotas avait jusqu'à présent
organisé l'accès préférentiel aux
marchés.
I.12.2. Loi des Etats-Unis sur la Croissance et les
Opportunités en Afrique (AGOA)
L'AGOA supprime tous les contingents applicables aux textiles et
aux vêtements en provenance d'Afrique sub-saharienne et élargit
l'accès en franchise de douane au marché américain pour
les vêtements fabriqués à l'aide de fils et tissus qui
n'existent pas aux Etats-Unis, avec du fil et du tissu africain et, pour les
pays africains les moins développés, avec du tissu en provenance
de pays tiers. De nombreux pays africains ont su profiter de l'AGOA, mais
malheureusement aucun pays de l'UEMOA ne fait partie encore des exportateurs du
fait, sans doute, de la quasi inexistence d'entreprises de confection dans
l'UEMOA.
I.12.3. Accords de Lomé et de Cotonou
Les Accords de Lomé et de Cotonou (Système de
Préférences Généralisées de l'U.E «
Tout sauf les armes ») accordaient un régime commercial
privilégié en faveur des pays ACP et étaient plus
avantageux que le « système de préférences
généralisées » pour les pays en développement.
Les Accords de Cotonou (juin 2000) prévoient essentiellement
que les préférences non réciproques actuelles et les
protocoles produits seront maintenus jusqu'au 31 décembre 2007. A
l'issus de cette
34
période, des accords de partenariat économique
seront conclus entre l'UE et des sous ensembles ACP constitués de zones
d'union douanière en vue de la libéralisation progressive des
échanges et entreront en vigueur en janvier 2008.
Depuis le 31 décembre 2007, certains pays notamment non
PMA non signé ou paraphé des APE intérimaires ou complets
alors que certaines questions comme la notion de règle d'origine
(origine du produit) ne sont pas encore réglées entre les parties
prenantes.
II. Différentes réformes internes
entreprises pour rendre plus compétitif le coton africain
Un accent est mis ici sur les différentes reformes
entreprises par les quatre pays membres de l'initiative sectorielle en faveur
du coton.
II.1. Production et rendement dans les pays du C_4
Selon les données du CCIC, la production de coton dans les
pays du C_4 (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) est passée de
101 000 tonnes de fibre en 1980/81 (août 1980-juillet 1981) au niveau
record de 759 000 tonnes en 2004/05, pour retomber ensuite à 326 000
tonnes en 2010/11et à 445 000 tonnes pour 2011/12.
Les exportations ont suivi la même tendance, passant de 97
000 tonnes à près de 750 000 tonnes entre 1980/81 et 2005/06,
mais elles sont en forte baisse depuis quelques années et
s'établi à 370 000 tonnes en 2011/12. L'utilisation de coton par
les filatures stagne à moins de 15 000 tonnes dans les quatre pays.
Entre 2004/05 et 2010/11, la superficie récoltée dans les pays du
C_4 a reculé de 46 pour cent, les rendements ont baissé de 21
pour cent et la production a plongé de 57 pour cent.
En conséquence, la part du C _4 dans la production
mondiale de coton est tombée de 2,8 à 1,3 pour cent, et sa part
dans les exportations mondiales de 8 à 4 pour cent.
Les rendements du coton dans les pays d'Afrique francophone n'ont
pas progressé depuis plus de 20 ans. Aucun des pays du C_4 n'a
réussi à augmenter ses rendements depuis longtemps.
L'augmentation des rendements résulte de l'adoption de nouvelles
technologies, associée à une utilisation accrue d'intrants.
Les rendements dans les pays du C_4 avoisinaient en moyenne 400
kilogrammes de fibre par hectare entre le début des années 1990
et 2005/06, mais ils ont ensuite baissé, et la moyenne est tombée
à 341 kilogrammes par hectare en 2010/11, soit 45 pour cent seulement de
la moyenne mondiale (752 kg par hectare). En 1990/91, il représentait 81
pour cent de la moyenne mondiale. Les rendements faibles augmentent les
coûts de production par kg et diminuent les revenus agricoles. On pense
généralement que le coût de production plus faible par
hectare dans l'Afrique francophone entraîne inévitablement un
coût de production plus faible par kg de fibre, mais ce n'est pas le cas.
Actuellement, il y a déjà très peu de possibilités
d'abaisser les coûts de production en réduisant l'utilisation
d'intrants ou en diminuant
35
le coût des opérations sur le terrain; la seule
solution viable qui permettrait aux pays du C_4 d'abaisser le coût de
production par kg serait d'accroître les rendements.
Les spécialistes du coton dans le C_4 indiquent que les
rendements sont nettement inférieurs au potentiel des
variétés existantes compte tenu des pratiques de production en
vigueur, c'est-à-dire, selon les estimations, 850 kilogrammes de fibre
ou 2 tonnes de coton graine par hectare.
Rendements du coton - Monde et Afrique
francophone
- - Afrique de l'Ouest -- Monde
Source : Comité Consultatif
International du Coton (CCIC)
Le maintien d'un système monopolistique de gestion de la
recherche cotonnière dans les pays d'Afrique francophone a
contribué à la stabilité organisationnelle dans la
région par rapport à l'Afrique orientale et australe, où
certains pays ont dû affronter des changements plus radicaux que
d'autres. La Coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement (CIRAD) a réduit son soutien à la recherche
dans les pays d'Afrique francophone, mais cela n'a pas modifié
l'orientation de cette recherche. L'une des caractéristiques
particulières au Burkina Faso et au Mali est l'intégration d'une
composante socioéconomique dans la recherche cotonnière.
II.2. Reformes internes du secteur coton dans les pays du
C_4
Le rythme et l'ampleur des réformes dans le secteur
cotonnier du C_4 varient d'un pays à l'autre. D'autres facteurs,
notamment les prix internationaux du coton, ont également eu des effets
importants sur la production. Trois des pays du C_4 (Bénin, Burkina Faso
et Mali) font partie de la même Union économique et
monétaire (UEMOA). Cette organisation régionale a engagé
un plan stratégique commun pour stimuler la compétitivité
du coton, la Stratégie coton-textile de l'UEMOA26.
Il ya lieu de mentionner que la mise en place en 2003 de l'«
Agenda coton-textile » avec pour objectif principal de parvenir à
terme à la transformation de 25% de la production de fibre coton de
l'espace communautaire a été révisé en novembre
2010 pour le rendre plus opérationnel au contexte international.
L'espace UEMOA
26 L'Agenda pour la compétitivité de la
filière coton textile de l'UEMOA a pour objectif central la
transformation du quart de la fibre produite annuellement dans l'UEMOA à
l'horizon 2020.
36
s'est-il doté donc en novembre 2010 de la stratégie
coton-textile avec comme vision globale de transformer d'ici à 2020, 25%
de la production annuelle de coton fibre, en y apportant plus de valeur
ajoutée et en créant par la même occasion 50.000 emplois
industriels.
II.2.1. Aperçu du système à
circuit unique dans les pays du C-4 avant les réformes actuelles
Avant la réforme, le secteur cotonnier était
intégré verticalement dans chacun des pays du C_4, une entreprise
nationale se chargeant de promouvoir la production, de fournir conseils et
intrants agricoles aux cultivateurs, d'acheter la totalité du coton
graine à des prix fixes et garantis à chaque campagne, d'assurer
le transport et l'égrenage du coton graine et d'écouler le coton
graine et la fibre. Tous les producteurs de coton appartenaient à des
organisations agricoles villageoises, qui étaient chargées de
distribuer les intrants aux agriculteurs et de collecter le coton graine dans
les villages. Leurs organisations de tutelle aux niveaux régional et
national jouaient un rôle important dans la formulation des politiques au
sein des filières cotonnières. Un prix d'achat garanti pour le
coton graine était annoncé dans chaque pays avant la plantation
sur la base du cours mondial attendu du coton. Le prix garanti était
appliqué à l'échelle du pays et pour toute la campagne.
Une ristourne était versée à la fin de chaque campagne de
commercialisation si le prix moyen sur le marché était plus
élevé que le prix d'achat27.
Plusieurs pays du C_4 ont commencé à
réorganiser leur secteur cotonnier au milieu des années 1990 et
ont adopté des politiques visant à encourager la privatisation
dans le cadre des programmes d'ajustement structurel lancés par le FMI
et la Banque mondiale. Des tentatives ont été faites pour
renforcer les organisations de producteurs afin qu'elles participent plus
activement aux décisions essentielles touchant le secteur. Les
réformes étaient censées transférer des fonctions
de gestion de la chaîne d'approvisionnement des gouvernements aux
entreprises et aux groupements de producteurs28.
Dans le cadre des programmes de réforme, les pays du C_4
ont élaboré chacun leur propre modèle pour surmonter les
différentes crises subies par leurs filières respectives et
devenir compétitifs dans l'économie mondiale de la fibre.
II.2.1.1. Réformes dans le secteur du coton au
Burkina Faso
Avant la réforme de 2004, le secteur fonctionnait selon un
système à circuit unique, la société
paraétatique SOFITEX détenant le monopole de la collecte, du
traitement et de la commercialisation des graines, fibres et semences de coton.
Dans de nombreuses régions, la SOFITEX était le seul fournisseur
d'intrants et de services de vulgarisation. En 2004, le secteur a
abandonné son système à circuit unique pour passer
à un système de monopole local. La SOFITEX s'est retirée
de deux zones géographiques, dont l'exploitation a été
concédée à titre exclusif à deux nouvelles
sociétés cotonnières privées. La coordination du
secteur a été confiée à une
27 Levrat, Régine, 'Le coton dans la zone franc depuis
1950 : Un succès remis en cause', Paris, Éditions l'Harmattan,
2009, pages 105 à 123.
28 Levrat, Régine, ibid., page
159.
37
association interprofessionnelle composée des associations
nationales d'agriculteurs et d'égreneurs.
En outre, le Burkina Faso a officiellement approuvé
l'utilisation commerciale du coton biotechnologique en 2009/10. Des
variétés Bt (résistantes aux vers du cotonnier) ont
été plantées sur 59 pour cent de la superficie totale en
2011/12. Toutefois, une grave sécheresse a limité la production
à 141 000 tonnes en 2010/11, et les pluies sont restées
inférieures à la moyenne en 2011/12. La production totale de
coton graine du Burkina Faso a été de 449 641 tonnes pour 2012/13
et la la production de fibre a été de 151 000 tonnes. Les
objectifs assignés permettent de s'inscrire, respectivement dans des
prévisions de l'ordre de 730 000 tonnes graine pour la campagne
2013-2014.
II.2.1.1.1. Processus de réforme au Burkina
Faso
Les réformes du secteur du coton au Burkina Faso visaient
à consolider les organisations de producteurs et à
libéraliser le secteur tout en préservant les avantages de
l'intégration.
En 1996, la SOFITEX a commencé à créer de
nouveaux de groupements de producteurs de coton (GPC) au niveau des villages
pour remplacer les groupements villageois, devenus insolvables en 1992. Des
unions départementales et provinciales des GPC ont été
créées en 1997, et l'Union nationale des producteurs de coton du
Burkina (UNPCB), qui représente au niveau national l'ensemble des unions
locales, a été établie en 1998.
L'État a cédé à crédit 30 pour
cent du capital de la SOFITEX à l'UNPCB (ramenant ainsi sa participation
à 35 pour cent) et a transféré la responsabilité de
la coordination/gestion du secteur du coton aux parties prenantes par la voie
d'un accord interprofessionnel entre l'UNPCB et la SOFITEX et de la
création d'un comité de gestion du secteur du coton.
La dernière étape de la libéralisation a
été la cession par l'État de certains actifs de la SOFITEX
à des investisseurs privés, sélectionnés par voie
d'appel d'offres. Les nouvelles sociétés, FASO COTON (groupe Aga
Khan et Paul Reinhart) et SOCOMA (groupe GEOCOTON), ont démarré
leur activité en 2004 dans le cadre de contrats de huit ans leur
accordant un droit exclusif d'achat du coton graine, respectivement dans le
centre et l'est de la ceinture cotonnière burkinabé. Ces zones
représentaient 15 pour cent de la production nationale. L'UNPCB
possède 10 pour cent des parts de FASO COTON et 13 pour cent des parts
de la SOCOMA.
En conséquence, trois sociétés
cotonnières se partagent actuellement le contrôle de la production
de coton au Burkina Faso :
- la SOFITEX (Société des fibres textiles du
Burkina) dans l'ouest avec 20 provinces ;
- la SOCOMA (Société cotonnière du Gourma)
dans l'est avec six provinces;
- FASO COTON dans le centre avec 12 provinces.
38
Ces trois sociétés disposent au total d'un parc de
18 usines d'égrenage d'une capacité journalière
cumulée d'environ 6 500 tonnes de coton graine et de deux usines de
délitage pour la production et le traitement de la semence.
II.2.1.1.2. Organisation actuelle du secteur cotonnier
au Burkina Faso
Afin de défendre leurs intérêts et de
fédérer leurs efforts, ces trois sociétés ont
créé en 2006 une association professionnelle des
sociétés cotonnières du Burkina (APROCOB). Il en est de
même pour les cotonculteurs qui, dans le souci de gérer au mieux
leurs activités, se sont regroupés au sein de l'Union nationale
des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). Actuellement, la filière
cotonnière du Burkina est gérée par l'Association
interprofessionnelle du coton du Burkina Faso (AICB), qui est le regroupement
de l'APROCOB et de l'UNPCB. Les producteurs de coton détiennent des
parts du capital de chacune des trois sociétés (SOFITEX, SOCOMA
et FASO COTON) et font partie, en tant qu'actionnaires, du Conseil
d'administration de l'AICB, ce qui leur permet de mieux comprendre les
difficultés rencontrées par la filière.
La réorganisation du secteur a comporté la
création d'un mécanisme novateur de gestion du risque prix
grâce à la mise en place d'un fonds de stabilisation des prix du
coton fibre (Fonds de lissage). Selon ce mécanisme, le prix d'achat du
coton graine est calculé à chaque campagne en fonction d'une
moyenne mobile sur cinq ans de l'indice A de Cotlook, qui sert d'indicateur des
prix internationaux moyens du coton.
Lorsque les prix d'une campagne sont supérieurs à
la moyenne mobile, le Fonds conserve les recettes des trois
sociétés cotonnières et lorsqu'ils sont inférieurs,
le Fonds verse de l'argent aux trois sociétés pour leur permettre
de maintenir le prix d'achat annoncé du coton graine. Le Fonds
possède actuellement un important excédent dû aux prix
élevés encaissés au cours des récentes
campagnes.
Le gouvernement burkinabé envisage de céder
à des investisseurs privés sa participation majoritaire dans la
SOFITEX, de redéfinir les limites des trois zones de production et de
vendre certaines usines d'égrenage pour réduire les
déséquilibres entre la taille de la SOFITEX, de la SOCOMA et de
FASO COTON.
Avec le désengagement effectif de l'État, l'AICB
est devenue l'organe essentiel de gestion de la filière. Elle a pour
missions principales de gérer l'Accord interprofessionnel afin d'assurer
son application, y compris la fixation du prix d'achat et des standards du
coton graine, de déterminer les conditions de cession des intrants
agricoles aux producteurs et de gérer les fonctions communes, y compris
la recherche, la question des intrants, le classement de la fibre et
l'entretien des pistes des zones de production29. Les cultivateurs
de coton, qui jouent un rôle administratif dans les
sociétés, détiennent des parts dans chacune d'elles :
30,14 pour cent dans la SOFITEX, 13 pour cent dans la SOCOMA et 12,62 pour cent
dans FASO COTON.
29 AICB, exposé sur la filière coton au Burkina
Faso, 2012.
39
III.2.1.1. 3. Situation actuelle et perspectives de la
filière en 2012/13
Les filatures burkinabé ne transforment que 3 500 tonnes
de coton par an, dont l'essentiel dans une seule entreprise
dénommée FILSAH. La production est exportée à
raison de 95 pour cent vers l'Asie, 2,7 pour cent vers l'Europe, 0,5 pour cent
vers les États-Unis et 1,8 pour cent vers l'Afrique. La production de
2012/13 a été 172 000 tonnes de fibres et de 630 000 tonnes de
coton graine.
Le secrétariat du CCIC observe que les réformes
sectorielles ont donné de meilleurs résultats au Burkina Faso que
dans les autres pays, même s'il n'y a pas de preuve tangible des gains
d'efficacité générés par la privatisation de
l'égrenage. Ce succès est dû à l'association d'une
bonne gouvernance et d'une situation géographique singulière
caractérisée par trois zones de production distinctes, ce qui
débouche naturellement sur un triple système de fourniture des
intrants et d'achat du coton graine.
La stabilisation du paysage institutionnel, la
responsabilité des parties prenantes dans la gouvernance du secteur,
l'utilisation de meilleures technologies et l'adoption de pratiques efficaces
sont des facteurs clés de réussite de la filière au
Burkina Faso.
Néanmoins, le cadre consultatif consensuel est souvent
perturbé. C'est le cas en mars 2011 ou les agriculteurs à travers
des manifestations souvent violentes exigeaient des prix plus
élevés et une baisse du prix des intrants.
En mars 2011, les prix internationaux du coton ont atteint un
niveau sans précédent avec près de 2,20 dollars EU la
livre, que les cultivateurs de nombreux pays ont interprété comme
un prix moyen dont ils souhaitaient bénéficier directement, sans
ajustement pour les frais de transport ou d'égrenage. Bien que le prix
d'achat réel de 274 CFA soit autour de 0,5 dollars par kilogramme ait
été supérieur d'environ un tiers à celui des
années précédentes, de nombreux cultivateurs
étaient déçus. Les protestations ont causé
d'importants dégâts matériels et entraîné un
changement de direction à la SOFITEX.
II.2.1.2. Réformes dans le secteur du coton au
Bénin
Au Bénin, la culture du coton occupe 150 000 foyers, dont
les exploitations varient en moyenne de 2,5 hectares dans le sud à 5
hectares dans le nord. Il y a 18 usines d'égrenage qui ont une
capacité totale d'environ 600 000 tonnes de coton graine par an.
Après un record de 171 000 tonnes de coton fibre en 2004/05, la
production a chuté bien au-dessous des 100 000 tonnes ces
dernières années. Elle a été d'environ 77 000
tonnes de coton fibre et de 226.000 tonnes de coton graine au cours de la
campagne 2012-2013.
III.2.1.2.1. Processus de réforme au
Bénin
Avant les réformes, la Société nationale
pour la promotion agricole (SONAPRA) avait le monopole de l'achat du coton
graine, de la vente de coton fibre et de la livraison des intrants
achetés à crédit par les cultivateurs. Dans le cadre du
40
programme d'ajustement structurel, le gouvernement s'est
retiré de la production de coton en 1991 et a commencé à
libéraliser le secteur. La plupart des réformes ont
été mises en oeuvre entre 1993 et 2000 :
- Les fonctions d'approvisionnement en intrants ont
été progressivement
transférées au secteur privé, et la SONAPRA
s'est retirée de cette activité en 2000.
- Huit entreprises d'égrenage privées ont obtenu
une licence entre 1995 et 1998
(ce qui s'est traduit par une surcapacité
d'égrenage) et chacune s'est vu attribuer un quota de coton graine par
la SONAPRA jusqu'en 2000.
- Le monopole de la SONAPRA pour la commercialisation du coton
graine a été supprimé en 2000.
