Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de guinée: contribution à l'étude des menaces liées à la ruée vers le pétrole au nigéria.( Télécharger le fichier original )par Fabrice NOAH NOAH Universiré de Yaoundé II- Soa - DEA en géostratégie 2013 |
PARAGRAPHE 3 : Stratégies pétrolières et échec des politiques de développementdurable. A- Relation entre développement durable et industrie pétrolière :Le concept de développement durable occupe une place importante dans les réflexions sur l'avenir de notre planète. Défini comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »,232 il préconise la prise en compte, dans le processus de développement, des aspects environnementaux et sociaux d'une pla- 229 - l'expression était utilisée par le président français François Mitterrand pour désigner les anciennes colonies françaises d'Afrique. Cf. Réflexions sur la politique extérieure de la France. Introduction à 25 discours (1981-1985), Paris, Fayard, 1986, p.14, in Philippe Marchessin, « Mitterrand l'Africain », politique Africaine n°58, Paris, Karthala, juin 1995, p.10. 230 - Voir François Xavier Veshave, Françafrique, le plus long scandale de la république, Stock, 1998. 231 -Op.cit. 232- Cf. commission mondiale sur l'environnement et le développement, Rapport Bundland, 1987. Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de Yaoundé II-Soa. Page 49 Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole au Nigéria. nète globalisée.233Cette conception écologique de l'économie suggère le remplacement progressif des énergies fossiles, non renouvelables, par des énergies plus propres et renouvelables comme le solaire, l'hydraulique, l'éolien, la biomasse, etc. Le développement durable, qui a émergé en réaction à la croissance effrénée des « trente glorieuses »,234 se pose en alternative au modèle de développement industriel qui n'est pas soutenable sur le long terme. Face aux changements climatiques que connait le monde aujourd'hui il apparait nécessaire, pour les tenants de cette thèse, de revoir la conception actuelle du développement et de faire la part belle à des moyens plus respectueux de l'environnement. La raréfaction des ressources naturelles avec l'atteinte prochaine du pic pétrolier, les écarts de développement entre pays du Sud peu industrialisés et pauvres et pays du Nord développés et très industrialisés, les questions de sécurité alimentaire ou de déforestation, la croissance de la population mondiale, les problèmes causés par les catastrophes naturelles et industrielles, constituent, selon les écologistes, autant de raisons de s'approprier ce concept «novateur ». Le développement durable est difficilement associable à l'exploitation pétrolière. En effet, le pétrole est une énergie non renouvelable qui tend à se raréfier. Il ne peut, par conséquent, être considéré comme une énergie du futur. La pollution dont est responsable son exploitation dans l'automobile et les industries, les différentes catastrophes écologiques que provoque son déversement accidentel ou non dans la biosphère ou les disparités de développement dont il est la cause sont également des facteurs qui le rendent incompatible avec les exigences écologiques et sociales du développement durable. Si le pétrole crée des richesses et assure une certaine croissance économique, on ne peut bâtir sur lui un modèle de développement qui soit pérenne. Le Congo, l'Angola ou le Nigéria constituent alors des preuves du caractère « illusoire » d'un développement par le pétrole. Au-delà des raisons sus-évoquées, le caractère stratégique du pétrole justifie son apparente incompatibilité avec les politiques de développement durable. En effet, son exploitation convoque des enjeux qui ne sont pas seulement économiques, mais surtout politiques et stratégiques. Il est difficile de penser à la préservation de l'environnement quand l'exploitation du pétrole en appelle justement à sa relative destruction. Les grands consommateurs de pétrole qui s'affrontent dans le Golfe de Guinée, se soucient très peu de la transition énergétique. Hors mis quelques actions sporadiques dans le secteur des énergies propres, les majors présentes dans le Golfe de Guinée s'engagent en priorité dans la recherche de nouveaux gisements. L'attention accordée à des pays comme la Guinée Equatoriale, le Ghana, la Côte d'ivoire ou Sao Tome et Principe, prouve que le pétrole sera encore pour longtemps au coeur des stratégies de puissance dans le Golfe de Guinée. De même, les différentes atteintes à l'environnement comme les catastrophes écologiques235témoignent de la relative incurie avec laquelle les compagnies pétrolières gèrent leurs activités 233 - Cf. fr.wikipedia.org/wiki/développement durable 234 - Idem. 235 -Les catastrophes de Bodo au Nigéria en sont un exemple patent. Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, novembre 2004, 54 p. Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de Yaoundé II-Soa. Page 50 Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole au Nigéria. dans la région. Il est donc logique de penser à un certain échec de ce concept face au boom pétrolier que connait actuellement le Golfe de Guinée. B- Le développement durable face au dynamisme de l'industrie pétrolière au Ni-géria : L'échec des politiques de développement durable dans les pays pétroliers du Golfe de Guinée, plus particulièrement au Nigéria, est tributaire de la bataille énergétique qui s'y déroule. La volonté de prédation des acteurs de la filière constitue un blocage majeur pour les initiatives écologiques. La non-adhésion au protocole de Kyoto de grands consommateurs de pétrole présents dans la région (Etats-Unis et Chine) en dit long sur leurs intentions en matière de développement durable. L'industrie pétrolière semble incompatible, en Afrique plus qu'ailleurs, avec toute considération écologique ou sociale. Le pétrole, matière première stratégique par excellence, est au coeur des politiques de puissance des grands consommateurs. Ceux-ci ne peuvent alors aller à l'encontre de leurs propres intérêts en adoptant des politiques visant à réduire les activités d'exploration et de production. L'échec des récents sommets mondiaux sur l'environnement (Copenhague, Rio+20, Doha) traduit la volonté pour les puissances de prolonger l'ère pétrolière. Le Nigéria est un parent pauvre des énergies renouvelables. La pauvreté combinée au faible intérêt pour l'Etat fédéral de promouvoir ces énergies propres (surtout dans le secteur des transports) ne permet pas une certaine percée du développement durable. Les seules initiatives recensées dans ce sens sont le fait d'organisations non gouvernementales, qui se cantonnent généralement aux zones rurales et concernent le domaine de la consommation domestique d'énergie. Les autorités politiques, otages à la fois des grands consommateurs et de leurs politiques et choix économiques, continuent d'encourager l'exploitation du pétrole au détriment de l'environnement et des générations futures. Le pétrole constitue une véritable source de pouvoir politique et économique, pour les responsables politiques, qu'il est difficile d'abandonner. Dans ces conditions, songer à des énergies de substitution ou à la rationalisation de l'exploitation pétrolière relève de la gageure. L'industrie pétrolière constitue alors, au Nigéria, un réel obstacle aux politiques de développement durable. Les stratégies de puissances des grands producteurs et le manque de diversification de l'économie nigériane ne sont pas favorables à un dynamisme énergétique. La promotion du développement durable dans le pays passe alors nécessairement par une émancipation à la fois énergétique, politique, économique et géostratégique. Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de Yaoundé II-Soa. Page 51 Enjeux énergétiques et insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole au Nigéria. |
|