CHAPITRE V. DISCUSSION
A travers le monde, les résultats de certains travaux
témoignent de l'ampleur du problème lié à la
carence martiale en période de gestation.
Dans cette partie, il s'agira de signifier les données
présentées dans le chapitre précédent face à
celles d'autres études.
Après analyse des données, les résultats de
notre étude montrent que :
Les gestantes âgées de 18 à 30 ans ont
été les plus représentées à la CPN soit 73,5
% tandis que 6 gestantes soit 5,9% avaient moins de 18 ans (Tableau II).
Ces résultats confirment ceux obtenus par Pouiré
YAMEOGO [26] dans une étude prospective sur les
paramètres hématologiques chez les femmes enceintes qui avait
trouvé une prédominance des femmes dont la tranche d'âge
allait de 18 à 30 ans soit 62%.
Par contre, les proportions de notre série sont
inferieures à celles trouvées par Cheikh Med El Hafed O. Dehah et
Collaborateurs en République Islamique de Mauritanie : 72,9% pour les
sujets de moins de 18 ans et 1,5% pour les gestantes âgées de 31
ans et plus [29].
Cette convergence des statistiques pourrait s'expliquer par le
fait que Cheikh M. et Collaborateurs ont travaillé sur les femmes en
âge de procréer tandis que de notre part, nous n'avons
considéré que les gestantes rencontrées à la
CPN.
Dans notre série, les gestantes dont la grossesse avait
entre 16 et 24 SA ont été les plus rencontrées à la
CPN soit 59,8% par rapport à celles dont la grossesse avait moins de 16
SA soit 2,9%(Tableau III).
Ces résultats sont identiques à ceux obtenus par
HOUSSEYNI BOCOUM [25] qui a rapporté que les grossesses du
deuxième trimestre étaient les plus représentées
soit 47,5% sur un effectif de 200 gestantes dans son étude.
Nous pensons que cette fréquence élevée
au 2ème trimestre pourrait se justifier notamment par une
confirmation tardive de l'état gravidique ou au manque des moyens
financiers.
Concernant l'occupation des gestantes, on ne peut faire une
comparaison avec les normes internationales de référence
habituelles car il s'agit pour la plupart des cas d'activités
informelles de subsistance.
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Ces proportions sont différentes de celles obtenues par
HOUSSEYNI B. [25]et Mahamadou C. [27] dans leur série. Ils
ont rapporté une prédominance des gestantes
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Les femmes ménagères ont été les
plus représentéesà la CPN pendant notre enquête soit
58,8% des parturientes tandis que celles de métier libéral ont
été les moins fréquemment rencontrées soit 8,8%
(Tableau IV).
Ces statistiques corroborent avec celles obtenues par
HOUSSEYNI BOCOUM (73,5% des ménagères) [25] et DIA
NDEYE SOKHNA (98,2% des ménagères) [24] qui ont
respectivement travaillé sur l'évaluation de la qualité de
la consultation prénatale au CSCOM de l'ASACOBAKON de Bamako et sur la
prévalence de l'anémie au cours de l'état
gravidopuerpéral au CHU de Hassan II.
Ces résultats pourraient être dus au fait que les
activités ménagères sont traditionnellement
dévolues aux femmes dans notre société; il est donc normal
que la proportion de femmes ménagères soit élevée
par rapport aux autres catégories.
Dans notre série, les paucipares sont majoritaires soit
32,4% par rapport à un seul cas de grande multiparité soit 0,9%
de l'ensemble (Tableau V).
Dans son étude, HOUSSEYNI BOCOUM [25] a
trouvé le même ordre de proportion soit 76% des paucipares et les
grandes multipares ne représentaient que 1%.
Par contre, ces statistiques s'opposent à celles
avancées par Mahamadou COULIBALY [27] dans sa thèse
sur l'anémie et grossesse ; il a obtenu 29,5% des multipares ; 27,3% des
primaires ; 22,7% des grandes multipares ; 20,4% des paucipares et 0% des
nullipares.
Cette divergence des résultats pourrait s'expliquer par
le fait que Mahamadou C. n'a inclus que les gestantes anémiques tandis
nous avons considéré toutes les gestantes rencontrées
à la consultation prénatale.
L'objectif de l'étude du niveau d'instruction dans
notre série est d'apprécier la capacité de la femme
à répondre aux questions posées, à comprendre un
message concernant une éducation sanitaire ultérieure et à
pouvoir mettre en pratique les recommandations formulées par le
personnel médical.
Dans notre étude, les femmes du niveau secondaire
étaient plusfréquemment rencontrées à la CPN soit
46,1% tandis que celles sans instruction n'étaient rencontrées
que dans 4,9% des cas (Tableau VI).
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analphabètespar rapport à cellesqui ont
fréquenté l'école soit 65%d'analphabètes dans la
série de HOUSSEYNI B. et 28,9% dans celle de Mahamadou C.
Nous ne savons donner aucune explication pour justifier cette
divergence des résultats mais, vu les statistiques du Tableau VI, nous
osons penser que le message sur l'éducation sanitaire a
été compris et que les recommandations du personnel
médical ont été mises en pratique dans la majorité
des cas (Tableau XIII).
Dans le cadre de notre étude, ont été
considérées comme étant mariées toutes les femmes
mariées légalement ainsi que celles vivant en union consensuelle,
par contre, toute femme vivant séparée légalement ou non
de son conjoint a été considérée comme étant
non-mariée. Selon cette définition, les résultats
présentés au tableau VII ont montré qu'environ 6 femmes
sur 10 soit 66,7% étaient mariées par rapport à celles
non-mariées qui ont représenté un peu plus de 3 femmes sur
10 soit 33,3%.
Ces résultats épousent ceux rapportés par
Mahamadou C.[27] qui a trouvé 88,9% des femmes au foyer.
Nous pensons que ces résultats seraient
justifiés par le fait que dans notre société, le mariage
est le moment approprié pour l'homme et son épouse d'avoir des
enfants.
En effet, l'anémie est très souvent
associée à la malnutrition car la carence d'apport dans la
totalité des nutriments inclut de manière évidente la
carence en fer. Et qui dit carence d'apport pense disponibilité
alimentaire en amont et accessibilité en aval par rapport au
ménage avec comme déterminant direct le revenu.
Les gestantes dont les maris ou responsables exerçaient
un métier libéral étaient plus rencontrées à
la CPN soit 38,2% tandis que celles dont les maris ou responsables
étaient agriculteurs ou policiers n'ont été
rencontrées que dans 7 cas soit 6,9% dans notre série (Tableau
VIII).
De même, Mahamadou C.a observé dans son
étude que la répartition suivant la profession des maris ou
responsables montrait que la très grande majorité soit 58,3 %
étaient des professions libérales, les travailleurs ne
représentaient que 4,4 % [27].
Ceci serait du au fait que dans lespays en
développement, l'emploi des citoyens demeure encore un problème,
ce qui pousserait les habitants à exercer fréquemment un
métierlibéral pour la subsistance. Cet état de chose
expose la femme enceinte ou celle en âge de
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procréer d'une manière générale
à développer une carence en fer par insuffisance d'apport
nutritionnel recommandé.
Le paludisme a constitué le thème le plus
exploité au cours des CPN soit 24,5% tandis que les notions sur la
nutrition n'ont été exploitées que dans 17,6% des cas. Par
contre, 16 gestantes soit 15,7% ont déclaré n'avoir
développé aucun thème lors de la consultation
prénatale (Tableau X).
De même, les résultats obtenus par l'EDS-RDC-2007
indiquent globalement que 39 % des femmes ont été
informées sur les signes de complications de la grossesse et signalent
que ce pourcentage varie selon le milieu de résidence (les femmes
résidant en ville ont été mieux informées que
celles de la campagne), la province (le Katanga figure parmi les provinces
où les femmes ont été moins fréquemment
informées soit 38%)et le niveau d'instruction. [15]
Nous pensons que les mères devraient être plus
informées sur les notions d'une alimentationéquilibrée
pour une femme enceinte ou en âge de procréerétant
donné que certains états ou comportements sont malheureusement
facteurs d'exposition au déficit en fer au cours de la grossesse, c'est
notamment une hygiène précaire lors de la préparation ou
la cuisson des alimentaires et une insuffisance d'apports nutritionnels
conseillés.
Les cas d'anémie sur grossesse ont été
les plus rencontrés chez les femmes pour lesquelles un examen
d'hémoglobine a été réalisé soit 80,3% parmi
lesquels 3 cas soit 4,9% avaient une anémie gravidique
sévère (Tableau XI).
De même, L'EDS-RDC 2007 a rapporté 60% des
gestantes anémiques dont 2,7 anémiques sévères.
[15]
Dans leur étude à Lubumbashi en
République Démocratique du Congo, M.K. Kalenga et Collaborateurs
ont également rapporté des taux d'anémie
élevés chez les femmes enceintes de Bongonga (83%), Hôpital
Général Provincial de Référence Jason Sendwe (79%)
et Cliniques Universitaires de Lubumbashi (64%). [28]
Au regard de ces résultats et de ceux donnés par
l'OMS [22] sur la prévalence de l'anémie chez la femme
enceinte (Afrique : 65,8%, Amérique : 53,8%, Asie du Sud-est : 85,6%,
Europe : 8,3%, Méditerranée : 58,7%, Pacifique de l'Ouest 90,2%),
l'anémie pendant la grossesse reste un problème majeur dans
presque tous les pays en développement et dans de nombreux pays
industrialisés.
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Selon notre observation, l'examen d'hémoglobine n'a pas
été fait chez toutes les parturientes en étude notamment
pour la raison qu'il n'est pas gratuit et donc, limité à un
certain nombre des gestantes (Figure 1).
Le taux d'anémie assez élevé
observé dans notre étude pourrait s'expliquer par le fait que
cette population vit dans une zone où des facteurs comme les
parasitoses, les infections et les inflammations constituent des facteurs
confondants majeurs pouvant être responsables de faux positifs engendrant
un risque de surestimation de la prévalence de l'anémie. Il peut
aussi s'expliquer par l'inconvénient qu'il n'a été
utilisé qu'un seul indicateur d'évaluation de la
prévalence à savoir le taux d'hémoglobine tandis que
d'autres indicateurs biochimiques plusspécifiquesà la carence
martiale à savoir la ferritine et le récepteur soluble à
la transferrine devraient également être mesurés pour
déterminer si le déficit en fer est responsable de
l'anémie. Ceci aurait pour avantage d'adapter la supplémentation
ou la prescription des molécules de supplémentation en fer au
statut en hémoglobine de chaque gestante.
Les apports en fer durant la grossesse varient en fonction des
caractéristiques des populations, dans les pays industrialisés,
la plupart de femmes débutent leur grossesse avec un taux
d'hémoglobine normal et des quantités variables de réserve
en fer.
Dans les pays en voie de développement au contraire, ou
en cas de condition socioéconomique défavorisée, un grand
nombre de femmes sont carencées et/ou anémiques en début
de grossesse, nécessitant un traitement curatif du déficit.
Dans notre étude, les résultats montrent que 74
femmes rencontrées sur un effectif de 102 ont reçu une
prescription sur la supplémentation en fer au cours de la grossesse ; ce
qui revient à dire qu'aucune gestante n'a réellement
été supplémentée en fer dans notre étude
(Figure 2 ; 72,5%).
Par contre, l'EDS-RDC 2007 a noté qu'au cours des
visites prénatales, moins d'une femme sur deux (46 %) a reçu des
comprimés de fer-folate. [15]
Les résultats de notre étude s'opposent
également à ceux trouvés par DIA NDEYE SOKHNA
[24] dans son étude ; 73 gestantes soit 13,2% ont
été supplémentées en fer tandis 480 femmes soit
86,8% n'ont pas fait l'objet d'une supplémentation.
La politique nationale dans notre pays voudrait que la
supplémentation en fer au cours de la grossesse soit systématique
et pourtant, nous avons constaté qu'en dehors du fait que l'examen
d'hémoglobinen'est pas gratuit mais qu'en plus, les molécules de
supplémentation en fer
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sont à charge des gestantes ; ce qui compromet la
réalisation de cette supplémentation systématique.
Le comprimé de FétonTM/FefolTM a
été le plus prescrit aux gestantes pour la supplémentation
en fer soit 40,5% contrairement à celle d'Acide folique
recommandée dans 5,4% (Tableau XII).
Dans son étude, Marine Legroux [23]a
également montré une prédominance de la prescription de
Tardyferon® 80mg (Sulfate ferreux) soit 75,7% tandis que Tardyferon®
B9 (Acide folique) n'a été prescrit que dans 6,8% des cas pour le
traitement préventif et/ou curatif de l'anémie gravidique.
Cette fréquence pourrait s'expliquer par le fait que le
sulfate de fer II est le mieux absorbable et que dans notre cas, en dehors du
fait que la molécule de FétonTM/FefolTM contienne du sulfate
ferreux, elle contient également plus de fer élément que
les autres molécules et a été prescriteà une dose
moyenne de 17 capsules.
Pourtant, les recommandations nationales sont de donner par
jour un comprimé de fer-folate pendant 4 mois en cas d'anémie
ferriprive[17].Si nous considérons une femme de 60 kgde poids
qui a un taux d'hémoglobine de 9 g% recevant1 fois un comprimé de
FétonTM/FefolTM par jour soit 300 mg en 24 heures, la
supplémentation prendrait 85 jours sans interruption pour un total de 85
capsules.
Ceci revient à dire que la dose prescrite est
insuffisante étant donné que 20,3% des gestantes ont
déclaré ne pas respecter la posologie (Tableau XIII), les
médicaments sont à la charge des gestantes et qu'en plus ; 85,3%
des femmes ont débuté la CPN au deuxièmetrimestre (Tableau
IX).
Les autres molécules contiennent principalement le
citrate d'ammonium ferrique qui fournit entre 32 mg(HémoforceTM Sirop et
Hifer-ZTM) et 43 mg (Hémovit®) de fer élément. Les
molécules en sirop (HémoforceTM Sirop et Hémovit®)
sont en flacon de 200 ml et ont été prescrites respectivement
à 16 et à 4 gestantes à une dose moyenne d'un flacon par
femme. L'acide folique ne fournit pas du fer à l'organisme mais est
indispensable à toutes les cellules qui se renouvellent très vite
dont les globules rouges par la synthèse des acides nucléiques,
matériaux de construction et d'entretien des chromosomes ; son bon
approvisionnement est donc crucial surtout pour l'embryon et le foetus.
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