- Des associations professionnelles nationales d'égreneurs
et d'importateurs/de distributeurs d'intrants ont été
créées.
- Après la Conférence nationale des forces vives en
1990, qui a prôné le désengagement de l'État de
toutes les activités économiques, les Groupements
révolutionnaires à vocation coopérative (GRVC) se sont
structurés en organisations de tutelle sous-préfectorales,
départementales et nationales. Une réforme adoptée en 2010
a remplacé les GVPC par des Coopératives villageoises de
producteurs de coton (CVPC), dotées d'un agrément officiel pour
la mise en place de leurs organisations de tutelle aux niveaux communal,
départemental et national.
- Des organismes interprofessionnels, notamment la centrale de
sécurisation des paiements et de recouvrement (CSPR) a été
créée pour assurer le recouvrement de tous les crédits
La création de l'Association interprofessionnelle du coton
(AIC) le
19 octobre 2000 était destinée à faciliter
le passage en douceur de la gestion étatique de la filière coton
à la privatisation complète. L'AIC est composée de trois
familles professionnelles : le Conseil national des égreneurs de coton
(CNEC), le Conseil national des importateurs et distributeurs d'intrants coton
(CNIDIC) et le Comité consultatif national transitoire des producteurs
de coton (CCNPC).
Les réformes ont entraîné la privatisation de
l'approvisionnement en intrants, l'introduction d'entreprises d'égrenage
privées et la création d'organismes interprofessionnels
chargés de reprendre la gestion du secteur en appliquant un
système très réglementé qui empêche la
concurrence entre égreneurs. Dans la filière
réformée, les organismes interprofessionnels répartissent
le coton graine entre les entreprises selon leur capacité
d'égrenage, tandis que les prix du coton graine restent fixes et
uniformes dans tout le pays. La politique de réforme a été
actualisée en 2001, 2008 et 2010 dont l'objectif étant
d'établir une chaîne d'approvisionnement du coton privée
mais intégrée à l'échelon national et d'en
transférer la gestion de l'État à l'organisme
interprofessionnel.
La complexité des mécanismes réglementant la
distribution des intrants aux agriculteurs et la collecte du coton graine en
fonction des quantités attribuées en rendait l'application
difficile. Les versements faits aux agriculteurs pour le coton graine sont
devenus irréguliers, ce qui a entraîné une chute de la
production.
41
Avec la privatisation fin 2008 de la principale
société cotonnière, la SONAPRA, le secteur s'est
concentré, de sorte qu'un opérateur privé contrôle
toutes les usines d'égrenage sauf une, l'approvisionnement en intrants,
le transport et une part importante de l'industrie de l'huile de coton et de
l'industrie textile.
II.2.1.2.2. Réglementation de la filière
coton et suspension de l'accord-cadre
Depuis juin 2012, la filière coton béninoise est de
nouveau dans la tourmente. Les réformes n'ont pas donné les
résultats escomptés, et la production a fortement baissé
durant la période 2006-2010. Dans un communiqué de presse du
29 avril 2012, le Conseil des Ministres avait cependant
annoncé la création d'une autorité/d'un organe national de
surveillance et de contrôle de la filière, avec le
rétablissement de l'ancienne société publique, la SONAPRA,
pour remplacer les structures de gestion créées à l'issue
d'accords entre l'État et l'AIC. Cette décision faisait suite au
rapport remis par la Commission d'enquête internationale instituée
par le gouvernement le 10 avril 2012 pour évaluer la campagne
cotonnière 2011/12. Ce rapport soulignait les nombreux
dysfonctionnements des structures responsables de la gestion de la
filière, l'AIC et la Centrale de sécurisation des paiements et de
recouvrement (CSPR).
L'organisation de la filière coton béninoise n'a
cessé d'être en proie à des conflits entre partenaires
publics et privés.
Le secrétariat du CCIC observe que les réformes
n'ont pas entraîné d'amélioration des résultats de
la filière coton, de gains d'efficacité, de hausse de la
production ni de diminution des frais d'exploitation dans les secteurs de
l'égrenage et du transport.
Le processus de privatisation a causé dans un premier
temps la
désorganisation du secteur, qui s'est ensuite
réorganisé dans une situation quasi monopolistique, une
société détenant environ 90 pour cent de la
capacité d'égrenage nationale.
II.2.1.3. Réformes dans le secteur du coton au
Mali
Le secteur du coton au Mali a affiché la plus forte
croissance de l'Afrique de l'Ouest durant la décennie qui a suivi la
dévaluation du franc CFA en janvier 1994. La production est
passée d'environ 169 000 tonnes de fibres en 1995/96 à un record
de 260 000 tonnes en 2003/04. Ensuite, elle n'a cessé de
décliner, car les prix du coton en CFA ont baissé et les
producteurs n'ont pas été payés dans les délais
pendant plusieurs années de suite en raison des difficultés
financières de la Compagnie malienne pour le développement des
textiles (CMDT). La production a atteint son plus bas niveau en 20 ans avec 85
000 tonnes en 2008/09, malgré un prix attractif à la production
de 200 CFA soit environ 0,4 dollars par kilogramme.
Avec la remontée des prix internationaux du coton
amorcée en 2009/10, la CMDT a commencé à combler ses
arriérés de paiements aux producteurs, et le gouvernement malien
a décidé de subventionner les engrais. Certains agriculteurs
42
qui s'étaient détournés du coton ont alors
repris la culture. La production est passée à 99 000 tonnes en
2009/10, puis à 103 000 tonnes en 2010/11 et de
185 000 tonnes pour 2011/12.
Pour la campagne 2012/13, la production de coton graine a
été de 449 641 tonnes et les prévisions pour la campagne
2013-2014 sont estimée à 522 000 tonnes de coton graine.
II.2.1.3.1. Processus de réforme et les projets de
réglementation du secteur au Mali
Des réformes ont été mises en oeuvre
à partir de 1998/99 pour redresser la situation financière
catastrophique de la société cotonnière nationale, et
préparer la privatisation prévue. Elles étaient
axées sur plusieurs objectifs :
- renforcement des capacités des organisations
villageoises et régionales de producteurs,
- restructuration de la CMDT et recentrage de ses
activités sur le secteur cotonnier,
- révision du mécanisme des prix aux producteurs
et création d'un fonds de soutien des prix, détenu par les
producteurs,
- création de l'Interprofession du coton (IPC) et d'un
Office central de classement (OCC),
- recapitalisation de la CMDT et scission en quatre filiales
régionales à capitaux entièrement privés (Ouest,
Centre, Nord-Est et Sud).
Il semble que le processus de réforme soit entré
dans une phase décisive avant la crise politique actuelle. La CMDT s'est
d'abord diversifiée en septembre 2009 avec la création de quatre
filiales et d'une holding. Le gouvernement a également
épongé la majeure partie des dettes des coopératives
cotonnières en préparation de leur privatisation.
Après une série d'appels d'offres infructueux, la
filiale de la CMDT chargée du triturage des graines de coton, Huicoma, a
été vendue à l'État, puis rachetée en 2005
par un groupe d'investisseurs locaux.
L'appel d'offres pour la privatisation des filiales de la CMDT au
moyen de la cession de blocs d'actions majoritaires par la
société de holding a été publié en
février 2010 et six sociétés ont été
sélectionnées pour y participer. Les premières
sélections provisoires ont été faites à partir
d'une analyse des paquets techniques et financiers.
Les investisseurs privés détiendront 61 pour cent
du capital. Les producteurs agricoles et les salariés de l'entreprise en
détiendront respectivement 20 pour cent et 2 pour cent, et les 17 pour
cent restants seront conservés par l'État. Les entreprises
privées auront un monopole régional sur l'achat,
l'égrenage et la vente du coton dans leurs zones d'exclusivité,
comme au Burkina Faso.
43
La restructuration des associations de producteurs s'est
achevée avec la création de l'Union nationale des
sociétés coopératives de producteurs de coton du Mali
(UNSCPC), qui fédère les différents niveaux
régionaux, sectoriels et communaux regroupant 7 000
sociétés coopératives de producteurs de coton.
L'Inter-association professionnelle du coton (IPC),
créée le 3 février 2009, réunit l'UNSCPC et
l'Association professionnelle des sociétés cotonnières du
Mali (APROSCOM), mais le secrétariat du CCIC observe qu'elle reste
entravée par des dysfonctionnements. L'IPC est censée veiller
à ce que les différents groupements professionnels de la
filière coton gèrent ensemble les fonctions essentielles et
discutent des questions d'intérêt commun telles que la mise en
place d'un système d'information sur les performances de chaque filiale,
les plans de campagne, la recherche agricole, les semences, les routes rurales,
etc. La création d'un Office de classement du coton (détenu
à 100 pour cent par la CMDT) complète le dispositif
institutionnel.
La création d'une autorité de régulation du
secteur coton (ARSC) a également été examinée (le
projet de loi a été adopté en Conseil des Ministres le 9
février 2011 et transmis à l'Assemblée nationale pour
examen).
Enfin, un cadre stratégique de développement du
secteur coton et une lettre de politique de soutien au secteur coton ont
été adoptés en 2010, confirmant la volonté
politique de l'État de continuer à participer à la
réglementation du secteur. Ils ont notamment pour objectif
d'accroître la productivité, la compétitivité et la
durabilité du secteur, d'améliorer sa gestion grâce
à des consultations et d'établir des mesures de protection contre
les fluctuations des prix mondiaux. Une tentative de privatisation de la
filiale ouest de la CDMT a toutefois échoué, car l'unique offre
présentée a été jugée trop basse.
II.2.1.3.2. Et maintenant?
Au Mali, la mise en oeuvre des réformes institutionnelles
dans le secteur du coton, qui était attendue par les partenaires
financiers du pays, a été perturbée par le coup
d'État de mars 2012. Les autorités actuelles commencent à
reprendre les choses en main.
