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L'abstentionnisme électoral au Cameroun a l'ère du retour au multipartisme

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par Augustin TALA WAKEU
Université de Dschang-Cameroun - Master en Science Politique 2012
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACE

A Mon Cher oncle M. FEZEU WAKEM Faustin, pour son assistance.

A feue ma mère TCHUANCHE Marthe, à qui je dis un grand merci pour tout.

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont principalement à l'endroit de tous les enseignants et responsables de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang pour leur encadrement.

Mes remerciements vont particulièrement au :

Professeur TCHOUPIE André, qui a bien voulu guider mes premiers pas dans le domaine bien difficile mais passionnant de la recherche, mais aussi pour tous les conseils, la documentation et surtout la rigueur qu'il n'a cessé d'afficher à mon égard.

Professeur FOBANJONG John, pour ses encouragements, ses conseils et son soutien.

Docteur POKAM Hilaire de Prince, pour son soutien et ses encouragements qui n'ont cessés de me galvaniser.

Docteur DOUNKENG Zélé Champlain, pour les nombreux documents qu'il a mis à ma disposition, pour ses encouragements et conseils.

Docteur MOYE Godwin, pour ses précieux conseils. 

Docteur NGUEKEU Pierre, pour ses conseils et encouragements.

J'exprime ma profonde gratitude à Maman TCHOUFFANG Anne, pour tout ce qu'elle a fait pour moi.

J'exprime également ma sincère gratitude à Mademoiselle YIAGNIGNI MFOPA Marlise, pour tout le soutien et l'affection qu'elle n'a cessé de me témoigner.

PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS

ADD : Alliance pour la Démocratie et le Développement

AFP : Alliance des Forces Progressistes

ANDP : Alliance Nationale pour la Démocratie et le Progrès

CEAN : Centre d'Etude d'Afrique Noire

DIC : Démocratie Intégrale du Cameroun

Dir. : Dirigé par ou sous la direction

ELECAM : Elections Cameroon

FNSC : Front National pour le Salut du Cameroun

IBID. : Dans le même texte, au même endroit

LA DYNAMIQUE : Dynamique pour la renaissance Nationale

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de jurisprudence

MDR : Mouvement pour la Défense de la République

MLJC : Mouvement pour la Libération de la Jeunesse Camerounaise

MP : Mouvement Progressiste

N° : Numéro

ONEL : Observatoire National des Elections

Op.Cit : Opuscule précité

P. : Page

Pp. : Pages

PUF : Presses Universitaires de France

RDPC : Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

SDF : Social Democratic Front

UDC : Union Démocratique du Cameroun

UFDC : Union des Forces Démocratiques du Cameroun

UMS : Union des Mouvements Socialistes

UNDP : Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès

UPC : Union des Populations du Cameroun

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA CONSTRUCTION PRATIQUE DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 21

CHAPITRE 1 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES 23

SECTION 1 : LE DEVELOPPEMENT DES PRATIQUES SUSCEPTIBLES D'ENCOURAGER LA NON-INSCRIPTION VOLONTAIRE 24

SECTION 2 : LA MULTIPLICATION DES SOURCES DE LA NON-INSCRIPTION INVOLONTAIRE 48

CHAPITRE 2 : L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'ELECTION 60

SECTION 1 : L'ORCHESTRATION DU DYSFONCTIONNEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL 60

SECTION 2 : UNE CONSTRUCTION MARQUEE PAR L'INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-ECONOMIQUES ET DU FAIBLE IMPACT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE 77

DEUXIEME PARTIE : DE LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL A LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES DE SA NEUTRALISATION 101

CHAPITRE 1 : LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 104

SECTION 1 : ABSTENTIONNISME ELECTORAL ET DELEGITIMATION 105

SECTION 2 : LES BALBUTIEMENTS DE LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE 115

CHAPITRE 2 : LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES D'ERADICATION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 123

SECTION1 : LA MOBILISATION DES RESSOURCES EXPRESSIVES ET INCITATIVES 124

SECTION 2 : LA MOBILISATION DES RESSOURCES REDISTRIBUTIVES ET COERCITIVES 139

CONCLUSION GENERALE 152

INTRODUCTION GENERALE

Le pluralisme politique, fut-il imparfait, constitue un nouveau paradigme politique produisant des effets de croyances, de représentations et d'actions qui influencent en dépit de l'éventuelle stabilité des dirigeants (Sindjoun, 1999 :269). Il en résulte que, l'un des effets majeurs du pluralisme politique au Cameroun, est la construction de l'abstentionnisme électoral car, c'est avec le retour du pluralisme politique que ce phénomène est devenu autant considérable par ses proportions. Pourtant, il est nécessaire que la participation électorale soit importante dans un système démocratique, étant donné que seule la performance participative des acteurs détermine la performance de tout le système et facilite l'enracinement de la démocratie (Kamto, 1999 :101). Dans le cas contraire, l'interrogation de Mme Judith Shklar sur une certaine ironie dans le paradoxe d'une citoyenneté démocratique idéale qui ne séduit pas les gens qu'elle est supposée servir1(*) prend tout son sens, alors que l'un des hauts faits de la démocratie à travers l'histoire a été la lutte des exclus pour acquérir la pleine citoyenneté et avoir le droit de voter (Elan Tchoumbia, 2004 :56). Dès lors, qu'est-ce qui peut expliquer le non-vote de certains Camerounais, vu qu'il est difficilement admissible que des citoyens choisissent de ne pas s'exprimer et de se taire volontairement (Nna, 2009 :341). L'abstention électorale n'est donc pas un vote comme les autres car, elle constitue une réponse négative à une offre politique à un moment donné dans une conjoncture particulière (Subileau, 1997 :245). En général, l'abstentionnisme électoral se justifie par l'incapacité de la classe politique dans son ensemble à résoudre les problèmes économiques et sociaux, traduisant de fait l'hostilité des citoyens à l'égard du personnel politique qui ne songe qu'à conserver le pouvoir, les élections étant alors perçues comme un leurre dénué de toute réelle signification sociale et politique (Subileau,1997 :258). L'abstentionnisme électoral dans cette perspective traduit le comportement du « peuple-veto », qui manifeste plus la puissance de son refus que son souci d'autoriser et de légitimer. C'est une figure de « contre-démocratie »c'est-à-dire, de l'âge de la « désélection » (Perrineau, 2006 :38) ; or, la « contre-démocratie » n'est pas le contraire de la démocratie, mais plutôt la forme de la démocratie qui contrarie l'autre. En d'autres termes, la démocratie de la défiance face à la démocratie de la légitimité électorale2(*) selon M.Rosanvallon. Dans tous les cas, l'abstentionnisme électoral exprime tantôt un « défaut d'intégration politique », tantôt une forme de « contestation politique » ou encore, un « comportement stratégique ou rationnel »3(*). En conséquence, plusieurs approches peuvent expliquer l'abstentionnisme électoral.

Les approches sociologiques donnent du phénomène des explications quasi- déterministes en soulignant les convergences entre statut social et participation électorale, bien que les politistes préfèrent insister sur les liens de causalité entre l'impact des enjeux politiques, le contexte et l'échelle de la participation électorale4(*). C'est ainsi qu'Alain Lancelot, s'inspirant des causes explicatives du suicide, a pu établir celles de l'abstentionnisme électoral5(*). En effet, si Emile Durkheim avait démontré que les gens qui se suicidaient n'étaient pas intégrés à la société, Alain Lancelot suivant la même démarche, démontre qu'il y'a une forte corrélation entre l'abstentionnisme électoral et le défaut d'intégration sociale. Pour ce dernier, l'abstentionnisme électoral est lié au défaut d'intégration sociale7(*) des citoyens. Ces approches mettent donc l'accent sur les structures et les régularités du comportement électoral. Elles cherchent à expliquer l'orientation de l'abstentionnisme électoral par l'appartenance des individus à une époque, à une société, à un territoire ou à un milieu donné (Mayer, 1997 :16). Il convient alors de noter que, les approches sociologiques ou holistes comme celles développées par les écoles de Columbia et de Michigan aux Etats-Unis, postulent que le comportement électoral est le produit du milieu d'appartenance de l'électeur saisi dans sa dimension sociale, économique et culturelle. Pour ces écoles, les choix politiques obéissent aux normes collectives propres aux groupes d'appartenance dans lequel l'individu se meut (Kouamen, 2009 :32). Cependant, l'école de Michigan avait orienté ses recherches sur la variable de l'identification partisane qu'elle définit comme étant l'attachement affectif durable de l'électeur à un parti politique. Dès lors, ces différentes approches sociologiques et écologiques récusent l'idée du citoyen éclairé, autonome et capable de décider en toute indépendance de ses orientations (Kouamen, 2009 : 41) politiques. C'est la raison pour laquelle, Paul Lazarsfeld estime qu' « une personne pense politiquement comme elle est socialement9(*) ». Mais, même s'il est vrai que les modèles ci-dessus ont des impacts significatifs sur le comportement électoral et peuvent par conséquent motiver l'abstention des électeurs, il faut toutefois noter qu'ils font seulement apparaître des prédispositions socialement façonnées qui peuvent pousser l'individu à s'abstenir (Mayer, 1997 : 16).

Dans tous les cas, le vote des abstentionnistes va davantage révéler plus de choses (Subileau, 1997 : 245) dont-il est important d'en percer le mystère. A cet effet, la raison n'est pas nécessairement dans le vote, mais plutôt dans l'abstention (Lipset, 1963 : 5) ; puisque, si la raison du vote peut a priori être connue, si on prend en compte les offres électorales, celle de l'abstention n'est pas évidente. Toujours est-il que, si une partie importante du corps électoral décide de s'abstenir c'est qu'elle a certainement de bonnes raisons de le faire (Hastings, 1996 : 63). Ce qui suppose que, l'abstention est souvent la conséquence d'un certain nombre de calcul, d'où le problème de la rationalité de l'électeur, formulé par les partisans de la théorie du rational choice. Selon ses défenseurs, l'abstentionnisme électoral peut-être expliqué par le fait que, la probabilité pour qu'un vote influ sur les résultats étant faible que les « coûts » de participation, devrait rationnellement dissuader les potentiels électeurs de se déplacer ; ce qui entraîne l'inutilité du vote, parce que l'influence de chaque vote est infinitésimale sur les résultats électoraux (Lipset, 1963 :5). Dès lors, nous comprenons pourquoi l'électeur peut-être tenté de s'abstenir, ce qui illustre bien la rationalité de l'électeur. En fait, la particularité de l'électeur « rationnel » ou « stratège » est qu'il est débarrassé de toutes formes d'allégeance le prédisposant à un choix électoral déterminé. Dans cette logique, son choix électoral est fonction du contexte, des enjeux et de ses intérêts. C'est un électeur « éclairé », qui fait son « marché », il est instable, étant donné qu'il peut donner une explication à son abstention. Il est politisé c'est-à-dire « dans le jeu » parce qu'il est capable de produire un jugement articulé, cohérent et stable (Blondiaux, 1996 : 756). Contrairement à l'électeur « flottant » qui ne peut expliquer son choix électoral vu sa méconnaissance de la politique10(*), il est dit « hors du jeu ». De même, la rationalité de l'abstentionniste peut s'expliquer par la montée de « l'individualisation » qui n'est pas l'individualisme.  L'individualisation est la culture du « chacun son choix » et non la culture du « chacun pour soi » comme l'individualisme. Avec « l'individualisation », les choix électoraux ne sont pas automatiques, ils font l'objet. d'hésitations chacun estimant avoir le droit de faire ses propres expériences. L'individualisation correspond donc, à la rationalisation des choix électoraux (Brechon (a), 2007 : 1). Ceci étant, la rationalité conduit les citoyens à moins se préoccuper de la victoire d'un camp ou de son orientation politique, que de ce qu'ils pourraient retirer de leurs votes (Gaxie, 2000 : 43) parce qu'ils votent dans l'optique de ressentir les effets de cet acte dans leur vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle, M. Nietzsche pense que, les citoyens ont le droit de restituer le suffrage universel, s'il ne donne pas satisfaction à leurs espoirs11(*). De toute évidence, la construction de notre objet de recherche s'impose (I) avec la même importance que le déploiement des procédés d'analyses (II).

I- LA CONSTRUCTION DE L'OBJET D'ETUDE

Il est question dans la construction de l'objet de prendre en compte la représentation rationnelle comprenant les attributs essentiels d'une classe de phénomène (Grawitz, 1996 : 18) car, l'emprise des notions communes est si forte que, toutes les techniques d'objectivation doivent être mises en oeuvre pour accomplir effectivement une rupture (Bourdieu et als, 1983 : 28). Dans cette logique, nous procedérons au préalable par la clarification conceptuelle et ensuite par l'abstraction du domaine factuel d'analyse.

A- LA CONSTRUCTION SUR LE PLAN CONCEPTUEL : comment approcher le phénomène de l'abstentionnisme électoral ?

L'abstentionnisme électoral peut être analysé comme la non-participation des électeurs à un vote auquel ils sont convoqués (Alcaud et als, 2004 : 1). En effet, à l'occasion d'une élection, une partie non négligeable de l'électorat peut, pour plusieurs raisons, décider de ne pas y participer. Dans le cas du Cameroun, il ne s'agit pas de la violation d'une règle de droit, mais du manquement à un devoir civique. Leur pourcentage lorsqu'il est important et parfois plus élevé que celui des votants, effrite de manière sérieuse la légitimité des gouvernants. Il en résulte que, le taux d'abstention est le rapport de la différence entre le nombre d'électeurs inscrits et le nombre de votants sur cent (Bournet, 2004 : 1). De manière concrète, l'abstention électorale renvoie aux électeurs qui exercent leur droit en choisissant de ne pas voter (Lipset, 1963 : 13). C'est un droit dont l'exercice peut être considéré comme contradictoire à l'exercice du devoir de citoyen qui est généralement encouragé et parfois sacralisé ; ce qui bien sûr n'empêche pas certains citoyens d'y renoncer très souvent de manière « conjoncturelle » ou « systématique » selon les cas.

L'abstentionnisme électoral préconise donc la non-participation à l'élection (Barbet, 2007 :3), faisant de celui qui s'abstient dans une votation un abstentionniste. Au-delà de cette interprétation, il est important de rappeler l'origine de cette trilogie : de l'abstention, l'abstentionniste et l'abstentionnisme. En effet, comme l'abstentionniste, l'abstentionnisme est dérivé du mot « abstention » qui signifie dans son acception le plus large, « L'action de s'abstenir dans l'exercice d'une fonction, d'un droit » (Barbet, 2007 : 3). Cependant, « abstention » tout comme « abstinence », vient de la souche « abstinere » (d'origine latine) ; mais, tandis que « abstinence » conservera le sens de privation notamment religieuse, l'abstention quant à elle prendra progressivement à partir de 1866 plutôt un sens politique (Barbet, 2007 : 3). C'est donc à partir du mot « abstention » que dériveront les mots « abstentionnisme » et « abstentionniste » qui, d'emblée, seront dotés d'une signification principalement et exclusivement politique, du fait qu'ils désignent des individus non concernés par le développement du fait électoral (Barbet, 2007 : 4). C'est en passant peut-être par l'abstention des élus dans les assemblées qu'on est venu à parler de l'abstention des électeurs et que, par analogie et élargissement, le terme a été retenu pour désigner le non-vote de certains citoyens (Barbet, 2007 : 4). Autrement dit, l'attitude d'un citoyen en âge de voter qui ne se déplace pas pour voter alors qu'il est invité à le faire par le système politique (Brechon(a), 2007 : 1). Néanmoins, en définissant l'abstentionnisme électoral stricto sensu, c'est-à-dire par rapport aux inscrits qui ne votent pas, on sous évalue le phénomène et partant le taux d'abstention ; il en résulte que, les non-inscrits faussent largement le taux d'abstention (Bournet, 2004 : 1). C'est fort de ce constat que nous avons été amenés à envisager les non-inscrits comme des abstentionnistes surtout dans un pays comme le Cameroun où l'inscription sur les listes électorales est un droit12(*) ; contrairement à la France où elle est plutôt une obligation qui se fait d'ailleurs de façon automatique sauf en cas de changement d'adresse13(*). Au regard de ces analyses, il serait pertinent de considérer l'abstentionnisme électoral dans son sens large, c'est-à-dire en y incluant d'une part les non-inscrits (Lipset, 1963 : 8) qui constituent généralement l'essentiel des abstentionnistes, les votes nuls14(*) et d'autre part ceux qui ne se déplacent pas pour aller voter alors qu'ils sont inscrits sur les listes électorales. En ce qui concerne les votes nuls, M. Delwit (1993 : 6) pense que, parce qu'ils n'expriment pas des votes pour une des forces politiques en compétition ils sont rangés parmi les abstentions.

Par ailleurs, l'abstentionnisme électoral peut-être, soit conjoncturel, soit systématique. S'agissant de l'abstentionnisme « conjoncturel », il est généralement lié à la conjoncture politique, au contexte électoral, à la nature de l'élection et à ses enjeux (Kouamen, 2009 : 99) qui sont les facteurs majeurs pouvant déterminer ce phénomène. Les citoyens qui pratiquent ce type d'abstentionnisme sont politisés et généralement majoritaires, contrairement aux abstentionnistes « constants » ou « systématiques » qui, d'après Anne Muxel (2007 : 49), sont des électeurs « hors du jeu » puisqu'ils ne s'intéressent pas à la politique, ne se sentent proches d'aucun parti politique et restent loin de toute forme de participation politique, trahissant leur faible degré de politisation. Parallèlement, Françoise Subileau (1997 : 259) met en exergue l'abstentionnisme « protestataire » qui exprime plus le rejet du système politique tel qu'il fonctionne et s'apparente au vote contre le système politique, social et à l'offre politique (Perrineau, 2006 : 33) ; il se rapproche de l'abstentionnisme « hors du jeu ». Il en ressort que, l'abstentionnisme électoral est une forme de participation électorale dans laquelle, sans prendre part au vote, les électeurs utilisent l'occasion du vote pour exprimer un mécontentement ou un découragement (Nna, 2009 : 344). Ainsi, comme ce phénomène traduit un choix de la part des citoyens, nous pouvons le rapprocher de « l'escapisme » qui signifie que face à la volonté du régime d'obliger les citoyens à le légitimer au travers d'élections, ceux-ci vont recourir à l'abstentionnisme électoral qui, loin d'être un acquiescement silencieux, peut être perçu comme une forme de contestation (Alcaud et als, 2004 : 4). Toutefois, c'est un phénomène qui n'est pas toujours volontaire puisqu'il est parfois involontaire ou même forcé. En tout état de cause, s'il remet en cause l'universalité du suffrage, il ne s'apparente cependant pas à un suffrage restreint, mais correspond plutôt à un impératif démocratique et ne saurait être assimilé au suffrage censitaire (Lipset, 1963 : 14).

En définitive, les non-inscrits sont nécessairement des « abstentionnistes obligatoires » (Lipset, 1963 : 8) bien que la non-inscription sur les listes soit insensible aux circonstances du vote (Panke-shon, 2007 : 3). De même, le vote nul, parce qu'il n'exprime aucun vote pour l'une des forces politiques en compétition, est assimilé à l'abstentionnisme électoral. Ainsi entendu, le concept de l'abstentionnisme électoral sera examiné dans son sens large, c'est-à-dire, en prenant en compte la non-inscription sur les listes électorales, le vote nul et le non-vote des électeurs inscrits sur les listes électorales. Ce qui nous conduit préalablement à l'abstraction de son domaine factuel d'analyse.

B- ABSTRACTION DU DOMAINE FACTUEL D'ANALYSE

L'abstraction du domaine factuel d'analyse nous permet de sélectionner les faits qui seront au centre de notre étude. Cette sélection se réalise par l'adoption d'une approche théorique pour traiter le problème suivant un fil conducteur. C'est ainsi que nous présenterons d'une part la problèmatique et d'autre part l'hypothèse.

1-Problématique

L'élection constitue le principe de base des démocraties représentatives, car elle assure aux gouvernants la légitimité politique (Nna, 2009 : 339) dont ils ont besoin pour agir au nom du peuple. Or, cette légitimité ne se transmet que par la participation massive du peuple au vote de ses dirigeants. Le vote est dans cette logique un mode pacifique de transmission du pouvoir. A cet effet, par lui le peuple renonce à la violence car, il est un moyen de pacification de l'action politique15(*). En permettant d'exprimer fidèlement la souveraineté du peuple, le vote acquiert les attributs symboliques du sacré, débouchant alors sur un ordre conventionnel qui « désarme la violence » (Ihl, 1993 : 6).

Ainsi, au-delà de la légitimité politique, le vote à travers son caractère concurrentiel permet aux partis politiques de mesurer leur importance après le décompte des voix (Owona Nguini, 1997 : 221), d'acquérir une notoriété sur la scène politique et électorale. Au regard de ces aspects, le vote est donc un instrument important de la démocratie, surtout lorsque le peuple dans sa majorité est impliqué ; sinon, il sera considéré comme un simple sondage d'opinion de moindre qualité (Lipset, 1960 : 15) puisqu'il ne permet pas, dans cette perspective, à l'ensemble des citoyens de s'exprimer, mais plutôt à une portion parfois très négligeable. Point n'est donc besoin de rappeler que la participation massive des citoyens en âge de voter est vitale pour la démocratie, car, elle constitue un indice de bonne santé pour la démocratie (Lipset, 1960 : 4). Pourtant, de plus en plus, les peuples sont de moins en moins représentés, ce qui se matérialise par leur forte tendance à la pratique de l'abstentionnisme électoral. En effet, c'est un phénomène récurrent qui n'est pas particulier au Cameroun. Bref, à travers le monde, malgré l'extension du droit de vote, un grand nombre de citoyens en âge de voter continue de s'abstenir (Duval, 2005 : 01). Concernant le Cameroun, depuis 199216(*), le vote n'est plus obligatoire comme ce fut le cas pendant la période du monopartisme où les taux d'abstention étaient faibles, étant donné que, les forces de l'ordre avaient la possibilité lors d'un contrôle, de vérifier les cartes d'électeur (Kamga, 1985 : 39-40) afin de s'assurer que les citoyens étaient inscrits et qu'ils votaient effectivement malgré le caractère non concurrentiel des élections. Néanmoins, depuis les premières élections pluralistes post- parti unique, le Cameroun connait des taux d'abstention de plus en plus importants, suscitant moult interrogations ; car, si le vote a pour fonction latente de légitimer le pouvoir des dirigeants, l'abstention quant à elle peut signifier la disqualification de l'ensemble de la classe politique aux yeux des masses (Afom Ndong, 2007 : 98). Ce qui entraine des interrogations sur les explications et les diverses conséquences de l'abstentionnisme électoral. C'est pour cette raison que, partant de l'analyse d'André Sigfried selon laquelle il n'y a pas d'explication unique du vote17(*), on peut par analogie dire qu'il n'y a pas d'explication unique de l'abstentionnisme. Toujours est-il que, selon Parfait Songué : il y a une forte démobilisation électorale au Cameroun qui date de 199018(*). C'est pourquoi depuis 1992, l'un des enjeux principaux de l'élection est la participation, vu la configuration significative de l'abstentionnisme électoral existant désormais au Cameroun (Owona Nguini, 1997 : 721) qui, d'une manière comme d'une autre pose parfois le problème de la légitimité des dirigeants et des institutions républicaines, justifiant pourquoi : même les régimes les plus liberticides s'enorgueillissent du taux de participation électorale remarquable (Lipset, 1963 : 18). Il n'est donc pas superflu de s'interroger sur le pourcentage de participation des citoyens au vote, même si nos représentants ont été élus (Nna, 2009 : 344) et agissent au nom, en lieu et place de l'ensemble des citoyens, même de ceux qui n'ont pas pris part au vote. Dans cette logique, on n'est plus tenté de s'interroger sur la volonté populaire exprimée par la participation, mais sur celle exprimée dans la non-participation c'est-à-dire sur le refus des citoyens de prendre part aux votes auxquels ils sont convoqués. Bien que les forts taux d'abstention ne soient pas de nature à affecter en pratique la stabilité d'un régime,19(*) l'abstentionnisme électoral est analysé comme le refus des abstentionnistes d'appartenir à la communauté électorale nationale. En effet, le fait de voter signifie au-delà de l'expression d'un choix, que celui-ci ait une motivation morale ou politique et qu'on continue de faire partie de la communauté politique nationale (Blondiaux, 1996 112).

L'abstentionnisme électoral constitue la preuve que, la plupart des citoyens ont compris qu'ils ne font plus l'histoire politique du pays et en conséquence ils se désintéressent de l'élection (Bouthoul, 1969 : 19). Faute de ne pas y trouver leur compte, une partie non négligeable des citoyens se détourne du vote, sans intention de remettre en cause l'idéal démocratique auquel ils sont attachés, même s'ils ne croient plus forcément au vote qui en est l'un des piliers fondamentaux. Cette situation est révélatrice d'un « malaise » soit de la politique, soit de la représentation, soit des citoyens (Barbet, 2007 : 1). Dans tous les cas, malgré les efforts de mobilisation, les camerounais sont de plus en plus nombreux à renoncer à leur droit de vote. En somme, les élections « made in Cameroun » ont toujours un grand vainqueur : c'est l'abstention, étant donné que le grand absent c'est le corps électoral qui est toujours réduit à son expression la plus chétive (Kamga, 1999 : 69). C'est au regard de toutes ces analyses que nous avons été amenés à nous interroger sur la question de savoir comment les acteurs sociopolitiques construisent-ils le phénomène de l'abstentionnisme électoral au Cameroun depuis le retour du multipartisme et quelle est l'influence de cette construction sur la dynamique sociopolitique du pays ?

2-Hypothèse

L'hypothèse constitue une proposition de réponse à la question posée et tend à formuler une relation entre des faits significatifs (Grawitz, 1996 : 18). Celle sur laquelle reposera notre étude est la suivante :

Les acteurs du champ sociopolitique camerounais construisent volontairement et involontairement l'abstentionnisme électoral à travers diverses actions et interactions. Ce qui débouche sur une multiplication des effets pervers et suscite la production des mécanismes de sa neutralisation. Dès lors, l'étude de la construction de ce phénomène impose que nous adoptions des procédés d'analyse rigoureux.

II- PROCEDES D'ANALYSE

L'objectif de la recherche scientifique n'est pas seulement de rendre la réalité accessible mais aussi d'y accéder de façon compréhensible à travers des analyses méthodiques capables de rendre le raisonnement plus clair. Il est donc important pour nous de relever les éléments permettant de valider le caractère scientifique de la recherche. A cet effet, nous envisagerons d'une part les méthodes et d'autre part les techniques.

A- LES METHODES

Les méthodes constituent un ensemble de normes permettant de sélectionner et de coordonner les techniques (Grawitz, 1996 : 318). Elles permettent ainsi d'organiser le travail afin de favoriser sa bonne compréhension à travers un cheminement clair. En conséquence, sans méthodes, il est difficile de saisir la réalité scientifique (Grawitz, 1996 : 317). C'est la raison pour laquelle le choix des méthodes ne se fait pas au hasard sinon on ne parviendrait pas au résultat escompté. Il en résulte que la sélection de chaque méthode est liée aux particularités que chacune d'elle possède car il ne suffit pas seulement d'être une méthode pour servir à toutes les démonstrations. Dans cette perspective, à coté du constructivisme, entre aussi en jeu l'interactionnisme stratégique.

1- Le constructivisme

L'analyse constructiviste met en relation la production, la reproduction des pratiques et usages sociaux avec leurs caractères situés dans les contextes particuliers (Klotz et Lynch, 1999 : 51). Elle nous permet d'appréhender les réalités sociales comme le fruit des acteurs sociaux conditionnés par la conjoncture qui prévaut lors de la construction. Elle permet également d'observer la manière et de comprendre comment les agents sociaux et les structures se construisent réciproquement. Dans cette optique, les réalités sociales sont appréhendées comme des constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels et collectifs (Corcuff, 1995 : 17). De ce fait, les pratiques et symboles des acteurs participent à la production et à la reproduction des réalités sociales. Bien plus, la réalité sociale est une construction fondée sur l'interaction entre les agents sociaux.

Le constructivisme repose donc sur l'idée que nos représentations, nos connaissances, ou les catégories structurant ces connaissances, ces représentations ne sont que le produit de l'entendement humain et non le reflet exact de la réalité20(*). En outre, la réalité sociale est dotée d'une autonomie qui l'amène en retour à déterminer l'existence des agents sociaux qui l'ont produite (Tchoupie, 2004 : 43). Cependant, cette construction ne dépend pas souvent de la volonté des acteurs. De ce fait, comment ne pas reconnaître que les agents sociaux ont la capacité et la volonté d'adopter des attitudes délibérées à l'égard du monde et de lui donner sens ? Ainsi, cette approche tend à écarter la recherche des lois générales et universelles à partir desquelles serait expliqué le particulier, pour ne mettre l'accent que sur l'individu, sur son action, sur ses choix et sur l'impact de ses choix (Tchoupie, 2004 : 44). Elle est fondée sur les particularités de la réalité observable et met en évidence ses traits significatifs. C'est cette capacité qui permet de donner naissance aux réalités sociales21(*). Or, ce rôle important des acteurs dépend généralement de leur identité et détermine leurs agissements. Bien que ce que pensent et souhaitent pouvoir accomplir les acteurs guident leurs actions, il n'est pas possible d'admettre dans ces conditions que les normes ou les institutions naissent dans le vide (Klotz et Lynch, 1999 : 59). En plus, cette méthode a l'avantage de permettre la quantification et l'utilisation d'échelle numérique et des données statistiques car, l'utilisation d'échelle numérique permet d'évaluer le degré de déviation par rapport aux limites idéales (Cazeneuve, 1976 : 95-97). Malgré le fait que les réalités dans lesquelles nous vivons sont conceptualisées par le constructivisme comme socialement construites22(*), cette méthode objecte l'impossibilité de rencontrer la discontinuité dans la réalité (Bourdieu, 2000 : 93). Elle donne la possibilité d'expliquer l'origine des intérêts et les conditions dans lesquelles ces acteurs agissent. D'où la question de savoir qui sont les acteurs et que font-ils d'important (Klotz et Lynch, 1999 : 57). Par cette méthode, il sera aisé de mettre de l'ordre dans les données de l'expérience et sa fonction est de permettre les descriptions en terme qui les rendent comparable afin que, appliquée à un cas particulier, elle permette de prévoir avec une certaine probabilité ce que l'on peut attendre dans d'autres cas (Cazeneuve, 1976 : 95).

L'application du paradigme constructiviste à l'analyse du phénomène de l'abstentionnisme électoral nous permettra de démontrer non seulement comment les acteurs (individuels et collectifs) sociopolitiques camerounais, dans leurs actions historiques et quotidiennes, participent non seulement volontairement ou involontairement à la construction du phénomène, mais aussi comment l'abstentionnisme électoral construit à son tour les acteurs. Ces derniers sont dans une lutte politique qui est une lutte pour maintenir ou changer la vision du monde social en conservant ou en modifiant les catégories de perception du monde, en travaillant à la constitution d'un sens commun (Bourdieu, 2000 : 19). Mais, si les acteurs sont au coeur de la construction, celle-ci tend souvent à les échapper. Dans tous les cas, par leurs usages, pratiques, symboles quotidiens et historiques, les acteurs participent à la production et la reproduction de l'abstentionnisme électoral puisque, selon Alfred Schutz, les phénomènes sociaux sont construits, institutionnalisés et transformés en traditions23(*) .

En définitive, le constructivisme contribuera à l'examen de l'implication effective des agents sociaux dans une permanente dialectique de construction et de déconstruction (Tchoupie, 2004 : 45) de l'abstentionnisme électoral. Cependant, il sera important de souligner la conjoncture particulière qui prévaut dans le processus de construction et sa logique interactionniste.

2- L'interactionnisme stratégique

L'analyse stratégique fait appel à l'identification des acteurs, à la compréhension de leurs enjeux, aux différents pouvoirs dont ils disposent pour les faire valoir et à l'identification des zones d'incertitude sur lesquelles ils s'appuient (Morin, 2002 : 58). L'interactionnisme postule alors la prise en considération des sujets en tant qu'acteurs susceptibles de choix, d'initiatives, de stratégies ; il fait de l'acteur individuel une unité d'analyse (Ansart, 1990 : 217). L'importance est donc mise ici sur les acteurs, leurs interactions et leurs enjeux.  C'est dans cette logique que M. Crozier estime que, chaque acteur est un stratège parce que chacun d'eux se réfère à ses propres enjeux et détient un pouvoir suffisant pour s'efforcer de les atteindre grâce à ses compétences, ses informations, sa connaissance des règles internes, tout en exploitant leurs zones d'incertitude pour faire valoir ses enjeux et préserver une part d'autonomie24(*). Il convient cependant de préciser que les zones d'incertitude sont des éléments utiles pour un acteur même si le contrôle lui échappe (Rojot, 2003 : 22). Ce qui implique la nécessité de les maîtriser. Dans tous les cas, les acteurs dans leurs interactions et profitant de leur position, cherchent à imposer leur volonté aux autres. Tirant ainsi avantage de leur position ils ont une volonté de s'adapter, vu que l'importance est la préservation de leurs intérêts. Ils ont donc un comportement actif.

Les acteurs dans ce cas sont soit des individus, soit des groupes dont le niveau hiérarchique importe peu (Rojot, 2003 : 216). L'intervention d'un acteur dans le système dépend de l'intérêt qu'il recherche. Etant donné que les interactions entre les acteurs se jouent comme une pièce, ce qui leur permet d'effectuer des adaptations opportunistes au système au lieu de l'innovation volontariste dans la création (Morin, 2002 : 59). Ceci étant, les interactions visent des objectifs, justifiant la non-gratuité d'un acte (Rojot, 2003 : 217). Dans cette perspective, pour atteindre leurs objectifs, les acteurs entretiennent entre eux une multitude d'échanges en vue d'obtenir des choses matérielles ou non matérielles. Cependant, ceux-ci doivent posséder des ressources qui vont leur permettre d'y arriver tout en gardant à l'esprit que les objectifs varient en fonction des contextes. Ces ressources sont inhérentes à certains acteurs et extérieures à d'autres. C'est la raison pour laquelle le choix des ressources n'est pas neutre. En général, le caractère stratégique des interactions procède du fait que chaque acteur doit savoir évaluer les ressources disponibles dans la situation affrontée, hiérarchiser ses objectifs en termes de préférence et anticiper les réactions d'autrui susceptibles d'affecter le niveau des profits et des coûts escomptés (Tchoupie, 2004 : 48). Par ailleurs, les contraintes peuvent sérieusement compromettre les objectifs des acteurs (Rojot, 2003 : 220).

En tout état de cause, les acteurs sont des « stratèges » qui, pour parvenir à leurs objectifs, doivent employer des stratégies appropriées ; sachant que les stratégies leur permettent d'élargir leur propre marge de manoeuvre, de comportement arbitraire possible et à réduire celle des autres (Rojot, 2003 : 230). Bien plus, la stratégie selon M. Bangoura n'est rien d'autre que, l'ensemble des opérations intellectuelles et physiques indispensables pour concevoir, préparer et conduire toute action collective ou individuelle finalisée surtout dans le cadre d'une interaction25(*). Les stratégies sont donc déterminantes pour les acteurs, leur absence causant des difficultés dans la poursuite de leurs objectifs. Alors qu'elles exigent de l'acteur qu'il soit rationnel dans le cadre de ses limites et de ses perceptions (Rojot, 2003 : 223). C'est pour cela que M. Bourdieu (1994 : 150) soutient que : « ...Les agents sociaux ne font pas n'importe quoi, qu'ils ne sont pas fous qu'ils n'agissent pas sans raison ». C'est la preuve que, les acteurs interagissent en fonction de leur rationalité afin de profiter de leur position pour imposer leur volonté aux autres qui, à leur tour, interagissent aussi pour ne pas se voir imposer une volonté.

Ainsi entendu, l'interaction stratégique constituera pour nous un instrument important dans l'analyse de l'abstentionnisme électoral. Ceci nous permettra en effet, de rendre compte des interactions entre les acteurs qui participent à la construction de l'abstentionnisme électoral depuis le retour du multipartisme au Cameroun. Cette méthode nous permettra de rendre également compte des comportements stratégiques des acteurs, de savoir pourquoi ceux-ci, dans leurs comportements, participent à travers leurs différentes actions et interactions, à la construction de l'abstentionnisme électoral. Ce qui n'est possible que si un certain nombre d'outils organisés par les methodes, sont mis à la disposition de notre étude.

B- LES TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES

La construction de l'objet n'accède à la dignité scientifique que si elle se prête à l'application des techniques (Bourdieu et als, 1983 : 53). Ces dernières, bien que se limitant aux faits, constituent des moyens pour atteindre un but. Elles ne sont donc que des outils mis à la disposition de la recherche. C'est-à-dire des moyens matériels pour la collecte et le traitement des données. A cet effet, nous utiliserons dans le cadre de notre étude, les techniques documentaires et les techniques vivantes.

1- Les techniques documentaires

Les techniques sont des outils, des instruments organisés par la méthode et mis à la disposition de la recherche. Elles permettent de collecter et de traiter les données. C'est pour cette raison qu'elles sont définies comme des procédés opératoires rigoureux bien définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les conditions adaptées au genre de problème et de phénomène en cause. Le choix des techniques dépend de l'objectif poursuivi en ce sens que, choisir les techniques, étant donné les particularités et les limites de chacune d'elle, c'est sélectionner à l'avance les matériaux qu'elles recueilleront (Grawitz, 1996 : 446).

C'est au regard de ces analyses que nous nous sommes orientés vers un certain nombre de documents généraux portant sur les élections en général et sur l'abstentionnisme électoral en particulier. De là, grâce à ces documents écrits, nous sommes entrés en possession d'un nombre important d'informations quantitatives et qualitatives. Ces documents ont orienté nos recherches en tant que modèles d'analyse et nous ont situé par rapport aux exigences scientifiques que requiert le travail de recherche. Ces documents ont aussi eu le mérite de nous plonger dans l'histoire électorale récente du Cameroun. Les documents officiels (la constitution, les lois et les décrets) quant à eux, nous ont permis de nous imprégner des règles régissant la compétition électorale au Cameroun et de comprendre certaines motivations des acteurs politiques à l'égard du processus électoral. A travers ces documents, nous avons constaté qu'une bonne partie de la compétition électorale se joue au niveau de la définition des règles du jeu et que c'est justement le déficit de consensus autour de celles-ci qui explique en grande partie l'abstentionnisme au Cameroun. Les travaux universitaires (thèses et mémoires) tout comme les périodiques et les revues scientifiques ont constitué des sources importantes d'inspiration. Ces documents scientifiques nous ont permis d'avoir les bases théoriques sans lesquelles notre étude aurait perdu sa valeur scientifique du fait qu'ils nous ont servi de prototypes pour la construction de notre étude en nous fournissant les techniques d'approches nécessaires à la collecte des données. Les documents affichés comme les tracts et les banderoles et bien d'autres nous ont tout aussi été utiles. En effet, y ont été extraits les appels et les contre-appels aux inscriptions sur les listes électorales et aux votes.

Tous ces documents nous ont facilité l'extraction des consignes et des contre-consignes des acteurs politiques. C'est pourquoi l'exploitation de tous ces écrits nous a conduit à extraire des informations factuelles (statistiques ou faits bruts) (Mace et Pertry, 2000 : 90) et non factuelles. Dans cette logique, les documents offrent l'avantage d'être un matériau objectif en ce sens qu'ils soulèvent les interprétations différentes, ils permettent une étude dans le temps et facilitent l'obtention des données qualitatives et quantitatives (Grawitz, 1996 : 479 et 482).

Dans la même logique, les médias tels que la télévision, la radio ou encore l'internet ont suscité notre attention. Ces instruments ont permis que nous puissions avoir des données en temps réel sur l'état des taux d'abstention électorale au sens large à travers des débats et des émissions politiques comme « Espace politique » sur la Crtv-télé, comme « Tous à l'antenne » ou « Canal Presse » sur Canal2 et sur d'autres chaines. Nous avons consulté les sites internet des partis politiques à l'instar du RDPC, du SDF, et de l'institution chargée de l'organisation des élections au Cameroun à savoir ELECAM (Elections Cameroon). Ce qui nous a permis de nous procurer certaines données statistiques sur les taux d'inscriptions et les stratégies mises en place pour amener les gens à s'inscrire sur les listes électorales ainsi que sur d'autres informations tout aussi importantes. La radio quant-à elle nous a permis de d'écouter les émissions et débats politiques, de connaître les positions de certains acteurs politiques par rapport à la participation et à la non participation électorale des citoyens et des partis politiques. La presse écrite n'était pas en reste, car elle nous a plongée dans l'histoire électorale du Cameroun, en nous faisant état de son atmosphère politique, de ses résultats électoraux, avec ses conséquences. Les techniques vivantes n'ont pas été en reste car, elles nous ont permis de nous confronter avec la réalité des faits.

2- Les techniques vivantes

L'entretien quant à lui, a été important dans la collecte des informations à nos interlocuteurs sous forme de récits indirects oraux sur des faits présents ou passés ou encore sur leurs opinions. Ainsi, il nous a permis d'obtenir des informations déterminantes pour notre étude étant donné que nos interlocuteurs ont été des acteurs impliqués dans la compétition électorale soit comme responsables politiques, soit comme responsables chargés de la gestion du processus électoral. C'est dans cette logique que s'inscrivent les entretiens que nous avons eu avec M. Ni John Fru Ndi sur les événements électoraux actuels et passés, ainsi qu'avec le responsable régional d'ELECAM (Ouest), départementaux et communaux d'ELECAM, aussi bien dans la Menoua, que dans la Mifi. L'entretien a donc constitué un tête-à-tête sérieux et confidentiel entre l'enquêteur et l'enquêté (Grawitz, 1996 : 586). Cet instrument nous a permis par le biais des questionnaires préalablement élaborés d'accroître le niveau d'informations que nous voulions atteindre. Toutefois, nous avons préféré pour nos entretiens, le procédé de « l'entretien à questions ouvertes » qui laisse la latitude à l'enquêté de répondre et de développer ses opinions comme il le désire, à condition bien sûr de rester dans le cadre de la question (Tchoupie, 2004 : 59).

En outre, l'observation a constitué pour nous un procédé d'investigation important. Elle nous a d'ailleurs permis d'observer le déroulement de certaines inscriptions sur les listes électorales. C'est grâce à elle que nous avons observé les inscriptions sur les listes électorales dans la ville de Dschang au siège communal, départemental d'ELECAM et au campus « A » de l'Université de Dschang. En conséquence, la construction de l'objet et les procédés d'analyse nous ont permis d'orienter notre démarche scientifique autour de la construction pratique de l'abstentionnisme électoral (prémiere partie) et de la multiplication des effets pervers engendrant une dynamique de sa neutralisation (deuxième partie).

PREMIERE PARTIE : LA CONSTRUCTION PRATIQUE DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL

Le retour du multipartisme dans les années 1990 va conduire le Cameroun à ses premières élections concurrentielles post-parti unique. Cependant les élections pluralistes vont drainer avec elles une série de conséquences dont l'une des plus importantes est l'abstentionnisme électoral. Par conséquent, le droit de voter aura pour corollaire celui de ne pas voter, ce qui explique pourquoi, depuis les élections législatives de 1992 ce phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur dans l'ensemble des élections organisées au Cameroun, avec des degrés divers selon le type d'élection et en fonction des localités. En effet, c'est un phénomène qui ne se construit pas de la même manière selon les localités et les types d'élections. Dès lors, les premières élections pluralistes en seront une parfaite illustration puisqu'elles se dérouleront dans une atmosphère d'appel et de contre-appel au boycott. L'appel au boycott constituera ainsi une stratégie de participation électorale de grande importance aux yeux de certains partis politiques (Nna, 2009 : 344) ce qui n'est pas sans conséquence sur le caractère universel du suffrage. Au delà du boycott, plusieurs autres facteurs vont contribuer à la construction de l'abstentionnisme électoral. Il se construit dès lors, au moment de l'inscription sur les listes électorales et au moment de l'élection.

