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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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CHAPITRE I : ETAT DES LIEUX DES INITIATIVES FACE A LA DEFIANCE SECURITAIRE REGIONALE

En l'absence de décisions rapides, fortes et cohérentes au niveau régional, continental et international, la situation politique, sécuritaire, économique et sociale au sahel s'est détériorée. Si les souverainetés nationales doivent être respectées et prises en compte, elles ne doivent pas pour autant être opposables à une approche régionale destinée à concevoir et opérationnaliser une stratégie sous-régionale et africaine de protection de la paix et de promotion d'une sécurité collective. Les menaces à la sécurité humaine et nationale s'avèrent de plus en plus avoir une nature et/ou une dimension supranationale, régionale ou internationale355(*). Face à ces incertitudes et menaces, les pays du champ et les acteurs extérieurs qui ont un intérêt dans la région n'ont guère d'autres choix que de s'impliquer dans la bande sahélo-saharienne, de défendre activement leur vision de la région et son avenir. Ainsi, pour faire face à cette menace, de nature complexe, transnationale, sournoise et évolutive, un certain nombre d'efforts et d'initiatives (politique, sécuritaire, économique) ont été mises en oeuvre.

La menace terroriste a, au fil des années, et particulièrement depuis les récents événements survenus en Libye et au Mali, progressivement convaincu la Communauté Internationale et les pays de la sous-région du risque que son ancrage et son évolution sont susceptibles de faire peser sur la sécurité, la stabilité et le développement socio-économique de l'Afrique de l'Ouest356(*). Jakaya KIKWETE, Président Tanzanien déclarait « plus nous tarderons, plus le terrorisme international deviendra plus sophistiqué dans ses stratégies et tactiques »357(*). Ce constat est plus que d'actualité en Afrique de l'Ouest et pousse à jeter un regard sur les réponses qui ont été apportées au niveau sous-régional, régional et international pour prévenir et combattre ce fléau (section I) et naturellement de s'interroger sur la question du progrès en termes de développement socioéconomique de la région (section II).

SECTION I : INITIATIVES REGIONALES ET EXTRAREGIONALES EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Au moment où l'évolution de la menace terroriste prend de l'ampleur sur le continent, il est nécessaire de procéder à une revue et analyse des différentes solutions qui ont à ce jour été apportées pour lutter contre ce phénomène. D'emblée, il s'agira de faire une évaluation des mécanismes sous-régionaux et africains de paix et de sécurité afin de s'interroger sur leur efficacité et leur effectivité (Paragraphe I) en passant par une prospection des initiatives assurées par les acteurs extérieures (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : MECANISMES SOUS-REGIONAL ET AFRICAINS DE PAIX ET DE SECURITE

La présente analyse a ainsi pour objectif de voir comment l'espace sous-régional sahélien agi face au terrorisme (A) et comment l'Afrique tout entière tente de répondre à ces marchands de l'apocalypse venu tout droit d'une autre planète (B).

A- L'espace sous-régional sahélien et le terrorisme international

En matière de sécurité et de paix contre les menaces de types sécuritaires et transfrontalières, l'ensemble des pays sahéliens ont mis sur pied un ensemble de moyens destinés à jouer un rôle de premier plan dans la stabilité de la région. Si une foultitude de mécanismes existe sur le plan régional pour faire face au terrorisme (1), celle-ci demeure insuffisante pour répondre aux défis sécuritaires auxquels la région se trouve confronté (2).

1- Instruments et stratégies sous-régional de lutte contre le terrorisme

L'espace sécuritaire sahélo-saharien est confronté à une multitude de défis d'ordre sécuritaire : montée de l'extrémisme religieux, de l'islam radical et le terrorisme s'enchevêtrant avec des trafics de tout ordre et la criminalité transfrontalière organisée. Défis se nourrissant également de réalités et considérations socio-économiques et environnementales. Le terrorisme représente sans doute l'une des menaces les plus sérieuses, compte tenu notamment de sa nature, souvent sournoise, et de son évolution actuelle358(*). Face à l'évolution significative qu'a connue cette menace sur cette partie du continent et au risque de déstabilisation qu'elle fait peser sur l'Afrique de l'Ouest et dans une certaine mesure sur le Maghreb et même au-delà, des réponses doivent plus que jamais être y apportées, repensées ou tout au moins renforcées359(*). A ce sujet, il convient sans doute de mettre en oeuvre une véritable culture de la menace, ce que nous n'avons pas forcément tout à fait développé aujourd'hui en Afrique. L'Afrique est en pleine émergence et ne sera jamais, il faut bien s'en persuader, à l'abri des conflits, y compris et surtout ceux qui trouvent leur origine en dehors de cette zone. Cela étant, au vue de la situation actuelle dans la sous-région, un certain nombre d'initiatives ont à cet effet été conçues et mises en oeuvre par les vingt et un Etats constituants cet espace.

Il existe en Afrique de l'Ouest un système régional de sécurité structuré, pour les quinze pays membres de la CEDEAO : le Mécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des Conflits, instauré par le Protocole de 1999 de l'organisation communautaire360(*). En matière de sécurité, le mécanisme institué par le Protocole de 1999 joue un rôle clef. Il a été suivi en 2001 par le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance du 21 décembre 2001 qui complète le mandat permettant à la CEDEAO de s'attaquer de manière politique, diplomatique et militaire aux causes profondes des conflits. La coopération au niveau des pays de la CEDEAO en matière de lutte contre le terrorisme s'illustre également par un certain nombre de rencontres telles que celle tenue le 23 septembre 2004 à Abuja (Nigéria), siège de la CEDEAO, et rassemblant les responsables des polices de la sous-région avec pour objectif de renforcer la collaboration sécuritaire dans la lutte contre les crimes transfrontaliers et le terrorisme et celle tenue à Abuja en avril et juin 2006 réunissant les responsables ouest-africains de la sécurité intérieure afin de renforcer leur coopération en matière de partage de renseignement, notamment sur le terrorisme361(*).

Comme on peut le voir, ces efforts, bien que pouvant servir à la lutte contre le terrorisme, ne portaient pas spécifiquement sur elle ; il faut dire qu'à ce moment, le terrorisme et la perception de la menace qu'elle représente n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui avec notamment la crise au Nord du Mali. Pour l'heure, la menace terroriste a principalement fait l'objet de discussions ou tout au moins d'évocation lors de réunions de responsables politiques, militaires et sécuritaires. A cet effet, au-delà des déclarations, préoccupations exprimées face à l'évolution de la menace, des condamnations traditionnelles des actes terroristes et des appels à une coopération renforcée et sérieuse, peu de décisions et d'avancée significatives ont été opérées sur la question. Cette propension des acteurs ouest-africains à être peu réactifs ou concret face aux défis auxquels leurs régions ou pays sont confrontés a été une fois de plus démontrer au Nord du Mali avant l'intervention française dans ce pays.

Toutefois, la CEDEAO a récemment entrepris de définir une stratégie de lutte contre le terrorisme, un plan d'action et un projet de déclaration politique contre le terrorisme. Ces instruments sont censés s'inscrire dans la volonté de l'organisation de renforcer sa capacité de surveillance, d'harmonisation, de coordination et de réglementation des politiques et pratiques des Etats en matière de prévention et de répression du terrorisme en Afrique de l'Ouest362(*). Cette dynamique s'inscrit dans la prise de conscience du fait que le terrorisme apparaît de plus en plus comme une menace grave à la paix, à la sécurité et à la stabilité en Afrique de l'Ouest. Au niveau de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), la coopération semble morte depuis, minée par le contentieux entre le Maroc et l'Algérie. Le Conseil Suprême (instance de décision de l'UMA composé de cinq chefs d'Etat) ne s'est pas réuni depuis 1994, année de la fermeture de la frontière Algéro-Marocaine. Et la réponse aux terrorismes tend de plus en plus à s'orienter vers des initiatives individuelles.

Ainsi, à côté de la Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) qui regroupe plusieurs Etats du sahel, la coopération régionale est aussi effective à travers l'installation depuis le 21 avril 2010 à Tamanrasset (Sud de l'Algérie) d'un commandement militaire conjoint, plus connu sous le nom de Comité d'Etat Major Opérationnel Conjoint (le CEMOC), chargé de coordonner les actions militaires antiterroristes des quatre pays (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger) et par celle d'un centre de renseignement contre le terrorisme dans le sahel, mise en place le 29 septembre 2010 et basé à Alger (Algérie), ayant pour mission de collecter et d'échanger des informations sur les terroristes en activité dans la région363(*). Dans le cadre du CEMOC, les pays du champ sont censés se réunir tous les six mois. Il faut aussi noter qu'à côté de ces institutions de coopérations contre le terrorisme, les Etat du sahel optent dans certaine mesure pour des mécanismes bilatéraux ou des actions en concertation avec des Etats extrarégionales. Cependant, ces initiatives bien que bonne en intention restent limitées. La coopération entre les pays sahéliens est en effet, ce, depuis ses débuts, l'objet de critiques quant à son effectivité et même quant à la réelle volonté et disponibilité des pays concernés à s'y investir.

2- Le sahel à l'épreuve des attentes sous régionales

Les Etats du sahel ont pris des mesures pour faire face à AQMI mais ne sont en général pas parvenus à mettre au point une stratégie consensuelle pour lutter contre ces groupes de mieux en mieux organisés et établis364(*). Certains leaders au sahel ont hésité à reconnaître l'ampleur de la menace et ont pris souvent des décisions pour des résultats à court terme sans grande préoccupation pour les implications à long terme. Un rapport d'information de l'Assemblée Française concluait que « la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme au sahel est un processus difficile. Elle butte sur les faibles moyens des Etats de la région, mais aussi sur des méfiances historiques, culturelles et politiques, ainsi que sur d'inévitables rivalités territoriales et les craintes d'atteinte à la souveraineté nationale »365(*). C'est un peu le sentiment qui prédomine concernant les insuffisances, suspicion et atermoiements observés dans la mise en oeuvre effective de la coopération censée s'initier à la suite du mémorandum de coopération et de coordination des actions de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée signé à Tamanrasset en 2009 entre les pays du champ, ceux là même qui sont au premier plan de la menace et les plus concernés par cette dernière, à savoir l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger366(*).

La coopération au niveau des pays de la CEDEAO en matière de lutte contre le terrorisme est peu institutionnalisée, assez embryonnaire dans sa forme collective. La faiblesse politique de la CEDEAO, l'ingérence étrangère et l'accentuation des rivalités entre Etats membres ne sont pas de nature à rendre l'action de l'organisation efficace. Si effectivement l'organisation de la CEN-SAD comprend tous les Etats concernés (à l'exception de l'Algérie), elle reste incapable de s'adapter à la nature de mobilité des phénomènes d'insécurité. Parmi toutes les organisations existantes, il n'existe aucune structure capable de mettre en oeuvre des mécanismes de coopération et d'harmonisation des actions au niveau de la grande région (Afrique du Nord, Sahel et CEDEAO). Or, les attentes sont immenses pour sortir le sahel de l'insécurité dans laquelle elle se trouve.

Dans ce contexte fortement incertain, l'ampleur du danger et le sens du bon voisinage stratégique devraient dictés une collaboration étroite entre les différents acteurs de la région. Pour coordonner leurs stratégies et leurs moyens de lutte, des actions concertées sont indispensables afin de briser le cycle de la violence et d'éviter l'enracinement de l'insécurité. « L'approche régionale ne saurait être une substitution de la CEDEAO, par exemple, à chacun de ses membres. Elle doit tout au contraire se traduire par une répartition des charges, une complémentarité des actions et une atténuation des faiblesses nationales éventuelles face à certains défis et menaces sécuritaires »367(*). Le renforcement de la coordination régionale et de la coopération sur les questions de contre-terrorisme ainsi que l'identification des ressources et des zones de renforcement des capacités dans la mise en oeuvre de la stratégie antiterroriste dans la région est nécessaire aux Etats de la zone sahélienne pour lutter efficacement contre les menaces sécuritaires. Certes, les efforts tendant à densifier la présence militaire des Etats en vue d'amplifier leur contrôle sur leur territoire et à combler les lacunes de coopération et de coordination à l'échelle sous-régionale ont été entrepris comme en témoigne les nombreuses initiatives existantes.

Mais, les Etats concernés doivent en parallèle protéger les moyens de subsistance de leurs populations et créer des opportunités économiques pour maintenir l'écart qui existe entre les communautés sahéliennes autochtones et les groupes terroristes salafistes qu'AQMI tente vivement de combler. Extirper les racines qu'AQMI tente d'implanter au sahel constitue le seul moyen de maîtriser et de renverser la menace sans cesse croissante qu'il représente pour la région et pour l'Afrique368(*).

* 355 Communication de M. Massaër DIALLO, « Défis sécuritaires et Hybridation des menaces dans la zone sahélo-saharienne », Institut d'Etudes Politiques et Stratégiques (IEPS), Dakar, p. 5.

* 356 William ASSANVO, « Menace terroriste en Afrique de l'Ouest : Etat des réponses nationales, régionales et internationales, Note d'analyse n° 13, septembre 2012, p. 3.

* 357 William ASSANVO, « L'Afrique exprime ses préoccupations lors du débat général de la 66eme session de l'Assemblée Général de l'ONU », Observatoire de la Vie Diplomatique en Afrique (OVIDA), Note de synthèse n° 23, octobre 2011, pp. 8-13.

* 358 William ASSANVO, « Menace terroriste en Afrique de l'Ouest : Etat des réponses nationales, régionales et internationales », Note d'analyse n° 13, septembre 2012, p. 2.

* 359 William ASSANVO, Ibid.

* 360 Intervention de M. Massaër DIALLO, chef d'unité « Gouvernance, Dynamique des conflits, paix et sécurité », « La sécurité en Afrique de l'Ouest : Enjeu de gouvernance et de développement », Réunion du groupe d'orientation des politiques (GOP) du Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO/OCDE), 25 et 26 janvier 2007, GTZ Berlin, p. 2.

* 361 Gani YOROMS, `'Counter Terrorism Measures in West Africa», in Walufa okumu and Anneli Botha (eds.), `'Understanding Terrorism in Africa: Building bridges in preventing and combating terrorism in Africa'', 19-20 May 2007, Cairo (Egypt), Tswane: Institute for security Studies, 2008, p. 94.

* 362 CEDEAO, « une nouvelle consultation régionale sur le projet de stratégie de contre terrorisme de la CEDEAO », Communiqué de presse, 30 octobre 2011.

* 363 « Un centre du renseignement pour lutter contre le terrorisme au sahel », RFI 30 septembre 2010. http://www.rfi.fr/afrique/20100930-centre-renseignementlutter-contre-le-terrorisme-sahel.

* 364 Modibo GOITA, « Nouvelle menace terroriste en Afrique de l'Ouest : contrecarrer la stratégie d'AQMI au sahel », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d'Etudes Stratégiques de l'Afrique, n° 11, février 2011, p. 4.

* 365 Rapport d'information de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale Française sur « la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne, 6 mars 2012, p. 67. http://www.asemblée-nationale.fr/13/rep-info/i4431.asp.

* 366 William ASSANVO, « Menace terroriste en Afrique de l'Ouest : Etat des réponses nationales, régionales et internationales », Note d'analyse n° 13, septembre 2012, p. 17.

* 367 Massaër DIALLO, « Défis sécuritaires et hybridation des menaces dans la zone sahélo-saharienne », Institut d'Etudes Politiques et Stratégiques (IEPS), Dakar, 25 et 26 novembre 2010, Bruxelles, p. 10.

* 368 Modibo GOITA, « Nouvelle menace terroriste en Afrique de l'Ouest : Contrecarrer la stratégie d'AQMI au Sahel », Bulletin de la Sécurité Africaine, une publication du Centre d'Etudes Stratégiques de l'Afrique, n° 11/Février 2011, pp. 7-8.

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