II.2.1.4. Réformes dans le secteur du coton au
Tchad
Bien qu'au Tchad le secteur primaire soit dominé depuis
2003 par les exportations de pétrole brut (64,6 pour cent de la valeur
ajoutée du secteur), l'agriculture et le coton restent importants pour
l'économie nationale. Dans les zones de culture du coton (la production
est localisée au sud du pays), 80 pour cent des producteurs pratiquent
la culture pluviale sur de petites exploitations de
1 à 2 hectares en moyenne. Malgré son isolement, le
Tchad était le premier producteur de coton de la zone franc africaine
jusqu'à la fin des années 1970. n 1985, le coton
représentait 80 pour cent des exportations du pays et 25 pour cent
44
des recettes publiques. En 1997, il représentait encore 65
pour cent des exportations de marchandises30.
Depuis cette période, le Tchad a vu sa production fondre
de manière spectaculaire, notamment durant les années 2000. La
situation financière de la COTONTCHAD était en fait
catastrophique. La société avait payé au prix fort le
manque d'investissement et d'entretien. En raison de la faiblesse des prix, la
production s'est effondrée, tombant d'un niveau record de 103 000 tonnes
de fibre en 1997/98 à 14 000 tonnes en 2009/10, son niveau le plus bas
depuis 50 ans. En 2009/10, malgré un prix attractif à la
production de 180 CFA soit environ 0.4 dollars le kilogramme de coton graine,
la production a enregistré un recul en raison du manque
d'intérêt des producteurs qui subissaient des retards de
paiement31. La production en 2010/11 s'est élevée
à 22 000 tonnes et celle de 2012/13 a été de 102 000
tonnes de coton graine et les prévisions de la campagne 2013/14 sont de
153 334 tonnes de coton graine pour le Tchad.
En décembre 1999, le gouvernement a adopté un
programme de réforme du secteur coton appuyé par la Banque
mondiale, dont l'objectif était d'améliorer les revenus des
cultivateurs et de rendre plus rentable la production grâce à la
libéralisation du secteur, y compris la privatisation de la
société paraétatique COTONTCHAD et le renforcement des
capacités des organisations de producteurs.
Ayant tiré les enseignements des difficultés de
mise en oeuvre des autres programmes de réforme du secteur du coton, le
Tchad a décidé d'accorder une attention particulière
à l'édification d'un consensus entre toutes les parties prenantes
tout au long de la réforme. Le choix d'un scénario de
privatisation des activités d'égrenage de la COTONTCHAD devait
notamment tenir compte de l'avis des organisations de producteurs.
III.2.1.4.1. Processus de réforme au
Tchad
La politique de réforme a été
approuvée à l'issue d'un processus très long. Elle a
abouti à la création en 1997 de l'Observatoire du coton, une
unité de soutien technique chargée d'aider le Comité de
réflexion et de suivi de la filière coton. En 1999, ce
comité est devenu le Comité technique chargé de la
réforme cotonnière. La stratégie de désengagement
de l'État a été autorisée par le décret
n° 541 du
19 décembre 1999. Ce décret a marqué le
début officiel du processus de privatisation, avec un plan de
réforme qui s'articule autour de deux grands axes:
- le désengagement de l'État du capital et de
l'administration de la société cotonnière (la COTONTCHAD)
et la libéralisation de la filière; et
- la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement au
bénéfice des producteurs de coton, afin de renforcer les
capacités des organisations
30 Au Tchad, le processus de réforme de la
filière cotonnière se trouve dans une impasse", K. Djondang, M.
Fok, B. Wampfler et N. Tordina, Conférence internationale de l'ISSCRI,
"Justifications et évolutions des politiques cotonnières",
Montpellier, 13 au 17 mai 2008.
31 http://www.lesafriques.com/ "Mahamat
Adoun Ismaël, Président directeur général de
COTONTCHAD".
45
de producteurs, de façon qu'elles puissent jouer un
rôle accru dans le fonctionnement de la filière.
Bien que l'État ait accepté de se
désengager du secteur, son contrôle reste très puissant. Le
débat sur le lancement d'un processus de privatisation a
été retardé par le différentiel de
rentabilité des zones ou des usines. Un accord a fini par être
conclu sur la privatisation des usines d'égrenage en tant que paquet
unique. Le
gouvernement a avancé lentement, hésitant entre
deux scénarios : la vente d'actions ou la vente d'actifs. Mais cette
lenteur dans la mise en oeuvre du plan a contribué au déclin du
secteur.
II.2.1.4.2. Création de la COTONTCHAD
SN
Une décision relative à la restructuration de la
COTONTCHAD a été adoptée en janvier 2012. Afin de relancer
la production de coton, les autorités tchadiennes ont
décidé d'apurer les dettes de la société nationale.
Fin décembre 2011, la direction du Conseil d'administration
réunie en assemblée extraordinaire a adopté un plan
stratégique prévoyant la création d'une nouvelle
société, la COTONTCHAD Société nouvelle (COTONTCHAD
SN). La participation de l'État dans cette nouvelle
société est de 51 pour cent et sera ensuite ramenée
à 33 pour cent. L'objectif est de rassurer les investisseurs
privés afin de relancer le processus de privatisation de la
société. Depuis le 25 janvier 2012, tous les engagements
contractés par la COTONTCHAD ont été
transférés à la COTONTCHAD SN.
Avec la création de la COTONTCHAD SN, la production de
coton pourrait redémarrer. Le plan de la société
prévoit la réintégration progressive des organisations de
producteurs dans la gestion du secteur, avec comme objectif de porter la
production à 300 000 tonnes de coton graine (120 000 tonnes de coton
fibre) en 2016.
II.2.1.4.3. Réformes entravées par des
hésitations
Les incertitudes relatives au rythme et à l'orientation de
la réforme au Tchad ont entraîné un désastre
financier pour la société cotonnière et un effondrement de
la production. En raison de la résistance aux réformes
prônées par la Banque mondiale et de l'absence de consensus sur la
marche à suivre, la filière s'est trouvée privée
d'orientations claires, et la COTONTCHAD n'a pas reçu les ressources
nécessaires pour maintenir le secteur. La création de la
COTONTCHAD SN laisse espérer une relance de la filière.
III. Aide internationale
Comme nous l'avons vu au chapitre I dans le volet
développement des négociations, de nombreux pays ont
manifesté le souhait d'aider les cultivateurs de coton africains,
notamment dans les pays du C_4, grâce à diverses
coopérations (multilatérale, Sud Sud...). Résumons ici les
aides les plus significatives.
46
III. 1. Aide de l'Union européenne
L'aide de l'Union européenne au secteur cotonnier en
Afrique a été dispensée par le biais de la collaboration
inter-institutions. En juillet 2004, l'UE et les pays africains ont conclu un
partenariat sur le coton et sont convenus d'un plan d'action conjoint sur le
coton. Ce plan traitait des aspects commerce et développement du secteur
cotonnier africain. Il portait sur sept domaines : commerce international,
stratégies nationales et régionales du coton, politiques et
institutions, innovation technologique, gestion des risques, intégration
dans la chaîne de valeur et coordination. Le Programme tous ACP (Afrique,
Caraïbes et Pacifique) relatif aux produits de base agricoles a
approuvé des fonds destinés aux programmes de renforcement des
capacités concernant les produits de base pour un montant indicatif de
45 millions d'euros (57,8 millions de dollars EU), avec une enveloppe de 15
millions d'euros (19,3 millions de dollars EU) pour le coton. Il prescrivait le
développement de la coopération multi-donateurs avec des
organisations internationales telles que la Banque mondiale, l'Organisation des
Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la Conférence
des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et le
Fonds commun pour les produits de base (FCPB). La Commission européenne
a établi le Comité d'orientation et de suivi du partenariat
UE_Afrique sur le coton (COS Coton). Le COS Coton a pour mission de
gérer les besoins des divers acteurs de la filière, d'assurer la
cohérence et l'appropriation du cadre d'action et des programmes
associés, y compris la composante coton du Programme tous ACP relatif
aux produits de base agricoles. Ce dernier, dont le mandat est arrivé
à expiration en décembre 2011, avait pour vocation
d'améliorer les revenus et les conditions de subsistance des producteurs
ACP de produits de base et de réduire la vulnérabilité des
revenus à la fois au niveau des producteurs et au niveau
macro-économique.
Dès janvier 2012, un nouveau programme d'appui à la
consolidation du Cadre d'action pour le Partenariat UE-Afrique sur le coton,
doté d'un budget de 11 millions d'euros dans le cadre du 10e
FED a été mis en place. Ce programme vise essentiellement
à contribuer à l'amélioration durable de la de la
compétitivité, de la valeur ajoutée et de la
viabilité des filières cotonnières africa ines pour en
optimiser l'impact sur le revenu des producteurs.
Le programme UE-ACP n'est pas limité aux pays du C-4 mais
inclut tous les pays africains producteurs de coton.
III.2. Aide des États-Unis
En réponse à l'Initiative sectorielle sur le coton
de l'OMC, le gouvernement des États-Unis a lancé en 2005 le
Programme de renforcement du secteur coton en Afrique de l'Ouest et du Centre
(WACIP), dont le but était d'apporter une aide aux programmes cotonniers
dans les pays d'Afrique occidentale et centrale. D'un montant de 27 millions de
dollars EU, ce programme était axé sur un certain nombre
d'activités essentielles qualifiées de soutien aux politiques et
de réforme institutionnelle, en vue d'améliorer la gestion de la
filière coton, d'améliorer la qualité du coton, de mettre
en place des programmes de formation régionaux pour les
égreneurs, de renforcer les programmes de biotechnologies du
cotonnier,
47
d'encourager les bonnes pratiques de production, de mettre un
terme à la dégradation des sols, d'améliorer la lutte
antiparasitaire et de renforcer les contacts entre les organisations de
recherche agricole des États-Unis et de l'Afrique de l'Ouest. Le
programme, qui devait prendre fin en avril 2012 a été
prolongé, jusqu'en 2016 avec une enveloppe de 16 millions de dollars US
supplémentaire.
III.3. Aide du Brésil
Le soutien du Brésil au développement de la
filière coton dans les pays d'Afrique notamment ceux du C_4 est
axé sur les centres de recherche publics du Bénin, du Burkina
Faso, du Mali et du Tchad, pour un montant total d'environ 4,5 millions de
dollars EU. L'entreprise brésilienne de recherche agricole (EMBRAPA) a
été désignée comme principal organisme de
collaboration au nom du gouvernement brésilien. Le Brésil a
fourni un soutien sous la forme d'une unité pilote (recherche
adaptative) à Sotuba (Mali), avec démonstration de
résultats dans les domaines de l'amélioration
génétique, des biotechnologies, des sols et de la nutrition des
plantes et de la lutte antiparasitaire intégrée,
complétée par la formation de chercheurs, de techniciens et
d'agriculteurs chefs de file et la diffusion des connaissances validées
pour améliorer la production de coton.
Les activités brésiliennes de renforcement des
capacités et de transfert de technologie ont commencé en 2010 et
devraient s'achever en fin d'année 2012, mais le Brésil a
annoncé en fin 2012 que le Ministère en charge des relations
extérieures et l'Institut Brésil Coton (IBA) ont signé un
protocole d'intention sur la coopération technique dans le secteur du
coton. Le protocole reflète l'objectif commun des parties prenantes
à s'engager dans la mise en oeuvre des actions de coopération
pour renforcer le secteur du coton dans les pays en développement, en
particulier en Afrique subsaharienne. IBA est une institution
créée pour mettre en oeuvre l'accord bilatéral
Brésil/Etats-Unis. IBA consacrera 10% des 147,3 millions de dollars US
pour des projets de développement en Afrique en partenariat avec des
organisations ou institutions internationales telles que le PNUD, la FAO. Un
accord avec le PNUD et la FAO a été signé.
III.4. Aide de l'Australie
Dans le cadre du partenariat entre, d'une part, la
Conférence des responsables de la recherche agronomique africains et
français et le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le
développement agricoles (CORAF/WECARD), le gouvernement australien a
accordé à la CORAF/WECARD un don de 200 000 dollars australiens
(198 000 dollars EU) pour une période d'un an à partir de
décembre 2011. Une partie de ce financement était destinée
à une visite de familiarisation et de découverte de l'industrie
cotonnière en Australie. a accueilli en mars 2012 cinq
spécialistes du coton venant respectivement du Bénin, du Burkina
Faso, du Mali, du Sénégal et du Tchad, au titre du programme de
coopération agricole internationale.
Au cours de cette Mission, le groupe s'est familiarisé
avec le système de production de pointe australien, dont les rendements
sont les plus élevés au monde. Il en a tiré des
enseignements sur la manière d'améliorer les systèmes de
production
48
du coton dans les pays d'Afrique occidentale et centrale,
notamment la production de semences.
Un atelier s'est tenu ensuite au Burkina Faso du 10 au 14
septembre 2012 et au cours duquel des chercheurs australiens ont fait
équipe avec leurs confrères qui ont dispensé une formation
sur quelques techniques simples et faciles à utiliser qui peuvent
contribuer à améliorer la gestion de la culture du coton en
Afrique de l'Ouest. Ce partenariat pourrait être renforcé par la
mise en place d'un programme plus large de recherche cotonnière en
Afrique occidentale et centrale.
III.5. Aide de la Chine
La Chine est la première destination du coton du C-4. Sur
la production totale de coton des pays du C4, plus de 90 pour cent est
exportée, principalement vers la Chine.
La Chine et les pays du C-4 ont annoncé un programme
conjoint en
décembre 2011. Ce programme, dont l'annonce a
été faite à Genève en marge de la
Ministérielle, est destiné à soutenir la production de
coton dans les pays du C-4 grâce à une assistance technique et
financière durant les prochaines années. La coopération
entre les deux parties devrait comporter des transferts de technologie, une
assistance technique à la recherche en matière de production, la
fourniture de variétés élite, de machines agricoles,
d'engrais et de pesticides, le financement de projets de formation ainsi que
des échanges d'expériences. Le coût prévu du
programme est de 20 millions de dollars EU, et sa durée est de trois
ans.
III.6. Aide de l'Inde
L'offre de l'Inde aux pays africains producteurs de coton
prévoyait la transformation des tiges de coton en panneaux de
particules, domaine dans lequel l'Inde possède l'avantage unique d'avoir
la technologie prête à l'emploi, celle-ci ayant été
mise au point grâce à un projet CCIC/FCPB intitulé
"Utilisation des coproduits du coton pour des produits à valeur
ajoutée".
Le Ministère indien du commerce et de l'industrie a
élaboré un programme détaillé dénommé
"Programme d'assistance technique destiné à renforcer la
chaîne de valeur du coton dans 7 pays (Bénin, Burkina Faso,
Malawi, Mali, Nigéria, Ouganda et Tchad). Le lancement officiel du
Programme a eu lieu à Ouagadougou le 28 mai 2012 pour un montant de 210
millions de roupie indiens soit 3,8 millions de dollars EU pour 3 ans (octobre
2011 à septembre 2014).
III.7. Aide du Pakistan
Le Pakistan Genève a proposé au cours d'une
réunion du Mécanisme du cadre consultatif du Directeur
Général de l'OMC à Genève, une formation pour des
spécialistes du coton des pays du C-4 et de tous les pays producteurs de
coton d'Afrique de l'Ouest, afin de promouvoir la coopération Sud-Sud.
La proposition indiquait que l'Institut central de recherches sur le coton de
Multan, qui est un centre d'excellence désigné de l'Organisation
des pays islamiques en Asie, prendrait la
49
direction de la formation et accueillerait les chercheurs. Le
coût total de la proposition, qui prévoit de former 15 stagiaires
pendant 30 jours chaque année sur cinq ans, était estimé
à 2,16 millions de dollars EU. La proposition ne s'est pas encore
concrétisée, car il y quelques détailles encore a
réglés.
Observations et conclusion
Les sociétés cotonnières des pays du C-4 ont
des systèmes de communication bien établis et rationalisés
avec les agriculteurs. Tous les cultivateurs de coton sont membres d'une
chaîne qui va du cultivateur dans le village jusqu'au niveau national, en
passant par les villages et les régions. Ce système offre la
possibilité unique d'adopter des pratiques recommandées au niveau
le plus avantageux et de transférer efficacement toute modification ou
d'amélioration du paquet technologique. Malheureusement, ce lien
étroit est sous-utilisé, car l'accent est mis de façon
très marquée sur l'utilisation du système pour la
fourniture d'intrants et l'achat du coton graine.
Les gouvernements des pays du C._4 ont mis en oeuvre des
réformes structurelles à partir des années 1990, avec
l'aide de la Banque mondiale et d'autres institutions de développement.
Les programmes de réforme consistaient généralement
à redéfinir le rôle de l'État et à faciliter
la participation du secteur privé et des organisations de producteurs,
l'objectif ultime étant de renforcer la compétitivité de
la production, de la transformation et des exportations de coton sur un
marché mondial de plus en plus exigeant. Le rythme et l'orientation de
ces programmes ont été très divers selon les pays, et
l'effet des réformes sur les
résultats du secteur a été pour le moins
inégal.
Le système actuel de fourniture d'intrants n'incite pas
les producteurs de coton à obtenir des rendements plus
élevés et, tant qu'il ne sera pas modifié,
l'amélioration des rendements sera inhibée malgré les
meilleurs efforts des chercheurs africains et de leurs partenaires
internationaux.
Enfin, l'aide internationale est assurément utile et les
pays africain en mesurent l'importance, mais elle pourrait avoir des effets
plus positifs que s'il y a une collaboration et une coordination plus grandes
entre les pays donateurs et les organismes de recherche africains.
50
Chapitre 3 : Défis actuels et futurs à
l'OMC et dans les autres enceintes Internationales pour les pays africains
producteurs de coton.
Dans ce troisième et dernier chapitre, il s'agira de tirer
les leçons des négociations sur le dossier coton et d'essayer de
fournir aux différentes parties prenantes sur le coton des
modalités pratiques de sorties de crise pour le coton africain, à
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et dans les autres instances
internationales pertinentes.
I. Leçons tirées de l'Initiative
Sectorielle en faveur du coton et Analyse
Depuis 2003, les pays du C_4 et les autres pays en
développement n'ont eu de cesse de montrer à la communauté
internationale la détresse dans laquelle vivent les producteurs de coton
des pays africains. Dix ans plus tard, la faiblesse des avancées
obtenues fait que le combat se poursuit en direction des Etats-Unis et de
l'Union européenne, avec qui le C_4 doit continuer à chercher une
issue favorable sur le plan commercial, y compris à travers des
négociations bilatérales.
I.1. Analyse des négociations avec les
Etats-Unis
Avec les Etats-Unis, le tableau est clair. Non seulement ils sont
la plus importante source de distorsion en volume du marché du coton,
mais de surcroît, et malgré une condamnation à l'OMC dans
leur différend avec le Brésil, ils ne montrent aucune
véritable volonté d'aligner leurs pratiques de soutien sur celles
autorisées par le système commercial multilatéral.
Pour mémoire, les Etats-Unis ont accepté comme tous
les autres Etats membres de l'OMC la décision de Hong Kong de
décembre 2005 de traité le coton de façon «
Ambitieuse, rapide et spécifique » mais ne sont jamais
entrés en discussion véritablement. La seule position qu'ils
n'aient jamais défendue est que rien ne peut être
décidé pour le coton avant qu'un accord ait été
trouvé pour la réduction des subventions pour l'agriculture en
général. Ils ont continué à assener cette position
après la soumission par le C_4 en 2006 d'une formule de réduction
permettant de calculer une réduction plus ambitieuse pour le coton quel
que soit le résultat dans l'agriculture en général.
En juin 2012, alors que la réforme de la Farm Bill
était en plein débats, une délégation de haut
niveau du C_4 s'est rendue à Washington dans l'espoir d'influencer les
nouveaux programmes relatifs au coton vers une réduction des distorsions
provoquées sur le marché mondial. Malgré la situation
économique américaine qui pouvait laisser espérer des
coupes budgétaires, et malgré la demande de mise en
conformité de la Farm Bill par l'ORD, dans sa décision dans le
différend avec le Brésil, le C_4 est ressorti de ces
consultations très préoccupé par rapport à certains
mécanismes prévus dans le projet. Notamment, le « Stacked
Income Protection Plan for Producers of Upland Cotton » (STAX) qui
pourrait créer une situation beaucoup plus distorsive que celle
actuelle.
Après l'adoption de la réforme par le Sénat
en juin 2012 et de la Chambre des Représentants en avril 2013, les deux
chambres ont été incapables de parvenir à un
51
compromis sur le budget définitif (1er octobre
2013), déclenchant un arrêt du gouvernement fédéral.
Compte tenu de l'impasse budgétaire, le Congrès a
également été incapable de parvenir à un accord sur
un projet de loi agricole 2013, ce qui laisse entendre que les programmes de
subventions existants sont susceptibles de continuer sur la base de la
prolongation de loi d'orientation agricole de l'année
dernière.
Selon des études de la Banque mondiale, les subventions
accordées aux Etats-Unis réduisent, à elles seules, de
plus de 250 millions de dollars le revenu annuel que les agriculteurs de
l'Afrique de l'Ouest tirent de l'exportation de coton. Il est même
possible que le préjudice subi par les pays africains du fait des
subventions agricoles américaines dépasse les avantages que ces
pays retirent de l'AGOA, qui accorde un accès préférentiel
aux produits africains sur le marché américain.
Les Etats-Unis ont par ailleurs bénéficié de
la négociation assez maladroite de l'Union européenne qui,
clamant qu'elle n'était que « l'arbre qui cache la forêt
», a néanmoins réussi à catalyser toute la tension et
la crispation de cette négociation dans une relation bilatérale
compliquée avec ses « partenaires africains ».
I.1.1. Qu'est ce que le Stacked Income Protection Plan
for Producers of Upland Cotton (STAX) ?
Le National Cotton Council (NCC) le STAX en complément de
l'assurance-récolte fournie à plusieurs produits clés.
L'assurance-récolte protège les producteurs des pertes
«dures», soit une baisse de revenue de plus de 20%, tandis que le
STAX est censé couvrir les pertes «moindres», soit une baisse
de revenue entre 10 et 30% qui ne sont pas couverte par
l'assurance-récolte classique. La NCC a déclaré que le
STAX, associé à d'autres réformes comme le programme de
prêts commerciaux, permet de mettre un terme définitif au
différend qui l'oppose au Brésil à l'OMC. Cependant, dans
une lettre envoyée en 2012 par l'ancien l'ambassadeur du Brésil
auprès de l'OMC et aujourd'hui Directeur Général de l'OMC,
Monsieur Roberto CARVALHO de AZEVÊDO soutient que le programme causera
plus de dépenses budgétaires que la Farm Bill
précédente de 2008 et «verrouillerait» les prix
élevés pour le coton américain au cours des cinq ans
à venir, faussant ainsi les exportations américaines et
protégeant les producteurs américains des variations de prix.
I.1.2. Comment marche le STAX ?
Le STAX est un programme d'assurance complémentaire qui
paie les
producteurs américains de coton quand leurs revenus
baissent de plus de 10%. Les pertes de revenu de plus de 30% sont couvertes par
l'assurance-récolte subventionnée par l'état
fédéral et non par le STAX. Les producteurs paient une prime pour
participer au STAX et sont indemnisés en cas de perte de revenu ou de
rendement. Le montant de l'indemnisation est déterminé sur la
base des prix par exploitation et/ou par comté, ou par un prix minimum
fixé par le gouvernement fédéral.
Le comité de l'agriculture de la Chambre des
représentants a proposé un prix minimum de 0,6861 dollars US par
livre pour la Farm Bill de 2012. Ce prix devrait
52
être fixé pour une période de cinq ans et les
producteurs seraient indemnisés si le cours du marché passe en
dessous du prix minimum. Le Sénat a proposé une clause similaire
avec un prix minimum qui serait changé au début de chaque
année et fondé sur le cours du marché. Des études
de l'ICTSD ont montré que, si les prix du coton chutaient au cours de
cette période, les producteurs seraient
sur-indemnisés32. Par ailleurs, dans ce scenario, les
producteurs recevraient également des paiements compensatoires de
prêt, un transfert fait aux producteurs pour avoir renoncé aux
paiements dans le cadre d'un programme de crédits à l'exportation
maintenant terminé.
Les contribuables américains subventionnant 80% des primes
pour le STAX, les producteurs ne doivent payer que 20% du coût de
l'assurance de leur récolte de coton pour pouvoir prétendre
à cette protection. Les subventions du contribuable pour le STAX sont en
général plus élevées que pour le programme
fédéral d'assurance-récolte. Les producteurs doivent payer
20% du coût de l'assurance pour le STAX, mais peuvent payer
jusqu'à 47% du coût de l'assurance-récolte dans le cadre du
programme, ce qui leur donne une raison de plus d'utiliser le STAX.
Certains des aspects du STAX ne complètent pas
l'assurance-récolte plus générale fournie par le
gouvernement fédéral. Par exemple, les producteurs peuvent
choisir de renoncer à l'assurance-récolte et de ne recevoir les
paiements STAX que pour compenser d'autres pertes «moindres» au
niveau de l'exploitation. De plus, les producteurs peuvent aussi choisir
d'être assurés au niveau du comté plutôt que de
l'exploitation, contrairement à l'assurance-récolte qui les
couvre au niveau du comté. Pour obtenir le meilleur
«rendement» des programmes d'assurance, les producteurs devront
effectuer des calculs complexes, en comparant leurs revenus et leur production
prévus avec ceux de leur comté.
III.1.3. Combien coûte le STAX ?
D'après les estimations du bureau du Budget du
Congrès des États-Unis, le pays dépenserait en moyenne
385,1 millions de dollars US par an pour subventionner le programme STAX entre
2013 et 2022, sur la base d'un prix moyen du coton de 0,71 dollars US par
livre. Une analyse de l'ICTSD prévoit que les dépenses pour le
STAX seront pratiquement multipliées par deux pour un total de 707,8
millions de dollars US par an si les prix chutent pour atteindre 0,479 dollars
US par livre sur la période 2013-2017, dans le cas où un prix
minimum est fixé. Puisque le STAX peut être ajouté au
programme d'assurance-récolte subventionné au niveau
fédéral, il est également important de prendre en compte
leur interaction pour déterminer les dépenses totales sur le
coton. D'autres études de l'ICTSD suggèrent que les
dépenses totales sur le coton pourraient augmenter de 99,5 millions de
dollars US si on associe le STAX et le programme d'assurance-récolte
dans un contexte de prix bas. Les chiffres présentés jusqu'ici ne
prennent pas en compte la possibilité d'un programme comme le STAX
d'étendre à la fois la participation des producteurs et le taux
de couverture de la récolte, augmentant ainsi les dépenses.
32 International Centre for Trade and Sustainable Development
(ICTSD)
53
La suppression du prix minimum fixé par le comité
de l'agriculture de la Chambre des représentants dans la Farm Bill de
2012 aiderait à s'assurer que les paiements restent à des niveaux
historiquement bas.
I.1.4. Etats-Unis dans la négociation
multilatérale sur le coton
Le bras de fer continue d'opposer les Etats-Unis, qui veulent
plus d'accès aux marchés des pays émergents, et les pays
en développement qui demandent de nouvelles concessions dans
l'Agriculture de la part des pays développés. Au jour
d'aujourd'hui, les Etats-Unis continuent de considérer qu'ils n'ont
aucun intérêt à signer un accord dont les
bénéfices chiffrés sont insuffisants pour leur propre
économie. La Commission européenne se montre
particulièrement en retrait, estimant qu'elle est allée au bout
de ce que lui permettait son mandat de négociation.
Si on veut espérer trouver un accord sur le coton, il va
falloir parler chiffres. La première étape essentielle est de se
mettre d'accord sur la méthodologie à retenir pour calculer les
soutiens internes et la réduction qui doit s'y appliquer. Il est
fondamental que cette méthodologie soit comprise par tous. Le C_4 a
proposé d'utiliser le SGEDE (soutien interne global ayant des effets de
distorsion sur les échanges) par produit comme base de la
négociation finale. Une fois la méthodologie
agréée, il faut disposer de chiffres clairs et d'une fourchette
agréer pour pouvoir négocier. La limite minimale correspond
à une application stricte de la formule du C_4, la limite maximale ne
pouvant être supérieure au chiffre résultant de
l'application de la réduction attendue pour le SGEDE en
général au coton33. Ainsi, la limite maximale se
trouve proche des montants actuellement dépensés par l'Union
européenne et les Etats-Unis mais seraient nettement inférieurs
aux montants dépensés dans le passé. Une solution
acceptable pour toutes les parties serait un entre la limite minimale et la
limite maximale.
I.2. Analyse des négociations avec l'Union
Européenne
Il faut cependant reconnaitre que des efforts ont
été faits par l'Union européenne notamment au travers de
la réforme de 2004, confirmée en 2006 après la demande de
mise en conformité requise par la Cour de justice de l'Union
européenne. L'Union européenne a ainsi découplé
à 65%34 ses subventions au coton et transféré
le reste des subventions ayant un effet de distorsion des échanges de la
catégorie orange35 à la catégorie
bleue36, considérée comme ayant des effets de
distorsion moindres. A l'époque, cet élan positif fut
salué par les pays du C_4 comme un pas supplémentaire vers un
découplage à 100%, ce qu'ils continuent de demander. De
33 Le Secrétariat de l'OMC a propose 8
méthodologies différentes. Il semble raisonnable de choisir pour
définir la limite maximale la formule qui soit la plus avantageuse pour
les Etats-Unis et l'Union européenne.
34 Les subventions au coton ne sont plus
liées à la production de coton et 35% de ces subventions sont
liées à la production spécifique au coton
35 Toutes les mesures de soutien interne
réputées avoir des effets de distorsion sur la production et les
échanges (à quelques exceptions près) entrent dans la
catégorie orange. Selon la définition figurant à l'article
6 de l'Accord sur l'agriculture, regroupe toutes les mesures de soutien interne
à l'exception de celles qui relèvent des catégories bleue
et verte. Il s'agit notamment des mesures de soutien des prix ou des
subventions directement liées aux quantités produites.
36 La catégorie bleue est une "catégorie orange
assortie de conditions", lesquelles visent à réduire les
distorsions. Selon l'article 6 de l'Accord sur l'agriculture, tout soutien qui
relèverait normalement de la catégorie orange entre dans la
catégorie bleue s'il oblige les agriculteurs à limiter leur
production.
54
plus, les pays africains producteurs de coton considèrent
qu'il s'agit là d'une réforme incomplète qui ne remplit
pas les obligations de Hong Kong. En effet, les subventions européennes
au coton restent les plus élevées au monde par kilogramme et leur
taux de découplage (65%) reste substantiellement plus bas que la moyenne
de l'ensemble des produits agricoles (>90%). Ceci est en contradiction avec
l'engagement pris par l'Union européenne à Hong Kong de faire
plus dans le coton que dans le reste de l'agriculture en raison de son
importance pour le
développement des pays pauvres.
I.2.1. Union européenne sur le marché
mondial du coton
L'Union européenne considère que comme elle
n'exporte pas, elle n'a pas d'influence sur le marché mondial. De plus,
elle considère que de par la réforme, décidée en
2004, elle a éliminé 100% des subventions de la boite orange en
les transférant vers la boite bleue (35%) et la boite verte (65%). Selon
la Commission, elle remplit donc totalement et indiscutablement les
critères de Hong-Kong car il n'y a plus de subventions dans la boite
orange. Elle estime à 278 millions d'euros ce qui reste dans la boite
bleue. Ce qui est dans la boite verte ne doit pas être
comptabilisé (environ 600 millions d'euros) car non couplé au
coton.
Or, l'Union européenne occupe un segment non
négligeable sur marché du coton, elle exporte (bien qu'elle dise
souvent le contraire) vers la Turquie. La Grèce par exemple exporte 65 %
de sa production de coton. La garantie inscrite dans le protocole
d'adhésion de la Grèce et de l'Espagne a été
pensée en termes de « filière », ce qui veut dire que
garantir la production servait à alimenter un appareil de production de
textile. Or la quasi-totalité de l'industrie textile de ces pays a
été délocalisée dans des pays où la main
d'oeuvre est moins chère, ce qui fait que les exportations sont
constituées de coton brut en majorité, et non de produits
transformés.
L'argument selon lequel la production européenne est
négligeable ne tient pas : le marché mondial n'étant que
la somme des marchés nationaux, l'EU ne peut nier sa place sur ce
marché mondial.
Enfin, les subventions de l'UE couplées ont, par
définition, un effet de distorsion sur le commerce (même si elles
sont moins distortives que les subventions américaines). De plus, des
études de l'OCDE ont montré que des subventions non distortives
(paiements directs) quand ils sont combinés avec des subventions de type
boite bleue, ont un effet distortif pour le commerce car encouragent la
production.
La Commission a sans doute raison de dire que la suppression des
seules subventions européennes aurait un effet très limité
sur les prix du coton et donc sur le revenu des pays africains. Cependant, ce
raisonnement ne tient pas compte de l'importance de la position de l'Union
européenne dans la négociation multilatérale.
Une réduction substantielle des subventions
européennes au coton est probablement une condition nécessaire
pour arriver à une solution multilatérale qui elle aurait
certainement, comme maintes fois démontré, un effet positif sur
le revenu des pays africains.
55
I.2.2. Culture du coton sur le plan domestique
Sur le plan domestique, la culture du coton dans l'Union
européenne n'est pas vitale pour la PAC. Des cultures de substitution,
et notamment le maïs, existent pour les pays européens producteurs
de coton. De plus, les études montrent qu'à terme, d'autres
cultures que le coton seront moins dommageables pour l'environnement. Comme
mentionné plus haut également, la part des exportations du coton
produit dans l'UE augmentera, une exportation qui n'est pas possible sans
subventions à l'exportation théoriquement illégales du
point de vue de l'OMC. En deux mots, la culture du coton en Europe n'est pas
durable notamment en raison de la grande consommation d'eau. Néanmoins,
il faut aussi prendre en compte le fait que les producteurs européens,
et notamment les Grecs, les plus nombreux, sont des producteurs pauvres vivant
dans des zones rurales assez défavorisées. Pour eux, envisager de
quitter la production de coton ne pourra se faire sans accompagnement financier
et technique solide, une sorte de plan d'ajustement structurel assorti d'une
période de transition et d'implémentation. Par définition,
les pays africains producteurs de coton ne sont pas contre les producteurs de
coton européens mais demandent juste que les subventions qui sont
attribuées au coton ne soient pas distortives.
Ce qui est problématique, c'est que le taux de
découplage pour le coton est moins élevé que pour les
cultures de substitution (94% de découplage en moyenne), ce qui rend une
substitution moins incitative et rémunératrice pour le producteur
de coton. D'une certaine manière, le couplage des aides imposé
aux cotonculteurs les incite à ne pas chercher d'alternatives.
I.2.3. Union européenne dans la
négociation multilatérale sur le coton
Sur le plan de la négociation, la position de l'UE est
contestable car elle se fonde sur une interprétation abusive ou
tronquée des textes en considérant qu'un transfert de la boite
orange vers la boite bleue pour un tiers et la boite verte pour deux tiers
correspond à une réduction des subventions en conformité
avec la Décision de Hong Kong sur le coton. Il aurait fallu d'abord
réduire les montants comptabilisés dans la boite orange selon les
réductions notées dans les modalités, et ensuite seulement
opérer le transfert de boites.
Du point de vue de la négociation, le fait que l'UE soit
perçue comme ne remplissant pas les critères de Hong Kong, au
même titre que les Etats-Unis, diminue la pression potentielle de la
communauté internationale sur les Etats-Unis. Un geste de bonne
volonté de l'Union européenne pourrait contribuer à
renforcer la pression sur les Etats-Unis.
Comme on l'a mentionné, le taux de découplage du
soutien au coton est inférieur à celui des autres soutiens
européens, ce qui peut être interprété comme
l'absence d'un traitement plus ambitieux pour le coton. Cet argument devrait
être utilisé plus régulièrement par les pays
africains.
56
L'élément le plus inacceptable de la part de la
Commission européenne est que sa position de négociation
constitue sa position maximale, intangible et non négociable. Par
définition, il devient impossible de négocier avec un
interlocuteur qui refuse d'envisager de modifier, dans une certaine mesure, sa
position pour trouver un terrain d'entente.
I.2.4. Subventions au coton de l'Union
européenne et les relations ACP
Il est difficilement acceptable pour les pays africains
producteurs de coton que l'Union européenne, qui met
systématiquement en avant les notions de partenariat et de relations
privilégiées entre l'Union européenne et les ACP, ne soit
pas prête à mettre du capital politique et à faire un
effort financier pour faire un geste qui pourrait être politiquement
très valorisant pour eux en tant que « premier donateur mondial
d'aide au développement » et dans le cadre de la mise en
cohérence des politiques de l'Union avec la politique de
développement.
Depuis 2006, la position européenne n'a pas bougé.
L'union européenne affirme ne pouvoir ni ne devoir faire plus pour le
coton. Il y a clairement ici une divergence dans l'interprétation du
texte de Hong Kong comme dans la lecture de la réforme
européenne.
I.3. Implication du différend
Brésil/Etats-Unis pour les pays africains
Dans le différend Brésil/Etats-Unis, l'OMC a
terminé son rôle à ce stade et les Etats-Unis et le
Brésil ne sont en rien obligés de trouver un accord qui porte sur
le coton, s'ils trouvent un autre terrain d'entente. Mais qu'est ce que cet
accord signifie pour les pays africains producteurs de coton ?
Les pays africains producteurs de coton semblent avoir
été exclus d'une partie qui se joue à Washington et
à Brasilia. Bien que certaines promesses d'association au fonds de
compensation alloué aux cotonculteurs brésiliens aient
été faites, il faut bien garder à l'esprit que ces
ressources ne pourront jamais remplacer les bénéfices d'une
solution commerciale pour le coton. De plus, accéder à ce fonds
pourrait fournir aux Américains l'argument qu'« ils font quelque
chose pour les pays
africains » même si c'est indirectement via le
Brésil et donc les inciter à faire moins dans la
négociation.
Quoique décident les Etats-Unis et le Brésil de
manière unilatérale, il peut y avoir deux types de
conséquences pour les pays africains producteurs de coton : (i) soit un
accord est annoncé, qui force les Etats-Unis à prendre des
mesures de mise en conformité avec les règles de l'OMC, et c'est
certes de portée limitée mais néanmoins
bénéfique pour les pays africains producteurs de coton ; (ii)
soit l'arrangement avec les Brésiliens ne porte pas en priorité
sur le coton et ne satisfait que les Brésiliens. Cette
possibilité est à envisager mais tout laisse à penser que
les deux parties vont rechercher une solution multilatérale.
Le défi auquel sont confrontés les pays africains
producteurs de coton est de faire en sorte que la solution
négociée entre les Etats-Unis et le Brésil et incluse dans
la Farm Bill ne devienne pas la position américaine officielle dans le
cadre des
57
négociations de Doha. Outre le fait qu'une telle position
ne remplirait pas les critères de Hong Kong, il serait en effet plus que
fâcheux que les Etats-Unis parviennent à vendre comme une
concession pour des futures règles une simple mise en conformité
avec les règles du Cycle d'Uruguay définies il y a plus de 15
ans.
Quelles pourraient-êtres les autres solutions possibles de
sorties de crises pour le coton africain ?
II. Solutions possibles de sorties de crise pour le
coton africain
II.1. Tendances des prix internationaux du coton
Dans les années 60-70, le prix du coton était
stable autour de 70 cents la livre, et en 2000, à cause des
biocarburants, le prix est tombé en moyenne autour de 60 cents la livre
avant de connaitre une explosion entre 2009 et 2011 avec une moyenne de 1
dollars par livre.
Selon les projections du CCIC, à long terme, les
perspectives sont moins réjouissantes et plus aléatoires. D'une
part, parce que l'augmentation des prix du coton va se répercuter,
théoriquement et mécaniquement, par une augmentation des produits
textiles et des vêtements dans une fourchette de 4 % à 15 %. De
telles augmentations ne peuvent pas être supportées par le
marché mondial des produits finis textiles et de vêtements. Ceci
aura pour conséquence, soit d'inciter les consommateurs à
réduire leurs achats vestimentaires et textiles, soit de reporter leurs
achats sur des produits vestimentaires et textiles autres qu'en coton. Dans
tous les cas, cela devrait peser sur la consommation mondiale de coton. Plus
fondamentalement, les prix du coton et donc le revenu des cotonculteurs, seront
au cours des prochains mois directement fonction de la production mondiale de
coton et donc des conditions météo. Si les conditions
météo dans les principaux pays producteurs sont mauvaises, la
production sera faible et les prix seront élevés ; et
inversement. Mais les prix continueront de baisser avec une moyenne de 70 cents
par livre. Malgré cette baisse continuelle, elle restera dans la
fourchette des années de 2000, c'est-à-dire pas en dessous de 60
cents la livre. C'est dire ici que les pays africains producteurs de coton
n'ont aucune emprise ici.
II.2. Action en règlement des différends
?
Aller en règlement des différends est une question
que le C_4 se pose depuis le début. Le choix de la négociation
était que l'on pouvait demander plus dans un nouveau Cycle que la simple
mise en conformité avec les règles en vigueur (issues du Cycle
d'Uruguay). Y aller au lendemain du résultat du litige entre le
Brésil et les Etats-Unis (août 2009) aurait fait du sens, en
termes de pression politique sur les Etats-Unis.
Aujourd'hui, la situation a changé sur plusieurs plans,
comme nous l'avons montré plus haut.
58
- Les prix du coton sont historiquement au plus haut et prouver
le préjudice devient extrêmement compliqué ; seule peut
être montrée la « menace d'un préjudice » ;
- L'ineptie de l'accord provisoire Etats-Unis-Brésil qui
oblige les Etats-Unis à payer les cotonculteurs brésiliens (147,3
millions $ par an en attendant la réforme) est très impopulaire
pour les contribuables américains et devrait forcer les Etats-Unis
à opter pour la mise en conformité ;
- Le risque est non négligeable que les Etats-Unis vendent
dans la négociation comme une concession ce qu'ils sont de toute
façon obligés de faire dans le cadre du Règlement des
Différends ;
- Il y a de plus en plus la pression du Congrès aux
Etats-Unis pour la réduction du déficit budgétaire.
Tous ces éléments nous amènent à
penser qu'une éventuelle décision d'aller en règlement des
différends devrait être prise, avec beaucoup de
précautions, à l'aune de ces nouveaux paramètres.
Si la décision du C_4 était d'y aller
néanmoins, il apparaît nécessaire que la démarche
soit entreprise non par le C_4 seul, mais par le plus grand nombre possible de
pays africains producteurs de coton, dans une approche qui pourrait être
assimilée à celle d'une « class action37 »,
et ce pour les raisons suivantes :
- faire un véritable « coup médiatique »
par une action inédite de type « class action » ;
- mettre la pression d'un continent sur les Etats-Unis ;
- réduire la pression diplomatique que pourrait exercer
les Etats-Unis sur les seuls pays du C_4 (notamment en menaçant non
ouvertement de réduire l'aide).
II.3. Transformation du coton africain
Au sein des pays africains, il y a lieu de continuer à
travailler pour transformer de plus en plus le coton brut et ses
dérivés (tige et graine) en produit semi-finis et finis pour que
la production cotonnière des pays africain soit rentable et puisse
constituer une activité économique durable clé pour leurs
équilibres socio-économiques, il semble nécessaire de
développer une stratégie articulée autour de trois axes
intimement associés :
- Le renforcement d'une politique de productivité, de
qualité et de rentabilité, ce qui suggère la mise en
oeuvre de plans d'actions pour la valorisation de l'offre Africaine comme la
production de coton longue fibre, de coton bio, etc., ainsi
37 Qu'est-ce qu'une class action ? Un recours
collectif ou une action de groupe (« class
action » en anglais) est une action en justice ou une
procédure qui permet à un grand nombre de personnes, souvent des
consommateurs, de poursuivre une personne, souvent une entreprise ou une
institution publique, afin d'obtenir une indemnisation morale ou
financière. La class action est utilisée surtout dans le monde
anglo-saxon.
Dans le cadre de l'OMC et du règlement des
différends, la class action existe de facto car plusieurs Etats
membres peuvent se regrouper pour déposer une plainte contre un autre
membre. Ils peuvent se regrouper comme plaignants ou accompagner les plaignants
en tant que tierce partie.
59
que d'importants efforts en termes de formation professionnelle
et d'organisation agricole et industrielle ;
- Le lancement d'une stratégie de « valeur
ajoutée », de création de filières
intégrées « coton », allant de la production agricole
jusqu'à la confection de produits finis textiles (vêtements,
textiles de maison, géotextiles, etc.), pour disposer de filières
comprenant des unités de filature, de tissage, d'ennoblissement et de
confection. Une telle stratégie passe par l'établissement de
relations partenariales étroites avec des partenaires industriels et/ou
commerciaux, ainsi que par une meilleure coopération avec les
partenaires. A cet effet, des plans stratégiques d'action devraient
être lancés, visant d'une part à promouvoir l'offre
cotonnière Africaine sur les marchés occidentaux et, d'autre
part, à attirer les Investissements Directs Etrangers (IDE). Les pays
africains pourraient utiliser les Sessions du Mécanismes consultatifs du
Directeur Général de l'OMC en faveur du coton pour lancer de
telles idées ;
- Traiter les problèmes concurrentiels au niveau de l'OMC,
avec deux objectifs principaux :
V' obtenir l'arrêt des intolérables subventions
américaines (voire, européennes) au coton ;
V' maintenir une « ceinture de sécurité
douanière » aux frontières des pays Africain, le temps
qu'ils mettent en oeuvre avec succès leur stratégie de
filière et de valeur ajoutée « coton ».
Conclusion
La solidarité développée autour de ce
dossier a permis au C_4 de ne pas baisser les bras et de continuer le combat.
Dès 2003, des organisations de la société civile se sont
s'emparées du dossier coton, en y voyant un cas d'école
idéal pour mettre en relief les incohérences entre politiques
commerciales et politiques de coopération au développement de
l'Union européenne et des Etats-Unis. Il faut reconnaître que,
pour plusieurs d'entre elles, ce dossier est un support de communication
idéal pour questionner la légitimité des instances
internationales en charge de la régulation du commerce et du
développement économique dans le monde.
Si la question des subventions au coton occupe aujourd'hui une
place spécifique dans l'agenda de l'OMC, elle le doit à une
combinaison de facteurs qui ont permis d'en faire un exemple
emblématique des enjeux au coeur du Cycle de négociations de
Doha. Le cas du coton démontre que certains programmes de soutien
à l'agriculture au Nord ont un impact négatif important sur le
commerce des produits agricoles au dépend des producteurs des pays en
développement du Sud.
Il faut le dire que les pays africains producteurs de coton
à travers le C_4 font preuve d'une constance exemplaire depuis le
lancement de l'initiative sectorielle en faveur du coton et, avec le soutien de
l'ensemble des pays moins avancés, africains et ACP, sont
décidés à ne pas abandonner le combat. Pour ce faire il
est important
60
de toujours maintenir les bonnes relations qui existent au sein
des groupes qui soutiennent cette initiative, car c'est par la force du nombre
qu'une issue positive pourra voir le jour. Pour ces pays, ce qui se joue
à l'OMC n'est ni plus ni moins que la crédibilité du
système commercial multilatéral auquel les Membres de l'OMC
devraient être tous attachés.
Dans la perspective de la conférence ministérielle
de l'OMC qui aura lieu à Bali en décembre 2013, tout
progrès sur le dossier du coton, quel qu'il soit, pourrait
s'avérer utile pour le système commercial multilatéral et
soulager un temps soit peu la détresse des pays africains producteurs de
coton. .
Les cotonculteurs africains ne demandent pas un traitement de
faveur, ni un traitement spécial et différencié, mais
simplement l'application des règles et principes que les membres de
l'OMC se sont eux-mêmes fixés. *
|