CHAPITRE 1 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES

Le vote est un instrument dont la valeur dépend de l'homme qui en use et de la fin pour laquelle il s'en sert (Njoya, 2003 : 65). Donc, chaque citoyen peut s'il le souhaite, décider de s'en servir ou de ne pas s'en servir. C'est dans cette optique que la plupart des citoyens décident souvent de renoncer à l'exercice de leur droit de vote (Brechon (a), 2007 : 3) parce qu'il ne leur procure aucune satisfaction, ils ont l'impression de perdre beaucoup de temps inutilement. Dès lors, la renonciation au droit de vote commence par la non-inscription sur les listes électorales (Panke-shon, 2007 : 3). Néanmoins, la non-inscription est le fait pour un citoyen en âge de voter de ne pas s'inscrire qu'elle qu'en soit la raison (Verrier, 2007 : 62) étant donné que l'essentiel en matière de participation se joue dans l'inscription sur les listes électorales (Braconnier et Dormagen, 2007 : 27). En effet, l'inscription sur une liste électorale est la toute première démarche à remplir pour tout citoyen en âge de voter si celui-ci tient à voter26(*). Les non-inscrits sont donc nécessairement des « abstentionnistes obligatoires 27(*)». Donc, c'est parce que les inscriptions massives de la part des citoyens en âge de voter sur les listes électorales contribuent à la crédibilisation du corps électoral28(*) que la non-inscription sur les listes électorales est considérée comme le « degré zéro » de l'abstentionnisme électoral ou encore comme le degré le plus faible de la participation à la vie politique, du moins dans ses formes conventionnelles29(*). Cependant, la non-inscription sur les listes électorales peut-être volontaire ou involontaire, c'est-à dire qu'elle peut soit découler de la volonté même du citoyen sans influence extérieure, soit découler des influences extérieures au citoyen, conduisant dans les deux cas à l'abstentionnisme lors des inscriptions sur les listes électorales. Dans cette perspective, nous présenterons la non-inscription volontaire et la non-inscription involontaire.

SECTION 1 : LE DEVELOPPEMENT DES PRATIQUES SUSCEPTIBLES D'ENCOURAGER LA NON-INSCRIPTION VOLONTAIRE

La non-inscription volontaire concerne un nombre important de citoyens bien que les facteurs expliquant cette attitude ne soient pas les mêmes pour tous. Toujours est-il qu'elle découle d'une volonté manifeste du potentiel inscrit d'autant plus que, le citoyen qui fait le choix de cette option le fait sans contrainte ou sans influences extérieures, mais au contraire en fonction de sa rationalité. Cependant, selon Max Weber, l'acteur est déclaré rationnel dès lors que ses actions, croyances et attitudes sont perçues par lui de façon plus ou moins consciente comme ayant un sens parce que fondées sur des raisons fortes30(*). Cette situation suppose que l'acteur jouit d'une compétence politique avérée du fait qu'elle procède de la politisation qui est le degré au niveau duquel les citoyens accordent leur attention aux évènements politiques31(*), tel que le soutient Daniel Gaxie. Par ailleurs, il arrive que même les citoyens sans compétence politique s'abstiennent ceci parce qu'ils s'égarent dans la compréhension du champ politique (Kouamen, 2009 : 68). Dans tous les cas, la non-inscription volontaire peut s'apparenter à l'abstention « conjoncturelle » car, correspondant au refus d'une offre à une conjoncture particulière ou même à l'abstention « protestataire » qui correspond plus à un rejet du système tel qu'il fonctionne (Subileau, 1997 : 257). La non-inscription peut aussi être la conséquence de la situation sociale. C'est d'ailleurs ce que traduit cette position de Paul Lazarsfeld lorsqu'il estime qu'« une personne pense politiquement comme elle est socialement32(*) », étant donné que le citoyen a vu son opinion se former au contact de ses semblables, dans les conversations et les contacts au sein des divers groupes où il est inséré (Mayer, 1997 : 18). Toutes ces analyses nous conduisent à relever que la non-inscription volontaire est due à la mobilisation relative des potentiels inscrits sur les listes électorales et à la décrédibilisation du processus pré-électoral.

PARAGRAPHE 1 : LA FAIBLE MOBILISATION DES POTENTIELS ELECTEURS

La période d'inscription sur les listes électorales n'est pas un moment de grande mobilisation populaire comme celui de la campagne électorale qui est caractérisée par de grands et multiples meetings organisés par les partis politiques. Ce qui explique dans une certaine mesure pourquoi le moment de l'inscription sur les listes électorales ne suscite pas une grande attention chez certains citoyens malgré l'implication quoique timide de certains partis politiques. En effet, c'est un processus dont la réussite est largement liée à la qualité de l'environnement politique. Or, un environnement politique peu bouillant pendant la période des inscriptions sur les listes, n'est pas de nature à stimuler l'inscription des citoyens puisqu'il n'implique pas une possibilité de grande concurrence entre acteurs politiques. Dès lors, depuis le retour du multipartisme, le moment des inscriptions sur les listes électorales au Cameroun est spécifique en ce qu'il n'est pas de nature à encourager la participation électorale des citoyens, ce qui rend la perception des enjeux difficile.

A- LA FAIBLE MOBILISATION CONSECUTIVE A LA SPECIFICITE DE L'ENVIRONNEMENT PRE-ELECTORAL

On relèvera que la faible concurrence partisane débouche sur les tergiversations et les luttes au sein des partis politiques d'opposition.

1-La faible concurrence partisane

L'environnement partisan faiblement concurrentiel se voit à la fois au niveau de la difficile démarcation de l'opposition face au pouvoir et à la tendance que ces partis ont à collaborer avec le gouvernement.

a) La difficile démarcation de l'opposition

Les partis politiques bénéficiaient d'une légitimité renforcée lors des premières élections pluralistes post-parti unique grâce au caractère novateur de leurs activités (Nna, 2001 : 28).  Désormais, il semble que cette légitimité connaît depuis lors un certain effritement même si le monopole régulateur du pouvoir a consisté en l'adoption d'un mode de scrutin qui fragilise l'opposition (Njoya, 2003 : 65). Les entrepreneurs politiques de l'opposition n'ont pas généralement démontré par leurs prises de position et agissements une volonté claire de se démarquer du gouvernement. Ce qui est de nature à construire aux yeux des électeurs une image négative contribuant donc à leur découragement. Qu'est ce qui peut donc amener un citoyen à s'inscrire sur une liste électorale s'il n'existe pas de possibilité claire de choix entre plusieurs options politiques alors qu'il est constant que la légitimité de l'opposition comme celle du pouvoir résulte de la confiance des citoyens (Lipset, 1963 : 13) à leur égard et surtout sur la spécificité des projets que chaque camp incarne et développe pour solliciter l'adhésion des citoyens. Mais, de plus en plus, à côté du parti au pouvoir qui ne semble plus convaincre, l'opposition ne constitue plus un éventuel gouvernement de rechange. Ce qui a tendance à construire un comportement abstentionniste, entraînant dès lors la disparition de l'espoir de changer les choses par les urnes et donc l'apathie des Camerounais.

Bien que, les partis politiques constituent un élément de repérage qui aide les citoyens à former parfois leur non vote, il est désormais évident au Cameroun, que moins de personnes se reconnaissent une identité partisane forte (Brechon (a), 2007 : 3) ce qui n'est pas fait pour stimuler les inscriptions, lorsqu'on sait qu'il incombe aux partis politiques la lourde tâche de mobilisation de leurs militants. C'est la raison pour laquelle M. Biloa Ayissi pense que : «Nos partis ne sont pas de véritables partis politiques 33(*)», tout simplement parce qu'ils sont loin du rôle qui leur est dévolu et n'exercent sur les citoyens aucune force d'attraction susceptible de construire des comportements électoraux participatifs. Bien plus, est cet aveu d'impuissance que semblent afficher les partis politiques camerounais d'opposition, en ignorant que les citoyens s'expriment avec plus ou moins de clairvoyance en fonction du niveau et de la qualité d'encadrement que leur procurent les partis politiques (Aletum, 2008 : 152). Toujours est-il qu'au Cameroun, les interactions entre partis politiques et citoyens ne produisent pas nécessairement un comportement électoral participatif.

En effet, l'une des raisons justifiant la faiblesse mobilisatrice des partis se situe au niveau de leur inflation démobilisatrice (Kamto, 1993 : 178) qui n'est pas sans conséquence sur la lisibilité du champ politique. Mais davantage au fait que, plusieurs parmi eux ne surgissent sur la scène politique que pendant les périodes électorales et leurs actions pour ceux qui en posent et dans une certaine mesure en dehors du rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC)34(*), restent circonscris dans le temps et généralement à l'approche des consultations électorales, selon le constat de Mathias Eric Owona Nguini35(*). C'est ce que semble reconnaître par cette accusation l'ONEL lorsqu'il estime que les partis politiques pendant la période d'inscription ne jouent pas leur rôle de mobilisation et de sensibilisation36(*). Toutefois, cela ne suppose pas pourtant que tous les partis sont rangés à la même enseigne en ce qui concerne la faible mobilisation de l'électorat. Au contraire, certains plus que d'autres, mobilisent avec les moyens qu'ils disposent les citoyens. C'est justement ce qui a conduit le responsable régional d'ELECAM-Ouest à se réjouir des actions de l'UDC dans le Noun en faveur de la sensibilisation et de la mobilisation des citoyens pour les inscriptions sur les listes électorales. Ces actions de l'UDC expliquent en grande partie pourquoi le département du Noun est celui de toute la région de l'Ouest qui dispose en date du 24/12/2010, les taux d'inscription et de réinscription de nouveaux et d'anciens électeurs les plus élevés tandis que les autres départements sont à la traîne.

Tableau n°1 : STATISTIQUES DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES A LA DATE DU 24 DECEMBRE 2010 DANS LA REGION DE L'OUEST.

Rang

Départements

Anciens (confirmés)

Nouveaux

Total

Pourcentage d'inscription (%)

1

NOUN

59689

23997

83686

29.92

2

BAMBOUTOS

46777

4861

51638

18.45

3

HAUT-NKAM

32630

5753

38383

13.72

4

MIFI

28515

11636

40151

14.35

5

MENOUA

20184

8742

28926

10.34

6

KOUNG-KHI

9764

3881

13645

4.87

7

NDE

5777

7031

12808

4.57

8

HAUTS PLAEAUX

5453

5081

10534

3.76

Total

 

208789

70982

2797771

 

Source : Délégation Régionale d'ELECAM Ouest.

Le tableau ci-dessus démontre que les actions de l'UDC ont participé à la stimulation des inscriptions sur les listes électorales dans le Noun. Contrairement aux attitudes passives et attentistes que certains partis politiques de l'opposition préfèrent devélopper, certainement souvent par stratégie, mais qui justement ne sont pas susceptibles de stimuler la participation électorale. De plus, on peut constater tout de même que, les autres départements ne constituent pas de véritables fiefs électoraux aux sens du Noun avec l'UDC. Dans tous les cas, les actions des partis politiques sont susceptibles de booster les inscripions sur les listes électorales à condition que ces actions se démarquent de celles du parti au pouvoir car, si l'opposition a tendance à se rapprocher du gouvernement elle risque de décourager les citoyens par la confusion que le rapprochement entretiendra et les incitera à s'abstenir.

b) La forte tendance à la participation au gouvernement

Les relations entre les partis d'opposition et le gouvernement sont souvent considérées par une grande partie de la population comme étant des relations de tromperies, qui n'ont pour seul but que la satisfaction des intérêts des responsables politiques au détriment du bien-être et de la volonté des citoyens. L'illustration parfaite de cette situation sont ces annonces de supposées négociations sur un possible partage du pouvoir entre le SDF principal parti de l'opposition et le RDPC. C'est dans cette perspective que, M. Bello Bouba leader de l'UNDP qui a été souvent qualifié de « traître » à cause de sa participation au gouvernement déclare que : « Savez-vous que le SDF a commencé à négocier avant nous, avec le pouvoir ? » (Manassé Aboya Endong, 2008 : 55) ce qui avait pour finalité de démontrer que l'UNDP n'est pas le seul parti de l'opposition qui participe ou qui souhaite participer au gouvernement, mais que bien d'autres sont disposés à le faire. On en déduit qu'il se pourrait que, se sont certainement les clauses de la participation qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Or, sachant que, la participation au gouvernement introduit un élément majeur de discorde au sein de l'opposition, tout en jetant la confusion entre la majorité et l'opposition à l'heure où il faudra dresser le bilan de l'action gouvernementale, cette attitude de composer avec le gouvernement ne donne à ces responsables de l'opposition aucune chance de remplacer le gouvernement. D'ailleurs, l'opposition en participant au gouvernement perd un peu de sa popularité (Pokam, 2000 : 57) en décourageant une partie importante de sa base électorale, qui sera incitée à s'abstenir, ce qui démontre que, « La cohabitation gouvernementale entre formations censées porteuses de projets de sociétés différents soulignent l'absence d'alternative réelle au sein du système politique » (Braud, 1992 : 36). C'est ainsi que de 1992 à 2011, le Cameroun a connu plusieurs gouvernements de collaboration avec certaines formations de l'opposition parfois en fonction de la représentativité de celles-ci.

Tableau n°2 : TABLEAU DES PARTIS POLITIQUES AYANT PARTICIPE AUX GOUVERNEMENTS DE COALITION

ANNEES

1992-1997

2004-2007

2007-2011

PARTIS POLITIQUES

UNDP

UNDP

UNDP

UPC

UPC

FNSC

MDR

MDR

 

Source : Compilation de l'auteur

En effet, ce tableau démontre à suffisance qu'une partie importante de l'opposition camerounaise ne s'est peut-être pas préparée aux privations que son combat implique, d'où sa participation au gouvernement vue les rétributions que cela implique. L'opposition prouve par cette attitude qu'elle est incapable d'expliquer, de persuader, de convaincre et de créer une lame de fond dans la société qui permette la transformation de ce qui est minoritaire aujourd'hui en majorité de demain et de réussir l'alternance (Kamto, 1999 : 56) ; elle a plutôt tendance à se laisser phagocyter par le camp qu'elle est censée évincer, en se ralliant à ce dernier. La proximité entre les deux entités s'est davantage matérialisée ces dernières années par les différentes rencontres (02) que le chef de l'Etat a eu avec le leader du SDF entre les mois de décembre 2010 et de janvier 2011, alors que ce dernier était crédité d'un certain capital de sympathie lié justement à sa capacité à s'opposer au gouvernement et à résister à ses offres politiques, contrairement aux autres formations de l'opposition. Ce qui n'a pas contribué à rassurer certains citoyens sur l'existence réelle d'un clivage entre opposition/pouvoir, bien que certains aient plutôt salué ce qu'ils ont considéré comme une preuve de l'apaisement de la vie politique camerounaise, c'est-à-dire une sorte de décrispation politique. D'autres y ont par contre vu la matérialisation des rumeurs persistantes de complicité entre les entrepreneurs politiques de l'opposition et ceux du pouvoir. C'est dans cette logique que s'inscrit la position de M. Nintcheu Brice lorsqu'il estime que : « J'avais dit aux proches du chairman que je le soutiendrai jusqu'au jour où j'aurai la preuve qu'il a cautionné l'entrée du SDF dans un gouvernement RDPC. Il y a eu plusieurs tentatives d'entrée que nous avons heureusement fait échouer...Mais j'ai perdue mon latin lorsque j'ai vu le chairman rouler à Genève dans une mercedes du corps diplomatique camerounais avec chauffeur et garde de corps. Le niveau de collusion est donc flagrant37(*) ». Ce qui, inéluctablement peut dans la même optique biaisé la volonté populaire par une confusion générale parfois volontairement entretenue par les acteurs politiques (Njoya, 2009 : 81). En réalité, cette situation tend à remettre en cause la logique selon laquelle : « Les prises de positions politiques, décisions ou promesses...sont des manifestations, des stratégies de démarcation par lesquelles chaque concurrent tente de s'imposer, en s'opposant » (Gaxie, 2000 : 24), car aucune tactique traduisant une volonté de s'opposer n'est réellement entretenue ou visible au sein des partis de l'opposition. Ceci témoigne du refus de cette dernière d'être une opposition organisée, porteuse d'idées ou de projet alternatif et capable d'assurer l'alternance politique. Elle est plutôt devenue une modalité tactique pour accéder au partage du pouvoir, et permet à ceux qui savent donner de la voix en agitant des épouvantails, d'attirer sur eux l'attention du pouvoir, afin de se frayer plus vite que les autres la voie vers le plateau de la manne étatique (Kamto, 1999 : 60). A cet effet, M. Fru Ndi, leader du SDF estima en 1997 que son parti avait trahi le peuple, car après avoir menacé de ne pas siéger à l'Assemblée Nationale, il finit par y participer (Kamga, 1999 : 107) alors que certains de ses militants soutenaient l'idée de la non-participation. Mais face à la pression de certains députés de ce parti qui avaient été élus et n'entendaient pas perdre cette occasion, ce parti décida de siéger à l'Assemblée Nationale contre la volonté de certains militants.

De plus, l'entrée de M.Tchiroma au gouvernement, va davantage discréditer l'opposition car, connu pour ses diatribes contre le pouvoir dans les années 1990, son entrée confortera les soupçons de complicité entre le gouvernement et les leaders de l'opposition, démontrant une fois de plus aux yeux de l'opinion que ces derniers ne pensent qu'à leurs intérêts personnels. C'est toujours dans cette option que s'inscrit l'attitude de M. Essaka38(*) qui, candidat à l'élection présidentielle de 2004, renoncera à sa candidature en invitant ses partisans à voter celle du RDPC. Ce qui trahit la faible conviction des leaders d'opposition par rapport à leur propre combat et leur volonté manifeste de se voir inviter au partage du pouvoir. Ce que n'hésite pas à faire le gouvernement, qui grâce à sa position privilégiée, ne se prive pas de profiter de l'emprise qu'il a sur l'opposition (Pokam, 2000 : 53) pour l'inviter à participer au gouvernement, amenant à penser qu'il s'est évertué à façonner sa propre opposition jumelle (Kamga, 1999 : 102). Ainsi, il est difficile de faire la différence entre l'opposition et le gouvernement, tellement leur rapprochement saute à l'oeil, donnant l'impression aux citoyens que cela joue contre leurs intérêts, ce qui est susceptible d'encourager l'abstentionnisme électoral. C'est justement le fondement de l'interrogation du président Laurent Gbagbo selon laquelle : « Si quelque soit le résultat, on gouvernera ensemble, mettez-vous à la place de l'électeur : pourquoi irait-il aux urnes dans ces conditions ?39(*) ». Nous en déduisons que, privés d'option politique claire, les citoyens s'inscrivent d'autant moins que la concurrence idéologique est limitée selon la formule empruntée à Françoise Subileau (1997 : 254). On peut alors comprendre la régression des taux d'inscription sur les listes électorales depuis 1992 au Cameroun.

Tableau n° 3 : LA REGRESSION DES INSCRITS ET LA PROGRESSION DES TAUX D'ABSTENTION AU MOMENT DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES

ELECTIONS

TAUX D'INSCRIPTION (%)

(%) ABSTENTION

Présidentielle 1992

78.54

21.46

Législatives 1992

75.80

24.2

Municipales 1996

67.98

32.02

Législatives 1997

60.16

39.84

Présidentielle 1997

66.11

33.89

Source : Reconfiguration de l'auteur à partir des données issues de : Mouiché., multipartisme, « bigmanisme » politique et democratisation au Cameroun : 31

A partir du tableau ci-dessus, il en découle que, les taux d'abstention au moment des inscriptions sur les listes électorales varient énormement, et ne réflètent pas réellement le potentiel électoral du pays, ce qui peut être la conséquence du rapprochement entre l'opposition et le gouvernement. Néanmoins, la connivence entre l'opposition et le régime ne signifie pas la fin de l'opposition, même si la présence de l'opposition au pouvoir est présentée sous le mode de la collusion entre acteurs politiques et de la trahison subséquente des espérances politiques (Sindjoun, 2004 : 31-32). Il reste que, les partis politiques d'opposition se sont essoufflés de façon précoce, ce qui a crée la désertion des citoyens désorientés traduisant un certain désenchantement après la ferveur du début des années 1990 (Kamto, 1999 : 66). Cet essoufflement s'est traduit par la participation effective de certains partis de l'opposition au gouvernement, mais également par la volonté exprimée par d'autres d'y participer si certaines conditions sont remplies. Or, cette situation écorne l'image des leaders politiques, leur rend impopulaire en effritant leur base électorale. En conséquence, on peut dire avec M. Capdevielle que, l'impopularité croissante des partis politiques et des responsables politiques n'est pas faite pour amener une bonne partie des citoyens dans les lieux d'inscription sur les listes électorales40(*). Ce qui peut justifier dans une certaine mesure, le faible engouement des citoyens pour les inscriptions sur les listes, traduisant d'une certaine manière leur politisation et donc leur capacité à apprécier les agissements des hommes politiques. Tous ces facteurs pris ensemble aboutiront aux tergiversations et aux luttes qui augmenteront davantage les cas de non-inscrits sur les listes électorales.

2- Les atermoiements et luttes au sein des partis politiques d'opposition

Les hésitations et contradictions des partis d'opposition démontrent qu'ils ont du mal à se construire une identité forte autour d'un combat commun. En effet, à l'instar de plusieurs Etats Africains, l'opposition camerounaise a tendance à donner l'image d'une coalition hétéroclite aux intérêts si divergents qu'il serait mieux de parler des oppositions (Kamto, 1999 : 56). Elle ne semble pas vouloir acquérir et exercer le pouvoir : consciente du fait que le système électoral actuel ne lui est pas favorable, elle n'a toujours pas pu se coaliser pour opérer l'alternance qu'elle souhaite depuis 1990. En effet, la pléthore de partis politiques crée le cafouillage au sein de la scène politique et dans l'esprit des citoyens, obscurcissant davantage la lisibilité de la scène politique avec pour conséquence l'augmentation du taux de non-inscription. La réalité est que le manque de coalition de l'opposition décourage, étant donné que certains électeurs conscients du degré de verrouillage du système électoral, ne prendront même pas la peine de s'inscrire. L'opposition jusqu'ici n'a pas pu changer les choses ; le sentiment de découragement qu'elle suscite est grand parce qu'elle n'a pas encore pris conscience de ses faiblesses. On en conclut que la dispersion de l'opposition et la gestion patrimoniale (Dounkeng, 2009 : 76) qui conduisent au non-renouvellement du personnel politique ne sont pas de nature à susciter la confiance des potentiels électeurs.

En réalité, depuis 1990 ce sont les mêmes leaders qui sont à la tête de leurs différentes formations politiques ; d'ailleurs certains par leurs attitudes s'estiment inamovibles. Ce qui ne participe pas à la construction de l'image d'une opposition incarnant une alternative fiable au parti au pouvoir sans compter le corollaire de conséquences que cela peut produire au sein des partis politiques d'opposition. La concrétisation de l'une de ces conséquences est les « velléités de rébellions » qu'on y observe. Ce qui traduit les luttes de leadership qui se déroulent en leur sein face à ceux qui ne cessent de considérer le parti comme leur propre bien (Dounkeng, 2009 : 77).

Tableau n°4 : LA LONGEVITE DES LEADERS DE CERTAINS PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION DEPUIS 1992

LES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION

NOMS DES LEADERS DE 1992 à 2011

MDR

DAKOLE DAISSALA

SDF

NI John FRU NDI

UDC

Adamou NDAM NJOYA

UNDP

BELLO BOUBA MAIGARI

Source : Compilation de l'auteur

Ainsi, contre la volonté des leaders de s'éterniser à la tête de leur parti, certains militants longtemps restés à l'ombre voudront désormais bénéficier des retombées de leur militantisme. Or, en l'absence d'élection transparente capable de produire l'alternance à la tête du parti (pour ceux qui organisent), la crise de leadership en leur sein va finir par déboucher sur des vagues de démissions et d'exclusions. C'est le cas de M. Evariste Fopoussi qui avait démissionné du SDF avant de se rétracter par la suite. Ajouter aux multiples défaites électorales et aux appels au boycott tantôt des élections, tantôt des inscriptions sur les listes électorales, certains partis politiques d'opposition n'ont cessé de se fissurer par d'interminable dédoublement au gré des humeurs de certains leaders dont la versalité laisse pantois (Afom Ndong, 2007 : 82).

C'est ainsi que le SDF ne cesse de surfer sur des vagues de démissions et d'exclusions41(*) depuis plusieurs années. Ces démissions et exclusions ont généralement concerné des personnalités de grand calibre qui vont par la suite créer leur parti politique et en être aussi leaders. Nous en avons pour preuve les cas de M. Muna qui, après avoir quitté le SDF a créé son propre parti politique dénommé l'AFP. En effet, son crime, selon lui, est d'avoir voulu rivaliser le leader du SDF. De leur côté, les responsables de ce parti estiment que ce dernier n'a pas compris que les statuts du parti s'imposent à tous et qu'il a d'ailleurs démissionner de lui même, personne ne l'ayant exclu. On peut aussi relever le cas de M. Pierre Kwemo, ancien premier vice-président du SDF et l'un des anciens vice-présidents de l'Assemblée Nationale, qui après sa défaite aux législatives de 2007 a démissionné pour créer son propre parti politique dénommé l'UMS. De même, nous pouvons ajouter la démission de M. Asongani ancien secrétaire général du SDF. Et comme pour minimiser ces vagues de départ, les responsables du SDF estiment que dans tous les cas, en ce qui concerne les démissionnaires, ils n'étaient plus représentatifs au sein du SDF. Quoi qu'il en soit, M. Ni John Fru Ndi pense que : « Même s'il se retrouve seul, il restera au SDF42(*) ».

L'autre démission et pas des moindres est celle de l'artiste Lapiro de Mbanga très populaire pour ses chansons critiques à l'égard du régime en place et qui après sa sortie de prison, a jugé bon de démissionner le 08/03/2011 arguant que, le leader de son parti politique n'a pas daigné lui rendre visite en prison, pourtant il est de notoriété publique que sa détention était politique43(*). Mais plus pertinente est la démission de Mme. Kah Walla, qui après avoir dénoncé la volonté du SDF de boycotter les « inscriptions sur les listes électorales à cause de la configuration actuelle d'ELECAM »44(*), décida de s'en retirer et de se déclarer candidate à la présidentielle de 2011. M. Jean Michel Nitcheu voit dans ces démissions la résultante d'une déstabilisation par le régime en place, vu le combat que mène le SDF par rapport à la présidentielle annoncée45(*). Toutefois il est évident que, les gens militent dans des partis politiques avec l'espoir d'accéder aux positions officielles. C'est la preuve que, « ...L'adhésion et l'activisme dans les partis politiques sont davantage stimulés par les bénéfices qui y sont associés » (Afom Ndong, 2007 : 67). Or, si un parti prône le boycott, «il ne fait que s'immobiliser dans un rigorisme inerte qui ressemble fort au découragement et à l'impuissance... » (Barbet, 2007 : 5). Ce qui n'est naturellement pas du goût de certains militants et sympathisants du parti dont le cheval de bataille est la participation aux élections, ce qui explique leurs démissions et exclusions. Cependant, celles-ci ne sont pas sans conséquence sur le capital électoral du parti puisqu'elles font partir des fondements de l'effritement du capital de sympathie des citoyens à l'égard des partis de l'opposition, qui pour la plupart, sont incapables de former un bloc homogène.

De même, l'UPC parti historique, connaîtra des contradictions en son sein. Ainsi, en 1992 il apparaitra des divergences énormes qui vont par la suite produire des confusions dans l'esprit de ses militants et sympathisants, contribuant davantage à leur démobilisation. En effet, tandis que le bureau directeur dirigé par M. Ndeh Tumaza estimait que la loi électorale n'avaient pas respecté les accords de la « tripartite » et par conséquent se devait de boycotter les élections législatives du mois de Mars, M. Kodock, secrétaire général, initia tout seul et au nom du parti une correspondance pour réclamer au gouvernement de l'argent afin de financer sa campagne (Nkainfon Perfura, 1994 : 226). Mais le plus décevant aux yeux des citoyens est que, ces malentendus resurgissent généralement à l'approche de chaque élection. Ce qui n'est pas de nature à stimuler la participation des militants, a fortiori les citoyens n'appartenant pas à ce parti politique. Dans la même logique, la confusion au sein d'un autre parti politique d'opposition, viendra de l'UNDP. En effet, M. Bello Bouba, leader de ce parti, après avoir avec l'aide de l'administration évincé M. Eboua Samuel, et présenté une certaine hésitation à participer aux législatives de 1992, décida finalement contre la volonté des autres membres de conduire le parti aux élections (Owona Nguini, 1997 : 693) ce qui n'a pas manqué de créer des remous au sein du parti. Par conséquent, ces tergiversations et luttes au sein des partis politiques d'opposition camerounais contribuent énormément à l'effritement des taux de participation électorale. Ce qui n'est pas sans lien avec la non-perception de l'enjeu des inscriptions sur les listes électorales.

B- LA FAIBLE MOBILISATION CONSECUTIVE A LA NON- PERCEPTION DES ENJEUX

L'élection est l'instrument de vérification de la représentativité (Gaxie, 2000 : 35), ce qui suppose qu'une participation importante des citoyens aux élections est nécessaire pour les partis politiques. Dans le cas contraire, elle devient inefficace en tant qu'indicateur des préférences d'une majorité46(*) d'après l'analyse de M. Robert Dahl. Pourtant, si l'élection dévient inefficace, c'est parce qu'un nombre important des citoyens s'y désintéresse et en sont même hostiles. Cependant, le désintéressement à l'égard du vote qui ne donne plus satisfaction aux espoirs du peuple47(*) se manifeste par le refus des citoyens en âge de voter de s'inscrire sur les listes électorales, construisant dès lors des abstentionnistes obligatoires puisque seuls les inscrits sur les listes électorales sont susceptibles de voter48(*). C'est la preuve que, bien qu'un nombre important de citoyens considèrent le vote, selon M. Lavau, comme un devoir avant d'être un acte rationnel49(*), il n'empêche que les citoyens doivent y voir un enjeu avant de s'inscrire sur les listes électorales. Dans ces conditions, pour un nombre important de citoyens, s'inscrire sur une liste comme voter, n'incarne aucun enjeu. C'est le cas de ce « moto taximan », qui a pu déclarer suite à une question que nous lui avons posée que : « Mon frère cela ne sert a rien, je ne peux pas perdre mon temps pour aller m'inscrire sur les listes électorales alors que je ne vais rien gagner, surtout qu'on sait déjà ce que cela va donner50(*) ». Ceci étant, le non-inscrit passe son message à moindre coût car accomplir cette formalité n'est pas toujours évident pour certains citoyens surtout lorsqu'on n'y tire aucun bénéfice. Pourquoi payer un ticket d'entrée au stade, si le match n'a pas d'enjeu ? C'est justement ce qui explique l'attitude des camerounais à l'égard du vote en général et de l'inscription en particulier sachant l'importance que les camerounais accordent au football. En effet, il n'est pas d'investissement actif et durable dans la politique qui ne soient sous-tendus par des formes de gratification (Afom Ndong, 2007 : 67). Cependant, plusieurs facteurs peuvent expliquer la non-inscription quand le potentiel électeur n'y perçoit pas son intérêt ou son enjeu. On peut relever comme ça la négligence qui peut traduire le peu d'importance à l'égard de l'inscription, le défaut d'intégration sociale qui correspond à la catégorie de citoyens « hors du jeu », la compétence politique, l'apolitisme et le déficit de compétence politique51(*). Néanmoins, de façon globale, dans la non-inscription, les caractéristiques définissant une situation sociale précaire semblent jouer un rôle important. Ainsi, l'instabilité professionnelle et l'incertitude de l'avenir commandent le retrait à l'égard de la politique (Subileau, 1997 : 249).

La baisse de la participation électorale commence donc avec la non-inscription sur les listes car on ne peut voter que si l'on est inscrit. Tout dépend de l'investissement qui est en proportion avec la réalité de la saillance et de la pertinence des enjeux dont les effets sont immédiats et qui touchent aux préoccupations pratiques des personnes concernées (Gaxie, 2000 : 19). C'est pourquoi, les périodes d'inscription aboutissent au paradoxe des inscriptions sans inscrits, pour employer la formule de Nnona Mayer (1997 : 14). C'est ce que M. Essomba Bengono justifie par, « le fait que les camerounais ne sachant pas qui sera candidat et qui ne le sera pas, constitue un problème pour la stimulation des inscriptions sur les listes électorales 52(*)». Car, cela compromet la perception des enjeux. A cet effet, la concrétisation de cette réalité est qu'à quelques mois de l'élection présidentielle, ni le RDPC, ni le SDF, ni l'UNDP ou encore moins l'UDC n'avait de candidat déclaré alors que ce sont les partis les plus importants de la scène politique. Le constat est claire, les périodes d'inscription n'encouragent pas à s'inscrire ; ce qui est peut-être dû non seulement aux campagnes de démobilisation souvent entretenues par certains partis, mais aussi au fait que depuis 1992, les citoyens s'inscrivent pour voter les mêmes candidats sans que cela n'améliore leur situation. C'est pour cela que le non-renouvellement de la classe politique donne un air de déjà vu aux yeux des citoyens ; ce qui les pousse à se demander ce que cette énième inscription aura de spéciale vu que les potentiels candidats sont sensiblement tous les mêmes depuis 1992 et n'entendent pas céder leur place aux autres, même si « ...leur image est mauvaise ...» (Brechon (a), 2007 : 6). En conséquence, selon Mathias Eric Owona Nguini, si les enjeux de la prochaine consultation ne sont pas rendus publics, les citoyens en âge de voter afficheront une certaine indifférence vis-à-vis des opérations pré-électorales. Tout comme ils peuvent ne pas s'inscrire pour montrer que le jeu politique ne les intéresse pas ou même que leur participation aux échéances électorales n'est pas décisive53(*).

Le faible engouement des camerounais pour les inscriptions dû à leur indifférence à l'égard de la chose politique fait obstacle à la réception de l'information politique et consolide le processus de désintérêt pour la vie politique, ses péripéties et ses enjeux, génèrent des comportements d'apathie (Braud, 1991 : 27-28) à l'égard des inscriptions sur les listes électorales. Cette indifférence à l'égard des inscriptions semble être pour l'essentiel le fait des jeunes et des femmes, alors qu'ils constituent l'essentiel des citoyens camerounais.

Tableau n° 5 : LA REPARTITION PAR SEXE ET PAR TRANCHE D'AGE DES PERSONNES INSCRITES SUR LES LISTES ELECTORALES DU 17/08/ AU 27/12/2010.

SEXE

20-35 ans. Effectif

Pourcentage (%)

35 ans et plus. Effectif

Pourcentage (%)

TOTAL

MASCULIN

969

33.95

1885

66.04

2854

FEMININ

739

30.95

1648

69.04

2387

TOTAL DES NOUVEAUX

1708

34.85

3533

67.41

5231

TOTAL DES ANCIENS

6150

67.42

2972

32.59

9122

TOTAL GENERAL

7858

100

6505

100

14363

Source : Antenne communal d'ELECAM, de Bafoussam 2ème.

Le tableau montre que la faible inscription est accentuée chez les jeunes (Percheron, 1991 : 31) et les femmes. Cette faible inscription des jeunes est en partie liée à une tactique de la part de certains acteurs politiques qui développent une certaine méfiance à l'égard des jeunes. Ce qui s'inscrit dans la logique devéloppée par certains responsables du parti au pouvoir à l'instar de M.Augustin Edjoa, lorsqu'il estime qu'il faut se méfier des jeunes, qui ne sont pas susceptibles d'accorder leurs voix au RDPC et pas conséquent il n'est par stratégique de stimuler leurs inscriptions sur les listes électorales. C'est ainsi qu'il déclare : qu'« il faut se méfier des jeunes. Car si on prend cent jeunes... je ne suis pas sûr que le RDPC ait trente. Nous sommes sûrs des anciens, mais les jeunes 54(*) !». Par ailleurs, certains adultes malgré leur niveau d'instruction ou leur activité professionnelle en sont concernés et ne s'inscrivent pas aussi. C'est le cas de cet enseignant de l'Université de Dschang qui déclarait en substance : « Je ne me suis jamais inscrit pourtant j'ai même été plusieurs fois président de bureau de vote »55(*). C'est la preuve que les camerounais ont du mal à accomplir cette formalité pourtant déterminante pour la fiabilité de l'élection. Toutefois, à partir du tableau sus évoqué on n'en déduit que les femmes comme les jeunes, sont très abstentionnistes. Pour les femmes, les inscriptions sur les listes électorales n'ont aucun enjeu. C'est pour cela qu'il est très courant de les entendre déclarer : « Vous aimez trop parler de la politique » pour insinuer que c'est une affaire d'homme. C'est ainsi que le responsable d'ELECAM de Dschang estime que, lorsqu'ils ce sont rendus à l'ENIEG pour les inscriptions, seuls certains jeunes hommes se sont fait inscrire. Les jeunes femmes ayant refusé de manière catégorique de se faire inscrire56(*). De ce fait, comment ne pas admettre avec Mme.Denise Ngatchou que : «Les femmes sont plus nombreuses que les hommes mais s'inscrivent moins »57(*). Si les femmes s'inscrivent moins alors qu'elles sont les plus nombreuses (50.5% de femmes, contre 49.5% d'hommes)58(*), ceci explique dans une certaine mesure pourquoi les taux d'inscriptions ne sont pas élevés dans l'ensemble et particulièrement chez les femmes. En définitive, les hommes accordent plus d'attention aux évènements politiques (Nna, 2007 : 345). De même, une autre observation démontre que les femmes des zones urbaines s'inscrivent moins que celles des zones rurales. C'est justement ce qui a fait dire à Pierre Bourdieu (1994 : 18) que : « ...Ce sont les femmes les moins instruites des communes rurales qui ont le taux le plus élevé de participation aux consultations électorales... ».

Bref, quoique les villes soient les plus peuplées59(*), il est établi que l'on s'inscrit plus en zones rurales qu'en zones urbaines car en zones rurales on est moins exposés aux débats politiques et moins exigeant à l'égard des entrepreneurs politiques contrairement à la ville60(*). C'est ainsi, qu'à Nanga-Eboko, (ville de moins de 50.000 habitants) moins urbanisée que Yaoundé sur 14 milles personnes en âge de voter, 8 milles ont déjà été inscrites soit la moitié même si la dernière inscription enregistrée remonte au 1/11/201061(*) contrairement à la ville de Yaoundé qui ne compte que 05 milles inscrits alors qu'elle compte plus de 1.817.52462(*) habitants. De façon générale, l'apathie des camerounais reste considérable car, dans la région du centre par exemple, sur plus de 2 millions d'habitants d'après le dernier recensement (de 2005), seul 14 milles personnes se sont inscrites sur les listes. En effet, le taux d'inscription relativement faible, démontre que les camerounais n'y voient a priori aucun enjeu. Par exemple, par rapport à l'opération 8 millions d'inscrits lancé par ELECAM il ressort qu'en date du 30/05/2011, seulement 1.524.030 de nouveaux citoyens se sont inscrits sur les 8 millions attendus, ceci à quelques mois de l'élection. Soit un total 6.591.866 de potentiels électeurs si on prend en compte les inscrits de 200763(*).

Tableau n° 6 : EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES EN FONCTION DU POTENTIEL ELECTORAL DES REGIONS DEPUIS AOUT 2010

REGIONS

POPULATION ELECTORALE

ELECTEURS A INSCRIRE

ELECTEURS ISNCRITS DEPUIS AOUT 2010

TAUX DE REALISATION EN (%)

ADAMOUA

457029

194849

136485

70

CENTRE

1586548

815O73

309920

38

EST

360885

97740

99795

102

EXTR-NORD

1566186

30700

249313

47

LITTORAL

1289157

658173

207624

32

NORD

922603

523551

166406

32

NORD-OUEST

812112

228452

149936

66

OUEST

803378

279075

184224

66

SUD

311463

92428

78322

85

SUD-OUEST

622928

165312

136914

83

TOTAUX

8732289

3585353

1718949

49

Source : Reconfiguration par l'auteur à partir des données tirées du site internet d'ELECAM : www.elecam.cm.

Dans tous les cas, malgré la croissance de la population camerounaise (Eboussi Boulaga, 1999 : 72) qui est de 2.8% par an64(*), et donc du potentiel électoral, le nombre d'inscrits depuis 1992 oscille entre 4 millions et 5.5 millions. A partir du tableau ci-dessus, on constate que le taux de réalisation des inscriptions sur les listes électorales est très faible dans certaines régions et très élevé dans d'autres. C'est la preuve que la non-perception des enjeux varie en fonction des régions et influence de facto sur le taux d'abstention qui lui aussi varie en fonction de chaque région et effrite le nombre d'inscrits sur l'ensemble du pays.

Tableau n° 7 : NOMBRE DES INSCRITS SUR LES LISTES ELECTORALES DE 1992 à 2007

ANNEES

NOMBRE DES INSCRITS

1992

4.019.562

1996

4.152.265

1997

4.220.163

2002

Environ 4millions

2004

4.701.953

2007

5004549

Source : Compilation de l'auteur à sortir des données des Cameroons Tribunes n°5090, du 12/03/1992, n°2751, du 24/10/1997, du 15/10/2004, du journal L'action n°304 du 26/07/2002, et ELAN TCHOUMBIA, 2004.

Le tableau nous montre que la progression du nombre des inscrits depuis 1992 ne correspond pas au rythme de l'augmentation de la population et traduit bien le fait que les camerounais ne voient pas d'enjeu dans les inscriptions, préfèrant alors s'abstenir. En effet, de 1992 à 2007, le nombre des inscrits sur les listes électorales oscille entre 4 millions et 5 millions alors que, la population totale estimée en 1992 à environ 12 millions, atteind désormais la bare de 19 millions en 2007. Ce qui montre que l'augmentation du nombre de la population, n'est pas matérialisée par une forte augmentation du nombre des inscrits sur les listes électorales. C'est une réalité qui peut aussi s'expliquer par la décrédibilisation du processus électoral.

PARAGRAPHE 2 : LA DECREDIBILISATION DU PROCESSUS PRE-ELECTORAL

La construction de la démocratie commence par l'établissement des règles de la compétition électorale qui soient acceptées pas tous car, si les règles de jeu ne font pas l'unanimité au sein des acteurs politiques, il est évident que l'ensemble du processus électoral sera régulièrement remis en cause. C'est pour cette raison que M.Takougang souligne qu'« on ne peut pas organiser les élections depuis 20 ans sans consensus sachant que la confiance même se périme »65(*). On comprend alors pourquoi les acteurs politiques passent plus de temps à débattre des règles du jeu au lieu des enjeux de la compétition elle-même. Etant donné que la maîtrise du processus électoral par le parti au pouvoir peut expliquer le découragement de ses adversaires potentiels ou réels, ces derniers exigeront une redéfinition des règles du jeu sans lesquelles les élections ne sont qu'une « pure mascarade » (Nna, 2009 : 343-344). La conséquence est la démotivation des citoyens et la suspicion à l'égard du processus d'inscription sur les listes. Si les règles ne font pas l'objet de consensus au sein des différents acteurs, beaucoup risquent de renoncer au jeu car celui-ci suppose que l'on soit d'accord sur « l'illusio » du jeu qui est le fait d'être pris au jeu, d'être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle ou pour dire les choses simplement que ça vaut la peine de jouer (Bourdieu, 1994 : 151). Si tel n'est pas le cas, les comportements de rejet systématique des règles du jeu politique exprimant un haut degré d'insatisfaction (Njoya, 2003 : 90) seront développés par certains acteurs politiques et citoyens qui auront l'impression de se sentir floués. C'est dans cette logique que s'inscrit au Cameroun depuis 1992 dans la compétition électorale les interactions entre le camp de la crédibilisation et celui de la décrédibilisation du processus électoral. Cette lutte conduira dès lors à la création de plusieurs organismes chargés de la gestion du processus électoral au Cameroun qui dès leur genèse connaitront des problèmes de légitimité qui auront des effets dévastateurs dans l'opinion66(*). Ce qui affecte considérablement la fiabilité du processus électoral avec pour conséquence les critiques et les boycotts qui ne cessent de jalonner le processus électoral accentuant la crise de légitimité.

En effet, la réalité est que les acteurs politiques n'ont jamais été d'accord sur le processus électoral tel qu'il est géré par les différentes institutions compétentes en matière électorale. Ce désaccord débouche le plus souvent sur la contestation des résultats et construit une interaction entre le camp des « victoires volées » et celui des « victoires méritées ». Or, cette contestation permanente des résultats commence au moment même de la phase pré-électorale qui est marquée essentiellement par les inscriptions sur les listes électorales. C'est une phase déterminante pour la suite du processus électoral parce que la crédibilisation de l'élection commence par la crédibilisation des inscriptions sur les listes étant donné que, la faible inscription sur les listes électorales décrédibilise dans une grande mesure le système électoral. D'où la nécessité de parvenir à un corps électoral correspondant au chiffre de la population67(*). Ce qui n'est pas facile au regard du degré d'apathie des camerounais car la non-inscription semble être perçue par les citoyens, selon Mathias Eric Owona Nguini, comme «... Un acte de défiance clair vis-à-vis du processus électoral proprement dit... 68(*)». En fait, les citoyens en plus du déficit de confiance à l'égard des hommes politiques mettent en doute l'impartialité des organismes chargés du processus électoral et les soupçonnent de faire le jeu du parti au pouvoir. Or, ceci fait suite aux accusations des partis d'opposition contre ces organismes pour des raisons identiques.  Pourtant, il est généralement admis que « nos prises de position alarmiste peuvent davantage décourager les citoyens alors que l'enjeu était de mobiliser69(*) ». C'est dans cette optique que, M. Fru Ndi déclare qu'« il est difficile de lutter contre l'apathie des camerounais lorsqu'ils n'ont pas confiance aux règles du jeu. Pourquoi voulez-vous qu'ils perdent leur temps pour quelque chose en laquelle ils n'ont pas confiance ? »70(*). Au regard de cette position et des appréhensions des citoyens par rapport au processus pré-électoral, la « décivilité » électorale s'organise autour de la critique du rôle de l'Etat en matière d'organisation des élections (Sindjoun, 1999 : 311), débouchant sur les accusations des partis politiques d'opposition à l'égard du gouvernement. En effet, d'après ces partis, le gouvernement a « la main mise sur la procédure électorale parce qu'il n'est pas prêt à perdre les élections... » (Sindjoun, 1999 : 285). D'ailleurs, selon Daniel Mbo'o : « C'est le processus d'inscription sur le fichier électoral qui plombe les élections au Cameroun 71(*)». Et ce n'est pas la réintroduction de l'administration dans l'organisation des élections malgré la mise sur pied d'ELECAM72(*) qui va faire taire les critiques et stimuler les inscriptions. Au contraire, cette situation a suscité de vives contestations au sein de l'opposition ; ce qui peut nettement accentuer la méfiance des citoyens à l'égard de cet organe et les décourager davantage par rapport aux inscriptions sur les listes.

Tableau n° 8 : LES TAUX D'INSCRIPTION PAR REGION A LA DATE DU 30/O5/2011

REGIONS

POPULATION TOTALE

POPULATION ELECTORALE (45%)

INSCRITS DE 2007

ELECTEURS A INSCRIRE

ELECTEURS INSCRITS DEPUIS AOUT 2010

TAUX DE REALISATION EN (%)

ADAMAOUA

1015622

457.029

262.180

194.849

136.485

70

CENTRE

3.525.664

1586548

771.475

815.073

309.920

38

EST

801.968

360.885

263.145

97740

99795

102

EXTREME-NORD

3.480.414

1.566.186

1.035.486

530.700

249.313

47

LITTORAL

2.865.795

1.289.157

630.984

658.173

207.624

32

NORD

2.050.229

922.603

399.952

523.551

166.406

32

NORD-OUEST

1.804.695

812.112

503.660

228.452

149.936

66

OUEST

1.785.285

803.378

524.303

279.075

184224

66

SUD

692.142

311.463

219.035

92.428

78.322

85

SUD-OUEST

1.384.286

622.928

457.616

165.312

136.924

83

TOTAL (%)

 

8.732.289

5.067.836

3.585.353

1.718.949

48

Source : www.Elecam.cm

Les faibles taux d'inscriptions démontrent que les Camerounais dans leur majorité ont une certaine méfiance à l'égard du processus électoral tel qu'il est géré. Et cela s'exprime par le peu d'engouement qu'ils développent pour les inscriptions. Cette réalité est visible principalement dans 04 régions si on prend en compte le tableau suscité à savoir : le Centre, l'Extrême-Nord, le Littoral et le Nord qui constituent les plus grands viviers électoraux du pays en termes de potentiels électoraux. Ce qui explique certainement pourquoi le taux d'inscription sur les listes électorales est faible (48%) dans l'ensemble du pays. Cette méfiance peut se justifier par la conscience qu'ils ont du fait que les organes en charges du processus électoral n'ont aucun rôle déterminant ni aucune autonomie dans la gestion du processus électoral (Pokam, 2007 : 80). La situation de ces organes est assimilée par l'opposition à celle de l'administration territoriale qui en son temps était inféodée au parti au pouvoir et décidait de toutes les modalités d'inscription sur les listes électorales en dépit des dispositions légales (Kamga, 1999 : 102). Dans le même esprit, M. Titi Nwel trouve que l'administration est bonne pour autre chose mais pas pour les élections car le retour de l'Administration va créer la suspicion sur ELECAM73(*). La réalité est que le président de la République qui est aussi chef du parti au pouvoir a toujours été le seul compétent pour nommer tous les membres des organismes chargés de la gestion du processus électoral. Ainsi, du ministre de l'administration territoriale aux responsables de l'ONEL et d'ELECAM, tous ont été nommés par le président de la République (Pokam, 2007 : 81). Ce qui ne constitue pas un gage de neutralité aux yeux des électeurs. Une telle suspicion ne manque donc pas de briser l'enthousiasme de certains citoyens qui finissent par se dire que leur voix ne compte pas (Nna, 2009 : 346) car, comme l'affirme M. Pokam (2007 : 79), les dirigeants africains déploient des stratégies visant à monopoliser le processus de création des commissions électorales en donnant une fausse impression d'innovation et en masquant le conformisme. C'est la raison pour laquelle M. Albert Ndzongang qualifie ELECAM de  « Machin » parce que certains membres estiment selon lui, qu'ils ont rang et prérogatives de ministre et par conséquent qu'ils ne sont pas libres74(*).On peut donc admettre avec Mathurin Nna (2009 : 344) que : « La contestation des règles du jeu favorise l'abstentionnisme... » à travers la non-inscription sur les listes électorales. En définitive, la non-inscription volontaire peut manifester ainsi un degré élevé de politisation des citoyens (Nna, 2009 : 344-345). Par ailleurs, que pouvons-nous dire de la non-inscription involontaire ?

SECTION 2 : LA MULTIPLICATION DES SOURCES DE LA NON-INSCRIPTION INVOLONTAIRE

Contrairement à la non-inscription volontaire, la non-inscription involontaire ne dépend pas d'une manifestation claire de la volonté des citoyens. Ici, les citoyens sont confrontés à un certain nombre de difficultés qui les empêchent de se fait inscrire sur les listes électorales. Le degré de politisation des citoyens n'est pas déterminant pour la non-inscription car que les citoyens soient dotés de la compétence politique ou pas, elle sera limitée face aux facteurs auxquels ils sont confrontés. C'est ainsi que nous pouvons distinguer la non-inscription inhérente au non accomplissement de certains actes et celle inhérente aux actions de certains acteurs.

PARAGRAPHE 1 : LES PRATIQUES D'EXCLUSION PAR LE NON ACCOMPLISSEMENT DE CERTAINS ACTES

Les citoyens souhaitant s'inscrire sur les listes électorales doivent accomplir un certain nombre d'actes car si le droit de s'inscrire est reconnu aux citoyens en âge de voter (20 ans)75(*), il n'a de sens que si d'autres formalités sont remplies. Dans le cas contraire, le citoyen (n'ayant pas accompli ces autres formalités) n'a pas droit à l'inscription sur les listes électorales. C'est ainsi que le citoyen n'a pas droit à l'inscription s'il ne possède pas de carte nationale d'identité, s'il ne connaît pas la procédure et si sa résidence n'est pas implantée à son lieu d'incription.

A-L'EXCLUSION CONSECUTIVE AUX PROBLEMES DE CARTES NATIONALES D'IDENTITE

La possession de la carte nationale d'identité est cruciale dans l'inscription sur les listes et c'est justement pour cette raison que ceux qui ne l'ont pas ne sont pas autorisés à s'inscrire. A cet effet, le responsable communal d'ELECAM de Dschang déclare que : « Notre principal problème est le défaut de carte nationale d'identité et particulièrement dans les zones rurales et pour ceux qui en ont, elles ne sont plus valides. D'ailleurs, certains possèdent encore des cartes en cartons. Ce qui se justifie par son coût élevé »76(*). On comprend alors pourquoi le défaut de carte est préjudiciable aux inscriptions sur les listes, puisque certains citoyens en zones rurales malgré leur volonté ne peuvent s'inscrire. Ce défaut de cartes est parfois lié à celui du défaut d'actes de naissance étant donné que, dans les zones rurales certains citoyens n'ont pas d'actes de naissance surtout ceux qui ne sont pas nés dans les centres de santé. Cette situation fut observée dans la région du Sud.77(*) Or, on ne peut se faire établir de cartes sans actes de naissances. En réalité, le coût élevé de la carte d'identité ne la met pas à la portée de toutes les bourses (5000F.cfa et parfois plus). De même, l'éloignement des lieux d'identification78(*) constitue un autre obstacle majeur aux inscriptions. C'est par exemple le cas dans la localité de Nanga-Eboko où les citoyens sont obligés de parcourir des kilomètres après avoir déboursé 2000F.cfa pour le transport seulement lorsque la route est praticable avec le risque de ne jamais entrer en possession de ladite carte79(*). En effet, on ne s'inscrit pas officiellement avec le récépissé de la carte sauf si on y joint son acte de naissance80(*). En conséquence, l'obstacle majeur aux inscriptions sur les listes électorales réside au niveau de l'obtention de la carte nationale d'identité81(*). C'est ce que confirme d'ailleurs M. Adji Massao, Délégué régional d'ELECAM de l'Extrême-Nord lorsqu'il déclare que « le potentiel électoral est en principe les jeunes en âge de voter et les femmes, mais malheureusement, ils sont peu à s'inscrire justement parce qu'ils ne possèdent pas de cartes nationales d'identité82(*) ». Mais il ne faut pas conclure que posséder une carte nationale suffit à se faire enregistrer sur une liste car le citoyen doit suivre un certain nombre de règles et résider dans la circonscription ou dans la commune où il veut s'inscrire.

B- L'EXCLUSION CONSECUTIVE A LA MECONNAISSANCE DES MODALITES PRATIQUES ET AU PROBLEME DE RESIDENCE

La méconnaissance des lois en matière électorale et précisément de la procédure d'inscription produit des effets néfastes sur le processus électoral selon les responsables de l'ONEL83(*). Cette situation fait de la vie politique « une jungle chacun se débrouille sans vraiment maîtriser les règles de jeu84(*) ». Ce qui se matérialise par le fait que les partis politiques collectent parfois les cartes d'identité de leurs militants afin de les faire inscrire même après la convocation du corps électoral. Pourtant, la convocation du corps électoral signifie la fin des inscriptions sur les listes électorales85(*). En pratique, la méconnaissance des lois en matière électorale et de la procédure d'inscription éloignent de nombreux citoyens des bureaux d'inscription étant donné que certains ne savent pas souvent qu'ils ont déjà atteint l'âge requis pour s'inscrire sur les listes (Eboussi Boulaga, 1997 : 275). Ce qui les exclut du fichier électoral en compromettant leur paricipation aux élections. Les autres obstacles sont liés au fait que plusieurs citoyens ne savent pas parfois où les bureaux d'inscription se trouvent86(*) encore moins les heures de leurs ouvertures ou de leurs fermetures et plus intéressant, le fait que les heures de leurs fermetures ne soient pas suffisamment longues (Duval, 2007 : 92). De ce fait, si les bureaux d'inscription ne sont pas ouverts jusqu'à une heure tardive afin de permettre aux gens qui travaillent de se libérer pour se faire inscrire, il leur sera difficile d'abandonner leur travail à cet effet. Or, en pratique, les bureaux d'insciption ferment à 15h ayant ouverts à 08h. Ce qui ne facilite pas la tâche à ceux qui finissent le travail à 15h de s'inscrire puisqu'il peut advenir qu'à leur arrivée au lieu d'inscription le bureau soit déjà fermé ; sans négliger le fait que certains ferment avant l'heure officielle de fermeture. A titre d'illustration, la fermeture prématurée des bureaux d'inscription dans le Mayo- Kani a empêché les jeunes ayant atteint l'âge électoral de s'inscrire (Kees, 1992 : 117). De même, la mauvaise organisation des opérations d'inscription conduit généralement au découragement des citoyens87(*). On peut aussi reléver comme éléments supplémentaires de découragement pour les inscriptions sur les listes électorales la pénurie du matériel d'inscription (Eboussi Boulaga, 1997 : 274-275). Au-delà de cette méconnaissance des modalités pratiques, le lieu de résidence du citoyen est un facteur qui fragilise davantage l'inscription sur les listes.

En effet, d'après le code électoral88(*), seuls les citoyens camerounais jouissant du droit de vote et ayant leur domicile réel ou résidant effectivement dans la commune ou dans la circonscription depuis au moins six (6) mois peuvent être inscrits sur une liste électorale. Cette disposition exclut d'office tous les citoyens ne résidant pas pendant cette période dans la commune ou la circonscription exception faite aux militaires et assimilés89(*), et aussi des citoyens qui justifient de leur inscription au rôle des contributions directes dans la commune pour la cinquième année consécutive à condition que les demandes d'inscription soient obligatoirement accompagnées des certificats de non inscription sur les listes ou de radiation90(*). Cette situation a fait l'objet de plusieurs débats au Cameroun surtout en ce qui concerne les camerounais vivant dans les pays étrangers qui ne pouvaient voter parce qu'ils n'étaient pas inscrits sur les listes électorales91(*). Ce qui n'était pas conforme à leur souhait et les amenaient à dénoncer leur mise à l'écart. Prennant exemple des diasporas des autres pays africains qui participent aux élections dans leur pays, celle du Cameroun se demande pourquoi elle ne participe pas aux élections ?92(*) Désormais, cette exclusion rélèvera du passé si l'on se réfère au projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale par le gouvernement le 06/07/2011 qui leur permet de prendre part à l'élection présidentielle et au référendum mais pas aux élections législatives et municipales93(*). Ainsi, la diaspora camerounaise prendra part à l'élection présidentielle et au référendum malgré son absence du territoire camerounais. Toutefois, cette situation constituera toujours un blocus à sa participation aux élections législatives et municipales. Ce qui n'est pas sans impact sur le potentiel électoral de ces deux dernières élections qui restera toujours moins important que celui de l'élection présidentielle surtout lorsqu'on sait que les camerounais sont des millions à vivre à l'étranger94(*).

De même, les citoyens changeant régulièrement de résidence ou de domicile éprouveront d'énormes difficultés à s'inscrire sur les listes car s'ils étaient déjà inscrits sur des listes, ils auront du mal à se faire réinscrire dans leurs nouvelles communes (Duval, 2007 : 58) et s'ils ne s'étaient pas encore inscrits, ce n'est pas certain qu'ils le feront parfois à cause de leur forclusion95(*). Dans tous les cas, ils sont des milliers à être absents dans leurs lieux de résidence. Ainsi, d'après le dernier récensement, ils étaient un total de 682.532 résidents absents à leurs lieux de résidence dans l'ensemble du pays96(*). Suivant la même perspective, le fait de résider à une distance très éloignée du bureau d'inscription ou à une distance nécessitant un déplacement en véhicule peut constituer un argument supplémentaire pour les citoyens voulant s'inscrire car ceux-ci peuvent ne pas accepter de parcourir cette distance pour accomplir cette formalité ou de dépenser une certaine somme d'argent seulement pour aller s'inscrire. Par ailleurs, les actions de certains acteurs contribuent aussi à l'effritement du taux d'inscription.

PARAGRAPHE 2 : LES PRATIQUES D'EXCLUSION A TRAVERS LES DEMARCHES DE CERTAINS ACTEURS

Il est question de relever que la non-inscription involontaire n'est pas seulement le fait des citoyens à cause du non accomplissement de certaines formalités, mais davantage celui de certains acteurs qui, de façon volontaire ou involontaire, participent à la non-inscription des citoyens. Dans cette optique, nous présenterons non seulement les inscriptions sélectives et la convocation du corps électoral, mais également la non-inscription liée à l'appel au boycott, aux intimidations et à la violence.

A- LES INSCRIPTIONS SELECTIVES, LES SUPPRESSIONS DE NOMS SUR LES LISTES ELECTORALES ET LA CONVOCATION DU CORPS ELECTORAL

Les non-inscriptions involontaires sont nombreuses et variées. Elles se traduisent parfois par « les inscriptions sélectives » de certains citoyens malgré leur volonté manifeste de se faire inscrire sur les listes électorales. Elles sont d'ailleurs fréquentes dans le processus électoral camerounais et constituent l'une des charges essentielles dans les réquisitoires pour l'annulation (Njoya, 2003 : 81) de certaines élections. En effet, il s'agit de l'inscription des personnes susceptibles de voter pour le parti au pouvoir, en excluant toutes les personnes suspectées d'appartenir à l'opposition, ce qui n'a pour explication que l'argument ethnique conformement à la position de M.Njoya (2003 : 86) selon laquelle : « seul l'argument ethnique peut justifier ce sélectivisme ». Etant donné qu'il est difficile de dire a priori qui est de l'opposition et qui ne l'est pas, et partant du caractère ethnique des partis (Mouiché, 2009 :24), il est possible de dire qui est de l'opposition et qui ne l'est pas ; car certains partis politiques sont souvent proches des ethnies auxquelles appartiennent leurs leaders. A cet effet, les inscriptions sur les listes électorales sont souvent entachées de plusieurs exclusions (Eboussi Boulaga, 1999 : 71) du fait de certains acteurs en charge du processus électoral. C'est dans cette perspective que, M. Fru Ndi affirme que : « Les autorités administratives enregistrent de façon sélective les camerounais sur les listes. Ainsi, dans le Centre, le Sud et L'Est beaucoup de citoyens ont été empêchés de s'inscrire sur les listes parce qu'ils étaient soit Anglophones soit Bamiléké. De ce fait soupçonnés d'être des opposants 97(*)». C'est la preuve que l'exclusion de certaines catégories de citoyens a un caractère ethnique et contribue à l'amoindrissement du corps électoral à travers le découragement des électeurs. Dans tous les cas, c'est une pratique qui semble récurrente et qui mine sérieusement le processus électoral en participant grandement à l'exclusion de nombreux citoyens comme l'illustre le cas de M. Alain Fogue Tedom, lorsque prenant son exemple il déclare : qu'« en 2007, j'ai marché pendant plus de six mois pour m'inscrire sur une liste électorale, à la sous-préfecture de Yaoundé 3ème, j'y suis pas parvenu »98(*). C'est une réalité qui ne laisse donc pas la possibilité d'évaluer réellement le potentiel du corps électoral. À titre d'exemple près de 15 mille personnes auraient tenté en vain de s'inscrire sur des listes électorales en 1992 (Eboussi Boulaga, 1997 : 117).

Par ailleurs, d'autres électeurs ont vu tout simplement leurs noms supprimer des listes électorales dans des localités suspectées d'être acquises à l'opposition. C'est une technique qui semble correspondre à une volonté claire des acteurs qui y ont intérêt car, on observe cette pratique en particulier dans les fiefs acquis à l'opposition tandis que dans ceux proches du parti au pouvoir, les cas de suppression ne sont pas autant légion.

Tableau n° 9 : LES INSCRITS EN MARS 1992 ET SUPPRIMES EN OCTOBRE 92

REGIONS

NOMBRE D'ELECTEURS SUPPRIMES EN OCTOBRE 1992, POURTANT INSCRITS EN MARS 1992.

ADAMOUA

1513

CENTRE

0

EST

0

EXTREME-NORD

210414

LITTORAL

24

NORD

108

SUD

0

SUD-OUEST

55

NORD-OUEST

37766

OUEST

0

TOTAUX

249880

Source : Owona Nguini : La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique, 1997.

A partir de ce tableau, il ressort que 6.23% des inscrits de Mars 1992 ont été privés de leur droit de vote.

Par contre, si certaines exclusions ou inscriptions se font en violation des dispositions légales, d'autres par contre se font en conformité avec elles, même si certains partis politiques et observateurs les dénoncent en estimant qu'elles sont parfois arbitraires. En effet, la convocation du corps électoral ne vise pas expressément à exclure une catégorie des citoyens jugés « opposants », mais à respecter des dispositions légales qui veulent que le corps électoral soit convoqué à quarante-cinq jours au maximum avant la prochaine élection99(*). Cependant, sa convocation n'est pas toujours neutre car, il arrive qu'il soit décrété par anticipation. Ce qui est de nature à supprendre les potentiels électeurs, compromettant dans une certaine mesure leurs inscriptions sur les listes. Cette technique a été employée lors de l'élection présidentielle de 1992 à laquelle le président de la République avait convoqué par anticipation le corps électoral mettant ainsi « hors jeu » ceux qui s'appretaient à s'inscrire plus tard, étant donné que cet acte stoppe les inscriptions.

A cet effet, en année électorale, dès que le corps électoral est convoqué, toute inscription sur les listes cesse100(*). Il consacre donc la clôture des inscriptions sur les listes électorales, ce qui produit une exclusion massive de nombreux citoyens (Nna, 2009 : 25) qui à cause de cet acte sont forclos. C'est d'ailleurs ce qui a motivé le SDF à attaquer en 1992 devant le tribunal administratif le décret101(*) convoquant le corps électoral pour le 1er mars 1992 estimant qu'il violait la loi électorale car, en le convoquant pour cette date, les jeunes de 20 ans n'auront pas le temps de s'inscrire (Nkaifon Perfura, 1994 : 223). Dans tous les cas, la convocation du corps électoral exclut un nombre important de citoyens, particulièrement ceux qui avaient renvoyé leur inscription à plus tard et ceux qui ont été surpris par l'anticipation des élections102(*), car en cas d'élection anticipée la date de sa convocation sera elle aussi anticipée. D'ailleurs, l'ONEL estime qu'après la convocation du corps électoral en 2004, 25% des communes avaient encore des citoyens soucieux de se faire inscrire sur les listes103(*). Ce qui représente des milliers de potentiels électeurs qui ne sont plus autorisés à s'inscrire. Cependant, malgré sa convocation, certaines catégories de citoyens peuvent toujours être autorisées à s'inscrire.104(*) En conséquence, le problème de la convocation du corps électoral comme source de non-inscription est lié à sa convocation anticipée et non à sa convocation elle-même puisqu'elle répond en principe à des dispositions légales car, si l'anticipation des élections correspond à une stratégie politique, il va de soi que la convocation anticipée du corps électoral est l'une de ses armes. A côté de la convocation du corps électoral, les inscriptions sélectives, les appels aux boycotts des inscriptions, les intimidations et la violence empêchent bien des citoyens à s'inscrire sur les listes.

B- LES APPELS AUX BOYCOTTS ET LA VIOLENCE ELECTORALE

Le boycott prôné par certains partis politiques d'opposition, s'apparente à une conduite de défection motivée par un sentiment d'impuissance traduisant l'incapacité de changer les règles du jeu (Menthong, 1998 : 45). En fait, c'est une arme qu'utilisent certains partis politiques depuis le retour du multipartisme principalement le SDF et l'UDC. Bien que l'impact de ce mot d'ordre ait souvent varié en fonction des fiefs acquis à ces partis (Menthong, 1998 : 44), il a contribué tout de même à amaigrir le corps électoral.

Tableau n°10 : EVOLUTION DES TAUX D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES (1992-2007)

ANNEES

NOMBRE DES INSCRITS

1992

4.019.562

1996

4.152.265

1997

4.220.163

2002

4.389.572

2004

4.701.953

2007

5004549

Source : Compilation de l'auteur données issues des Cameroons Tribunes n°5090, du 12/03/1992, n°2751, du 24/10/1997, du 15/10/2004, n°8895/5094, du 20/07/2007, le journal l'Action n°304 du26/07/2002, et ELAN TCHOUMBIA, 2004.

En observant les années électorales ci-dessus, on constate que celles auxquelles certains partis politiques ont appelé au boycott ont connu des taux d'inscription faibles par rapport aux autres. En effet, l'impact du mot d'ordre de boycott a été plus ressentie en 1992, ce qui correspond à la période pendant laquelle l'opposition avait une grande sympathie auprès des citoyens et croyait jouer sur elle pour imposer la conférence nationale souveraine au gouvernement (Nkaifon Perfura, 1994 : 223) ce qui n'a évidement pas abouti, l'aménant à opter plutôt pour le « boycott actif » des élections. Cet appel a dissuadé plusieurs citoyens à s'inscrire sur les listes, contribuant au gonflement des taux d'abstention. D'ailleurs, à cause du boycott massivement suivi dans les localités réputées acquises à l'opposition, de nombreux citoyens n'ont pas pris la peine de s'inscrire. De même, comme en 1992 et 1997, le SDF va appeler en 2011 au boycott, mais cette fois non plus de l'élection elle-même mais de l'institution chargée de son organisation à savoir ELECAM. Ainsi, selon M. Osih l'un des vices présidents du SDF : « Le SDF n'a jamais dit qu'il va boycotter la future élection présidentielle, mais qu'il n'y aura pas d'élection avec ELECAM dans sa configuration actuelle »105(*). Avant d'ajouter qu'il ne revient pas aux partis d'appeler les citoyens à aller s'inscrire ou à ne pas s'inscrire, il convient de rappeler que la prise en compte des onze (11) exigences de son parti est la clé de leur participation aux commissions d'inscription sur les listes. L'autre motivation du SDF à l'égard du boycott d'ELECAM est selon lui son illégalité car, cette institution ne sera légale selon ce parti qu'après le décret constatant son existence, ce qui n'est manifestement pas encore le cas106(*). Naturellement, cette attitude du SDF ne peut contribuer à la stimulation des inscriptions sur les listes car elle va amener plusieurs militants et sympathisants de ce parti ou même d'autres citoyens à ne pas s'inscrire sur les listes électorales. C'est suivant cette logique que, le responsable régional d'ELECAM-Ouest considère que l'appel au boycott d'ELECAM par le SDF décourage certains citoyens surtout ceux de la ville qui sont exposés aux débats politiques107(*). De même, sans parler explicitement de boycott M. Ekindi déclare qu'« il est difficile qu'on incite des gens à s'inscrire si on ne peut leur donner la certitude que leurs votes seront pris en compte et qu'ils auront les cartes électorales fiables 108(*)». Par ailleurs, les organisations telles que les Témoins de Jéhovah n'incitent pas leurs adeptes à s'inscrire sur les listes, ce qui constitue un important vivier de non-inscrits, vu l'importance numérique de ce groupe religieux et donc de l'électorat qu'il peut constituer. C'est pour cela que le responsable communal d'ELECAM de Dschang n'a pas développé de tactique d'inscription à leur égard en affirmant pour se justifier que : « nous avons évité les Témoins de Jéhovah, car, vous connaissez leur position en ce qui concerne les élections »109(*). Les adeptes de cette communauté sont donc à priori des non-inscrits alors qu'ils sont assez nombreux pour participer à la crédibilisation du corps électoral camerounais.

De même, la violence électorale est un facteur d'effritement du corps électoral puisque beaucoup de citoyens renoncent à ce droit par peur. C'est par exemple le cas des populations de la localité de Nteingué située entre la ville de Dschang et de Santchou qui se sont affrontées parce que semble-t-il, les Mbo'o de la localité refusaient aux Bamilékés de la même localité le droit de s'inscrire sur les listes électorales. En effet, pour ces Mbo'o, les populations Bamiléké qui s'inscrivent dans leur localité votent généralement pour l'opposition, faisant de leur localité un fief de l'opposition, et donc ne pouvant bénéficier des largesses du régime110(*). En réalité, les racines de cette violence sont consécutives à l'entreprise des chefs traditionnels, élites et notables de l'arrondissement de Santchou qui déjà en février 1996, avaient demandé au chef de l'Etat de rattacher leur localité au département du Moungo avant la prochaine élection afin que leurs efforts ne soient pas anéantis par le flux de Bamiléké (Sindjoun, 1999 : 318). Ces violences peuvent produire comme effets le découragement de certains citoyens qui par crainte auront peur de s'inscrire.

La construction de l'abstentionnisme électoral au moment des inscriptions sur les listes électorales est donc le produit d'une série d'interactions mises en oeuvre à travers une variété de tactiques contenues dans la non-inscription volontaire et involontaire sur les listes électorales. Ces deux principaux procédés mettent en jeu un ensemble d'actions et d'interactions des acteurs sociopolitiques qui volontairement ou involontairement participent à la construction pratique de l'abstentionnisme électoral au moment de l'inscription sur les listes électorales. Ainsi, au-delà de la compétence politique des citoyens qui leur permet de renoncer à leur droit d'inscription sur les listes à travers la non-inscription, les conditions socio-économiques des électeurs et le non accomplissement de certains actes ou encore les actions des acteurs sociopolitiques sont autant de facteurs qui contribuent à la construction du phénomène à travers la non-inscription sur les listes électorales. Par ailleurs, cette construction prend aussi en compte le moment de l'élection.

CHAPITRE 2 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'ELECTION

L'abstentionnisme électoral est la non-participation d'un citoyen à un vote auquel il est convoqué (Alcaud et als, 2004 : 1). Dans cette optique, qu'est ce qui peut conduire un citoyen qui a pris la peine d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'inscription sur les listes à renoncer finalement au vote au moment de l'élection ? En effet, contrairement à la période d'inscription sur les listes, l'abstentionnisme électoral au moment de l'élection prend en compte le moment de la campagne électorale qui est très déterminant dans ce phénomène. C'est un moment au cours duquel les candidats doivent rassurer les citoyens dans leurs options en orientant leur comportement électoral. Par ailleurs, l'abstention électorale n'est pas un vote comme les autres, elle constitue une réponse négative à une offre politique à un moment donné (Subileau, 1997 : 245) ce qui signifie que le citoyen prend en compte la conjoncture politique dans laquelle il se meut, traduisant la possibilité qu'il soit politisé. Ce comportement électoral peut aussi être fortement influencé par l'appartenance sociale du citoyen, c'est-à-dire qu'il n'accorde aucune importance à la conjoncture politique et se sent exclu. En conséquence, l'abstentionnisme électoral au moment de l'élection est donc sensible aux circonstances du vote (Panke-Shon, 2007 : 3) et à la condition sociale du citoyen. Dans cette optique, c'est un phénomène qui est largement lié au dysfonctionnement du processus électoral, aux pesanteurs socio-économiques et au faible impact de la campagne électorale.

SECTION 1 : L'ORCHESTRATION DU DYSFONCTIONNEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL

La participation des citoyens aux consultations électorales est stimulée par un nombre important de facteurs sans lesquels ceux-ci peuvent être tentés de s'abstenir. Parmi ces facteurs, l'organisation de l'élection et son déroulement en sont les piliers car la fiabilité de l'élection y réside. Mais, pour plusieurs raisons, certains partis politiques peuvent être tentés de boycotter les élections entrainant avec eux la non-participation de certains citoyens. Ce type d'abstentionnisme lié au dysfonctionnement du processus électoral ne dépend pas de la volonté manifeste des citoyens ; c'est pour cela qu'il est dit « abstentionnisme involontaire ». Toujours est-il que ce dysfonctionnement même s'il n'est pas le fait direct des citoyens, est celui des acteurs en charge du processus électoral qui, volontairement ou involontairement entraîne cette situation. Ce qui a inéluctablement un impact significatif sur la participation des citoyens aux élections. Dès lors, nous envisagerons dans cette perspective non seulement l'abstentionnisme inhérent à l'organisation parfois chaotique des élections mais aussi celui lié à l'entretien d'une atmosphère propice à une organisation non harmonieuse des élections.

PARAGRAPHE 1 : UNE ORGANISATION PARFOIS CHAOTIQUE DE L'ELECTION

L'organisation et le déroulement de l'élection peuvent, lorsque certaines conditions sont réunies, constituer des cartalyseurs pour l'abstentionnisme électoral au point d'entacher considérablement la crédibilité de l'élection. Dans cette logique, nous présenterons tour à tour l'abstentionnisme lié aux problèmes de cartes d'électeurs et des listes électorales, celui inhérent aux problèmes d'urnes, de bulletins, au non repérage des bureaux de vote et de leur éloignement.

A- LA GESTION PROBLEMATIQUE DES CARTES D'ELECTEUR ET DES LISTES ELECTORALES

L'inscription sur les listes électorales des citoyens ne garantit pas de manière automatique leur participation au vote. Celle-ci doit déboucher sur la présence de leurs noms sur les listes électorales et sur la possession effective des cartes d'électeurs. Ce qui n'est pas toujours le cas, entraînant parfois l'abstention. C'est une situation que connaît de façon récurrente de nombreux électeurs camerounais. En conséquence, certains ne peuvent voter en raison de l'absence de correspondance entre le nom et le numéro d'ordre sur les cartes et les listes électorales (Owona Nguini, 1997 : 762).

En effet, en ce qui concerne le problème de listes électorales, de nombreux citoyens sont souvent confrontés à l'absence de leur nom sur les listes électorales malgré les formalités d'inscription qu'ils sont censés avoir accomplis. Plusieurs facteurs peuvent être à l'origine d'une telle situation car, si certaines personnes peuvent souvent se prévaloir de leur inscription sur les listes après avoir accompli les formalités requises, il peut cependant arriver que leurs noms ne figurent pas sur les listes le jour du vote ou que les listes électorales aient été déchirées (Owona Nguini, 1997 : 771) ; ce qui peut parfois s'expliquer par les inscriptions effectuées sur les feuilles volantes111(*) ou sous toute autre forme de légèreté. L'ONEL a ainsi relevé de nombreux cas où, des personnes qui affirmaient s'être inscrites n'ont pourtant pas retrouvé leurs noms sur les listes en 2002, ce qui entraîna leur abstention112(*). C'est pourquoi les citoyens qui viennent regarder leurs noms sur les listes sont souvent découragés lorsqu'ils ne les retrouvent pas, et parce que la procédure d'inscription n'à pas été elle-même facile, ils n'entreprendront généralement aucune action pour les vérifications. En outre, le non affichage des listes électorales a empêché de son côté plusieurs citoyens de participer au vote. Ce fut le cas en 2002 lorsque sur l'ensemble du territoire, 26.6% des listes n'étaient pas affichées devant les bureaux de vote, soit un total de 4954 bureaux de vote qui n'ont pas connu d'affichage de listes électorales113(*). La répartition dans les 10 régions du pays fut la suivante :

Tableau n°11 : LA REPARTITION PAR REGION DES BUREAUX DE VOTE DONT LES LISTES NE SONT PAS AFFICHEES LORS DES ELECTIONS LEGISLATIVES ET MUNICIPALES DE 2002

REGIONS

% DES BUREAUX DE VOTES DONT LES LISTES ELECTORALES NE SONT PAS AFFICHEES

ADAMOUA

21.2

CENTRE

24.3

EXTREME-NORD

33.1

EST

31.0

LITTORAL

16.1

NORD

33.6

NORD-OUEST

27.7

OUEST

28.6

SUD-OUEST

29.2

SUD

19.9

Source : Rapport général de l'ONEL sur les élections législatives et municipales de 2002.

Il est évident que le non affichage des listes ne peut rester sans effet sur le comportement électoral, étant donné que cela constitue un puissant facteur de découragement. Dans tous les cas, le problème de listes électorales s'est posé presque partout sur l'ensemble du territoire, mais surtout dans les localités à forte densité démographique. Par ailleurs, lors des élections législatives de 1992, les citoyens ayant pris part au vote dans un bureau précis, n'ont pas retrouvé leurs noms sur la liste des électeurs inscrits dans ce même bureau lors de la présidentielle alors qu'ils y ont été inscrits. C'est ce qui semble résulter des conclusions de M. Fabien Eboussi Boulaga (1997 : 127) selon lesquelles : les observateurs ont été témoins à Bokle près de Garoua du fait que 138 électeurs ont déclaré que leurs noms avaient été rayés du registre des inscriptions. Cependant, l'absence des noms sur les listes est parfois liée à leur présence dans un autre bureau qui n'est pourtant pas celui dans lequel les personnes se sont inscrites. Ce qui peut signifier qu'ils sont « mal inscrits », c'est-à-dire que leur bureau de vote ne correspond pas à leur lieu de résidence effectif ou d'inscription. En conséquence, ces personnes ne peuvent voter (Braconnier et Domargen, 2007 : 7) à cause de leur mal inscription. Le plus intéressant dans cette situation est que le citoyen n'imagine pas que son nom peut être ailleurs. Dans tous les cas, l'absence de noms de certains citoyens sur les listes conduit à l'abstention car, selon le code électoral camerounais114(*)  « nul ne peut-être admis à voter s'il n'est inscrit sur la liste électorale du bureau de vote concerné ». Toutefois, dans cette logique, l'abstention des citoyens n'est pas volontaire c'est-à-dire qu'elle ne dépend aucunement de ces derniers, mais du dysfonctionnement du processus électoral et peut dans ce cas être considérée comme « involontaire ». De même, la non-participation au vote peut-être liée au fait que les noms sont mal écrits sur les listes. Nonobstant ces situations, on observe aussi ceux des inscrits qui ayant leurs noms sur les listes ne pourront voter cette fois pour non-possession des cartes d'électeurs.

Le non-vote lié au problème de cartes d'électeur mine sérieusement le processus électoral camerounais car, plusieurs citoyens ne prendront pas part au vote pour défaut de cartes d'électeur. Cette situation dépend souvent involontairement ou pas de certains acteurs en charge du processus électoral. Ainsi, lors des élections municipales et législatives de 2002, l'ONEL a noté la non délivrance des cartes d'électeur dans 290 bureaux de vote dans l'ensemble du pays, soit un pourcentage de 2.47%115(*). Dans cette logique, la non délivrance des cartes d'électeurs s'inscrit parfois dans la stratégie de la « distribution sélective » ou discriminatoire des cartes d'électeur, ceci en fonction des objectifs des intérêts que se fixent et défendent ceux des acteurs en charge du processus électoral qui décident d'avoir une telle attitude à l'égard de certains électeurs étant donné que, s'il y a distribution arbitraire des cartes, c'est parce qu'il y a un but visé. Toutefois, il est établi que la non-délivrance des cartes est aussi due à la négligence de certains responsables en charge du processus : ces derniers dans certains cas, en possession des cartes d'électeur n'ont pas veillé personnellement à leur redistribution laissant ainsi le soin à chaque électeur d'y fouiller la sienne, dans un désordre tel que le risque que certains emportent plusieurs cartes était grand. Nombreux sont les électeurs victimes qui, au moment propice, n'ont pas pu rentrer en possession de leurs cartes116(*) soit parce qu'elles avaient été exposées à toute sorte d'intemperies, soit parce qu'elles avaient déjà été retirées, soit parce qu'elles s'etaient égarées et emportées par le vent ou même abimées.

De même, le manque d'information suffisante par endroit au sujet des horaires de distribution obligera certains camerounais à ne pas exercer leur droit. Dès lors, ces cartes non distribuées tant par amateurisme que du fait d'une stratégie émanant de certaines autorités, resteront en souffrance dans ces différents lieux de distribution. Et face à cette situation, ces autorités ne prendront même pas la peine de transporter ces cartes dans les différents bureaux le jour du vote117(*) tel qu'il est souvent recommandé, afin de permettre aux citoyens de les retirer à leur arrivée. C'est ainsi que certains électeurs ont été rencontrés sillonnant des dizaines de bureaux de vote sans trouver leurs cartes118(*). D'où les accusations faites contre les chefs traditionnels de retenir indûment les lots de cartes d'électeurs119(*) ; ces accusations peuvent être justifiées : on a souvent au Cameroun vu des chefs traditionnels être candidats aux élections ou même soutenir ouvertement un candidat. Ce fut par exemple le cas du chef supérieur Bandjoun qui était le deuxième sur la liste RDPC en 2007 à Bandjoun comme conseiller municipal. On peut alors comprendre que ce refus de distribuer ou de faciliter la possession des cartes d'électeurs s'inscrit dans une tactique claire d'exclure stratégiquement les personnes pouvant compromettre la victoire du « chef-candidat » ou du camp qu'il soutient, compte tenu du fait que le village ou le quartier n'étant pas très peuplé, ledit chef a la possibilité de connaître certains des sujets qui ne partagent pas la même affinité partisane que lui. C'est pourquoi, Fabien Eboussi Boulaga qualifiera : « d'affinité élective » la distribution arbitraire des cartes d'électeurs. Toujours est-il que cette distribution sélective s'inscrit dans une certaine mesure, dans une stratégie claire et savamment orchestrée par ceux qui y ont intérêt : puisqu'il n'existe pas d'acte gratuit, le comportement de chacun est orienté vers un but (Rojot, 2003 : 217). Ce qui rejoint la position de Pierre Bourdieu (1994 : 150) selon laquelle les agents sociaux ne sont pas fous, ils n'agissent pas sans raison.

En effet, la distribution sélective des cartes d'électeurs participe à la construction de l'abstentionnisme électoral comme le dénonce l'UNDP en ces termes : « ...la grande majorité des citoyens en âge de voter a été dépossédée de son droit de vote par le biais...du refus de délivrance des cartes d'électeur aux militants et sympathisants de l'opposition » (Afom Ndong, 2007 : 65). C'est la preuve que cette distribution ou cette rétention sélective des cartes d'électeur n'est pas innocente. Il n'est donc pas imprudent de parler de la rétention des cartes d'électeur (Menthong, 1998 : 48) comme technique de construction de l'abstentionnisme « forcé ». Visiblement, cela semble arranger certains acteurs politiques sinon il n'y aurait aucun intérêt à l'entretenir. C'est le cas des membres de la commission mixte qui représentant leur parti politique, sélectionnent parfois de façon arbitraire les cartes de leurs militants et lorsque les autres membres ne sont pas présents ou ne sont pas vigilants, ils cachent celles des militants des autres partis politiques, les confisquent et parfois les détruisent120(*). Selon les observateurs internationaux, les partis politiques, les organisations non gouvernementales et les organisations civiques locales, la distribution sélective des cartes d'électeur aurait contribué à priver en 1997 environ deux millions de camerounais de leur droit de vote (Mouiché, 2009 : 31).

Par ailleurs, on peut noter que le fait pour un citoyen de ne pas avoir sa carte d'électeur n'est pas toujours lié à la « distribution sélective » ou à sa « rétention », mais il peut aussi être lié au fait que, malgré la présence de son nom sur la liste électorale, la carte n'ait pas été confectionnée. A l'exemple d'un étudiant qui, ayant validé toutes ses unités d'enseignement, ne reçoit malheureusement pas son diplôme. Ceci est un acte dont l'objectif n'est pas nécessairement orienté contre l'étudiant pour le nuire, c'est tout juste une erreur qui peut immédiatement être réparée si l'étudiant fait la requête. Ce qui n'est pas souvent le cas avec les électeurs victimes car dans la plupart des cas, les citoyens ne savent même pas ce qu'il faut faire pour que le tort soit réparé (Kamga, 2002 : 20). Parallèlement aux problèmes liées aux listes et aux cartes d'électeur, on rescense les problèmes d'urnes, de bulletins, de non repérage des bureaux de vote et de leur éloignement qui conduisent également à l'abstentionnisme électoral.

B- L'ETABLISSEMENT D'UNE CERTAINE CONFUSION AUTOUR DES URNES, DES BULLETINS ET DES BUREAUX DE VOTE

L'organisation et le déroulement du processus électoral nécessitent que certaines dispositions soient prises en compte sinon il y a des risques que certains citoyens mécontents de ce processus soient tentés de s'abstenir. Dans cette perspective, l'abstentionnisme aurait pour origine non seulement les problèmes d'urnes et de bulletins mais aussi les problèmes de non repérage des bureaux de vote et de leur éloignement.

 L'absence ou l'arrivée tardive des matériels de vote est récurrent dans l'organisation des scrutins au Cameroun. C'est officiellement pour cette raison que le président de la République a reporté d'une semaine les élections législatives et municipales de 2002 d'une semaine. Au-delà du manque des enveloppes, de l'isoloir et de l'encre qui ne sont pas moindres dans le découragement des électeurs, l'absence d'urnes, de cadenas et de bulletins de vote sont tout aussi des facteurs majeurs de découragement des citoyens121(*). Ainsi, l'insuffisance des bulletins de votes (Owona Nguini, 1997 : 776) constitue un facteur important entravant la participation électorale car, certains citoyens comme nous l'avons déjà précisé, en seront découragés.

De même, les ruptures de stocks de bulletins de vote, et la confusion des couleurs entre ceux-ci (Eboussi Boulaga, 1997 : 118) peuvent aussi décourager certains ou même inciter les partis politiques à appeler leurs militants et sympathisants à ne plus participer au vote. En fait, l'absence des bulletins de vote de certains partis dans certains bureaux (Nkainfon Perfura, 1994 : 234) est gérée comme si l'on savait déjà que le nombre de votants pour ces partis ne sont pas nombreux. Les bulletins sont en principe confectionnés dans la même proportion pour tous les partis. Dans le cas contraire, il y a des risques que l'insuffisance de bulletins de vote soit considérée comme une manoeuvre claire d'exclusion. La réalité est que, généralement, ce sont les partis politiques d'opposition qui se plaignent de l'absence de leurs bulletins : tout se passe comme si on s'arrangeait pour que les autres partis en manquent et pas celui du parti au pouvoir. C'est pour cette raison que l'on peut considérer cette situation comme une tactique de diminution des chances de certains partis de l'opposition au profit du parti au pouvoir ; ce qui a pour effet d'effriter le capital électoral des autres partis et de diminuer le corps électoral. Cette pratique dite discriminatoire viserait semble-t-il, à privilégier un parti au détriment des autres ; dans certains cas cela est susceptible d'amener les électeurs à s'abstenir. Mais, nous ne devons pas confondre cette absence de bulletins de vote avec le cas où les partis ne présentent pas les candidats dans certaines circonscriptions électorales comme c'est souvent le cas lors des législatives et des municipales d'autant plus qu'il est normal que, les bulletins des partis n'ayant pas présenté de candidats dans certaines circonscriptions ne figurent pas dans ces circonscriptions et partant dans leurs bureaux de vote le jour du vote. Par ailleurs, les citoyens peuvent être tout simplement victimes du non repérage des bureaux de vote et de leur éloignement.

Les problèmes de non repérage des bureaux de vote et de leur éloignement entâchent sérieusement la participation des électeurs aux élections. Le fait est que, nombreux sont les citoyens qui n'ont pas pu voter parce qu'ils n'ont pas retrouvé leur bureau de vote ou que ces derniers ne sont tout simplement pas accessibles (Eboussi Boulaga, 1999 : 117). Ainsi, lors de l'élection présidentielle de 2004, plusieurs électeurs ne parvenaient pas à repérer leurs bureaux de vote alors qu'ils y avaient été inscrits122(*). Il arrive parfois que ceux qui ne prennent pas part au vote l'expliquent par le fait que leurs bureaux de vote se trouvent dans d'autres départements, régions, arrondissements ou même dans un autre quartier. Dans ce cas, on dit qu'ils sont « mal inscrits » car leur lieu de résidence ne correspond pas à leur lieu d'inscription. Par conséquent, ils sont quasi matériellement empêchés de voter, ce qui constitue l'un des facteurs majeurs de l'augmentation des taux d'abstention (Braconnier et Domargen, 2007 : 7) au Cameroun. Ces cas de « mal inscrits » sont légions au Cameroun.

De même, la mal-inscription touche aussi les personnes qui déménagent régulièrement malgré leur inscription sur les listes. Les jeunes par exemple constituent une couche sociale très mobile et difficilement joignable par les partis politiques (Duval, 2005 : 59). Par conséquent, ils ne sont pas autorisés à voter car ne figurant pas sur les listes de leur nouveau lieu d'aménagement. Donc, si la distance à parcourir pour aller voter est réduite cela faciliterait le vote (Duval, 2005 :65) des citoyens, à contrario si la distance est longue, les citoyens seront tentés de ne pas y participer. Les observateurs ont souvent noté les cas de nombreux citoyens ne sachant pas où se rendre pour voter, errant à la recherche des bureaux de vote où ils étaient censés se présenter (Eboussi Boulaga, 1997 : 127) sans les trouver. C'est une situation que l'on peut soupçonner comme étant volontairement orchestrée par les responsables en charge du processus électoral. A titre d'exemple, l'ONEL a dénoncé le fait qu'en milieu urbain les électeurs soient arbitrairement inscrits loin de leur lieu de résidence123(*). Dans tous les cas, nombreux sont les bureaux de vote inaccessibles, non repérables, mais aussi les cas de longues distances qui sont autant de facteurs favorisant le découragement des citoyens et conduisant parfois à des forts taux d'abstention lors des élections. De manière concrète, les bureaux inaccessibles concernent le plus souvent les personnes handicapées et ceux du troisième âge, même s'il faut noter que certains bureaux à cause des intempéries et du mauvais état des routes restent souvent inaccessibles le jour du vote, comme ce fut le cas dans le Centre, le Sud, le Sud -Ouest et l'Extrême-Nord en 2004124(*). En observant le tableau ci-dessous, on comprendra que les problèmes de non repérage, d'accessibilité et d'éloignement des bureaux de vote sont importants et constituent véritablement un frein à la participation électorale car, un nombre prépondérant de bureaux dans différentes localités du pays en sont concernés.

Tableau n°12 : CHIFFRES PAR REGIONS DES BUREAUX DE VOTE AYANT EU LES PROBLEMES DE REPERAGE, D'ACCESSIBILITE et D'ELOIGNEMENT EN 2004.

REGIONS

NOMBRE DE BUREAUX : NON REPERABLES, NON ACCESSIBLES ET ELOIGNES

TOTAL DES BUREAUX DE VOTES PAR REGION

ADAMOUA

15

942

CENTRE

131

3709

EXTREME-NORD

129

3338

EST

14

998

LITTORAL

146

2567

NORD

43

1335

NORD-OUEST

30

1839

OUEST

66

2097

SUD-OUEST

18

1572

SUD

20

1146

TOTAUX

612 (soit un pourcentage de 3.13)

19543

Source : Rapport de l'ONEL sur le déroulement de l'élection présidentielle de 2004, p89.

Les problèmes liés aux bureaux de vote accentuent donc les possibilités d'effritement des taux de participation soit par leur non repérage, par leur éloignement ou soit par leur inaccessibilité. A partir du tableau, on peut conclure que plusieurs électeurs ont connu des problèmes liés aux bureaux de vote et en conséquence, se sont parfois abstenus de voter.

Paralèllement, la localisation de certains bureaux de vote dans les domiciles privés, les chefferies, les commissariats et les gendarmeries n'a pas contribué à la stimulation de la participation électorale. Il faut déjà noter que leur localisation dans les commissariats et les gendarmeries fait peur à certains citoyens qui les considèrent comme des lieux de répression125(*) pouvant les pousser à s'abstenir. Dès lors, il faut s'interroger sur le choix de ces lieux qui n'est pas innocent, étant donné qu'il semble avoir pour but d'orienter le choix des électeurs en les intimidant, ou de les décourager au maximum à se rendre aux urnes. Dans la même logique, l'ouverture tardive des bureaux de vote et les problèmes d'approvisionnement en matériels électoraux, ou encore le déplacement de certains bureaux de vote ne sont pas de nature à produire une forte participation (Owona Nguini, 1997 : 763 et 776). Ces facteurs combinés à l'entretien d'une atmosphère propice à l'organisation non harmonieuse des élections expliquent d'une certaine manière l'abstentionnisme au Cameroun.

PARAGRAPHE 2 : L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE PROPICE A UNE ORGANISATION NON HARMONIEUSE DES ELECTIONS

La construction de l'abstentionnisme est inhérente à des facteurs qui ne dépendent pas toujours des électeurs eux-mêmes. Mais, il convient de dire qu'aucun phénomène social ne naît dans le vide (Klotz et Lynch, 1999 : 58). L'abstentionnisme ne fait pas exception puisqu'il est la conséquence des actions volontaires et involontaires de certains acteurs sociopolitiques. Le boycott est une abstention volontaire, collective et publiquement concertée (Bacot, 1994 :33) qui exprime le refus de participer à la compétition électorale lorsque certaines conditions ne sont pas remplies. Il exprime alors, une hostilité envers les règles de fonctionnement du système et traduit l'expression d'un engagement politique revêtant un caractère militant, actif, mais surtout motivé126(*). La violence est considérée comme politique lorsque l'usage de la force physique qu'elle requiert a des influences sur l'univers politique (Alcaud et als, 2004 : 404). La violence électorale est alors le fait d'utiliser la force physique pour influencer le processus électoral en cours. Bien qu'elle consiste en un usage illégitime de la force, il faut reconnaître qu'elle est souvent présente dans la procédure électorale et peut être aussi symbolique (Bacot, 1994 : 184). En tout état de cause, le refus par certains partis politiques de participer au jeu électoral et l'entretien d'une atmosphère politique de terreur, constituent des facteurs déterminants dans l'orchestration d'une atmosphère propice à une organisation non harmonieuse des élections.

A- LE REFUS PAR CERTAINS PARTIS POLITIQUES DE PARTICIPER AU JEU ELECTORAL

Le refus de participer au jeu électoral désigne en effet un cas particulier d'abstention volontaire (Barbet, 2007 : 13). Il a été utilisé au Cameroun plusieurs fois par des partis politiques comme le SDF, l'UDC et l'UNDP qui, à un moment de l'histoire électorale du Cameroun, ont fait usage de cette stratégie. Elle a été utilisée aux élections législatives de 1992 et à la Présidentielle de 1997 avec pour objectif de délégitimer le processus électoral car, face au refus du pouvoir de prendre en compte les propositions destinées à garantir les élections libres, justes et transparentes, certains partis politiques renonceront aux élections faute de « bonnes lois » (Sindjoun, 1999 : 312-313). Ces partis transformeront par leur attitude les élections en un simple rituel de la vie politique en y retirant leur caractère incertain et concurrentiel. En intégrant ainsi de façon négative le champ politique, les partis politiques visent alors à continuer le jeu politique par les moyens de la réinterprétation du droit de jouer, de prendre part à la compétition électorale (Sindjoun, 1999 : 313). Or, c'est une stratégie qui incite les citoyens à renoncer à l'exercice de leur droit de vote, au motif que l'élection est considérée comme jouée d'avance, vu la certitude que le pouvoir à cause de la non-participation des autres acteurs remportera la compétition. Ce comportement de non acceptation du jeu électoral est d'autant plus pertinent que ceux-qui votent le plus sont généralement affiliés aux partis politiques (Duval, 2005 :34). Ceci implique que l'appel au boycott des partis va gonfler le camp des abstentionnistes. C'est ainsi que, selon M. Franklin, l'identification partisane est le plus fort prédicateur de la participation127(*) électorale car, si un citoyen a un sentiment fort de sympathie envers un parti, sa propension à voter augmente. Dans cette même perspective, M. Verba considère que les règles du jeu comme les comportements des acteurs politiques constituent des facteurs décisifs de la propension à ne pas participer128(*). Mais, si les règles du jeu ne suscitent pas de consensus au sein des acteurs politiques, ils seront tentés de renoncer tout simplement à « l'illusio » de la compétition politique. Ce type d'abstention est « stratégique », c'est-à-dire traduisant un choix délibéré des acteurs qui prennent en compte le lieu et le moment de l'objet de leur vote (Subileau, 1997 : 259).

En effet, bien qu'il constitue un acte de défiance à l'égard du régime, c'est avant tout un acte qui permet à l'opposition camerounaise d'exister comme marque politique distincte. Cette attitude de l'opposition produira des effets particulièrement dans ce qui est considéré comme étant ses fiefs électoraux : elle y amputera sérieusement la participation électorale et la ramènera à un niveau modeste. C'est une réalité qui a été observée dans les régions du Littoral, du Nord-Ouest, de l'Ouest et du Septentrion. Dans ces localités qui ont majoritairement respecté le refus de participer de l'opposition « dite radicale » en bourdant le jeu électoral, l'abstention sera plus élevée que dans le reste du pays ; ce qui ne sera pas sans effet sur le taux de participation globale. Ce refus de participer était d'autant bien suivi que les camerounais dans leur majorité croyaient que cela allait amener le régime à prendre en compte les propositions de l'opposition qui semblaient faire l'unanimité au sein de nombreux citoyens, étant donné que le processus électoral était considéré comme favorable au parti pouvoir. C'est dans cette tactique que s'inscrit le communiqué de l'UNDP à la veille de l'élection présidentielle de 1997, accusant les acteurs chargés de l'organisation du processus électoral d'être au service du parti au pouvoir (Afom Ndong, 2007 : 65). En conséquence, l'opposition considère que l'administration et l'Etat sont favorables au parti au pouvoir, construisant de facto une image de « joueur-arbitre » qui jettera le discrédit sur le processus électoral (Sindjoun, 2004 : 16) en incitant tous azimuts les citoyens à s'abstenir à travers l'utilisation des mots tels que : « zéro élection », « zéro vote ». Le « boycott actif » est un rejet conjoncturel du jeu démocratique, qui se justifie par la maîtrise supposée du processus électoral par le parti au pouvoir avec comme conséquence le découragement des adversaires potentiels (Nna, 2009 : 343).

Tableau n° 14 : TAUX D'ABSTENTION AUX LEGISLATIVES DE MARS 1992

REGIONS

TAUX D'ABSTENTION EN %

ADAMOUA

35.42

CENTRE

20.87

EST

30.65

EXTREME-NORD

29.27

LITTORAL

30.02

NORD

24.61

NORD-OUEST

80.28

OUEST

56.96

SUD

16.57

SUD-OUEST

45.15

Source : Owona Nguini : La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1078-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique : 722

L'observation du tableau ci-dessus révèle des taux d'abstention particulièrement élevés dans les fiefs de l'opposition et précisément du SDF et de l'UDC, ce qui n'est pas le cas dans les localités acquises au parti au pouvoir. Dans certaines localités acquises à l'opposition, le taux d'abstention va au-delà du taux officiel d'abstention nationale qui est de 39.42% en 1992 (Owona Nguini, 1997 : 722).

Ainsi, rejoignant les tenants de l'école de Michigan qui considère l'identification partisane comme l'attachement affectif durable de l'électeur à un parti politique, elle établit une corrélation entre l'identification partisane et les appartenances sociales et culturelles (Kouamen, 2009 : 32). Dans tous les cas, le refus de participer au jeu politique est une façon particulière de reconnaître l'élection comme le moyen adéquat pour la transmission du pouvoir, mais qui est caractérisé par le refus d'y prendre part si certaines conditions ne sont pas remplies. Toujours est-il que, cette stratégie bien qu'ayant affecté sérieusement le taux de participation dans son universalité n'a pas nécessairement profité à l'opposition. Plus est, le refus de l'opposition de participer au jeu électoral a effrité son capital politique au fil du temps (Gaxie, 2000 : 61). Par ailleurs, le refus de participer au jeu comme ruse sera accompagné de l'entretien d'une atmosphère politique de terreur.

B- L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE POLITIQUE DE TERREUR

Les élections au Cameroun sont parfois animées par une atmosphère politique de terreur orchestrée par certains acteurs. Or, cette ambiance de terreur vise à empêcher le plus souvent les partisans des partis adverses à prendre part au vote. En effet, cette pratique vise un objectif et est parfois matérialisée par des agressions physiques. Dans les faits, elles n'encouragent pas certains citoyens à prendre part au vote. C'est un procédé qui mine le processus électoral camerounais : nous avons à titre illustratif ces incidents violents accompagnés du refoulement des électeurs dans certains bureaux de vote à travers le pays. C'est ainsi que, la violence sera entretenue à la fois par les acteurs du pôle abstentionniste et du pôle participationniste, d'où ces affrontements physiques entre les deux camps dans les localités du Nord-ouest, de l'Ouest et du Sud-Ouest (Owona Nguini, 1997 : 720) ; cette atmosphère va souvent entraîner des coups et blessures, mais aussi des destructions de biens appartenant le plus souvent aux responsables du parti au pouvoir129(*). En tout état de cause, la violence marquée par l'âpreté de la lutte constitue un indice de refus des produits démocratiques, une forme déviante de participation politique fondée sur la flagellation et la production de la crainte à partir desquelles se jouent des rapports entre des entrepreneurs politiques et entre ceux-ci et le corps électoral (Afom Ndong, 2007 : 53-54).

De toute évidence, cette atmosphère perturbe le déroulement du vote et tend plutôt à décourager les citoyens qui, étant parfois victimes, ont généralement peur face aux différents actes de terreur qu'ils observent autour d'eux. Les leaders des partis n'en sont pas épargnés ; ce fut le cas dans la province du Sud, fief électoral du parti au pouvoir où le leader de l'UFDC avait été victime d'une tentative d'élimination physique par un gang lors d'un meeting à Ebolowa (Afom Ndong, 2007 : 69). Le constat qui se dégage est que l'avènement du suffrage universel n'a pas aboli automatiquement et immédiatement la violence (Ihl, 1993 : 6).

Par ailleurs, malgré l'atmosphère de terreur, les citoyens peuvent décider de prendre part au vote mais en pratiquant un vote nul. Il en résulte alors que le vote nul est celui qui est exclu du décompte des suffrages valablement exprimés (Bacot, 1994 : 121). En effet, c'est un vote qui ne répond pas à la question posée pendant la consultation électorale : un électeur qui vote nul refuse de choisir parmi les options qui lui sont proposées. C'est pour cette raison qu'il est rapproché de l'abstention car comme cette dernière, ce vote exprime le refus des choix proposés (Subileau, 1997 : 252). Le vote nul est un vote sanction pour désapprouver le scrutin (Bennani et Boukhari, 2009 : 1), il exprime donc un mécontentement à l'égard du scrutin et parfois du système entier. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui pratiquent le vote nul le font à dessein ou parce qu'ils sont politisés ; au contraire certains le pratiquent parfois par ignorance. Autrement dit, ils existent des citoyens qui ne savent pas comment se pratique le vote. Le fait est qu'ils mettent tous les bulletins ou plus d'un bulletin dans l'enveloppe, ce qui se traduit par la nullité du vote étant donné que généralement, chaque enveloppe n'a droit qu'à un seul bulletin de vote. Toujours est-il que, lors des élections le pourcentage de ceux qui votent nuls est souvent supérieur à celui qu'obtiennent certains partis politiques ayant pris part au vote. Ce fut le cas aux élections législatives de 1992 où le total des bulletins nuls était de 238.200 sur 4.019.561 inscrits, soit 5.92%130(*). De plus, ce type de vote est souvent fréquent dans les grandes villes qu'en zones rurales, ce qui le rapproche de l'abstentionnisme « protestaire » étant donné qu'il peut être la traduction concrète de la compétence politique de l'électeur qui juge les offres électorales inaptes à ses préoccupations.

Tableau n°13 : CHIFFRES DES BULLETINS NULS REPERTORIES DANS CERTAINES DEPARTEMENTS LORS DE LA PRESIDENTIELLE DE 1997

DEPARTEMENTS

Bulletins nuls (avec %)

TOTAUX DES INSCRITS

MEZAM (Nord-Ouest)

2399 (2.11%)

113415

MFOUNDI (Centre)

6119 (1.95%)

313785

MVILA (Sud)

321 (0.5%)

57771

NOUN (Ouest)

2184 (1.70%)

127937

WOURI (Littoral)

8635 (24.45%)

35314

TOTAUX

19658 (3.03%)

648222

Source : Cameroon Tribune, n°2751, du 24/10/1997, p5-8.

Le vote nul en fait n'exprime aucun choix de la part de ceux qui choisissent cette option. Suivant cette logique, M. David Mongoin, considère que le vote nul est aussi de l'abstentionnisme électoral131(*). A cet effet, le tableau suscité, montre que plusieurs personnes s'abstiennent au Cameroun par la pratique de ce vote, soit par compétence politique, soit par simple méconnaissance de la manière de voter. En outre, la construction de l'abstentionnisme est non seulement inhérente aux pesanteurs socio-économiques mais aussi au faible impact de la campagne électorale.

SECTION 2 : UNE CONSTRUCTION MARQUEE PAR L'INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-ECONOMIQUES ET DU FAIBLE IMPACT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE

Les pesanteurs socio-économiques et le faible impact de la campagne électorale participent à la construction de l'abstentionnisme électoral. C'est la preuve que l'électeur n'est jamais, ni totalement libre, ni totalement déterminé puisque son choix selon Nonna Mayer est le fruit d'un processus où se mêlent facteurs sociaux et politiques, éléments structurels et conjoncturels132(*). C'est pour cela qu'il est possible d'expliquer d'une part le comportement abstentionniste à partir des modèles sociologiques en insistant sur les structures et les régularités du comportement électoral et d'autre part, de considérer qu'il répond à une conjoncture politique particulière au contexte électoral, à la nature de l'élection et à l'intensité de la campagne électorale.

PARAGRAPHE 1 : L'INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-ECONOMIQES

L'important ici réside dans le fait qu'un nombre considérable de facteurs socio-économiques participe à la construction de l'abstentionnisme électoral. En conséquence, le degré de l'abstentionnisme fluctuera en fonction des couches socio-économiques auxquelles les citoyens sont intégrés ou se sentent intégrés. Ce qui nous conduit à la construction de l'abstentionnisme autour de plusieurs variables socio-économiques à savoir : primaires et stabilisatrices (âges, genre, la famille, salariés et non salariés) et communautaires (appartenance communautaire).

A-L'INFLUENCE DES VARIABLES PRIMAIRES ET DES VARIABLES STABILISATRICES

A propos de l'âge, l'abstentionnisme est le plus souvent le fait des jeunes et des personnes du troisième âge ; on peut donc dire qu'il varie en fonction de ce dernier (Kouamen, 2009 : 45). Il ne s'agit pas de l'âge en tant que processus biologique, mais en tant que traduction de la position sociale intégrative (Kouamen, 2009 : 46). Par ailleurs, Alain Lancelot estime que les femmes contrairement aux hommes sont moins intéressées par la chose politique, ce qui justifie le fait qu'elles s'abstiennent davantage que les hommes133(*). De même, la famille constitue un lieu essentiel de l'apprentissage de la politique (Kouamen, 2009 : 49) et peut ainsi devenir un vecteur d'abstention. Ces trois variables constituent les variables primaires tandis que la situation professionnelle et la résidence font partie de la variable stabilisatrice.

1-L'influence des variables primaires

Dans un système démocratique, les acteurs ne doivent pas se réduire à un rôle mécanique d'électeurs ; au contraire, leurs activités politiques doivent produire des satisfactions (Nna, 2001 : 29). C'est ce que semble avoir compris certaines couches sociales camerounaises et particulièrement les jeunes qui, pour plusieurs raisons, présentent une certaine réserve face à l'activité électorale. En effet, ces derniers face à leur précarité sociale semblent avoir du vote une idée très dépréciée, voire méprisable (Quantin, 1998 : 3). On peut dans ce cas trouver les raisons de l'abstention dans la rudesse du survivre qui sévit dans les villes134(*). La difficulté de la vie et la volonté de survivre poussent les jeunes à ne pas s'intéresser à ce qui ne peut immédiatement pas leur permettre d'avoir une vie convenable, les amenant à renoncer à l'activité électorale qui ne pourrait apporter des solutions à leur vie quotidienne. D'où la nécessité pour eux d'affirmer à travers l'abstention leur existence sociale (Hastings, 1996 : 65). Ce qui se traduit par le fait que, les individus de position sociale élevée ont tendance à voter plus que ceux des couches sociales défavorisées (Lipset, 1963 : 203). Les jeunes moins scolarisés et vivant en zones urbaines sont davantage abstentionnistes : pour eux la politique apparaît comme l'apanage des couches intellectuelles (Braud, 1991 : 32). De plus, les jeunes camerounais ne sont pas souvent attirés par les activités associatives ; or selon une étude Finlandaise, le fait de participer aux activités des organisations développe une aptitude générale à s'intéresser à la politique (Lipset, 1963 : 218). Ce désintérêt des jeunes pour les activités associatives est l'une des explications de leur abstention. Pourtant, ils constituent : «La masse d'électeurs potentiels dont l'irruption dans l'arène politique serait un saut qualitatif » (Eboussi Boulaga, 1999 : 72) vu leur niveau d'instruction parfois élevé. Ainsi, les jeunes généralement entre 20 et 30 ans sont plus abstentionnistes en raison de leur fort déficit d'intégration sociale et sont par conséquent qualifiés d'« hors du jeu ». Ce sont des abstentionnistes « systématiques » (Muxel, 2007 : 49) qui restent le plus souvent en retrait de la vie électorale comme ils le sont en ce qui concerne la vie sociale. L'abstentionnisme des jeunes se justifie par la grande incertitude qui leur traverse l'esprit par rapport à leur avenir professionnel et matrimonial (Kouamen, 2009 : 46).

Tableau n°15 : LA REPARTITION PAR SEXE ET PAR TRANCHE D'AGE DES PERSONNES INSCRITES SUR LES LISTES ELECTORALES DU 17/08/ AU 27/12/2010.

SEXE

2O-35 ans. Effectif

Pourcentage(%)

35 ans et plus. Effectif

Pourcentage(%)

TOTAL

MASCULIN

969

33.95

1885

66.04

2854

FEMININ

739

30.95

1648

69.04

2387

TOTAL DES NOUVEAUX

1708

34.85

3533

67.41

5231

TOTAL DES ANCIENS

6150

67.42

2972

32.59

9122

TOTAL GENERAL

7858

100

6505

100

14363

Source : Antenne communale d'ELECAM, de Bafoussam 2éme.

Les jeunes de cette tranche d'âge (20-30 ans) sont donc animés par la ferme volonté de quitter la maison familiale et de voler de leurs propres ailes, mais confrontés aux réalités socio-économiques du pays, ils se ravisent rapidement et continuent à vivre à la maison (Kouamen, 2009 : 47) pour ceux qui n'ont pas eu le courage de se risquer dans le secteur informel. Dans tous les cas, cette difficulté à avoir une vie socio-économique viable de la part de la jeunesse l'a conduite à pointer le doigt accusateur sur les hommes politiques dont les politiques publiques mises en oeuvre ne répondent pas à leurs attentes ; ce qui les amène à continuer à entretenir leur dépendance économique à l'égard de leurs parents et d'en être frustrés. D'où leur retrait de la vie politique et électorale. On comprend alors que la non-participation électorale des jeunes est la marque d'un certain déficit de plénitude personnelle et sociale (Kouamen, 2009 : 7) animé par l'espoir et la volonté de quitter leur condition d'origine (Lipset, 1963 : 233). Cette réalité camerounaise justifie dans une certaine mesure, les conclusions de l'étude réalisée par « l'Institut Futur' Afrique » en mars 2007, qui a démontré que seulement 12% des jeunes de 20 à 35 ans se sont inscrits sur les listes électorales en Afrique135(*).

Par ailleurs, tout comme les jeunes, le retrait de l'activité électorale concerne les personnes du troisième âge. En effet, victimes de la retraite professionnelle et de la déstructuration des réseaux de la sociabilité quotidienne pour des problèmes de santé, ces personnes sont souvent très abstentionnistes étant donné qu'elles commencent à perdre leur intégration sociale qui pourtant, est un facteur déterminant dans la participation électorale. En effet, l'incapacité due à la maladie semble justifier à elle seule le retrait de la participation électorale (Deloye et als, 1993 : 111). Ces personnes se sentent exclues de la communauté politique nationale et sont plus préoccupées par leur problème de santé que par un choix électoral.

De même, concernant le genre, l'abstention est le plus souvent le fait des femmes que des hommes. C'est pour cette raison que M.Lipset (1963 :203) estime que les hommes sont plus nombreux que les femmes à prendre part au vote. L'autre paramètre intéressant au Cameroun est qu'on a l'impression que les femmes des zones rurales économiquement démunies et plus âgées participent plus au vote que les femmes éduquées et moins âgées des zones urbaines, ce qui rejoint le constat déjà formulé par Pierre Bourdieu (1994 : 18) par rapport au Japon lorsqu'il estime que : «...ce sont les femmes les moins instruites des communes rurales qui ont le taux le plus élevé de participation aux consultations électorales... ». De plus, il semblerait que les femmes célibataires sont plus abstentionnistes que les femmes mariées136(*) selon Alain Lancelot. Ceci s'explique dans une large mesure non seulement par l'influence que les époux des femmes mariées exercent sur elles politiquement, mais aussi grâce à leur stabilité socio-économique. Les femmes mariées se rendent d'ailleurs aux urnes généralement accompagnées de leurs époux alors que les femmes célibataires participent moins parce qu'elles n'ont pas de conjoint, pouvant les inciter à prendre part au vote et en mettant aussi en évidence les difficultés de la vie. En général, elles sont souvent réduites à des tâches ménagères et ne s'intéressent pas véritablement à ce qui se fait dans le champ politique. Ce qui s'explique par la division du travail entre les sexes qui accorde à l'homme la politique comme elle lui accorde le dehors, la place publique, le travail salarié, tandis qu'elle voue la femme à l'intérieur, au travail invisible, au sentiment, à la lecture des romans (Bourdieu, 1984 : 24). La politique reste donc considérée par une bonne partie des femmes comme une affaire des hommes. Ainsi, la probabilité de s'exclure à un moment ou à un autre du déroulement des élections est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (Deloye et als 1993 : 138). Et M. Parfait Songué, de conclure à cet effet que, la faible participation des femmes camerounaises est en partie lié au processus de décolonisation qui a été violent et les a par conséquent laissés une mauvaise image de la politique137(*). C'est donc une réalité qui a poussé certaines d'entre elles à considérer dans une certaine mesure l'activité politique comme une affaire d'hommes au regard des risques que cela comporte, contribuant à les en éloigner. En effet, ces analyses sur le comportement abstentionniste des jeunes et des femmes justifient dans une certaine mesure, la remarque du délégué régional d'ELECAM de l'Extrême-Nord selon laquelle : « le potentiel d'électeurs sont en principe, les jeunes en âge de voter et les femmes, mais malheureusement, ils sont peu à s'inscrire justement138(*)... »

L'autre variable primaire qui contribue à la construction de l'abstentionnisme est la famille, car c'est en son sein que les premières opinions politiques de l'enfant se structurent, et que son intérêt pour la politique se cristallise (Kouamen, 2009 : 49). C'est pourquoi d'après Blaise Kouamen (2009 : 49), c'est d'abord dans le cadre de la famille que les plus politisés exercent leur influence sur les moins politisés. Ce qui veut dire que si dans la famille, certains membres influents ont plutôt tendance à ne pas prendre part au vote, alors ils entraîneront les autres membres de la famille à en faire autant. De même, les pressions contradictoires entre différentes opinions dans la famille peuvent conduire certains membres à s'abstenir (Lipset, 1963 : 232). Ces contradictions auront tendance à créer la confusion dans l'esprit de certains membres de la famille, conduisant dès lors ceux-ci à considérer l'activité politique comme une chose très complexe et réservée à une catégorie particulière de personne, d'où leur retrait de l'activité électorale. Cependant, les variables stabilisatrices ne sont pas moins déterminantes dans la construction de l'abstentionnisme.

2- L'influence de la variable stabilisatrice

Pour Alain Lancelot, il existe une forte corrélation entre la situation professionnelle d'un individu et sa participation électorale ; il déclare en substance que : « l'activité politique croit à mesure que l'on est intégré professionnellement139(*) ». On en déduit que, lorsqu'une personne n'exerce pas d'activité professionnelle, elle a tendance à ne pas prendre part au vote mais plutôt à s'éloigner de l'activité politique considérant qu'elle appartient aux autres. En fait, l'activité professionnelle qui engage les individus dans de vastes réseaux des relations sociales et de leurs organes divers les amène à prendre conscience des problèmes politiques (Lipset, 1963 : 220). Ainsi, suivant la même logique Max Weber soutient que, la profession de juriste par exemple, développe une certaine compétence chez celui qui la pratique et permet à ce dernier de disposer du temps nécessaire à l'exercice de l'activité politique, contrairement aux autres professions comme celle de médecin qui ne donne pas beaucoup de temps à celui qui l'exerce à s'intéresser aux activités politiques et encore moins la compétence politique nécessaire140(*). En tout état de cause, le fait de travailler favorise la politisation voire la participation. La conséquence est que le fait de ne pas travailler est un facteur déterminant de la non-participation, car le travail est le lieu privilégié de l'inculcation d'une conscience collective (Kouamen, 2009 : 54), ce qui fait des chômeurs et des autres couches sociales mal insérées des abstentionnistes « constants » puisqu'ils s'estiment exclus du champ politique à cause de leur situation sociale. En observant la société camerounaise, on constate que ceux qui s'intéressent le plus à la politique sont les fonctionnaires. Ils sont attentionnés aux émissions politiques, lisent le plus souvent les journaux traitant de la politique et de l'économie. D'ailleurs, lorsqu'on fait un tour dans un service public ou dans un lieu public où il est possible de rencontrer les fonctionnaires, dans la plupart des cas ils seront en discussion sur les évènements politiques. De même, ceux qui exercent une activité professionnelle stable et qui n'entrent pas dans la débrouillardise s'intéressent aussi à la politique, c'est le cas notamment des hauts et moyens cadres des entreprises privées.

Les chômeurs généralement, ne s'intéressent pas à la politique. Ils ont le sentiment de s'exclure volontairement c'est-à-dire qu'ils n'ont pas l'impression d'être contraints ; c'est ce que Pierre Bourdieu appelle « la violence symbolique ». Pourtant, leur comportement abstentionniste est la conséquence de leur situation sociale qu'ils considèrent comme étant le fait de ceux qui sont au pouvoir et qui appartiennent à la couche sociale privilégiée. C'est la raison pour laquelle, dans les conversations des personnes appartenant à des couches sociales défavorisées, il est fréquent de les écouter accuser les hommes politiques qui, selon eux : « ne pensent qu'à eux et lorsqu'on veut se débrouiller ils nous empêchent en augmentant les taxes chaque jour ». Ainsi, on comprend pourquoi il est admis que toute personne adapte ses opinions politiques à celles du groupe auquel il appartient (Lipset, 1963 : 232), car les individus d'une catégorie sociale ont tendance à avoir le même comportement. Il ne faut cependant pas absolutiser l'influence des facteurs socio-économiques sur le comportement abstentionniste. Même si selon Elisaberth Dupoirier et Jean Chiche, les liens entre crise sociale et abstention existent bien dans certains secteurs de la population où l'ampleur prise par la crise sociale donnerait une dimension à sa traduction en terme électoral, le scrutin deviendrait donc impuissant à corriger l'expression d'un sentiment de marginalisation sociale141(*) et refléterait plutôt l'exclusion sociale qui se traduirait en exclusion politique, pour employer la formule de Céline Braconnier et Jean-Yves Domargen (2007 : 11). Lorsqu'ils parlent de « ségrégation sociale et ségrégation politique ». Ce type d'abstentionnisme est dit « permanent »ou « systématique » et est constitué des catégories mal insérées socialement, sans diplôme, au chômage, locataires et sans attache géographique stable (Brechon (b), 2007 : 11).

Il faut aussi par ailleurs, faire ressortir la variable résidentielle qui traduit le fait que des citoyens qui résident dans les zones rurales votent plus que ceux qui vivent en ville. Ainsi, malgré la forte politisation des zones urbaines et leur forte densité, elles connaissent un fort taux d'apathie contrairement aux zones rurales. En effet, d'après Alain LANCELOT : «l'abstentionnisme croît régulièrement avec la taille de la commune et qu'il est fort dans les grandes agglomérations urbaines que dans les campagnes142(*) ». De ce fait, lors des élections municipales de 1996, les taux d'abstention ont été plus élevés dans les départements abritant les deux grandes villes du Cameroun.

Tableau n°16 : COMPARAISON DES TAUX D'ABSTENTION ENTRE CERTAINES GRANDES VILLES ET CERTAINES ZONES RURALES PENDANT LES ELECTIONS MUNICIPALES DE 1996

DEPARTEMENTS URBAINS

TAUX D'ABSTENTION EN (%)

MFOUNDI

51.44

WOURI

58.58

DEPARTEMENTS RURAUX

TAUX D'ABSTENTION EN (%)

DIAMARE

35.9

NOUN

39.73

 Source : Elan Tchoumbia : Décentraliser et démocratiser la gouvernance locale : 41

Au regard de ce tableau, on constate que la participation est très faible dans les zones urbaines densément peuplées que sont le Mfoundi et le Wouri, alors que le Diamaré et le Noun avec leur faible démographie par rapport aux deux autres zones143(*), connaissent justement une participation relativement importante. C'est la preuve qu'on s'abstient plus en zones à forte démographie que dans les zones à faible démographie. La particularité des grandes villes ou des zones urbaines est leur cosmopolitisme, leur fort métissage, la grande hétérogénéité de leur population mais surtout leur degré élevé de politisation, donc leur grande exigence à l'égard des hommes politiques contrairement aux zones rurales dont le cosmopolitisme, l'hétérogénéité et le degré de politisation de leur population sont très faibles. Globalement, c'est la nature du lien social qui existe entre ces deux catégories de zones (urbaine et rurale) qui explique ces différents degrés de participation. Ce qui a conduit M. Tonnies à élaborer une distinction entre le lien qui est l'ordre de la communauté(Gemeinschaft) fondé sur les relations directes et émotionnelles, caractéristiques des groupes familiaux, villageoises ou communautaires et celui qui est de l'ordre de la société (Gesellschaft) qui est une société atomisée, rationaliste, bureaucratique et individualiste144(*). Les « Gemeinschaft » correspondent dans notre pays aux zones moins cosmopolites et moins hétérogènes ; ainsi en nous référant à notre tableau, on peut les rapprocher du Diamaré et du Noun, tandis que les « Gesellschaft » correspondent aux zones abritant les deux grandes agglomérations du pays à savoir le Mfoundi(Yaoundé) et le Wouri (Douala). Ces deux grandes zones sont plus cosmopolites et plus hétérogènes que le Diamaré et le Noun. Il faut aussi reléver que l'abstentionnisme varie en fonction des quartiers privilégiés et populaires (Kouamen, 2009 : 56). C'est pour cette raison qu'il est admis que les milieux désavantagés sur le plan socio-économique sont généralement moins représentés au vote (Lipset, 1963 : 238). On peut alors constater par exemple à l'élection présidentielle de 2004 que le taux de participation était plus faible dans les grandes villes du pays comme Douala où il était inférieur à 40 % (Nna, 2009 :344) et Yaoundé où le taux d'abstention était de 51% aux législatives de 2007, même si l'opposition considère que ce taux est plus élevé145(*) et que le gouvernement l'a sous-évalué. Au-delà des zones de résidence et la différence entre zones urbaines et celles rurales, la construction de l'abstentionnisme est aussi liée à l'appartenance communautaire des citoyens.

A- L'INFLUENCE DE L'APPARTENANCE COMMUNAUTAIRE

Il est à noter que si certaines appartenances communautaires telles que les appartenances associatives accentuent la participation électorale des personnes qui en font partie comme nous l'avons démontré plus haut, d'autres quant-à elles, peuvent construire un comportement électoral abstentionniste par leur mode de pensée et leur pratique. En effet, l'affiliation des citoyens à certains groupes pourrait déterminer leur non-participation électorale (Duval, 2005 : 29). En prenant en compte l'appartenance ethno-régionale on débouche sur l'analyse selon laquelle, elle détermine la mobilisation électorale et participe à la construction des fiefs électoraux selon les bases ethno-régionales, puisque dans la plupart des cas, les partis correspondent aux régions ethno-régionales de leurs leaders. La traduction concrète de ce raisonnement est que le boycott a eu des retentissements forts dans les localités ethno-régionales contrôlées par les partis politiques ayant prôné le boycott et qui constituent leurs fiefs électoraux (Menthong, 1998 : 46). La logique identitaire au Cameroun est très importante dans la construction des fiefs électoraux et c'est ce qui explique que la position des partis politiques sur la non-participation électorale a plus d'impact dans leurs fiefs ethno-régionaux. Sachant que les partis politiques participent à la structuration des comportements électoraux et constituent à cet effet : «... un élément de repérage qui aide les citoyens à former... leur... non-vote » (Brechon (a), 2007 : 3) on en conclut que l'impact de l'appel au boycott en 1992 lors des législatives a pris en compte les communautés d'appartenance ethno-régionales des principaux leaders des partis politiques en compétition de façon active ou passive.

Tableau n°17 : COMPARAISON DES TAUX D'ABSTENTIONS EN FONCTION DES FIEFS ELECTORAUX SUITE A L'APPEL AU BOYCOTT PAR CERTAINS PARTIS POLITIQUES AUX LEGISLATIVES DE 1992

FIEFS ETHNO-REGIONAUX DES PARTIS POLITIQUES

APPARTENANCE ETHNO-REGIONALE DES LEADERS POLITIQUES

TAUX D'ABSTENTION EN %

RDPC : CENTRE, EST, SUD (communauté ethno-régionale : BETI)

M. Paul BIYA (appartenance ethno-régionale : BETI)

CENTRE : 21.2

EST : environ 36

SUD : environ 10

UNDP : NORD (communauté ethno-régionale : FOULBE et MULSUMANE)

M. BELLO BOUBA (appartenance ethno-régionale : FOULBE et MULSUMAN)

NORD : environ 30

UDC : NOUN (communauté ethno-régionale : BAMOUN)

M.ADAMOU NDAM NJOYA (appartenance ethno-régionale : BAMOUN)

NOUN : 73.56

SDF : NORD-OUEST, OUEST, SUD-OUEST (communauté ethno-régionale : ANGLO- BAMILEKE)

M. NI JOHN FRU NDI (appartenance ethno-régionale : ANGLO-BAMILEKE)

NORD-OUEST : 80.28

OUEST : 56.96

SUD-OUEST : 45.15

Sources : Compilation de l'auteur des données issues : Menthong., vote et communautarisme au Cameroun : 44-47 et Owona Nguini., La sociogenèse de l'ordre politique au cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique : 720

On constate donc à travers ce tableau que l'abstention à l'issue de l'appel au boycott est fortement influencée par l'appartenance ethno-régionale des leaders politiques ayant fait usage de cette technique. L'abstentionnisme électoral traduit dans cette optique une opération d'illégitimation du pouvoir en montrant qu'il a une faible base électorale (Nna, 2009 : 344) ; sauf qu'il a un caractère ethnique très poussé faisant de certains citoyens des « prisonniers » de leur origine ethnique146(*). Ce qui signifie que la mobilisation électorale repose de manière prédominante sur des « chaines » d'obligations et de loyauté primaire (Gaxie, 2000 : 43). Ainsi, de manière générale, le choix électoral des camerounais est largement influencé par des solidarités de loyauté, d'allégeance au groupe d'appartenance et serait fonction de l'affiliation sociale et non des calculs d'utilité147(*). Dans cette perspective, on peut admettre avec Paul Lazarsfeld : « qu'une personne pense politiquement comme elle est socialement148(*) ». Ainsi, le choix électoral des électeurs a été largement présenté comme influencé par des sentiments de solidarité, de loyauté, d'allégeance au groupe d'appartenance et non par la volonté d'obtenir des avantages personnels ; il serait fonction de l'affiliation sociale et non des calculs d'utilité de l'électeur149(*). En prenant en compte l'approche culturelle, l'acte de vote n'est pas instrumental, il sert à exprimer une identité, voire à opérer une mise en scène de soi (Quantin, 2004 : 7).

Par ailleurs, l'appartenance religieuse du citoyen peut sous certaines conditions, façonner son comportement électoral (Antoine, 2001 : 4) et le conduire à s'abstenir. Sans trop insister sur ce paramètre, il faut noter que certaines communautés religieuses comme les Témoins de Jéhovah déconseillent la participation électorale à leurs adeptes. C'est dans cette logique que plusieurs membres de cette communauté que nous avons rencontrés déclarent n'avoir jamais voté, parce que le vote ne correspond pas à leur valeur spirituelle or, voter c'est se situer au sein d'une collectivité en recourant à des normes et à des représentations qui appartiennent à une tradition (Quantin, 2004 : 7) dans laquelle les témoins de Jéhovah ne semblent pas vouloir s'identifier et c'est ce qui peut justifier leur non-participation électorale.

L'analyse de l'abstentionnisme comme comportement électoral façonné par l'appartenance à un groupe social particulier nous rapproche de la notion d'« habitus150(*) », qui selon Pierre Bourdieu (2009 : 74-76) signifie la reproduction de l'attitude de « retrait du jeu politique », façonné par les conditions concrètes d'existence des groupes. L'abstentionnisme est l'expression de l'appartenance de l'individu à tel ou tel ensemble social et notamment la classe151(*) si l'on se réfère à l'interprétation de Philippe Braud. Cette situation façonne le comportement électoral des citoyens camerounais qui sont dépendants du milieu dans lequel ils vivent. Mais, cette influence du milieu social sur le comportement électoral de l'électeur est liée à l'absence de différenciation des programmes économiques, transportant la lutte en dehors du terrain économique mais, plutôt à travers les codes culturels qui deviennent les principaux outils de mobilisations au détriment du modèle du choix rationnel qui prenne en compte principalement les préférences économiques des électeurs (Quantin, 2004 : 6). Malgré cela, on ne peut affirmer sans relativiser qu'il y a corrélation entre appartenance communautaire et sens du comportement électoral, car le citoyen ne se détermine pas fatalement par ces allégeances communautaires (Mouiché, 2009 : 21). Puisque l'électeur moderne est né le jour où il a pu se débarrasser des anciennes allégeances (Hastings, 1996 : 64) communautaires. Le comportement électoral aussi influencé par d'autres facteurs comme le faible impact de la campagne électorale.

PARAGRAPHE 2 : LE FAIBLE IMPACT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE

La campagne électorale est censée stimuler la participation électorale, c'est pour cette raison que, l'abstentionnisme électoral est souvent lié à son faible impact. Suivant cette logique, le faible impact de la campagne électorale contribue à la sécrétion de l'abstentionnisme dit « conjoncturel » et par moment « protestataire » c'est-à-dire apparenté au vote contre le système politique. Lorsqu'il est conjoncturel, autrement dit influencé par le contexte électoral, les offres électorales ou la nature de l'élection, il correspond à une attitude « stratégique », traduisant le comportement d'un citoyen politisé jouissant de la compétence politique (Subileau, 1997 : 259 et 269). Nous en déduisons que, l'enjeu de la politique est de connaître les préférences du citoyen (Dabrowski et Guillou, 2005 : 31) et d'y apporter des solutions pourqu'il puisse attacher un intérêt à la pratique du vote. Or, tout dépend de l'ambiance de la campagne électorale car sa vivacité influe dans une certaine mesure sur le niveau de la participation électorale. A cet effet, André Sigfried déclare que : « Les élections de combat » sont favorables à la participation électorale tandis que « les élections d'apaisement » sont propices à l'abstention152(*). Cet impact relatif de la campagne électorale dans le cas du Cameroun au moment de la compétition électorale se fait ressentir au niveau de la formulation de l'offre électorale et de l'évaluation des enjeux électoraux.

A- AU NIVEAU DE L'OFFRE ELECTORALE

L'offre politique est un faisceau de paramètres qui structurent le comportement politique (Kouamen, 2009 : 109) ; ce qui nous permet de considérer par analogie l'offre électorale comme un faisceau de paramètres qui structurent le comportement électoral. En effet, elle correspond à une conjoncture particulière et est par principe construite par les acteurs en compétition pour répondre aux problèmes auxquels sont confrontés les citoyens. L'analyse de la formulation de l'offre électorale nous conduira d'une part à considérer les effets de l'environnement de l'offre électorale et d'autre part de son contenu.

1-Les effets de l'environnement de l'offre électorale

Il est important de signaler a priori que la vivacité de la campagne électorale influe sur le niveau de la participation électorale. Il en résulte que, les électeurs s'intéresseront moins à la compétition électorale si elle n'est pas animée par une campagne véritablement concurrentielle. A cet effet, « Les élections de combat » sont favorables à la participation électorale tandis que « Les élections d'apaisement » sont propices à l'abstention, surtout s'il y a ressemblance des projets et absence d'un véritable débat politique (Deloye et als 1993 : 149). C'est la raison pour laquelle M. Franklin après avoir analysé séparément vingt et deux (22) démocraties, affirme que dans vingt et un (21) on retrouve un impact notable de la compétition électorale sur la participation ; ainsi, plus la compétition est vive, plus l'intérêt politique de la population augmente153(*). Il ressort que, le faible impact de la campagne électorale contribue à altérer le niveau de la participation électorale bien que, la campagne soit pour certains un facteur de cristallisation des décisions politiques existantes (Kouamen, 2009 : 115-116). Elle vise néanmoins à conquérir l'opinion publique grâce à des stratégies complexes (Aletum, 2004 : 156) dont l'objectif est la mobilisation de nombreux citoyens pour une participation effective aux élections. L'enjeu lors de la campagne électorale est donc celui de la participation électorale car, plus les citoyens sont nombreux à prendre part au vote, plus la possibilité pour que les partis en compétition tirent leur épingle du jeu est grande. La mobilisation électorale est donc le résultat des incitations par lesquelles les entrepreneurs politiques travaillent à créer l'accoutumance au vote et réactive à leur profit l'orientation passive ou active vers la compétition électorale (Kouamen, 2009-114).

En effet, si la campagne électorale est un moment de communion entre les leaders politiques et les citoyens, c'est parce que c'est le moment pendant lequel les projets de société sont présentés aux citoyens. Les campagnes électorales à travers les signaux qu'elles diffusent et les contributions symboliques des candidats qu'elles véhiculent sont essentielles dans la formation des opinions (Blondiaux, 1996 : 783). Elles permettent aux électeurs de s'imprégner du programme des partis en assistant aux meetings, qui, en réalité sont des stratégies de construction d'un « bon » représentant par chaque formation politique (Afom Ndong, 2007 : 44). En fait, les meetings sont les moments forts des campagnes électorales, vu qu'ils sont par principe mobilisateurs surtout lorsqu'ils sont organisés de manière à influencer le comportement électoral. Cependant, ils sont susceptibles d'être interdits154(*), ce qui peut compromettre leurs impacts. Toutefois, ils restent les lieux privilégiés d'émotions et d'expression des passions politiques et constituent de facto des moments forts de la fête électorale et des rares lieux de contacts directs entre candidats et électeurs (Mayrague, 2002 : 8).

De même, l'indistinction idéologique comme le caractère pléthorique des partis font partir des fondements de l'abstention électorale au Cameroun. Ce sont des réalités qui déstructurent le rôle de médiateur entre les citoyens et le système politique (Kouamen, 2009 : 139) que jouent en principe les formations politiques. En conséquence, les camerounais voteront d'autant moins que la concurrence idéologique est limitée (Subileau, 1997 : 255). A cet effet, les activités partisanes de multiples formations politiques, créent la désaffection des citoyens pour la chose politique (Kamto, 1993 : 178 et 195) de même que la crise idéologique et la vulgarisation des slogans ne séduisent plus (Dounkeng, 2009 : 72). C'est pour cela que, Mathias Eric Owona Nguini analysant le caractère pléthorique des partis politiques et leurs agissements lors de la campagne électorale, de la présidentielle de 2004 enfonce le clou en estimant que : « la conception saisonnière de la politique démobilise155(*) » car, plusieurs partis sans idéologie claire, n'interviennent sur la scène politique que pendant les périodes électorales. L'autre difficulté liée à la lisibilité de l'offre électorale est cette attitude de l'opposition de composer avec le gouvernement créant la confusion entre les différentes offres électorales, tout en détruisant les chances de l'opposition de remplacer ceux qui sont au pouvoir avec en prime le déshonneur fait à la démocratie (Pokam, 2000 : 57). A titre d'exemple, lors de la présidentielle de 1992, face au RDPC on n'entend aucun discours cohérent mais seulement des cris de haine, des injures venant des opposants incapables d'articuler un programme politique (Eboussi Boulaga, 1997 : 116) pouvant fédérer les camerounais. En fait, le faible engagement des partis politiques entraîne un désinvestissement non seulement d'autres protagonistes tels que les médias (Delwit, 1995 : 14), mais surtout des citoyens. Dans cette perspective, plus la concurrence est élevée, plus le débat politique est animé et grande sera la participation électorale (Otayek, 2002 : 99-100). Or, certains leaders de partis politiques ne cachent pas leur volonté de soutenir sous certaines conditions le candidat du RDPC aux élections et même de travailler avec lui s'il en fait la demande156(*), ce qui est de nature à anéantir la concurrence, entraînant de fait une forte désaffection chez les citoyens. Dans tous les cas, l'offre électorale est un facteur déterminant de la participation à condition que celle-ci soit à mesure de répondre aux attentes des citoyens, ce qui nécessite une considération forte des préoccupations quotidiennes de ces derniers. En tout état de cause, le citoyen qui analyse les offres électorales avant de s'abstenir est un « stratège » au sens de Françoise Subileau, étant donné qu'il est lié aux conditions de l'offre électorale et à la contrainte institutionnelle (Delwitt, 1995 : 16).

Par ailleurs, la nature de l'élection influence le niveau de participation. Ainsi, à cause de son enjeu institutionnel, de son caractère populaire et mobilisateur, l'élection présidentielle est une élection pilote et décisive qui structure l'espace et le temps de la vie politique. La présidence de la République est la « clé de voûte» des institutions républicaines et incarne les enjeux nationaux (Kouamen, 2009 : 103-104). Il ressort qu'elle est une élection mobilisatrice à cause de son enjeu national, contrairement aux législatives et municipales qui ont des enjeux plus paroissiaux. Dès lors, l'analyse démontre qu'en 1992 à la suite des législatives, le taux d'abstention était de 39.42% (Nkaifon Perfura, 1994 : 235) tandis qu'à la présidentielle il a oscillé autour de 28.12%157(*). De même, le taux d'abstention était de 18.65%158(*) à la présidentielle de 1997 qui avait été pourtant boycottée par les principaux partis de l'opposition (le SDF, l'UNDP et l'UDC) alors que ce taux se situait autour de 39.5% aux législatives de la même année (Engueleguele, 2002 : 18), tout comme il se situera autour de 34.5%159(*) aux municipales de 2002. En conséquence, l'élection présidentielle est celle à laquelle les camerounais participent. En plus, en se référant au projet de loi portant sur le vote de la diaspora, il ressort que l'élection présidentielle peut davantage être la plus participée étant donné que, la diaspora ne participera pas aux législatives et aux municipales160(*). C'est donc une élection donc les enjeux de pouvoir sont importants (Perrineau, 2006 : 33) et justifie la forte participation des citoyens. De plus, les populations ne ressentent vraiment pas l'impact des institutions municipales et législatives dans leur vie quotidienne ; c'est pour cela que dans l'imagerie populaire les maires et les députés sont à la solde du président de la République. De même, certains camerounais considèrent l'Assemblée Nationale comme une chambre d'enregistrement qui ne fait que la volonté du président de la République et les députés comme des hommes d'affaires illettrés, politiquement et culturellement incompétents à jouer leur rôle de législateur (Machikou, 2009 : 77) loin des préoccupations quotidiennes des citoyens.

Tableau n°18 : TAUX D'ABSTENTION ELECTORALE AUX DIFFERENTES ELECTIONS PARLEMENTAIRES ET PRESIDENTIELLES (1992-2007)

ANNEES ET TYPES D'ELECTIONS

TAUX D'ABSTENTION EN (%)

PARLEMENTAIRES

 

1992

39.42

1997

24.4

2002

34.34

2007

38 environ

PRESIDENTIELLES

 

1992

28.12

1997

18.65

2004

20.41

Source : http://www.gngwane.com/

A partir du tableau ci-dessus, il est évident qu'entre l'élection présidentielle et les élections législatives, la présidentielle est celle à laquelle les camerounais participent le plus. On en a pour preuve ses faibles taux d'abstentions. En revanche, la reprise de l'élection réduit l'intérêt de l'électeur (Bournet(a), 2005 : 3) ce qui peut constituer un obstacle à la participation électorale. Ainsi, lors des élections partielles législatives et municipales de 2007 reprises en 2008 dans certaines localités, les taux d'abstention ont été très élevés dans l'ensemble de ces localités même s'il faut constater une fois de plus que parmi elles, les grandes villes ont le plus subi ce phénomène.

Tableau n° 19 : LES TAUX D'ABSTENTION LORS DE LA REPRISE EN 2008 DES ELECTIONS LEGISLATIVES ET MUNICIPALES PARTIELLES DE 2007 DANS CERTAINES LOCALITES

LOCALITES

TAUX D'ABSTENTION EN %

BAFANG

50.82

BANA

59.65

DOUALA 4éme

88.82

MATOMB

30.19

MOGODE

36.50

Source : Camroon Tribune n° 9215/5414, du 30/10/2008, p 4.

A partir du tableau ci-dessus, on observe que la reprise des élections n'est pas nécessairement bénéfique pour la participation électorale surtout dans les grandes villes car, il est déjà difficile pour une partie des citoyens de sacrifier leur temps en allant voter en période électorale, combien de fois lorsque seulement une partie du pays est appelée à voter à la suite de la réprise d'une élection, comme ce fut le cas en 2008. Parallèlement, le contenu de l'offre électorale, quelque soit la nature de l'élection est déterminante dans le comportement électoral de l'électeur.

2-Les effets du contenu de l'offre électorale

La prise en compte du contenu de l'offre électorale permet d'apprécier l'offre avant de déterminer son non-vote. Le citoyen ici n'est plus déterminé par son appartenance socio-économique, mais plutôt par sa propre rationalité et ne décide de prendre part au vote que si ses intérêts sont pris en compte dans les offres électorales que proposent les partis politiques. Les électeurs sont ici des « stratèges » ou des êtres rationnels qui sont conduits à examiner l'ensemble de l'offre électorale avant d'opérer leur choix (Nna, 2004 : 345). La non-participation électorale semble déterminée par le degré de politisation et de confiance institutionnelle du citoyen (Brechon(a), 2007 : 13 et 14). Il est dans un espace politique qui lui permet de mobiliser un minimum de repères conscient ou non, pour guider ses comportements (Braud, 1998 : 212) électoraux. Bref, les citoyens n'observent plus le champ politique en « spectateurs » (Kouamen, 2009 : 67), au contraire ce sont des « gladiateurs », autrement dit, des personnes politisées, informées et à faible identité partisane. En fait, ces citoyens sont dotés de compétence politique nécessaire et sont culturellement et socialement favorisés. Il jouissent d'un degré de politisation élevé c'est-à-dire qu'ils accordent beaucoup d'attention aux évènements politiques et sont capables de donner du sens à leur propre participation aux activités politiques, ce qui implique qu'ils maîtrisent le langage politique et les schèmes de représentations qui y sont associés. Ils sont dits « dans le jeu » car, discutent des questions politiques en famille, au lieu de service et entre amis, lisent de préférence les revues politiques et économiques, écoutent des émissions politiques et participent aux activités politiques (Kouamen, 2009 : 67). Ces citoyens qui, normalement s'abstiennent moins sont des abstentionnistes « stratégiques » ou « rationnels ». En se référant à la théorie de l'action collective de M.Olson, on peut considérer l'élection comme une action collective. Dans cette logique, les individus ne s'engageront dans l'élection qu'à condition d'y trouver un avantage propre (Braud, 1998 : 265) sinon ils seront tentés de s'abstenir. Dans la même perspective, si certains citoyens « rationnels » sont conscients que, même sans participer aux élections ils profiteront des même avantages que ceux qui ont pris part au vote, alors ils seront tentés de s'abstenir et d'adopter la stratégie du « ticket gratuit » étant donné que, la participation est coûteuse en temps et en d'autres ressources rares (Dabrowski et Guillou, 2005 : 32). De ce fait, le citoyen votera si l'utilité de son vote excède son « coût» car, l'offre électorale cherche à rencontrer une demande plus grande en vue de toucher le maximum d'électeurs, d'où la nécessité de mettre en oeuvre des outils lui permettant de récolter le plus grand nombre de participants (Dabrowski et Guillou, 2005 : 31).

Ainsi, l'abstentionnisme va s'apparenter à un refus d'achat résultant d'une appréciation négative des offres programmatiques (« marchandises ») des candidats qui ne peuvent procurer d'intérêt. L'élection constituerait donc une sorte de « marché » politique au sein duquel l'électeur chercherait à optimiser son vote par une meilleure information, une comparaison poussée des programmes et des promesses ; c'est un « calculateur » (Hastings, 1996 : 67). C'est pourquoi le citoyen camerounais ne veut opérer dans cette circonstance un vote qui ne lui apportera rien et si aucun des candidats n'est à mesure de répondre à ses attentes, il prendra la décision de rester en dehors du choix électoral. Ici « l'électeur-stratège » est un expert dans l'art de décoder la machinerie politique, c'est un tacticien résolu à nuire à celui qui le menace le plus à l'instant présent (Dabrowski et Guillou, 2005 : 4). A cet effet, lors des meetings électoraux au Cameroun, il est récurrent d'écouter les populations s'intérroger sur « Est-ce-que, c'est ça qu'on mange » ? En direction des hommes politiques venus vendre leurs « produits » pour insinuer que les « beaux discours » n'apportent pas de solutions à leurs préoccupations. En conséquence, les moments des meetings sont souvent marqués au-delà des promesses électorales, « des dons électoraux » ce qui démontre à suffisance que, les comportements électoraux des camerounais sont fortement influencés par les pressions alimentaires, vu les conditions de rareté matérielle (Sopca, 2004 : 97 et 101) dans lesquelles ils vivent. En tout état de cause, l'électeur camerounais est un calculateur puisqu'il peut se conduire de telle manière qu'à partir d'une évaluation rationnelle de ses chances de réussite, il apparaît qu'il a eu raison de faire ce qu'il a fait (Bourdieu, 1994 : 150). C'est justement le doute qui plane sur les promesses électorales qui amène certains citoyens à opter pour un avantage immédiat qui se résume le plus souvent aux logiques alimentaires. Suivant cette logique, M. Achille Mbembe pense que, les camerounais ont tendance à monnayer leur droit de vote au point de transformer les meetings en moments de « réfectoire161(*) ». D'ailleurs, lors des campagnes électorales M. Le roy estime que, ce qui frappe c'est le vide des messages et la vacuité des projets162(*) dans la mesure où, ce qui préoccupe l'électeur c'est ce qu'il peut gagner avant le vote, les résultats étant le plus souvent considérés comme joués d'avance. Pourtant, l'offre électorale si l'on se réfère à Annie Laurent et Christian-Marie Wallon-Leducq, favorise les comportements concurrentiels qui peuvent influer sur la participation électorale163(*), dans le cas contraire, elle peut plutôt susciter l'apathie des citoyens. L'abstentionnisme électoral constitue donc une forme rationnelle du comportement électoral (Kouamen, 2009 : 176) car, le citoyen à travers cet acte démontre qu'il est rationnel et qu'il assume son choix parfois sans regret.

L'abstentionnisme électoral est aussi une forme « d'escapisme » car, il constitue un avertissement à la classe politique, exprime une critique du système partisan et manifeste l'inadéquation entre l'offre électorale et les attentes des électeurs (Subileau, 1997 : 257-258). En effet, selon M. Machiavel si dans les projets qu'on soumet au peuple celui-ci aperçoit un réel avantage, il sera facile de les lui faire embrasser quand bien même sa ruine et celle de l'Etat seraient cachées sous ces apparences trompeuses164(*). L'abstention de certains électeurs peut ainsi se justifier par la perception de l'inaptitude virtuelle ou réelle de l'opposition à proposer un programme politique alternatif potentiellement plus efficient lorsque ceux du parti au pouvoir ont résilié le contrat électoral qui leur liait (Kouamen, 2009 : 189) par leur incapacité à donner aux citoyens ce qu'ils ont promis. L'électeur ayant un comportement prospectif, il fonde son choix sur les orientations économiques, sociales et politiques annoncées par les candidats ou les partis et votera en fonction de leur situation personnelle (Auberger, 2004 : 97). Ainsi, les élections sans offres et constituées d'absence de débats aboutissent au paradoxe d'élections sans électeurs (Mayer, 1997 : 14). On peut dire sans ambigüité que le peuple a politiquement mûri et qu'il sait désormais identifier au mieux ses intérêts politiques165(*). Dès lors, si l'offre n'est pas proche des difficultés des citoyens, si elle n'est pas une thérapie pour ses problèmes socio-économiques, celui-ci n'y accordera aucun intérêt et aura tendance à s'abstenir, tout comme il le fera aussi si les enjeux ne sont pas à la hauteur de ses espérances.

B- AU NIVEAU DES ENJEUX ELECTORAUX

L'enjeu de l'élection est censé stimuler la participation électorale. Or, ceci n'est possible que si les acteurs politiques sont divisés sur ses définitions et ses solutions. Ces divisions et propositions doivent être clairement perceptibles par l'opinion publique (Kouamen, 2009 : 117-118). Selon M. Franklin plus l'élection est compétitive, plus les enjeux sont forts et la marge de victoire serrée, plus l'électorat est libre de se rendre aux urnes166(*). L'une des réalités les plus frappantes en Afrique comme au Cameroun est le déficit de débat politique, étant donné que les partis ne réfléchissent pas aux problèmes fondamentaux de la société (Michalon, 1984 : 40) pourtant, c'est à l'issue des débats politiques que sont perçus les enjeux d'une élection. Dans cette logique, l'école de Michigan a présenté trois conditions pour cristalliser la pertinence d'un enjeu sur le citoyen  à savoir qu'il doit être connu de l'électeur, provoquer une réaction chez lui et il doit enfin percevoir l'un des partis comme ayant sur cet enjeu des positions plus proches des siennes167(*). En effet, Pierre Martin estime que l'enjeu est considéré comme proche pour l'électeur si celui-ci le ressent avec des questions de sa vie quotidienne, sinon il sera présenté comme étant éloigné168(*). Or, l'enjeu ressort à travers les programmes politiques qui constituent les bases de la mobilisation électorale. Ceci étant, se sont eux qui définissent les objectifs mobilisateurs, donnent envie de participer au vote et de voter pour un candidat, un parti lui permettant ainsi de se singulariser des autres tendances (Brechon(b), 2007 : 116). Si l'électeur n'est pas convaincu par la capacité pour le système politique d'apporter des améliorations à sa condition d'existence, il cultivera une attitude d'indifférence à l'égard de la politique (Braud, 1991 : 35) et aura tendance à se soustraire de la participation électorale, d'où l'abstentionnisme. Mais, l'indifférence conduit parfois, selon M. Pammet et M. Leduc à un sentiment d'inutilité qui s'accompagne d'une opinion négative quant-à la compétition électorale, c'est-à-dire au sentiment que leur vote ne changera rien au résultat final169(*). Ainsi, l'analyse stratégique amène l'électeur à calculer comme un « homo eoconomicus » du fait qu'il prend en compte la campagne électorale avec ses enjeux, ses thèmes saillants, les personnalités qui la mènent et les gains qu'il peut en profiter. Cependant, lorsque les actions d'explication des enjeux ne sont pas efficaces, il est difficile de convaincre les citoyens à aller voter (Brechon(a), 2007 : 6) surtout lorsqu'ils doutent de la crédibilité de l'élection et ne ressentent pas une certaine concurrence sur la scène électorale. C'est pourquoi, il est fréquemment affirmé qu'il y aurait une corrélation positive entre le taux d'abstention et le degré d'ouverture du jeu électoral (Otayek, 2002 : 99). Ce qui signifie que le non-vote des citoyens est souvent lié à l'opacité du jeu électoral et au caractère déloyal de la compétition électorale. En outre, le retrait des citoyens de la scène électorale s'explique aussi par le fait que, le « coût » de leurs investissements ne peut être compensé.

Or, peu de citoyens sont prêts à faire des investissements sans bénéfice car, selon Pierre Bourdieu (1994 : 150) il n'y a pas d'acte gratuit. En effet, l'incapacité des partis politiques camerounais à proposer aux électeurs de véritables projets de société a contribué à la construction d'un environnement électoral non-concurrentiel dans lequel un seul parti ou candidat connu d'avance est capable de gagner, affaiblissant l'opposition et démontrant son incapacité à impulser un changement, vu l'absence de dimension programmatique dans les débats politiques (Buijtenhuijs, 1994 : 119). C'est pour cette raison que nous admettons que, la participation électorale, recule lorsque les incitations proprement politiques à participer aux scrutins s'affaiblissent (Gaxie, 2000 : 58), ce qui se justifie par le fait que, les citoyens ont de plus en plus du mal à percevoir la pertinence de l'élection face aux problèmes de la société et les solutions vagues semblent être les mêmes pour tous les partis. Dans ces conditions, l'abstention est la solution qui satisfait le mieux les citoyens, étant donné qu'elle n'implique aucune tracasserie pour des résultats qui sont considérés comme connus d'avance. De toute évidence, les électeurs ne parviennent pas à percevoir l'enjeu du vote principalement à cause de l'absence de suspense qui régit les élections au Cameroun. Pour preuve, les gens ont plus confiance aux élections dans les pays où elles ont débouché sur une alternance de groupe de dirigeants (Bratton, 2007 : 5). En plus, lorsqu'ils constatent que les maux décriés depuis des années comme : le chômage, l'insécurité, l'impunité, la fuite des capitaux, le manque de transparence, persistent (Ndjock, 2007 : 95) il leur est très difficile de voter.

L'abstentionnisme au moment de l'élection est le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs. De ce fait, on peut en déduire qu'il n'y a pas de facteur unique permettant d'expliquer le phénomène, mais qu'il combine à la fois les logiques sociologiques, rationnelles, (Perrineau, 2006 : 35) institutionnelles, conjoncturelles et bien d'autres facteurs qui sont autant déterminants. Toujours est-il que, la construction de ce phénomène pose le problème de ses effets pervers et celui des tentatives de sa neutarlisation.

DEUXIEME PARTIE : DE LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL A LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES DE SA NEUTRALISATION

Les actions et interactions qui conduisent à la construction du phénomène de l'abstentionnisme électoral au Cameroun ne sont pas sans impact sur la démocratie représentative du pays ; ce qui entraine des réactions en chaîne de la part des acteurs sociopolitiques. En effet, si les partis politiques comme les hommes politiques proposent divers types de « biens » pour obtenir la confiance et le crédit de leurs concitoyens, c'est dans le but de pouvoir parler, agir en leur nom et à leur place (Gaxie, 2000 : 1243). Nous en déduisons que, le vote permet aux citoyens de choisir leurs représentants. Or, il est établi que tout le monde ne peut voter et ne vote d'ailleurs pas. Ce qui fait que les élus sont souvent issus de la volonté de la minorité des électeurs (Lipset, 1963 : 15). Ceci étant, ils bénéficient du « coup de force symbolique170(*) » de la représentation, définie par Philippe Braud (1998 : 411) comme le fait que l'élu d'une majorité d'électeurs soit considéré comme le représentant de tous les citoyens y compris ceux qui se sont abstenus. En conséquence, bien que M. Huntington estime qu'une trop forte participation entraînerait l'entrée en jeu d'abstentionnistes perturbateurs par nature hostiles aux principes démocratiques171(*), il n'en demeure pas moins que, la participation électorale est un indice de la bonne santé de la démocratie. En conséquence, l'absence de participation aux consultations électorales sape la légitimité des décisions qui pourront être prises172(*) et des élus eux-mêmes. C'est pour cela que l'élection est considérée comme le moyen par excellence qui permet aux citoyens de choisir leurs représentants, d'où l'exigence de la forte participation sinon le vote risque d'être considéré comme un sondage et même de moindre qualité (Lipset, 1963 : 15). Car, si l'élection confère un surcroît d'autorité à ceux qui exercent le pouvoir et réactive chez les gouvernés le sens de leur appartenance au grand groupe grâce à l'exercice collectif d'une prérogative partagée (Braud, 1998 : 305), elle constitue cependant le moment majeur de la procédure démocratique. L'abstentionnisme électoral constitue néanmoins sa remise en cause et interprète le mieux la crise de la démocratie (Dabrowski et Guillou, 2005 : 31). Il en résulte que, la crise de la démocratie compromet la légitimité du système représentatif, faisant de l'abstention électorale l'indicateur de l'état de santé du système démocratique (Muxel, 2007 : 43 et 55). Le risque étant certainement le déficit de légitimité et de représentativité des élus. D'ailleurs, personne ne se satisfait réellement de la faible participation électorale des citoyens, et c'est pourquoi même les régimes les plus liberticides s'enorgueillissent des taux de participation électorale remarquable (Lipset, 1963 : 18) et veillent à ce qu'ils soient les plus élevés possibles. C'est ce qui justifie les initiatives entreprises dans le but de neutraliser l'abstentionnisme électoral. En effet, la scène électorale camerounaise depuis le retour du multipartisme constitue le théâtre de nombreuses démarches de la part des acteurs sociopolitiques visant à combattre la non-participation électorale des citoyens aux consultations électorales. Au regard de ces analyses, nous sommes amenés à présenter d'une part la floraison des effets pervers de l'abstentionnisme électoral et d'autre part la multiplication des tentatives de sa neutralisation.

CHAPITRE 1 : LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL

L'abstention électorale, selon M. Huntington, illustrerait un état d'apaisement, une absence de conflit majeur dans une communauté politique173(*). Ce qui dissimule néanmoins mal, la réalité selon laquelle elle est de nature à permettre la prise du pouvoir par une minorité (Lipset, 1963 : 15). Cette situation pose sans équivoque le problème de la légitimité et de la représentativité des élus. Dans tous les cas, le principe de la légitimité des gouvernants est déterminant dans toute démocratie même s'il est contrarié par l'expression de la défiance citoyenne vis-à-vis des pouvoirs. C'est ce que M. Rosanvallon qualifie de « contre- démocratie » qui n'est pas le contraire de la démocratie, mais plutôt la forme de la démocratie qui contrarie l'autre c'est-à-dire celle de la défiance organisée face à la démocratie de la légitimité électorale174(*). Toutefois, les citoyens qui refusent de prendre part au vote font tourner à vide la machine démocratique car la démocratie repose sur l'idée que si les citoyens participent aux choix de leurs dirigeants politiques, ils manifestent davantage leur attachement au système politique global (Cot et Mounier, 1974 : 48). Dans le cas contraire, ils seront incités à remettre en cause les décisions politiques des dirigeants. D'où la nécessité que ces derniers soient les plus représentatifs possible. C'est pour cela que, plus large sera la participation des citoyens aux élections, plus grande sera l'autorité des élus pour exprimer la volonté générale du peuple. C'est ainsi que les risques de troubles politiques proviennent de ce que l'autorité des organes de l'Etat peut porter à contestation parce qu'ils sont élus par une minorité de citoyens (Gandolfi et Lambert, 1987 : 291-292). Il est donc important pour la démocratie que l'élection soit l'instrument permettant de faire des citoyens les complices de leur propre domination puisque le pouvoir légitime vise à transformer les citoyens en soutien effectif (Hastings, 1996 : 32) et à assurer la stabilité tout comme la survie de la démocratie. De cette analyse, il convient de présenter d'une part l'utilisation de l'abstentionnisme électoral comme élément de délégitimation et comme expression de la volonté de la minorité et d'autre part, les balbutiements de la démocratie représentative au Cameroun.

SECTION 1 : ABSTENTIONNISME ELECTORAL ET DELEGITIMATION

L'élection est considérée comme un puissant instrument de légitimation des dirigeants et comme un mode légitime de désignation des représentants (Bacot, 1994 : 103). Toutefois, la légitimité est le fait pour les institutions publiques et politiques d'être acceptées par les populations concernées comme conforme à leurs voeux et qui seront alors disposées à leur prêter leur concours (Michalon, 1984 : 51). Ce qui suppose que la démocratie ne saurait survivre longtemps sans que les citoyens donnent naissance à une culture politique de participation (Dahl, 1998 : 52) nécessaire à la construction de la démocratie. Ceci étant, le déficit de légitimité n'exclut pas le fait que, même en cas de faible participation électorale, les élus demeurent les représentants de tous les citoyens y compris de ceux qui n'ont pas pris part au vote. C'est le principe du « coup de force symbolique » de la représentation. D'ailleurs, un fort taux d'abstention n'est pas de nature à affecter en pratique la stabilité du régime politique (Lipset, 1963 : 5) qui fonctionnera comme si tout le peuple lui avait donné son onction. Il faut cependant noter qu'un régime qui n'a pas une grande légitimité populaire peut être confronté à de nombreuses opérations de remise en cause de la légitimité des dirigeants et des institutions politiques. Ce qui traduit le degré d'effritement de la représentativité des dirigeants politiques et fait du vote de la minorité l'expression de la volonté de la majorité.

PARAGRAPHE 1 : LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS ET DES INSTITUTIONS POLITIQUES

La légitimité en matière électorale est plus déterminante que la légalité175(*) et lorsque cette légalité ne cadre pas avec la volonté de la majorité des citoyens, il y a des risques qu'elle soit remise en cause. Or, c'est la situation dans laquelle les citoyens ne se sentent pas représentés étant donné que l'électeur non représenté est celui qui s'abstient lors du vote ou vote nul (Bacot, 1994 : 155). Le plus pertinent est que l'électeur qui refuse de se faire représenter refuse de facto que les autres le fassent en son nom. C'est pour cela qu'il a tendance à remettre en cause le choix de ceux qui ont décidé de voter. Dans tous les cas, l'abstention est l'un des fondements de la « crise de la représentation » (Subileau, 1997 : 258), la traduction concrète du divorce qui existe entre dirigeants, institutions politiques et citoyens. Dans cette optique, entre interactions, actions et interactions, la légitimité des dirigeants et des institutions politiques sera sérieusement remise en cause.

A- LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS

Un pouvoir illégitime est celui dans lequel le groupe social refuse de se reconnaître et de suivre ses initiatives. Il est alors très tenté de recourir à la force pour imposer son acceptation spontanée par la population (Michalon, 1984 : 51-52). C'est un pouvoir qui, suite à la faible participation électorale des citoyens, n'est pas suffisamment représentatif au sein de la population et fait face à une méfiance de la part de ceux-ci et même à un rejet perpétuel. Ce qui oblige souvent les gouvernants à faire usage de la force pour faire passer et accepter leurs décisions. Cependant, dans le cas du Cameroun, le déficit de légitimité est plus ressenti dans les zones connaissant généralement les plus grand taux d'abstention. Ce qui suppose que la problématique de la légitimité ne se pose pas dans l'ensemble du pays avec la même ardeur et de la même façon. En effet, elle se pose plus dans certaines localités que d'autres. C'est principalement le cas dans les zones souvent considérées comme des fiefs de l'opposition. Il s'agit par exemple du Wouri où le taux d'abstention aux élections municipales de 1996 était de 58,58%, et de la présidentielle de 1997 où il était de 40,73%176(*). A Foumban urbain, ce taux était de 61,68% (Elang Tchoumbia, 2004 : 41). Le problème ici est que les populations qui ne votent pas ont tendance à contester l'ordre politique établi. Ce qui se matérialise généralement à l'occasion des manifestations. Ce fut le cas en 2008 à l'occasion de ce qui a été qualifié « d'émeutes de la faim » auxquelles les manifestants ont plutôt contesté la révision constitutionnelle portant sur son article 6.2 particulièrement dans le Wouri qui est le département figurant depuis 1992 dans la liste de ceux qui votent le moins. Bien que la désaffection des citoyens pour la chose politique fasse de quelques professionnels de la politique les maîtres du destin national (Kamto, 1993 : 195), ils sont néanmoins confrontés à de véritables crises de représentativité et se voient souvent amenés à recourir soit à des moyens de séduction soit à la violence pour se faire accepter par les populations qui ont du mal à s'identifier à eux. En effet, lorsqu'une personne est élue avec un fort taux d'abstention, il ne représenterait qu'une partie infime de la population. Ce qui conduit non seulement à la détention du pouvoir par des dirigeants dotés d'une faible représentativité mais aussi leur place et leur élection perde de leur crédibilité même si sur le plan légal, leur élection est valable et leur permet d'exercer leur fonction au nom de tous et pour tous. En conséquence, seul le vote massif des citoyens fonde la démocratie représentative177(*) étant donné que la participation massive des citoyens au vote exprime leur attachement à la communauté à laquelle ils appartiennent et traduit leur confiance à l'égard du système politique en place d'où leur disponibilité à le soutenir parce qu'il est l'expression de leurs aspirations. En effet, tandis que la légalité parvient tout simplement à donner une explication formelle à l'établissement du pouvoir politique en montrant que ses détenteurs sont issus des urnes, la légitimité quant-à elle est conforme aux aspirations populaires et n'a la plénitude de son sens que si les résultats des élections reflètent le choix de la majorité des citoyens (Nna, 2009 : 344-345). Ainsi, à cause du boycott, les élections ont engendré dans une certaine mesure une crise de la représentativité des élus (Sindjoun, 1999 : 314). Ce qui a conduit à des contestations de la légitimité des élus sortis des urnes à l'issu des élections législatives de 1992 car les partis politiques ayant boycotté ne reconnaissaient aucune légitimité à ces élus vu le fort taux d'abstention que leur élection avait suscité à savoir officiellement 39,42%178(*). Dès lors, les partis politiques ayant pris part aux élections ne pouvaient en conséquence, parler en lieu et place du peuple qu'ils ont « trahi » (Nkainfon Perfura, 1994 :239). On comprend pourquoi les épreuves de représentativité sont l'objet de lutte pour l'interprétation des résultats (Gaxie, 2000 : 37). D'ailleurs, les résultats électoraux n'ont de réelle signification que si les gouvernés se sont présentés en masse aux élections179(*). A cet effet, les acteurs politiques s'efforcent toujours de démontrer leur légitimité en relativisant en permanence les taux d'abstention qui, pour eux, restent insignifiants.

Les partis politiques ayant respecté le mot d'ordre de boycott bien qu'absents à l'Assemblée Nationale mais conscients de leur audience liée au fort taux d'abstention continueront à contester la légitimité du pouvoir RDPC en brandissant non seulement le score obtenu par l'opposition parlementaire mais également le pourcentage d'abstention qu'ils croient leur revenir (Nkainfon Perfura, 1994 : 238-239). Dans cette logique, la vingtaine de députés RDPC élus par 10% des inscrits dans les zones Anglophones ne peuvent parler au nom de leur communauté (Owona Nguini, 1997 : 722). C'est pour cela que ceux élus par une minorité ne sont pas représentatifs et ne peuvent parler au nom de l'ensemble sans que ne leur soit rappelé la faiblesse de leurs bases électorales. Ceci étant, tout gouvernement choisi par un groupe restreint n'est pas démocratique (Elang Tchomba, 2004 : 56) parce que dépourvu de légitimité et de représentativité, il correspond plus à une oligarchie (Braud, 1998 : 580). En réalité, le déficit de légitimité des élus politiques est renforcé par le fait que les populations les considèrent comme des personnes qui ne sont là que pour leurs intérêts personnels et en ce qui concerne les parlementaires, elles les considèrent comme des gens peu lettrés politiquement et culturellement incompétents ne servant que de « faire-valoir » du gouvernement (Machikou, 2009 : 77 et 81). Les institutions aussi sont censées jouir d'une acceptation spontanée de la part des citoyens sinon leur stabilité sera en permanence menacée.

B- LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES INSTITUTIONS POLITIQUES

La remise en cause du fonctionnement démocratique des institutions est directement liée à l'ampleur du taux d'abstention électoral (Subileau, 1997 : 246) car la participation massive des électeurs au vote démontre leur acceptation des institutions dont ils ont pour rôle de choisir et de renouveler les responsables. Or, cette entreprise de légitimation des institutions n'est possible que si elle reflète les aspirations des populations étant donné qu'elle ne s'inscrit pas seulement dans la légalité Républicaine mais aussi dans la légitimité électorale. En effet, les institutions peuvent être légales mais illégitimes car elles se sont mises en place et fonctionnent dans le respect du droit bien que la population ne se prive d'y manifester son désintérêt en protestant de diverses manières (Michalon, 1984 : 52). Or, si les citoyens sont distants et méfiants à l'égard des institutions, c'est parce qu'ils estiment qu'elles ne traduisent pas leur volonté. Ceci peut justifier pourquoi certains n'hésitent pas à s'en prendre à des édifices publics à chaque fois qu'ils veulent manifester leur mécontentement à l'égard du pouvoir. Ils considèrent que ces institutions représentent le pouvoir, auquel ils ne semblent pas se reconnaître. Ainsi, les citoyens qui désertent les urnes sont ceux qui ébranlent le plus profondément les institutions démocratiques (Barbet, 2007 :25), puisque cette attitude vise à défier les institutions et à démontrer leur indifférence à l'égard de celles-ci, principalement lorsque les taux d'abstention sont élevés. D'où ces nombreuses opérations de contestation des résultats électoraux souvent observées après les élections. C'est la preuve que les institutions n'ont pas d'emprise sur les populations qu'elles sont censées servir ce qui justifie le refus des citoyens de leur apporter leur soutien en participant au renouvèllement des responsables des institutions.

Ainsi, l'abstention électorale est susceptible d'entraîner la remise en cause du fonctionnement démocratique des institutions politiques (Lipset, 1963 : 8) lorsque les populations ne se sentent pas obligées même moralement de les soutenir, parcequ'elles n'émanent pas de leur volonté et ne répondent pas à leurs aspirations. En fait, le boycott a construit une opposition extra-parlementaire aux législatives de 1992, représentant les électeurs n'ayant pas pris part au vote (Sindjoun, 1999 : 317) et qui estimait jouir de plus de légitimité et de représentativité que celle (opposition) ayant pris part au vote, faisant du parlement une institution non représentative et ne pouvant parler en lieu et place du peuple. En conséquence, le boycott a engendré dans une certaine mesure une crise de la légitimité des élus et un débat sur leur représentativité (Sindjoun, 1999 : 314).

En fait, l'absence de participation aux consultations électorales va exiler des circuits traditionnels de l'exercice de la souveraineté nationale le SDF qui va transporter la politique sur d'autres sites. Dès lors, elle gagnera la rue et la contestation de la légitimité de l'Assemblée Nationale sera même internationalisée (Njoya, 2003 : 75). Les citoyens ne doivent donc pas seulement être représentés. Il faut encore qu'ils ressentent cette représentativité de leurs institutions. Ce qui constitue un élément important de la légitimité du régime politique (Braud, 1998 : 313) sinon il y a des risques de remise en cause. Ce fut le cas par exemple lors des législatives de 1992 où l'Assemblée Nationale a été le reflet déformé de la nation. Anglophone et Bamiléké, pour ne parler que de groupes très importants, ne se reconnaîtront pas dans leur institution parlementaire180(*). A cause du boycott, certains groupes ethniques importants se trouvent de fait exclus de la représentation nationale au profit des groupes minoritaires.

Les logiques abstentionnistes ont provoqué des déficits de représentativité parlementaire dans certains marchés locaux d'où les contestations violentes qui s'en sont suivies (Eboussi Boulaga, 1999 : 117) dans ces localités. C'est la preuve que les troubles politiques proviennent de ce que l'autorité des organes de l'Etat peut porter à contestation parce qu'ils sont élus par une minorité de citoyens (Gandolfi et Lambert, 1987 : 292). Au terme de ces analyses, on peut reconnaître que les institutions contribuent à façonner les attitudes et les comportements électoraux des citoyens (Bratton, 2007 : 2) mais surtout que la remise en cause du fonctionnement démocratique de ces institutions est liée à l'ampleur de l'abstention électorale (Subileau, 1997 : 246). La non-participation électorale des citoyens semble donc plus déterminée par la confiance institutionnelle (Brechon (a), 2007 : 13-14) et c'est ce manque de confiance qui justifie en grande partie l'abstentionnisme électoral et délégitimise les institutions que les élections sont censées légitimer. Ce qui n'est pas sans conséquence sur l'effritement de la représentativité des partis politiques de l'opposition et la considération du vote de la minorité.

PARAGRAPHE 2 : L'EFFRITEMENT DE LA REPRESENTATIVITE DES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION ET LA CONSIDERATION DU VOTE DE LA MINORITE

Le déficit idéologique, l'incapacité de l'opposition à se constituer en alternative sérieuse au discours du RDPC181(*) et le boycott sont autant d'éléments qui ont contribué à l'effritement de la base représentative des partis politiques d'opposition. Depuis 1992, force est de constater que l'opposition a perdu sa notoriété et que sa rhétorique ne convainc pratiquement plus. La traduction concrète de cette analyse est que son électorat par rapport à celui du parti au pouvoir s'est le plus effrité pas par sa volatilité au profit de ce dernier mais à cause de sa non-participation aux consultations électorales. Ce qui démontre que l'abstentionnisme est un phénomène qui profite exclusivement au parti au pouvoir. Cette situation peut s'expliquer par le fait que ceux qui participent aux élections sont majoritairement les électeurs du parti au pouvoir qui a des moyens suffisants pour les mobiliser au maximum contrairement à l'opposition. C'est malgré tout une réalité qui fait de la minorité qui vote le « faiseur de roi » au détriment de la majorité qui obéit désormais à la volonté de la minorité et non à celle de la majorité comme le veut la démocratie représentative. C'est dans cette optique que nous analyserons tour à tour l'effritement de la représentativité des partis politiques de l'opposition et la considération du vote de la minorité comme l'expression de la volonté de la majorité.

A- L'EFFRITEMENT DE LA REPRESENTATIVITE DES PARTIS POLITIQUES DE L'OPPOSITION

La réprésentation se matérialise par le fait que les citoyens par le biais des élections se font représenter par des élus qui, eux-mêmes, émanent des partis politiques. Cependant, depuis 1992, les partis politiques d'opposition ont connu des fortunes diverses. Ainsi, tandis que le SDF et l'UDC après avoir boycotté les législatives et s'être retirés de facto des circuits traditionnels de la représentativité, l'UNDP prenait grâce à cette situation une envergure nationale. En conséquence, l'abstention d'une partie significative de l'électorat camerounais à cause du boycott permettra au RDPC et à l'UNDP de s'implanter résolument dans les fiefs électoraux du SDF et de l'UDC. Ce qui se traduira par le raz de marée que le RDPC obtiendra dans le Noun en acquerant les 05 députés de la localité au détriment de l'UDC et aussi les 20 du Nord-Ouest au détriment du SDF tandis que l'UNDP de son coté, obtiendra les députés du Sud-Ouest à cause du boycott du SDF et du Liberal Democratic Party (Owona Nguini, 1997 : 714-715). Assurément, l'abstention a profité aux participants et principalement à l'UNDP qui en a profité pour devenir un parti d'envergure nationale. Ceci s'explique par le fait qu'en l'absence du SDF qui semblait incarner le changement, certains camerounais ont préféré faire confiance à l'UNDP lorsqu'ils n'avaient pas tout simplement boycotté les élections. Mais depuis lors, cette envergure de l'UNDP a disparu et les « recettes » du SDF semblent obsolètes, au point où, même dans les localités jadis leurs fiefs, leur emprise y est problématique, bénéficiant au RDPC. Analysé sous cet angle on en convient que le phénomène de l'abstentionnisme semble profiter au parti au pouvoir (Afom Ndong, 2007 :66). Ce qui neutralise justement les possibilités d'alternance des dirigeants et de renouvellement du personnel politique. En effet, si le pouvoir a eu maille à partir avec l'opposition fortement implantée dans les zones urbaines (Njoya, 2003 : 89) et dans les zones réputées être les fiefs de cette dernière en 1992, tel n'est plus le cas de nos jours car tout montre qu'à cause de l'abstention, l'opposition a perdu ses fiefs électoraux puisque ces électeurs ne prennent plus part au vote. Ce n'est plus le même engouement qu'en 1992 et 1996 étant donné que les espoirs se sont estompés. Dès lors, l'évaluation négative des programmes de l'opposition a conduit ses électeurs à l'abstention (Kouamen, 2009 : 194) étant donné qu'il n'est plus un secret que la grandeur des partis politiques augmente avec le nombre de ceux qui sont supposés être ses adeptes (Gaxie, 2000 : 35). Or, il ressort justement que le désagrègement de la représentativité des partis d'opposition semble aller de pair avec la diminution de son capital de sympathie. Ainsi, la loyauté des citoyens vis-à-vis de ces partis s'est rétournée en stratégie de « défection » (Perrineau, 2006 : 34) effritant de fait leur base électorale.

Dans tous les cas, depuis 1992, la base électorale des partis politiques d'opposition n'a cessé de décroître permettant au parti au pouvoir de consolider son emprise nationale avec pour principale conséquence ses victoires à presque toutes les competitions électorales depuis 1997. Cela ne signifie pas forcement qu'il y a une volatilité de l'électorat au profit du parti au pouvoir mais plutôt qu'une partie de l'électorat de l'opposition ne participe plus aux élections laissant alors le champ libre à ceux du pouvoir. Toujours est-il que les partis d'opposition ont vu leur score décroître considérablement (Machikou, 2009 : 80) depuis l'élection présidentielle de 1992 ; devenant désormais moins représentatifs même dans leurs fiefs électoraux.

Tableau n° 20 : L'EFFRITEMENT DES SCORES DE L'OPPOSITION AUX ELECTIONS LEGISLATIVES DEPUIS 1992

PARTIS POLITIQUES

1992

1997

2002

2007

RDPC

88

116

149

153

UNDP

68

13

1

6

SDF

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0

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Source : Machikou : Les régimes de la pacification parlementaire au Cameroun : 81

On peut constater à partir du tableau suscité avec une certaine relativité que l'abstention électorale a déstructuré l'emprise de l'opposition dans ses fiefs électoraux. Ce qui a profité au parti au pouvoir dont les scores n'ont cessé de se conforter. En effet, les résultats électoraux depuis 1992 démontrent que l'opposition camerounaise est la plus grande victime de l'abstentionnisme. Ce qui peut laisser croire que les abstentionnistes sont majoritairement les partisans déçus des partis politiques de l'opposition (Subileau, 1997 : 258). L'autre conséquence majeure de l'abstentionnisme électoral est certainement le poids du vote de la minorité.

B- LA CONSIDERATION DU VOTE DE LA MINORITE

L'abstention électorale permet de mesurer l'écart entre la légalité et la légitimité du pouvoir politique (NNA, 2009 : 344). C'est la preuve que, si le vote est l'instrument de transmission du pouvoir par excellence dans un système démocratique, il reste cependant insuffisant puisqu'il n'incarne pas toujours la volonté de tous les citoyens. En effet, dans un système démocratique, comme le souligne Alain Touraine la participation électorale de la majorité impose à la minorité de se soumettre à sa volonté182(*). Ce que n'admet pas la pratique de l'abstentionnisme électoral qui consacre plutôt la volonté de la minorité au détriment de celle de la majorité. Dans ce cas, la minorité exprimera la volonté de la majorité qui ne vote pas étant donné que selon « le coup de force symbolique » de la représentation, ceux qui participent au vote représentent même ceux qui n'y ont pas pris part. L'abstention serait donc de nature à permettre une prise de pouvoir par une minorité (Lipset, 1963 : 15).

En conséquence, le châtiment de ceux qui refusent de voter est que, les affaires publiques risquent de tomber dans des mains moins vertueuses selon M.Platon, et parce que la nature a horreur du vide, la majorité qui refuse d'exprimer sa volonté se verra supplanter par une minorité qui représentera l'ensemble183(*). Ce qui ne veut pas dire que, cette représentation n'aura pas valeur juridique. Au contraire, aucune élection n'a été annulée au Cameroun depuis 1992 à cause de la faible participation électorale. A cet effet, la faible participation électorale ne compromet pas la validité juridique de l'élection. Elle consacre les élus comme représentants légaux du peuple et les investi de tous les attributs juridiques dont ils ont besoin pour agir en lieu et place du peuple, au même titre que ceux qui ont été élus à l'issue d'une forte participation. C'est pourquoi M.Gaxie (2000 : 66) soutient que la faible participation électorale n'invalide pas l'élection. Dès lors, même si une forte participation apportera la preuve de la vitalité du système démocratique184(*), l'abstentionnisme ne remet pas en cause la validité juridique de l'élection des élus.

En tout état de cause, si M.Cabonis admet que le peuple est la source sacrée de tous les pouvoirs185(*), il n'en demeure pas moins que sa non-participation massive à la désignation de ses représentants ne laisse pas vacant les lieux de pouvoir. C'est la traduction concrète du fait que la minorité qui participe à la désignation des représentants du peuple le fait au nom de tous y compris des abstentionnistes. La conséquence directe de cette situation est que les élus représenteront tout le peuple. Mais il reste que la non-participation des citoyens est la preuve de la faiblesse de la démocratie camerounaise qui se traduit par son balbutiement.

SECTION 2 : LES BALBUTIEMENTS DE LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE

La démocratie dépend avant tout de la libre adhésion des citoyens et les pays où une grande partie de la population fait preuve d'apathie et d'indifférence ne peuvent prétendre que le régime en vigueur fait l'objet d'une adhésion. Cette position va à contrario de celle de M. Tingsten lorsque, prenant l'exemple de l'Allemagne, qui avait connu des taux de participation extrêmement élevés au moment où la démocratie était sur le point de disparaître, conclut que la forte participation n'est pas toujours bénéfique pour la stabilité de la démocratie186(*). Pour cet auteur, l'abstentionnisme électoral n'est donc pas nécessairement nocif pour le fonctionnement et la vitalité de la démocratie. Bien qu'il traduise un « malaise », surtout lorsqu'il devient de plus en plus croissant comme c'est le cas au Cameroun. Il peut alors signifier que la démocratie telle qu'elle est pratiquée ne convainc pas d'où son rejet. Le constat dans tous les cas est que la désaffection des citoyens rapproche la culture politique démocratique de la culture politique autoritaire à travers la commune soumission des citoyens nantis de ces cultures opposées à la domination politique des dirigeants (Kamto, 1993 : 195-196). En effet, c'est la traduction de l'affaiblissement de la compétition électorale concurrentielle et de l'amenuisement des possibilités d'alternance par la voie électorale.

PARAGRAPHE 1 : L'AFFAIBLISSEMENT DE LA COMPETITION ELECTORALE CONCURRENTIELLE

La démocratie est un régime dont le fonctionnement et la légitimité reposent ultimement sur la confiance des citoyens (Lipset, 1963 : 15) parce que sans cette confiance la démocratie risque de perdre sa légitimité. Le déficit de confiance qui existe entre les citoyens et leur régime démocratique constitue ce que certains auteurs ont qualifié de : « crise de la démocratie » car la faible participation électorale fait perdre à la démocratie sa crédibilité, faute de compétition concurrentielle. D'ailleurs, il n'y a pas de démocratie sans concurrence (Duverger, 1998 : 143) puisque la concurrence est un facteur de mobilisation (Quero et Voilliot, 2001 : 36) et sans elle, les citoyens ne trouveront aucun enjeu à l'élection. C'est dans cette perspective que M. Rosanvallon(1991 : 8) soutient que le déficit de grands affrontements structurant la vie politique nationale constitue le « déclin des passions politiques ». Dans tous les cas, le désintérêt de la population pour le fonctionnement des institutions démocratiques finit par fausser les résultats des élections et affaiblit à la longue la démocratie elle-même (Aletum, 2008 : 161). Cependant, l'affaiblissement de la démocratie au Cameroun se matérialise par l'ultra domination de la scène politique par le parti au pouvoir entraînant de facto un effritement du débat contradictoire et celui de la valeur du vote.

A- L'ULTRA DOMINATION DE LA SCENE POLITIQUE PAR LE PARTI AU POUVOIR ET L'AFFAIBLISSEMENT DU DEBAT CONTRADICTOIRE

La démocratie ne peut se réaliser sans l'existence d'une opposition légitime. C'est ce qui a amené Giovanni Sartori à considérer l'opposition comme l'ensemble des forces qui ont pour vocation de prendre le pouvoir, d'alimenter une critique des gouvernants actuels et de définir une alternative programmatique187(*). Il en résulte que, dans un système concurrentiel, il y a nécessité que les concurrents existent afin que la compétition puisse avoir tout son sens et toute sa saveur. Mais, depuis le retour du multipartisme, on constate que le « marché » politique ne cesse de se rétrécir en entraînant une fermeture progressive de la concurrence et une tendance à la dérive monopartisane avec le risque d'immobilisme que cela peut entraîner (Njoya, 2003 : 90-91). En effet, le pluralisme est une façon de gérer l'incertitude. Ce qui constitue le sens même de la démocratie (Abeles, 1991 : 3). Cependant, au Cameroun, les élections connaissent rarement de suspens. D'ailleurs, certains militants du parti au pouvoir ne se privent pas de souligner à certaines occasions qu'ils n'ont pas d'opposition. Ce qui constitue naturellement un handicap pour la démocratie.

En fait, les scores du RDPC aux différentes élections organisées au Cameroun depuis la présidentielle de 1992 démontrent que ce parti n'a presque jamais perdu les élections et prouvent que l'opposition est presque inexistante. Ce qui traduit le caractère non relativement concurrentiel de la compétition électorale au Cameroun. C'est une réalité qui se matérialise par les multiples défaites de l'opposition alors qu'il est admis que la démocratie ne saurait longtemps survivre sans que les citoyens donnent naissance à une culture politique de participation (Dahl, 1998 : 52) qui n'est possible que si la scène politique est réellement concurrentielle. En tout état de cause, c'est la performance participative des acteurs qui détermine la performance de tout le système et facilite l'enracinement de la démocratie (Kamto, 1993 : 197). Or, dans le système camerounais, le déficit de compétition électorale concurrentielle n'est pas propice à l'enracinement de la démocratie, puisque par abus de position dominante, le RDPC provoque la marginalisation de l'opposition (Njoya, 2003 : 91). Ce qui contribue davantage à l'éviction de la concurrence dans le champ électoral. C'est justement l'ultra domination du RDPC et la satellisation de tous les autres partis politiques jusque dans leurs fiefs respectifs (Mouiché, 2009 : 24) qui constituent un problème pour la concurrence électorale. Etant donné que, si ces partis ne sont plus certains de pouvoir glaner des victoires, ils seront tentés de s'exiler de la compétition électorale. D'où les multiples menaces et boycotts qui structurent la scène électorale camerounaise depuis 1992. C'est la preuve que l'abstention relativise l'intégration du champ électoral (Sindjoun, 1999 : 312) en jouant en permanence au profit du parti au pouvoir qui, par sa position dominante, construit une compétition électorale « déloyale ». Or, il est établi comme le confirme M. Powell que, la dominance d'un parti influe négativement sur la concurrence électorale188(*).

L'abstentionnisme illustre bien la faiblesse de la compétition électorale et donc un déficit énorme de concurrence. Ce qui participe à la construction des élections sans incertitude. Pourtant, c'est elle qui justifie et motive la concurrence. Cependant, malgré la pluralité de la compétition électorale, ils leurs seront soustrait l'élément compétitif (Kamto, 1999 :101). Il en résulte que, le faible degré de concurrence électorale constitue un handicap pour la démocratie. Ceci d'autant plus que le vote n'a plus toute son importance vu que certains le considère comme étant incapable d'apporter des solutions à leurs problèmes mais surtout d'assurer une alternance.

B- L'EFFRITEMENT DE LA VALEUR DU VOTE

Au lieu d'assainir le jeu politique camerounais, le vote renforce plutôt la conviction selon laquelle la démocratie tend à devenir un gouvernement du peuple sans le peuple (Nna, 2009 : 346). Ce qui s'explique par l'impression que ce « rite » véhicule. Pour bon nombre de citoyens, il n'exprime pas fidèlement leur volonté à cause des multiples entraves qui biaisent sa pratique mais davantage les fraudes qui ne cessent d'être dénoncées par les hommes politiques de l'opposition, les organismes, les organisations non gouvernementales nationales et internationales mais qui pourtant semblent structurer la compétition électorale. D'ailleurs, plusieurs électeurs estiment que les élections ne sont plus que de simples formalités qui ont pour but de légitimer le pouvoir en place189(*). L'abandon des canaux classiques d'expression de la démocratie par l'opposition (Njoya, 2003 : 91) justifie cette perte de confiance à l'égard du vote considéré comme instrument légitime de transmission du pouvoir qui se manifeste concrètement par l'abstentionnisme que pratiquent de plus en plus un nombre considérable de camerounais.

En effet, le suffrage universel entaché d'un trop grand nombre d'abstentionnistes deviendrait une forme effective de suffrage restreint (Lipset, 1963 :15). Sachant que la valeur du suffrage dépend dans une grande mesure de son caractère universel, sa remise en cause est considérée comme l'élément définissant le mieux la « crise de la démocratie » (Dabrowski et Guillou, 2005 : 31). Ceci étant, l'effritement de la valeur du vote compromet sérieusement l'avenir de la démocratie représentative et neutralise les possibilités d'alternance. C'est pour cette raison que l'abstentionnisme en affectant l'universalité du suffrage entraîne avec lui un déficit important de la concurrence (Sindjoun, 1999 : 313) sur la scène électorale. Le suffrage universel ne suffit donc pas à garantir la démocratie. Encore faut-il qu'il soit réellement représentatif (Lipset, 1963 : 15). Il ne peut avoir de démocratie sans implication des citoyens c'est-à-dire sans titulaire du droit de vote et votant de façon effective (Lipset, 1963 :17) avec l'espoir que son vote va compter et exprimera fidèlement sa volonté. C'est la raison pour laquelle M. Gambetta considère le suffrage universel comme « l'arche sainte190(*) » de la démocratie même s'il arrive que le vote soit banalisé et partiellement désinvesti (Perrineau, 2007 : 38) de sa fonction. Ce qui dans cette perspective, n'est pas susceptible d'assurer une alternance démocratique et explique en partie pourquoi depuis le retour du multipartisme, le Cameroun n'a connu aucune alternance démocratique de ses dirigeants.

PARAGRAPHE 2 : L'AMENUISEMENT DES POSSIBILITES D'ALTERNANCE PAR LA VOIE ELECTORALE

Le suffrage universel est devenu l'une des caractéristiques des régimes démocratiques (Dahl, 1998 : 22) parce qu'il est susceptible d'assurer une alternance démocratique, conformemant à l'idéal démocratique et ne saurait être acquise une fois pour toute (Nna, 2009 : 344-345). Sinon, il y a risques de compromettre l'alternance au profit de la longévité des dirigeants engendrant de facto le confinement des partis dans une opposition longue. C'est pour cela que l'alternance est déterminante pour la démocratie puisqu'elle permet aux partis de se rivaliser avec l'espoir de se succéder au pouvoir. C'est d'ailleurs ce que pense M. Ibrahima Fall lorsqu'il la considère comme la faculté pour les partis politiques ayant des projets de société différent de se succéder au pouvoir par le jeu des règles démocratiques de dévolution et d'exercice du pouvoir fondé sur la souveraineté du peuple191(*).

La démocratie ne peut donc survivre sans elle surtout lorsqu'elle n'est pas la manifestation de la volonté populaire qui suppose que le peuple est à même d'accepter ou d'écarter les hommes appelés à les gouverner192(*). Cependant, le parti au pouvoir plus que l'opposition mobilise mieux ses militants et sympathisants. Ce qui lui permet de fidèliser son électorat afin de contourner l'abstentionnisme ambiant contrairement à l'opposition peut-être faute de moyens, ou par simple tactique dont certains estiment qu'il n'y a pas de raison d'appeler leurs militants à se faire inscrire sur les listes électorales avec « Elecam dans sa configuration actuelle ». Or, cette incapacité de l'opposition à mobiliser ne galvanise pas les citoyens et traduit l'impossibilité pour celle-ci de fidéliser son électorat. Ce qui laisse le champ libre au parti au pouvoir qui fidélise son électorat en inscrivant surtout les gens susceptible de voter pour lui. D'où les scénaries d'inscription sélectives sur les listes électorales. A cet effet, M.Gilbert Tsimi Evouna estime : « Que les autres se débrouillent eux aussi de leur côté car nous travaillons pour nous-mêmes193(*) ». Ces propos traduisent bien la volonté du parti au pouvoir d'inscrire prioritairement celles des personnes susceptibles de voter pour lui. Ce parti a donc compris qu'on n'organise pas les élections pour perdre. Ce qui justifie les mesures prises à cet effet. D'ailleurs, M. Henri Eyebe Ayissi déclare que : « Nous sommes prêts à supporter les 2800f.cfa de frais d'établissement de la carte nationale d'identité à condition que nous soyons sûrs qu'ils vont voter pour Paul BIYA194(*) ». La conséquence logique est que cette situation est susceptible de garantir la victoire du RDPC en compromettant l'alternance démocratique car ces inscriptions sélectives sont censées profiter à ce parti. Il est donc fort probable que parce que la majorité des participants aux élections ayant été mobilisé par le parti au pouvoir, qu'elle soit tentée de voter en sa faveur. Ce qui n'est pas nécessairement avantageux pour l'alternance démocratique. En fait, certains responsables de ce parti estiment que : « Pendant que nous demandons à nos militants d'aller s'inscrire, certains démandent aux leurs de ne pas le faire et lorsque nous allons gagner ils vont s'étonner195(*) ». Ceci étant, le contexte de l'abstentionnisme a amené le parti au pouvoir, motivé par la conservation du pouvoir à faire inscrire prioritairement les couches sociales susceptibles de voter pour lui tout en developpant une certaine méfiance à l'égard des autres qu'il considère comme lui étant hostiles. C'est le cas des jeunes. A propos de ces derniers, M.Augustin Edjoa estime qu'« il faut se méfier des jeunes car si on prend cent jeunes dans le Mfoundi, je ne suis pas sûr que le RDPC ait trente. Nous sommes sûrs des anciens mais les jeunes 196(*) !». C'est une réalité qui est susceptible de bloquer l'alternance démocratique surtout lorsqu'elle est orientée contre la jeunesse qui constitue la couche sociale la plus importante parcequ'elle représente plus de la moitié de la population camerounaise197(*). Ce qui peut expliquer dans une certaine mesure pourquoi, l'alternance connait des difficultés dans son opérationalisation au Cameroun. Pourtant, elle est considérée comme le moment fort de la démocratie198(*). Par ailleurs, c'est une situation qui, à long terme, peut créer la frustration des partis politiques de l'opposition et les conduire à opter pour des formes de participation non-conventionnelles ou contestaires199(*) lorsqu'ils ne s'allient pas tout simplement au gouvernement face à la difficulté avérée de provoquer l'alternance. En effet, l'absence d'alternance est susceptible de remettre en cause le caractère pacifique de la compétition électorale et la loi des urnes qui visait justement à forclore la violence (Braud, 1998 : 204). C'est pour cette raison que Mme Henriette EKWE considère que : « La voie électorale ne convient plus aux camerounais200(*) ». on en conclut donc que la société démocratique est celle des alternances arbitrée par le peuple souverain ; c'est-à-dire une société où les renouvellements politiques répondent à des exigences du corps social (Kamto, 1993 : 142).

L'abstentionnisme électoral est donc le résultat d'une série d'actions et d'interactions constructives qui engendrent une diversité d'impacts. Dans cette logique, on constate que c'est un phénomène qui débouche sur la lutte de la légitimité avec pour conséquence la consécration du vote de la minorité au détriment de la majorité puisqu'il traduit surtout les difficultés que connait le Cameroun dans la construction da sa démocratie. Dans tous les cas, l'abstentionnisme reste malgré tout l'expression de la démocratie car elle traduit le fait que le vote est avant tout un droit (Deloye et als : 1993 : 112) que chacun est libre d'user à sa guise sans une quelconque contrainte. Par ailleurs, ce n'est pas un phénomène qui laisse indifférents les acteurs sociopolitiques car ceux-ci entreprennent de façon énergique à travers leurs multiples actions et interactions des tentatives de sa neutralisation.

CHAPITRE 2 : LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES D'ERADICATION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL

Dans la plupart des constitutions et des lois, personne ne peut proclamer ou recommander l'abstention sous peine de sanctions (Gandolfi et Lambert, 1984 : 292) ; il n'est donc pas admis que des acteurs l'encouragent. D'où les multiples condamnations proférées contre sa pratique, mais surtout les stratégies de luttes orientées contre elle. Pour cette raison, ceux qui pratiquent l'abstentionnisme ou l'encouragent sont généralement considérés comme des hérétiques par rapport aux valeurs de la République. Il en ressort que, plusieurs Etats considèrent la pratique de l'abstention comme une faute juridique sanctionnable, doù la consécration du vote obligatoire dans les pays comme la Belgique et l'Australie. C'est ce qui fait dire à M. Delpérée qu'une fois la qualité d'électeur reconnu le citoyen doit exercer la charge qui lui est assignée201(*). En fait, refuser de prendre part au vote c'est refuser d'accomplir l'un de ses plus importants devoirs républicains. C'est ce qui justifie les stratégies développées pour lutter contre l'abstentionnisme électoral dans plusieurs pays. A titre d'illustration, en Belgique, si un électeur s'abstient quatre fois pendant 15 ans, il risque de perdre son droit de vote pour les dix prochaines années et être écarté des nominations, promotions et des distinctions officielles offertes par les autorités publiques durant ces dix années ; tandis que, les frais de transport sont remboursés pour les Belges qui vivent loin de leurs domiciles. Dans la même logique, concernant l'Egypte, les personnes qui ne votent pas, peuvent courir le risque d'être emprisonnées. Par ailleurs, l'Australie a institué les bureaux de vote mobiles pour faciliter le vote de ceux qui ne peuvent se déplacer. Toutefois, d'après une étude réalisée par les chercheurs de l'Université de Montréal et intitulée the paradox of compulsory voting : participation does not equal political knowledge, « le vote obligatoire ne crée pas nécessairement des citoyens informés des enjeux politiques... » (Couture, 2008 : 1-2) ce qui ne traduit forcément pas, une attention aux choses politiques. Ceci étant, la participation massive des citoyens aux élections est une préoccupation permanente dans plusieurs Etats du monde, conduisant à la mise en oeuvre d'une variété de stratégies diverses, fortement influencées par les conjonctures politiques (Gaxie, 2000 : 34), afin de stimuler la participation. A cet effet, au Cameroun contrairement à certains pays, le vote n'est pas obligatoire, il s'agit plutôt d'un droit. Ce qui a nécessité l'adoption des stratégies particulières d'incitation à la participation électorale dont les résultats restent relatifs. Nous présenterons à cet effet, d'une part la mobilisation des ressources expressives et incitatives et d'autre part les ressources rédistributives et coercitives.

SECTION1 : LA MOBILISATION DES RESSOURCES EXPRESSIVES ET INCITATIVES

La lutte contre l'abstentionnisme électoral au Cameroun a conduit à la mise en oeuvre d'une batterie de mesures. C'est ainsi que, différents acteurs sociopolitiques camerounais ont mobilisé d'énormes ressources parmi lesquelles, les ressources expressives et incitatives qui n'ont cessé de varier selon les conjonctures politiques et selon la nature de l'élection. Toujours est-il que, ces ressources ont contribué dans une certaine mesure à l'atténuation de ce phénomène. En effet, la mobilisation des ressources va consister en la multiplication des appels à l'inscription, la participation électorale et la diversification des campagnes d'inscription sur les listes électorales sans oublier les appels au vote.

PARAGRAPHE 1 : LA MULTIPLICATION DES APPELS A L'INSCRIPTION ET A LA PARTICIPATION ELECTORALE

Nous présenterons dans cette perspective d'une part le recours à la multiplication des discours à l'inscription sur les listes électorales et d'autre part des exhortations à la participation électorale.

A- LA MULTIPLICATION DES PRISES DE PAROLE VISANT LA SENSIBILISATION POUR L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES

C'est en réalité une stratégie par laquelle plusieurs acteurs sociopolitiques luttent contre l'abstentionnisme électoral. Ainsi, autant les techniques sont variées, autant les acteurs aussi. Dans cette logique, les entreprises politiques appellent généralement leurs militants à s'inscrire sur les listes électorales. L'illustration la plus significative est le cas du RDPC qui ne cesse de sensibiliser ses militants en particulier et les camerounais en général, à s'inscrire massivement sur les listes électorales à travers des tactiques diverses, comme celle mettant en oeuvre l'utilisation des affiches et des banderoles. A l'exemple de cette banderole appelant les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales en ces termes :  « Pour voter en 2011, je m'inscris sur les listes électorales dès aujourd'hui202(*) ». De même, ELECAM met à contribution les banderoles et les affiches, dans les villes et villages, sur lesquelles nous avons pu lire : « électeurs, électrices, inscrivez-vous afin d'exercer votre droit de vote, car si voter est un droit, s'inscrire est un devoir ». Tandis que l'ONEL de son côté, avait inscrit sa stratégie dans les tournées de sensibilisation et d'information dans tout le pays afin d'expliquer aux camerounais l'importance des inscriptions, visant ainsi à construire un corps électoral crédible par rapport au chiffre de la population203(*). Aussi, il avait entrepris des campagnes d'éducation civique en 2004 et avait mis sur pied des caravanes qui ont par la suite sillonné le territoire pour expliquer aux populations l'importance des inscriptions sur les listes204(*).

La nécessité de construire un corps électoral crédible a amené les entreprises politiques et ELECAM à utiliser les médias pour faire passer leurs messages de sensibilistaion et d'appel aux inscriptions sur les listes électorales. Ainsi, les responsables du parti au pouvoir n'ont cessé de mettre à contribution la radio, la presse écrite, mais surtout la télévision pour appeler les citoyens à s'inscrire sur les listes. Ce fut le cas sur la Crtv, plus précisément à « l'émission espace politique » où les responsables de ce parti ne perdent pas une occasion pour appeler les citoyens voire leurs militants à s'inscrire sur les listes. ELECAM utilise aussi la radio à travers les spots diffusant les messages d'appels aux inscriptions sur les listes, et une variété d'émissions comme celle diffusée sur la Crtv-Ouest, dénommée « Espace ELECAM ». La télévision n'est pas en reste : à travers elle, le président d'ELECAM n'a pas hésité à inviter particulièrement les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales et à inciter les partis politiques à mobiliser leurs militants et sympathisants afin qu'ils s'inscrivent sur les listes205(*). Cette institution entreprend aussi des multiples campagnes de sensibilisation visant à amener les citoyens à s'inscrire sur les listes, en mettant à contribution les chefs traditionnels206(*). Ce qui a certainement conduit le Nfon Mukete, chef d'un village dans le Sud-Ouest, à insister auprès de ses sujets afin qu'ils s'inscrivent sur les listes électorales en considérant cet acte : « Comme un acte de loyauté...207(*) » ce qui fait de l'inscription sur les listes « Un acte de réaffirmation de la cohésion de la communauté » (Offerle, 1993 : 138). Pour cette raison, plusieurs acteurs sociopolitiques attachent du prix à l'inscription des citoyens sur les listes électorales. Ce qui se manifeste par les actions de sensibilisation menées par les institutions en charge de l'organisation des élections, mais davantage par les partis politiques qui y ont naturellement le plus d'intérêt ; étant donné que leur grandeur augmente avec le nombre de ceux qui sont supposés leur faire confiance (Gaxie, 2000 : 35). Ainsi, même si le SDF et le MP n'ont pas formellement demandé à leurs militants de se faire inscrire sur les listes, cela ne suppose pas pour autant qu'ils y sont opposés ; tout au contraire, ils tiennent à ce qu'un certain nombre de préalables soit pris en compte. En conséquence, M. J-J Ekindi s'interroge sur le pourquoi il doit demander à ses militants et sympathisants d'aller se faire inscrire s'il ne peut pas les rassurer que leurs voix vont compter208(*).

Cependant, la position des partis comme le SDF s'inscrivant dans le boycott d'ELECAM va entraîner des désaccords en son sein voire des défections. Dès lors, les responsables de ce parti comme Mme Kah Walla, contrairement à la position officielle du SDF estimera que, même avec ELECAM dans sa configuration actuelle, l'opposition peut battre le RDPC. Son objectif en effet, consiste à faire inscrire le maximum de personnes. Car selon elle, il est plus facile de détourner cent mille voix que de détourner un million de voix. C'est pourquoi elle invite les Camerounais à anéantir la peur et à s'impliquer dans l'exercice de leur droit en s'inscrivant massivement sur les listes électorales. Cette position de Mme Kah Walla a été soutenue par M. Hilaire Kamga209(*).

Pareillement, M. Titi Nwel en appelant les camerounais à s'inscrire estime qu'ils doivent cesser d'être les étrangers chez eux. Selon lui, « Le camerounais sans carte d'électeur est un expatrié dans son propre pays ». Ce qui va l'amener à stigmatiser la position des partis d'opposition qui n'incitent pas les citoyens par leurs déclarations à se faire inscrire sur les listes.210(*) Dans le même sillage, M. Mboua Massock va appeller les camerounais à s'inscrire massivement sur les listes électorales afin d'opérer l'alternance en 2011211(*). L'objectif pour cet acteur, vise à stimuler les inscriptions de ceux des camerounais dont la seule motivation est l'alternance démocratique afin qu'ils s'engagent. Or, cela n'est possible que par l'inscription sur les listes électorales et le vote effectif. Une façon de répondre aux discours du parti au pouvoir qui n'encourage l'inscription sur les listes électorales que pour s'assurer de la conservation du pouvoir212(*). L'enjeu des discours de sensibilisation à l'inscription sur les listes électorales étant la possibilité de remporter la compétition, les acteurs vont s'atteler à la stimuler à travers des techniques variées. C'est le cas par exemple de la condamnation par certains acteurs, du fait que le droit de vote n'ait pas été limité à 18 ans, ce qui selon eux est une tactique d'exclusion. En fait, c'est le procédé de lutte contre l'abstentionnisme électoral de M. Abel Eyinga qui n'avait pas hésité à qualifier le code électoral, de « code d'exclusion » au regard du nombre de camerounais de 18 ans qu'il exclut, au profit de ceux de 20 ans (Nkainfon Perfura, 1994 : 226-227). D'où la réflexion de M. Magloire Ondoa, lorsqu'il souligne qu'on ne peut pas comprendre qu'un étudiant de 18 ans, titulaire d'un diplôme de maîtrise, donc a priori doté d'une certaine compétence, ne puisse pas prendre part au vote ; alors qu'un autre jeune, moins diplômé ou pas du tout, soit capable de voter même s'il ne jouit a priori d'aucune compétence politique, simplement parce qu'il est âgé de 20 ans et plus213(*).

Dans tous les cas, répondant aux logiques abstentionnistes, le président de la République va inviter les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales en déclarant que : « Je vous invite instantanément a vous inscrire sur les listes électorales. Le droit de vote ne l'oubliez pas est l'un des droits fondamentaux du citoyen que celui-ci à le devoir d'exercer214(*) ». Cette position du chef de l'Etat vise avant tout à prendre position par rapport aux réserves émises par certains partis politiques d'opposition, organisations non gouvernementales et institutions internationales par rapport à la crédibilité d'ELECAM. Ce qui entre en droite ligne de la logique Bourdieusienne, qui veut que « la position sociale conditionne la prise de position ». Au-delà de la position du pouvoir, certains responsables politiques sans pourtant confirmer la crédibilité d'ELECAM, estiment qu'ils iront aux élections même avec ELECAM dans sa configuration actuelle, d'où cette déclaration de M. Paul Zambo : « Qu'ELECAM soit bon ou mauvais nous irons aux élections, il faut donc s'inscrire sur les listes215(*) ». Ainsi, les incitations aux inscriptions sont proférées à l'endroit de tous les citoyens par un certain nombre de responsables politiques. Par ailleurs, cela n'empêchera pas le SDF de continuer à conditionner son appel aux inscriptions avec la prise en compte de ses 11 préalables216(*) il s'agit de :

- La refonte des listes électorales.

- Le respect scrupuleux de la loi portant création et organisation d'Elecam, notamment les dispositions des articles 08 et 13 relatives à l'indépendance et à l'impartialité des membres du conseil électoral et de la direction générale d'Elecam.

- La nomination dans les meilleurs délais de ces nouveaux membres du conseil électoral et de la direction générale d'Elecam, ainsi que de l'application des mêmes dispositions aux représentations régionales, départementales et communales d'Elecam.

- L'introduction des données biométriques dans l'établissement des listes électorales et des cartes d'électeur.

- L'exclusion totale et sans ambiguité du MINATD du processus électoral.

- L'implication des partis politiques à tous les niveaux de prise de décisions notamment au sein de toutes les commissions chargées de l'organisation et de la conduite des élections.

- L'utilisation d'un bulletin de vote unique.

- L'instrumentalisation d'une élection présidentielle à deux tours.

- La dotation d'Elecam d'une autonomie financière effective.

- La mise en place des dispositions précises pour interdire l'engagement des fonctionnaires, des responsables publics et parapublics dans les campagnes électorales.

- La participation effective de la diaspora camerounaise aux échéances électorales.

Il en résulte que, les appels aux inscriptions sur les listes électorales sont parfois entravés par des exigences pouvant compromettre l'engouement des camerounais pour les inscriptions. Mais à côté de cette position du SDF, certaines églises n'ont pas hésité à appeler les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales, c'est le cas de la conférence épiscopale et de l'assemblée générale de l'église présbitérienne217(*). C'est une prise de position importante lorsqu'on connaît le poids des églises au Cameroun et surtout leur emprise sur les citoyens. Au demeurant, les appels aux inscriptions sur les listes entrepris visent non seulement à inciter les camerounais à s'inscrire, mais aussi et surtout à leur faire participer aux élections.

B- LA MULTIPLICATION DES EXHORTATIONS A LA PARTICIPATION ELECTORALE

Le recours aux appels à la participation électorale mettra en jeu une fois de plus le rôle prépondérant des partis dans l'incitation des citoyens à la participation aux élections. Cependant, les exhortations du président de la République faisant de la participation aux élections une preuve de civisme afin de concurrencer le discours abstentionniste (Owona Nguini, 1997 : 698) démontre qu'au-delà des partis politiques, la participation constitue un enjeu important qui nécessite l'intervention des institutions républicaines. C'est ainsi que, le chef de l'Etat se déclara prêt à favoriser la démocratie en voyant ce qu'il faut faire pour encourager une participation massive des partis politiques aux élections (Owona Nguini, 1997 : 699). A cet effet, le gouvernement fera recours aux acteurs externes tels que, Valery Giscard D'Estaing, Charles Pasqua et Guy Penne, pour légitimer le processus électoral et convaincre les partis à participer aux élections. Dès lors, ces personnalités toutes Françaises inciteront les formations politiques d'opposition à aller aux élections législatives du 1er Mars 1992. A ce propos, l'une d'elles clamera que : « Le seul moyen de mesurer l'importance des partis politiques, c'est de pouvoir aller voter, on ne peut juger l'importance des partis qu'après le décompte des voix218(*) », l'objectif étant d'encourager les partis politiques consituant le pool de l'abstentionnisme à participer aux élections.

Par ailleurs, les autorités administratives demanderont aux citoyens de leurs localités respectives de faire le retrait de leurs cartes d'électeur afin de pouvoir prendre part au vote. C'est dans cette stratégie que s'inscrit la position du gouverneur du Littoral M. Gounoko Haounaye, qui exhorte les électeurs de retirer leurs cartes dans les différentes sous-préfectures de son territoire de commandement et plus précisement de la ville de Douala, lors des élections législatives et municipales de 2007219(*). Ceci est révélateur dans une région réputée être l'une des plus abstentionniste du pays depuis 1992, avec comme « grenier » le département du Wouri. On en a pour preuve les élections législatives de 1992, où le taux d'abstention était de 30.2% dans le Littoral (Owona Nguini, 1997 : 772) avec un taux de 35.93% dans le Wouri220(*). Tandis qu'à l'élection présidentielle de 1992, ce taux est de 26.28% dans le Littoral et de 24.1% dans le Wouri221(*). Suivant la même logique, à l'élection présidentielle de 1997, ce taux est de 35.54% dans le Littoral et de 43.17% dans le Wouri222(*). Alors qu'il est de 58.58% aux municipales de 1996 dans le Wouri, (Elan Tchoumba, 2004 : 41) il est de 68% au moment des inscriptions sur les listes électorales en Août 2010.223(*) Dans la même stratégie, le sous-préfet de l'arrondissement d'Ebolowa recommandera aux acteurs politiques d'insérer le volet « Distribution des cartes d'électeurs dans leur programme de campagne224(*) ». A la négligence des partis face à la distribution des cartes, les autorités administratives vont à travers leurs exhortations rappeler que la campagne ne sert à rien si les électeurs ne peuvent entrer en possession de leurs cartes, puisqu'elles seules leur permettront de participer au vote. Dans tous les cas, le souci de participation n'est pas la seule préoccupation des partis, mais aussi celle des autorités politiques et administratives. Le chef de l'Etat affimera par exemple que : « j'espère que vous serez nombreux à allez voter le 22/07/2007225(*) ». De même, plusieurs partis tels que : le RDPC, le SDF, l'UDC et l'AFP vont à la veille des législatives et municipales de 2007, recommander à leurs militants et sympathisants avec insistance de se rendre massivement dans les bureaux de vote. Dans la même dynamique, le président de la commission régionale de la campagne du RDPC va recommander aux présidents communaux et aux candidats de retirer les cartes d'électeurs et de les distribuer226(*) aux citoyens, afin qu'ils prennent part au vote le jour de l'élection. On constate donc que, la majorité des discours insiste sur l'importance de la participation électorale, en condamnant inversement l'abstention (Hastings, 1996 : 65). Cette situation s'est manifestée lors de l'élection présidentielle de 1997, par la campagne autour du mot d'ordre de « boycottez le boycott » (Sindjoun, 1999 : 313). Il faut comprendre alors que les acteurs politiques même ceux qui prônent l'abstention ne le souhaitent pas vraiment, mais par leur stratégie ils cherchent à ce que la participation des citoyens reflète réellement leur volonté. Cependant, ces exhortations à participer restent insuffisantes. C'est la raison pour laquelle il est entrepris des campagnes d'inscription sur les listes.

PARAGRAPHE 2 : LA DIVERSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES

Plusieurs campagnes d'inscription seront organisées dans le pays à travers une diversité de stratégies développées par des acteurs sociopolitiques de tous bords. Ces campagnes vont déboucher sur les mesures de persuasion au profit du vote. Ce qui nous conduit à présenter d'une part l'intensification des campagnes d'inscription sur les listes électorales et d'autre part, les tactiques incitatives mises en oeuvre au profit de la participation.

A- L'INTENSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION

En effet, plusieurs techniques sont développées. Concernant ELECAM, elle a mis sur pied une battérie de techniques qui sont déployées par le biais des « équipes mobiles » et des « équipes fixes ». En ce qui concerne les « équipes mobiles », elles contribuent à l'inscription de nombreux camerounais et se déploient essentiellement à travers la tactique du « porte à porte ». Ainsi, elles (équipes mobiles) facilitent l'inscription des personnes qui ne peuvent se déplacer dans les lieux agréés pour le faire à cause de la distance ou pour tout autre raison. C'est justement grâce à elles que les personnels des services publics, privés, parapublics et certains étudiants ont été inscrits dans la ville de Dschang et dans bien d'autres villes. Elles permettent à cette institution de se déplacer, de « se rendre à ceux qui ne viennent pas à elle », en sillonant les coins reculés et les lieux publics pour inscrire les gens. Le but visé étant de contourner le problème de distance qui constitue l'une des causes majeures de la non-inscription sur les listes. C'est grâce à elle que de nombreux commerçants et autres citoyens dans la ville de Yaoundé, ont été inscrits sur les listes électorales comme nous avons pu observer au marché central. De même, le personnel de la gendarmerie, du commissariat, du camp militaire, de l'Université de Dschang, du lycée classique, de l'ENIEG, d'autres services et institutions de la ville de Dschang227(*) se sont fait inscrits grâce au « porte à porte ». De plus, par cette tactique et en fonction d'un ordre de passage préalablement établi de nombreux villageois ont été inscrit sur les listes électorales dans la commune de Dschang, sans s'être rendus dans les bureaux d'inscription agréée par ELECAM. Cela implique que, les personnes qui normalement devaient se rendre en ville pour se faire inscrire ont été inscrites sur place, c'est-à-dire dans leurs villages ou lieux de résidence par les équipes mobiles d'ELECAM.

Tableau n°21 : CALENDRIER DE DESCENTES SUR LE TERRAIN POUR LES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS LA COMMUNE DE DSCHANG

LIEUX

DATES

CENTRE-URBAIN

Du 04-10-2010 au 18-10-2010

FOTO (zone rurale)

DU 19-10-2010 au 03-11-2010

GROUPEMENT FOSSONG-WENTCHENG

LE 04-11-2010

GROUPEMENT FONGO-NDENG

LE 05-11-2010

GROPEMENT FOTETSA

LE 08-11-2010

Source : Antenne Communale d'ELECAM-Dschang

Cette stratégie a favorisée l'inscription de milliers de villageois sur les listes électorales. Il est donc clairement prouvé à partir de ce tableau que : « si les gens ne viennent pas à ELECAM, ELECAM, ira à eux228(*) ». Cependant, cette tactique s'est opérationalisée dans les villages avec parfois la contribution des chefs traditionnels, qui sont chargés de rassembler leurs sujets dans les lieux de marché selon le calendrier de passage qu'ELECAM arrête avec eux. Ce qui a permis l'inscription de plusieurs personnes dans les villages, comme nous l'a confirmé le responsable de l'antenne communal d'ELECAM de Dschang229(*). De même, les services publics, privés et para-publics seront mis à contribution, pour permettre l'inscription de leurs personnels sur les listes électorales. C'est l'objet de cette correspondance n°002/10/ELECAM/DGE/DRO/ADM/ACD que le chef d'antenne d'ELECAM-Dschang a transmis à Monsieur le délégué départemental des enseignements sécondaires. C'est également à travers le « porte à porte », que les communautés réligieuses et ethniques seront elles aussi mises à contribution. A titre d'illustration, l'assemblée traditionnelle Sawa, par le biais du « Ngondo » a lancé une caravane pour les inscriptions sur les listes. Celle-ci a sillonée les six (06) Cantons du Wouri et a facilité à l'inscription des centaines de personnes230(*).

Par contre, les « équipes fixes » permettent d'inscrire les personnes dans les lieux agrées ou dans les sièges d'ELECAM. En réalité, ce sont des lieux permanents d'inscription sur les listes dont l'efficacité réside dans sa visibilité, c'est ce qui a motivé ELECAM-Dschang à déplacer son emplacement du quartier Foréké pour le centre administratif. Parallèlement à cette institution, le RDPC a mis sur pied une série de stratégie pour amener les populations à s'inscrire sur les listes électorales. Il a par exemple institué en son sein les comités régionaux, départementaux et communaux pour les inscriptions sur les listes électorales dans l'ensemble du pays231(*). Ces comités ont à leurs têtes des personnalités qui sont par ailleurs des membres soit du comité central, soit du bureau politique du parti. Ainsi, dans la région de l'Ouest à titre d'illustration, le président du comité régional est M. Mbombo Njoya alors que dans celle de l'Extrême-Nord, il s'agit de M. Cavayé Yeguié Djibril. Quant-aux comités départementaux, le président de celui du Mfoundi est M. Gilbert Tsimi Evouna tandis que celui du Moungo est M. Sigfried Etame Massoma232(*). Grâce à ces différents comités des milliers de personnes seront inscrites. A cet effet, le découpage des comités communaux en « Zones » dans le Noun selon M.Oumarou Mefiré, président du comité départemental du Noun a permis de « Quadriller le terrain » ce qui a favorisé l'augmentation des inscriptions sur les listes électorales à près de 10%, amenant le taux d'inscription dans le Noun à plus de 50 mille inscrits233(*). Globalement donc, ces comités ont permis l'inscription des milliers de camerounais sur les listes électorales dans l'ensemble du pays. En conséquence, à partir de l'augmentation des taux d'inscription dans certains départements du Cameroun, on peut déduire que ces commissions ont contribué significativement à la croissance des inscriptions sur les listes électorales dans l'ensemble du pays.

Tableau n° 22 : LES NOUVEAUX INSCRITS SUITE A LA CAMPAGNE D'INTENSIFICATION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS 03 COMMISSIONS DEPARTEMENTALES DE 03 REGIONS.

REGIONS

DEPARTEMENTS

NOMBRE DES NOUVEAUX INSCRITS PAR DEPARTEMENT

CENTRE

MFOUNDI

45.342

EST

BOUMBA et NGOKO

58.138

LITTORAL

MOUNGO

50.000

Source : Compilation de l'auteur à partir des Sites : www.Scores2000.Info et Cameroon-Oline.Com.

A partir du tableau ci-dessus dont les départements ont été choisis de façon arbitraire, on comprend que ces comités et l'ensemble des stratégies développées par le RDPC participent à l'augmentation du nombre des inscrits sur les listes électorales. C'est d'ailleurs ce que reconnait M. René SADI, lorsqu'il affirme que : « Les résultats que nous avons sur le terrain sont encourageants et démontrent que nous avons eu raison de lancer cette campagne, car des centaines des milliers de camerounais sont aujourd'hui inscrits234(*) ». De même, certaines associations ont aidé à l'inscription sur les listes électorales. C'est le cas de l'association « Cameroon Obosso », qui a facilité l'inscription des citoyens sur les listes électorales en organisant de façon régulière des « descentes sur le terrain » avec les « équipes mobiles » d'ELECAM afin de procéder à l'inscription des citoyens sur les listes et particulièrement des jeunes. En conséquence, le 11/02/2011 les équipes de cette association ont permis l'inscription sur les listes électorales dans cinq (05) départements du Cameroun de plus de trois mille (3000) jeunes235(*). De façon globale, les stratégies du RDPC, d'ELECAM et de bien d'autres acteurs ont contribué à l'augmentation du nombre des inscrits sur les listes électorales dans l'ensemble du pays.

Tableau n°23 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES PAR REGION DE 2007 AU 10 JUIN 2011

 

REGIONS

POPULATION

TOTALE

POPULATION

ELECTORALE

(45%)

INSCRITS
2007

ELECTEURS A

INSCRIRE

ELECTEURS

INSCRITS DEPUIS AOUT

2010

NOMBRE TOTAL D'INSCRITS DE 2007 AU 10 JUIN 2011

ADAMAOUA

1 015 622

457 029

262 180

194 849

136 485

398 665

CENTRE

3 525 664

1 586 548

771 475

815 073

309 920

1 081 395

 EST

801 968

360 885

263 145

97 740

99 795

362 940

EXT-NORD

3 480 414

1 566 186

1 035 486

530 700

249 313

1 284 799

LITTORAL

2 865 795

1 289 157

630 984

658 173

207 624

838 608

NORD

2 050 229

922 603

399 952

523 551

166 406

566 358

NORD-OUEST

1 804 695

812 112

503 660

228 452

149 936

653 596

OUEST

1 785 285

803 378

524 303

279 075

184 224

708 527

SUD

692 142

311 463

219 035

92 428

78 322

297 357

SUD-OUEST

1 384 286

622 928

457 616

165 312

136 924

594 540

TOTAL

 

8 732 289

5 067 836

3 585 353

1 718 949

6 786 785

Source : www.Elecam.Cm

L'augmentation des taux d'inscription est donc liée à la combinaison des actions de certains acteurs sociopolitiques mais particulièrement d'ELECAM et du RDPC qui depuis octobre 2010, ont entrepris des actions de neutralisation de l'abstentionnisme. C'est ainsi qu'au mois de Juin 2011, on peut constater une nette évolution du nombre d'inscrits par rapport à ceux de 2007. Ce qui peut s'expliquer par le fait que les stratégies mises en oeuvre par les acteurs sociopolitiques pour booster les inscriptions sont régulièrement améliorées. C'est dans ce sens que M. René Sadi estime que : « Le RDPC est entrain de redéfinir des nouveaux axes de mobilisation pour stimuler les campagnes d'inscription sur les listes236(*). Ainsi, « les réunions d'évaluation à mis parcours » mises en oeuvre par le RDPC lui permettent d'ajuster ses stratégies, de voir ce qui ralentit les inscriptions et de l'améliorer. C'est Ainsi que, M. Adjibolo Philémon a profité de l'une d'elles pour menacer certains Maires-RDPC de la région de l'Est qui selon lui, ne faciliteraient pas le travail des comités d'inscription dans la région. De ce fait, il prétend que ceux des Maires qui n'aident pas les comités, doivent savoir qu'il n'est pas certain qu'aux prochaines élections municipales ils soient les candidats du parti237(*). L'autre stratégie de lutte contre l'abstentionnisme électoral bien qu'illégal a consisté pour certaines autorités administratives et commissions mixtes chargées des inscriptions sur les listes électorales à continuer les inscriptions malgré la convocation du corps électoral. C'est ce qu'avait constaté l'ONEL lors des élections législatives et municipales de 2002, en estimant que les inscriptions sur les listes électorales malgré la convocation du corps électoral, se sont poursuivies parfois jusqu'à la veille des élections238(*), en violation des dispositions légales en la matière. Elle a contribué à l'augmentation des inscriptions sur les listes malgré son caractère illégal. De même, il sera entrepris l'inscription des aveugles et mal voyant sur les listes électorales par M. Paul Tezano, président de l'Association des aveugles et mal voyants du Cameroun. Dès lors, il procédera à l'établissement des cartes nationales d'identité à ceux qui n'en possèdent pas et facilitera l'inscription de ceux déjà détenteurs239(*). Dans tous les cas, la nécessité de rendre efficace les inscriptions intensives sur les listes conduira à la prise d'un certain nombre d'actions incitatives au profit de la participation électorale.

B- LA FACILITATION DE LA PARTICIPATION ELECTORALE

La mise en confiance des citoyens est l'entreprise dans laquelle se sont investis l'ONEL et ELECAM. Ces institutions s'évertueront à rassurer les citoyens par rapport à leur crédibilité240(*). Or pour y parvenir, l'ONEL procédera par exemple à la délocalisation de nombreux bureaux de vote des domiciles privés, des commissariats et des gendarmeries considérés comme les lieux de répressions et d'intimidation au profit des établissements scolaires, des centres de santé et des hangars construits pour la circonstance. En conséquence, 1194 bureaux de vote seront délocalisés sur l'ensemble du territoire241(*). De même, l'ONEL organisera le retrait des cartes électorales avec la contribution des partis politiques, tout en accentuant les opérations de « porte à porte » liées à la distribution des cartes d'électeur pendant la campagne électorale. A titre d'illustration, M. Amadou Moustapha président de l'ANDP exhortera ses militants et sympathisants dans le Dja et Lobo à rétirer leurs cartes d'électeur afin de participer aux élections242(*). C'est pour le même objectif que le préfet du Wouri, M. Bernard Atede ordonnera le dépôt des cartes d'électeur dans toutes les sous-préfectures et chefferies de son unité de commandement jusqu'à 18h afin de permettre aux citoyens de s'en procurer avant ou le jour du vote. Il insistera pour que les cartes d'électeurs soient déposées dans les bureaux le jour du vote243(*).

En outre, l'ONEL insistera auprès des autorités administratives afin que celles-ci distribuent un maximum de cartes d'électeur de la manière la plus rationnelle et a même parfois usé d'injonction pour que ces autorités les distribuent sans discrimination. Cette institution informera les citoyens dans les lieux de cultes et par voie d'affichage en les exhortant à retirer leurs cartes d'électeurs là où ils étaient inscrits244(*). Par cette technique l'ONEL visait ainsi à pallier aux accusations de « distributions sélectives » des cartes d'électeurs qui ont longtemps entravé la participation de nombreux citoyens. Car, pour plusieurs raisons de nombreux camerounais étaient privés de leurs cartes d'électeurs et par conséquent étaient tentés de s'abstenir, ignorant que l'on peut voter avec la carte nationale d'identité à condition que le nom figure sur la liste électorale. En tout état de cause, la participation électorale est aussi stimulée par la mobilisation des ressources redistributives et coercitives.

SECTION 2 : LA MOBILISATION DES RESSOURCES REDISTRIBUTIVES ET COERCITIVES

Depuis les législatives de 1992, un certain nombre d'actions ont été entreprises dans le champ sociopolitique camerounais pour inciter à la fois les partis politiques et les citoyens à prendre part aux élections. C'est ainsi qu'afin d'inciter les partis politiques d'opposition à participer à l'élection présidentielle anticipée de 1992, le président de la République va reporter la date du scrutin au 1er mars (Owona Nguini, 1997 : 698). En effet, l'abstentionnisme va conduire les acteurs sociopolitiques à prendre des dispositions fortes dans le but d'améliorer la participation électorale. Ce qui va permettre la mise en oeuvre des mesures liées à la carte nationale d'identité et aux partis politiques ; la création de nouvelles institutions compétentes en matière électorale et la mise en garde contre les tentatives de perturbation du déroulement de l'élection.

PARAGRAPHE 1 : LA MISE SUR PIED DES MESURES LIEES A LA CARTE NATIONALE D'IDENTITE ET AUX PARTIS POLITIQUES

Il est question pour nous de présenter d'une part les mesures inhérentes à la carte nationale d'identité et d'autre part celles liées aux partis politiques.

A- LA MISE SUR PIED DES MESURES LIEES A LA CARTE NATIONALE D'IDENTITE

Les stratégies variées ont été mises sur pied pour permettre à tous ceux qui n'ont pas de cartes d'identité d'en posséder puisque, sans carte d'identité personne n'est autorisé à s'inscrire sur une liste électorale. C'est dans cette optique que le président de la République a pris une série de mesures visant à permettre aux citoyens de disposer d'une carte d'identité. D'où la signature le 19/05/2011 du décret rendant l'établissement des cartes d'identité gratuite afin de pallier a leur coût élevé et encourager dans la foulée les inscriptions sur les listes électorales. Cette mesure fut la bienvenue étant donné que l'un des obstacles majeurs des inscriptions des citoyens est le manque de cartes nationales d'identité. Par ailleurs, cette mesure du chef de l'Etat n'est pas la première. Elle rejoint bien d'autres qu'il avait déjà prises par le passé comme celles de 2002 sur proposition de l'ONEL. En fait, l'ONEL avait proposé au gouvernement le maintien de la validité de la carte nationale d'identité en carton pour les inscriptions lors des élections législatives et municipales de 2002. Répondant à cette proposition, par décret n°2002/023 du 23/01/2002 le président de la République décida de proroger la validité de la carte d'identité en carton jusqu'au 31/12/2003. Par un autre décret, il prorogea à nouveau ledit délai245(*). L'objectif une fois de plus était de permettre à un maximum de citoyens de s'inscrire sur les listes afin d'exercer le moment venu leur droit de vote. Ainsi, des mesures allégeant les formalités en matière d'établissement et de délivrance de la carte nationale d'identité informatisée seront entreprises par le chef de l'Etat. Par décret il ordonnera la réduction de moitié les frais d'obtention de la carte, la faisant passer désormais de 5000f à 2500f246(*). Suivant la même logique, il fera passer cet instrument de 5000f (officiellement) à 2800f jusqu'au mois d'Août 2011 et c'est à la suite de multiples chantages de la part de certaines élites à l'égard des citoyens qu'il semblerait que la mesure de la gratuité a été prise. D'après certaines indiscrétions, certaines élites et responsables du parti au pouvoir n'hésitaient pas à conditionner l'établissement de cet instrument aux populations au vote du candidat Paul Biya à la prochaine élection présidentielle. Ce qui peut s'illustrer par cette position de M. Henri Eyebe Ayissi, lorsqu'il déclare que : « Nous sommes prêts à supporter les 2800 f.cfa de frais d'établissement de la carte nationale d'identité, à condition que nous soyons sûrs qu'ils vont voter Paul BIYA247(*) ». S'inscrivant dans la dynamique entreprise par le chef de l'Etat liée à la gratuité de la carte nationale d'identité, le Délégué Général à la Sureté Nationale entreprendra la création des postes d'identification mobiles surtout dans les zones rurales248(*). En effet, celui-ci prendra six (06) mesures249(*) pour accompagner la décision du chef de l'Etat. Elles sont entre autre :

- Le déploiement des équipes mobiles d'identification chargées chacune de couvrir au moins un département du territoire national.

- L'identification de proximité par la mise en mouvement des groupes mobiles d'identification gravitant autour des centres d'identification pour se rapprocher le plus possible des demandeurs de cartes nationales d'identité.

- L'amélioration du fonctionnement des 350 postes d'identification fixes existants, disséminés sur l'ensemble du territoire national pour un rendement qualitatif et efficient.

- La réouverture des postes d'identification jusqu'alors fermés et éventuellement la création des nouveaux postes d'identification au gré des besoins exprimés.

- Le renforcement des équipes de travail dans les postes d'identification ainsi que dans les centres d'authentification et les structures de production.

- L'intensification de la distribution de proximité des cartes nationales d'identité en souffrance.

En conséquence, on peut constater que depuis le décret ordonnant l'établissement gratuit des cartes d'identité, les commissariats ne désemplissent pas de monde. L'argumentaire de son coût élevé comme cause importante de la non-inscription sur les listes électorales prend donc tout son sens. Ainsi, à la lecture des chiffres publiés par la direction générale des élections, l'on est passé de 1,6 million en mai 2011 à 1,8 million au 30 juin 2011. Une progression qui aurait un rapport avec la mesure présidentielle instaurant la gratuité de la carte nationale d'identité informatisée sur l'ensemble du territoire camerounais, mesure qui court jusqu'à la fin du mois d'août 2011250(*). Pour rendre cet objectif davantage efficace, le Directeur général d'ELECAM, M. Mohaman Tanimou a indiqué que, l'on pouvait désormais s'inscrire auprès des antennes d'ELECAM ou des commissions de revision des listes électorales sur la base d'un récépissé de la carte nationale d'identité, accompagnée de la copie d'acte de naissance251(*). Dans tous les cas, depuis la mise en oeuvre combinée de ces mesures les inscriptions ont évolué. A titre d'exemple, M. Hippolyte Tchoutezo déclare que depuis la gratuité de la carte nationale d'identité, ils ont déjà procédé à l'inscription de plus de 2408 personnes dans la Mifi-centre252(*). En réalité, toutes ces mesures se font ressentir sur l'évolution des taux d'inscription sur les listes électorales dans l'ensemble du pays depuis Novembre 2010.

Tableau n°24 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES PAR REGION DE NOVEMBRE 2010 A JUIN 2011.

 

REGIONS

INSCRITS
NOV. 2010

INSCRITS
DEC. 2010

INSCRITS
JAN. 2011

INSCRITS
FEV. 2011

INSCRITS
MAR.2011

INSCRITS
AVR. 2011

INSCRITS
MAI. 2011

INSCRITS AU 10 JUIN 2011

ADAMAOUA

42 525

65 019

79 953

92 304

106 358

124 326

132 944

136 485

CENTRE

52 456

88 371

115 937

150 353

190 225

264 834

298 548

309 920

 EST

48 463

58 760

67 206

75 746

84 390

92 606

97 242

99 795

EXT-NORD

55 254

109 361

142 332

164 016

189 511

218 495

238 619

249 313

LITTORAL

31 110

59 300

83 254

111 920

147 926

180 851

200 581

207 624

NORD

58 308

91 845

106 326

121 364

137 607

153 498

162 614

166 406

NORD-OUEST

39 087

55 010

68 828

84 787

102 526

130 051

142 707

149 936

OUEST

45 889

75 926

96 175

124 646

127 189

168 424

177 051

184 224

SUD

24 582

38 831

48 038

52 606

58.339

71 877

77 780

78 322

SUD-OUEST

34 629

48 223

62 338

77 184

95 385

119 068

132 813

136 924

TOTAL

432 303

690 646

870 387

1 054 926

1 239456

1 524 030

1660 899

1 718 949

Source : www.Elecam.Cm

Il convient donc de dire à partir du tableau ci-dessus que ces mesures ont eu un impact significatif sur le rythme des inscriptions sur les listes électorales. Etant donné que, même avant la gratuité de la carte nationale d'identité plusieurs responsables du parti au pouvoir organisaient déjà les campagnes d'établissement de celle-ci dans plusieurs localités du pays. Ce qui avait permis l'établissement de milliers de cartes nationales à de nombreux citoyens. C'est ainsi, que dans la région du centre, le responsable du comité communal du RDPC chargé des inscriptions sur les listes électorales à Ndikinimeki a établi 3000 cartes nationales d'identité afin de permettre aux citoyens de s'inscrire sur les listes253(*). Pareillement, le Maire de Nkongsamba a fait confectionner plus de 500 cartes nationales d'idendité et collecter pour le compte du RDPC, 3.850.000 f.cfa, pour couvrir les campagnes d'inscriptions sur les listes électorales dans le Moungo254(*). Il est donc clair que toutes les actions qui ont été entreprises au profit de la carte nationale d'identité contribuent à justifier dans une certaine mesure les chiffres du tableau suscité. Ces actions n'ont pas été entreprises exclusivement par le parti au pouvoir et le chef de l'Etat, les organisations non gouvernementales y ont aussi énormement oeuvré.

Il s'agit par exemple d'« Horizon femme » qui avant la gratuité, permettait aux femmes de payer 1000f.cfa pour celles qui souhaitaient se faire établir la carte nationale d'identité à condition qu'elles soient disposées à se faire inscrire sur les listes électorales255(*). Dans tous les cas, les mesures liées à la carte nationale n'ont pas parfois suffis car, il s'est souvent posé le problème du défaut d'actes de naissance suscitant dans la foulée la prise de certaines dispositions. C'est ce qui a motivé l'établissement des actes de naissance à ceux qui n'en n'avaient pas à travers l'organisation des « audiences foraines ». Ce fut assurément le cas à Abong-Mbang, où de nombreux camerounais se sont fait établir les actes de naissance256(*). Ces différentes mesures, ont pour objectif de favoriser les inscriptions sur les listes, ce qui semble porter des résultats si on se refère au tableau suscité. Cette quête éffrénée aux potentiels électeurs n'est pas neutre car, elle vise à faire participer un maximum de citoyens aux élections, avec pour objectif la légitimation de l'élu à travers la neutralisation de l'abstentionnisme électoral. C'est la preuve que les gens n'accomplissent pas des actes gratuits (Bourdieu, 1994 : 150).

Par ailleurs, l'Assemblée Nationale réunie en session extra-ordinaire en date du 07/07/2011, a examiné le projet de loi portant sur le vote des camerounais de l'étranger. D'après ce projet, ils prendront désormais part au vote du président de la République et au réferendum, mais seront exclus du vote des députés et des conseillers municipaux257(*). En effet, c'est une mesure qui vient mettre fin au non-vote de ces derniers et qui répond à la volonté qu'ils ont souvent exprimé de prendre part au vote de leurs dirigeants, même s'il reste que le problème de la double nationalité continue à se poser et empêchera ceux des camerounais vivant dans cette situation de voter. C'est pourquoi l'un des nombreux camerounais vivant au Canada pense que : « 90% de compatriotes vivant à l'étranger ont la double nationalité. Ce qui les exclut d'office de l'exercice du vote concédé258(*)». Dans tous les cas, c'est une mesure qui ne cesse de susciter des contestations au sein de la diaspora comme le témoigne cette position du « CODE »259(*) selon laquelle : « Ce projet apparaît clairement comme une diversion de la part du régime sclérosé Rdpc au pouvoir au Cameroun. A moins qu'il ne s'agisse d'un argumentaire en construction pour justifier, le cas échéant, un report du scrutin dont la date est comme toujours confisquée par M. Biya». Toujours est-il que, la variété de ces mesures sera complétée par celles prises en direction des partis politiques.

B- LA MISE SUR PIED DES MESURES EN DIRECTION DES PARTIS POLITIQUES

La compétition électorale ne peut se jouer valablement sans la participation des partis. C'est dans cette optique que plusieurs dispositions seront mises en oeuvre pour les encourager à participer aux élections. A cet effet, le gouvernement a pris en 1992 des dispositions visant à assouplir les conditions légales de déclaration de candidature (Owona Nguini, 1997 : 699) ; ce qui avait bien évidemment pour objectif d'inciter les partis à participer aux élections législatives. Cela va entraîner la réception des dossiers de candidature même après le délai légal de dépôt, sans pourtant changer automatiquement la position des partis tels le SDF et l'UDC qui vont camper dans leur stratégie de boycott. De même, le gouvernement fît à l'égard de l'opposition des promesses de gratifications ou de récompenses (Owona Nguini, 1997 : 700) à ceux des partis qui accepteront de participer aux élections. C'est ainsi que le 07/02/1992 le président de la République à la suite d'un entretien radiotélévisé, se proposa de financer la participation des partis politiques aux législatives à hauteur de 500 millions de f.cfa. En effet, cette offre visait à neutraliser les velléités abstentionnistes de certains partis de l'opposition dite « radicale », comme si le problème de leur participation électorale pouvait se résoudre par la rétribution financière. Dans tous les cas, cette offre sera critiquée par les médias proches de l'opposition comme étant « De la grande corruption électorale », ce qui n'empêchera pas certains partis de l'opposition de la saisir. Ce fut ainsi, le cas de M. kodock secrétaire général de l'UPC, qui après l'annonce de cette mesure présidentielle décida de conduire son parti aux élections législatives de 1992.

L'autre tactique déployée par le pouvoir s'est opérée à l'égard de l'UNDP. En fait, pour pousser ce parti à participer aux élections, le pouvoir entreprit la reconnaissance de M. Bello Bouba comme leader de ce parti en lieu et place de M. Samuel Eboua qui, lui, était radicalement opposé à la participation de son parti. Cette reconnaissance était conditionnée par sa participation aux élections du 1er mars. De même, comme autre mesure d'incitation à la participation électorale, le chef de l'Etat avait mis à la disposition des partis politiques en lice des moyens de locomotion pour leur permettre de se rendre dans les régions du septentrion lors des législatives de 2007. Elle se matérialisera par l'affectation d'un avion militaire C130 par le chef de l'Etat en vue d'effectuer des rotations sur l'itinéraire Douala-Garoua via Yaoundé durant la campagne électorale260(*). Au-delà des mesures liées à la carte nationale d'identité et aux partis politiques, d'autres seront prises. Il s'agira essentiellement non seulement de la mise en oeuvre de nouvelles institutions compétentes en matière électorale mais aussi des mises en garde contre les multiples tentatives de perturbation de ce dernier.

PARAGRAPHE 2 : LA CREATION DE NOUVELLES INSTITUTIONS COMPETENTES EN MATIERE ELECTORALE ET LES MISES EN GARDE CONTRE LES TENTATIVES DE PERTURBATION DU PROCESSUS ELECTORAL

Les interactions et actions autour de la lutte contre l'abstentionnisme, vont conduire les autorités politiques et administratives du pays à prendre un certain nombre de mesures pour encourager les populations découragées par le déficit de fiabilité du système électoral à prendre part au vote. On en arrivera inéluctablement à la mise en oeuvre de nouvelles institutions chargées de la gestion du processus électoral et aux mises en garde contre les tentatives de perturbation du processus électoral.

A-LA MISE EN OEUVRE DE NOUVELLES INSTITUTIONS COMPETENTES EN MATIERE ELECTORALE

Depuis le retour du multipartisme au Cameroun, la lutte autour de la neutralité des institutions chargées de gérer le processus électoral a toujours été l'objet d'enjeu pendant les différentes élections. En effet, les partis d'opposition ne se sont jamais satisfaits de l'organisation des élections par les institutions compétentes en la matière. A cet effet, depuis 1991, l'opposition n'a cessé de revendiquer la mise sur pied d'un organisme indépendant chargé de l'organisation des élections sous prétexte que l'administration a un parti pris à l'égard du parti au pouvoir, et donc à sa solde (Sindjoun, 2004 : 26). Selon certains observateurs : « On n'organise pas les élections pour perdre ». Or, la contestation électorale menaçant la rupture de la paix sociale à cause de la problématique de la légitimité et de l'acceptation des résultats, le Cameroun va procéder à la création de plusieurs institutions aux dénominations diverses. Celle-ci sera considérée comme une tentative de définition des règles du jeu dont l'enjeu principal est d'assurer la transparence et la neutralité électorales (Pokam, 2007 : 74-75).

Toujours est-il que, le pouvoir dans un souci de démontrer que le problème n'est pas la fiabilité du processus électoral mais plutôt l'incapacité de l'opposition à présenter un projet alternatif aux citoyens, mettra sur pied une série d'institutions. Il s'agira d'abord, des institutions qui assisteront l'administration dans l'organisation et la gestion du processus électoral à savoir l'ONEL1 et l'ONEL2. Celles-ci ne répondront toujours pas aux exigences de l'opposition, qui ne cessera de revendiquer la création d'une commission électorale indépendante, arguant que l'ONEL, dans ses différentes versions « N'était qu'un observatoire sans pouvoir » (Takougang, 2010 : 2). Ensuite, il sera mis sur pied ELECAM par la loi n°2006/011 du 29/12/2006. Cependant, malgré son caractère indépendant en théorie, l'institution suscitera des contestations sur la neutralité des membres nommés, de même que sur la modification de la loi lui accordant l'assistance de l'administration261(*).

A cet effet, malgré la mise sur pied de ces diverses institutions, la participation des acteurs politiques n'est toujours pas garantie car, certaines formations politiques comme le SDF ne cessent de rappeler sa volonté de boycotter ELECAM dans sa « configuration actuelle ». Ce qui a d'ailleurs conduit cette institution à avoir des concertations avec les partis politiques afin que ceux-ci apportent non seulement leur contribution au processus d'inscription sur les listes électorales, mais aussi pour les rassurer de sa neutralité. Ainsi on peut, prendre comme exemple les entretiens qu'ELECAM a eu avec les partis tels que : l'ADD, l'AFP, l'ANDP. Ou encore celui qu'elle a eu avec le RDPC le 04/08/2010 et qui a permis à ce parti de rassurer quant-à son soutien pour le processus d'inscription sur les listes électorales262(*). Ces concertations ont influencé dans une certaine mesure le taux d'inscription sur les listes, certains partis n'ayant pas hésité à apporter leur contribution au processus d'inscription sur les listes mené par ELECAM.

Tableau n°25 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DU MOIS D'AOUT 2010 AU MOIS D'AVRIL 2011.

 

REGIONS

INSCRITS
AOUT - OCT            

INSCRITS
NOV.2010

INSCRITS
DEC.2010

INSCRITS
JANV.2011

INSCRITS
FEV.2011

INSCRITS
MARS 2011

INSCRITS
08 AVRIL 2011

ADAMAOUA

8 078

42 525

65 019

79 953

92 304

106 358

114 470

CENTRE

11 645

52 456

88 371

115 937

150 353

190 225

213 308

 EST

22 971

48 463

58 760

67 206

75 746

84 390

88 238

EXT-NORD

5 937

55 254

109 361

142 332

164 016

189 511

201 942

LITTORAL

2 596

31 110

59 300

83 254

111 920

147 926

163 800

NORD

11 214

58 308

91 845

106 326

121 364

137 607

144 656

NORD-OUEST

28 708

39 087

55 010

68 828

84 787

102 526

115 293

OUEST

15 626

45 889

75 926

96 175

124 646

127 189

147 121

SUD

8 557

24 582

38 831

48 038

52 606

58.339

66 208

SUD-OUEST

21 675

34 629

48 223

62 338

77 184

95 385

105 529

TOTAL

137 007

432 303

690 646

870 387

1 054 926

1 239456

1 360 565

  Source : www.Elecam.Cm

N.B : Fichier électoral disponible au 08 avril 2011 : 5 067 836 + 1 360 565 = 6 428 401 électeurs

En conséquence, considérant la période de concertation avec les partis politiques et particulièrement avec le RDPC, on constate que les inscriptions sur les listes ont progressé entre les mois d'Août 2010 et d'Avril 2011. Les réformes institutionnelles apportées visant à stimuler la participation électorale, conduiront suite à la menace de boycott de l'élection proférée par le SDF à entreprendre une série de mesures par le pouvoir. Aussi, pour pallier à l'illégalité d'ELECAM tel que le soutient le SDF, le chef de l'Etat par décret n°2010/319 du 13/10/2010 constatera la mise en place effective d'ELECAM263(*). De même, le déficit de crédilité dont est suspecté ELECAM à cause de l'appartenance de ses principaux responsables au parti au pouvoir au moment de leur nommination, même s'ils ont démissioné par la suite, va engendrer une tentative de neutralisation de ce déficit à travers le vote de la loi faisant désormais passer ces membres de onze (11) à dix-huit (18)264(*). Dès lors, ont été nommés par décret n°2011/204 du 07/07/2011 du chef de l'Etat, les six (06) autres membres du conseil électoral d'ELECAM. Ces nominations ont pour objectif de construire la neutralité et la crédibilité qui font défaut à cette institution, d'où les nominations de ses nouveaux membres choisis à la fois dans la socitété civile et au sein de certains partis politiques de l'opposition. Il s'agit entre autres de, M. Watio Dieudonné, M. Titi Nwel Pierre, Mme. Biyong Pauline, M. Tiku Tambe Christopher (société civile), Mme. Tsanga Delphine, et M. Nsangou Issofa (membres respectivement de l'UNDP et de l'UDC)265(*). En réalité, même si ces derniers sont considérés par certains acteurs comme n'ayant aucun pouvoir, laissant alors transparaître le recurrent problème de sa crédibilité266(*), il n'en démeure pas moins que ces nominations constituent d'une certaine manière une réponse aux critiques de certains partis et de la société civile. Elles n'ont pas pourtant attenué les critiques ; à titre d'illustration, M. Ni John Fru Ndi considère ces nominations comme étant une : « Giffle en pleine face267(*) ». Une manière de dire qu'il s'attendait à mieux, et par conséquent que sa position sur ELECAM risque de ne pas évoluer dans le sens que visait la décision du chef de l'Etat. Or, les nominations de Mme. Biyong Pauline et M. Titi Nwel Pierre connus pour leurs virulentes critiques à l'égard du déficit de neutralité de cette institution, visaient justement à rassurer les sceptiques, encourager les citoyens et partis politiques à faire confiance à cette institution pour les inscriptions sur les listes électorales. Ce qui semble malgré tout être le cas puisque, le SDF qui menaçait de boycotter ELECAM a fait une volte face en appelant contre toute attente les camerounais à « S'inscrire massivement sur les listes électorales»268(*). Dans tous les cas, la mise en oeuvre des mesures persuasives n'exclut pas le déploiement des mesures coercitives. D'où l'emploi des mises en garde contre les tentatives de perturbation du processus électoral qui visent à maximiser la participation électorale.

B- LES MISES EN GARDE CONTRE LES TENTATIVES DE PERTURBATION DU PROCESSUS ELECTORAL

La participation constituant l'un des enjeux principaux de l'élection, le pouvoir ne perd pas l'occasion de rappeler et de veiller à ce que les élections se passent dans la paix et que personne ne soit violenté ou menacé dans l'exercice de son droit étant donné que le vote s'inscrit dans un espace réglementé qui protège l'électeur des violences du monde extérieur (Ihl, 1993 : 3). Le code pénal camerounais à son article 116 punit ceux qui, par attroupements, clameurs ou démonstrations menaçantes, troublent les opérations électorales ou portent atteinte à l'exercice du droit ou à la liberté de vote. Cela suppose que le geste électoral nécessite une ambiance calme et qu'aucun discours ou rumeur qui peut contrarier (Ihl, 1993 :5) l'électeur ou les autres acteurs politiques n'est toléré. Dans cette logique, le gouvernement fît des menaces de sanctions à l'égard de l'opposition, des pressions (Owona Nguini, 1997 :700) afin qu'elle prenne part aux élections législatives de 1992, présidentielle de 1997 et qu'elle ne perturbe pas surtout le déroulement du scrutin, en exerçant les actes de violence sur les citoyens désireux de voter. De même, cette menace est valable pour ceux qui seraient tentés d'exercer la violence sur les votants. Ainsi, cette stratégie de rétribution et de coercition du gouvernement va porter des fruits, car elle permettra la participation de 32 partis politiques en 1992 (Owona Nguini, 1997 : 702) et amenera le taux de participation aux législatives de 1992 à 60,58% malgré le boycott des principaux partis de l'opposition. De plus, au-delà de la loi pénale qui condamne toute personne qui, par voie de fait ou menace d'un dommage particulier quelconque, détermine un électeur à s'abstenir269(*) et de toute autre mesure ; il faut ajouter que le jour de l'élection les forces de l'ordre sont déployées sur l'ensemble du territoire comme mesure préventive, afin d'anticiper et de mettre fin à tout acte de violence perpétré contre le processus électoral. De même, M. René Sadi n'a pas hésité à dénoncer l'attitude de l'opposition qui selon lui soutient officiellement la campagne contre les inscriptions sur les listes électorales270(*). Toutes ces mesures sans être négligeables, n'ont pas à ce jour stimulé une très forte participation électorale ce qui suppose que le problème de l'électeur est peut-être ailleurs.

Le déficit de légitimité qui plane sur les acteurs politiques et les institutions qu'ils incarnent a poussé ces derniers et bien d'autres à prendre des mesures afin de tenter de neutraliser l'abstentionnisme électoral. C'est ainsi que diverses mesures ont été entreprises pour lutter contre ce phénomène. Cependant, si ces mesures produisent des résultats, il n'en demeure pas moins que les taux de l'abstentionnisme électoral restent toujours importants au Cameroun, traduisant l'apathie des citoyens. Ce qui implique que, les actions entreprises ne sont peut-être pas celles que les citoyens attendent ou qu'elles ne sont pas à la hauteur du phénomène.

CONCLUSION GENERALE

Le vote reconnu comme instrument important pour la démocratie, risque de paraître comme un simple sondage d'opinion de mauvaise qualité (Lipset, 1963 : 15) si les citoyens dans leur majorité n'y participent pas. Cependant, il n'en demeure pas moins que la non-participation est aussi un droit et traduit d'une certaine manière la démocratie au même titre que la participation. C'est ce qui est observé au Cameroun depuis le retour du multipartisme car, en exerçant leur droit les citoyens sont de plus en plus nombreux à s'abstenir. C'est pour cette raison que nous avons été conduits à nous interroger sur les causes explicatives de l'abstentionnisme électoral et sur ses conséquences. Ce qui nous a amené à l'analyser comme un comportement construit.

A cet effet, la question qui s'en découlée était celle de savoir comment les acteurs sociopolitiques camerounais construisent-ils le phénomène de l'abstentionnisme électoral au Cameroun et quelle est l'influence de cette construction sur la dynamique sociopolitique dans le pays ? Répondre à cette préoccupation, nous a amené à démontrer que les acteurs sociopolitiques construisent volontairement et involontairement l'abstentionnisme électoral au Cameroun à travers une multiforme d'actions et d'interactions engendrant une multiplication des effets pervers, qui suscitent la production des mécanismes de sa neutralisation. De ce fait, à travers la démarche entreprise nous avons démontré que l'abstentionnisme électoral ne nait pas du vide (Klotz et Lynch, 1999 : 58) mais qu'il est le produit d'une série d'actions et d'interactions stratégiques de la part des acteurs sociopolitiques, étant donné qu'il n'y a pas d'explication unique (Perrineau, 2006 :35) de ce phénomène. En conséquence, il est établi que, les acteurs participent à sa construction essentiellement au moment des inscriptions sur les listes électorales à travers la non-inscription volontaire et involontaire, et au moment de l'élection à travers le dysfonctionnement du processus électoral, de l'instrumentalisation des pesanteurs socio-économiques et du faible impact de la campagne électorale.

Par ailleurs, tout en reconnaissant dans une certaine mesure que ce phénomène n'est pas nécessairement nocif pour le système démocratique271(*), il en ressort cependant que ledit phénomène constitue la manifestation de la « crise de la démocratie » en exprimant le décalage entre le pays « légal et réel ». D'où le nombre important de mesures diverses qui ont été entreprises pour tenter d'éradiquer le phénomène. Toutefois, il en résulte que le phénomène semble persister.

ANNEXES

1-Calendrier des descentes sur le terrain de la commission mixte de revision des listes électorales dans la commune de Dschang....................................156

2-Une correspondance adressée par le responsable départemental d'ELECAM à Monsieur le Délégué départemental des enseignements sécondaires de la Menoua...................................................................................160

3-Un exemplaire d'« avis au public » informant les populations de la date de descente de la commission chargée des inscriptions sur les listes électorales..161

4-Le plan de localisation de l'antenne communale ELECAM de Dschang...162

5-Le programme de diffusion de l'émission « espace Elecam » sur la CRTV-Ouest à Bafoussam.....................................................................163

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II-THESES ET MEMOIRES

1-Thèse de doctorat d'Etat

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2-Thèses de doctorat nouveau régime

KOUAMEN, B., 2009, La dynamique évolutive des paradigmes de l'abstentionnisme Electoral en France : proposition du concept du déficit d'intérêt. Université Lille2.

NGUINI OWONA, M-E., 1997, La sociogenèse de l'ordre politique au Cameroun entre autoritarisme et démocratie (1978-1996) : les régimes politiques et économiques de l'Etat au gré des conjonctures et configuration socio-historique. Thèse de doctorat en science politique, études Africaines, tome2.

3-Thèse de Master

AFOM NDONG, C-F., 2007, La participation des partis politiques aux élections au Cameroun de 1992 à 2007.université de Yaoundé2-Soa.

III -DOCUMENTS OFFICIELS

LOI N°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.

CODE PENAL (annexe à la loi n) 65-DF-24 du 12 décembre 1965.Mars 1998.

CODE ELECTORAL CAMEROUNAIS., 1997, 3éme Edit,

LOI N°2010/005 du 13 avril 2010, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d'elections cameroon, (ELECAM).

LOI N°2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d'un observatoire national des élections(ONEL), modifiée et complétée par la loi N°2003/015 du 22 décembre 2003.

DECRET N°2001/306 du 8 octobre 2001 précisant les modalités d'application de la N°2000/016 du 19 décembre 2000 portant création d'observatoire national des élections.

DECRET N°2001/397 du 20 décembre 2001 fixant la composition et le fonctionnement des structures provinciales, départementales et communales de l'ONEL.

DECRET N°2010/319 du 13 octobre 2010 constatant la mise en place effective d'ELECAM.

IV-NUMEROS DE JOURNAUX

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CAMEROON TRIBUNE.N°8895/5094, du 20 juillet 2007. p 4.

CAMEROON TRIBUNE.N°8895/5094, du 20 juillet 2007. p 9.

CAMEROOU TRIBUNE.N°8895/5094, du 20 juillet 2007. p 5.

CAMEROON TRIBUNE.N°8894/5093, du 19 juillet 2007. p 7.

CAMEROON TRIBUNE.N°8887/5086, du 10juillet 2007. p 8.

CAMEROON TRIBUNE.N°8918/5117, du 23 août 2004. p 9 et 10.

CAMEROON TRIBUNE.N°8596/4485, du 05 octobre 2004. p 9.

CAMEROON TRIBUNE.N°8890/5089, du 13 juillet 2007. p 3.

CAMEROON TRIBUNE.N°8892/5091, du 17 juillet 2007. p 1, 5, 6 et 7.

CAMEROON TRIBUNE.N°9756/5957, du 03 janvier 2011. p 2-9.

CAMEROON TRIBUNE.N°9721/5922, du 11 novembre 2010. p 5.

CAMEROON TRIBUNE.N°9215/5414, du 03 octobre 2008. p 4.

CAMEROON TRIBUNE.N°8811/5110, du 13 août 2007. p 4-11.

CAMEROON TRIBUNE.N°2743, du 14 octobre 1997. p 17.

CAMEROON TRIBUNE.N°2751, du 24 octobre 1997. p 9-19.

CAMEROON TRIBUNE.N°6454, du 14 octobre 1997. p 16.

JEUNE AFRIQUE.N°2597, du 17 au 23 octobre 2010. p 35.

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau n° 1 : STATISTIQUES DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES A LA DATE DU 24 DECEMBRE 2010 DANS LA REGION DE L'OUEST. 28

Tableau n°2 : TABLEAU DES PARTIS POLITIQUES AYANT PARTICIPES AUX GOUVERNEMENTS DE COALITION 29

Tableau n° 3 : LA REGRESSION DES INSCRITS ET LA PROGRESSION DES TAUX D'ABSTENTION AU MOMENT DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES 32

Tableau n°4 : LA LONGEVITE DES LEADERS DE CERTAINS PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION DEPUIS 1992 34

Tableau n° 5 : LA REPARTITION PAR SEXE ET PAR TRANCHE D'AGE DES PERSONNES INSCRITES SUR LES LISTES ELECTORALES DU 17/08/ AU 27/12/2010. 39

Tableau n° 6 : EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES EN FONCTION DU POTENTIEL ELECTORAL DES REGIONS DEPUIS AOUT 2010 42

Tableau n° 7 : NOMBRE DES INSCRITS SUR LES LISTES ELECTORALES DE 1992 à 2007 43

Tableau n° 8 : LES TAUX D'INSCRIPTION PAR REGION A LA DATE DU 30/O5/2011 46

Tableau n° 9 : LES INSCRITS EN MARS 1992 ET SUPPRIMES EN OCTOBRE 92 54

Tableau n°10 : EVOLUTION DES TAUX D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES (1992-2007) 56

Tableau n°11 : LA REPARTITION PAR REGION DES BUREAUX DE VOTE DONT LES LISTES NE SONT PAS AFFICHEES LORS DES ELECTIONS LEGISLATIVES ET MUNICIPALES DE 2002 63

Tableau n°12 : CHIFFRES PAR REGIONS DES BUREAUX DE VOTE AYANT EU LES PROBLEMES DE REPERAGE, D'ACCESSIBILITE et D'ELOIGNEMENT EN 2004. 70

Tableau n° 14 : TAUX D'ABSTENTION AUX LEGISLATIVES DE MARS 1992 74

Tableau n°13 : CHIFFRES DES BULLETINS NULS REPERTORIES DANS CERTAINES LOCALITES LORS DE LA PRESIDENTIELLE DE 1997 76

Tableau n°15 : LA REPARTITION PAR SEXE ET PAR TRANCHE D'AGE DES PERSONNES INSCRITES SUR LES LISTES ELECTORALES DU 17/08/ AU 27/12/2010. 79

Tableau n°16 : COMPARAISON DES TAUX D'ABSTENTION ENTRE CERTAINES GRANDES VILLES ET CERTAINES ZONES RURALES PENDANT LES ELECTIONS MUNICIPALES DE 1996 84

Tableau n°17 : COMPARAISON DE LA PARTICIPATION ELECTORALE EN FONCTION DES FIEFS ELECTORAUX SUITE A L'APPEL AU BOYCOTT PAR CERTAINS PARTIS POLITIQUES AUX LEGISLATIVES DE 1992 87

Tableau n°18 : TAUX D'ABSTENTION ELECTORALE AUX DIFFERENTES ELECTIONS PARLEMENTAIRES ET PRESIDENTIELLES (1992-2007) 94

Tableau n° 19 : LES TAUX D'ABSTENTION LORS DE LA REPRISE EN 2008 DES ELECTIONS LEGISLATIVES ET MUNICIPALES PARTIELLES DE 2007 DANS CERTAINES LOCALITES 95

Tableau n° 20 : L'EFFRITEMENT DES SCORES DE L'OPPOSITION AUX ELECTIONS LEGISLATIVES DEPUIS 1992 113

Tableau n°21 : CALENDRIER DE DESCENTES SUR LE TERRAIN POUR LES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS LA COMMUNE DE DSCHANG 133

Tableau n° 22 : LES NOUVEAUX INSCRITS SUITE A LA CAMPAGNE D'INTENSIFICATION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DANS 03 COMMISSIONS DEPARTEMENTALES DE 03 REGIONS. 135

Tableau n° 23 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES PAR REGION DE 2007 AU 10 JUIN 2011 136

Tableau n°24 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES PAR REGION DE NOVEMBRE 2010 A JUIN 2011. 142

Tableau n°25 : L'EVOLUTION DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES DU MOIS D'AOUT 2010 AU MOIS D'AVRIL 2011. 148

TABLE DES MATIERES

DEDICACE i

REMERCIEMENTS ii

PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS iii

SOMMAIRE iv

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA CONSTRUCTION PRATIQUE DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 21

CHAPITRE 1 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES 23

SECTION 1 : LE DEVELOPPEMENT DES PRATIQUES SUSCEPTIBLES D'ENCOURAGER LA NON-INSCRIPTION VOLONTAIRE 24

PARAGRAPHE 1 : LA FAIBLE MOBILISATION DES POTENTIELS ELECTEURS 25

A- LA FAIBLE MOBILISATION CONSECUTIVE A LA SPECIFICITE DE L'ENVIRONNEMENT PRE-ELECTORAL 25

1-La faible concurrence partisane 25

a) La difficile démarcation de l'opposition 26

b) La forte tendance à la participation au gouvernement 28

2- Les atermoiments et luttes au sein des partis politiques d'opposition 33

B- LA FAIBLE MOBILISATION CONSECUTIVE A LA NON- PERCEPTION DES ENJEUX 37

PARAGRAPHE 2 : LA DECREDIBILISATION DU PROCESSUS PRE-ELECTORAL 43

SECTION 2 : LA MULTIPLICATION DES SOURCES DE LA NON-INSCRIPTION INVOLONTAIRE 48

PARAGRAPHE 1 : LES PRATIQUES D'EXCLUSIONS PAR LE NON ACCOMPLISSEMENT DE CERTAINS ACTES 48

A-L'EXCLUSION CONSECUTIVE AUX PROBLEMES DE CARTES NATIONALES D'IDENTITE 48

B- L'EXCLUSION CONSECUTIVE A LA MECONNAISSANCE DES MODALITES PRATIQUES ET AU PROBLEME DE RESIDENCE 49

PARAGRAPHE 2 : LES PRATIQUES D'EXCLUSION A TRAVERS LES DEMARCHES DE CERTAINS ACTEURS 52

A- LES INSCRIPTIONS SELECTIVES, LES SUPPRESSIONS DE NOMS SUR LES LISTES ELECTORALES ET DE LA CONVOCATION DU CORPS ELECTORAL 52

B- LES APPELS AUX BOYCOTTS ET LA VIOLENCE ELECTORALE 56

CHAPITRE 2 : LA CONSTRUCTION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL AU MOMENT DE L'ELECTION 60

SECTION 1 : L'ORCHESTRATION DU DYSFONCTIONNEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL 60

PARAGRAPHE 1 : UNE ORGANISATION PARFOIS CHAOTIQUE DE L'ELECTION 61

A- LA GESTION PROBLEMATIQUE DES CARTES D'ELECTEUR ET DES LISTES ELECTORALES 61

B- L'ETABLISSEMENT D'UNE CERTAINE CONFUSION AUTOUR DES URNES, DES BULLETINS ET DES BUREAUX DE VOTE 67

PARAGRAPHE 2 : L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE PROPICE A UNE ORGANISATION NON HARMONIEUSE DES ELECTIONS 71

A- LE REFUS PAR CERTAINS PARTIS POLITIQUES DE PARTICIPER AU JEU ELECTORAL 72

B- L'ENTRETIEN D'UNE ATMOSPHERE POLITIQUE DE TERREUR 75

SECTION 2 : UNE CONSTRUCTION MARQUEE PAR L'INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-ECONOMIQUES ET DU FAIBLE IMPACT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE 77

PARAGRAPHE 1 : L'INFLUENCE DES PESANTEURS SOCIO-ECONOMIQES 77

A-L'INFLUENCE DES VARIABLES PRIMAIRES ET DES VARIABLES STABILISATRICES 78

1-L'influence des variables primaires 78

2- L'influence de la variable stabilisatrice 82

A- L'INFLUENCE DE L'APPARTENANCE COMMUNAUTAIRE 86

PARAGRAPHE 2 : LE FAIBLE IMPACT DE LA CAMPAGNE ELECTORALE 89

A- AU NIVEAU DE L'OFFRE ELECTORALE 90

1-Les effets de l'environnement de l'offre électorale 90

2-Les effets du contenu de l'offre électorale 95

B- AU NIVEAU DES ENJEUX ELECTORAUX 98

DEUXIEME PARTIE : DE LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL A LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES DE SA NEUTRALISATION 101

CHAPITRE 1 : LA FLORAISON DES EFFETS PERVERS DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 104

SECTION 1 : ABSTENTIONNISME ELECTORAL ET DELEGITIMATION 105

PARAGRAPHE 1 : LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS ET DES INSTITUTIONS POLITIQUES 105

A- LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES ELUS 106

B- LA REMISE EN CAUSE DE LA LEGITIMITE DES INSTITUTIONS POLITIQUES 108

PARAGRAPHE 2 : L'EFFRITEMENT DE LA REPRESENTATIVITE DES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION ET LA CONSIDERATION DU VOTE DE LA MINORITE 111

A- L'EFFRITEMENT DE LA REPRESENTATIVITE DES PARTIS POLITIQUES DE L'OPPOSITION 111

B- LA CONSIDERATION DU VOTE DE LA MINORITE 114

SECTION 2 : LES BALBUTIEMENTS DE LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE 115

PARAGRAPHE 1 : L'AFFAIBLISSEMENT DE LA COMPETITION ELECTORALE CONCURRENTIELLE 116

A- L'ULTRA DOMINATION DE LA SCENE POLITIQUE PAR LE PARTI AU POUVOIR ET L'AFFAIBLISSEMENT DU DEBAT CONTRADICTOIRE 116

B- L'EFFRITEMENT DE LA VALEUR DU VOTE 118

PARAGRAPHE 2 : L'AMENUISEMENT DES POSSIBILITES D'ALTERNANCE PAR LA VOIE ELECTORALE 119

CHAPITRE 2 : LA MULTIPLICATION DES TENTATIVES D'ERADICATION DE L'ABSTENTIONNISME ELECTORAL 123

SECTION1 : LA MOBILISATIONS DES RESSOURCES EXPRESSIVES ET INCITATIVES 124

PARAGRAPHE 1 : LA MULTIPLICATION DES APPELS A L'INSCRIPTION ET A LA PARTICIPATION ELECTORALE 124

A- LA MULTIPLICATION DES PRISES DE PAROLE VISANT LA SENSIBILISATION POUR L'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALES 125

B- LA MULTIPLICATION DES EXHORTATIONS A LA PARTICIPATION ELECTORALE 130

PARAGRAPHE 2 : LA DIVERSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ELECTORALE 132

A- L'INTENSIFICATION DES CAMPAGNES D'INSCRIPTION 132

B- LA FACILITATION DE LA PARTICIPATION ELECTORALE 138

SECTION 2 : LA MOBILISATION DES RESSOURCES REDISTRIBUTIVES ET COERCITIVES 139

PARAGRAPHE 1 : LA MISE SUR PIED DES MESURES LIEES A LA CARTE NATIONALE D'IDENTITE ET AUX PARTIS POLITIQUES 139

A- LA MISE SUR PIED DES MESURES LIEES A LA CARTE NATIONALE D'IDENTITE 139

B- LA MISE SUR PIED DES MESURES EN DIRECTION DES PARTIS POLITIQUES 144

PARAGRAPHE 2 : LA CREATION DE NOUVELLES INSTITUTIONS COMPETENTES EN MATIERE ELECTORALE ET LES MISES EN GARDE CONTRE LES TENTATIVES DE PERTURBATION DU PROCESSUS ELECTORAL 146

A-LA MISE EN OEUVRE DE NOUVELLES INSTITUTIONS COMPETENTES EN MATIERE ELECTORALE 146

B- LES MISES EN GARDES CONTRE LES TENTATIVES DE PERTURBATION DU PROCESSUS ELECTORAL 150

CONCLUSION GENERALE 152

ANNEXES 154

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 164

LISTE DES TABLEAUX 178

TABLE DES MATIERES 180

* 1Cité par LIPSET, S, M., L'homme et la politique, Paris, Seuil, 1963, p 4.

* 2 Cité par PERRINEAU, P., « Les usages contemporains du vote », In Pouvoirs, Revue Française d'Etudes Constitutionnelles et Politiques, N°120-2006, Paris, p. 38.

* 3 Lire MONGOIN, (D) : l'abstention électorale, In http /www/ .juspoliticum.com/politische.Und,rechtichu,hml.p7. Consulté le 12/06/2010, p. 2.

* 4 Ibid.

* 5 6 Cité par Blaise KOUAMEN., La dynamique évolutive des paradigmes de l'abstentionnisme électoral en France : proportion du concept du déficit d'intérêt esquisse. Université LilleII, 2009, p. 38.

* 78 Ibid.

* 9 Cité par MAYER, N., « Qui vote pour qui et pourquoi », In Pouvoirs, Revue Française d'Etudes Constitutionnelles et Politiques, N°120-2007, Paris, p .18.

* 10 Lire à ce propos Séquence-6 : règles et comportements électoraux, in CNED-ACADEMIE, consulté le 12/06/2010, p. 95.

* 11 Cité par BOUTHOUL, G., L'art de la politique, Paris, Seghers, 1969, p. 479-480.

* 12 Lire à ce propos l'article 33 al 3, du code électoral Camerounais.

* 13 Lire à ce propos l'article L-9 du code électoral Français.

* 14 Les votes nuls sont considérés par Mme. VILLETTE cité par M.LIPSET, op. cit., p. 8.

* 15 Voir à propos Zelao, A., « Le vote comme formule de civilisation des moeurs politiques au Cameroun au détour du procès démocratique », In alazelao@yahoo.fr.P.81. Consulté le 12/06/2010.

* 16 Au moment des premières élections pluralistes post parti unique.

* 17Cité par Pascal PERRINEAU, op. cit., p. 35.

* 18 Propos tenus sur Canal2 à l'émission « Canal presse » du 22/08/2010.

* 19 Voir à propos MONGOIN (D), op. cit., p. 5.

* 20 A ce propos lire le document Wikipédia (l'encyclopédie) sur le constructivisme, consulté le 13/05/2011, sur Google.

* 21 Voir à ce propos BRASPENNING, T : Constructivisme et refléxivisme en théorie des relations internationales, in Afri, volume3, p. 5.

* 22 Lire à ce propos WILGA, M : Le constructivisme dans le domaine de l'intégration européenne. p. 81.

* 23 A ce propos, lire le document Wikipédia (encyclopédie), sur le constructivisme, consulté le 13/05/2011, sur Google.

* 24 Cité par MORIN, J-M., Précis de sociologie, Paris, Nathan, 2002, p. 58.

* 25 Cité par André TCHOUPIE., L'Ouest dans la conjoncture de libéralisation politique au Cameroun (1990-2004). Genèse et usages sociopolitiques contextuels d'un champ régional. Université de YaoundéII-Soa, 2004, p. 47.

* 26 Lire à ce propos MONGOIN, D, op. cit., p. 7.

* 27 Ibid. p8.

* 28 Rapport Général de l'ONEL., Sur le déroulement des opérations électorales des élections législatives et municipales, 2002, p. 14.

* 29Séquence-6. op. cit., p. 89.

* 30 Cité par Blaise KOUAMEN., op. cit., p. 184.

* 31 Ibid, p. 68.

* 32 op. cit., p. 18.

* 33 Il a tenu ces propos sur Canal2 sur l'émission « Canal presse » du 09/01/2011.

* 34 C'est le parti au pouvoir.

* 35 Lire à ce sujet le Cameroon Tribune n°8918/5117, du 23/08/20004, p. 11.

* 36 Ibid, p. 9.

* 37 M. NINTCHEU, B., est le fondateur de l'antenne SDF de Londre, il tient ces propos après son exclusion de ce parti dans Le Messager n°3223 du 10/2010, p.8.

* 38 M. Gustave ESSAKA était leader du parti politique la DIC. 

* 39 Lire à ce sujet Jeune Afrique n°2597, du 17 au 23/08/2010, p. 35.

* 40 Cité par BARBERT, D., Quand les mots de l'abstention parlent des maux de la démocratie. Table ronde n°2, triangle, 2007, p.10.

* 41 Selon les responsables du SDF, les exclus sont ceux qui sont tombés sous le 8.2, qui est l'un des articles des statuts de ce parti qui frappe tout membre du parti qui ne respecte pas la discipline du parti.

* 42 C'est une déclaration faite à l'occasion de l'entretien que nous avons eu chez lui à Bamenda en date du 28/11/2010.

* 43 Propos tenus par Lapiro de Mbanga sur canal2 à L'émission « parole d'homme » du 21/04/2011.

* 44 Propos de M.OSIH, l'un des vices président du SDF, dans le messager n°3127, du 05/10/2010, p 9.

* 45 Ces propos ont été tenus, lors d'un entretien qu'il a accordé au journal le messager, n°3223, du 10/10/2010, p. 8.

* 46Cité par M.LIPSET. Op. Cit. p. 23.

* 47 op. cit., p. 479-480.

* 48 Article 79 al 1, du code électoral Camerounais.

* 49Cité par KOUAMEN Blaise.op. cit., p. 177.

* 50 Cette conversation eut lieu le 16/11/2010, dans la ville de Dschang, lorsque nous nous rendions au siège d'ELECAM.

* 51Séquence-6., op. cit., p. 95.

* 52M. ESSOMBA BENGONO, est l'un des responsables du RDPC dans le Wouri, il a tenu ces propos, sur canal2 à l'émission « tous à l'antenne », du 08/02/2011.

* 53 Analyse faite dans le cameroon tribune n°8918/5117, du 23/08/2004, p. 11.

* 54 M.A.EDJOA, a tenu ces propos en tant que membre de la commission départementale du RDPC pour les inscriptions sur les listes électorales dans le Mfoundi, ceci à l'occasion du bilan à mis parcours qu'il a ténu avec les membres de son équipe, en date du 08/02/2011 à Yaoundé. Voir à ce sujet le Site Cameroun-online.Com.

* 55 Cette déclaration été faite par un enseignant de la FSJP pendant la période où ELECAM faisait les inscriptions au campus « A ». Ce jour là nous observions le déroulement des inscriptions.

* 56 Ibid.

* 57 Elle est membre de l'ONG, « more women in politics » elle a tenue ces propos sur la CRTV-télé au journal de 20h30min, du 08/02/2011.

* 58 D'après les résultats du dernier recensement, in le journal le jour n°669 du 15/04/2010, p. 2.

* 59 S'il est vrai que Douala et Yaoundé ont chacune plus d'un million d'habitants, il n'en demeure pas moins pour les autres chefs lieux des régions. Ceux-ci comptent chacun plus de 50 000 âmes. Cf. Le Jour n° 669 du 15/04/2010, p. 3.

* 60 Position soutenue par le responsable communal d'ELECAM de Bafoussam 2éme, le 28/12/2010.

* 61 Information relayée par équinoxe tv, en date du 06/11/2011(journal télévisé de 20h00min)

* 62 Lire à ce propos le journal le Jour n°669 du 15/04/2010, p. 3.

* 63 Information extraite du site AFRI SCOOP.Com. Consulté le 17/06/2011.

* 64D'après les résultats du dernier récensement 2005, publié par le Journal le Jour, op.cit., p 2.

* 65 M.TAKOUGANG est membre du SDF ces Propos ont été tenus lors d'un débat portant sur « ELECAM » à l'émission tous à l'antenne sur canal2, le 08/02/2011.

* 66 Balla (B), « Elections législatives et municipales de 2002 », in cameroon.info.net. Consulté le 12/06/2010.

* 67 Lire le à ce sujet le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 14.

* 68 Analyse faite dans le cameroon tribune n°8918/5117, du 23/08/2004, il est enseignant de science politique à l'université de YaoundéII-Soa p. 11.

* 69 Ces propos du responsable de l'ONG « Horizon femme » ont été tenus lors d'un débat portant sur « ELECAM » à l'émission « tous à l'antenne » sur canal2, le 08/02/2011.

* 70 Déclaration faite lors de notre entretien avec lui à son domicile de Bamenda, le 28/11/2010.

* 71 Daniel MBO'O, est président du parti « des fourmis » il a fait cette déclaration au journal, le messager n°3194 du 30/09/2010, p. 5.

* 72 Voir, la loi n°2010/005 du 13/04/2010, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 la 29/12/2006 portante création, organisation et fonctionnement d'Elections Cameroon.

* 73 Propos tenu lors d'un débat portant sur « ELECAM » à l'émission « Tous à l'antenne » sur Canal2, le 08/02/2011.

* 74 Albert NDZONGANG, est le président du parti la « dynamique », il a fait cette déclaration au journal, le messager n°3299 du 08/03/2011, p. 7.

* 75 Lire l'article 11 du code électoral camerounais.

* 76 Déclaration faite lors de l'entretien qu'il nous a accordé le 25/11/2010.

* 77Information relayée sur la CRTV, au journal de 20h30min, le 08/02/2011.

* 78Lire à ce sujet Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit. p. 22.

* 79 Information relayée par équinoxe tv, en date du 06/11/2011(journal télévisé de 20h00min)

* 80 Selon le responsable communal d'ELECAM de Dschang.

* 81Lire à ce propos le cameroon tribune n°8918/5117, du 23/08/2004, p. 10.

* 82Voir à ce sujet le site www.Septentrion.Info. Il a tenu ces propos au mois d'Avril. Consulté le 28/06/2011.

* 83 Ibid. P. 9.

* 84 Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 15.

* 85 Ibid.

* 86 A ce propos le responsable communal d'ELECAM de Dschang, lors de notre entretien du 25/11/2010, a déclaré que : « Je suis d'accord avec vous que notre emplacement est un peu discret, nous négocions à cet effet un emplacement au centre administratif ».

* 87 Rapport General de l'ONEL., Sur le déroulement des opérations de l'élection présidentielle, du 11/10/2004, 2004, p. 36.

* 88 Lire à ce propos l'article 5 al 1.

* 89 Ibid. al 3.

* 90 Ibid. al 7.

* 91 Lire à ce propos l'article 98 al 1.

* 92 Position défendue par des Camerounais lors de la visite du chef de l'Etat en France en 2010.

* 93 Information relayée par la CRTV-radio, en date du 06/07/2011, au journal de 6h.

* 94 Ibid.

* 95Lire à ce propos le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 15.

* 96 Lire à ce sujet le journal Le Jour, op.cit., p.

* 97 Cette déclaration a été faite par M.FRU NDI, lors de l'entretien que nous avons eut avec lui, à Bamenda le 28/11/2010.

* 98 Cette déclaration a été faite sur équinoxe tv à l'émission « la vérité en face » du 23/01/2011.

* 99 Article68 du code électoral camerounais.

* 100Lire à ce sujet le Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 14.

* 101 Le décret n°192-092 du 15/01/1992 convoquait, le corps électoral, par anticipation, c'est-à-dire un an avant la prochaine élection présidentielle, puisque la dernière élection datait de 1988.

* 102 Ce fut le cas en 1992, où l'élection présidentielle avait été anticipée, ce qui surpris plusieurs citoyens en les excluant donc du processus électoral.

* 103Lire à ce sujet Rapport General de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 52.

* 104 Lire l'article 63 du code électoral camerounais.

* 105 Cette déclaration a été faite dans le journal le messager n°3117 du 05/10/2010, p. 9. Avant le vote de la loi faisant passer ELECAM à 18 membres.

* 106 Ibid.

* 107 Il l'a dit à l'issue de l'entretien qu'il nous a accordé le 28/12/2010.

* 108 Propos tenus le 31/12/2010, après le message du chef de l'Etat, sur la CRTV.

* 109 Propos tenus à l'issue de l'entretien avec lui le 25/11/2010.

* 110 Propos rapporté par le responsable communal d'ELECAM de Dschang à l'issue de l'entretien avec lui le 25/11/2010.

* 111 Lire le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., P. 16 et 19.

* 112 Lire le Rapport Général de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 42.

* 113 Ibid. p. 88.

* 114 Il s'agit de l'article 80.

* 115 Lire à ce sujet le Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 52.

* 116 Lire à ce sujet le Rapport General de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 42.

* 117 Ibid.

* 118 Lire à ce sujet le journal l'action n°304, du 26/07/2002, p. 3.

* 119 Ibid. p. 81.

* 120 Lire à ce propos le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 53.

* 121 Lire à ce sujet le Rapport General de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 59.

* 122 Lire à ce sujet le Rapport Général de l'ONEL., 2004, 2004, p. 88.

* 123 Lire à ce sujet le Rapport Général de l'ONEL., 2002, op. cit., p. 63.

* 124 Lire le Rapport Général de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 91.

* 125 Lire à ce propos le Rapport Général de l'ONEL., 2004, op. cit., p. 87.

* 126 Voir à propos Google consulté le 11/05/2011.

* 127 Cité par M.Dominique DUVAL., Etudes électorales : recension des écrits sur la participation électorale. Québec, 2005, p. 33.

* 128Cité par M.Philippe BRAUD., Le jardin des délices démocratiques, Paris, Presse de la Fondation Nationale de Science Politiaue, 1991, p 35.

* 129Lire à ce propos le Cameroon Tribune n°8895/5094, du 20/07/2007, p. 9.

* 130Lire à ce sujet le Cameroon Tribune n°5090, du 12/03/1992, p. 14.

* 131Lire à ce propos MONGOIN, (D), op. cit., p. 8.

* 132Cité par ANTOINE., 2001, « Le comportement électoral dans les pays d'Erurope centrale et orientale. 2 la recherche d'un modèle explicatif », In Cantique International, n°11, p. 55.

* 133Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit., p. 47.

* 134 Lire le Cameroon Tribune n°8911/5110, du 13/08/2007.

* 135 Cette étude de « l'Institut Futur' Afrique » a été relayée par l'association « Projet d'électeurs en Herbe » une association Camerounaise dont le rôle est d'encourager les jeunes à s'inscrire sur les listes électorale. Consulté le 08/06/2011 sur Google.

* 136 Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit., p. 47.

* 137 Voir à ce propos le site www.Cameroon-online. Consulté le 08/06/2011.

* 138 Voir à ce propos le site www.Google-analystics.Com. Consulté le 28/06/2011.

* 139 op. cit., p. 51.

* 140 op. cit., p. 220.

* 141Cité par M.DELWIT, « Les élections sans électeurs, causes et conséquences de l'abstention aux élections Européennes ». In les cahiers du CEVIBOF, Université Libre de Bruxelles, 1999, p. 11.

* 142Cité par Blaise KOUAMEN., op. cit., p.54-55.

* 143 Lire à ce sujet le journal Le Jour n°669, du 15/04/2010, p.3. Sur les résultats le recensement de 2005.

* 144Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit. p. 56.

* 145Lire à ce sujet NGWANE, G : L'opposition et leurs performances du pouvoir électoral au Cameroun (1992-2007), http://www.gngwane.com/ Consulté le 08/06/2011.

* 146 Lire à ce sujet séquence-6, op. cit., p. 87.

* 147 Lire à ce sujet ENGUELEGUELE, (M) : L'explication du vote dans les systèmes politiques en « transition » d'Afrique subsaharienne. Eléments critiques et perspectives et développement. In http//www//polis. Science po bordeaux.fr/vol9, p. 3.

* 148 op. cit., p.

* 149 Ibid.

* 150 Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit., p. 74-75.

* 151 Ibid.

* 152Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit., p. 114-115.

* 153 op. cit., p. 72.

* 154 Lire à ce sujet le rapport général de l'ONEL., 2002, op. oit., p. 43.

* 155op. cit.. p. 11.

* 156 C'est le cas du leader du MDR (M.DAKOLE DAISSALA), qui a tenu ces propos sur Canal2 à l'émission « l'arène » le 15/05/2010 à 20h30min. Il faut préciser que ce responsable politique a déjà été plusieurs ministres dans les gouvernements de coalition, d'ailleurs sa dernière entrée dans un gouvernement de coalition date de 2007. De plus, il n'est pas le seul responsable politique, ayant fait partie des gouvernements de coalition au Cameroun, celui de l'UNDP (y est encore), et de l'UPC, en ont fait partir.

* 157 Lire à ce propos le Cameroon Tribune n°5244, du 24/10/1992, p. 9.

* 158 Ibid. n°2751, du 24/10/1997, p 9.

* 159 Lire à ce propos Le journal L'action, n°304, du 26/07/2002, p. 3.

* 160 Op. Cit.

* 161Cité par M.Antoine SOCPA., 2004, Les dons dans les jeux électoraux au Cameroun, p. 108.

* 162Cité par M.BUIJTENHUIJS., 1994, « Les partis politiques Africains ont-ils des projets de société ? » L'exemple du Tchad, In Politique Africaine n°56-1994, p. 119.

* 163 op. cit., p. 7.

* 164Cité par M.BOUTHOUL, op. cit., p. 332.

* 165 M.Maurice KAMTO, citant la commission spéciale pour la démocratie du comité central du Parti Démocratique Gabonais.

* 166 op. cit., p. 48.

* 167 Cité par Blaise KOUAMEN, op. cit., p. 118.

* 168Ibid.

* 169 Cité par M.DUVAL, op. cit., p. 46.

* 170 C'est une expression empruntée à Pierre BOURDIEU.

* 171 Cité par M.LIPSET, op. cit., p. 4.

* 172 Lire à ce propos séquence-6, op. cit., p. 90.

* 173 op. cit., p. 5.

* 174 op. cit., p. 38.

* 175 Cette déclaration a été faite par Magloire ONDOA, enseignant de droit à l'université de Yaoundé II-Soa, lors du cours magistral de droit électoral que nous avons eu avec lui en Janvier 2011 à l'université de Dschang.

* 176Lire à ce propos Cameroon Tribune n° 2751, p. 6.

* 177 Document consulté sur Google le 11/05/2011.

* 178 Lire à ce propos Cameroon Tribune n°5090 du, 12/03/1992, p. 14.

* 179 Lire à ce propos séquence-6, op. cit., p. 87.

* 180 Lire à ce propos le Jeune Afrique n°1627 du, 12/03 au 18/03/1992, p. 18.

* 181Luc SINDJOUN Cité par MACHIKOU, N., « Les régimes de la pacification parlementaire au Cameroun », In Polis/RCSP/CPSR.Vol. 16, n°1 et 2, 2009, p. 85.

* 182Cité par HOLO, T : Les défis de l'alternance démocratique en Afrique ». p.2. Consulté sur Google le 08/06/2011.

* 183 Cité par M.BOUTHOUL, op. cit., p. 19.

* 184 Extrait du discours du chef de l'Etat prononcé à l'ouverture de la campagne électorale pour les élections législatives du 22/07/2007, sur la CRTV.

* 185Cité par JAUME., « La représentation : une fiction malmenée », In pouvoirs, Revue Française d'Etudes Constitutionnelles et Politiques, n° 120-2007, p. 14.

* 186Cité par M.LIPSET, op. cit., p. 240.

* 187Cité par HOLO, T. op. cit., p. 4.

* 188 Cité par M. DUVAL, op. cit., p. 75.

* 189 Voir à ce sujet le site www.Camer.Be , conulté le 08/06/2011.

* 190Cité par M. HASTING, M., Aborder la Science Politique, Paris, Seuil, 1996, p. 63.

* 191Cité par HOLO, T. op. cit., p. 2

* 192Cette position est soutenue par M.SCHUMPETER, cité par HOLO, T. op. cit.. p. 2

* 193Il a tenu ces propos en tant que président de la commission départementale du RDPC pour les inscriptions sur les listes électorales dans le Mfoundi, ceci à l'occasion du bilan à mis parcours qu'il a ténu avec les membres de son équipe, en date du 08/02/2011 à Yaoundé. C'est par ailleurs le délégué de la Communauté Urbaine de la ville de Yaoundé. Voir à ce sujet le Site Cameroun-online.Com.

* 194Il a tenu ces propos lors d'une campagne d'intensification des inscriptions sur les listes électorales oragnisée par le RDPC, dont il est le président de la commission départementale pour les inscriptions sur les listes électorales dans la Lékié en date du 24/03/2011. Il est par ailleurs ministre des rélations extérieures. Voir à ce sujet le site ww. Camer.Be, en date du 07/07/2011.

* 195 Propos tenus par un responsable du RDPC lors d'un débat organisé sur Stv2 en date du 12/07/2011, à l'émission « Cartes sur table ».

* 196Il a tenu ces propos en tant que membre de la commission départementale du RDPC pour les inscriptions sur les listes électorales dans le Mfoundi à l'occasion du bilan à mis parcours qu'il a ténu avec les membres de son équipe en date du 08/02/2011 à Yaoundé. C'est un ancien ministre des sports. Voir à ce sujet le Site Cameroun-online.Com.

* 197 Lire à ce sujet le journal Le Jour n°669 du 15/04/2011, p. 2.

* 198 M. Alain FOGUE TEDOM a tenu ces propos sur Equinoxe-tv à l'émission « La vérité en face » du 23/01/2011.

* 199 Lire à ce propos séquence-6. op. cit., p. 88.

* 200 Elle a tenu ces propos sur Equinoxe-tv en date du 16/07/2011 à l'émission « La grande Tribune ».

* 201Cité par MONGOIN, D. op. cit., p. 2.

* 202 Cette banderole a été déployée dans l'arrondissement de FOKOUE au mois de novembre 2010.

* 203 Rapport Général de l'ONEL., 2002, op.cit., p. 14.

* 204 Rapport Général de l'ONEL., 2004, op.cit., p. 36.

* 205 Le président d'ELECAM a tenu ces propos sur Canal2 à l'émission « Parole d'homme » en date du 29/07/2010.

* 206 Cameroon Tribune n°8911/5110, du 13/08/2007.

* 207 Lire à ce sujet Le Messager n° 3212 du 26/10/2010, p. 4.

* 208 M.J-J EKINDI, est le président du mouvement progressiste(MP), et député, il a fait cette déclaration sur la CRTV-télé, le 31/12/2010, après le discours du chef de l'Etat dans lequel il réaffirmait sa confiance à ELECAM et invitait de facto les citoyens à s'inscrire.

* 209 Mme KAH WALLA est une ancienne responsable du SDF, elle est désormais à la tête de son propre parti, tandis que M. H. KAMGA, est membre de la société civile, coordonateur de « l'offre orange » dont l'objectif est de constituer une alternative pour les partis politiques. Ces deux personnalités ont soutenu ces positions sur Canal2 sur l'émission « Tous à l'antenne ».

* 210 M. TITI NWEL, est directeur de la commission citoyenne indépendante qui assiste les citoyens dans le processus d'inscription sur les listes électorales et au retrait de leurs cartes d'électeurs et est depuis le 07/07/2011, l'un des 18 membres d'ELECAM. Il a soutenu cette position dans le journal Le Messager, n°3220, du 05/11/2010, p. 6-7.

* 211 M. MBOUA MASSOCK est leader d'un parti politique, et est souvent considéré comme le père des villes mortes où il y a joué un rôle déterminant, il a fait cette déclaration sur Equinoxe-tv au journal de 20h, du 16/08/2010.

* 212Confère les propos de M.Henri EYEBE AYISSI lorsqu'il déclare : « ...A condition que nous soyons sûrs qu'ils vont voter Paul BIYA ».

* 213 M.ONDOA, a expliqué cette position lors du cours magistral de « droit électoral » que nous avons eu avec lui au mois de février 2011.

* 214 Cameroon Tribune n° 9756/5957 du 03/01/2011, p. 2.

* 215 M. P. ZAMBO, est responsable politique il a fait cette déclaration, sur Canal2 à l'émission « Tous à l'antenne » du 08/02/2011.

* 216 Le Messager n° 3200 du 08/10/2010, p. 3.

* 217 Cette position des églises a été diffusée sur les chaînes de télévisions du pays, comme Stv2 en date du 26/07/2011 à l'émission « Cartes sur table ».

* 218 Il s'agit des propos de M. Guy PENNE, cité par M.OWONA NGUINI.

* 219 Cameroon Tribune n°8892/5091, du 17/07/2007, p. 9.

* 220Ibid. n°5090 du 12/03/1992, p. 12.

* 221 Ibid. n°5244 du 24/10/1992, p. 7.

* 222Ibid. n°6462 du 24/10/1997, p. 10.

* 223 Voir à ce propos le site www.Elecam.Cm, consulté le 30/06/2011.

* 224 Ibid. n°8892/5091, du 17/07/2007, p. 9.

* 225 Extrait du discours du chef de l'Etat prononcé à l'ouverture de la campagne électorale pour les élections législatives du 22/07/2007, sur la CRTV.

* 226 Cameroon Tribune n°8894/5093, du 19/07/2007, p. 7.

* 227 Ce sont les stratégies misent en oeuvre par les responsables ELECAM de la MENOUA et principalement de DSCHANG. C'est à l'issue de l'entretien avec le responsable communal d'ELECAM-DSCHANG en date du 25/11/2010.

* 228 Cette déclaration à été faite par le responsable d'ELECAM de NANGA-EBOKO, à Equinoxe-tv, le 06/11/2010, au journal de 20h.

* 229 C'est à l'occasion de l'entretien (le 25/11/2010) que nous avons eu avec ce responsable qu'il nous a fait part de cette situation.

* 230 Voir à ce sujet le site www.Camernews.Cm. Consulté le 27/06/2011.

* 231 Voir à ce propos le Site du RDPC, www.rdpc.cm, consulté le 30/06/2011.

* 232 Ibid.

* 233 Information relayée par CRTV-Ouest, en date du 08/07/2010, au journal de 18h.

* 234 Il est le Sécrétaire Général RDPC, ces propos ont été relayé dans Google analystic.Com, consulté le 29/06/2011.

* 235 Voir à ce propos le site www.Cameroon Obosso.net. Consulté le 28/06/2011.

* 236 Il é ténu ces propos lors d'une « réunion d'évaluation à mis parcours » des inscriptions sur les listes électorales au palais des congrès de Yaoundé le 10/02/2011, avec les membres des comités régionaux, départementaux et communaux des inscriptions sur les listes électorales. Voir le site Google-Analystics.Com, consulté le 28/06/2011.

* 237Il est décédé quelque temps après avoir tenus ces propos, au moment où il les tenait il était député RDPC et présidait le comité régional de l'EST pour les inscriptions sur les listes électorales au courant du mois de novembre de 2011. Consulté sur le site de www.Cameroon.online.Cm, le 27/06/2011.

* 238 Rapport Général de l'ONEL, 2002, op. cit., p. 15.

* 239 Cette information a été relayée par la CRTV-télé, en date du 16/12/2010, dans le quotidien des régions.

* 240Propos tenus par le responsable ELECAM de la région de l'ouest.

* 241 Rapport Général de l'ONEL, 2004, Op.Cit, p. 90.

* 242 Cameroon tribune n°8895/5094 du 20/07/2007 p. 7.

* 243 Ibid. p. 5.

* 244 Rapport Général de l'ONEL, 2004, Op. cit., p. 42.

* 245 Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23/08/2004, p. 10.

* 246 Ibid.

* 247 op. cit.,

* 248 Information relayée par le poste national de la CRTV en date du 22/05/2011, au journal de 13h.

* 249 Voir à ce sujet le site www.Camer.Be.Cm, consulté le 07/07/2011.

* 250 Lire à ce sujet Cameroun-Info.net, consulté le 27/07/2011. Propos tenus par la Rédaction de Cameroon-Info.Net

* 251Voir à ce propos le site www.Cameroon-Online.Cm. Consulté le 30/06/2011.

* 252 Il est le président de l'OJRDPC de la Mifi-centre dans la région de l'Ouest, il a ténu ces propos le 24/06/2011. Voir le site www.Cameroon-Online.Cm, le consulté le 11/07/2011.

* 253 Cette information a été relayée par la CRTV-télé, en date du 05/12/2010 au journal de 20h 30min.

* 254 Voir à ce propos le site www.Scores2000.Info. Consulté le 30/06/2011.

* 255 Cette stratégie a été développée par un responsable de « Horizon femme », sur Canal2 à l'émission « Tous à l'antenne » du 08/02/2011.

* 256 Cette opération a été organisée dans cette localité le 29/04/2011, selon les informations diffuséespar le poste national de la CRTV, en date du 29/04/2011.

* 257Information diffusée par Canal2, sur l'émission «La revue de Presse », du 07/07/2011, à 7h30min.

* 258Cité par la rédaction de Cameroun-Info.net, consulté le 27/07/2011.

* 259Le « CODE », est une organisation des camerounais de la diaspora. Il a tenu ces propos le 13/07/2011, à la rédaction de Cameroun-Info.net, consulté le 27/07/2011.

* 260 Cameroon Tribune n°8892/5091, du 17/07/2007, p. 9.

* 261 La loi n°2010/005 du 13/04/2010, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29/12/2006, portant création, organisation et fonctionnement d'ELECAM.

* 262 Voir à ce propos le site www.rdpc.Cm. Consulté le 30/06/2011.

* 263Ce décret a été publié par le Cameroon Tribune du 18/10/2010, p. 3.

* 264 Loi n°884/PJL/AN, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2006/011 du 29/12/2006, portant création, organisation et fonctionnement d' « ELECTIONS CAMEROON »(ELECAM).

* 265 Cameroon Tribune n°9883/6084, du vendredi 08/07/2011, p. 2.

* 266 C'est en réalité de la position de M.OWONA NGUINI Eric Marthias, qui d'après certaines informations auraient réfusé la proposition qui lui aurait été faite en vu de sa nommination comme membre du conseil d'ELECAM. Il a ténu ces propos par sur Canal2 à l'émission « Canal Presse » en date du 10/07/2011.

* 267 Ces propos ont été rélayés par le site www. Camer.be.cm, à l'insu d'un entrentien qu'il a accordé à Pierre-Patrick Mouandjo, le 16/07/2011, consulté le 27/07/2011.

* 268Cette position du SDF est le résultat de l'assemblée générale du « national executive council » tenue du 06 au 07/08/2011 à Bamenda. Elle a été diffusée par les médias camerounais comme Equinoxe-tv le 07/08/2011 au journal télévisée.

* 269 Il s'agit de l'article 123 du code pénal Camerounais qui puni d'emprisonnement de 3 mois à 2 ans, et d'une amende de 10000 à 100000fcfa, ou l'une de ces deux peines seulement celui qui, par voies de fait ou menace d'un dommage particulier quelconque...L'électeur à s'abstenir.

* 270 Voir à ce propos le site www.Cam.Be. Consulté le 28/06/2011.

* 271 op. cit., p.5






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius