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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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PARAGRAPHE II : AQMI, UN PIEGE POUR LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

Le sahel n'est pas actuellement loin du spectre Afghan (A) et de la délocalisation de la menace d'AQMI, de l'international au local (B).

A- Le sahel dans l'ombre du spectre afghan

Si le sahel apparaît pour les Etats-Unis comme un nouveau sanctuaire du terrorisme international au quelle toute l'attention doit être désormais déportée (2), cette zone sableuse est dans le cas contraire un piège pour la France dont AQMI en a fait une des cibles privilégier (1).

1) AQMI un piège pour la France

La France est une des cibles prioritaires d'AQMI, laquelle éprouve une très forte haine pour ce pays. Ce sentiment n'est pas nouveau. Le terrorisme islamiste des années 90 a frappé à de nombreuses reprises, les intérêts français206(*). Les raisons ou les motivations de cette haine tenace à l'égard de la France était avant tout politiques et historiques. La France était l'ancienne puissance coloniale et elle était accusée de soutenir le régime algérien que combattaient les islamistes. Depuis les années 2000, les raisons de punir la France ont augmentées. En dehors de son passée de colonisateur ou de puissance coloniale, la France a été et est toujours accusée de tous les maux par la mouvance islamique de BEN LADEN. Elle a d'abord été visée pour sa participation à la lutte anti-terroriste de George WALKER BUSH et sa présence en Afghanistan. On lui reproche également sa laïcité et l'adoption de lois la défendant, telle, celle interdisant le port du voile intégral dans l'espace public. Perçue comme un ennemi de l'islam et des musulmans, la France doit dès lors, être punie tant pour ce qu'elle fait que pour ce qu'elle est, de même que pour « son arrogance ». Les critiques dépassent le seul cadre algérien par rapport aux années 90 et provient même du plus haut sommet d'Al-Qaïda. Ainsi, dès 1998, année de la création d'Al-Qaïda dans sa forme historique, Oussama BEN LADEN avait inscrit les implantations militaires françaises à Djibouti parmi les vingt trois objectifs de l'organisation. Par la suite, la visite en France en avril 2001 du commandant MASSOUD207(*), ennemi déclaré des Talibans avait amené le chef d'Al-Qaïda à tenir des propos virulents contre la France et les français, dénoncé comme son deuxième adversaire après les Etats-Unis.

Pas moins de neuf communiqués ont allongé la liste des appels à punir l'Etat français depuis 2001. Parmi les principaux, on peut citer celui d'Ayman ZAWAHIRI en date du 24 février 2004 et celui publié le 18 mai 2005 par Abou MOUSSAB AL ZARKAOUI, chef d'Al-Qaïda en Irak, dénonçant tous deux, la loi prohibant les signes religieux à l'école. Plus préoccupante encore sont les déclarations de l'émir d'AQMI, Abdelmalek DROUKDAL qui, durant l'été 2005, a qualifié la France « d'ennemi n° 1 », confirmant l'hostilité ouverte des extrémistes maghrébins à l'égard de l'ex-puissance coloniale. Cette haine idéologique et verbale à l'égard de la France en particulier a malheureusement dépassé le seul stade de la rhétorique. Inévitablement, elle a engendrée de nombreuses actions meurtrières concernant les otages français capturés par AQMI. En 2011, AQMI conserve une relative capacité de nuisance non négligeable car, les attaques et attentats d'AQMI au Maghreb et au sahel ont cru de 56% pour atteindre un sommet en 2009, avec 204 attaques, 178 attaques en 2010. Par ailleurs, durant la période 2001-2010, l'institut Potomac208(*) comptabilise 1103 actes terroristes (attentats, meurtres, kidnappings, etc.) contre des cibles nationales et internationales au Maghreb et au sahel, engendrant 2000 morts et 6000 blessés209(*).

Toutefois, il convient de constater que ces violences sont restées jusqu'ici cantonnées au seul continent africain. AQMI, ni d'ailleurs aucune autre branche d'Al-Qaïda n'a jamais pu frapper le territoire français depuis le dernier attentat islamiste sur le sol français qui remonte en 1996. L'efficacité des systèmes de sécurité en Europe depuis 2004 a rendu l'action outre méditerranéen difficile. La neutralisation de nombreux réseaux de soutien logistique et les Fatwas210(*) hostiles de théologiens du golfe décrétant illicite le jihad en Algérie affaiblit le mouvement terroriste211(*). En 2009, comme le souligne Louis CAPRIOLI212(*), « AQMI est confrontée à un phénomène d'érosion. Ses dirigeants disparaissent, la privant de cadres et de stratèges. Ses réseaux de soutien étant sans cesse démantelés, sa stratégie de recrutement s'effondre. L'efficacité de la lutte militaire et du renseignement ont asphyxié progressivement le mouvement terroriste »213(*). Le champ de bataille s'est donc déplacé sur la zone Sahara-sahel, l'AQMI, opérant un retour sur « l'ennemi-proche » et entrainant ainsi un regain d'intérêt des USA pour le continent.

2) Un nouveau sanctuaire pour les Etats-Unis

Depuis les attentats de New York de septembre 2001, l' « islamo-terrorisme » est devenu le nouvel ennemi global des Etats-Unis, et par extension du « monde libre »214(*). En désignant le sahel comme l'axe du terrorisme, les Etats-Unis ont-ils anticipé la menace ou l'ont-ils favorisé ? L'intérêt politique et militaire des Etats-Unis pour le sahel et pour l'Afrique en général s'est sensiblement accru depuis une quinzaine d'année avec la création en 1996 de l'AFRICA CRISIS RESPONSE INITIATIVE (ACRI) placé sous le commandement américain basée à Stuttgart (Allemagne) et connue sous le nom d'US-EUCOM. Cette section avait en charge la coordination des moyens militaires, notamment le recours aux forces spéciales. A la différence des autres Etats de la sous région, l'ACRI était présente au Mali avec comme temps fort l'année 2002 pour ce qui concerne l'espace Saharo-sahélien215(*). L'intérêt des Etats-Unis pour le sahel, point de liaison entre l'Afrique du Nord et l'Afrique noire, revêt une double dimension sécuritaire et économique216(*). La région du sahel est perçue à Washington comme une région vulnérable en raison de sa faible densité géographique et de ses frontières facilement poreuses. Sa proximité géographique, culturelle et religieuse avec le Moyen-Orient (considéré comme l'épicentre d'un terrorisme international allant de la péninsule arabique au Pakistan) constitue un terreau propice au développement d'autres actions terroristes antiaméricaines.

Les événements du 11 septembre 2001 ont débouché sur une conception stratégique américaine définie par l'expression de propagande politique de « guerre globale contre le terrorisme »217(*) relevant de ce que les politologues appellent la « doctrine Bush ». L'administration Bush est donc passée d'une politique étrangère qui au départ se voulait comme la moins interventionniste à une politique essentiellement fondée sur cette « guerre contre le terrorisme »218(*). Cette lutte prend un caractère mondial dont les relais s'affirment aux niveaux régionaux et nationaux. Plusieurs initiatives régionales de sécurité démontrent l'intégration de l'Afrique dans la guerre contre le terrorisme219(*). La première est l'établissement par le Pentagone, du quartier général de la COMBINED JOINT TASK FORCE-HORN OF AFRICA (CJTF-HOA) [Corps expéditionnaire conjoint]. Basée à Djibouti, elle est chargée de mener la guerre contre Al-Qaïda et ses soutiens au sein de la Grande Corne de l'Afrique (Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Somalie, Soudan), ainsi qu'au Yémen220(*). Les opérations terrestres sont menées par plus de 1000 membres des Forces spéciales américaines, basés à Camp LEMONIER. Les patrouilles côtières sont assurées par le détachement spécial de la COMBINED TASK FORCE 150 américaine (CTF 150), qui comporte également des forces navales d'autres pays comme l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni. La CJTF-HOA coordonne aussi ses opérations militaires avec la CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY (CIA), comme pour le lancement du drone PREDATOR contre des cibles terroristes suspectes.

Ensuite, l'application de cette guerre globale, à l'initiative du département d'Etat, s'est renforcée à partir du mois de novembre 2002 par la création du deuxième programme régional de sécurité : La Pan Sahelian Initiative (PSI) visant à protéger les frontières contre les trafics d'armes, de drogue et les mouvements. Les principaux objectifs du PSI ont été entre autres, de former les militaires nationaux de la sous région (Mali, Niger, Mauritanie, Tchad) à la lutte contre le terrorisme, d'encourager et coordonner les coopérations régionales à l'aide de technologie américaine et d'échanger des informations afin d'aider les Etats de l'espace Saharo-sahélien à construire leurs capacités à traiter les problèmes de la « Global War On Terror » (GWOT) en tant que force « reproductible » des forces américaines221(*). Fort du succès que cette force rencontra, parmi lequel, l'arrestation d'Abderrazak AL PARA, une des figures clés du GSPC qui fut livré aux autorités algériennes, les Etats-Unis passèrent à la vitesse supérieure avec la création du Trans Sahara Counter Terrorism (TSCTI) qui deviendra en 2005, le Trans Sahara Counter Terrorism Partnership (TSCTP) à l'évidence plus thématique et beaucoup mieux doté222(*) que le PSI et dont le siège se trouve à Ouagadougou au Burkina Faso. Celle-ci combine deux domaines d'intervention : militaire et civil. La composante militaire concerne l' « Opération Enduring Freedom-Trans Sahara » (OEP-TS) et la composante civile quant à elle fut assignée à trois départements, à savoir l'Agence de Développement USAID qui se consacra à l'éducation, tandis que le Département d'Etat prit en charge tout ce qui concerne la sécurité des aéroports, et le département du Trésor se réservant le renforcement des efforts fournis sur l'utilisation des trésoreries nationales. Notons cependant que le TSCTP est arrivé à expiration et il compte être remplacé par L'AFRICOM installé pour le moment à Stuttgart en Allemagne.

Si pour l'heure elle a connu un refus général des dirigeants africains pour son installation en Afrique, cette entité militaire s'inscrit dans le prolongement du TSTCP et marque le retour des USA sur le continent africain avec des initiatives qu'une presse africaine qualifie d'« américafrique » qui peut s'opposer ou s'allier le cas échéant, à la « françafrique ». La nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme publiée par l'administration OBAMA en juin 2011 réitère la nécessité de renforcer la coopération entre les Etats du sahel et plus particulièrement entre l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger223(*) car, la menace d'AQMI se fait sentir de plus en plus à l'échelle continentale.

* 206 Heureusement, de nombreuses actions ont pu être déjouées à temps par les services de renseignement (projets d'attentats lors de la coupe du monde de football de 1998, contre le marché de Noël de Strasbourg, en 2000) que ce soit sur son sol (attentat à la bombe de 1995 et 1996), ou en Algérie (détournement de l'Airbus d'Air France en 1994, assassinats de plusieurs français dont l'évêque d'Oran, en 1996).

* 207 Le commandant Massoud a été assassiné le 9 septembre 2001 par des proches d'Oussama Ben Laden, deux jours avant les attentats perpétrés aux Etats-Unis.

* 208 Alexander YONAH, «The consequences of terrorism: an update on Al-Qaeda and other terrorist threats in the sahel and Maghreb», 2011 report Update, Potomac Institute, janvier 2011.

* 209 Alexander YONAH, ibid, janvier 2011.

* 210 Une Fatwa ou fetfa est, dans l'islam, un avis juridique donné par un spécialiste de loi islamique sur une question.

* 211 Medhi TAJE,  « la réalité de la menace d'AQMI à l'aune des révolutions démogratiques au Maghreb », Géostratégiques n° 32, 3e Trimestre, 2011, p. 282.

* 212 Louis CAPRIOLI est conseillé du Président du GEOS, société européenne spécialisée dans le management du risque.

* 213 Jeune Afrique, n° 2540, 13 au 19 septembre 2009, p. 17.

* 214 Alain ANTIL, « L'Afrique et la guerre contre la terreur », Politique Etrangère, 2006/3, automne, p. 583.

* 215 André BOURGEOT, « Sahara de tous les enjeux », Hérodote, 2011/3, n° 142, p. 42-77. Consulté le 10 janvier 2013 à l'adresse http://www.cairn.info/revue-hérédote-2011-3-page-42.htm.

* 216 Yahia H. ZOUBIR,  «  Les Etats-Unis et le Maghreb : Primauté de la sécurité et marginalité de la démocratie », L'Année du Maghreb (en ligne) II, 2005-2006, mis en ligne le 08 juillet 2010, consulté le 25 juillet 2012, URL : http://annéemaghreb.revues.org/169, p. 12.

* 217 Dans cette « Global War On Terror », les Etats-Unis sont leaders mondiaux de la lutte contre le terrorisme ainsi que de la lutte contre la drogue.

* 218Carole ANDRE-DESSOMES, « Les Etats-Unis et la lutte contre le terrorisme international depuis le 11 septembre 2001 », Géostratégiques n° 29, 4e Trimestre 2010, p. 113.

* 219 Peter J. SCHRAEDER et Ivan CROUZEL, « La guerre contre le terrorisme et la politique américaine en Afrique », Politique Africaine, 2005/2 N° 98, p. 44. http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2005-2-page-42.htm. Consulté le 23 février 2013 à 05h05 mn.

* 220 Voir A. FEICKERT, « U. S.: military operations in the global war on terrorism : Afghanistan, Africa,

the Philippines, and Colombia », Washington, The Library of Congress, « CRS Report for Congress ;

RL 32758 », 4 février 2005, p. 7-8.

* 221 Voir le site, http://www.globalsecurity.org/miliatry/ops/aef-chad.htm. Consulté le 10 décembre 2012 à 01h15.

* 222 100 millions de dollars par an pendant 5 ans et dont les partenaires sont : l'Algérie, le Mali, le Niger, le Nigéria, la Mauritanie, le Sénégal, la Tunisie, le Maroc, le Tchad, le Burkina Faso et la Libye.

* 223 National Strategy for Counter Terrorism, juin 2011,

http://www.whitehouse.gov/sites/defaultt/files/counterterrorism.strategy.pdf

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius