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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
INTRODUCTION:
I- PRESENTATION DU SUJET :
Le pétrole n'a pas toujours été, comme il
l'est aujourd'hui, une ressource naturelle convoitée. Il a même
constitué une cause de désenchantement pour nombres
d'investisseurs à la recherche de la fortune, aux premières
heures de son exploitation industrielle.1 C'est avec John
Rockefeller et la Standard oil of New Jersey, que cette source
énergétique sera facilement associée à la
sécurité et à la prospérité.2 A
l'occasion de plusieurs conflits armés, son rôle essentiel dans
les efforts de guerre des belligérants, lui a conféré le
statut d'énergie stratégique. George Clémenceau
déclare même qu'en 1918, la victoire des alliés a
«vogué sur un océan de trole ».3 De
même, le rôle essentiel qu'il a joué pendant la seconde
guerre mondiale sur terre, dans les airs et sur mer, a renforcé ce
statut et l'impression qu'il n'est vraiment pas une énergie comme les
autres. 4
L'histoire des pays producteurs de pétrole nous
démontre qu'il ne saurait à lui seul en déterminer le
destin. Si pour certains le pétrole n'échappe pas à la
logique qui veut que les ressources naturelles constituent une «
malédiction » pour les pays qui en possèdent5,
les exemples de la Norvège, des Etats-Unis ou même de la Russie,
apparaissent comme la preuve de la possibilité de bâtir
prospérité et puissance sur le pétrole. Il semble
qu'au-delà de sa simple possession, des politiques de gestion
efficientes soient des gages d'une économie dynamique.6
En effet, le caractère épuisable et surtout rare
du pétrole, fait qu'il est l'objet de conflits constants. De nombreuses
guerres ont été déclenchées pour le contrôle
de quelques réserves, ou pour assurer à quelque puissance un
approvisionnement régulier malgré l'adoption par leurs
partenaires de mesures protectionnistes.7 L'issue de celles-ci est
souvent fonction de négociations où le grand vainqueur n'est pas
toujours celui qui possède du pétrole.8 Même en
l'absence de conflit militaire la situation de certains pays producteurs, plus
particulièrement en Afrique et au Moyen Orient, n'est pas exempte de
conflictualité. Les politiques de gestion, lorsqu'elles sont
jugées inefficaces par une partie de la population, peuvent en effet
constituer des sources
1- Pierre Noel, « les Etats Unis et le pétrole :
de Rockefeller à la guerre du Golfe », in Questions
internationales n° 2- juillet-aout 2003. P 31.
2 - idem.
3 - André NOUSCHI, Pétrole et relations
internationales depuis 1945, Armand colin, paris 1999. 4- Idem. P7.
5 - Il existe de nos jours, de nombreuses théories qui se
basent sur l'échec des politiques de développement basée
sur l'exploitation des ressources naturelles, au cours de l'histoire, ou sur le
destin tragique de plusieurs pays africains producteurs de pétrole pour
justifier une certaine « malédiction des ressources naturelles
». Celles-ci seraient à la base d'une crise économique
(Pays-Bas entre 1940 et 1950) ou de la prolifération des conflits
(Angola, Nigéria, Congo, etc.) rendant ainsi impossible un
développement par le pétrole.
6 - Ian GARRY et Terry LYNN Karl, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
juin 2003.P 1.
7 - Les cas des différentes campagnes militaires
américaines dans le Golfe (1990 et 2003), des guerres du Biafra et au
Congo Brazzaville sont autant cas pratiques de ces situations.
8 - Nous pouvons citer à cet effet les cas des campagnes
américaines en Irak ou de l'OTAN en Libye en 2012.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
potentielles d'instabilité.9On assiste alors
à la naissance de mouvements de contestation populaire qui peuvent se
radicaliser, selon que les revendications qu'ils portent sont prises, ou non,
en considération par les autorités politiques.
Le Nigéria, premier producteur de pétrole
d'Afrique,10avec une production se classant au sein des pays de
l'OPEP directement derrière celles de l'Arabie Saoudite ; du Venezuela ;
de l'Iran et des Emirats Arabes Unis, 11est une illustration de la
vitalité du marché pétrolier dans le Golfe de
Guinée. Au fil des années, sa production est demeurée
relativement constante malgré une atmosphère sociale
exécrable dans le delta du Niger, principale région
pétrolière du pays. Cependant, il demeure un exemple du paradoxe
caractéristique des pays pétroliers africains où une
pauvreté extrême vient relativiser l'apport en matière de
développement et de puissance des richesses naturelles. Selon le
classement de l'Indice de développement humain du PNUD de
l'année 2005, ce pays se classe à la 158 e place
mondiale sur 177 pays.12 Cette situation n'a pas foncièrement
changée, au regard des chiffres du dernier rapport de la même
agence onusienne sur le développement en Afrique en 2012.13
En outre, la dangerosité de ses côtes et les nombreux coups de
force militaires qui jalonnent son histoire, font de lui un des pays les plus
instables du Golfe de Guinée. En effet, depuis le forage du premier
puits de pétrole dans le pays en 1956, par les compagnies British
Petroleum et Shell14, il a connu de nombreux
moments de tensions certes localisées, mais d'une violence
inouïe.15 Trois principaux facteurs favorisent la
résurgence d'évènements déstabilisants dans le pays
: la gestion de l'industrie pétrolière et des revenus qui en
découlent par les autorités politiques centrales et locales ;
l'attitude de prédation des acteurs transnationaux du secteur
pétrolier nigérian ; et les velléités autonomistes
et sécessionnistes de peuples autochtones des régions
productrices.
Au Nigéria, la gestion de l'industrie
pétrolière est dévolue, en priorité, aux
autorités politiques. En effet, selon la Land Use Act de 1978,
l'Etat est le propriétaire de la terre, ceci en dépit des
avantages dont pourraient se prévaloir les communautés locales en
matière de droit foncier. En vertu de ce statut, il procède
à l'exploitation des richesses naturelles dont recèlent les
régions du pays et en assure le partage des bénéfices
financiers à l'ensemble des Etats de la fédération. Dans
le domaine de l'exploitation pétrolière, par exemple, la rente
est redistribuée de manière à en faire profiter tous les
nigérians quelque soit le statut de producteur ou non de leur Etat.
Or,
9- cf. L'interview du leader du MEND, JOMO GBOMO paru dans la
brève du golfe de guinée, n° 002, oct. Nov.
Déc. 2010, p.28.
10 - Cf. annexe n° 8
11- Ian Garry et Terry LYNN Karl, le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
juin 2003, p. 25.
12 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine, n°
216, avril 2004, p.
13 - Cf. PNUD, rapport sur le développement en Afrique
2012. Vers une sécurité alimentaire durable, PNUD 2012,
14 p.
14- Idem
15 - Voir Amnesty International, Nigéria :
pétrole, pauvreté et violence, éditions
françaises d'Amnesty Interna-tional, Aout 2006 ; voir aussi Laurent
FOUCHARD, « Violence et ordre politique au Nigéria », in
Politique africaine, « le Nigéria sous OBASANJO. Violences et
démocratie. » n° 106, Juin 2007, pp.5-28
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ce qui est souvent constaté, c'est que les dirigeants
politiques utilisent l'argent du pétrole pour se créer un cercle
d'obligés au niveau local, gracieusement entretenus à coup de
pétrodollars.16 La plupart des présidents
nigérians n'ont pas réussi à sortir leur pays de la
situation de rente dans laquelle il se trouve, et qui l'oblige à se
servir de l'argent du pétrole, pour des buts plus politiques
qu'économiques ou sociaux. De même, de nombreux membres des
niveaux inférieurs17 de gouvernement (Etats
fédérés, gouvernements locaux), dont la mission est de
rapprocher la décision politique des populations, sont souvent
accusés d'abuser de leurs positions de pouvoir pour s'enrichir
personnellement. L'argent, alloué par l'Etat ou même par les
multinationales pétrolières pour des projets de
développement, est en grande partie
détour-né18aggravant ainsi la pauvreté chez une
majorité de nigérians.
L'action des multinationales pétrolières
constitue la seconde cause potentielle d'insécurité.
Considérées par beaucoup comme des complices du pouvoir
politique, celles-ci n'ont pas bonne presse au sein des masses populaires.
Elles sont même souvent accusées de vouloir déstabiliser le
pays pour préserver leurs intérêts. Lors de la guerre du
Biafra (1967-1970), le groupe français ELF, avec la
bénédiction des autorités politiques françaises,
aurait par exemple armé les sécessionnistes et oeuvré,
ainsi, à la partition du pays.19 Plus significatif encore,
Loïk le Floch- Prigent, un ancien patron de la défunte
multinationale affirme que « Elf est mise en oeuvre pour fonctionner comme
une compagnie pétrolière [...] mais il s'agit également
d'un prolongement de l'Etat.20». Cette mauvaise image des
« majors » au Nigéria est aussi la conséquence de leurs
bénéfices annuels énormes ressentis comme une injustice
par les populations autochtones qui vivent, pour la plupart, dans la
pauvreté. De même, la pollution par le déversement
accidentel de pétrole, et par conséquent la destruction de
l'habitat et des moyens de subsistances des populations,21 est une
cause à la fois d'insécurité environnementale et de
mécontentement dans la population.
Le troisième et dernier facteur
d'insécurité vient des populations habitants les zones
d'exploitation. Celles-ci présentent leurs actes de rébellion au
pouvoir central, comme autant de cris d'exaspération contre les
politiques pétrolières mises en oeuvre depuis de nombreuses
années et considérées par elles comme injustes et
préda-trices.22Qu'il s'agisse des peuples Ogoni,
Ibo ou Ijaw, les revendications sont les mêmes :
décentralisation de la gestion du pétrole ; octroie en
priorité et en majorité des revenus du pétrole aux
populations des zones de production ; réparation des dé-
16- C'est l'occasion de citer ici l'exemple du docteur Peter
ODILI, ancien gouverneur l'état pétrolier de river qui
possédait 500 taxis ! (Cf. UKOHA UKIWO, « le Delta du Niger face
à la démocratie virtuelle du Nigéria » in
Politique Africaine, n°106, juin 2007.P 128-147.
17 - L'emploi de l'adjectif inférieur ici traduit, non
pas l'importance mineure des Etats fédérés et des
gouvernements locaux, mais la réalité fédérale qui
est caractérisée par une administration publique à
plusieurs niveaux.
18 - Idem
19 -François Xavier VERSHAVE, la françafrique.
Le plus long scandale de la république, éditions STOCK,
1998. P 141-145.
20 - LOIK le FLOCH- PRIGENT, Affaire Elf, Affaire d'Etat,
Gallimard, 2001.P 61.
21 -Cf. rapport d'Amnesty international cité par
Loïc KOKUVI MOSSI, covalence Analyst paper, impacts des mu l-tinationales
du pétrole sur l'économie du Nigéria.
22- Cf. L'interview de JOMO GBOMO citée plus haut.
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gâts causés par la pollution
pétrolière, etc.23Lorsque le pouvoir central
n'accède pas, ou de manière insuffisante, à ces demandes,
c'est par des actes aussi divers que la piraterie, le terrorisme ou même
par du vandalisme24que répondent les populations
autochtones.
L'importante production pétrolière du
Nigéria le place au centre de nombreuses convoitises de la part de pays
grands consommateurs de brut. Cette situation, qui est foncièrement
porteuse d'insécurité, vient s'ajouter au péril
causé par son environnement politique et social interne instable. C'est
alors à une situation, sinon inédite, au moins
particulière, que notre étude des enjeux
énergétiques et de l'insécurité au Ni-géria
nous permettra d'accéder.
II- INTERET DU SUJET :
Notre thème de recherche, sur la relation entre les
enjeux énergétiques et l'insécurité au
Nigéria, est d'un intérêt multiple à la fois
théorique et scientifique
; stratégique et
didactique.
Aux plans théorique et scientifique, notre travail, qui
est conduit par la théorie néoréaliste
des relations internationales, veut démontrer que les
Etats sont concur-
rencés dans leurs domaines de souveraineté
naturelle, ici dans la gestion du pétrole, par d'autres acteurs
étatiques ou non. Cette concurrence, qui est fondée sur la
recherche de l'intérêt, se joue souvent en la défaveur de
l'Etat. Il est donc question pour nous, à travers l'exemple du
Nigéria, de faire la description d'une situation qui est, plus qu'on ne
veut l'admettre, commune à de nombreux pays africains riches en
ressources naturelles.
Au plan stratégique, notre sujet veut démontrer
qu'en Afrique, plus particulièrement, les projets d'exploitation
pétrolière sont toujours entourés de
considérations
géostratégiques. Les États-Unis, la
France, l'Angleterre ou la Chine ne peuvent sérieusement être pris
comme de simples clients du pétrole africain. Au regard de leurs
réserves stratégiques, des projets géopolitiques qu'ils
formulent sur le pétrole afri-cain25ou de leur histoire
pétrolière récente, ces différents acteurs sont
autant de pré-
dateurs de l'énergie africaine. Il s'agit donc pour
nous de démontrer que les relations pétrolières, entre
acteurs africains et partenaires étrangers, vont au-delà des
sphères
économique et commerciale pour se retrouver en plein
dans la géopolitique, voire dans la géostratégie.
Notre travail revêt enfin un intérêt
didactique. En effet, la valeur suprême de notre recherche est
d'être utile. Il voudrait faire prendre conscience aux hommes politiques
africains, en leur qualité de décideurs, mais aussi à tous
les africains qu'il y a une autre manière de gérer les
ressources naturelles. Il n'existe pas
23 - Cf. Dossier : « De Isaac BORO au MEND : les figures du
militantisme dans le Delta du Niger » in la brève du Golfe de
Guinée, n° 002, oct. Nov. Déc. 2010.PP 18-23.
24- Cf. Politique Africaine n° 106, le
Nigéria sous OBASANJO violence et démocratie, KARTHALA, juin
2007, pp 528.
25- voir « une nouvelle géopolitique du
pétrole Africain » in revue Française de
géopolitique n°2, Paris, Ellipses, 2004.P 241.
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de « malédiction » du pétrole à
proprement parlé, mais plutôt de mauvaises politiques de gestion
de cette source d'énergie stratégique. « Enjeux
énergétiques et insécurité dans le Golfe de
Guinée : contribution à l'étude
des menaces liées à la ruée vers le pétrole au
Nigéria. » se veut une
vitrine des réalités de l'univers pétrolier
nigérian, à la disposition des africains, mais aussi de toute
personne intéressée par les relations nord-sud.
III- CLARIFICATION CONCEPTUELLE :
Pour une meilleure analyse de notre sujet, nous allons
procéder à une approche définitionnelle des concepts
enjeux et enjeux énergétiques ;
insécurité et me-
naces.
Selon le dictionnaire de français
Larousse®, édition de l'année 2009, le
terme enjeu désigne « ce qu'on peut gagner ou perdre dans
une entreprise ». La définition de l'édition Maxipoche
2009 du même dictionnaire est plus expressive. Elle présente
l'enjeu comme « ce que l'on peu gagner ou perdre en entreprenant quelque
chose ». Vu sous cet angle, il est éminemment
géostratégique. En effet, l'enjeu revoie à une
démarche, à une action que l'on mène dans
un objectif précis, défini à l'avance. Il
représente l'initiative, qui intervient après la décision.
En tant qu'art ayant pour but de
transformer l'espace au mieux des intérêts de la
puissance qui s'en sert,26 la géostratégie ne peut se
comprendre sans l'existence d'enjeux. On pourrait même dire que la
géostratégie est la science des enjeux, en ce sens que tout
projet géostratégique, en
plus des exigences de sa mise en pratique, doit avoir comme
motivation des en-jeux.27
Le terme « enjeu » est d'une importance
capitale pour notre travail de re-
cherche. En effet, il traduit, à notre sens, les
motivations et les raisons profondes de la bataille pour l'énergie qui
se joue au Nigéria. Pays africain à la production
pétro-
lière la plus importante, il constitue un axe
prioritaire dans la stratégie des grands consommateurs. La relative
ancienneté de sa production et les perspectives d'une augmentation de
celle-ci, grâce au développement et à l'ouverture du
marché pétro-
lier nigérian, font du pays une destination très
prisée par les consommateurs occidentaux, asiatiques et sud
américains. Les enjeux sont alors tout ce que ces acteurs
de l'univers pétrolier nigérian mettent dans
l'affrontement qui s'y déroule. L'intérêt de ce concept est
qu'il traduit à suffisance le caractère incertain de l'issue de
tout conflit géostratégique, le rapport de force étant par
essence dynamique.
Les enjeux énergétiques, par extension,
sont ceux qui ont trait à l'approvisionnement en énergie (ici en
pétrole). Comme nous l'avons déjà dit plus haut, le
pétrole est l'énergie stratégique par
excellence.28Le rôle qu'il joue dans la civilisation de
l'automobile dans laquelle nous vivons ; mais aussi dans le maintien et
26 - Alain FOGUE TEDOM, la géostratégie,
cours dispensé en maitrise de science politique à
l'université de Yaoundé II Soa, p.26
27 - Idem
28 -Cédric LESTRANGE, Christophe-Alexandre PAILLARD,
Pierre ZELENKO, Géopolitique du pétrole, éditions
TECHNIP, 2005. P82.
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la poursuite des efforts de guerre et dans l'industrie le
traduit à suffisance. Il est un gage de sécurité et de
puissance pour les nations stratégiquement avancées.
Le concept d'insécurité, quant à
lui, traduit l'idée de manque de sécurité.29 En
effet, il y a insécurité lorsque la sécurité est
absente ou insuffisante. Selon Gérard DUSSOUY, c'est la «
[...] combinaison de menaces et de vulnérabilités- notions
inséparables-30». Pour parler d'insécurité
il faut donc, non seulement, qu'une ou des menaces soient clairement
identifiées mais aussi qu'il existe des conditions favorisant leur
réalisation. Pour DUSSOUY, on peut recenser quatre principaux
types d'insécurités: militaire, politique, sociétale et
économique.31
Dans le cas qui nous intéresse,
l'insécurité est à la fois fonction de facteurs
endogènes et exogènes. Le premier facteur endogène
d'insécurité au Nigéria est le passif colonial. Comme la
plupart des pays africains, le Nigéria souffre d'une extraversion
étatique.32L'Etat, qui est l'héritage de la
colonisation anglaise, n'est pas suffisamment ancré dans les
réalités sociologiques et anthropologiques du pays. Cela cause un
sentiment de frustration et de révolte qui est plus perceptible au sein
des populations autochtones des zones pétrolifères. La politique
de redistribution de la rente, la radicalisation du militantisme dans le delta
du Niger, l'attitude de captation des revenus pétroliers, constituent
d'autres facteurs endogènes d'insécurité.
Les facteurs exogènes d'insécurité sont
tout aussi nombreux. Les enjeux énergétiques des grandes
puissances qui pèsent sur le Nigéria, sont autant d'«
épées de Damoclès » sur la tête des dirigeants
politiques. S'ils ont pu garder une haute main sur les procédures
d'attribution des permis d'exploration et d'exploitation, l'entrée dans
l'univers pétrolier nigérian de partenaires internationaux, aussi
divers qu'incontrôlables, a abouti à l'encerclement
géostratégique du pays. L'irresponsabilité des
multinationales pétrolières, les fluctuations des prix du baril
de pétrole sur le marché international, l'inconsistance de la
tutelle des IFI sont d'autres causes exogènes
d'insécurité.
Le terme menace désigne un danger qui ne cesse
d'inquiéter.33 Il désigne un phénomène
à la fois néfaste et permanent. Les menaces présentent
dans l'univers pétrolier nigérian sont nombreuses. Celles qui
nous intéressent, dans le cadre de notre recherche, sont le fait des
nombreux enjeux sur le pétrole nigérian. Elles résultent
du fait que la satisfaction des intérêts d'un acteur
géostratégique se fait toujours au détriment de ceux des
autres.
29 - Dictionnaire Larousse®, édition Maxipoche
2009, mai 2008.
30 -Gérard DUSSOUY, Quelle géopolitique au XXIe
siècle ? Éditions Complexe, 2001.P
31 - Idem
32 - Cf. Alain FOGUE TEDOM, Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique Noire,
l'Harmattan, 2008. P 175.
33 - Dictionnaire Encarta® 2009, Microsoft corporation,
2008.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
IV- DELIMITATION SPACIO TEMPORELLE DU SUJET :
Notre objet de recherche se veut précis et
spécialisé. Par conséquent, il connaît une
limitation, à la fois, dans l'espace et au niveau de l'époque
prise en considération.
A- Délimitation spatiale :
Présentation sommaire du Golfe de Guinée
:
Le Golfe de Guinée peut être
considéré comme une des régions pétrolières
les plus stratégiques d'Afrique et du monde. Géographiquement, il
couvre toute la zone côtière allant du cap des Palmes, entre le
Libéria et la Côte d'ivoire au nord et le cap Santa Maria sur le
littoral sud de l'Angola.34Le Nigéria, Sao tome et principe,
le Gabon, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, le Congo, l'Angola et la
République Démocratique du Congo constituent, dans le cadre de la
Commission du Golfe de Guinée (CGG), les limites
institutionnelles de cet espace géographique.35
Pour des raisons pragmatiques, nous nous attacherons à
la réalité géographique du Golfe de Guinée,
plutôt qu'à son aspect politique et institutionnel. Cette partie
de l'Afrique compte alors, en son sein, de grands producteurs de pétrole
(Nigé-ria, Angola, Guinée Equatoriale), des producteurs moyens
(Ghana, Côte d'ivoire), des futurs producteurs (Sao Tome et principe), et
d'anciens producteurs aux réserves déclinantes, mais tout aussi
importantes (Gabon, Cameroun, Congo). Selon Yate Douglas A., sur huit
milliards de barils découverts en 2001, sept l'ont été
dans le Golfe de Guinée.36 Les réserves
prouvées de pétrole y étaient estimées en 2003
à 24 milliards de barils37 faisant de lui « le premier
pôle mondial de production en offshore très profond
».38
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34 - Cf. Etanislas Ngodi, Pétrole et
géopolitique en Afrique centrale, L'Harmattan, 2008, p.13.
35- Voir Come Damien George Awoumou, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises », in Enjeux n° 22,
janvier-mars 2005.
36 - Yate Douglas A. « Nouvelles tendances des
investissements directs étrangers dans les pays pétroliers du
Golfe de Guinée », conférence sur le pétrole dans le
Golfe de Guinée, Friedrich Ebert Stiftung, Yaoundé, octobre
2003.
37- J. Christophe Servant, « offensive sur l'or noir
Africain : une priorité stratégique » in le Monde
diplomatique, Paris, janvier 2003.
38 - Idem.
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insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
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au Nigéria.
Fig.1 : Carte du Golfe de
Guinée :
Source : Microsoft®
Encarta® 2009, Microsoft corporation, 2008
Présentation du Nigéria :
Le Nigéria est un pays d'Afrique, situé au coeur
du Golfe de guinée, sur un territoire de près de 923 768
km2.39 Il est limité au nord par le Niger,
à l'est par le Tchad et le Cameroun, et à l'ouest par le
Bénin. Le relief du pays est constitué, principalement, de vastes
plateaux, de plaines et de montagnes. Il est traversé par de nombreux
cours d'eaux, dont les plus importants sont le Niger et la
Bénoué.
Sur le plan politique, le Nigéria est un Etat
fédéral, composée de 36 Etats fédérés
et de plus de 700 gouvernements locaux. La ville d'Abuja en est la capitale
administrative. Elle se trouve dans un territoire situé au centre
géographique du pays, et au point de rencontre des trois grandes
régions du pays. Lagos, est la plus grande ville du pays, son principal
centre économique, l'un des principaux ports et une des villes les plus
peuplées.40 La langue officielle du Nigéria est
l'anglais.
39 - Cf. « Nigéria », Microsoft®
Encarta® 2009, Microsoft corporation, 2008
40 - Idem.
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menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Fig.2 : Carte du
Nigéria.
Source : Microsoft®
Encarta® 2009, Microsoft corporation, 2008
B- Délimitation temporelle :
Du point de vue chronologique, notre travail se concentre sur
la gestion des ressources pétrolières au Nigéria dans une
perspective longitudinale, tout en insistant sur l'actualité de nos
informations. Par conséquent, si notre recherche fait
référence de temps à autre à des
évènements éloignés dans le temps, elle se
spécifie à la fin des années 1970 (plus
précisément à l'année 1979) et le début des
années 1990, jusqu'en 2012. Cette limite temporelle se justifie par une
volonté de rendre compte de manière claire des changements
majeurs dans l'univers pétrolier Nigérian. En effet,
malgré le début de l'exploitation du pétrole dans le pays
en 1956 et la guerre du Biafra (1967-1970), celui-ci ne deviendra
réellement un enjeu énergétique et politique qu'entre 1979
et 1990, avec le second choc pétrolier et les troubles dans le Golfe
Persique qui accélèreront le redéploiement
américain en Afrique.41Les régimes militaires
successifs au Nigéria au cours de cette période permettront, par
leur gestion opaque du pétrole, un déploiement
géostratégique des grands consommateurs que le retour à la
démocratie, à partir de 1999, a depuis de la peine à
juguler.
V- REVUE DE LA LITTERATURE :
Notre recherche s'inscrit dans la continuité de travaux
antérieurs, traitant, pour l'essentiel, du caractère
stratégique de l'industrie pétrolière. L'étude
minutieuse des
41 - Voir « le président américain en Afrique
» in l'autre Afrique n° 42 du 25 au 31 mars 1998, 9-15.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
nombreux ouvrages lus, nous a permis de faire ressortir les
principaux thèmes abordés. Il s'agit, pour l'essentiel, du
caractère conflictuel de l'univers pétrolier, de la
pauvreté dans les pays producteurs du Golfe de Guinée, des
conséquences environnementales de l'exploitation
pétrolière, de l'inadéquation des politiques de gestion du
pétrole et de la rente en Afrique noire, du statut stratégique du
Golfe de Guinée et du rôle politique et
géostratégique des multinationales pétrolières.
De nombreux auteurs ont abordé le thème de la
conflictualité dans l'univers pétrolier, en insistant sur
l'incompatibilité des intérêts comme source des conflits,
entre les acteurs. Cédric LESTRANGE, Christophe-Alexandre PAILLARD et
Pierre ZE-LENKO, ont par exemple évoqué, dans leur ouvrage
Géopolitique du pétrole42, le
caractère belligène de certains pays pétroliers, notamment
africains. Ils considèrent que la production du pétrole y
constitue, généralement, un facteur aggravant des crises
déjà existantes.43 Dans le même ordre
d'idées, Gérard DOSSOUY, dans son ouvrage intitulé
Quelle géopolitique au XXIe siècle
?44 revient sur l'importance stratégique du
marché pétrolier, en insistant sur le rôle qu'y jouent les
Etats-Unis. Il estime alors que l'ère pétrolière est loin
de toucher à sa fin et que, par conséquent, les conflits
liés au contrôle de cette ressource, non renouvelable, sont
appelés à se multiplier. Michel KOUNOU se spécifie, quant
à lui, aux conflits que peut engendrer, en Afrique au Golfe de
Guinée, une mauvaise gestion du pétrole. Il met ainsi, dans son
livre Pétrole et pauvreté au sud du Sahara,45
les dirigeants politiques africains face à leurs responsabilités
dans la violence qui sévit dans nombre de pays pétroliers de la
région.
Le Professeur Michel KOUNOU évoque, dans ce même
ouvrage, le thème de la pauvreté. Il reconnait ainsi qu'il s'agit
d'un paradoxe qu'il convient de dénoncer pour susciter une meilleure
gestion des revenus pétroliers en Afrique. Deux autres auteurs, Ian
GARRY et Terry Lynn KARL, dans leur rapport intitulé Le fond du
baril. Boom pétrolier et pauvreté en Afrique,46
résument sous l'appellation « paradoxe de l'abondance » toute
l'incongruité de l'indigence de nombreux pays africains
pétroliers, malgré l'importance des sommes qu'ils engrangent
chaque année.
La « misère du pétrole » est un
thème qui a été grandement abordé dans les ouvrages
que nous avons lus. S'il s'est agi pour certains auteurs de ne s'en tenir
qu'à l'aspect économique et social de la mauvaise gestion du
pétrole en Afrique, d'autres ont également évoqué
l'aspect environnemental de celle-ci. L'ONG Amnesty International est revenue,
dans le cadre d'au moins deux rapports,47 sur la pollution
provoquée par l'incurie dont bénéficient certains acteurs
du secteur pétrolier nigérian.
42 -Cédric LESTRANGE, Christophe-Alexandre PAILLARD,
Pierre ZELENKO, Géopolitique du pétrole, Paris, édi-tions
Technip, 2005, 259 p.
43 - Cf. p. 153
44 - Gérard DUSSOY, Quelle géopolitique pour le
XXIe siècle ?, éditions complexe, 2001, 405 p.
45 Michel KOUNOU, Pétrole et pauvreté au sud du
Sahara, Yaoundé, éditions Clé.
46 - Ian Garry et Terry Lynn Karl, le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relief Services,
Juin 2003, 102 p.
47 - Cf. Amnesty International, CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty International,
novembre 2011, 54 p. et Amnesty International, Pétrole, poll u-tion et
pauvreté dans le delta du Niger, Amesty International, juin 2009.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 11
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Celle-ci a plongé un nombre important de
nigérians dans une situation de misère intenable, doublée
d'une incapacité à vivre dans un environnement sain. Michel
KOU-NOU, Cédric LESTRANGE et al. décrivent également, dans
leurs ouvrages suscités, cette pollution de tous les instants dont sont
victimes nombre de populations africaines.
Le thème de la responsabilité des
autorités politiques africaines, dans la faiblesse des résultats
sociaux du pétrole, est repris par de nombreux auteurs au rang desquels
figure Etanislas NGODI. Celui-ci affirme, dans son ouvrage Pétrole
et géo-politique en Afrique centrale,48 que la
prédation autour des revenus du pétrole est due à la crise
de l'Etat dans les pays producteurs. Il démontre ainsi que les
dirigeants africains ont une part de responsabilité dans le faible
impact économique et social du pétrole. C'est également
l'avis de Michel KOUNOU dans son article intitulé « paradoxes et
misères du pétrole africain ».49 Les ouvrages
d'Amnesty International, d'Ian GARRY et de Terry Lynn KARL,
évoqués plus haut, reviennent également sur l'implication
des politiques africains dans la mauvaise gestion du secteur
pétrolier.
S'il la responsabilité des dirigeants politiques, dans
la pauvreté de nombreux pays africains, est incontestable, c'est bien
à cause de la gestion inadéquate qu'ils font de l'industrie
pétrolière et de ses revenus. Au Nigéria, cette situation
est à l'origine d'une violence de tous les instants qui est le fait,
à la fois, des responsables politiques et militaires et des populations
des régions pétrolières désabusées. C'est
pour cette raison que de nombreux auteurs ont voulu insister sur la violence,
qui semble structurer la société nigériane. Dans son
article intitulé Violences et ordre politique au
Nigéria50, Laurent FOURCHARD revient sur la violence qui
caractérise souvent la relation entre l'Etat et les populations habitant
les régions pétrolifères. Il insiste sur l'origine sociale
du conflit entre ces deux entités, et sur la promptitude à la
violence qui est constatée. Sylvie FANCHETTE estime, pour sa part, que
ce sont les rivalités de pouvoir, les revendications territoriales et
les décisions pétrolières qui constituent les ferments de
la violence au Nigéria.51 Elle n'hésite pas à
rentrer dans l'historique de l'économie nigériane, pour expliquer
les troubles qu'a produit l'exploitation du pétrole dans la vie de
nombreux peuples autochtones. Alexandra GEISER dans
Nigéria52 revient sur la déliquescence de la
société nigériane ; tandis qu'Amnesty International
relate, dans une de ses publications,53 l'horreur et la
désolation qui résulte, généralement, des
interventions de la soldatesque, aux ordres d'Abuja, lors de manifestations de
revendication des populations.
48 - Etanislas NGODI, pétrole et géopolitique en
Afrique centrale, L'Harmattan, 2008, 255p.
49 - Cf. Michel KOUNOU, « Paradoxes et misères du
pétrole africain. » in Enjeux n°36, juillet 2008.
50 - Voir Laurent FOURCHARD, « Violences et ordre politique
au Nigéria. », in Politique africaine, « Le Nigéria
sous OBASANJO. Violences et démocratie. », N° 106, juin
2007, pp.5-28.
51 - Cf. Sylvie FANCHETTE, « Le delta du Niger
(Nigéria) : rivalités de pouvoir, revendications territoriales et
ex-ploitation pétrolière ou les ferments de la violence. »,
in Hérodote n° 121, la découverte, 2e
trimestre 2006, pp. 190- 219.
52 - Voir Alexandra GEISER, Nigéria, Organisation
suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), 2010, 24 p.
53 - Voir Amnesty International, Nigéria :
pétrole, pauvreté et violence, éditions
françaises d'Amnesty Interna-tional, Aout 2006.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 12
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le Golfe de Guinée est une région
pétrolière stratégique. C'est une certitude que l'on
acquiert, à la lecture des articles de Côme Damien AWOUMOU,
WULLSON MVOMO ELA et Honoré le LEUCH.54 Ceux-ci
démontrent, par des arguments différents, le caractère
incontournable du Golfe de Guinée dans la géopolitique et la
géostratégie mondiales du pétrole. Il n'est donc plus
question d'une zone au faible poids stratégique, mais d'une
région au centre de nombreux enjeux de puissance et de
sécurité de la part des grands consommateurs de pétrole.
L'attractivité du Golfe de Guinée apparait donc comme une
évidence qu'affirment des auteurs tels qu'Olivier CHARNOZ, Philippe
COPINSCHI, Pierre Noel, François LAFARGUE et Alain FOGUE
TEDOM55 ; en insistant sur les manoeuvres des grandes puissances
pour s'y installer durablement, et sur les conséquences de celles-ci sur
la stabilité et le développement économique des pays
africains.
Si notre recherche s'est grandement inspirée des
travaux évoqués plus haut, elle s'en démarque à
plus d'un titre. En effet, l'objectif de notre travail est d'établir le
lien qui existe, au Nigéria en particulier, entre enjeux
énergétiques et insécurité. Il s'agit pour nous, de
présenter le dynamisme de l'industrie pétrolière comme un
facteur susceptible d'exacerber l'insécurité, en cas de faillite
de l'Etat. L'extraversion étatique constitue le terreau sur lequel
viennent germer toutes sortes de phénomènes, constituant des
menaces à la stabilité politique, économique, sociale et
environnemental du pays. Nous insistions également sur
l'insécurité multiforme du pétrole au Nigéria, en
évoquant la responsabilité de chacun des acteurs du secteur. Il
ne s'agit pas, seulement, de jeter l'opprobre sur les responsables politiques
et les multinationales pétrolières, mais aussi de souligner
l'insécurité dont peuvent être porteurs les enjeux
énergétiques des groupes militants, et des populations des
régions pétrolières. Notre travail se veut, enfin,
prospectif. En cela, il aborde le thème de l'avenir du premier
producteur de pétrole d'Afrique, en jugeant de sa capacité
à atteindre ses objectifs de développement à l'aune des
limites constatées dans la gestion de son industrie
pétrolière, et des questions économiques et
démographiques.
VI- PROBLEMATIQUE :
Selon QUIVY R. VAN et CAMPENHOUDT L. la
problématique est l'approche ou la perspective théorique qu'on
décide d'adopter pour traiter le problème posé par la
question de départ. Elle est une manière d'interroger les
phénomènes étudiés.56
54 - Cf. Côme Damien AWOUMOU, « Le Golfe de
Guinée face aux convoitises. » in Enjeux n°22,
janvier-mars 2005 ; Wullson MVOMO ELA, « Pétro stratégie et
appel d'empire dans le Golfe de Guinée », in Enjeux
n°22, janvier-mars 2005 et Honoré LE LEUCH « Le
pétrole et le gaz naturel en Afrique : une part croissante dans
l'approvisionnement énergétique mondial », in
Géostratégie n°25, octobre 2009.
55 - Cf. Olivier CHARNOZ, « Le pétrole africain : des
clés pour comprendre. » in Afrique contemporaine, Afrique et
développement. Dossier : le pétrole en Afrique, De Boeck et
Larcier S.A 2006, pp.19-29 ; Philippe COPINSCHI et Pierre Noel, «
L'Afrique dans la géopolitique mondiale du pétrole. », in
Afrique contemporaine, Afrique et développement. Dossier : le
pétrole en Afrique, De Boeck et Larcier S.A 2006, pp.29-43 ;
François LAFARGUE, « Etats-Unis, Inde, Chine : rivalités
pétrolières en Afrique. », in Afrique contemporaine,
Afrique et développement. Dossier : le pétrole en Afrique,
De Boeck et Larcier S.A 2006, pp.43-57 et Alain FOGUE TEDOM, Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire,
L'Harmattan, 2008.
56 QUIVY, R, Van, Campenhoudt L. Manuel de recherche en
sciences sociales, 2ème, édition, paris, DUNOD, 1995,
p.85.
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Yaoundé II-Soa. Page 13
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Pour Michel BEAUD dans l'art de la
thèse57 il n'existe pas de bon mémoire ou de bonne
thèse, sans une problématique judicieusement
élaborée. Il s'agit alors d'interroger le sujet, autant dans ses
fondements que dans sa nécessité.
Le Nigéria est le plus grand producteur de
pétrole d'Afrique58 et compte parmi les quinze plus grands
producteurs au monde.59 Cette situation le rend incontournable dans
toute étude sérieuse des « mondes » du pétrole.
L'attractivité de son marché pétrolier est due à
plusieurs raisons, notamment l'absence de nationalisation des réserves
pétrolières, les régimes contractuels incitatifs,
l'importance des gisements récemment découverts et la situation
des gisements, de plus en plus, offshores.60 Malgré les
propos de Philippe COPINSCHI et Pierre NOEL, selon lesquels
il n'existerait pas de concurrence entre puissances pour l'accès au
pétrole afri-cain,61 il nous semble impossible de voir la
« bataille » entre compagnies étrangères en Afrique
comme un simple fait de marché. Il s'agit, à notre avis, d'une
véritable confrontation stratégique entre grands consommateurs de
pétrole à la recherche de sécurité
énergétique et de puissance. La responsabilité de ces
derniers, dans l'échec des initiatives visant à réduire
les émissions de gaz à effet de serre, traduit du
caractère insidieux et pernicieux de la ruée vers le
pétrole.
Le Nigéria constitue un des marchés
pétroliers les plus attractifs d'Afrique. Le pétrole occupe dans
l'économie de ce pays une place non négligeable (40% du PIB, 95%
des exportations, 70 à 80% des recettes fiscales.62). Il est
pour l'essentiel dans ses relations économiques avec les
Etats-Unis63 et avec d'autres grands consommateurs de
pétrole. Cette vitalité économique contraste, cependant,
avec la grande insécurité que connait le pays au niveau de ses
Etats pétroliers. En effet, la région du Delta du Niger,
d'où provient la majeure partie du pétrole nigérian, est
réputée pour le danger de ses côtes et l'intensité
qu'y ont les activités terroristes. Les milices qui y sont
présentes s'attaquent, en priorité, aux plates formes et
terminaux pétroliers et aux pipelines. Les enlèvements d'ouvriers
du secteur pétrolier et le siphonage des pipelines y sont monnaie
courante.64Ces actes ne sont pas sans incidence sur la production
pétrolière nationale. En 2009, par exemple, ils ont
provoqué la baisse de la production journalière de 2,1 millions
de barils à 1,6 millions.65
De nombreux facteurs constituent des sources potentielles de
conflit dans le Delta du Niger. Les populations autochtones se sentent, pour la
majorité, exclues du
57-Michel BEAUD, l'art de la thèse, la
découverte, Paris, 1985, 2003. P 38.
58 -- Ian Garry et Terry LYNN Karl, le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
juin 2003. P 25.
59 - La brève du Golfe de Guinée, n°
002, oct. Nov. Déc. 2O1O, P. 16
60 - J. Christophe Servant, « offensive sur l'or noir
Africain : une priorité stratégique » in le monde
diplomatique, Paris, janvier 2003, op.cit. par Michel KOUNOU,
Pétrole et pauvreté au sud du Sahara, éditions
clé, 2006.P22.
61 - Philippe COPINSCHI et Pierre NOEL, « l'Afrique dans
la géopolitique mondiale du pétrole » in Afrique
contemporaine, Afrique et développement, éditions de BOECK
et LARCIER S.A, 2006. P 41.
62- Philippe SEBILLE-LOPEZ, « les hydrocarbures au
Nigéria et la redistribution de la rente pétrolière »
in Afrique contemporaine. P
63- Idem
64- Politique Africaine, n°106 « le Nigéria
sous OBASANJO. Violences et démocratie », KARTHALA, juin 2007.
65- Cf. La brève du Golfe de Guinée,
n° 002, oct. Nov. Déc. 2O1O. P 4.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
partage des revenus du pétrole. Elles vivent, pour
l'essentiel, dans un état de grande pauvreté et de
précarité. Face à ce qu'elles considèrent comme un
manque de réactivité des autorités politiques, les
plaintes passives font place au militantisme engagé et souvent violent.
Les conséquences sécuritaires sont alors dramatiques, avec, entre
autre, une atmosphère de tension quasi permanente dans la région.
Le comportement des politiques qui s'enrichissent sur le dos des
populations66 et celui des compagnies pétrolières qui
réalisent souvent leurs activités au détriment de celles
des populations locales,67 participent de la radicalisation des
populations du Delta du Niger.
La grande attractivité du Nigéria et les
répercussions sécuritaires qui en découlent, constituent
le noeud de notre recherche. Il s'agit pour nous, de nous interroger sur la
relation entre l'activité des compagnies pétrolières au
Nigéria, la gestion du pétrole par les autorités
politiques et la radicalisation du militantisme dans le Delta du
Niger. L'approche géostratégique, que
nous convoquerons au cours de notre travail de recherche, nous permettra de
démontrer que le Nigéria est l'objet de véritables projets
géostratégiques de la part des grands consommateurs de
pétrole. Les intérêts économiques seraient alors au
service d'intérêts géostratégiques destinés
à faire de l'Afrique subsaharienne, et donc du Nigéria, un allier
de revers par rapport à l'Arabie Saoudite68 (pour les
Etats-Unis), une preuve de son statut de puissance énergétique et
stratégique mondiale (pour la Chine et l'Inde) ou une base
nécessaire à la préservation de ses intérêts
dans la sous-région (France, Pays-Bas, Angleterre). Cette approche
analytique, tout en rendant compte de l'encerclement
géostratégique du Golfe de Guinée pétrolier, nous
aidera à faire ressortir les intérêts politiques,
économiques et surtout stratégiques qui sous-tendent la gestion
du pétrole par les hommes politiques, mais aussi le militantisme dans la
région du Delta du Niger. Ainsi, la question centrale autour de laquelle
gravite notre recherche est la suivante : Les nombreux enjeux autour de la
ruée vers le pétrole dans le Golfe de Guinée, et
au
Nigéria en particulier, ne sont ils pas autant de
causes d'insécurité, à l'heure de l'échec d'une
véritable transition énergétique au plan mondial ? En
outre, la situation du Nigéria donne à voir un pays aux
potentialités pétrolières importantes, incapable de
s'affirmer comme un acteur géostratégique autonome.
N'existe-t-il pas de rapport entre la dépendance du Nigéria
aux revenus pétroliers et son assujettissement stratégique ?
Le plus grand producteur d'Afrique est interpellé par les exigences
de son statut politique et économique régional, et par les
exigences du développement durable. Quelles incidences
l'administration inefficace du secteur pétrolier nigérian a-t-il
sur la capacité du pays à faire face aux défis de son
développement, mieux, de son émergence ?
66- UKOHA UKIWO, « le Delta du Niger face à la
démocratie virtuelle du Nigéria » in Politique Africaine
n° 106, KARTHALA, juin 2007.
67- Cf. rapport d'Amnesty international cité par
Loïc KOKUVI MOSSI, covalence Analyst paper, impacts des multinationales du
pétrole sur l'économie du Nigéria.
68 - Voir Alain FOGUE TEDOM, la
géostratégie, cours dispensé en maitrise de science
politique à l'université de Yaoundé II Soa, p.34
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 15
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
VII- HYPOTHESE DE TRAVAIL :
L'hypothèse est une proposition de réponse
à la question posée. Elle tend à formuler une relation
entre des faits significatifs.69 Il s'agit d'une réponse
provisoire aux questions soulevées par la problématique.
Notre travail de recherche a pour ambition d'établir la
relation qui existerait, dans le cas du Nigéria, entre activité
pétrolière et insécurité. Par conséquent,
l'hypothèse centrale, qui soutien notre analyse, est la suivante :
les multiples enjeux sur le pétrole nigérian seraient
à la base de l'insécurité qui y prévaut. La
volonté de chaque acteur du secteur de vouloir contrôler le
circuit pétrolier au détriment des autres forces en
présence, serait la principale source des conflits. En outre, la
dépendance du Nigéria aux revenus pétroliers, en raison de
la politique du tout pétrole, qui serait celle de ses dirigeants, aurait
un lien avec son assujettissement stratégique aux grands
consommateurs. Il serait alors possible d'affirmer, que la place
importante qu'occupe le pétrole dans la société
nigériane constitue une cause de sa dépendance
stratégique. Enfin, la gestion inefficace et inappropriée de
l'industrie pétrolière, et de la rente qui en découle,
aurait des conséquences majeures sur la capacité du pays à
faire face aux défis qui l'interpellent aujourd'hui. Il serait alors
inapte à saisir l'enjeu des défis que pose son
développement et, par conséquent, loin de pouvoir s'affirmer
comme une puissance régionale, voire mondiale.
VIII- APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
: A- APPROCHE THEORIQUE :
La notion de théorie présuppose une ambition
scientifique.70Elle exige l'organisation des connaissances de
manière systématique et cohérente. Elle oblige le
chercheur à construire ou à développer des concepts,
à formuler des hypothèses en précisant les variables
pertinentes et leur hiérarchie, en établissant des
procédés de recherche dont les résultats doivent pouvoir
être validés rationnellement par le biais du
contrôle.71La théorie est donc une sorte de lanterne
qui éclaire le chemin du chercheur vers la connaissance. Il existe une
multitude de théories dans le domaine des sciences sociales. Les
relations internationales, en tant que branche autonome des sciences sociales,
en comptent plusieurs dont le renouvellement s'est fait au fil des
années. La sous-discipline dans laquelle s'inscrit notre travail
étant la géostratégie, nous pourrons user à souhait
du riche patrimoine théorique de la science des relations
internationales.
69 - Madeleine GRAVITZ, Méthodes de sciences
sociales, Paris, Dalloz, 11e édition, 2001, p.398
70- Lucien SEDAR EFANGON, cours de sociologie des relations
internationales, maitrise de science politique année
académique 2009-2010, université de Yaoundé II SOA.
71- Idem
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 16
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
La géostratégie est définie comme une
explication et une justification des objectifs stratégiques par l'action
déterminante de la géographie.72C'est une discipline
et un art dont le but ultime vise la transformation de l'espace adverse au
mieux des intérêts de la puissance qui s'en sert.73La
notion d'intérêt est indissociable de la
géostratégie. Cette association quasi naturelle, entre
réflexion géostratégique et intérêt, fait
apparaitre la discipline comme profondément
réaliste. Le conflit serait alors sui
generis aux relations entre les Etats, qui sont les principaux acteurs
présents sur la scène internationale. La difficulté pour
la seule théorie réaliste de rendre compte globalement des
manoeuvres géostratégiques, nous amène à lui
associer la théorie néoréaliste.
Des auteurs comme Robert KEOHANE et Joseph NYE, ont
abordé ce renouveau du réalisme sous le terme d'«
interdépendance complexe »,74 qui reconnait la
sensibilité et la vulnérabilité croisées des Etats
sur certains enjeux auxquels participent également les firmes
multinationales, les groupes de pression, les organisations
internationales75 et même les individus. Malgré le fait
que certains auteurs pensent qu'il n'existe pas de véritables
démarcations entre théorie réaliste et
néoréaliste des relations internationales,76 force est
d'admettre qu'une frontière, même ténue, sépare les
deux conceptions des relations supra nationales et transnationales. Ainsi,
contrairement à son aînée, la théorie
néoréaliste se rapproche, par certains points, de la conception
libérale des relations internationales. Elle admet la vacuité de
l'idée selon laquelle l'Etat a le monopole de la représentation
internationale accordant, par le même fait, plus de considération
aux autres acteurs de la scène internationale. Elle reste, cependant,
fidèle à des idées comme la capacité exclusive de
l'Etat à maintenir l'ordre sur la scène internationale,
l'existence d'une compétition dans laquelle les Etats sont en
quête de gains relatifs dans un jeu à sommes nulles, et accorde
une importance majeure aux questions de sécurité et de
puissance.77
Notre travail de recherche, qui se spécialise dans
l'étude de l'univers pétrolier nigérian, fait la part
belle à la relation qui existe entre tous les acteurs de celui-ci que
sont l'Etat, les multinationales et les populations autochtones des
régions pétrolières. La théorie
néoréaliste des relations internationales nous permettra de
démontrer la prégnance de considérations
géostratégiques dans le comportement de tous ceux-ci. Les
puissances sont entièrement engagées dans cette bataille pour
l'énergie par le truchement des firmes multinationales. A l'heure du
« pétrole-roi », il serait naïf de ne pas
reconnaître la main des Etats derrières les « majors »
et les « juniors ». Les compagnies pétrolières, en tant
que personnes morales, sont également des acteurs de « terrain
» non négligeables, au regard du rôle majeur qu'elles jouent
dans la mise du pétrole sur le marché. Les Ijaw, les
Ogoni, et toutes les populations originaires du
72- François GERE, Dictionnaire de la pensée
stratégique, Larousse, 2000. P
73- Op.cit.
74-Robert KEOHANE ET Joseph NYE, Transnational
relations and world politics, powers and interdependence,
1977.
75 - Idem
76 - Cf. Lucien SEDAR EFANGON, cours de sociologie des
relations internationales, maitrise de science politique année
académique 2009-2010, université de Yaoundé II SOA.
77- Idem.
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Yaoundé II-Soa. Page 17
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Delta du Niger pétrolier occupent également une
place de choix dans la chaîne des acteurs.
B- CADRE METHODOLOGIQUE :
S'il est admis que c'est par la méthode de recherche
que l'on juge de la scientificité d'un travail, il est plus difficile de
savoir laquelle adopter. Pour Paul FEYERA-BEND, à cause de la
nature anarchique de la science et du caractère complexe de
l'environnement dans lequel s'exerce celle-ci, l'anarchie
méthodologique, favorable à la créativité, est
la méthode par excellence.78 Pour lui, la connaissance
scientifique ne saurait s'encastrer dans des règles strictes. Le monde
qu'explore le chercheur lui étant inconnu, il doit rester ouvert
à toutes les options méthodologiques, sans limite à
l'avance.79Or, pour certains chercheurs, l'orthodoxie scientifique
voudrait que l'on soit fidèle à une seule méthode. Les
méthodes quantitatives qui « comptent » seraient incompatibles
à celles qualitatives qui « racontent ». Dans le cadre de
notre travail de recherche, nous nous inspirerons des propos de Jean Pierre
Olivier de SARDAN se-lon lesquelles « l'enquête idéale
...devrait combiner qualitatif et quantitatif et qu'il ne saurait être
question d'opposer l'un à l'autre »80. Nous ferons par
conséquent large usage, à la fois, de méthodes
quantitatives et qualitatives.
Les méthodes quantitatives, plus en vue dans la science
politique d'origine anglo-saxonne, ont pour objectif de rendre plus
scientifique la réflexion sur des phénomènes sociaux. Il
s'agit de faire entrer, dans le travail des sociologues, des anthropologues et
autres chercheurs en science sociale, des outils mathématiques et
statistiques. Ceci, pour quantifier ce qu'on a constaté et justifier ce
qu'on avance comme point de vue. Nous convoquerons l'outil statistique pour
présenter, de manière claire et précise, la
réalité pétrolière nigériane. Nous nous
servirons également de l'arithmétique, sans provoquer, par un
usage abusif de cette méthode, une trop grande technicité de
notre recherche et une surcharge des données.
En ce qui concerne les méthodes qualitatives, nous nous
inspirerons en priorité de la méthode fonctionnelle. Nous
essayerons, par exemple, de démontrer le rôle non
négligeable du pétrole dans la quête mondiale de puissance.
Nous reviendrons sur son rôle lors des grands conflits mondiaux, des
chocs de 1973 et 1979 et dans le processus de modernisation de notre
société. Ensuite, nous évoquerons la place du
Nigéria, en tant que marché « marginal », dans la
volonté occidentale d'équilibrer le marché du
pétrole et de réduire l'importance du golfe Persique dans
l'approvisionnement mondial. D'autres méthodes qualitatives seront
convoquées, dans la mesure du possible, pour nous permettre de mieux
structurer scientifiquement notre recherche.
78- Paul FEYERABEND, Contre la méthode, esquisse d'une
théorie anarchiste de la connaissance, SEUIL, 1979.
79-Idem
80- Jean Pierre SARDAN, La rigueur du qualitatif,
P.11
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
IX- TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES :
La collecte des données est un des moments les plus
fastidieux d'un travail de recherche. Il s'agit d'effectuer le
nécessaire déplacement du simple cadre des idées à
celui des réalités du terrain. C'est un moment qui est
incontournable pour tous ceux qui se réclament du positivisme. Dans le
cadre de notre travail de recherche, nous avons utilisée la
méthode dite de recherche documentaire. Il a été
question, pour nous, de consulter les ouvrages, les revues, rapports et les
articles ayant trait à notre sujet de recherche. Notre
fréquentation des centres de lecture et de documentation comme la
fondation Paul ANGO ELA, le
CAPED, ou l'INSTITUT FRANÇAIS
nous a été d'un grand apport à cet effet. A
cause de la relative insuffisance des données livresques sur le
pétrole au Nigéria dans les centres de recherches de notre pays,
nous avons utilisé l'outil Internet, qui est une banque de
données plus ou moins fiables. Des rapports d'institutions
nigérianes ou internationales, d'organisations non gouvernementales, et
de multinationales pétrolières nous ont aussi aidés dans
notre quête d'informations. Les anciens travaux sur le pétrole ou
sur les objectifs de la stratégie des grandes puissances en Afrique,
nous ont permis d'affiner notre recherche.
Dans le cadre de nos travaux, nous avons
procédé, dans la mesure de nos possibilités, à des
interviews. Nous avons utilisé des interviews non-structurées
autant que celles semi structurées. Le public cible était
constitué, en majorité, de ressortissants de la région du
delta du Niger et de quelques résidents d'origine nigériane. Les
avis de responsables de quelques multinationales présentes au
Nigéria, de politiques et de leaders associatifs nous ont
également été d'un apport considérable.
X- L'ANALYSE DES DONNEES :
La géostratégie est le domaine des sciences
sociales sur lequel est bâti notre travail de recherche. Forgée en
1846 par le général italien Giacomo DURANDO, dans son
traité de la nationalité italienne,81 cette science
est la composante géographique de la stratégie.82 Pour
qu'un fait soit considéré comme géostratégique, il
faut qu'il le soit à la fois dans ses objectifs et dans sa
réalisation.83 La ruée des grandes puissances sur le
Golfe de Guinée en général et le Nigéria en
particulier, nous semble éminemment géostratégique. Il
s'agit, pour elles, de se positionner de manière durable sur un des
points stratégiques du globe qu'est la bordure est de l'océan
atlantique. Ensuite, le caractère stratégique du pétrole,
nous oblige à considérer que son exploitation et sa
commercialisation dépassent le seul cadre économique. Les
considérations géostratégiques des Etats-Unis sur le
pétrole du Golfe de Guinée ne permettent aucun doute à ce
sujet.84De même, la constitution de réserves
stratégiques de pétrole aux Etats-Unis et en Europe traduit,
à suffisance, du caractère politique de tout projet des grandes
puissances en matière d'approvisionnement pétrolier.
81- voir Philippe MOREAU DESFARGES, Dictionnaire de
Géopolitique, Editions Armand Colin, Paris, 2002, 186 p.
82- Cf. Hervé COUTAU- BEGARIE, cité par Alain
FOGUE TEDOM dans la géostratégie, cours dispensé
en maitrise de science politique à l'université de Yaoundé
II Soa. P 19.
83- Idem
84- Voir Eric FOTTORINO, « L'ultime rêve
Américain » in L'autre Afrique n°7 du 2 AU 8 Juillet 1997,
P.31.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Sur le plan pratique, les grands consommateurs de
pétrole démontrent, à suffisance, leur volonté de
puissance. L'engagement militaire des Etats-Unis dans le Golfe de Guinée
auprès des pays producteurs de pétrole (Nigéria, Sao tome
y Principe, Gabon, Cameroun,85 etc.) et de la France dans la
même sous-région, traduit de l'importance stratégique de
cette bordure pétrolière de l'océan atlantique. La
stratégie de présence, à la fois
économique et militaire, des puissances sur de nombreux
théâtres pétroliers, de manière concomitante, ne
fait point de doute quant à la valeur stratégique de leur
déploiement dans le Golfe de Guinée.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 19
85- Alain FOGUE TEDOM, la géostratégie,
cours dispensé en maitrise de science politique à
l'université de Yaoundé II Soa. P.36.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
LE NIGERIA DANS LA GALAXIE MONDIALE DES
PRODUC-
TEURS DE PETROLE : ENTRE GRANDE PRODUCTION
ET
FRAGILITE GEOSTRATEGIQUE.
PREMIERE PARTIE :
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 20
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 21
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le pétrole est la source d'énergie qui a le plus
cristallisé les enjeux géostratégiques et
géopolitiques au cours de ces dernières années. Selon
Daniel YERGIN, historien américain, « le pétrole
c'est 10% d'économie et 90% de politique ».86 Parler de
pétrole, c'est alors dépasser le simple cadre de
l'économie, pour se retrouver en plein dans des considérations de
sécurité et de défense nationale,87 voire de
puissance. Le Nigéria, en tant que premier producteur de pétrole
d'Afrique subsaharienne et cinquième de l'OPEP,88 est une
étape incontournable de la bataille mondiale pour le pétrole que
se livrent actuellement les grandes puissances. Avec une production d'un peu
plus de 2,38 millions de barils par jour au second trimestre 2012,89
il pourrait se targuer de constituer une alternative sérieuse à
de plus gros producteurs comme l'Arabie Saoudite, le Venezuela ou l'Iran,
considérés avec suspicion par certains grands clients comme les
Etats-Unis.90 Les importantes réserves de pétrole,
prouvées ou probables, évaluées à plusieurs
milliards de barils,91 en font également un marché
d'avenir. Cependant, l'immaturité stratégique des dirigeants de
ce pays du Golfe de Guinée, pourtant parmi les plus dynamiques
d'Afrique, ne lui a pas permis, jusqu'à ce jour, de revendiquer avec
succès le statut de puissance véritable. Cette
réalité, qui tire ses origines des survivances de la
colonisation, a abouti à la mise sur pied (comme dans de nombreux autres
pays africains d'ailleurs) d'un Etat « extraver-ti92 » et
donc incapable de s'inscrire dans la « dialectique des intelligences
» à l'oeuvre dans les relations internationales. C'est alors
à une situation d'impuissance économique et stratégique,
malgré une importante richesse pétrolière, que l'on
assiste au Nigéria. En effet, la gestion du pétrole, plus que
celle de toute autre ressource naturelle, en appelle à un sens
élevé d'anticipation et à la mise sur pied d'un projet
géostratégique viable. L'ignorance de cette réalité
fait que le pétrole est, au-jourd'hui plus qu'hier, au coeur de
l'extraversion étatique dont souffre le Nigéria (Chapitre I). Il
est alors possible que le caractère stratégique de cette source
d'énergie soit à l'origine de l'insécurité
liée à son exploitation, dans le pays, du fait des multiples
enjeux qui l'entourent (Chapitre II).
86- Voir Eric Laurent, « la face cachée du
pétrole », PLON, 2006
87 - le pétrole du Golfe de Guinée est par
exemple considéré comme « stratégique pour la
sécurité nationale Américaine » par des experts
Américains. Cf. Eric Fottorino, « l'ultime rêve
Américain » in l'autre Afrique n° 7 du 2 au 8 juillet
1997, p.31.
88 - Cf. supra
89- Cf. Chiffres du Bureau National des Statistiques
nigérian sur
www.afriquejet.com>
informations>Afrique de l'ouest>Nigéria. Consulté le 22
septembre 2012.
90- Il est notable de constater le léger recul de
l'intérêt des Etats Unis pour le pétrole Saoudien
après les évènements du 11 septembre 2001 (cf. Alain Fogue
Tedom, La géostratégie, cours dispensé en
maîtrise de science politique à l'université de
Yaoundé II SOA). L'animosité que le président
Vénézuélien Hugo Chavez voue aux Etats Unis, n'est quant
à elle, plus à démontrer.
91 - Cf. annexe n°
92 - Voir Alain Fogue Tedom, Enjeux
géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire,
l'Harmattan, 2008.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
LE PETROLE : UNE SOURCE D'ENERGIE STRATEGIQUE AU COEUR DE
L'EXTRAVERSION ETATIQUE DU NIGERIA.
CHAPITRE I :
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 22
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 23
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le pétrole est, incontestablement, une source
d'énergie stratégique. La bataille qui met aux prises les
compagnies pétrolières internationales en Afrique, est grandement
influencée par les stratégies énergétiques des
puissances. Il est alors question de manoeuvres géostratégiques
visant à faire du pétrole, un facteur de puissance, de
sécurité ou d'affirmation internationale.93 Le
Nigéria est le premier producteur de pétrole d'Afrique.
L'importance de sa production, mais surtout la volonté de ses dirigeants
politiques de se servir du pétrole comme moyen d'enrichissement «
facile »,94 a favorisé son émergence en tant
qu'énergie du pouvoir. En effet, il est impossible de parler du
Nigéria, sans faire référence à son industrie
pétrolière. L'économie, la politique, le social, et
même la défense sont grandement influencés par les
prévisions et les revenus pétroliers. Au fil des années,
la politique du « tout pétrole », mise sur pied par les
dirigeants politiques, va aboutir à l'extraversion étatique du
pays. Celui-ci va devenir un acteur majeur des stratégies
énergétiques des clients de son pétrole, et perdre,
progressivement, sa capacité à s'affirmer comme un acteur
autonome sur la scène internationale. Le Nigéria est du nombre
des plus grands producteurs de pétrole au monde. Or, sa capacité
à revendiquer puissance, influence ou prospérité, comme
certains producteurs occidentaux et moyen-orientaux, est réduite. Si son
rang de super producteur africain de pétrole est avéré
(Section I), sa capacité à s'imposer comme une puissance
pétrolière l'est moins. La gestion du pétrole constitue,
dans le pays, un enjeu de puissance (Section II), qui ne l'empêche pas
d'être au coeur de la vision stratégique des grands consommateurs
pour le Golfe de Guinée (Section III).
SECTION I : NIGERIA : SUPER PRODUCTEUR DE PETROLE
D'AFRIQUE NOIRE.
Le Nigéria est, depuis quelques années, le plus
grand producteur de pétrole d'Afrique. Ses réserves sont
estimées à un peu plus de trente milliards de barils95
tandis que sa production journalière au second trimestre 2012 est de 2,3
millions de barils.96Selon certains observateurs, la capacité
théorique de production du pays est de 3,2 millions de barils par
jour.97 La production pétrolière est à la fois
on shore et offshore et est restée assez constante au fil des
années. La majorité des gisements se trouvent dans la
région du Delta du Niger. Port Harcourt, Onitsha, Benin city, Bodo
en sont les principales villes pétrolières. Les
régions pétrolières sont situées dans le
93 - Il est admis que les Etats-Unis jouent leur
sécurité énergétique en Afrique. L'engagement
militaire du premier consommateur de pétrole dans la région ne
reflète pas moins une volonté de puissance et d'affirmation
internationale. C'est également le cas de la France, de l'Angleterre,
mais aussi de la Chine et de l'Inde, puissances émergentes du tiers
monde.
94 - Il est indéniable que l'exploitation
pétrolière permet aux dirigeants africains de se départir
de deux missions principales : l'élaboration d'un projet
économique cohérent et durable et l'obligation de rendre des
comptes. En cela, la rente pétrolière constitue une solution
« facile » au problème de développement que connait
l'Afrique.
95- Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
Juin 2003, p.25.
96 -Cf. chiffres du Bureau National des statistiques du
Nigéria publiés le mercredi 14 septembre 2012, sur
www.afriquejet.com>infos>afriquedel'ouest>nigeria.
Consulté le 22 septembre 2012.
97 - Voir Judith Burdin Asuni, « Blood oil in the Niger
delta », in Special Report n°229, united state institute of
peace, Aout 2009.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 24
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
sud et le sud-est du pays. La production
pétrolière concerne alors une réalité
géographique et sociologique relativement complexe, et a un impact
certain sur l'ensemble de l'économie (Paragraphe1). L'industrie du
pétrole connait une floraison d'acteurs, qui entretiennent entre eux des
relations à la fois de nécessité et de concurrence
(Paragraphe 2). Cependant, malgré le dynamisme de son secteur
pétrolier, le pays n'a pas encore pu gagner le combat du
développement (Paragraphe 3).
PARAGRAPHE 1 : Le Nigéria pétrolier :
réalité géographique, sociologique et impact
économique.
A- Présentation géographique et sociologique
du Nigéria pétrolier :
Le Delta du Niger peut être considéré
comme la région pétrolière par excellence au
Nigéria. D'un point de vue strictement géographique, il
correspond à la basse plaine alluviale du fleuve Niger. Il est
délimité au Nord par la confluence entre le fleuve Niger et la
rivière Forcados, au sud par l'île de Nun, et
forme un triangle dont la pointe occidentale correspond à l'embouchure
de la rivière Bénin et à l'est celle de la
rivière Ino.98 Il s'étend alors sur trois
Etats : Rivers, Delta state et Bayelsa.99
Pour des raisons politiques et géopolitiques le gouvernement
fédéral a élargit l'appellation « région du
delta du Niger » à d'autres Etats, qui ne sont pas
nécessairement situés dans le delta géographique
(Arambra, Imo, Abia, Edo, etc.). La
région ainsi obtenue est alors composée de neuf Etats, dont six
pétroliers.100 Quatre vingt dix pour cent du pétrole
nigérian provient du Delta du Niger.101De nombreux gisements,
dont les plus anciens, se retrouvent à l'intérieur des terres.
Des efforts pour augmenter la production offshore sont actuellement fournis. La
population dans le Delta du Niger est estimée à près de 20
millions d'habitants.102 Riche culturellement, elle est
composée d'ethnies d'inégale importance, dont les plus connues
sont les Ibo, les Ogoni, les Ijaw et les
Itsékiris.
La production pétrolière au Nigéria a
plus de cinquante ans. C'est à Oloibiri, localité
située à 90 kilomètres de Port Harcourt, qu'a
été découvert pour la première fois en 1956,
par Shell et BP, du pétrole en quantité
commercialement exploitable.103 Deux ans plus tard, la production
pétrolière démarre au rythme de 6000 barils par jour. Le
premier gisement offshore, quant à lui, est découvert en 1964 au
large de l'Etat de Bendel (actuel Etat du Delta). L'industrie
pétrolière a depuis lors gagné en intensité, avec
de nos jours de nombreux sites de production et près de vingt compagnies
pétrolières présentes.104 Des activités
économiques traditionnelles comme
98 - Sylvie Fanchette, « le delta du Niger
(Nigéria). Rivalités de pouvoir, revendications territoriales et
exploita-tion pétrolière ou les fervents de la violence. »,
Hérodote n° 121, la Découverte, 2 e trimestre
2006.
99 -Idem.
100 -Voir the Gulf of Guinea briefing, n° 002,
oct.nov.dec. 2010, p.16.
101 - Idem.
102 - Sylvie Fanchette, « le delta du Niger
(Nigéria). Rivalités de pouvoir, revendications territoriales et
exploita-tion pétrolière ou les ferments de la violence »,
2004.
103 -Voir Philippe Sébille Lopez, « les hydrocarbures
au Nigéria et la redistribution de la rente pétrolière
», in Afrique contemporaine, n° 216, avril 2004, p.
104 -Idem.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 25
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
l'agriculture (de subsistance en général), la
pêche, la pisciculture, le commerce ou la récolte de bigorneaux,
évoluent à côté d'une activité
pétrolière dynamique.
B- L'impact économique du pétrole au
Nigéria :
Pays originellement agricole, le Nigéria a construit
son économie sur la culture du cacao, du café, et de l'arachide.
Les régions situées au nord et à l'ouest,
spécialisées dans ces cultures, constituaient alors le poumon
économique du pays. Ce n'est qu'au cours des années 1960 que la
tendance va être inversée, avec une nette domination du
pétrole dans l'économie. Aujourd'hui, il représente
près de 83% des revenus du gouvernement fédéral, 95% des
revenus d'exportation, un peu plus de 40% du produit intérieur
brut,105 et 70 à 80% des recettes budgétaires du
pays.106 L'importance des revenus du pétrole dans
l'économie nigériane est en partie due à la tendance
à la hausse que connait le prix du baril depuis quelques années.
A partir de 2002, par exemple, les ventes de pétrole ont provoqué
une nette augmentation du PIB. Selon la Banque Mondiale, le PIB du
Nigéria aurait atteint en 2004 le chiffre record de 71 milliards de
dollars, contre seulement 58,4 milliards une année plus tôt et
46,7 milliards en 2002.107 La Banque centrale du Nigéria
estimait les réserves en devises du pays à plus de 16 milliards
de dollars au début de l'année 2005, contre 9 milliards une
année plus tôt. C'est dire le grand flux de moyens financiers que
connait le pays, grâce à ses énormes potentialités
pétrolières.
Le pétrole apparait alors comme une importante source
de revenus pour le Ni-géria. Au regard de son impact sur
l'économie, il est possible d'affirmer que la stabilité à
la fois politique, économique et sociale108du pays
dépend de la gestion de cette ressource minérale non
renouvelable. La grande dépendance du Nigéria aux recettes
pétrolières a des conséquences sur les autres segments de
son économie. Si le pétrole ne représente que 40% du PIB
nigérian, le facteur déstabilisant de celui-ci sur les autres
activités économiques est important. En effet, l'existence d'une
rente pétrolière et des immenses revenus qu'elle produit tend
à rendre non compétitifs les autres segments de
l'économie. Cette situation, connue sous le nom de «syndrome
Hollandais » en anglais dutch disease, est la conséquence
d'une économie dominée par des moyens financiers ne
résultant pas d'activités économiques à valeur
ajoutée. Les autres secteurs économiques deviennent alors non, ou
très peu, compétitifs. L'agriculture par exemple, est victime de
la négligence des autorités politiques qui se contentent
d'investir dans le secteur pétrolier, et surtout, d'en capter la rente.
Environ 33% des terres émergées du Nigéria sont
irrigables.109 Or, seulement 1% d'entre
105 - Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
Juin 2003, p.25.
106 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine, n° 216, avril
2004, p.
107-World development indicators Database,
Banque Mondiale, juillet 2005.
108 - les troubles sociaux causés par la tentative en
janvier 2012, des autorités politiques de supprimer les subventions
pétrolières et du même fait, d'augmenter le prix des
hydrocarbures, le prouvent suffisamment.
109 - Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience
énergétique et écologique au Nigéria,
Hélio international/Nigéria, 2007, p.14
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 26
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
elles le sont effectivement, réduisant ainsi les
capacités agricoles du pays.110Maïs, riz, sorgho,
arachide, millet, manioc, igname, huile de palme sont alors produits
en-deçà des potentialités et surtout des besoins du
Nigéria. Le pays est aujourd'hui un importateur net de produits
alimentaires.111 Il est même depuis 1980 le premier
importateur de produits alimentaires d'Afrique subsaharienne.112
En outre, le faible impact de l'activité
pétrolière sur l'emploi local, n'assure pas une reconversion
certaine à ceux des travailleurs qui viendraient à perdre leurs
emplois. En effet, l'industrie pétrolière est
considérée comme une « enclave économique
»113 à cause, entre autres, de la grande
technicité de son industrie réclamant une main d'oeuvre
qualifiée et faible. La plupart des habitants des zones d'exploitation
travaillent hors du circuit pétrolier. L'impact négatif du
pétrole sur l'agriculture, la pisciculture ou la
pêche114 vient détruire les moyens de subsistances des
populations riveraines et augmenter, par le même fait, les taux de
chômage et de pauvreté parmi celles-ci. Les énormes revenus
pétroliers provoquent une inflation galopante en période de prix
de baril haut, diminuant considérablement le pouvoir d'achat des
nigérians.
Le Nigéria pétrolier est sans conteste au coeur
de nombreux enjeux nationaux et internationaux. Les prix hauts115du
baril de pétrole sur le marché international en boostent
l'industrie, tandis que ses importantes réserves de pétrole
permettent de croire au maintien de son dynamisme. Les acteurs du secteur
pétrolier sont alors de plus en plus nombreux dans un environnement
concurrentiel.
PARAGRAPHE 2 : Organisation du circuit pétrolier
nigérian et acteurs principaux.
A- Organisation contractuelle de l'industrie
pétrolière au Nigéria :
L'industrie pétrolière au Nigéria est
profondément influencée par son statut de pays membre de l'OPEP.
L'adhésion du plus grand producteur de pétrole d'Afrique à
ce lobby énergétique, lui permet d'assurer une certaine
originalité à sa filière extractive. Il en tire des
bénéfices importants puisqu'il se classe dans une
catégorie à part, parmi les pays pétroliers africains,
avec un captage des revenus générés par les
multinationales allant de 50 à 70%.116Contrairement à
d'autres Etats membres de l'organisation,117 le Nigéria n'a
pas nationalisé son pétrole. L'Etat fédéral est
néan-
110 -Idem.
111 -Ibid.
112 -Voir Benoit Paraut, Le pétrole au Nigéria,
un instrument au service de quel développement ? L'Harmattan, 2009,
p.93
113 - Voir Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflit.», in
Questions internationales n°2, juil-let-aout 2003, p.42.
114 - Voir à cet effet la tragédie de la
localité de Bodo, dans le Delta pétrolier. Amnesty international,
CEHRD, La vraie « tragédie ». Retards et incapacité
à stopper les fuites de pétrole dans le Delta du Niger,
Amnesty international, nov. 2011, 54p.
115 -Il vaut au 14 septembre 2012, un peu plus de 100 dollars
américains.
116 - Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
Juin 2003, p.25.
117 -Arabie Saoudite, Qatar, Venezuela, Mexique entre autres.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 27
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
moins le principal actionnaire des différents projets
pétroliers et intervient sur le terrain par l'entremise d'une compagnie
pétrolière nationale. Celle-ci est le principal interlocuteur des
multinationales et permet à l'Etat, par ses nombreuses filiales,
d'être présent à tous les segments de l'industrie
pétrolière.
On distingue principalement deux types de contrats
pétroliers au Nigéria. Le plus répandu est le contrat
de joint-venture, qui représente plus de 90% de la production
nationale.118 L'extraction pétrolière se fait alors
dans le cadre d'au moins six joint-ventures sur une base de 60 % pour l'Etat et
40% pour les compagnies pétrolières
internationales.119 L'évolution des parts de l'Etat dans les
contrats pétroliers s'est faite progressivement au cours des
années. De 35% en 1971, elles sont passées à 60% en
1979.120 Toutefois, le manque de moyens financiers ne permet pas
toujours à l'Etat de remplir ses obligations contractuelles, laissant
ainsi une marge de manoeuvre considérable à ses
partenaires.121 Le second type de contrats est le contrat de
partage de production. Introduit dans les années 1990 pour
encourager l'exploration en eaux profondes, diversifier les acteurs commerciaux
de la filière et éviter les écueils des appels de fonds,
il représentait en 2008 une production quotidienne de 595 000
barils.122 Ce type de contrats, introduit à cause de
l'incapacité de l'Etat à supporter les exigences
financières de l'industrie pétrolière, l'expose aux
manoeuvres géostratégiques des grandes puissances. La
souveraineté du Nigéria, sur son pétrole, est remise en
question par les mécanismes de ce type de contrats qui éloigne
l'Etat des champs d'exploration.123
B- Principaux acteurs de l'univers pétrolier
nigérian :
L'industrie pétrolière au Nigéria connait
un grand nombre d'acteurs officiels et officieux. Ceux-ci entretiennent entre
eux des relations de nécessité participant du bon fonctionnement
de la filière ; mais aussi de suspicion à cause du choc des
intérêts et des querelles de leadership présentes dans le
milieu. De manière générale, on distingue deux types
d'acteurs dans le secteur pétrolier nigérian : les acteurs
gouvernementaux ou nationaux et les acteurs
internationaux. Au nombre des acteurs gouvernementaux du
pétrole figure en bonne place le Président de la
république. Il constitue avec ses hauts conseillers et la direction de
la compagnie pétrolière nationale le cercle retreint des
décideurs politiques en matière
pétrolière.124Le chef de l'Etat a souvent
cumulé à ses charges celles de ministre du pétrole
témoignant ainsi
118 -Op.cit
119 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine n° 216, avril
2004. Voir aussi Alexandra Gillies, « Réformer la corruption de
l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des risques
de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
»,
in U4 Brief, n° 23, septembre 2009 120- Idem.
121 -Voir Alexandra Gillies, « Réformer la corruption
de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
», in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
122 - Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
123 -Op.cit.
124- Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 28
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
du caractère éminemment politique de la gestion du
pétrole au Nigéria.125 Il a une
influence directe et déterminante sur les
décisions pétrolières. Les relations
privilégiées qu'il entretient avec les dirigeants des pays
d'où sont originaires les multina-
tionales du pétrole opérant au Nigéria ne
sont donc pas fortuites.
A côté du président de la
république figure le ministre du pétrole. Le titulaire de ce
poste, qui a été remis au goût du jour en 2007, est un des
plus proches collaborateurs du chef de l'Etat. Il est chargé de la
supervision technique de la compagnie pétrolière nationale et
mène la politique relative au secteur
pétrolier.126Deux principaux
organismes étatiques dépendent directement de
lui : la Direction des ressources pétrolières (DPR) et
la NOSDRA.127 La DPR est l'organe de surveillance de
l'industrie.
Filiale de la compagnie pétrolière nationale
jusqu'en 1988, elle est à présent auto-nome.128 La
DPR, dont le rôle est consacré aux activités
d'exploitation, supervise la conformité des multinationales aux lois et
règlements, y compris en matière
environ-nementale.129Elle conserve les archives des
opérations de l'industrie, conseille le
gouvernement, assure la rentrée des royalties et des
baux et traite toutes les autorisations de licence.130 C'est en fait
l'agence de promotion de l'industrie
pétrolière.131La
DPR, qui est souvent en conflit avec la compagnie
pétrolière nationale, se retrouve dans la difficile situation de
garant d'une industrie pétrolière respectueuse des lois
républicaines et de l'environnement, et promotrice d'une exploitation du
pétrole qui est à la fois source de moyens colossaux pour l'Etat
et cause d'insécurité.
La seconde agence du ministère du pétrole, la
NOSDRA (National Oil Spill Detection and Response Agency) est
chargée de surveiller les fuites de pétrole.132 Elle
évalue les dégâts environnementaux en cas de catastrophe
pétrolière et entreprend une évaluation de l'impact. La
NOSDRA prévient les autorités politiques des conséquences
éventuelles des fuites et de leur incidence sur la santé. Elle
veille à la réparation effective des installations
pétrolières après une catastrophe, et assure la
médiation entre les victimes et les compagnies
pétrolières.133 La NOSDRA est également
chargée de garantir que le plan national de déversement
prévu (le national oil spill contingency plan) est
appliqué conformément à la convention on oil pollution
preparedness response and co-operation (OPRC).134La mission de
veille de cette agence gouvernementale est rendue difficile à cause de
ses faibles moyens financiers et de sa dépendance aux informations
données par les multinationales en cas de fuites de pétrole.
Cette incapacité à régler les problèmes
causés par l'industrie pétrolière s'est manifestée
lors des différentes fuites de pétrole dans la localité de
Bodo, dans le Delta du Niger, en aout et décembre
2008.135
125 -Idem.
126 -Ibid.
127 -
128 -Ibid.
129 -Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie
tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de
pétrole
dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov.
2011, p. 34.
130 - Idem.
131 -Ibid.
132 -Ibid. 133-Ibid. P.32.
134 -Ibid. P29.
135 - Ibid. P4.
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Yaoundé II-Soa. Page 29
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Depuis 2004, un nouvel organisme en charge de la gestion de
l'industrie pétrolière a été mis sur pied. Il
s'agit du secrétariat général de la NEITI (l'initiative
pour la transparence des industries extractives au Nigéria). La mission
de cette agence est de veiller à la transparence dans la gestion du
pétrole plus particulièrement dans l'administration des revenus
tirés de son exploitation. Le secrétariat général
de la NEITI dépend directement de la présidence de la
république.
Un des acteurs nationaux les plus importants de la
filière pétrolière Nigériane est sans conteste
la Nigerian National Petroleum Company (NNPC). Fondée en 1977,
la compagnie pétrolière nationale assure la participation de
l'Etat dans le cadre des joint-ventures avec les multinationales du
pétrole. Elle compte plus de 9000 sala-riés.136 C'est
une compagnie verticalement intégrée qui contrôle un
éventail d'activités en amont et en aval de l'industrie
pétrolière. Ses multiples fonctions comprennent l'exploitation de
douze filiales dans le domaine de l'exploration-production mais aussi du
raffinage, du transport et de la gestion des terminaux de stockage des produits
pétroliers et pétrochimiques.137 La plus importante de
ses filiales est la National Petroleum Investment Management Services
(NAPIMS) qui agit en tant que concessionnaire de l'industrie et passe des
contrats avec les compagnies pétrolières au nom de l'Etat. La
NNPC est partie prenante dans au moins six joint-ventures avec des compagnies
pétrolières internationales en tant qu'actionnaire majoritaire.
Cependant, c'est toujours la compagnie internationale qui est
l'opérateur.138 L'entreprise qui possédait
initialement 80% des parts de son contrat avec la Shell Petroleum
Development Company (SPDC filiale de la Royal Dutch Shell) en
conserve dorénavant 55%.139 Sa participation dans les autres
joint-ventures est de 60%. Peu de contrôles financiers internes se font
à la NNPC. Néanmoins, des audits externes y sont annuellement
menés.140 La compagnie pétrolière nationale est
donc le principal acteur gouvernemental de l'industrie pétrolière
au Nigéria. Elle est à la fois une administration et un
opérateur dans les différents segments de l'industrie
pétrolière. L'organe de décision de la NNPC est
composé du conseil d'administration et son directeur
général. L'industrie pétrolière au Nigéria
connait alors principalement six opérateurs gouvernementaux,
chargés pour l'essentiel d'assurer la protection des
intérêts nigérians en matière de pétrole.
L'industrie pétrolière au Nigéria accorde
également une place de choix à des acteurs internationaux. Venant
en appui à l'Etat dans sa gestion des ressources
pétrolières, ils participent au dynamisme de l'industrie tout en
s'assurant des marges bénéficiaires considérables. Les
principaux interlocuteurs internationaux des autorités nigérianes
sont sans doute les multinationales du pétrole. Les plus en vue sont
Shell, Exxon Mobil, Chevron Texaco, Total et Eni/ Agip.
D'autres compagnies de moindre importance comme Statoil, Petrobas, Addax
et de petites indépendantes
136 - Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la corruption
de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole.
», in U4 Brief, n° 23, septembre 2009
137 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.26.
138 -Idem.
139 -Ibid.
140 -Idem.
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Yaoundé II-Soa. Page 30
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
essayent de se faire une place dans l'univers concurrentiel du
pétrole nigérian. Royal Dutch Shell (Shell) est
l'opérateur majoritaire du circuit pétrolier du pays. La
compagnie opère sur près de 31 000 kilomètres
carrés.141 Elle est partie prenante d'une joint-venture avec
l'Etat nigérian qui en détient 55%, Elf Petroleum Nigeria
Ltd. (filiale du groupe français Total) 10%, et la compagnie
italienne ENI 5%.142Shell, qui détient 30%
de la joint-venture, en est l'opérateur principal.143Les
firmes multinationales sont les véritables acteurs de terrain du secteur
pétrolier nigérian. La relative incurie avec laquelle elles
gèrent certaines questions, comme la protection de l'environnement ou
l'amélioration des conditions de vie des populations des zones
d'exploitation, démontre la grande marge de manoeuvre dont elles
bénéficient.144 Malgré leur personnalité
juridique et une relative indépendance financière, il est
impossible de voir les multinationales du pétrole comme de simples
acteurs économiques. En tant que principaux « intervenants de
terrain » au Nigéria, elles sont les bras séculiers des
grands consommateurs, et représentent la caution commerciale de leurs
manoeuvres stratégiques.
L'industrie pétrolière est une activité
qui nécessite l'investissement d'énormes sommes d'argent. Les
progrès technologiques et la situation des gisements de plus en plus en
profondeur viennent alourdir la facture des opérateurs. La prospection
en eaux profondes, qui tend à s'intensifier dans la région,
oblige les compagnies pétrolières à recourir à des
prêts encore plus importants. Les partenaires économiques et
financiers sont alors des acteurs internationaux de premier plan de la
filière. Au nombre de ces acteurs, figurent les institutions
financières internationales (IFI). Par leur rôle
prépondérant dans les économies des pays
sous-développés, les IFI constituent des facilitateurs de
financement pour les multinationales comme pour les Etats. La Banque
mondiale et le Fonds monétaire international sont, par
exemple, des investisseurs non négligeables dans le secteur
pétrolier au Nigéria. Les compagnies pétrolières
internationales font généralement appel aux Agences de
Crédit à l'Exportation (ACE) et au Groupe de la Banque
Mondiale, afin de garantir leurs investissements, et transférer
ainsi sur les autorités publiques leurs propres risques financiers. Ces
partenaires financiers des multinationales n'hésitent pas à
délier les cordons de la bourse pour préfinancer les grands
projets pétroliers, dans les pays les plus pauvres. Ils ont ainsi
dépensé 51 milliards de dollars entre 1995 et 1999, pour
faciliter les projets pétroliers et miniers dans les pays en
développement et les ex-républiques
soviétiques.145 Les bénéficiaires de ces
financements sont des compagnies pétrolières américaines
(Haliburton et Chevron-Texaco) ou l'anglo-néerlandaise
(Shell).146
141 - Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie
tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de
pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov. 2011,
p.26.
142 -Idem.
143 -Ibid.
144 -Ibid.
145 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.15.
146 -Idem.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
La société financière internationale
(SFI), est un des plus grands investisseurs dans les projets
pétroliers en Afrique subsaharienne. En 2001, les investissements de la
société dans la région ont représenté 40%
des 840 millions de dollars injectés par elle dans l'amont
pétrolier.147 Les récents investissements de la SFI
dans le secteur pétrolier en Afrique ont concerné des projets au
Congo, au Cameroun, au Tchad, au Gabon, en Côte d'ivoire et au
Nigéria. La SFI, comme la plupart des institutions faisant partie du
groupe de la Banque Mondiale (BIRD, AID, AMGI), accorde aux opérateurs
du secteur pétrolier des prêts généralement
assorties de conditionnalités sociales et
environnementales.148 C'est tout le contraire des agences de
crédit à l'exportation149 dont les conditions de
prêts sont entourées de mystère. Selon le Fonds
monétaire international, les financements accordés par
celles-ci150 sont largement supérieurs à ceux
accordés par la Banque Mondiale, le FMI et les autres institutions
multilatérales réunies.151Cette situation,
potentiellement dangereuse pour les pays du Golfe de Guinée, est
malheureusement assez répandue. Les pays pétroliers sont
lourdement endettés auprès de ces bailleurs de fonds, qui les
contraignent ainsi financièrement. Le pourcentage de l'endettement
extérieur nigérian détenu en 2000 par les Agences de
crédit à l'exportation était, par exemple, de
71%.152La responsabilité de celles-ci dans le faible impact
économique de la rente pétrolière en Afrique et plus
particulièrement au Nigéria, est indéniable.
L'industrie pétrolière nigériane connait
une pléthore d'acteurs gouvernementaux ou internationaux qui remplissent
une fonction particulière dans la chaine pétrolière. La
vitalité et le dynamisme qu'ils procurent à l'univers
pétrolier ne se fait ressentir que très faiblement au sein des
populations.
PARAGRAPHE 3 : "Paradoxe de l'abondance" : richesse et
misère du pétrole nigé-
rian.
A- La place du pétrole dans la société
nigériane :
Le Nigéria est un véritable « scandale
pétrolier ». En effet, malgré l'ancienneté de sa
production, il reste depuis des décennies dans le classement des quinze
plus grands producteurs de pétrole au monde.153 Souvent
considéré comme un marché pétrolier « marginal
», comparé à l'Arabie Saoudite ou au Qatar, il est tout
aussi stratégique pour les grands consommateurs de brut. Le nombre
important des clients du pétrole nigérian et les relations
économiques et commerciales, basées sur le pétrole,
147-Ibid.
148 -Ibid.
149 -Ibid. P16.
150 - Il s'agit, entre autres, de la Export-import Bank
américaine ; de la Export Credit Guarantee Department
anglaise ; de la compagnie française d'assurance pour le
commerce extérieur et de la canadienne Export development
corporation.
151 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.15.
152 -Idem.
153 - Cf. Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 Brief, n° 23, septembre 2009.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
qu'il a su tisser avec les Etats-Unis ou la Chine le
démontrent à suffisance. Son rang de premier producteur de
pétrole en Afrique, ainsi que sa situation dans le Golfe de
Guinée, viennent encore renforcer la valeur stratégique de son
marché pétrolier. La volonté des grands consommateurs de
pétrole d'assurer l'équilibre du marché rend en effet les
barils « marginaux » stratégiques dans l'approvisionnement
mondial autant que dans l'équilibre des prix.154 Le
Nigéria, la Guinée Equatoriale, l'Angola, et dans une moindre
mesure, le Gabon et le Cameroun représentent alors des alternatives
nécessaires aux grands producteurs moyen-orientaux ou
sud-américains.
Le pétrole est un des piliers majeurs de
l'économie nigériane. Il est à la fois une importante
source de devises et un facteur du dynamisme économique du pays. Le
pétrole joue un rôle important dans l'économie du
Nigéria, mais aussi dans sa politique et ses relations internationales.
Il n'existe que très peu de conflits politiques, de soulèvements
populaires, de scandales financiers ou de catastrophes écologiques, qui
ne soient liés au pétrole. En effet, depuis le début de
l'industrie pétrolière en 1956,155 le pétrole
n'a plus jamais cessé de gagner en importance dans la
société nigériane. Cependant, après plus de 600
milliards de Dollars (environ 430 milliards d'Euros) procurés au pays
par l'industrie pétrolière depuis 1960156 force est de
constater que de nombreux nigérians vivent encore en dessous du seuil de
pauvreté. Selon de récentes statistiques, environ 70% des
nigérians sont pauvres.157 Cette situation, qui est
appelée « paradoxe de l'abondance »,158
témoigne de l'échec des politiques de développement au
Nigéria.
B- La pauvreté au Nigéria comme illustration
de l'échec des politiques de déve-
loppement :
Pour certains observateurs, le Nigéria est « un
exemple à ne pas suivre » en matière de gestion
pétrolière.159 Ses abondantes ressources contrastent
avec la misère dans laquelle vivent une majorité de
nigérians. En plus de cinquante années d'extraction
pétrolière, aucune amélioration significative n'a
été enregistrée dans la vie du nigérian moyen,
fut-il habitant de la riche région du Delta du Niger. Selon le premier
rapport du PNUD sur le développement humain en Afrique,
publié en 2012,160 l'indice du développement humain du
Nigéria est de 0,459, derrière celui de pays non ou peu
pétroliers comme le Cap-Vert (0,568), le Botswana (0,633), ou les
Seychelles (0,773) ; et en deçà de la moyenne de l'Afrique
subsaharienne (0,463) 161.
154 - Voir Olivier Charnoz, « le pétrole Africain :
des clefs pour comprendre », in Afrique contemporaine, Afrique
et développement. Dossier : le pétrole en
Afrique, De Boeck et Larcier S.A, 2006, p.21.
155 - Voir Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie
tragédie. Retards et incapacité à stopper les fuites de
pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov. 2011,
p. 26.
156 - Cf. Amnesty international, Pétrole, pollution
et pauvreté dans le Delta du Niger, Amnesty international, juin
2009.
157 - Op.cit.
158 - Cf. Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
services, Juin 2003, 102 p.
159 - Idem.
160 - PNUD, Rapport sur le développement humain en
Afrique - 2012. Vers une sécurité alimentaire durable. Sites
web : http : //
unp.un.org ;
www.undp.org/africa et
www.afdhr.org .
161 - Un (1) représente l'indice de développement
humain maximal pour un pays.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Quarante trois pour cent de nigérians ne
bénéficient pas d'infrastructures sanitaires ou d'eau
potable162et le taux de mortalité infantile dans le pays est
l'un des plus importants au monde.163
Cependant, le pétrole n'est pas intrinsèquement
une source de sous-développement. Ce sont plutôt les politiques de
gestion de cette source d'énergie stratégique qui peuvent bloquer
le développement. Au Nigéria, par exemple, une grande partie des
revenus tirés de l'exploitation du pétrole est
détournée. Selon Human rights Watch, « seule une
très faible partie des revenus pétroliers reversés par le
gouvernement fédéral aux gouvernements locaux est
véritablement dépensée pour des projets réels de
développement [...] L'inexistence de véritables audits de la
gestion desdits fonds par les autorités locales, en encourage le
détournement. ».164Au final, les populations continuent
d'être les oubliés de l'exploitation pétrolière.
Pour plusieurs nigérians, surtout ceux habitants les zones
d'exploitation, le pétrole est synonyme de malheur et
d'insécurité. Les populations du Delta du Niger souffrent des
conséquences néfastes de l'exploitation pétrolière
sur leurs conditions de vie.
Le « paradoxe de l'abondance » trouve toute sa
signification dans le cas du Ni-géria. Le pays qui peut se targuer des
ressources pétrolières les plus importantes d'Afrique est
pourtant du nombre des nations les plus pauvres du continent. De nombreux
nigérians, qui croyaient en une nette amélioration de leurs
conditions de vie après la découverte du pétrole, ont vite
déchanté face à la misère dans laquelle ils
continuent de vivre. Le pétrole est devenu une véritable
malédiction pour certains d'entre eux à cause de l'impact
négatif qu'il a sur leurs moyens de subsistance. Plusieurs habitants du
Delta du Niger ont vu leurs étangs piscicoles détruits, leur
activité de pêche réduite par le déversement
accidentel ou non de pétrole dans les cours d'eau.165
Après plusieurs décennies d'exploitation
pétrolière, le pétrole n'a pas encore eu l'effet
escompté dans plusieurs ménages. Pourtant, pour Ed Royce
président du sous comité pour l'Afrique à la
chambre des représentants aux Etats-Unis, « les ressources
énergétiques de l'Afrique sont essentielles pour le
développement du continent. Elles fournissent un flux continu de
revenus... indispensables pour enrayer le cycle de la pauvreté qui
affecte ces pays. ».166 Les propos de cet homme politique
américain rejoignent ceux d'un représentant de la compagnie
pétrolière Amerada Hess, selon lesquels le
pétrole offre « d'incroyables occasions de création de
richesses pour les populations locales ».167Il est alors
impossible de voir en la misère du pétrole au Nigéria,
comme dans celle de plusieurs autres pays pétroliers d'ailleurs, la
conséquence d'une malédiction inhérente à la
possession de cette source d'énergie dans son sous-sol. Les pays
pétroliers ayant réussi le pari du développement
constituent un désaveu cinglant pour les tenants de cette thèse.
Les
162 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.26.
163 -Idem.
164 -Ibid.
165 - Op.cit.
166 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.18.
167 -Idem.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
causes de la pauvreté au Nigéria sont à
rechercher dans la gestion qui y a été faite du pétrole
tout au long de son histoire.
SECTION II : LA GESTION DU PETROLE AU NIGERIA COMME
ENJEU DE PUIS-
SANCE ET DE REALISATION DE STRATEGIES
POLITICIENNES.
Le pétrole est un véritable enjeu de pouvoir au
Nigéria. Son rôle dans les stratégies politiciennes, des
régimes politiques successifs qu'a connus le pays, est
indéniable. Principale source de devises, les politiciens en ont
également fait un facteur de stabilité politique,
économique voire sociale. L'arsenal gouvernemental de gestion de la
filière, composée d'au moins six institutions dont le chef de
l'Etat, est la preuve de la politisation de l'industrie
pétrolière. La gestion du pétrole au Nigéria a
toujours été problématique. La corruption et les
détournements des revenus du pétrole,168 l'incurie des
compagnies pétrolières internationales169et
l'immaturité stratégique des dirigeants politiques
nigérians sont autant de raisons du faible impact social du
pétrole. Malgré les efforts des autorités politiques pour
améliorer les conditions de vie des populations,170 la
gestion du pétrole demeure le maillon faible de la filière.
L'allocation fédérale statutaire, principe essentiel dans la
redistribution de la rente pétrolière, a constitué au
cours des années le principal point de discorde entre les
différents niveaux de gouvernement du pays (Paragraphe 1). Les
régimes militaires successifs ont fait de la gestion du pétrole,
un enjeu politique et géopolitique sur les plans interne et
international (Paragraphe 2), tandis que le retour à la
démocratie, à partir de 1999, a coïncidé avec
quelques efforts d'ouverture et de démocratisation de la gestion
pétrolière (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : L'allocation
fédérale statutaire comme principe de base de la redistribution
des revenus pétroliers.
A- La question de la redistribution des revenus
pétroliers :
La redistribution de la rente pétrolière a
toujours attisé les passions au Nigéria. De nombreux
épisodes de l'histoire du pays démontrent qu'il s'agit d'un sujet
à la fois polémique et politisé. Le caractère
fédéral de l'Etat rend nécessaire la prise en compte, par
les autorités politiques, de considérations de
développement local, mais aussi d'équilibre du
développement à l'échelle nationale. Les principes
à la base du partage des revenus pétroliers sont au coeur de
grands enjeux économiques, politiques et géopolitiques. La
redistribution de la rente pétrolière obéit alors à
divers
168 -Ibid.
169 -Op.cit.
170 - On peut citer par exemple les subventions
pétrolières qui maintiennent les prix relativement bas (elles
concernent un peu plus de 30% des dépenses de l»Etat soit
approximativement 8 milliards de dollars par an), ou l'argent reversé
aux gouvernements locaux par le pouvoir fédéral.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
principes, qui évoluent en fonction des
priorités et des objectifs des hommes politiques nigérians. Le
processus de partage de la rente pétrolière s'est sensiblement
amélioré, avec l'avènement de la démocratie, sans
toutefois susciter un réel consensus entre les différentes
composantes de l'univers sociopolitique nigérian. En effet, entre les
populations originaires du sud pétrolier, qui s'estiment
bénéficiaires légitimes des revenus tirés de «
chez elles », et les populations du nord, les points d'accord sur la
gestion du pétrole sont peu nombreux. Le gouvernement
fédéral doit alors réaliser un savant et difficile
équilibre entre revendications des populations des régions
pétrolières, et obligation de ventilation des revenus
pétroliers à l'échelle nationale.
B- Principes de base de l'allocation fédérale
statutaire et évolution historique :
Le partage des revenus pétroliers obéit au
principe de l'allocation fédérale statutaire. Il s'agit
d'un processus complexe de répartition de la rente entre les
différents niveaux de gouvernement de l'Etat. Principe majeur organisant
la redistribution de l'argent du pétrole, l'allocation
fédérale statutaire structure l'essentiel des finances
publiques nigérianes.171 En fonction des années, elle
oscille entre 65% et 90% des revenus pétroliers172 (qui
représentent eux, il faut le rappeler, 80% des revenus bruts de la
fédération). L'organisme en charge de l'élaboration des
critères et de la ventilation des revenus pétroliers est la
Commission Fiscale de Mobilisation de l'Allocation des Revenus
(RMAFC). Elle est composée de représentants des Etats
fédérés.173 La RMAFC établie des
critères de répartition qui sont ensuite présentés
au chef de l'Etat. Celui-ci les transmet au parlement pour approbation. En cas
de désaccord entre les deux chambres, le président de la
république peut procéder par décret.174
Deux types de critères sont à la base de
l'allocation fédérale statutaire : des critères
verticaux et des critères horizontaux. Les
critères verticaux concernent la répartition des revenus
pétroliers entre les trois niveaux de gouvernement dans le pays à
savoir le niveau fédéral, les Etats fédérés
et les gouvernements locaux. La répartition de la rente
pétrolière entre ces différents échelons de
gouvernement, au cours de la période 1992-2002, était de 48,5%
pour le niveau fédéral, 24% pour les Etats
fédérés et 20% pour les gouvernements locaux ; le reste
étant déposé dans des fonds spéciaux.175
Cette répartition de la rente a toujours constitué un point de
discorde entre les bénéficiaires. Pour les Etats
fédérés, dont cette allocation représente plus de
la moitié des revenus budgétaires,176 les montants
à eux alloués constituent une véritable question
d'efficacité de gestion et même de survie. Il est par
conséquent important que l'Etat fédéral prenne en
considération, dans la répartition de la rente
pétrolière, leur place incontournable dans le processus de
développement du pays. Les gouvernements locaux, qui s'en remettent aux
Etats fédérés pour
171 - Voir Philippe Sébille-Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine n° 216,
avril 2004, p
172-Idem.
173 -Ibid.
174 -Ibid.
175 -Ibid.
176 -Ibid.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
entrer en possession de leur enveloppe, jugent quant à
eux ce mode de fonctionnement favorable à une dépendance de leur
part envers les Etats fédérés. Certaines tensions entre
ces deux niveaux de gouvernements ont souvent provoqué un retard dans
l'acheminement les fonds alloués.
Les critères horizontaux de l'allocation
fédérale statutaire concernent, quant à eux, la
répartition de l'enveloppe allouée d'une part aux Etats
fédérés, et d'autre part aux gouvernements locaux. La
redistribution de la rente pétrolière prend en
considération les besoins des Etats, et le statut pétrolier de
certains d'entre eux. Dès la période coloniale, les anglais
mirent sur pied une sorte de « prime à la productivité
» destinée à encourager le développement au niveau
local. Il s'agissait de reverser aux régions, par une politique dite de
Dérivation, une importante partie de la richesse tirée
de leur sol. Cette politique, qui favorisa le développement des
régions agricoles, (nord et ouest en particulier) se poursuivit
après l'indépendance du pays. Des statistiques sur la
dérivation des recettes pétrolières, au cours de
l'année fiscale 19741975, montrent par exemple que les régions
pétrolifères de River et de Midwest comptant au
total 4,1 millions d'habitants ont reçu de l'Etat fédéral
près de 241 millions de Nairas, contre seulement 102,3 millions pour les
régions de Western, de East- central, de
North-western, et de North-East plus peuplées (30,2
millions d'habitants à l'époque).177 Le boom
pétrolier viendra cependant provoquer une certaine dénonciation
de ce principe, par les régions non pétrolières. Celles-ci
estimaient, en effet, que la richesse pétrolière devait
être redistribuée selon de nouveaux critères.178
Il fut alors décidé, dans un premier temps, d'établir une
distinction entre production on shore et offshore à travers un autre
principe, la dichotomie. Introduit en 1971, celui-ci
stipulait que les revenus tirés de la production offshore
échappaient au principe de dérivation et devaient être
répartis de manière plus ou moins équitable à
l'ensemble des Etats de la fédération. Les Etats
pétroliers perdaient ainsi près de 45% de leurs revenus, alors
que la production offshore ne représente guère plus de 20% de la
production nationale.179
Le principe de dérivation, qui permettait aux
régions productrices de recevoir près de la moitié des
revenus du pétrole en 1969, ne concernait plus que 2% de ceux-ci en
1981, puis 1% en 1989.180 De nouveaux critères favorisant une
redistribution plus ou moins équitable de la rente
pétrolière entre tous les Etats de la fédération
furent alors introduits. Il fallait dorénavant prendre en compte la
population des Etats, l'importance des besoins de ceux-ci et
l'équité entre eux. Deux autres critères furent introduits
au cours de l'année 1980. Il s'agissait du développement social
et de la capacité interne de l'Etat en question à
générer des revenus. L'équilibre entre ces
différents critères dans les années 1990 était le
suivant181 :
177 -Ibid.
178 -Ibid. 179-Ibid.
180 -Ibid.
181 - cette répartition est présentée par
Philippe Sébille Lopez, dans son article cité supra.
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Yaoundé II-Soa. Page 37
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Egalité c'est-à-dire la proportion des sommes
allouées, qui est répartie
équitablement entre les Etats : 40%.
Prorata de la population de chaque Etat : 30%.
Superficie de chaque Etat : 10%
Niveau de développement social : 10%
Capacité des Etats à générer des
revenus propres : 10%
Les Etats du nord étaient favorisés par ce
système de redistribution à cause de leurs populations
importantes. En effet, les Etats du sud, d'où provenait pourtant la
majeure partie du pétrole, ne recevaient que 19,3% des fonds
alloués aux Etats tandis que ceux du nord en recevaient
26%.182 Finalement, malgré les manoeuvres de politiciens
issus des régions non pétrolières visant à vider de
toute sa consistance le principe de dérivation, celui-ci a pu
résister au temps et passer comme donnée incontournable d'une
bonne administration de la rente pétrolière. Les Etats
pétroliers, qui recevaient par dérivation depuis le début
des années quatre vingt dix 3% de la rente redistribuée aux Etats
fédérés, peuvent ainsi bénéficier de 13 % de
celle-ci depuis l'an 2000. Le principe de dichotomie, quant à lui, a
été aboli en 2004 par le président Olosegun
OBASANJO.
La gestion du pétrole au Nigéria est alors
éminemment politique. L'égalité entre les Etats
recherchée par les autorités politiques fédérales,
à travers les modifications successives des principes de
l'allocation fédérale statutaire, cache en effet de
nombreuses considérations géopolitiques. Il faut, cependant,
souligner que la gestion de la rente pétrolière a varié
selon l'ouverture ou la fermeture du régime politique. Les gouvernements
militaires successifs, qu'a connus le pays au cours de son histoire, sont
passés maîtres dans l'art de faire de l'opacité et de la
subjectivité des règles de gestion, dans l'univers
pétrolier.
Paragraphe 2 : Une politique de gestion opaque
et subjective sous les régimes militaires.
A- Historique des régimes autoritaires de nature
militaire au Nigéria :
Le Nigéria est l'un des pays africain ayant connu le
plus grand nombre de régimes militaires, soit sept au total. Pendant
plus de la moitié des cinquante années de son
indépendance, le pays a été l'otage d'une forme de
gouvernance qui ne laisse que trop peu de place à la discussion, encore
moins à la contestation. En effet, les régimes militaires sont
généralement classés dans la catégorie des
régimes autoritaires, en ce sens qu'ils sont « [...] d'un
pluralisme limité, politiquement non responsables, sans idéologie
élaborée et directrice mais pourvus de mentalités
spécifiques [...] et dans lesquels un leader ou, occasionnellement, un
petit groupe exerce le pouvoir à l'intérieur de limites
formellement mal définies, mais, en fait, plutôt prévi-
182 -Idem.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 38
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
sibles. ».183 Toutes les
caractéristiques de ces régimes « clos » apparaissent
à l'étude des régimes militaires au Nigéria :
gestion personnelle du pouvoir, dissolution des partis politiques et de la
représentation populaire, mise en sourdine des libertés
publiques, etc.184 Le pétrole, objet de stratégies de
pouvoir et principal source de devises du Nigéria, a été
utilisé par les gouvernements militaires comme un moyen de domination
politique mais aussi d'enrichissement personnel.185 Comme le dit
Philippe COPINSCHI « la prépondérance des activités
pétrolières dans l'économie de certains pays fait du
contrôle de l'appareil d'Etat la condition première d'accès
à la richesse générée par le
pétrole.».186
Le premier coup d'Etat au Nigéria intervient en 1966,
soit près de dix ans après la découverte du premier baril
de pétrole et huit ans après le début de la production. Ce
sont des officiers Ibo qui conduisent le coup de force. Le
Général Johnson AGUIYI IRONSI est hissé au
pouvoir.187 Celui-ci formule le voeu d'instaurer une constitution
unitaire à la place de celle fédérale en vigueur. Il est
renversé, à son tour, six mois après son arrivée.
Cinq autres coups d'états suivront, faisant se succéder dans le
pays divers régimes militaires jusqu'en 1998 ; avec cependant une courte
transition démocratique entre 1979 et 1983. Les années de
gouvernement militaire seront caractérisées par un pouvoir
autocratique avec une gestion du pétrole opaque et subjective. Les
régimes militaires des généraux Yacubu GOWON (26 juillet
1966 - juillet 1975) et Sani ABACHA (1993 - 1998) nous semblent les plus
illustratifs à cet effet.
B- Déficit démocratique et gestion du
pétrole au Nigéria :
Le Nigéria connait le second coup d'Etat de son
histoire le 26 juillet 1966, avec le général Yacubu GOWON comme
nouveau président. Cet officier, un Yorouba né en 1934, est
choisi par des paires originaires du nord pour diriger le gouvernement
militaire et réorganiser le système fédéral. Le
pays connait alors un certain dynamisme de sa production
pétrolière qui passe pour la première fois au dessus de la
barre des 400 000 barils par jour (417,6 000 barils par jour soit presque le
double de la production un an avant).188 Le pétrole, qui
vient pour une bonne partie de la région sud-est du pays (dans le Golfe
de Biafra où se trouve Port Harcourt en pays Ibo), irrigue
alors l'économie de ses revenus substantiels. En mai1967, les
autorités politiques émettent le voeu de scinder la région
en trois Etats, privant ainsi les Ibo de tout accès à la
mer et les écartant des zones pétrolifères. Cette
décision, avec le massacre d'Ibo dans le nord du pays la
même année, sera à l'origine de la sécession du
183 - Voir Juan J. Linz, An autoritarian regime: the case of
Spain, in Erik Allardt and Yrjo Littunen (eds), cleavages, Ideologies and
party systems, Helsinki, Westermarck society, 1964; reprinted in Erik allardt
and stein Rokkan (eds), Mass Politics: studies in political sociology, New
York, Free Press, 1970.
184 -Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
185 - Le cas de Sani Abacha est une illustration claire de
l'esprit de prédation de la rente pétrolière qui a de tout
temps animé les dirigeants politiques au Nigéria.
186 - Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits. », in
Questions internationales n° 2, juillet-Aout 2003, p.43.
187 - Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
188 - Voir Akin Iwayemi, « le Nigéria dans le
système pétrolier international » in Nigéria, un
pouvoir en puissance, p.20.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Biafra menée par le lieutenant-colonel « Emeka
» OJUKWU. Celui-ci, soutenu par la France mais aussi par la
Chine,189 proclamera la sécession et l'indépendance de
la république du Biafra. Ce sera le début d'un des plus
violents conflits armé en Afrique, la « Guerre du Biafra »,
qui fera plus d'un million de victimes. Ce conflit constitue un moment
privilégié pour observer la gabegie et la gestion opaque des
revenus du pétrole qui a caractérisé les gouvernements
militaires au Nigéria.
Le conflit du Biafra est un moment privilégié
d'observation de la gestion politique et opaque des ressources
pétrolières au Nigéria. Si la guerre a eu des motivations
ethniques, la lutte pour le contrôle des ressources
pétrolières en a été un facteur déterminant.
La participation, officielle ou non, de grands consommateurs comme la France,
la Chine, l'Angleterre ou les Etats-Unis traduit du caractère
stratégique de cette guerre. Le soutien de l'Angleterre ou des
Etats-Unis aux autorités fédérales participait de la
défense de leurs intérêts pétroliers dans le pays.
Il fallait éviter que les abondantes ressources
pétrolières de la région ne tombent entre les mains de
puissances adversaires comme la Chine ou la France. Le général
Yacubu s'emploiera à assujettir le Biafra, qui finalement sera vaincu en
1970. Le gouvernement militaire fédéral va ensuite tenter de
moderniser l'économie nigériane, mais sera confronté
à une grande inflation suite à la hausse des prix du baril dans
les années 1970. Incapable de la juguler et surtout de remettre, selon
sa promesse, le pouvoir aux civils, il est renversé à son tour en
1975 lors d'un coup d'Etat « pacifique ». Il se refugie en
Angleterre, puis au Togo à partir de 1984.
La gestion du pétrole par le régime du
général Sani ABACHA à partir de 1993, sera tout aussi
empreinte de considérations personnelles et de grande opacité.
L'élection, cette année là, du milliardaire Moshood ABIOLA
à la présidence de la république, jugée
irrégulière, est annulée. Le chef de l'Etat sortant
Ibrahim BABANGI-DA décide de mettre sur pied un gouvernement de
transition avec ABACHA comme ministre de la défense. En novembre, soit
cinq mois après l'installation du gouvernement provisoire, celui-ci
décide de s'emparer du pouvoir. Il met alors en place un gouvernement
militaire qui fait de la gestion du pétrole un secret d'Etat. Aux
récriminations des populations des régions
pétrolières, l'Etat répond régulièrement par
la violence. L'exécution de l'écrivain Ken SARO WIWA et de huit
autres militants Ogoni, qui réclamaient plus de transparence
dans la gestion du pétrole, est un des moments les plus dramatiques du
régime du général ABACHA. Ce dernier fini par
mettre le Nigéria au ban de la société internationale
à cause de sa politique subjective et brutale. La période de
gouvernement du général-président a connu une
recrudescence des actes de corruption et de détournements des fonds. On
estime à près de 4 milliards de dollars (dont 90% issus des
revenus pétroliers) la somme qu'il aurait lui-même
détourné pendant son mandat à la tête du
pays.190
Le pétrole a donc revêtu un caractère
pleinement stratégique sous les régimes militaires. Dans leur
gestion du pétrole, ils ont privilégié des
intérêts stratégiques,
189- Cf. « Nigéria ». Microsoft
®Encarta® 2009, [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
190 - Cf. Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief
ser-vices, Juin 2003, p.26.
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Yaoundé II-Soa. Page 40
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
géopolitiques ou politiques à même
d'assurer une stabilité à leur pouvoir, plutôt que le
bonheur des populations. La misère s'est alors aggravée, pendant
ces épisodes d'autocratie de l'histoire nigériane, mais aussi la
corruption, les détournements de fonds et l'incurie des multinationales
dans la gestion de leurs activités. C'est donc avec un certain espoir
que les populations ont accueilli le retour à la démocratie en
1999. Des efforts d'ouverture en matière de gouvernance
pétrolière ont dès lors été
observés.
Paragraphe 3 : Evolution et tentative de
normalisation de la politique pétrolière depuis le retour de la
démocratie.
A- Démocratie et volonté de clarification de
la gestion pétrolière :
Le 27 février 1999, le général OBASANJO
est élu président de la république du Nigéria avec
63% des suffrages exprimés. Cette transition politique, après 16
ans de pouvoir sans partage de Sani ABACHA, est souvent
considérée comme le retour à la démocratie. S'il ne
s'agit pas à proprement parlé de l'arrivée au pouvoir d'un
civil, le nouveau chef de l'Etat, par son élection démocratique
et son passé de facilitateur de la courte transition civile entre 1979
et 1983, apparait comme l'homme de la situation dans un Nigéria au ban
de la communauté internationale. Un des objectifs du nouveau
président est de réconcilier le pays avec les différents
bailleurs de fonds internationaux et le Commonwealth. Il souhaite
également faire de la bonne gouvernance un principe majeur dans la
gestion du pétrole.
A son arrivée au pouvoir, le général
OBASANJO trouve un pays pauvre mais dont la production pétrolière
est une des plus importantes en Afrique. La filière évolue dans
une relative opacité propice aux détournements de fonds et
à la corruption. Une des premières décisions que le chef
de l'Etat favorise, après son élection, c'est l'augmentation du
pourcentage des revenus du pétrole à reverser aux Etats
producteurs. Celui-ci passe de 3% en 1992 à 13% à partir de l'an
2000.191Cette décision permet l'arrivée de moyens
financiers substantiels dans les Etats producteurs du sud. La région du
Delta du Niger reçoit ainsi, en huit ans, 3,07 trillions de Nairas, soit
près de 30 milliards de dollars américains.192
Même si une grande partie de ces sommes est souvent
détournée, l'augmentation de leur pourcentage apparait comme un
pas vers le règlement de l'injustice dont ont été
victimes, pendant plusieurs années, les populations des régions
pétrolifères. Le chef de l'Etat supprime également,
malgré un avis contraire de la cour suprême en avril 2002, le
principe de dichotomie.193Il met ainsi un terme à un principe
qui asphyxiait les régions pétrolières en les privant de
moyens financiers substantiels.
191 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine n° 216, avril
2004, p
192 - Ukoha Ukiwo, « le Delta du Niger face à la
démocratie virtuelle du Nigéria », in Politique
Africaine, le Nigé-ria sous Obasanjo, violences et démocratie,
Karthala, n°106, juin 2007, p.128-147.
193 - Op.cit.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Depuis 1999, deux transitions démocratiques ont eu lieu
au Nigéria : une en 2007 avec l'élection d'Umaru Moussa
YAR'ADUA, l'autre en 2010, qui voit Goodluck Jonathan arriver au
sommet de l'Etat, après avoir assuré l'intérim suite au
décès brutal de son prédécesseur. Le point commun
entre tous ces gouvernements de l'ère démocratique est, sans
conteste, leur volonté d'ouvrir et de démocratiser la gestion de
l'industrie pétrolière. Les chantiers initiés par
OBASANJO, au moment du retour à la démocratie, seront poursuivis
par ses successeurs.
B- L'adhésion à l'ITIE et la
création de la Commission de développement du delta du Niger
comme preuves d'une gestion plus participative du pétrole depuis 1999
:
Le retour de la démocratie a ramené le débat
pétrolier sur la scène publique. L'adhésion du pays
à l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives
(ITIE) constitue une avancée en matière de bonne
gouvernance. Elle a abouti en 2004 à la création de l'ITIE
nigériane, la NEITI (Nigerian Extractive Industries Trans-parency
Initiative).194Le Nigéria, qui est le premier pays
africain à adhérer à cette initiative, n'en sera
jugé conforme qu'en 2010.195 La publication
régulièrement des chiffres des flux financiers de son secteur
pétrolier constitue une des exigences pour être reconnu pays
à la gestion des industries extractives transparente. Un groupe
national de travail des parties prenantes (NSWG), regroupant des
représentants du gouvernement, de la société civile et des
compagnies pétrolières, a été mis sur pied pour
contrôler les activités de la filière
pétrolière et mettre en oeuvre le processus NEITI de
manière efficace.
Le NEITI a été doté d'un
Secrétariat Général. Son objectif est d'assurer une
entière transparence de tout le processus financier lié à
l'industrie du pétrole. Cette agence étatique a commencé
son travail dès l'année de sa création. Il s'est agi dans
un premier temps, de réaliser un audit complet de la chaine des
transactions du secteur pétrolier, de l'extraction au dépôt
des fonds à la banque centrale du Nigéria. La période
concernée par ce rapport allait de 1999 à 2004. Grâce au
travail des enquêteurs, disséminés sur l'ensemble du pays
ou dépêchés auprès d'organismes étatiques de
gestion du pétrole, on a abouti à un résultat d'une grande
qualité. Il dresse un panorama exhaustif de la gestion de l'argent du
pétrole au Nigéria pendant la pé-
riode susmentionnée. Cette enquête
révèle des défaillances au niveau de
l'administration
des revenus pétroliers, plus particulièrement de la gouvernance
des secteurs pétrolier et gazier.196La publication du rapport
a donné lieu à la mise en place d'un groupe d'action
interministériel (IMTT), chargé de formuler un plan exhaustif de
redressement, lequel a été subséquemment approuvé
par le gouvernement. La sortie du premier rapport du NEITI a suscité de
nombreux commentaires favorables. La Banque Mondiale dit de lui qu'il «
demeure par son étendue et par son aspect minutieux, l'Etalon-or de
l'ITIE mondiale ».197 L'ONG Transparency
internatio-
194 - Cf. Etude de cas publiée le 20 janvier 2012 sur
www.eiti.org/files/2012/05-11case_stud...
195 -Idem.
196 -Ibid.
197 -Ibid.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
nal, quant à elle, reconnait dans les
initiatives fédérales des avancées
considé-rables.198En 2007, l'assemblée nationale
adopte le Nigerian extractive industries transparency initiative act,
faisant du Nigéria le premier pays au monde à rendre
légale l'obligation de déclaration des paiements effectués
par toutes les entreprises extractives au gouvernement ; ainsi que l'obligation
de déclaration des revenus perçus par celui-ci.199
Cette loi, tout en faisant du secrétariat général du NEITI
une agence intégrée à la présidence de la
république, le charge d'encourager le respect des procédures et
la transparence au niveau des revenus extractifs.
La création en 2000 d'un organisme chargé de la
gestion d'initiatives de développement dans le delta du Niger
dénommée Niger Delta Development Commission (NDDC)
constitue également une initiative louable, malgré la faiblesse
des résultats enregistrés. En effet, la NDDC illustre la
volonté des autorités politiques de recon-naitre que
l'exploitation du pétrole s'est généralement faite, au
détriment du développement et du bien-être des populations
des régions pétrolières. Sa création est la preuve
que le militantisme n'est pas un phénomène brumeux et
spontané. Elle constitue, à la fois, une réponse,
même inefficace, aux revendications des populations du delta du Niger et
une volonté de décentraliser la gestion pétrolière.
En outre, elle permet de traduire par des faits concrets la volonté des
autorités politiques de s'inscrire dans une logique de
développement endogène dans les régions
pétrolières.
Le retour de la démocratie a constitué,
incontestablement, une étape importante dans l'histoire
pétrolière du Nigéria. Il a permis une ouverture de la
gestion de la rente mais aussi une revalorisation des revenus reversés
aux régions pétrolières. Si la politisation du
pétrole n'a pas disparu, les gouvernements de l'ère
démocratique ont néanmoins fait de la bonne gouvernance une
priorité. Les progrès en matière de réglementation
pétrolière, la volonté de transparence de la gestion de
l'argent du pétrole, l'ouverture du débat pétrolier sont
autant de points à mettre au bénéfice de la
démocratisation du pays. La pauvreté n'a, cependant, pas
disparue.
SECTION III : LE NIGERIA : UN PRODUCTEUR DE PETROLE AU
CENTRE DES
ENJEUX ENERGETIQUES DES GRANDES PUISSANCES
:
La production pétrolière nigériane est
importance. Celle-ci l'a propulsé, depuis quelques années, dans
le cercle des quinze premières nations productrices de pétrole au
monde.200 La place du pays, dans l'équilibre du
marché, s'en est trouvée renforcée. En effet, les
différents chocs pétroliers ont permis aux grands consommateurs
de voir les risques d'un marché trop dominé par les producteurs
du Golfe persique. Ces derniers ayant fait étalage de leur puissance
pendant les crises de 1973 et 1979, il fallait, pour les grands consommateurs
de pétrole, trouver un moyen d'amenuiser leur capacité de «
nuisance » et penser à trouver des marchés alternatifs.
C'est pour cette raison, qu'à partir de la fin des années 1990,
l'Afrique connaitra un redéploie-
198 -Idem.
199 - Cf. Etude de cas publiée le 20 janvier 2012 sur
www.eiti.org/files/2012/05-11case_stud...
200 - Op.cit
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
ment stratégique des grandes puissances, à la
recherche d'alliés de revers aux producteurs moyen-orientaux. Le
Nigéria, comme d'autres marchés pétroliers «
marginaux », se retrouve alors au centre des enjeux de puissance des
grands consommateurs. Ceux-ci tendent à se servir de lui comme une
vitrine de leur assise géostratégique dans le Golfe de
Guinée, région pétrolière la plus dynamique
d'Afrique. Le pétrole occupe alors une place importante dans les
relations internationales du pays (Paragraphe 1). Cette situation facilite son
encerclement stratégique (Paragraphe 2), et y favorise l'échec
des politiques de développement durable (Paragraphe 3).
PARAGRAPHE 1 : Les relations internationales du
Nigéria à l'heure du boom pétro-
lier.
A- Les relations du Nigéria avec les grands
consommateurs comme source de son extraversion étatique:
La période qui suit les indépendances en Afrique
est marquée par la volonté, des anciennes colonies, de faire
entendre leur voix sur la scène internationale. Le rassemblement des
pays non alignés constitue alors une tribune
privilégiée pour ces pays qui ne veulent pas se laisser emporter
par le vent de la confrontation entre l'Est et l'Ouest dès 1947. Cette
« voie alternative » qui a empiriquement vu le jour entre 1945 et
1955,201 apparaissait « comme la technique ou la recette la
plus appropriée pour assurer le maintien et la sauvegarde de
l'indépendance ».202 Il fallait, surtout pour les pays
Africains, se départir enfin de toute tutelle après de nombreuses
années de colonisation souvent brutale. Ces jeunes nations, qui
voulaient vivre politiquement mais aussi économiquement, vont commettre,
pour la majorité d'entre elles, l'erreur de bâtir leur
prospérité sur des survivances de la colonisation.
Les grandes puissances occidentales, dans un premier temps,
puis asiatiques, se sont servies du commerce des matières
premières avec l'Afrique pour y dérouler leurs projets
géostratégiques. Il s'en est suivi une nouvelle forme de
dépendance de ce continent envers des nations étrangères,
cette fois, sous le couvert de relations économiques et commerciales.
L'importance de la production pétrolière nigériane, a
constitué une raison du développement de ses relations
internationales avec de nombreuses puissances. Les Etats-Unis, la Chine, la
France, l'Angleterre, mais aussi les Pays-Bas et l'Italie font partie des
principaux partenaires du secteur pétrolier nigérian. La
rivalité entre certaines de ces puissances, à la fin de la
seconde guerre mondiale, va constituer pour le Nigéria, comme pour
d'autres pays pétroliers du Golfe de Guinée, un facteur de
conflit et d'exacerbation des tensions ethniques. La guerre du Biafra au
Nigéria, entre mai 1967 et janvier 1970, constitue ainsi un exemple de
l'embrigadement stratégique des pays pétroliers africains. Ce
conflit, qui a pu être motivé par la grande rivalité
politique entre Haoussa du nord, Yorouba de l'ouest et
201 - Voir les relations internationales : le tiers monde
dans la société internationale : la stratégie et l'avenir
du Non-alignement.
202 - Idem.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Ibo originaires de l'Est du pays,203
constitue une véritable guerre de sécession aux relents
pétroliers. Le Biafra, d'où étaient extraits
quotidiennement à l'époque 400 000 barils de
pétrole,204 représentait déjà un enjeu
pétrolier majeur pour les protagonistes nationaux et internationaux de
cette guerre, qui fit plusieurs milliers de morts.205
De même, la volonté des grands consommateurs de
profiter du pétrole nigérian, à moindre coût, va
entrainer une période d'incertitude politique marquée par de
nombreux coups d'état. Le pays connaitra alors une succession de
régimes militaires, qui continueront d'entretenir les relations
pétrolières avec les clients du brut nigérian. Au cours de
la période de gouvernement autocratique au Nigéria,
l'exploitation pétrolière au Nigéria va connaitre un
certain dynamisme. Le manque d'ouverture de la gestion pétrolière
sera alors favorable à l'encrage stratégique des puissances dans
le pays. C'est d'ailleurs la raison du renouveau diplomatique que connaissent
nombre de pays du continent au moment de la découverte de
réserves pétrolières exploitables sur leur territoire.
B- Boom pétrolier et renouveau diplomatique en
Afrique : l'exemple du Nigéria :
Le rôle du pétrole dans le dynamisme diplomatique
que connaissent de nombreux pays africains est indéniable. Son statut
d'énergie de la « puissance » fait qu'il a constitué,
pour certains d'entre eux, l'ultime étape vers la reconnaissance et la
considération internationales. Dans bien des cas, la simple
présence du pétrole dans le sous-sol ou les fonds marins d'un
pays le fait passer du statut de pays inconnu, déconsidéré
ou jugé infréquentable, à celui de nation amie des grandes
puissances.
L'importante production pétrolière du
Nigéria, lui a permis de devenir un partenaire important de nombreuses
grandes puissances. Les Etats-Unis, par exemple, entretiennent de bonnes
relations diplomatiques avec le pays. Cela est d'autant plus utile, que le
Nigéria est du nombre de ses cinq premiers fournisseurs. En 2004, les
Etats-Unis ont acheté au pays 1,1 million de barils par jour, soit plus
de la moitié de ses exportations.206Les relations
pétrolières ont progressivement quitté le terrain
commercial, pour s'élever à la diplomatie et à la
coopération militaire. Comme le dit Stephen Solar, l'Afrique
est « un continent aux vastes ressources minérales et
pétrolières [...] »207 et constitue, par
conséquent, un acteur indispensable au développement industriel
des Etats-Unis.
Les relations diplomatiques entre le Nigéria et
l'Angleterre sont fondées sur l'expérience coloniale. Le pays
fait partie du Commonwealth et participe ainsi à la promotion des
valeurs et de la culture anglaises. Toutefois, l'influence actuelle de
l'Angleterre dans le pays, ne peut réellement être comprise, sans
la prise en compte
203 - Voir « Biafra, guerre du. »
Microsoft®Encarta®2009 [DVD]. Microsoft corporation, 2008.
204 - Ibid.
205 - Entre 1 et 2 millions de morts selon les sources.
206 - Voir Philippe Sébille Lopez, « les
hydrocarbures au Nigéria et la redistribution de la rente
pétrolière », in Afrique contemporaine, n° 216, avril
2004, p.
207- cf. Stephen Solar, alors président de la
sous-commission sur l'Afrique de la chambre des représentants, in «
US in Africa » subcommittee on africa, committee on foreign affairs, house
of representatives, 96th congress,
op.cit P. 209.
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menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
du rôle de la multinationale Royal Dutch Shell.
La compagnie anglo-néerlandaise est le plus grand opérateur du
secteur pétrolier au Nigéria. Cette proximité commerciale
entre ancienne colonie et ex-puissance coloniale démontre que ce n'est
pas seulement la France qui a su garder de bonnes relations avec son ancien
« empire » d'Afrique.
La Chine, grande puissance économique, essaye, depuis
un certain nombre d'années, de se faire une place dans la région
de toutes les convoitises.208 La politique qu'elle mène, sous
le signe d'un partenariat Sud-Sud, lui permet de nouer des relations
commerciales avec plusieurs pays souvent en indélicatesse avec
l'Occident. D'abord implantée au Soudan, la Chine a su, en quelques
années, élargir son empire africain au Nigéria et à
d'autres marchés marginaux. Ce grand intérêt pour les
ressources naturelles de ses partenaires commerciaux fait dire à
Christian HARBULOT qu'« un des objectifs de la Chine, dans sa quête
de devenir une grande puissance, est de capter le maximum de ressources
énergétiques et de matières premières.
».209Celles-ci servent alors, non seulement, à assouvir
la soif de matières premières de l'industrie chinoise, mais aussi
à rendre plus empirique la volonté de puissance de l'empire du
milieu.
PARAGRAPHE 2 : Pétrole et encerclement
géostratégique du Nigéria.
A- Présentation du potentiel pétrolier
nigérian:
Le Nigéria est, depuis quelques années, le plus
grand producteur de pétrole d'Afrique. Sa production a connu un
dynamisme particulier, qui lui permet, au-jourd'hui, de figurer au rang des
plus grands producteurs au monde. Ses réserves sont estimées
à un peu plus de trente milliards de barils210 tandis que sa
production journalière au second trimestre 2012 est de 2,3 millions de
barils.211Selon certains observateurs, la capacité
théorique de production du pays est de 3,2 millions de barils par
jour.212 La production pétrolière est à la fois
on shore et offshore, et est restée assez constante au fil des
années. La majorité des gisements se trouvent dans les villes
pétrolières de la région du Delta du Niger (Port
Harcourt, Onitsha, Benin city, Bodo).
208 - Cf. Christian Harbulot, Cecile Lin, Michael Morer, Audrey
Saint-Sever, Caroline Sinno, Charles Tougard, « Les compagnies
pétrolières chinoises dans la stratégie de puissance de
Pékin », in Intelligence Economique, ESSEC BUSINESS
SCHOOL, 2008-2009.
209 - Voir Christian Harbulot, La main invisible des
puissances, les européens face à la guerre
économique, 2e édition actualisée et
argumentée, Ellipses,
210- Ian Garry et Terry Lynn Karl, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, catholic relief services,
Juin 2003, p.25.
211 -Cf. chiffres du Bureau National des statistiques du
Nigéria publiés le mercredi 14 septembre 2012, sur
www.afriquejet.com>infos>afriquedel'ouest>nigeria.
Consulté le 22 septembre 2012.
212 - Voir Judith Burdin Asuni, « Blood oil in the Niger
delta », in Special Report n°229, united state institute of
peace, Aout 2009.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 46
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Les potentialités pétrolières du
Nigéria sont importantes. Sa situation dans le Golfe de Guinée,
région pétrolière par excellence de l'Afrique, et
l'entrée dans son marché d'acteurs de plus en plus nombreux,
laisse augurer une augmentation de sa production, à moyen terme. De
même, le développement de la production offshore, va multiplier
les chances des compagnies pétrolières de mettre à jour de
nouveaux gisements, menacées qu'elles sont par le vandalisme et les
troubles politiques sur le continent. Elles pourront ainsi
bénéficier du fort potentiel pétrolier des eaux du Golfe
de Guinée.213 L'acquisition récente d'un important
bloc pétrolier par une société pétrolière
chinoise,214 constitue également un espoir d'augmentation de
la production, grâce aux importants moyens financiers que l'empire du
milieu investi dans ses marchés pétroliers. Le Nigéria
apparait ainsi comme un producteur de pétrole dynamique, aux
potentialités sous-explorées. Cette situation le met au centre
des convoitises des grands consommateurs, qui l'encerclent progressivement par
leurs différentes manoeuvres géostratégiques.
B- Offensive des grands consommateurs de
pétrole au Nigéria et prémices de son encerclement
géostratégique :
Les gros consommateurs de pétrole sont de plus en plus
présents au Nigéria. On y observe depuis lors diverses
stratégies qui aboutissent, à terme, à son «
encerclement géostratégique ». A la présence
traditionnelle des pays occidentaux, vient s'ajouter depuis quelques temps
celle de pays asiatiques et même sud américains.215 La
Chine, qui est le second consommateur mondial de pétrole derrière
les Etats-Unis, (7 millions de barils en 2006)216 mène depuis
quelques temps son combat pour la puissance ultime dans le Golfe de
Guinée en général, et au Nigéria en particulier.
L'Empire du Milieu, qui est resté longtemps confiné à
l'Asie et au Soudan pour son approvisionnement en pétrole, sait qu'il ne
pourra désormais se prévaloir du rang de super puissance qu'au
prix d'une expansion sur les grands axes géostratégiques
mondiaux. Malgré ses réserves pétrolières
estimées en janvier 2008 à 16 milliards de barils,217
la Chine développe une offensive pétrolière hautement
stratégique au Nigé-ria. Cet engagement pétrolier hors de
ses frontières est tout aussi justifié, que le pays en est un
exportateur net depuis les années 1990.218 Aujourd'hui, la
Chine importe 47% de sa consommation219 alors que 70% de la valeur
totale des ses importations en provenance d'Afrique sont constitués de
pétrole.220 La stratégie commerciale de la
deuxième puissance économique mondiale séduit grandement
les politiques nigérians, comme ceux de nombreux autres pays africains
d'ailleurs. En effet, la Chine se
213 - Cf. supra
214 -Cf. supra
215 -Le Brésil est aujourd'hui présent sur le
terrain pétrolier nigérian.
216 - Christian Harbulot, Cécile Lin, Michael Morer,
Audrey Saint -Server, Caroline Sinno, Charles Tougard, « Les compagnies
pétrolières chinoises dans la stratégie de puissance de
Pékin », in intelligence économique, ESSEC Business
School 2008-2009.
217 -Christian Harbulot, Cécile Lin, Michael Morer, Audrey
Saint -Server, Caroline Sinno, Charles Tougard, « Les
compagnies pétrolières chinoises dans la
stratégie de puissance de Pékin », in intelligence
économique, ESSEC Business School 2008-2009.
218 -Idem. 219-Ibid.
220 -Op.cit
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Yaoundé II-Soa. Page 47
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pose en alternative au partenariat commercial, jugé
inégal, entre l'Afrique et l'Occident, chez les gros producteurs de
pétrole comme chez les petits. Elle met en avant une relation dite
« gagnant-gagnant » entre pays du Sud unis par l'histoire ; et
n'hésite pas à mélanger affaires et
politique221 pour se construire une assise
géostratégique au Nigéria. Les représentants de la
stratégie pétrolière de la Chine, dans le pays, sont des
filiales de la China National Petroleum Company (SNPC), de la
China Petroleum and Chemical Corporation (SINOPEC) et de la China
National Offshore Oil Company (CNOOC), qui a acquis 45% du principal champ
pétrolier nigérian.222
A côté de la Chine, figurent les anciens clients
du Nigéria que sont les pays occidentaux. Les Etats-Unis
considèrent le pétrole africain comme une question de
sécurité intérieure.223 Ils souhaitent alors
l'utiliser comme alternative à l'Arabie Saoudite. Contrairement à
la Chine avec laquelle il se trouve en grande rivalité, le premier
consommateur de pétrole au monde (20 millions de barils en
2008)224 effectue une poussée stratégique dans la
région, consistant en un véritable encerclement militaire. C'est
d'ailleurs une méthode traditionnelle pour les Etats-Unis qui
n'hésitent pas à s'étendre militairement pour
protéger leurs marchés pétroliers (le cas Golfe Persique
l'illustre à souhait). Le projet des Etats-Unis de faire passer ses
importations de pétrole en provenance du continent de 15 à 25%
d'ici 2015,225 l'oblige à réfléchir à la
sécurisation de ses approvisionnements. La présence militaire des
Etats-Unis se vérifie alors, à la fois, par les nombreux
exercices militaires qu'ils mènent dans la région et par le
nombre de plus en plus important de ses militaires au
Nigéria.226
Les propos d'un haut responsable de la Navy selon
lesquels pour les Etats-Unis, la « [...] priorité c'est la lutte
contre le terrorisme parce que les terroristes peuvent quitter le Moyen-Orient
pour l'Afrique [...] »,227 nous permettent de comprendre que la
géostratégie pétrolière des Etats-Unis, qui vise le
contrôle des points névralgiques du globe, passe,
nécessairement, par le Golfe de Guinée, et donc, par le
Ni-géria. Il est alors évident que les Etats-Unis se servent du
Nigéria dans leur projet de sécurité
énergétique et de puissance par l'Afrique. Les multinationales
américaines (Exxon-mobil, Chevron-Texaco, Marathon oil, etc.)
constituent le bras séculier de la stratégie américaine au
Nigéria.
L'engagement stratégique de la France en Afrique est
ancien. Le continent est un bon exemple de la mise en pratique du projet
géopolitique et géostratégique de la France
élaboré par le général De Gaulle.228
Dans le Golfe de Guinée, de nombreux
221 - les visites du premier ministre Chinois dans des pays
pétroliers d'Afrique au Golfe de Guinée le démontrent
à suffisance.
222 - Ibid.
223 - Cf. Supra.
224 - Christian Harbulot, Cécile Lin, Michael Morer,
Audrey Saint -Server, Caroline Sinno, Charles Tougard, « Les compagnies
pétrolières chinoises dans la stratégie de puissance de
Pékin », in intelligence économique, ESSEC Business School
2008-2009.
225 -BP, Revue annuelle sur l'énergie citée dans
« Géopolitique de l'énergie », in Revue
française de géopolitique, n°2, Ellipses, Paris, 2004,
336p.
226-Cf. Alain Fogue Tedom, La
géostratégie, cours dispensé en maîtrise de
science politique à l'université de Yaoundé II soa,
p.36.
227 -Cf. dépêche AFP du 4 juin 2004, citée
par Richard Labévière, « Usa - Afrique : de la construction
de l'ennemi ? » sur le site
www.pressafrique.com.
228 -Idem. P.16
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 48
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pays ont constituées des terrains
d'expérimentation du projet géostratégique
français. Le Gabon, le Congo ou le Cameroun ont longtemps
été des Etats-clés du « pré carré
»229 français d'Afrique. Toutefois, l'ambition
géostratégique de la France, pour les pays du Golfe de
Guinée, ne se limite pas seulement à ses anciennes colonies. En
effet, depuis de nombreuses années, elle est présente dans le
marché pétrolier Nigérian grâce à ELF, puis,
par l'entremise de la multinationale TOTAL. Le pays utilise alors des moyens,
souvent insoupçonnés, pour pouvoir s'affirmer dans ce
marché stratégique, face aux géants
anglo-néerlandais et américains. Ainsi, certaines informations
rendent la compagnie pétrolière responsable de
l'éclatement de la guerre du Biafra.230 Elle est
soupçonnée d'avoir soutenu les sécessionnistes, pour ainsi
prendre le contrôle d'une importante partie de la production
pétrolière nigériane.
Le Nigéria est un marché pétrolier qui
« compte ». Les réserves prouvées ou probables, par
leur qualité (pauvreté en soufre et donc facile à
raffiner) et leur situation (offshore et à proximité des
côtes américaines), sont des motifs de convoitise pour les grands
consommateurs de pétrole. De même, l'immaturité
stratégique et la dépendance du pays aux revenus issus du
pétrole, en fait un champ d'expérimentation des stratégies
de puissance des grands consommateurs. Les Etats-Unis, qui pendant plusieurs
années dédaignaient toute expansion sur le continent, sont
aujourd'hui obligés, pour des raisons de « sécurité
nationale », de s'engager dans l'univers pétrolier
nigérian.231 La Chine, leur principal adversaire
stratégique, est bien décidée, elle aussi, à jouer
sa quête de la puissance ultime au Nigé-ria, même s'il faut
pour cela entrer en rivalité avec les puissances occidentales, plus
anciennes dans le pays. Elle sait que son statut de grande puissance
dépend de sa capacité à se projeter hors de sa zone
d'influence traditionnelle située en Asie centrale et du sud-est. La
France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas (avec la multinationale Shell),
ou l'Italie, dont la présence au Nigéria est ancienne, essayent
de s'y maintenir face aux deux « géants ». La grande
rivalité qui résulte alors de ce choc des stratégies
pétrolières y rend inapplicables les politiques de
développement durable.
PARAGRAPHE 3 : Stratégies
pétrolières et échec des politiques de
développement
durable.
A- Relation entre développement durable et industrie
pétrolière :
Le concept de développement durable occupe une place
importante dans les réflexions sur l'avenir de notre planète.
Défini comme « un développement qui répond aux
besoins des générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre
aux leurs »,232 il préconise la prise en compte, dans le
processus de développement, des aspects environnementaux et sociaux
d'une pla-
229 - l'expression était utilisée par le
président français François Mitterrand pour
désigner les anciennes colonies françaises d'Afrique. Cf.
Réflexions sur la politique extérieure de la France.
Introduction à 25 discours (1981-1985), Paris, Fayard, 1986, p.14,
in Philippe Marchessin, « Mitterrand l'Africain », politique
Africaine n°58, Paris, Karthala, juin 1995, p.10.
230 - Voir François Xavier Veshave,
Françafrique, le plus long scandale de la république,
Stock, 1998.
231 -Op.cit.
232- Cf. commission mondiale sur l'environnement et le
développement, Rapport Bundland, 1987.
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Yaoundé II-Soa. Page 49
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
nète globalisée.233Cette conception
écologique de l'économie suggère le remplacement
progressif des énergies fossiles, non renouvelables, par des
énergies plus propres et renouvelables comme le solaire, l'hydraulique,
l'éolien, la biomasse, etc. Le développement durable, qui a
émergé en réaction à la croissance
effrénée des « trente glorieuses »,234 se
pose en alternative au modèle de développement industriel qui
n'est pas soutenable sur le long terme. Face aux changements climatiques que
connait le monde aujourd'hui il apparait nécessaire, pour les tenants de
cette thèse, de revoir la conception actuelle du développement et
de faire la part belle à des moyens plus respectueux de l'environnement.
La raréfaction des ressources naturelles avec l'atteinte prochaine du
pic pétrolier, les écarts de développement entre pays du
Sud peu industrialisés et pauvres et pays du Nord
développés et très industrialisés, les questions de
sécurité alimentaire ou de déforestation, la croissance de
la population mondiale, les problèmes causés par les catastrophes
naturelles et industrielles, constituent, selon les écologistes, autant
de raisons de s'approprier ce concept «novateur ».
Le développement durable est difficilement associable
à l'exploitation pétrolière. En effet, le pétrole
est une énergie non renouvelable qui tend à se raréfier.
Il ne peut, par conséquent, être considéré comme une
énergie du futur. La pollution dont est responsable son exploitation
dans l'automobile et les industries, les différentes catastrophes
écologiques que provoque son déversement accidentel ou non dans
la biosphère ou les disparités de développement dont il
est la cause sont également des facteurs qui le rendent incompatible
avec les exigences écologiques et sociales du développement
durable. Si le pétrole crée des richesses et assure une certaine
croissance économique, on ne peut bâtir sur lui un modèle
de développement qui soit pérenne. Le Congo, l'Angola ou le
Nigéria constituent alors des preuves du caractère «
illusoire » d'un développement par le pétrole.
Au-delà des raisons sus-évoquées, le
caractère stratégique du pétrole justifie son apparente
incompatibilité avec les politiques de développement durable. En
effet, son exploitation convoque des enjeux qui ne sont pas seulement
économiques, mais surtout politiques et stratégiques. Il est
difficile de penser à la préservation de l'environnement quand
l'exploitation du pétrole en appelle justement à sa relative
destruction. Les grands consommateurs de pétrole qui s'affrontent dans
le Golfe de Guinée, se soucient très peu de la transition
énergétique. Hors mis quelques actions sporadiques dans le
secteur des énergies propres, les majors présentes dans le Golfe
de Guinée s'engagent en priorité dans la recherche de nouveaux
gisements. L'attention accordée à des pays comme la Guinée
Equatoriale, le Ghana, la Côte d'ivoire ou Sao Tome et Principe, prouve
que le pétrole sera encore pour longtemps au coeur des stratégies
de puissance dans le Golfe de Guinée. De même, les
différentes atteintes à l'environnement comme les catastrophes
écologiques235témoignent de la relative incurie avec
laquelle les compagnies pétrolières gèrent leurs
activités
233 - Cf.
fr.wikipedia.org/wiki/développement
durable
234 - Idem.
235 -Les catastrophes de Bodo au Nigéria en sont un
exemple patent. Cf. Amnesty international, CEHRD, la vraie tragédie.
Retards et incapacité à stopper les fuites de pétrole dans
le Delta du Niger, Amnesty international, novembre 2004, 54 p.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
dans la région. Il est donc logique de penser à
un certain échec de ce concept face au boom pétrolier que connait
actuellement le Golfe de Guinée.
B- Le développement durable face au dynamisme
de l'industrie pétrolière au Ni-géria :
L'échec des politiques de développement durable
dans les pays pétroliers du Golfe de Guinée, plus
particulièrement au Nigéria, est tributaire de la bataille
énergétique qui s'y déroule. La volonté de
prédation des acteurs de la filière constitue un blocage majeur
pour les initiatives écologiques. La non-adhésion au protocole de
Kyoto de grands consommateurs de pétrole présents dans la
région (Etats-Unis et Chine) en dit long sur leurs intentions en
matière de développement durable. L'industrie
pétrolière semble incompatible, en Afrique plus qu'ailleurs, avec
toute considération écologique ou sociale. Le pétrole,
matière première stratégique par excellence, est au coeur
des politiques de puissance des grands consommateurs. Ceux-ci ne peuvent alors
aller à l'encontre de leurs propres intérêts en adoptant
des politiques visant à réduire les activités
d'exploration et de production. L'échec des récents sommets
mondiaux sur l'environnement (Copenhague, Rio+20, Doha) traduit la
volonté pour les puissances de prolonger l'ère
pétrolière.
Le Nigéria est un parent pauvre des énergies
renouvelables. La pauvreté combinée au faible
intérêt pour l'Etat fédéral de promouvoir ces
énergies propres (surtout dans le secteur des transports) ne permet pas
une certaine percée du développement durable. Les seules
initiatives recensées dans ce sens sont le fait d'organisations non
gouvernementales, qui se cantonnent généralement aux zones
rurales et concernent le domaine de la consommation domestique
d'énergie. Les autorités politiques, otages à la fois des
grands consommateurs et de leurs politiques et choix économiques,
continuent d'encourager l'exploitation du pétrole au détriment de
l'environnement et des générations futures. Le pétrole
constitue une véritable source de pouvoir politique et
économique, pour les responsables politiques, qu'il est difficile
d'abandonner. Dans ces conditions, songer à des énergies de
substitution ou à la rationalisation de l'exploitation
pétrolière relève de la gageure.
L'industrie pétrolière constitue alors, au
Nigéria, un réel obstacle aux politiques de développement
durable. Les stratégies de puissances des grands producteurs et le
manque de diversification de l'économie nigériane ne sont pas
favorables à un dynamisme énergétique. La promotion du
développement durable dans le pays passe alors nécessairement par
une émancipation à la fois énergétique, politique,
économique et géostratégique.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
CONCLUSION DU CHAPITRE:
Le pétrole constitue un véritable enjeu de
puissance dans le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le
caractère stratégique de cette ressource, au cours de ce conflit,
n'a cessé de s'affirmer tout au long de l'histoire récente des
relations internationales. Les différents chocs pétroliers, les
troubles au Moyen-Orient et les attentats du 11 septembre 2001, ont
provoqué un redéploiement stratégique des grands
consommateurs vers des marchés que l'on jugeait marginaux. Le Golfe de
Guinée, qui abrite le plus grand producteur de pétrole d'Afrique,
s'est alors vu subitement monter dans l'estime des grandes puissances qui,
à la fin de la guerre froide avaient pourtant sonné le glas de
son intérêt stratégique. Aujourd'hui, il est au centre de
nombreuses convoitises, mieux, de projets géostratégiques sur
fond de relations pétrolières. La bataille entre les grands
consommateurs voit dans la situation du Ni-géria, une de ses
illustrations les plus complètes. L'impact de ce combat pour la
puissance par le pétrole, constitue une cause majeure du « paradoxe
de l'abondance », dont souffre le pays. C'est un état d'impuissance
qui plonge le Nigéria dans une situation de perpétuelle
insécurité, malgré ses énormes potentialités
pétrolières. Il est certes un important producteur de
pétrole, un géant pétrolier d'Afrique, il reste tout de
même un pays fragile que l'encerclement stratégique a
transformé en espace-enjeu pour les grands consommateurs.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
PETROLE ET INSECURITE AU NIGERIA OU LES PREUVES D'UNE
PETRO STRATEGIE DANS LE GOLFE DE GUINEE.
CHAPITRE II :
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
On pourrait définir la pétro
stratégie236 comme une stratégie ayant pour enjeu
central le contrôle des ressources pétrolières. Au
Nigéria, l'importance de la production et des réserves
prouvées, ainsi que le caractère incontournable du pétrole
dans l'économie et les relations internationales rend cette
matière première encore plus stratégique. Cet attribut du
pétrole a des conséquences sécuritaires importantes pour
le pays, à cause de la relative vulnérabilité de celui-ci.
En effet, la violence, mais aussi de nombreux fléaux
socioéconomiques essaiment la société nigériane,
depuis la découverte du pétrole. Les conséquences sur la
stabilité politique, économique et sociale sont importantes, si
bien qu'on pourrait aboutir à terme à une
insécurité endémique, mieux, à un effet domino
dans le Golfe de Guinée. Les frontières relativement
poreuses entre les pays de la région237et les interactions
inévitables entre eux constituent des facteurs favorables à des
réactions à la chaine. La pétro stratégie
à l'oeuvre au Nigéria n'a pas de conséquences
positives. Elle expose le pays à des intérêts
extérieurs en contradiction avec ceux des populations. Cette vision
stratégique de la principale source de devises du le
pays238est le fait, à la fois, d'acteurs intérieurs et
extérieurs. Il n'est donc pas possible de parler d'un « complot
» uniquement ourdi de l'extérieur. Si les acteurs de la
stratégie du pétrole au Nigéria ne possèdent pas de
moyens identiques pour leurs ambitions, ils partagent néanmoins la
volonté d'écarter les populations des bénéfices de
l'industrie pétrolière. Les manoeuvres des divers acteurs du
circuit pétrolier sont alors autant de stratégies de puissance
aux conséquences néfastes pour les populations (Section I).
L'Etat fédéral, par sa gestion inadéquate des questions
sociales liées à l'exploitation pétrolière,
apparait aussi comme un facteur majeur d'insécurité, notamment
dans le delta du Niger (Section II), laquelle tend à s'élargir en
se diversifiant, à l'ensemble du pays (Section III).
SECTION I : LES STRATEGIES DE
PUISSANCE PAR LE PETROLE AU NIGERIA COMME SOURCES D'INSECURITE.
Le pétrole est un enjeu majeur de pouvoir et de
puissance au Nigéria. Le statut de premier producteur africain de
pétrole fait de ce pays un axe important dans la géopolitique des
hydrocarbures sur le plan mondial. Il est en effet un marché prometteur,
mais surtout une étape nécessaire à l'encrage
stratégique des grandes puissances dans le Golfe de guinée. La
convoitise dont le pays est l'objet l'expose à des manoeuvres
potentiellement dangereuses, qui mettent en péril sa stabilité
politique, économique, sociale et même écologique ; et
celle de l'ensemble de la sous-région. La vulnérabilité
stratégique du Nigéria et les menaces que font peser sur lui les
stratégies de puissance des différents acteurs du pétrole
expliquent, en partie, l'insécurité qui y règne. Le
pétrole est alors une cause potentielle d'envenimement de
236 - L'expression est de Wullson MVOMO ELA.
237 -Il est important de considérer ici, que comme
ailleurs en Afrique, les limites tracées entre les pays ne respectent
pas l'organisation sociologique originelle. De nombreux groupes ethniques se
retrouvent de par et d'autres des frontières, encourageant ainsi les
interactions entre les pays. Il est alors possible d'observer à
l'échelle sous régionale, des phénomènes sociaux
comme le fanatisme religieux, le trafic illicite de marcha n-dises et
d'êtres humains, la circulation d'armes à feu, etc.
238 -Op.cit.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 54
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
sa situation sociale déjà instable. Les
stratégies de puissance par le pétrole sont des facteurs majeurs
d'insécurité qu'elles soient le fait des multinationales du
pétrole (Paragraphe I), des autorités politiques
fédérales et locales (Paragraphe 2) ou même de populations
du delta du Niger (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Les firmes multinationales du
pétrole : des relais locaux des grands consommateurs de pétrole
aux méthodes potentiellement dangereuses.
A- Stature des sociétés transnationales
pétrolières au Nigéria :
Le dynamisme de la production pétrolière
nigériane est dû, en partie, à la présence dans son
secteur pétrolier de nombreux partenaires internationaux. Les
multinationales pétrolières en sont les principaux du fait de
leur présence dans toutes les phases de l'industrie. Dans la plupart des
joint-ventures qui lient l'Etat fédéral à des compagnies
pétrolières étrangères, celles-ci sont les
opérateurs sur le terrain.239Elles ont donc pour principales
missions d'extraire le pétrole du sous-sol ou des fonds marins, et d'en
assurer la commercialisation, à leur propre compte ou à celui de
l'Etat.
Les compagnies pétrolières présentes au
Nigéria sont en grande partie des majors occidentales (Royal dutch
Shell, Exxon-Mobil, Total, Eni, Chevron-Texaco, etc.), des multinationales
asiatiques (CNOOC) ou des indépendantes. L'ouverture de son
marché favorise la venue de compagnies pétrolières de plus
en plus nombreuses, ayant pour objectif de se positionner durablement dans une
des régions pétrolières les plus prometteuses au monde. Si
la plupart sont en mesure d'effectuer des activités sur le continent, ce
sont les multinationales les plus anciennes et surtout les plus puissantes qui
occupent le segment de l'offshore. Cette exclusivité est due à la
grande technicité des méthodes d'extraction et aux importants
moyens financiers que nécessite le travail dans les profondeurs
océaniques.
Les sociétés transnationales
pétrolières sont les acteurs de l'industrie qui donnent au
pétrole sa valeur stratégique. En effet, même si les
réserves prouvées jouent un rôle important dans le statut
des grands producteurs, leur caractère incertain240 les place
au second rang derrière la production réelle des pays. Les
compagnies pétrolières mettent le pétrole à la
disposition des marchés et lui font jouer pleinement son rôle
d'énergie de la puissance. Elles s'assurent, par le même fait,
d'importantes marges bénéficiaires241qui contrastent
avec la misère dans laquelle vivent la plupart des populations des zones
de production. En cela, elles ont une part de responsabi-
239 -Op.cit.
240 - les réserves prouvées d'un pays ne
garantissent pas la possibilité de leur exploitation. Des
évènements politiques, économiques ou sociaux internes au
pays peuvent venir stopper des projets pétroliers majeurs. De
même, les compagnies pétrolières peuvent également
manipuler le chiffre de leurs réserves pétrolières pour
faire hausser le cours de leur action en bourse.
241 -cf. Michel Kounou, Pétrole et pauvreté
au sud du Sahara, analyse des fondements de l'économie politique du
pétrole dans le Golfe de Guinée, éditions Clé
Yaoundé, 2006, p.83.
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Yaoundé II-Soa. Page 55
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
lité dans la radicalisation des populations du delta du
Niger. En outre, elles constituent des facteurs d'insécurité, en
particulier pour les nigérians habitants à proximité des
champs pétroliers.
B- Structure de l'insécurité
pétrolière portée par les compagnies
pétrolières inter-
nationales :
La responsabilité des multinationales
pétrolières dans l'insécurité multiforme qui
prévaut dans les régions pétrolières est
incontestable. Les habitants de la région se plaignent, en
général, de l'impact de l'industrie pétrolière sur
leur environnement et du faible résultat social de la rente. La
multinationale Shell, dont les bénéfices annuels
s'élèvent à des milliards de dollars,242 n'a
par exemple pas pu, en plus d'un demi-siècle d'activité
pétrolière, réaliser une amélioration significative
des conditions de vie de nombreux nigérians. Comme ses consoeurs, elle a
donc une grande responsabilité dans la misère au Nigéria
et dans les conflits sociaux que cette situation provoque. Le faible impact
social de l'activité des compagnies pétrolières est
propice au développement dans le pays de facteurs
déstabilisants.
Pour s'assurer le soutien politique nécessaire à
leurs activités, les compagnies pétrolières
n'hésitent pas à se compromettre dans le financement d'actions
mili-taires243ou l'instrumentalisation des autorités
politiques. Elles réduisent ainsi les chances des populations, dans la
participation à la gestion des revenus tirés des richesses de
leur sol. L'influence politique des compagnies pétrolières
étrangères et leur collusion, réelle ou supposée,
avec les autorités étatiques a provoqué, au sein des
populations, un sentiment de révulsion et de défiance à
leur endroit. Un câble de Wikileaks, en date du 20 octobre 2009,
fait état de télégrammes de diplomates américains
rapportant les propos d'un représentant de Shell affirmant que la
compagnie a, au Nigéria, « des gens dans tous les ministères
intéressants » et qu'elle sait ainsi tout ce qui s'y
passe.244 L'incurie avec laquelle les multinationales
réalisent leurs activités, fait planer sur l'industrie
pétrolière l'ombre d'une « entente secrète »
entre elles et l'élite politique et administrative, visant à
exploiter le pétrole au détriment des populations.
L'activité des multinationales au Nigéria est une source
d'insécurité majeure et multiforme. Si l'influence politique des
majors est avérée, l'impact économique et environnemental
de leurs activités mérite d'être souligné.
L'activité des multinationales est une cause directe ou
indirecte d'insécurité économique. En effet, les revenus
tirés de l'exploitation du pétrole, lorsqu'ils inondent
l'économie, provoquent une hausse du taux de change de la devise
nationale et, par ricochet, la perte de compétitivité des autres
secteurs de l'activité économique. On parle alors de «
syndrome hollandais ». De même, la manipulation, par les compagnies
pétrolières, des chiffres des réserves
prouvées245ou même des quantités de
242 -
243 - Le cas de la société ELF dans la guerre du
Biafra est une illustration à cet effet (cf. supra).
244 -Amnesty international, CEHRD, La vraie «
tragédie ».Rretards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international,
nov.2011, p.28.
245 -la compagnie Shell aurait ainsi triché sur ses
réserves mondiales prouvées en 2004. Cf. Eric Laurent, La
face cachée du pétrole, Plon 2006, p.277.
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Yaoundé II-Soa. Page 56
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pétrole extraites vient fausser les prévisions
économiques du pays, et réduire sa capacité à faire
face à des troubles éventuels sur le marché du brut. Il
peut alors faire face à des problèmes de trésorerie
susceptibles de provoquer une fronde sociale.
L'action des multinationales du pétrole a des
conséquences économiques et sociales indéniables sur la
vie des populations des zones d'exploitation. Le chômage, la
pauvreté, ou l'augmentation du coût de la vie sont quelques unes
d'entre elles.246 Sur le plan environnemental, les
conséquences de l'activité des multinationales sur la
sécurité des populations sont encore plus importantes. En effet,
celles-ci opèrent dans une telle incurie qu'Amnesty international,
affirme dans un de ses rapports, qu'elles peuvent facilement passer outre
des recommandations étatiques en matière de lutte contre la
pollution.247 Généralement, les compagnies
pétrolières préfèrent payer des amendes,
relativement faibles, pour non-conformité à des normes
environnementales, présentes ou non dans les contrats, plutôt que
financer des dispositifs de surveillance et de contrôle de la
pollution.248 Les catastrophes écologiques de Bodo
entre aout 2008 et février 2009 sont des illustrations de
l'insécurité environnementale à laquelle sont
exposés, depuis plusieurs années, les populations
nigérianes. Les conséquences sur l'environnement (destruction de
la flore aquatique, pollution des nappes d'eau souterraines et de l'air,
réduction de la fertilité des sols, etc.)249
provoquées par la négligence de Sheï50et
l'incapacité des pouvoirs publics à réguler le secteur
sont venues aggraver la misère des populations du Delta du Niger. Selon
la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples « En
pays Ogo-ni,251 une pollution et une dégradation
environnementale d'une ampleur humaine inacceptable ont transformé la
vie en cauchemar ».252 D'autres multinationales comme Mobil
ont également été auteures de nombreuses catastrophes
écologiques. En 1998 par exemple, la rupture de deux oléoducs
reliant 14 plates-formes offshores et transportant du pétrole et du gaz
en direction du terminal pétrolier de QUA IBOE a
provoqué un déversement dans l'océan atlantique qui aurait
atteint les eaux territoriales du Cameroun et de la Guinée Equatoriale.
Au total, 40 000 barils de pétrole se seraient ainsi retrouvés
dans l'eau. Ces catastrophes écologiques, qui sont, pour la
246 - Amnesty international, CEHRD, La vraie «
tragédie ».Retards et incapacité à stopper les fuites
de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov.201, 54
p.
247 -Idem, p.9.
248 - Voir Jenik Radon, « Notions de base sur les
contrats pétroliers : contrats de concession, joint-venture et contrats
de partage de production. », in Le pétrole. Guide de
l'énergie et du développement à l'intention des
journalistes. Lever la malédiction des ressources naturelles.2,
Open society institute, New York, 2005, pp.71-92
249 -Ibid.
250 - Il est curieux que 40 % des déversements de
pétrole qui sont le fait dans le monde de la compagnie
pétro-lière se soient produits au Nigéria ! Shell, qui
pourtant reconnait qu'à plus de 15 ans les conduits doivent être
remplacés, se permet de fonctionner avec un circuit de pipelines au
Nigéria dont la moitié a dépassé cette limite
d'âge. C'est dire le peu d'intérêt qu'a la compagnie pour la
sécurité des populations dans le pays.
251 - Tribu originaire des régions
pétrolières.
252 - Amnesty international, CEHRD, La vraie «
tragédie ».Retards et incapacité à stopper les fuites
de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov.201,
P.19.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
plupart, causées par la vétusté des
installations pétrolières,253 auraient
occasionné depuis le début de l'exploitation
pétrolière près de 4000 déversements de
pétrole.254
L'action néfaste des multinationales du pétrole
est un secret de polichinelle. L'impact économique, social, politique ou
écologique de leurs activités en fait des responsables de
l'insécurité pétrolière au Nigéria. Les
raisons profondes de cette situation sont la grande liberté dont elles
jouissent de la part des autorités fédérales, et leur
avidité au gain. Ces multinationales, qui font d'importants profits au
Nigéria, bénéficient d'un soutien sans faille des grands
consommateurs de pétrole dont elles ne sont en réalité que
des instruments géostratégiques. En effet, un
télégramme de Wikileaks, datant du 2 février
2009, fait état des liens étroits entre Shell et les
autorités politiques du Royaume Uni et des Pays-Bas.255 Les
populations sont les victimes innocentes d'une lutte pour la puissance qu'elles
ne maîtrisent pas et dont les conséquences sur le plan de leur
sécurité se font ressentir de jour en jour. Les autorités
politiques nigérianes constituent un autre facteur potentiel
d'insécurité.
Paragraphe 2 : Puissance économique et
clientélisme politique ou les ferments de l'insécurité
pétrolière au Nigéria.
A- Captation de la rente et dépendance
stratégique du Nigéria :
Les autorités publiques sont des acteurs non
négligeables du secteur pétrolier nigérian. Elles
participent à l'industrie en tant qu'intervenants directs (gestion des
activités de production, de transport et de stockage des produits
pétroliers, vente du pétrole, etc.) ou comme administrateurs de
la rente. D'autres missions telles que le contrôle des activités
pétrolières ou de la régularité de la
comptabilité liée au pétrole et la gestion des contrats
sont dévolues à des organismes étatiques
spécialisés.256La place importante qu'ils occupent
dans la filière pétrolière alourdit leur
responsabilité dans les mauvais résultats sociaux et, même,
économiques du pétrole. Certains des comportements et choix
politiques des acteurs nationaux de la filière se sont en effet
révélés porteurs d'insécurité pour le
Nigéria.
La volonté de prédation de la rente
pétrolière est un comportement répandu parmi les acteurs
de la filière. En effet, le pétrole a toujours été
un moyen d'enrichissement rapide pour les politiciens nigérians. Une des
motivations de l'arrivée des militaires au pouvoir était le
contrôle de l'industrie pétrolière, véritable enjeu
de puissance, mais aussi leur enrichissement personnel. Le régime du
général
253 -Cf. Cédric Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard,
Pierre Zelenko, Géopolitique du pétrole, éditions
TECHNIP, 2005, 259 p. mais aussi Amnesty international, CEHRD, La vraie
« tragédie ».Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international,
nov.201, 54 p.
254 -Op.cit.
255 - Amnesty international, CEHRD, La vraie «
tragédie ».Retards et incapacité à stopper les fuites
de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty international, nov.201,
p.28.
256 -Op.cit
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Sani ABACHA est une illustration de cette captation
par les militaires de l'argent du
pétrole.257 Sous les régimes civils,
la situation n'a pas vraiment changée. Les hommes politiques
ont continué de se servir de la rente à des fins personnelles. Le
docteur Peter ODILI par exemple, gouverneur de l'Etat
pétrolier de Rivers à partir de 1999,
possédait 500 taxis.258 De nombreuses personnes
estiment que l'impunité dont il a
bénéficié était due à des
complicités qu'il avait à l'échelon fédéral.
La gestion souvent décriée de quelques hauts
responsables de la compagnie pétrolière nationale démontre
aussi la grande volonté pour les hommes publics nigérians de
s'enrichir grâce au pétrole.259 Les
détournements de fonds ont ainsi été érigés
en règle de gestion dans l'administration de la rente.
Une bonne partie des revenus reversés aux gouvernements locaux
est détournée.260Les gouverneurs, qui militent
pourtant pour une plus juste répartition des revenus pétroliers,
sont souvent les premiers à s'enrichir aux
dépens de leurs administrés.261Cette attitude
prédatrice constitue une des causes du militantisme dans le Delta du
Niger.262 Elle est un ferment de
l'instabilité sociale au Nigéria par le
sentiment d'injustice qu'elle provoque au sein de la
population.
La politique pétrolière des dirigeants
nigérians est également une cause
d'insécurité pour le pays. En effet, le manque
de volonté visant à mettre fin au « tout pétrole
» rend le pays vulnérable à la fois économiquement et
stratégiquement. Sur le plan économique, la
dépendance du Nigéria à la rente
pétrolière l'expose aux fluctuations du prix du baril,
faute de mécanismes internes d'ajustement des prix ou
de compensation des déficits (fonds de réserve ou de
stabilisation entre autres). Lorsque les prix du baril connaissent une
augmentation considérable, le pays connait un certain dynamisme
économique et financier, qui s'estompe à la
moindre chute des cours. Le pays connait alors une crise comme ce fut le cas au
début des années 1970.263L'importance
de la rente pétrolière au Nigéria fait craindre les
conséquences d'une éventuelle perte de valeur du
pétrole. Facteur à la fois de stabilité
politique, économique et sociale, il ne pourra plus assurer cette
fonction.
B- Pétrole et clientélisme politique au
Nigéria :
L'argent du pétrole est souvent
utilisé, par les autorités politiques, dans des stratégies
destinées à leur assurer une importante clientèle
politique. En effet, « [...] le développement d'une
économie de la corruption et la multiplication des Etats et des
gouvernements locaux ont permis à l'Etat fédéral d'asseoir
et de développer un réseau complexe de clientèles
politiques. ».264De nombreux hommes politiques
257 -Op.cit
258 - Cf. Ukoha Ukiwo, « Le delta du Niger face à
la démocratie virtuelle du Nigéria », in Politique
Africaine n°106, « le Nigéria sous Obasanjo. Violence et
démocratie, Karthala, juin 2007, PP.128-147.
259- Voir Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole. », in U4 brief n°23, septembre 2009.
Consul-table sur le site
www.u4.no
260 -Op.cit.
261-Politique Africaine n°106, « le
Nigéria sous Obasanjo. Violence et démocratie, Karthala,
juin 2007, P.26
262
-Cf. la brève du Golfe
de Guinée, n°002, oct. Nov. Déc. 2010.
263
- cf. « Nigéria » Microsoft® Encarta®
2009. [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
264 - cf. Politique Africaine n°106, « le
Nigéria sous Obasanjo. Violence et démocratie, Karthala,
juin 2007, P.25
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
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Nigéria.
s'assurent, pendant les élections, les suffrages des
électeurs par l'achat de voix ou la corruption des autorités
locales. L'argent apparait comme un moyen de s'assurer le soutien populaire,
mais aussi de se créer une caste d'obligés. Les fonctionnaires du
pétrole nommés par le chef de l'Etat et gracieusement
rémunérés lui sont redevables et, quelquefois, travaillent
pour lui, plutôt que pour le peuple. L'arrivée de
personnalités originaires du delta du Niger à des postes de
responsabilité au niveau fédéral, relève souvent de
manoeuvres politiciennes.265L'usage de l'argent du pétrole
à des fins politiques est une cause majeure d'insécurité.
En effet, par ce procédé, les responsables politiques
détournent les revenus pétroliers de leur fonction
première, et réduisent ainsi leur impact social. Les populations
vivant dans une pauvreté inacceptable sont alors promptes à la
révolte.
Le pétrole est un véritable enjeu de puissance
pour les hommes politiques nigérians. Il leur permet de s'enrichir et de
se constituer une caste de thuriféraires. La collusion qui existe entre
les responsables politiques et les multinationales du pétrole a pour
clé de voûte le partage des recettes pétrolières, au
détriment des populations. L'Etat, qui veut rester maître du
circuit pétrolier, est doublé par ses alliés mieux
avisés et surtout stratégiquement et financièrement
supérieurs. En effet, les majors profitent de l'incapacité de
l'Etat nigérian à assurer nombre des ses missions dans
l'industrie pétrolière266pour en prendre
progressivement le contrôle et réaliser des
bénéfices considérables.
L'individualisme et l'immaturité
géostratégique dont font preuve les hommes politiques
nigérians, dans la gestion de la filière
pétrolière, constituent une source potentielle
d'insécurité. L'incapacité de l'industrie
pétrolière à lutter contre la pauvreté de nombre de
nigérians fait planer sur le pays l'éminence d'une crise sociale
généralisée. La volonté de l'Etat de supprimer ou
de réduire les subventions aux prix du pétrole (encouragé
en cela par les institutions financières internationales et les agences
de notation267), a ouvert une brèche supplémentaire
dans l'équilibre de la société nigériane. La
dépendance aux revenus pétroliers, quant à elle,
réduit considérablement l'indépendance stratégique
du pays. Les grands consommateurs peuvent ainsi se servir de leurs compagnies
pétrolières pour réaliser leurs projets
géostratégiques dans le pays. Le manque de résultats
sociaux de la gestion du secteur pétrolier, à la fois par les
autorités fédérales et les multinationales, constitue
alors les ferments du militantisme dans le delta du Niger.
Paragraphe 3 : L'exploitation
pétrolière au Nigéria à l'épreuve de la
contestation populaire et des revendications autonomistes.
A- La misère comme origine des revendications
populaires au Nigéria :
265 -Idem.
266 -Op.cit.
267 - Voir Jeune Afrique n°2662, du 15 au 21
janvier 2012.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
L'industrie pétrolière nigériane peut
revendiquer un certain dynamisme qui ne s'est pas, véritablement,
démenti au cours des années. Grâce à sa
vitalité, le pétrole est progressivement devenu un des plus
grands enjeux de gouvernement du pays. Si le Nigéria ne saurait
être assimilé aux monarchies pétrolières du Golfe
Persique, la grande place qu'occupent les revenus du pétrole dans ses
finances publiques en fait une démocratie du « tout pétrole
». Cependant, la gestion du secteur pétrolier n'y a jamais
été un long fleuve tranquille. Elle a toujours eu maille à
partir avec les revendications populaires et militantes qui, depuis le
début des années 1960, n'ont jamais vraiment baissées en
intensité.
La contestation populaire dans le delta du Niger a pour
principale cause le faible impact social et économique du
pétrole. En effet, la principale région pétrolière
du pays est l'une des plus pauvres. Les populations y vivent sans accès
adéquat à l'eau potable et aux soins
médicaux.268Selon le PNUD, la région souffrirait
« de la négligence administrative, d'infrastructures et de services
sociaux entrain de s'effondrer, d'un fort taux de chômage, de la
misère sociale, d'une pauvreté abjecte, d'une crasse repoussante
[...] ».269 Cette description de la misère dans le Delta
du Niger justifie le sentiment d'injustice qu'ont ses habitants. Selon Oronto
Douglas, éminent avocat des droits de l'homme nigérian et membre
de l'équipe de défense du leader et écrivain Ogoni Ken
Saro Wiwa, « les administrations locales sont supposées prendre
soin des communautés mais ce n'est pas ce qui se produit.
»270 Face à l'échec des politiques de
développement prônées par certains acteurs de l'industrie
pétrolière, les populations n'hésitent pas à
descendre dans la rue pour protester. Ainsi, le 4 février 2005 des
habitants originaires d'Ugborogo, une communauté
Itsékiri installée au niveau du terminal
pétrolier de Chevron à Escravos sur la côte ouest,
ont manifesté pour décrier le faible impact de l'industrie
pétrolière sur l'emploi des jeunes et le développement de
la localité.271La réaction violente des
autorités politiques 272a abouti à une radicalisation du
militantisme dans le Delta du Niger, qui ressemble de plus en plus à une
rébellion aux autorités fédérales.
B- Les visages du militantisme dans le delta du Niger :
Le militantisme dans le delta du Niger a revêtu de
nombreux visages. Du Niger volunteer force d'Isaac Jasper BORO (qui
organisa «la révolution des douze jours» en 1966) au MEND
d'Henry OKAH en passant par le MOSOP de Kenule « Ken » SARO WIWA, il
a toujours été mené par des fortes personnalités
qui ont eu maille à partir avec les autorités
fédérales.273En effet, le militantisme dans le Delta
du Niger
268 - cf. Amnesty international, Pétrole, pollution
et pauvreté dans le Delta du Niger, Amnesty international, juin
2009, 8p.
269 -Idem.
270 - Cf. La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010, p.26.
271 -Cf. EFAI, Nigéria : pétrole,
pauvreté et violence, aout 2006, 3p.
272 - Les autorités politiques, sous les régimes
militaires comme au retour de la démocratie, ont trop souvent
privilégiées la solution militaire à la négociation
dans le conflit du delta du Niger. Ce pan de la gestion du pé-trole par
l'Etat fédéral sera abordé dans la section suivante.
273 - Certains de ces leaders charismatiques comme
l'écrivain Ken Saro Wiwa ou même Isaac Boro
(dont les conditions de décès sont des plus
mystérieuses) et Alex Priye des Egbesu Boys of Africa
(EBA) en ont payé de leur vie.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
constitue une menace sérieuse aux intérêts
des politiques. Si la dénonciation des conditions de vie
précaires des habitants des régions pétrolières est
une des principales revendications des groupes militants, l'objectif de
provoquer un véritable « fédéralisme fiscal
»274fait planer sur les autorités politiques le risque
d'une perte de leadership sur l'industrie pétrolière. Selon Jomo
GBOMO, porte-parole du MEND, la politique fédérale de
dérivation des recettes pétrolières ne suffit plus. Pour
lui, « le type de développement dont la région a besoin, en
comparaison des dommages causés par l'exploitation
pétrolière, requiert une appropriation complète des
ressources et le gouvernement central peut se satisfaire des impôts.
».275 Cette opinion, qui épouse le caractère
fédéral de l'Etat, traduit pourtant la valeur stratégique
des revendications de nombre de groupes militants dans le Delta du Niger. En
effet, avec le fédéralisme fiscal les milices et autres groupes
militants deviendraient les maitres du jeu pétrolier. Ils pourraient
ainsi se servir à leur avantage du pouvoir que procure la gestion des
ressources pétrolières et, à terme, essayer de se
libérer de la tutelle fédérale. Les intérêts
des populations ne constituent pas l'unique motivation des leaders militants.
Certains d'entre eux se servent d'ailleurs de leur engagement à la cause
des populations du delta pétrolier pour réaliser leurs propres
ambitions stratégiques et politiques. Les exemples d'enrichissement
personnel de leaders militants sont nombreux.276 Ils constituent des
preuves de la mauvaise foi de bons nombre d'entre eux. Cette situation
constitue une source potentielle d'insécurité, dans la mesure
où la satisfaction des intérêts des leaders militants, au
détriment de ceux des populations locales, participe du maintien de
l'instabilité sociale dans ces zones. Les populations, insatisfaites de
la gestion du pétrole, continueront de manifester fragilisant encore un
peu plus le tissu social dans la région.
Le militantisme dans le delta du Niger constitue un
véritable facteur d'instabilité. La confrontation entre les
groupes militants et les autorités fédérales, qui est une
lutte pour le leadership dans la gestion de l'industrie
pétrolière, fragilise la résilience stratégique du
pays. Le difficile consensus dans la gestion du pétrole augmente la
vulnérabilité du Nigéria aux projets
géostratégiques des grandes puissances. En effet,
l'émancipation stratégique du premier producteur de
pétrole d'Afrique passe par une concertation et une
réconciliation des différentes forces en présence dans le
conflit social qui se produit dans les régions
pétrolières. De même, le « radicalisme défensif
»277dont fait preuve le militantisme dans la région,
caractérisé par une relative fermeture à la discussion
avec les autorités fédérales et un recours à la
violence armée, est une attitude belligène et potentiellement
dangereuse pour la stabilité de la région, de l'ensemble du pays
et même du Golfe de Guinée. Les revendications des populations et
des militants, légitimes pour la plupart, peuvent se
révéler néfastes
274 - Cf. La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010, p.26.
275 -Idem.
276 - Ibid.
277 - L'expression est d'Ukoha Ukiho cf. « le Delta du Niger
face à la démocratie virtuelle du Nigéria », in
Poli-tique africaine, « le Nigéria sous Obasanjo. Violences et
démocratie », n°106, juin 2007, pp.128-147.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pour la sécurité de toute la région. La
violence constante dans le Delta du Niger a fait dire au PNUD, qu'il y
prévaut un climat de « conflit endémique
».278
Le militantisme a également des conséquences
économiques et écologiques. En effet, le trafic illégal du
pétrole, que certaines factions militantes utilisent comme moyen de
financement de leurs efforts de guerre, cause un manque à gagner
important à l'Etat et aux compagnies pétrolières. Si elles
ne sont pas les seules dans ce trafic illicite, elles portent tout de
même la responsabilité des quelques 30 000 à 300 000 barils
de pétrole volés chaque jour.279 Ce commerce a fait
perdre à l'Etat du Nigéria entre 2003 et 2008, près de 100
000 milliards de dollars américains.280 Les
conséquences sur le développement du pays sont évidentes.
Les stratégies de contrôle de l'industrie pétrolière
par le militantisme peuvent alors se révéler néfastes pour
la sécurité du pays. Cette insécurité, qui se
décline en des termes économiques, est tout aussi
écologique. Le siphonage des pipelines ou les autres actes de piraterie
menés par les populations des régions pétrolières
cause souvent le déversement dans la nature de milliers de barils de
pétrole. Cette pollution pétrolière met en danger ces
mêmes populations, et réduit leur résilience aux
fléaux comme la famine ou la mal nutrition. Les actes de vandalisme des
militants ont donc des répercussions écologiques majeures, sur
leur propre environnement.
SECTION II : L'ETAT FEDERAL ET LA GESTION DE LA
QUESTION DU DELTA DU
NIGER.
Le Delta du Niger, région pétrolière par
excellence du Nigéria, souffre d'un sous-développement
considérable.281 Les politiques inefficaces et
l'activité des compagnies pétrolières, souvent
menées dans l'ignorance des intérêts et des moyens de
subsistance des populations, constituent les principales raisons d'une
atmosphère conflictuelle dans la région. Les habitants, se
sentant oubliés dans la redistribution des bénéfices
tirés de l'exploitation du pétrole, ont tendance à
développer des attitudes de défiances envers les autorités
politiques du pays. Pour remédier à cette situation, l'Etat a
essayé d'accorder une attention particulière aux régions
pétrolières, en prenant des mesures comme l'augmentation des
sommes qui leur sont allouées ou la création d'institutions
censées y apporter le développement. Or, l'émancipation
stratégique du Nigéria apparait comme un préalable
à toute gestion du pétrole qui aurait pour axe prioritaire le
bien être des populations. Elle lui permettrait, par exemple,
d'acquérir l'autonomie nécessaire à la mise sur pied d'un
plan de développement efficace ou la capacité de réduire
les conséquences négatives de l'industrie
pétrolière sur les populations. L'Etat, à cause de son
rôle de défenseur du droit des
278-cf. Amnesty international, Pétrole,
pollution et pauvreté dans le Delta du Niger, Amnesty
international, juin 2009, 8p.
279 - Voir Judith Burdin Asuni, « Blood oil in the Niger
delta «, in Special Report n°229, United states institute of
peace, august 2009, 19 p.
280 - Voir Judith Burdin Asuni, « Blood oil in the Niger
delta «, in Special Report n°229, United states institute of
peace, august 2009, 19 p.
281 -Op.cit.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
citoyens à des conditions de vie décentes et de
garant de la stabilité du pays, est interpellé par le paradoxe de
l'abondance282dont souffrent en premier les habitants du delta. Or,
la solution à la crise sociale dans la région a été
le plus souvent militaire (Paragraphe 1). En cela, il a joué un
rôle dans la radicalisation du militantisme qui y prévaut.
D'autres solutions comme les manoeuvres politiques, visant à
intégrer les élites des régions pétrolières
dans les hautes sphères de l'administration (Paragraphe 2) ou les
innovations institutionnelles devant servir au développement de la
région du delta du Niger, (Paragraphe 3) n'ont pas résolu, dans
le fond, le problème que connait la région.
Paragraphe 1 : La militarisation de la solution
d'un conflit social. A- Impact de l'industrie pétrolière sur le
delta du Niger :
L'industrie pétrolière a des conséquences
négatives sur la région du Delta du Niger : pollution multiforme,
destruction des moyens de subsistances des habitants, maladies graves,
violences militaires et misère insoutenable.283Ce panorama
désolant d'une des régions les plus riches du pays est une des
causes du grand malaise qui y règne. Au regard des conséquences
de l'industrie pétrolière sus-évoquées, le conflit
dans le delta du Niger est avant tout social. Lorsque les populations
descendent dans la rue, c'est pour manifester contre ce que le PNUD appelle une
« pauvreté abjecte ».284
En effet, le militantisme dans le Delta du Niger trouve son
origine dans les mauvaises conditions de vie de nombre de ses habitants. Pour
des leaders militants comme Kenule SARO WIWA ou Isaac BORO, l'engagement avait
pour principale justification le combat pour les droits économiques,
politiques et humains des populations originaires des régions
pétrolières.285 Même si le militantisme a
souvent brillé par des actes de violence, de délinquance ou de
terrorisme, il est à la base pacifique. Comme le dit Oronto
Douglas, « le peuple du Delta du Niger est un peuple pacifique. Des
53 années de pétrole, 48 ont été marquées
par une agitation pacifique pour la justice. ».286 Or, la
stratégie de résolution du conflit social dans le Delta du Niger
par l'Etat a toujours fait la part belle à la violence. Les cas de
quelques « exécutions extrajudiciaires »287 dont
l'Etat a malheureusement été responsable, au cours de son
histoire, nous rappellent que la question du Delta du Niger demeure encore le
« talon d'Achille » de la gestion du pétrole au
Nigéria.
282 -Op.cit.
283 -Op.cit.
284 -Op.cit.
285 - Voir La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010.
286 -Idem, p.24
287 - Nous pouvons citer l'exécution du militant Ogoni Ken
SARO WIWA au terme d'un procès expéditif et iné-quitable
ou celles de nombreux militants du MEND lors des descentes «
musclées » de l'armée dans le delta du niger.
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Nigéria.
B- La violence comme solution aux problèmes des
populations des régions pétro-
lières :
Dans les années 1990, Ken SARO WIWA, fils de
chef traditionnel et écrivain émérite, et d'autres
ressortissants du peuple Ogoni fondent le MOSOP
(Mouvement Pour la Survie du Peuple Ogoni). Cette organisation
militante a pour principal objectif d'attirer l'attention de la
communauté internationale sur les violations des droits humains, et la
dégradation de l'environnement que subit le peuple
Ogoni.288 Des causes telles que l'autonomisation
financière de ce peuple, un juste partage des revenus du pétrole
et la réparation des dommages environnementaux causés aux
territoires Ogoni, constituent l'essentiel des revendications
portées par le MOSOP. Les principales actions de revendications
du Mouvement Pour la Survie du Peuple Ogoni seront dirigées
contre la multinationale Shell. En 1993, une marche de protestation
contre les activités de la compagnie pétrolière,
organisée par l'association, réunie près de 300 000
personnes.289 Quelques jours plus tard, l'armée occupe la
région. En effet, à cause de l'hostilité des populations
envers ses activités, Shell a fait appel à
l'armée pour sécuriser ses travaux de construction d'un
oléoduc. Elle lui fourni un appui logistique et financier.290
Les exactions de l'armée dans la région sont alors nombreuses. En
1994, Ken SARO WIWA est inculpé avec d'autres militants puis
emprisonné pour avoir organisé une manifestation au cours de
laquelle 4 chefs Ogo-ni ont été tués.291 Ils
sont jugés par un tribunal d'exception composé de trois
personnes, puis condamnés à la peine capitale sans
possibilité d'appel. Le 10 novembre 1995, soit 4 jours après leur
condamnation, ils meurent pendus.292
D'autres évènements témoignent de la
brutalité avec laquelle les autorités fédérales
sont prêtes à régler la contestation dans le Delta du
Niger. Le 04 févier 2005, des personnes originaires d'Ugborodo,
une communauté Itsékiri installée
près du terminal pétrolier de Chevron à
Escravos sur la côte ouest du Delta du Niger, décident de
manifester. Leurs griefs : Le non respect des promesses de la compagnie
pétrolière en matière d'emploi de la jeunesse locale et le
manque de réalisation de projets de développement. L'armée
présente sur les lieux, tire dans la foule. Bilan : un mort et une
trentaine de blessés.293 Les autorités arguent, pour
justifier l'usage de balles réelles, que les manifestants étaient
armés. Cependant, aucune enquête ne confirme la présence
d'armes chez les manifestants. Quinze jours plus tard, soit le 19
février, un raid de l'armée s'abat sur la communauté
Ijaw d'Idioma, dans l'Etat de Bayelsa. Cette
opération, qui a pour but de mettre la main sur des membres d'un groupe
d'autodéfense financé par un sous-traitant d'une filiale de Shell
au Nigéria soupçonnés d'avoir tué une douzaine de
personnes (dont quatre conseillers munici-
288 - Voir La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010
289 -Idem.
290 -Ibid.
291 -Ibid.
292 -Ibid.
293 -Voir EFAI, Nigéria, pétrole,
pauvreté et violence, Les éditions francophones d'Amnesty
international-Efai, aout 2006.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
paux), fait de nombreuses victimes collatérales :17
morts dont des personnes brûlées vives et d'autres abattues, ainsi
que 80% des maisons détruites.294
La violence a, très souvent, été
préconisée par l'Etat fédéral dans la
résolution de la question du Delta du Niger. Qu'on observe le
régime dictatorial de Sani ABA-CHA, qui mit fin aux jours du
militant Ken SARO WIWA, ou la présidence d'OLOSEGUN OBASANJO,
au moment du retour à la démocratie, on est saisi par la
promptitude avec laquelle l'Etat use de la violence pour faire taire des
revendications sociales. Pour ORONTO Douglas, c'est cette réponse
violente à une demande pacifique qui provoque le « chaos »
actuellement observable dans les régions
pétro-lières.295 L'Etat se plait à manier,
à la fois, la carotte et le bâton, puisqu'il engage des
réformes démocratiques tout en privilégiant, la plupart du
temps, la solution militaire en cas de conflit. La violence semble d'ailleurs
incontournable pour les autorités politiques, dans la gestion de la
question du delta du Niger, comme le démontrent les
évènements qui ont eu lieu à partir du 13 mai
2009.296En effet, des opérations des forces armées ont
été menées à partir de cette date, dans le delta du
Niger, dans le but de porter un coup fatal au MEND. Des bombardements
aériens intensifs, ainsi que des opérations terrestres contre des
bases de l'organisation militante ont obligé les militants à se
réfugier dans la mangrove d'où ils ont pu orchestrer des attaques
ciblées contre des pipelines. Après plusieurs jours
d'affrontement, l'Etat proclame une amnistie à l'endroit de tous les
combattants qui acceptent de déposer les armes et libère un des
leaders présumés du mouvement Henry OKAH, détenu depuis
2007. Malgré cette main tendue de l'Etat, les affrontements et les actes
de piraterie n'ont pas vraiment cessé dans le Delta du Niger.
L'Etat est un des grands artisans de la violence dans le Delta
du Niger. Par son recours excessif à la solution
militaire,297 il évite de régler la crise sociale qui
y prévaut. Il participe ainsi à la radicalisation dans le Delta
du Niger, et fragilise encore un peu plus la stabilité du pays. Or, la
question du Delta du Niger ne pourrait être résolue par l'action
militaire. Encore moins par des manoeuvres politiciennes.
Paragraphe 2 : La question du Delta du Niger et les
manoeuvres des dirigeants poli-
tiques :
A- Le renouveau de la promotion de l'élite des
régions pétrolières comme cara c-téristique majeure
du retour à la démocratie :
Le Nigéria est un des pays du Golfe de Guinée
qui concentre le plus de risques. Selon des données du Centre
d'Analyse et de Prévision des Risques Internationaux
294 -Idem.
295 - Voir La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010, p.24
296 - Voir La brève du golfe de Guinée,
oct. Nov. Déc. 2010, p.4
297 -Op.cit.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
(CAPRI), il est un pays nécessitant une «
attention soutenue ».298 Ce statut du Nigé-ria est
essentiellement tributaire de l'instabilité qui existe dans le Delta du
Niger. Les attaques terroristes, les enlèvements de travailleurs de
l'industrie pétrolière, les descentes de l'armée pour
juguler la contestation populaire sont monnaie courante dans la région
la plus riche du pays. Si la violence fait partie du quotidien des habitants du
Delta, elle est une cause potentielle d'insécurité pour
l'ensemble du pays, et même pour le Golfe de Guinée tout
entier.
Pour essayer de réduire les tensions dans les Etats
pétroliers, mais aussi rester le maître du jeu pétrolier
sur l'ensemble du pays, le gouvernement fédéral développe
une stratégie de séduction à l'endroit de leurs
ressortissants. Une des manoeuvres politiciennes les plus récurrentes
est la nomination de certaines personnes originaires du delta du Niger,
à des postes de responsabilité dans la hiérarchie
politique et militaire du pays. C'est une sorte de discrimination positive,
à l'endroit des populations des régions
pétrolières, qui vise à réduire le gap de leur
représentativité dans les hautes instances
fédérales. De nombreux dignitaires du delta sont ainsi les «
pions » d'une stratégie étatique qui, tout en leur
permettant d'acquérir une stature fédérale, les utilise
comme preuves vivantes d'une volonté de l'Etat central de mettre fin
à l'isolement dont sont victimes les populations des régions
pétrolières. C'est ainsi que des personnalités politiques
comme Goodluck Jonathan (Ijaw du delta, vice président puis
président de la république fédérale) et Edmund
DUKARU (Ijaw, ministre du pétrole sous OBASANJO) ont pu
accéder aux plus hauts postes de l'administration
fédérale.299 Dans les forces armées, l'Etat a
également souhaité mettre au devant de la scène des
personnalités du Delta. OGOMUDIA (de l'Etat d'Edo), les
généraux Andrew AZAZI (Etat de Bayelsa) et Paul DIKE (du
delta state) ont pu, ainsi, devenir respectivement chef d'état
major des armées, chef d'état major de l'armée de terre et
chef d'état major de l'armée de l'air.300
La nomination de personnalités issues du delta du
Niger, qui a pour ambition « d'apaiser la colère des
communautés du Delta du Niger » ont « conduit à des
améliorations significatives dans la représentation de la
région dans les instances politiques au niveau national
».301 L'ascension politique qu'a connue Goodluck Jonathan de la
vice-présidence à la présidence de l'Etat
fédéral illustre le fait que les ressortissants des
régions pétrolières sont aussi capables d'accéder
aux plus hautes responsabilités étatiques. Même si son
arrivée à la tête de l'Etat a été
favorisée par la mort en exercice du président YAR'ADUA, son
élection en 2010 (dans des circonstances jugées floues par
certains analystes et ayant provoquées des troubles importants dans le
pays) lui a accordé une envergure nationale. Il peut désormais se
prévaloir d'un certain mandat populaire dans l'exercice de ses
fonctions. Cependant, si la promotion de ressortissants du Delta peut
être perçue comme une avancée politique
298 - Cf. Diplomatie n°55, Mars-avril
2012.
299 - Cf. Ukoha Ukiwo, « le Delta du Niger face à la
démocratie virtuelle du Nigéria », in Politique
Africaine, n°106 « le Nigéria sous Obasanjo. Violences et
démocratie », Karthala, juin 2007, pp.128-147.
300 -Idem.
301 -Ibid.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
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majeure, elle n'a pas suffit à provoquer un réel
développement dans la région. Le Delta continue d'être une
des régions les plus pauvres et les plus instables du pays.
B- Signification stratégique de la promotion
politique des ressortissants du delta
du Niger :
L'arrivée de ressortissants du Delta du Niger à
de hauts postes dans la hiérarchie fédérale relève
de calculs stratégiques. Elle procède de la volonté
d'isoler les acteurs du militantisme, qui ne trouvent plus d'arguments à
leur combat pour une plus grande représentativité nationale de
leur région. Les populations deviennent de moins en moins solidaires de
leur action qui est alors perçue comme injustifiée. Or, en
agissant de la sorte, elles permettent la réalisation de la
stratégie de l'Etat fédéral qui est d'isoler les
militants. L'Etat peut alors rester maitre de la gestion du secteur
pétrolier et faire passer les militants pour de simples adeptes de la
violence, dépourvus de toute assise populaire. Par cette
stratégie, l'Etat ne se sent plus obligé de prendre en
considération les revendications pourtant réelles des militants
et continue de se servir de l'argent du pétrole comme d'une arme
politique.
La promotion de fils de la région du delta du Niger
à des hautes responsabilités au niveau fédéral les
rend responsables de la misère qui y règne. Leur
incapacité à faire évoluer la situation sociale et
économique dans leur région, à cause des
réalités de l'industrie pétrolière au
Nigéria,302 fait d'eux des complices des stratégies de
prédation des grands consommateurs au même titre que les
dirigeants politiques précédents. Les responsables militaires
issus de la région du Delta courent aussi le risque de
l'impopularité. Par leurs fonctions à la tête des forces
armées du pays, ils se retrouvent en première ligne des
manifestations répressives de celles-ci dans la région. Ils sont
alors jugés complices des assauts de l'armée sur les camps du
MEND comme sur les manifestants.
Les manoeuvres politiciennes constituent alors une autre forme
de gestion du pétrole par l'Etat. Si un ressortissant du Delta du Niger
préside actuellement aux destinées du pays, force est de
constater qu'une résolution de la question du Delta du Niger n'est pas
encore effective. Les enjeux sur le pétrole étant nombreux, il
est impossible de parvenir à l'amélioration des conditions de vie
des populations des régions pétrolières par le fait de
manoeuvres politiques. Celles- ci ne sont, en effet, qu'une fuite en avant, un
moyen pour l'Etat de biaiser et d'éviter ainsi de régler le
« vrai » problème du delta. C'est donc une fausse solution
à un vrai problème. Tout comme la mise sur pied d'institutions
administratives spécialisées.
302 -Cf. supra
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Paragraphe 3 : L'échec des institutions
administratives spécialisées dans le développement du
Delta du Niger.
A- Le ministère du delta du Niger : une innovation
non consensuelle au rôle poli-
tique flou.
Dans sa volonté de « régler » le
problème du delta, l'Etat a usé de manière
régulière de son pouvoir politique. Il s'agit pour lui d'essayer
d'apporter des solutions, surtout institutionnelles, à la crise sociale
que connait la région pétrolière par excellence du pays.
Une des solutions « institutionnelles » les plus originales a
consisté à la création d'un ministère
entièrement dédié au delta du Niger.
La création d'un ministère du Delta du Niger est
intervenue pendant le mandat du président Oumarou Moussa
YAR'ADUA.303 Dans un réaménagement du gouvernement au
mois de septembre 2008, le conseil des ministres a décidé de
mettre sur pied un gouvernement de 42 ministères, dont un destiné
au développement économique de la région du Delta du
Niger. La création de ce département ministériel, comme
d'ailleurs de celui du pétrole distinct du ministère en charge
des autres formes d'énergies, émane de la volonté du chef
de l'Etat de « garantir une plus grande flexibilité et une
réelle efficacité politique »304 à son
action. Il s'agit pour le gouvernement de se montrer plus
préoccupé et surtout plus efficace face à la question du
sous-développement dans le Delta du Niger. Cette initiative, venant d'un
président originaire du nord du pays, sonne comme une réelle
volonté de sortir de la politique d'assujettissement, voire d'asphyxie
économique et politique des régions pétrolières,
menée par nombre de ses
prédécesseurs.305Cependant, elle n'a pas
suscité le consensus dans la population de la région.
En effet, pour des habitants de la région, les
solutions institutionnelles ont toujours existé, mais n'ont vraiment
jamais rien réglé. Le principal mouvement militant du delta du
Niger, le MEND, a accueilli l'annonce avec « préoccupation
».306 C'est du moins ce qu'a affirmé son porte parole,
dans un message transmis à différents organes de communication.
Pour l'organisation, l'initiative gouvernementale a connu des
précédents qui en plus de 50 ans d'extraction
pétrolière n'ont rien apporté. Selon son porte parole Jomo
GBOMO, « créer un ministère n'équivaut pas à
la venue du Messie tant attendu. Le Nigéria a créé
quantité de ministères au cours de ces quarante dernières
années et aucun d'eux n'a eu un impact positif sur la population. Ce
sera une voie de plus pour la corruption et les favoritismes politiciens
».307 S'il est possible de voir en ces paroles de
l'extrémisme, force est de constater tout de même
303 -Cf. Francesca Dessi, « l'or noir, bonheur et malheur
du Nigéria », article publié le mercredi 1er
octobre 2008 sur
www.geostrategie.com.
Consulté le 26 janvier 2012.
304 -Idem.
305 -cf. Supra.
306 - Cf. Francesca Dessi, « l'or noir, bonheur et
malheur du Nigéria », article publié le mercredi
1er octobre 2008 sur
www.geostrategie.com.
Consulté le 26 janvier 2012.
307 -Idem.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
que, plusieurs années après, le ministère
du Delta du Niger n'y a pas apporté le développement
escompté. La création de ce département ministériel
est une initiative compréhensible. Cependant, elle s'est
avérée inefficace, à cause d'un univers pétrolier
traversé par des intérêts multiples et divergents.
B- La commission de développement du delta du
Niger ou l'illustration de l'échec des stratégies de
développement fédérales :
La Commission de Développement du Delta du Niger
est une solution tout aussi problématique. Créée en
remplacement de l'OMPADEC (oil minerals producing areas
development) jugée inefficace, elle n'a pas donné des
résultats plus satisfaisants. Les moyens financiers mis à sa
disposition n'ont pas encore eu l'impact souhaité sur le
développement des régions pétrolières. La
commission, qui a fait l'objet d'une enquête gouvernementale
récente, est souvent soupçonnée de corruption et de manque
de transparence dans les procédures d'octroi des marchés publics.
Il lui est aussi reproché d'entreprendre de nombreux travaux qui
finalement ne sont pas menés à terme. Un des reproches
récurrent à cette agence est, sans doute, le faible encrage de
ses projets de développement dans les besoins réels des
populations et sa dépendance vis-à-vis des lobbies de la
construction.308 Une des raisons avancées pour justifier le
manque d'efficacité de la NDDC est qu'elle a reçu un mandat et
d'importants moyens financiers (47 milliards de Naira entre 2001 et 2003), sans
toutefois avoir les pouvoirs politiques de les mettre en
place.309
S'il existe une preuve de l'inadéquation de l'oeuvre de
la NDDC avec les besoins de la région c'est sans conteste son
incapacité à améliorer durablement les conditions de vie
des habitants. Le delta du Niger est une région essentiellement
fluviale. Il s'y produit alors de manière régulière des
inondations qui viennent priver les populations de leurs moyens de subsistance,
et de leurs habitations. Or, la commission n'a pas encore véritablement
initié un projet d'aménagement global en matière
hydraulique. Cette situation de précarité vient s'ajouter au
relatif enclavement de la région, qui ne bénéficie pas
d'un réseau routier à la mesure de sa richesse. En outre, le
manque de coordination avec les autres opérateurs de
développement, les ONG et les organisations internationales en
particulier,310 ne permet pas un impact social suffisant à
son action. La Commission de Développement du Delta du Niger
vient alors échouer là où l'OMPADEC n'avait pas non
plus réussie.
L'Etat fédéral se montre alors incapable, par
ses innovations institutionnelles, d'apaiser les tensions dans les
régions pétrolifères. Il donne par ce fait des arguments
supplémentaires à ceux qui pensent qu'il ne peut y avoir de
développement que s'il est mis sur pied un véritable
fédéralisme fiscal. La création d'institutions
gouvernementales, chargées d'assurer le développement de la
région, relève d'une « surcharge bureaucratique », peu
propice à l'amélioration des conditions de vie des habitants du
delta du Niger. La centralisation de la gestion de la rente
pétrolière, qui
308 -Idem.
309 - Sylvie Fanchette, « le delta du Niger
(Nigéria). Rivalités de pouvoir, revendications territoriales et
exploita-tion pétrolière ou les fervents de la violence. »,
Hérodote n° 121, la Découverte, 2 e
trimestre 2006.
310 - Idem.
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menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
fait de l'Etat fédéral le juge de
l'opportunité et de l'étendue des projets de développement
dans le delta, se révèle être une erreur majeure. Le
pétrole qui est perçu comme une propriété exclusive
de l'Etat devient une source de convoitises et surtout le but de
stratégies de pouvoir porteuses d'insécurités diverses.
SECTION III : LES STRATEGIES DE POUVOIR PAR LE PETROLE
ET LEUR IN-
FLUENCE SUR LA CROISSANCE DE L'INSECURITE:
L'activité pétrolière au Nigéria
fait intervenir de nombreux enjeux qui n'ont pas en priorité le bonheur
des populations. Elle laisse entrevoir les intérêts antagonistes
des divers acteurs du circuit pétrolier qui visent, à terme, le
contrôle du circuit de production. Cette confrontation permanente entre
les différentes parties prenantes à l'activité la plus
économiquement et financièrement prospère du
pays311 ne permet guère un réel impact social à
la manne pétrolière, menace la stabilité du pays et fait
planer sur l'industrie des risques de rupture. Malgré les nombreuses
initiatives étatiques visant à régler la question du
Delta, l'environnement y demeure profondément conflictuel.
L'insécurité dont souffre l'industrie pétrolière,
par un effet domino, se propage peu à peu à l'ensemble du pays,
faisant naitre ou renforçant d'autres formes d'insécurités
profondément différentes. En effet, le caractère
incontournable du pétrole, dans l'univers sociopolitique et
économique du pays, fait de l'insécurité
pétrolière un facteur de la vigueur de nombreuses
activités illégales, potentiellement néfastes à un
développement du pays par le pétrole. L'activité
pétrolière, mieux, l'argent et le pouvoir procurés par le
pétrole deviennent le levain qui alimente la déliquescence
progressive de la société nigériane. Les stratégies
de pouvoir par le pétrole au Nigéria jouent un rôle majeur
dans l'escalade militaire qui a trop souvent handicapé le
développement harmonieux du pays (Paragraphe 1). L'instabilité
dans le delta du Niger fait planer sur l'ensemble du pays, et par ricochet sur
l'ensemble du Golfe de Guinée, un risque majeur. D'autres
phénomènes comme la corruption (Paragraphe 2) et la grande
criminalité (Paragraphe 3) ont aussi pour facteur aggravant la relative
vulnérabilité du secteur pétrolier Nigérian.
Paragraphe 1 : L'escalade militaire dans le
Delta du Niger comme symptôme des stratégies de pouvoir des
acteurs du secteur pétrolier.
A- La menace militaire au Nigéria : une
réalité permanente :
S'il existe une conséquence immédiate de
l'atmosphère conflictuelle du secteur pétrolier au
Nigéria, c'est sans conteste l'escalade militaire qu'elle
entraîne. En effet, le caractère stratégique du
pétrole ne peut être compris sans prise en compte des tendances
bellicistes que peut revêtir l'action des différents protagonistes
de la ba-
311 -Op.cit.
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Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
taille, pour le contrôle du circuit pétrolier.
Comme le dit B.H Liddel Hart, la stratégie est l'« [...]
art de distribuer et de mettre en oeuvre les moyens militaires pour accomplir
les fins de la politique. ».312 Il est donc indéniable
que la stratégie est intrinsèquement violente. Les relations
pétrolières, à cause des nombreux enjeux qui s'y
affrontent, sont alors potentiellement conflictuelles, surtout en Afrique.
On distingue schématiquement deux types de conflits
liés à la présence de pétrole : ceux pour la
détention de la souveraineté politique sur les zones de
production ; et les conflits pour le contrôle de la chaine de production
elle-même.313L'histoire du Nigéria nous fait observer
plusieurs épisodes violents qui avaient pour toile de fond la lutte pour
le pétrole. La guerre du Biafra par exemple, est une illustration de la
grande insécurité que peut engendrer les stratégies
antagonistes des différents acteurs du circuit. Le Nigéria, comme
la plupart des pays du Golfe de Guinée, souffre d'une certaine
instabilité que le pétrole vient seulement aggraver. En effet, la
vulnérabilité du Nigéria vient d'abord de sa
diversité sociale et ethnique subjectivement managée par le
colonisateur anglais, et dont les différentes composantes s'opposent
aujourd'hui pour l'accès aux revenus du sol et du sous-sol.
Les grands consommateurs de pétrole, par leurs
stratégies d'encerclement du Golfe de Guinée, font du
Nigéria un pays dans lequel les risques sont majeurs.314Les
Etats-Unis, premier client du pétrole nigérian, transfère
à ses frontières l'insécurité qu'a toujours connu
les différents marchés pétroliers sur lesquels il s'est
installé. Le cas du moyen-Orient est une preuve irréfutable de
cette situation.315 Comme le dit Michael KLARE, « Toutes les
régions désignées comme source potentielle de
pétrole sont instables ou entretiennent des forts sentiments
anti-américains, quand ce n'est pas les deux [...] ».316
Or, pour préserver ses intérêts pétroliers, le
premier consommateur mondial est obligé de projeter sa puissance
militaire dans les régions pétrolières. Le fondamentalisme
religieux que connait le nord du Nigéria et le militantisme armé
dans le sud apparaissent alors comme des obstacles majeurs à la
stratégie de puissance des Etats-Unis. Les enjeux de puissance par le
pétrole, qui sont le fait des groupes de militants dans le delta du
Niger, et l'anti-américanisme de la plupart des islamismes
radicaux317 rendent incertain le projet géostratégique
des Etats-Unis au Nigéria. Il est alors envisageable qu'il s'installe
plus durablement dans le pays et y défend, avec force arguments
militaires, son assise géostratégique.
B- Pétrole et escalade de la violence au
Nigéria :
Le pétrole au Nigéria constitue un moyen, pour
les militants, de soutenir leurs efforts de guerre. Grâce à leur
commerce illicite de pétrole et au business des prises
312 -B.H Liddel Hart, Stratégie, Perrin, 1998.
313 -Voir Cédric Lestrange, Christophe-Alexandre
Paillard, Pierre Zelenko, Géopolitique du pétrole,
éditions TECHNIP 2005, p.53
314 -Op.cit.
315 -Il est possible de le constater à travers le
sentiment anti-américain qui est entrain de se généraliser
au Moyen-Orient à cause de la politique pro-israélienne des Etats
Unis et de leur volonté d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme
nucléaire.
316 -Michael Klare, « les vrais desseins de M .George W.
Bush », in Le Monde diplomatique, n°67, p.13
317-Salafisme, djihadistes, al Qaeda, etc.
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Yaoundé II-Soa. Page 72
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
d'otages, certains mouvements militants, comme le MEND,
réussissent à avoir accès à un armement de plus en
plus sophistiqué.318 Ils perpétuent, par la même
occasion, la fragilité et la vulnérabilité du pays face
aux stratégies des grands consommateurs de brut. La réponse
énergique des autorités fédérales, aux ambitions
militaires des mouvements rebelles dans le Delta,319provoque une
escalade de la violence. Des forces militaires hybrides comme la Joint
military task force (JMTF), comprenant des éléments des
armées de terre, de l'air et marine, mise sur pied par le gouvernement
fédéral pour protéger les installations de pétrole
et de gaz et contrer les groupes militants armées dans le Delta du
Niger320 participent, à travers ses campagnes militaires dans
la région,321 au radicalisme et surtout à
l'instabilité qui y prévaut.
La présence militaire des grandes puissances dans le
Golfe de Guinée est la preuve de l'immaturité stratégique
des pays qui le composent, dont le Nigéria. Celle-ci déplace le
risque des frontières des pays consommateurs aux territoires des pays
producteurs. Il est alors possible que le Nigéria se retrouve
embarqué dans un engrenage conflictuel aux conséquences graves
pour sa stabilité. L'attractivité du pays, en plus des
conséquences socioéconomiques, politiques et environnementales
sus-évoquées, peut à terme déboucher sur sa
transformation en un véritable « Irak » africain.
Il est indubitable que les stratégies de puissances des
acteurs du circuit pétrolier sont porteuses d'une grande
conflictualité. Si le pétrole Nigérian revêt une
valeur stratégique dans l'approvisionnement mondial, il est possible que
son immaturité stratégique ne lui permette pas de réguler
les enjeux autour de cette source d'énergie. L'escalade de la violence
pourrait alors se transformer en un conflit permanent capable de mettre
à mal la stabilité de toute la sous région. La mauvaise
gestion de l'industrie pétrolière est la cause d'une
insécurité militaire, voire géostratégique pour le
Nigéria. C'est également un facteur important de la corruption
chronique que connait le pays.
Paragraphe 2 : Pétrole et corruption au
Nigéria : un cercle vicieux. A- La corruption dans le
processus pétrolier au Nigéria :
Le Nigéria est un pays hautement
corrompu.322En effet, il est presque impossible de recenser un
secteur de la société nigériane qui ne soit pas
gangréné par la corruption. La fonction publique, la justice, les
douanes mais aussi le monde des af-
318 -Cf. annexe n°
319 - Cf. supra
320 - La brève du Golfe de Guinée n°
002, oct.nov.déc. 2010, p.14
321 - Une des plus démonstratives de la violence de la
réponse fédérale au militantisme dans le Delta, est sans
doute l'opération contre des prétendues bases du MEND
lancée le 13 mai 2009. Cf. La brève du Golfe de Guinée
n° 002, oct.nov.déc. 2010, p.14
322 -Il est classé par l'ONG Transparency International,
comme le pays le plus corrompu au monde pour l'année 2000. Voir aussi
Stéphane Quéré, Les clans criminels Nigérians,
mémoire soutenu à l'université de Paris II
(Pan-théon-Assas) en octobre 2001, en vue de l'obtention du
diplôme universitaire « analyse des menaces criminelles
contemporaines », session 1999-2000.
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Yaoundé II-Soa. Page 73
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
faires fonctionnent grandement à coup de pots-de-vin et
de compromissions. Le secteur pétrolier qui est un grand pourvoyeur de
moyens financiers n'en réchappe pas. Il est même un des plus
traversé par le phénomène de la corruption.
L'industrie pétrolière au Nigéria, dans
son organisation et son fonctionnement, connait de nombreuses procédures
constituant autant de poches de corruption. Malgré la volonté
affirmée des autorités politiques depuis quelques années
de rendre la filière plus transparente, des survivances de
l'époque des régimes militaires continuent de faire de
l'opacité et de la mauvaise gouvernance des règles du jeu
pétrolier. Selon Alexandra GILLIES,323 on distingue
principalement cinq « gisements de corruption » dans l'industrie
pétrolière : le processus d'octroi de permis d'exploration,
l'octroi des contrats, l'inertie dans la filière, le pillage de
pétrole brut, l'exportation de brut et l'importation de produits
raffinés.324
La loi sur les ressources pétrolières au
Nigéria (Petroleum act) confère au ministère du
pétrole la pleine autorité sur l'attribution des permis
d'exploration, de prospection et de forage du pétrole. Il est
l'adjudicateur exclusif en matière d'exploitation
pétrolière. Par conséquent, l'attribution des blocs ne
répond ni à un processus juridique mandaté, ni à un
mécanisme de veille.325 Le caractère
stratégique du pétrole et la quête de la puissance à
laquelle se livrent les grandes puissances dans le Golfe de Guinée les
oblige à user, quelquefois, de moyens insoupçonnés pour
décrocher des marchés. En effet, le processus d'attribution des
permis pétroliers constitue une importante poche de corruption. Au
Nigéria, la corruption du pétrole est décuplée par
le faible contrôle de l'activité du ministère du
pétrole. Malgré la volonté du président
Obasanjo, et des autres chefs de l'Etat depuis le retour à la
démocratie, de rendre le processus d'octroi des permis plus transparent,
à travers des appels d'offres publics, celui-ci demeure encore
relativement opaque.326
Le second moment de corruption dans la chaine
pétrolière au Nigéria est l'octroi des contrats
pétroliers. En règle générale, c'est l'exploitant
qui les attribue. Cependant, grâce à diverses stratégies,
l'Etat a réussi à s'immiscer dans le processus d'attribution des
contrats pétroliers et est aujourd'hui indispensable dans une
opération profondément corrompue. Ainsi, dans une entreprise
conjointe la NNPC avalise l'ensemble des contrats ou dépenses de plus
d'un million de dollars américains, tandis que la NAPIMS (filiale de la
NNPC) approuve ceux supérieurs à
323 Alexandra Gillies, « Réformer la corruption de
l'or noir nigérian? Première partie : cartographie des risques de
corruption dans la gouvernance de la filière pétrole »,
in U4 brief, n° 23, septembre 2009. Site web :
http//www.u4.no/
324 -Alexandra Gillies, « Réformer la corruption
de l'or noir nigérian? Première partie : cartographie des risques
de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole »,
in U4 brief, n° 23, septembre 2009. Site web :
http//www.u4.no/
325 -Idem.
326 -Les grands tours d'enchères organisés par la
DPR en 2000, 2005, 2006 et 2007, ont ainsi connu de grands dysfonctionnements.
Cette réalité démontre qu'il est important de
réaliser un véritable travail
d'assainissement de la filière pétrolière.
La NEITI constitue dans cette optique, une avancée
considérable.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
250 000 dollars américains.327 Pour certains
ex-cadres de la compagnie pétrolière nationale et des experts,
ces montants sont assez bas, relativement à la moyenne mondiale. Ils
permettent alors à certains fonctionnaires nigérians de recevoir
des pots-de-vin de sociétés pétrolières contre leur
influence dans l'attribution d'un contrat. En 2008, Albert Jackson Stanley de
la société pétrolière américaine Kellog,
Brown & Roots a ainsi reconnu avoir versé près de 180
millions de dollars à la NNPC, au ministère du pétrole et
à des fonctionnaires pour décrocher 4 contrats d'une valeur de 6
milliards de dollars américains pour la construction d'un complexe de
gaz naturel li-quéfié.328
Des activités comme le pillage de pétrole ou
« oil bunkering » donnent lieu à de nombreux actes de
corruption. En effet, le vol de pétrole, directement dans les
oléoducs, dans les stations de traitement ou dans les entrepôts
destinés au pétrole à exporter bénéficie
souvent de la complicité des multinationales et des autorités
poli-tiques.329Cette activité, qui concerne de grande
quantité de pétrole (100 000 à 600 000 b/J),330
est l'occasion d'une corruption destinée à acheter la
complicité d'acteurs officiels de la filière impliqués
dans ce trafic. L'exportation de brut et l'importation de produits
raffinés (pétrole, diesel, kérosène, etc.) qui font
l'objet de contrats octroyés chaque année par la NNPC, à
des compagnies pétrolières internationales ou à des
sociétés qui lui sont affiliées, donnent aussi l'occasion
d'observer une corruption importante, à cause du caractère juteux
de ces contrats.331 La grande inertie dans l'industrie
pétrolière nigériane, les retards onéreux
occasionnés par des procédures comme l'attribution d'accord et de
visa pour chacun des employés expatriés des multinationales, les
formalités douanières et portuaires en matière
d'importation de biens et matériels pétroliers, sont autant de
foyers d'une corruption qui a fait son lit dans l'univers pétrolier
nigérian.332
B- Impact économique de la corruption
pétrolière au Nigéria :
La « corruption du pétrole » au
Nigéria est un fléau handicapant pour l'économie et la
stature internationale du pays. En effet, par le détournement de la
rente, elle réduit considérablement les finances de l'Etat et
joue par conséquent un rôle important dans le faible impact social
de l'argent du pétrole. Les sommes détournées participent
à l'enrichissement personnel d'acteurs du circuit pétrolier, au
lieu d'aider au développement du pays. La corruption accentue la
détérioration de l'environnement social déjà
très instable. De manière indirecte, elle provoque le
mécontentement social et donne des arguments aux militants armés.
La corruption dans l'octroi des contrats pétroliers ne garantie
guère, de la part des adjudicataires, un travail professionnel et
respectueux des intérêts nigérians. Mieux, elle
créée un sen-
327 - voir Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian? Première partie : cartographie
des risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole », in U4 brief, n° 23, septembre 2009.
328 - voir Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian? Première partie : cartographie
des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole », in U4 brief, n° 23, septembre 2009.
329 -Idem.
330 -Ibid.
331 -Ibid.
332 -Ibid.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
timent d'impunité chez ceux-ci. La
compétitivité économique du pays est également mise
en danger par la mauvaise organisation de son industrie
pétrolière.
La corruption apparait alors comme un vecteur
d'insécurité à la fois économique et social pour le
Nigéria. La participation de tous les acteurs de l'industrie
pétrolière à cette activité
illégale,333 la rend encore plus difficile à
combattre. Il est pourtant nécessaire, pour un développement du
Nigéria par le pétrole, que les autorités politiques
s'attaquent de manière plus ferme au phénomène. La
corruption est un catalyseur des tensions sociales déjà
importantes dans le pays. Elle constitue une cause de réelle
insécurité, tout comme la criminalité liée à
la permissivité et à la vulnérabilité du secteur
pétrolier.
Paragraphe 3 : Exploitation pétrolière et
criminalité au Nigéria : une relation presque
naturelle.
A- Le phénomène de « l'oil bunkering
» :
L'industrie pétrolière est l'activité
économique la plus prospère au Nigéria. La forte
production vouée, pour l'essentiel, à l'export et la
volonté des autorités politiques d'associer le plus de
partenaires extérieurs à la gestion de la filière fait du
pétrole un atout essentiel au dynamisme et à l'influence
économiques du pays. Son attractivité est si grande qu'elle
attire de nombreux acteurs déterminés à tirer leur
épingle du jeu pétrolier. La relative incapacité du pays
à assurer un réel contrôle sur son pétrole, permet
à nombre de ces acteurs, d'agir à leur guise. Il se
créée alors une relation presque naturelle entre exploitation du
pétrole et criminalité au Nigéria.
L'attrait des revenus du pétrole pousse de nombreux
acteurs de la filière à s'engager dans l'« oil
bunkering » ou pillage du pétrole. Cette activité
dangereuse pour l'environnement, lorsqu'elle se fait directement sur les
pipelines, peut également prendre la forme de vol de pétrole dans
les entrepôts d'exportation, dans les stations de traitement, et
même lors du chargement des pétroliers.334 Le
coût du pillage du pétrole dans le pays est tellement important
(près de 100 billions de dollars américains de perte pour
l'économie nigériane entre 2003 et 2008)335 qu'on a
donné le nom de « blood oil »336
(littéralement le pétrole du sang en référence aux
diamants du sang des pays en conflit) au pétrole qui échappe
ainsi chaque jour au contrôle des autorités
fédérales. Des autorités politiques
fédérales et locales, des militaires en retraite ou encore en
exercice, des cadres supérieurs de la NNPC, des membres des groupes
militants dans le Delta du Niger, certaines multinationales
pétrolières, des
333 -Ibid.
334 - voir Alexandra Gillies, « Réformer la
corruption de l'or noir nigérian? Première partie : cartographie
des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole », in U4 brief, n° 23, septembre 2009. Site
web : http//www.u4.no/
335 -0p.cit
336 -Cf. Judith Burdin Asuni, « blood oil in the Niger
Delta», in Special Report, n°229, United states institute of
peace, aout 2009.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pays d'Europe ou d'Asie sont impliqués dans ce trafic
lucratif.337 Le pétrole volé est alors envoyé
vers des pays voisins ou même éloignés.
B- L'argent du pétrole dans le financement de
l'économie souterraine et des manoeuvres politiciennes :
Les sommes tirées de l'exploitation illicite du
pétrole servent à l'enrichissement des acteurs impliquées
dans le trafic, mais aussi à soutenir l'effort de guerre des groupes
rebelles dans le Delta du Niger. C'est pour cette raison que de nombreux
groupes de militants font du siphonage des pipelines une activité
régulière. L'argent du pétrole vendu alimente alors le
trafic d'armes, et provoque l'élévation du taux de
criminalité dans les régions pétrolières. Il sert
également de capital initial dans d'autres opérations à
l'instar du trafic de stupéfiants ou même être blanchi dans
des opérations immobilières. Des leaders militants comme Henry
OKAH du MEND, sont soupçonnés de commerce illicite d'armes et
d'enrichissement par le mazoutage de pétrole.338
L'argent du pétrole sert aussi à financer
l'achat de positions de pouvoir avantageuses. En effet, certaines études
sur le commerce illicite de pétrole estiment que celui-ci connait une
hausse importante au moment des élections.339 Les sommes
engrangées servent à acheter des voix ou à truquer le
résultat des élections. En outre, de grands barons locaux et des
employés du secteur pétrolier entretiennent, grâce à
l'argent du pétrole, des milices souvent responsables de nombreux actes
criminels et même de meurtres.340 Selon Alexandra GEISER,
« les fonds publics ne sont pas seulement détournés et
volés, ils financent directement l'armement des groupes armés
liés aux acteurs politiques ».341 Dans ces conditions,
l'argent du pétrole devient une condition préalable à la
réalisation d'ambitions criminelles. L'importance des sommes
détournées alimente la violence dans le pays dont des villes
comme Lagos sont parmi les plus violentes au monde.342
L'industrie pétrolière, par sa relative
inorganisation, constitue un facteur favorable au développement de
l'insécurité dans le pays. L'environnement social et politique,
déjà fragile, subit alors les contrecoups d'un manque réel
de leadership pétrolier. La rente est utilisée pour des objectifs
criminels qui empêchent le développement. Il est alors
compréhensible que, pour de nombreux nigérians, le pétrole
est porteur d'une véritable « malédiction ».
337 - voir La brève du Golfe de Guinée
n° 002, oct.nov.déc. 2010, p.16, mais aussi Alexandra Gillies,
« Réformer la corruption de l'or noir nigérian?
Première partie : cartographie des risques de corruption dans la
gouvernance de la filière pétrole », in U4 brief,
n° 23, septembre 2009. Site web : http//www.u4.no/
338 - voir La brève du Golfe de Guinée
n° 002, oct.nov.déc. 2010, p22
339 - Cf. Judith Burdin Asuni, « blood oil in the Niger
Delta», in Special Report, n°229, United states institute of
peace, aout 2009.
340 -Voir EFAI, Nigéria, pétrole,
pauvreté et violence, Les éditions francophones d'Amnesty
international -Efai, aout 2006.
341 - Voir Alexandra Geiser, Nigéria,
organisation suisse d'aide aux réfugiés OSAR, 2010, site Web :
www.osar.ch
342 - Voir Stéphane Quéré, Les clans
criminels Nigérians, mémoire soutenu à
l'université de Paris II (Panthéon-Assas) en octobre 2001, en vue
de l'obtention du diplôme universitaire « analyse des menaces
criminelles contemporaines », session 1999-2000, mais aussi Alexandra
Geiser, Nigéria, organisation suisse d'aide aux
réfugiés OSAR, 2010, site Web :
www.osar.ch
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Yaoundé II-Soa. Page 77
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
CONCLUSION DU CHAPITRE:
Le pétrole est un véritable enjeu de pouvoir au
Nigéria. C'est l'élément nécessaire à
l'accomplissement des stratégies de pouvoir des divers acteurs du
secteur. Les multinationales, les autorités politiques et les militants
dans le delta du Niger, essayent de se servir du contrôle de la
filière comme d'un tremplin vers la puissance. Ils développent
alors diverses stratégies, qui se distinguent par leurs modes
opératoires et par les moyens et les motivations mises en avant. Les
multinationales, qui sont de loin les acteurs géostratégiques les
plus accomplis et efficaces, se servent de l'argument commercial pour assurer
une domination progressive de l'univers pétrolier nigérian par
les grands consommateurs. Ceux-ci aplanissent leur chemin vers la puissance
à coup d'investissements financiers, toujours plus importants, qui
suscitent la convoitise des autorités politiques. Ces dernières,
au non de l'intérêt supérieur de l'Etat, continuent de
gérer le pétrole au détriment du bien-être de la
population. Elles se laissent prendre au le piège du « gain facile
» et ne se décident pas à franchir le cap de la
diversification économique. Les militants se font alors le devoir de
leur rappeler les difficultés dans lesquelles vivent les populations du
delta du Niger et s'engagent à susciter, de la part de l'Etat
fédéral, une plus juste administration des ressources
pétrolières. S'il existe des différences importantes entre
ces diverses stratégies, un seul objectif semble les unir : faire passer
à tout prix le bonheur des nigérians au second plan.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
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Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE :
Le Nigéria est une destination importante dans la
géopolitique mondiale des hydrocarbures. Avec sa production
journalière et ses réserves prouvées considérables,
il peut servir d'alternative à des gros producteurs comme l'Arabie
Saoudite, le Venezuela ou l'Iran en indélicatesse avec l'occident.
L'industrie pétrolière y connait alors, comme dans de nombreux
autres pays pétroliers du Golfe de Guinée, un réel
dynamisme. De nombreuses conditions géographiques, contractuelles et
historiques encouragent les grands consommateurs à se retourner vers
cette région du globe.343 Ceux-ci se positionnent peu
à peu dans une région qui, à la fin de la guerre froide,
semblait pourtant avoir perdu son importance stratégique.344
L'industrie pétrolière apparait comme une chance inouïe de
développement pour les pays de la région qui, pour la plupart,
sont sous-développés. Au Nigéria, les importants revenus
tirés de l'industrie pétrolière alimentent les finances
publiques et font de lui un des plus grands détenteurs de
réserves de change en Afrique.345 Or, à cause de la
dépendance stratégique du pays aux grands consommateurs et aux
luttes pour la conquête de positions rentières, le pétrole
n'a pas encore pu servir à son décollage économique. La
misère et la violence font partie du quotidien de nombreux
nigérians qui considèrent le pétrole comme la source de
tous leurs malheurs.346 Cette insatisfaction des populations, face
au faible impact social de l'exploitation pétrolière
combinée à la mise en branle des stratégies de puissances
de divers acteurs du secteur, constituent un mélange détonant,
qui abouti à une violence et une insécurité de tous les
instants dans le pays. L'incapacité des autorités politiques
nigérianes à juguler les nombreux enjeux de puissance que connait
son univers pétrolier en fait un espace-enjeu propice à la
réalisation de projets de puissance multiples. Il apparait alors comme
un « géant pétrolier » dont les fondations de la
puissance demeurent pourtant fragiles, cinquante ans après le
début de son exploitation pétrolière ; sa situation
intérieure pouvant basculer à tout moment. Le Nigéria
constitue une vitrine de l'impuissance de nombreux pays pétroliers du
Golfe de Guinée qui, du fait de leur immaturité
stratégique, ne réussissent pas à s'élever à
la dialectique des intelligences à l'oeuvre dans les relations
pétrolières internationales.
343 - Cf. supra
344 - Lire à cet effet Alain FOGUE TEDOM, « Le mythe
de la marginalisation stratégique de l'Afrique : analyse de la dynamique
américaine et chinoise autour du pétrole africain. », in
Maurice KAMTO et al, L'Afrique dans un monde en mutation : dynamiques
internes, marginalisation internationale ? Paris, Afrédit, 2010,
pp.285-293
345-
346- Voir Amnesty International, CEHRD, la vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty International,
Novembre 2011, 50 p.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
LA GESTION DU SECTEUR PETROLIER NIGERIAN A L'EPREUVE
DES DEFIS DE SON EMERGENCE ET DE SON DEVELOPPEMENT.
DEUXIEME PARTIE :
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le Nigéria est un des pays du Golfe de Guinée
les plus convoités. La multiplicité et la diversité de ses
partenaires pétroliers347témoignent du dynamisme de
son industrie et de l'ouverture de son marché pétrolier. Membre
de l'OPEP, il développe une stratégie pétrolière
originale qui allie exigences d'indépendance de sa
filière et ouverture nécessaire de son amont
pétrolier. Le pays accorde alors une place de choix aux partenaires
internationaux tout en veillant à détenir la majorité des
parts dans les différentes associations qui le lient à
ceux-ci.348L'exploitation du pétrole au Nigéria est
vieille d'une cinquantaine d'années. L'importance de sa production et
les moyens financiers considérables qu'elle lui procure ont fait du
pétrole un enjeu de pouvoir majeur. Cependant, le faible impact de cette
source d'énergie, sur le développement du pays et sur son statut
sur la scène internationale, tend à relativiser les acquis de
l'exploitation pétrolière au Nigéria. Comparativement
à d'autres pays pétroliers, la situation économique,
politique et sociale du premier producteur de pétrole d'Afrique est
désastreuse. C'est un pays où le pétrole n'a pas encore pu
servir de tremplin vers la puissance stratégique (Etats-Unis, Chine,
Russie), économique (Qatar, Arabie saoudite), ou même à une
amélioration significative des conditions de vie des populations
(Norvège). Il est indéniable que le principal obstacle à
l'émergence stratégique du Nigéria est le manque
d'aggiornamento de sa filière pétrolière. En effet, face
au dynamisme de la scène internationale, le Nigéria n'a pas
encore réussi à faire de ses importantes potentialités
pétrolières un facteur de puissance durable. S'il est devenu un
marché pétrolier prisé, c'est parce qu'il est la victime
« consentante » des projets géostratégiques de
puissances mondiales et régionales. Les politiques
pétrolières des différents régimes politiques qu'a
connus le pays ne lui ont pas permis de se hisser au rang de puissance
internationale, auquel ses énormes potentialités
pétrolières lui donnent droit. La géostratégie des
hydrocarbures, développée par les politiques nigérians, se
révèle alors en parfaite inadéquation avec les
défis liés à son émergence en tant que puissance
régionale (Chapitre 3) et surtout inappropriée face aux principes
de démocratie et de bonne gouvernance, nécessaires à une
gestion équitable du pétrole (Chapitre 4).
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 80
347 - Le pays compte parmi ses partenaires pétroliers des
nations occidentales (Etats -Unis, Grande Bretagne, Pays-Bas, France, etc.),
africaines (Cameroun, Ghana, etc.) asiatiques (Chine, Inde, etc.) et même
l'Iran.
348 -Op.cit.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
STRATEGIES PETROLIERES ET ECHEC DE L'AFFIRMATION DU
NIGERIA SUR LE PLAN REGIONAL.
CHAPITRE III :
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Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 82
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le pétrole a une importance particulière au
Nigéria. C'est la source d'énergie à la base à la
fois du dynamisme industriel, de la santé économique et
financière du pays et de sa stabilité sociale et politique. Les
importantes réserves pétrolières ainsi que le
caractère stratégique de sa position dans le golfe de
Guinée349 font de lui une étape incontournable dans la
géostratégie africaine des grandes puissances. Depuis les
années 1960, l'industrie pétrolière a rapporté des
moyens financiers considérables au
Nigéria.350Cependant, la gestion du pétrole par les
régimes politiques successifs a été préjudiciable
à un développement économique et stratégique du
pays. En effet, l'économie de rente encouragée par les
autorités politiques nigérianes a favorisé la
dépendance du Nigéria aux grands consommateurs mondiaux, et
limité les bienfaits du pétrole au sein de la population
nigériane. Pis, elle est venue fragiliser l'équilibre ethnique et
sociologique du pays.351La lutte pour le contrôle du circuit
pétrolier a privilégié la prise en compte
d'intérêts personnels au détriment de ceux des populations.
Le pétrole a alors été incapable de permettre le
développement du premier producteur du continent et est même
devenu un facteur aggravant de la crise sociale déjà ancienne
dans le pays. La gestion de la filière pétrolière au
Nigéria souffre de nombreuses insuffisances stratégiques (Section
I). Cette situation, favorisée par le leadership insuffisant des
autorités politiques nigérianes sur l'industrie
pétrolière, rend le pays prisonnier de ses énormes
potentialités démographiques (Section II) que ses politiques
énergétiques risqueraient, à terme, de ne plus pouvoir
manager. Les choix des responsables politiques en matière de gestion
pétrolière empêchent alors une intégration
véritable du pays dans le processus de mondialisation (Section III).
SECTION I : GESTION DU PETROLE ET INSUFFISANCES
STRATEGIQUES DU
NIGERIA.
Depuis le début de l'exploitation du pétrole au
Nigéria, l'« énergie de la puissance » est au coeur de
multiples convoitises économiques, de projets
géostratégiques et d'ambitions politiques de la part d'un nombre
toujours plus important d'acteurs.352Le dynamisme de la production
pétrolière nigériane a un impact considérable sur
la stabilité sociale du pays, mais aussi sur ses projections
économiques et son pouvoir politique. Cependant, comme la plupart des
pays du Golfe de Guinée, le Nigéria ne réussit toujours
pas à tirer son épingle de jeu pétrolier, qui se
déroule dans la région. En effet, Les autorités politiques
ont brillé par leur incapacité à faire jouer au
pétrole son rôle de moteur de la puissance. Elles ne se sont pas
inscrites
349 - La position géographique du Nigéria est
stratégique car il est situé au coeur du golfe de Guinée,
situation qu'il partage avec le Cameroun. Ses nombreux ports sont ainsi
positionnés en face des côtes américaines. Il constitue une
des portes d'entrée vers l'intérieur de la sous région. En
plus, c'est le pays qui abrite un des plus grands écosystèmes de
mangrove du monde.
350 -Op.cit.
351 - le partage de la rente pétrolière est un des
points d'achoppements majeurs entre les différents niveaux de
gouvernement d'une part et les groupes ethniques d'autre part. La
dépendance du pays aux revenus du pétrole a exacerbé les
tensions ethniques et encouragé la conquête des positions de
pouvoir pour des fins personnelles.
352 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 83
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
dans la dialectique des intelligences à la base de
toute relation pétrolière internationale. Le redéploiement
stratégique des grandes puissances, dans les pays pétroliers du
Golfe de Guinée, a par conséquent constitué un obstacle
à l'émancipation stratégique du Nigéria. Cependant,
contrairement à ce que pourrait supposer la situation économique
et sociale du pays, le pétrole n'est pas une malédiction
(Paragraphe 1). Une des plus importantes limites des politiques
pétrolières au Nigéria est alors leur faible encrage dans
les réalités sociologiques du pays (Paragraphe 2) et leur
incapacité à développer la coopération
sous-régionale (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Pétrole et développement
: déni d'une malédiction.
A- Esquisse de présentation du concept de «
malédiction des ressources nat u-relles » :
Il existe en Afrique, et dans de nombreuses autres
régions du monde, une idée assez répandue sur une «
malédiction des ressources naturelles ». Selon Terry Lynn Karl,
celle-ci renvoie à la relation inversement proportionnelle entre
dépendance élevée vis-à-vis des ressources
naturelles et taux de croissance économique.353 Pour de
nombreux observateurs, le plus grand malheur du continent africain viendrait,
à la fois, des convoitises que suscitent, auprès d'acteurs
véreux, l'immensité de ses matières premières et de
l'incapacité de nombreux pays à mettre sur pied des politiques
à même de faire de leurs ressources naturelles des facteurs de
développement, et non simplement de dynamisme économique. Or,
uranium, bois, diamant, gaz et pétrole seraient alors les responsables
« involontaires » de la ruine du continent. La pauvreté et
l'instabilité de pays africains, pourtant riches, apparait comme une
confirmation de ce point de vue.354Il serait alors impossible
à l'Afrique de se développer grâce aux importantes
richesses tirées de son sous-sol.355
Le pétrole, matière première
stratégique par excellence, est considéré comme incapable
d'assurer le développement des pays qui le possèdent. Les grands
enjeux autour de l'exploitation de cette source d'énergie en
limiteraient l'impact positif sur les conditions de vie des populations. La
situation économique et sociale précaire d'anciens ou actuels
pays pétroliers du Golfe de Guinée tels que le Congo, le
Nigé-ria, l'Angola, le Cameroun, ou le Gabon ; 356ou
même l'histoire de quelques pays membres de l'OPEP (Iran, Arabie
Saoudite, Irak, Venezuela, etc.) apparaissent comme autant de
témoignages du caractère illusoire du développement par le
pé-
353 Terry Lynn Karl, « comprendre la «
malédiction » des ressources », in Le pétrole.
Guide de l'énergie et du développement à l'intention des
journalistes. Lever la malédiction des ressources naturelles.2,
Open society New York, 2005, p23.
354 -Il est tout de même saisissant que des pays africains,
véritables « scandales géologiques », comme la RDC, le
Nigéria ou l'Angola occupent les dernières places dans le
classement des nations les plus riches du monde. Dans ces pays, une
minorité d'individus, généralement proches du pouvoir,
profitent des richesses tandis que la majorité des habitants vit dans
une précarité et une pauvreté abjectes.
355 - Cette éventualité tient du fait que si l'on
se base sur la définition du terme « malédiction »
(état de malheur inéluctable qui semble imposée,
dictionnaire Encarta(c) 2009) il est impossible que l'homme vienne à
bout des difficultés que posent la gestion des ressources naturelles.
356 - Voir Ian Gary et Terry Lynn Karl, Le fond du
baril, catholic relief services, juin 2003, pp. 25-43.
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Yaoundé II-Soa. Page 84
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
trole. Dans de nombreux cas, à défaut
d'assurer une certaine prospérité aux populations des
pays producteurs, le pétrole s'est révélé
être un facteur de déstabilisation et
d'insécurité économique et
environnementale.357 Selon Philippe COPINSCHI, « le
pétrole est certainement une « richesse » au sens
économique. Mais en favorisant le développement d'une
économie de rente, le pétrole est, en même temps, un
facteur de déstabilisation ou d'entretien des conflits.
».358Quelques facteurs sont généralement
évoqués pour expliquer la malédiction du pétrole :
volatilité des prix, « syndrome hollandais », retard
dans l'accumulation des compétences et progression des
inégalités, problème de l'enclavement et
des impôts.359 Les témoignages de nombreux
nigérians, ayant assisté impuissants à la destruction de
leurs moyens de subsistance par l'industrie pétrolière
et vivant dans une pauvreté indescriptible,360
confirment la relation qui existe entre pétrole et sous-
développement. Cependant, s'il est admis que le
pétrole ne peut à lui seul assurer le
développement361 d'un pays, il est tout
aussi impossible de voir en lui le responsable du marasme économique de
quelques pays pétroliers d'Afrique.
B- Responsabilité des autorités politiques
dans le faible impact social du pétrole :
Le pétrole est avant tout une substance noire,
épaisse et visqueuse. C'est « [...] une
ressource naturelle dormante qui n'a de valeur active que lorsqu'on
décide de l'extraire des profondeurs terrestres ou
maritimes où il gît. ».362 De ce fait, le
pétrole ne peut être considéré comme un facteur
intrinsèque de sous-développement, encore moins
d'insécurité. S'il est perçu par certains
analystes comme un « facteur aggravant » de la crise
généralisée du continent africain363 le
rôle des politiques de gestion dans « l'incapacité
sociale » du pétrole est indéniable.
L'histoire pétrolière du Nigéria nous
démontre que la volonté de captation de la rente, qui a toujours
animé les acteurs du secteur pétrolier, est le principal obstacle
au développement du pays. Selon des observateurs de l'industrie
pétrolière, « la mauvaise gestion et les
stratégies de recherche de positions de rente sont si
généralisées que le Nigéria est devenu quasi
synonyme de corruption. Le détournement des revenus du pétrole
est un sport national ».364 Toute lutte contre la
pauvreté devient alors incertaine. L'industrie
pétrolière au Nigéria est assimilable à
une arène où acteurs gouvernementaux, par-
357 -Cf. supra
358 - Voir Philippe Copinschi, « Rente
pétrolière, géopolitique et conflits », in
Questions Internationales n°2, Juillet - Aout 2003.
359 - Voir Terry Lynn Karl, « comprendre la «
malédiction » des ressources », in Le pétrole.
Guide de l'énergie et du développement à l'intention des
journalistes. Lever la malédiction des ressources naturelles.2,
Open society New York, 2005, pp.21-27.
360 - Voir Amnesty International, CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le Delta du Niger, Amnesty International,
aout 2008.
361 -Nous parlons ici non pas de la croissance économique
qui s'analyse à travers le dynamisme d'indices comme le PIB ou le PNB
mais bien du développement, principe supra économique.
362 -Voir Michel Kounou, Pétrole et pauvreté au
sud du Sahara, éditions clé, 2006, p.27
363 - Voir Cédric Lestrange, Christophe-Alexandre
Paillard, Pierre Zelenko, Géopolitique du pétrole,
éditions Technip, 2005, p.153
364 -Voir Ian Gary, Terry Lynn Karl, Le fond du baril,
catholic relief services, Juin 2003, p.26
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
tenaires internationaux et populations autochtones se battent
pour le contrôle des positions de rente.365
L'apport du pétrole dans la croissance des pays
pétroliers est indéniable. Lorsque les coûts sur le
marché international sont hauts, la rente irrigue l'économie et
favorise une relative santé financière. Dans les pays du «
tout pétrole », cette source d'énergie a un rôle
à la fois économique, social et politique.366 Les
revenus tirés du pétrole servent au dynamisme de secteurs
économiques comme l'immobilier, les transports, les marchés
financiers, etc. Si l'impact du pétrole sur la conduite des affaires
économiques des pays pétroliers est indubitable, il est
plutôt difficile d'évoquer son apport dans le processus de
développement. En effet, selon le PNUD, le but du développement
est le bien-être de l'homme. Le développement humain a alors pour
objectif « [..] d'élargir la gamme des choix offerts à la
population [..] Ces choix doivent comprendre des possibilités
d'accéder aux revenus et à l'emploi, à l'éducation
et aux soins de santé et à un environnement propre ne
représentant pas de danger [..] ».367L'indice de
développement humain (IDH) permet de mesurer le
développement d'un pays à travers les chiffres du PIB par
habitant, de l'alphabétisation et de l'espérance de vie à
la naissance.
Le développement, en tant que processus supra
économique, ne saurait dépendre de la seule croissance
économique induite par les revenus pétroliers.
L'épanouissement économique, social et politique des populations
est inhérent à tout processus de développement. Dans ce
sens, l'exemple de pays comme la Norvège, les Etats-Unis, la Chine, les
Emirats Arabes Unis ou le Qatar témoigne de la possibilité d'une
prospérité, voire d'une puissance par le pétrole.
Situé en bordure de la mer du Nord, la Norvège, avec 4,3% des
réserves mondiales, est un des plus grands producteurs de brut au
monde.368 L'exploitation pétrolière y est
essentiellement offshore et a débuté dans les années 1960,
soit à la même période qu'au Nigéria. Malgré
l'impact que les recettes pétrolières ont eu, à un moment
donné, dans l'économie du pays (30% des recettes d'exportation
annuelle au début des années 1980) il n'a jamais
été une « monarchie pétrolière » au sens
des pays du Golfe Persique. C'est un pays à la diversité
industrielle importante (métallurgie, chimie, construction
mécanique et navale, agro alimentaire, etc.) et au modèle de
développement appréciable. Les Etats-Unis et la Chine quant
à eux, en plus d'avoir su profiter économiquement de leurs
réserves propres, se sont servis de la géostratégie du
pétrole comme moyen de puissance. C'est en partie grâce à
elle qu'ils ont assis leur domination sur certaines régions
stratégiques du globe.369
Le cas des monarchies du Golfe Persique, que sont le Qatar et
l'Arabie saoudite, est plus complexe. Si les OPA dans le monde de la finance,
du football, des médias et de l'art ainsi que le soutien aux pays
musulmans peuvent être considérés
365 -Cf. supra
366 -Cf. supra
367 -Voir rapport mondial sur le développement humain
(1991), publié par le PNUD.
368 - Cf. « Nord, mer du », Microsoft®
Encarta® 2009 [DVD], Microsoft Corporation, 2008.
369 -Les Etats-Unis en Afrique, en Amérique du sud et dans
le Golfe persique ; la Chine en Afrique et dans des marchés proches de
ses frontières.
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Yaoundé II-Soa. Page 86
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
comme des piliers de leurs géostratégies
pétrolières, l'importance du pétrole dans leur
économie est potentiellement dangereuse. L'embellie que connait celle-ci
serait brutalement remise en cause en cas de perte de la valeur du
pétrole. En plus, le PIB par habitant dans ces pays,
généralement haut, cache d'importantes disparités de
revenus entre les membres des familles royales et le reste de la
population.370
Les politiques de gestion des autorités publiques
nigérianes, décrites plus haut, sont en inadéquation avec
tout processus de développement. En effet, le rôle du
pétrole n'est pas seulement de favoriser la croissance, mais aussi de
permettre une amélioration significative des conditions de vie des
populations. Si les monarchies pétrolières du Golfe Persique
connaissent, comme le Nigéria, une importante disparité de
revenus entre les acteurs du secteur pétrolier, les membres des familles
des dirigeants politiques et le reste de la population, l'utilisation par
celles-ci de la rente pour la construction d'infrastructures sanitaires et
sociales est un plus. L'enclavement que connaissent de nombreuses
régions du Nigéria, la faiblesse du tissu sanitaire du pays et la
misère d'une majorité de nigérians sont des preuves de
l'improductivité de la gestion pétrolière des dirigeants
politiques. L'émancipation stratégique du Nigéria
constitue, à coup sûr, un pas important vers un
développement véritablement endogène.
Paragraphe 2 : Emancipation
géostratégique et développement endogène du
Nigé-ria.
A- L'industrie pétrolière : une
activité économique extravertie au service des ambitions
géostratégiques des grandes puissances :
L'industrie pétrolière au Nigéria, comme
dans la plupart des autres pays du Golfe de Guinée, est
entièrement tournée vers l'extérieur. Dès le
processus d'exploration, les pays pétroliers dépendent
entièrement de l'expertise technologique occidentale ou asiatique. Avec
l'augmentation du forage en eaux profondes, qui demande une technicité
plus grande et des moyens financiers importants, cette dépendance tend
à s'aggraver. Or, la permissivité du secteur pétrolier est
une preuve de l'immaturité stratégique de nombreux pays
africains. En effet, « [...] un premier problème politique majeur,
plutôt technico-économique à l'origine, émerge de
cette difficulté que l'extraction du pétrole en mer
génère des problèmes qui se résument à
l'impossibilité relative de contrôler les quantités
effectivement produites. ».371Le développement par le
pétrole, au Nigéria comme ailleurs, est impossible sans une
maîtrise préalable des quantités de brut extraites. La
« fourberie commerciale » des grands consommateurs de pétrole
peut alors prendre les traits d'une manipulation des chiffres concernant les
quantités de brut extraites, mais aussi de la valeur réelle
370 -
371 - Voir Michel Kounou, Pétrole et pauvreté
au sud du Sahara, éditions clé, 2006, p.116
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
des réserves pétrolières.372
La dépendance stratégique du Nigéria se manifeste tout au
long du processus pétrolier pendant les activités d'exploration
et de production, de vente et même de consommation du
pétrole.373
L'incapacité pour le pétrole de sortir de la
pauvreté les pays pétroliers africains, a suscité de
nombreuses réflexions sur une éventuelle « solution miracle
». Malgré les diverses initiatives entreprises, les
résultats sociaux du pétrole restent toujours insuffisants.
L'importante extraversion dont souffre l'exploitation pétrolière
sur le continent, apparait alors comme une des nombreuses raisons du «
paradoxe de l'abondance ». En effet, les politiques
pétrolières y sont considérablement influencées par
les besoins des grands consommateurs. L'augmentation de la production
pétrolière au Nigéria est par exemple dictée par
les ambitions stratégiques des Etats-Unis ou de la
Chine.374Une plus grande autonomie du premier producteur africain,
dans son secteur pétrolier, lui permettrait de mieux assurer à sa
population les retombées de la rente. Le principe du «
développement endogène » apparait alors comme une option
pour les décideurs politiques nigérians, en ce sens que le
développement n'est plus défini en termes quantitatifs, mais en
relation avec les besoins de la population.375
B- Le développement endogène comme solution
à la dépendance stratégique du
Nigéria :
Théorisé à la fin des années 1950
par John FRIEDMANN et Walter STOHR, le développement
endogène est « une approche volontariste, axée sur un
territoire restreint, qui conçoit le développement comme une
démarche partant du bas, privilégiant les ressources
endogènes. ».376 Il fait appel aux traditions
industrielles locales et insiste sur la prise en compte des valeurs culturelles
et sur le recours à des modalités
coopératives.377 Le développement endogène est
une des solutions au paradoxe de l'abondance que connait le Nigéria, par
sa volonté de rendre à l'échelon locale la
prééminence sur les projets et initiatives de
développement. Son adoption par les autorités politiques du pays
permettrait de rendre le fédéralisme nigérian plus
efficace, par une autonomisation économique réelle des
collectivités locales. Elle réduirait, en outre,
considérablement le mécontentement dans les régions
pétrolières378 et rapprocherait les populations des
décisions pétrolières. Il est vrai qu'aucun
développement local n'est possible sans un assainissement
préalable des moeurs dans le pays. L'indépendance
économique des gouvernements locaux devrait être
accompagnée d'un contrôle strict des autorités
fédérales. Le développement endogène permettrait
également, aux populations autochtones du delta du Niger, de prendre en
main leur destin économique. Elles seront libres de leurs choix
économiques, et pourront faire valoir la diversité des
potentialités de leur région ; ce qui est quasiment
372 -Op.cit.
373 - Cf. supra
374 -Op.cit.
375
-Cf.
blog.wikimémoires.com/tag/développement endogène,
consulté le vendredi 26 octobre 2012.
376 -Idem.
377 -Ibid.
378 -Op.cit.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
impossible avec le modèle de développement
actuel, très extravertie et soumis aux désirs des partenaires
extérieurs du Nigéria. Il nous semble alors nécessaire que
le pays fonde ses politiques de développement endogène sur son
émancipation stratégique préalable.
En effet, l'industrie pétrolière au
Nigéria est entièrement tournée vers l'extérieur.
Le pays est un des premiers clients des Etats-Unis, dont la
sécurité énergétique passe par l'Afrique, et tend
à affermir ses relations pétrolières avec « l'ogre
» chinois. Les deux premiers consommateurs de pétrole au monde
développement au Nigéria une géostratégie des
hydrocarbures, qui ne prend en compte que la satisfaction de leurs propres
intérêts.379Le pays en sort profondément
diminué et surtout stratégiquement dominé.
L'arrivée dans le pays de partenaires étrangers, de plus en plus
nombreux et aux intérêts diamétralement
opposés,380 laisse augurer une perte de contrôle plus
importante du Nigéria sur son industrie pétrolière.
L'émancipation stratégique du premier producteur de
pétrole pourrait venir inverser cette tendance. Le Nigéria doit
reconquérir le leadership sur son secteur pétrolier. Les choix en
matière de politique pétrolière devraient avoir une
origine interne, plutôt qu'externe. En ce sens, le développement
endogène, qui doit être privilégié au
Nigéria, est en parfaite relation avec la géostratégie
pétrolière. Cette dernière accorde au pays une
indépendance stratégique et lui permet de privilégier
l'échelon local dans ses projets de développement.
L'émancipation stratégique du Nigéria est un
préalable à toute politique de développement local. Si le
pays réussi à se départir de la tutelle des grands
consommateurs de pétrole, il aura plus d'aisance à prendre en
considération les intérêts des populations dans
l'élaboration de sa politique pétrolière.
Le développement endogène apparait alors, non
pas comme la panacée nécessaire à la fin du marasme
économique et social du Nigéria, mais comme un pas de plus vers
son indépendance stratégique. Les populations du Delta du Niger,
qui se plaignent de ne pas être suffisamment mêlées à
la gestion du pétrole tiré de leur sous-sol, trouveront en lui
une occasion de prendre en main leur destin économique. L'industrie
pétrolière constituera une chance de développement pour le
Nigéria, à condition qu'il se réapproprie la
décision pétrolière. Les projets de forage seront alors
réalisés en fonction des besoins économiques et
énergétiques des nigérians, et l'Etat se faisant un devoir
d'assurer une exploitation pétrolière respectueuse de
l'environnement et des conditions de vie des populations. L'alimentation des
populations en énergie en sera certainement améliorée.
379 -Op.cit.
380 - Les partenaires pétroliers du Nigéria sont
souvent des adversaires géostratégiques et géopolitiques
importants. Le pays souhaite par exemple intensifier sa coopération
pétrolière avec les Etats -Unis, mais ouvre aussi ses portes
à la Chine, principal adversaire stratégique et économique
des Etats-Unis, et à l'Iran. Cette grande permissivité de
l'industrie pétrolière Nigériane pourrait alors lui
être défavorable en déplaçant sur son terri-toire la
bataille entre ces nations ennemies.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Paragraphe 3 : Richesse
pétrolière et dépendance énergétique: le
Nigéria au coeur d'un paradoxe africain.
A- Le pétrole dans l'approvisionnement
énergétique mondial :
Le pétrole est aujourd'hui une des sources
d'énergie les plus utilisées au monde. Au cours du siècle
dernier, il a progressivement supplanté le charbon comme «
première source énergétique, indispensable à un
mode de développement économique alliant industrialisation,
urbanisation et explosion des échanges. ».381 Le
pétrole représente près de la moitié de la
fourniture de l'énergie primaire, loin devant le charbon, le gaz et le
nucléaire. Il est impossible d'envisager, à court terme, un
renversement de tendance en matière d'approvisionnement
énergétique mondial.
La place du pétrole dans l'approvisionnement
énergétique en Afrique est tout aussi importante. Même si
la consommation annuelle par habitant y est faible, comparativement à
d'autres régions du monde (0,3 tep en moyenne contre 7,8 pour un
américain et 4 pour un européen),382 le manque
d'alternative au pétrole en décuple l'importance. En effet, le
pétrole est la principale énergie dans le transport (essence,
kérosène, gaz oil, etc.). Il constitue une matière
première importante dans l'industrie chimique, la production
électrique, et sert à la fabrication de produits
dérivés (médicaments, peinture, matière plastique,
détergents, caoutchouc, etc.). La part du pétrole dans les
relations commerciales des pays producteurs d'Afrique est demeurée
importante au fil des années. Il représente plus de 90 % des
exportations de pays comme l'Algérie, la Libye, la Guinée
Equatoriale ou le Nigéria.383
B- Production pétrolière et
dépendance énergétique du Nigéria :
Le premier producteur de pétrole d'Afrique connait une
dépendance énergétique majeure. Les failles
observées dans l'organisation et le fonctionnement de sa filière
pétrolière, le rendent profondément dépendant de
l'expertise technologique extérieure. Dans ces conditions,
l'indépendance stratégique ou tout simplement
énergétique du Nigéria s'en trouve menacée. Les
autorités en charge de la gestion du pétrole,
empêtrées dans des luttes pour le contrôle de positions
rentières, n'ont pas pu mettre le pays à l'abri d'une
éventuelle crise énergétique. La situation du
Ni-géria est alors originale, comparée à celles d'autres
membres de l'OPEP.
La dépendance énergétique du
Nigéria est perceptible à la fois dans l'amont et l'aval
pétroliers. Au niveau des activités d'exploration-production, le
Nigéria fait montre d'une incapacité stratégique, qui
l'expose aux manoeuvres des grands consommateurs. En effet, la compagnie
pétrolière nationale, la NNPC, est l'actionnaire
381 -Pascal Lorot, « Géopolitique des hydrocarbures
», in Questions internationales n°24, mars-avril 2007.
382 -Ngoungue Stéphane, les enjeux de l'énergie
pour l'Afrique, exposé présenté dans le cadre de l'UE
PHY 595 intitulée géopolitique des hydrocarbures, master II de
physique, Université de Yaoundé I, année académique
2011-2012.
383 -Voir Etanislas Ngodi, Gestion des ressources
pétrolières et développement en Afrique,
11e assemblée géné-rale du CODESRIA, 6-10
décembre 2005, Maputo, Mozambique, 30 pages.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
majoritaire dans les joint-ventures qui le lient aux
multinationales.384 Par ce procédé, l'Etat essaye
d'assurer le leadership du Nigéria sur son secteur pétrolier,
tout en évitant la nationalisation des réserves. Cependant,
à cause de problèmes financiers et politiques, l'Etat assure
difficilement ses charges dans les différentes associations
pétrolières. Selon Philippe SEBILLE-LOPEZ, « A l'amont, le
principal problème pour le gouvernement fédéral est de
financer les appels de fonds correspondant à sa quote-part dans les
joint-ventures. ».385 En 2004, le gouvernement nigérian
a difficilement obtenu du sénat 3,2 milliards de dollars de
crédit budgétaires, alors que les besoins de la NNPC
étaient évalués à 5 milliards de
dollars.386 L'impossibilité pour l'Etat de remplir ses
obligations financières en matière pétrolière
réduit ses chances d'intervenir directement dans les activités
d'extraction. L'industrie pétrolière nigériane devient
alors dépendante des investissements et de l'expertise
extérieurs.
L'organisation de la filière amont de l'industrie
pétrolière nigériane a ceci de particulier qu'elle accorde
l'exclusivité du travail de terrain à des actionnaires
minoritaires. Les compagnies pétrolières internationales,
malgré leurs parts relativement faibles dans les joint-ventures, sont
les opérateurs chargés d'extraire le pétrole du sous-sol
et des fonds marins. La compagnie SHELL par exemple, qui est partie dans une
joint-venture avec l'Etat dont elle détient 30% des parts, tandis que
celui-ci en possède 55%, est chargée des activités au jour
le jour sur le terrain.387 Le Nigéria fait ainsi preuve d'une
immaturité stratégique qui accentue sa dépendance
énergétique. L'approvisionnement du pays en pétrole est,
ainsi, tributaire des volumes extraits et effectivement déclarés
par les multinationales, travaillant dans l'amont pétrolier.
Au niveau de l'aval pétrolier, le Nigéria
connait essentiellement un problème d'approvisionnement de son
marché en produits raffinés. Le pays possède 4 raffineries
de pétrole : une au nord à Kaduna et trois au sud, dans les
villes de Port-Harcourt (deux) et de Warri (une). Elles lui assurent une
capacité théorique de raffinage de 438 000 barils par
jour,388soit environ 69 642 000 litres de pétrole. Or,
à cause d'une mauvaise gestion « chronique », les raffineries
nigérianes produisent un peu plus de la moitié de ces chiffres.
La NNPC, qui reçoit des compagnies opératrices 57% de la
production totale de pétrole brut, est alors obligée d'en
exporter une grande partie.389 Ainsi, l'essentiel des produits
pétroliers que l'on retrouve sur le marché nigérian est
importé. Le premier producteur de pétrole d'Afrique se trouve en
être également un importateur net. Les sommes engagées dans
l'achat du pétrole raffiné à l'étranger sont
importantes. Selon Sanusi Lamido Sanusi, gouverneur de la Banque centrale du
Nigéria, le pays a utilisé près de 16 milliards de dollars
de ses réserves
384 -Cf. supra
385 - Philippe Sébille-Lopez, « les hydrocarbures
au Nigéria et la redistribution de la rente pétrolière
», in Afrique contemporaine n°216, avril 2004, P
386 -Idem.
387 - Voir Amnesty International, CEHDR, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pé-
trole dans le Delta du Niger, Amnesty international,
novembre 2011, P. 26
388 -Cf. Alexandra Gillies, « Reformer la corruption de l'or
noir nigérian ? Première partie : cartographie des risques de
corruption dans la gouvernance de la filière pétrole. », in
U4 brief n°23, septembre 2009, disponible sur
http://www.u4.no/
389- Voir Ian Gary, Terry Lynn Karl, Le fond du baril,
catholic relief services, Juin 2003, p.26
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menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
de change, au cours des onze premiers mois de l'année
2011, pour importer du pé-trole.390 Il dépend presque
autant des importations de pétrole que certains pays peu ou non
producteurs. Cette dépendance pétrolière du
Nigéria, en plus de l'exposer aux aléas du marché
international, réduit considérablement l'impact économique
et social du pétrole.
L'importation de produits pétroliers raffinés
par le Nigéria a un coût économique considérable. En
effet, pour permettre aux nigérians d'acheter du pétrole moins
cher, l'Etat en subventionne les prix. Les distributeurs achètent le
pétrole aux prix du marché international, puis le revendent aux
prix subventionnés. Une filiale de la compagnie pétrolière
nationale leur rembourse la différence. Avant la tentative de suspension
des subventions aux prix du pétrole de janvier 2012, elles
coûtaient annuellement à l'Etat fédéral près
de huit milliards de dollars, soit plus du quart de ses
dépenses.391 Le soutien de l'Etat aux prix à la pompe
lui fait perdre des moyens financiers considérables et constitue une
poche de corruption et de détournement des fonds.392 En
outre, il ne résout pas le problème de la dépendance
énergétique du Nigéria. Bien qu'étant pour ses
adeptes le « seul bienfait tangible de la richesse
pétrolière pour la plupart des nigérians
»,393 la subvention aux prix du pétrole est une
manoeuvre politicienne qui grève le budget de l'Etat et l'empêche
de songer à l'amélioration des capacités de raffinage du
pays. Cette situation rend alors incertaine l'approvisionnement
énergétique du pays, dont la population est appelée
à croitre considérablement.
SECTION II : DEMOGRAPHIE ET
GESTION PETROLIERE AU NIGERIA : ANALYSE DE L'INCIDENCE DE LA CROISSANCE DE LA
POPULATION SUR LE DEVELOPPEMENT.
La démographie occupe une place importante dans toute
étude se rapportant à la gestion des ressources naturelles. Des
chercheurs ont réfléchi à des mesures permettant d'assurer
un certain équilibre entre évolution des ressources et
accroissement de la population. Un des plus célèbres d'entre eux,
Thomas Robert Malthus, estimait qu'à la passion réciproque entre
les deux sexes et à la tendance de tous les êtres vivants à
accroître leur espèce au-delà des ressources dont ils
disposent, il fallait opposer des mesures strictes de régulation de la
population.394 Pour lui, le pouvoir multiplicateur de la population
étant nécessairement supérieur à la croissance des
ressources, il est important de contrôler les naissances pour
éviter les crises. La maîtrise de la croissance
démographique apparait alors comme un défi
géostratégique et économique majeur. Mieux, c'est une
condition nécessaire au développe-
390 - Voir Jeune Afrique n°2662 du 15 au 21 janvier
2012.
391 -Voir Jeune Afrique n°2663 du 22 au 28 janvier
2012.
392 - Cf. Alexandra Gillies, « Reformer la corruption de
l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des risques
de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole. »,
in U4 brief n°23, septembre 2009, disponible sur
http://www.u4.no/
393 -Idem.
394 -Thomas Robert Malthus, Essai sur le principe de
population, publié en 1798 puis en 1803
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
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Nigéria.
ment et à l'émancipation stratégique des
pays pétroliers du Golfe de Guinée. Le Ni-géria, premier
producteur de pétrole d'Afrique en est également le pays le plus
peuplé. La forte croissance de sa population a souvent été
présentée comme le premier obstacle à son
développement. C'est donc, au moins en partie, à la forte
population nigériane qu'incombe la responsabilité de
l'insuffisance des résultats sociaux du pétrole. Cependant,
l'exemple de pays plus peuplés que le Nigéria et surtout mieux
développés vient relativiser cet argument, non sans souligner la
responsabilité des acteurs du secteur pétrolier dans la situation
économique et social du pays. La démographie du pays connait des
réalités complexes (Paragraphe 1) que les autorités
politiques n'ont pas encore réussi à maîtriser (Paragraphe
2). Leur capacité à gérer la crise dans le Delta du Niger
s'en trouve alors considérablement diminuée (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Etat des lieux de la démographie
au Nigéria et caractéristiques parti-
culières.
A- Présentation statistique de la population
nigériane :
Le Nigéria est, depuis quelques années, le pays
le plus peuplé d'Afrique.395 Selon des chiffres du Fonds
des Nations Unies pour la Population (FNUAP), le pays compte actuellement
158,3 millions d'habitants.396La tendance à la hausse de la
démographie au Nigéria devrait se confirmer dans l'avenir,
puisque son taux de fécondité annuel est égal à 5%
(contre 6% en Somalie et 7% au Niger). Des prévisions de la même
agence onusienne tablent sur une population estimée à 280
millions d'habitants d'ici à 2050.397 Le pays deviendra alors
la cinquième population mondiale derrière l'Inde, la Chine, les
Etats-Unis et le Pakistan.398
La population nigériane a connu, au cours des
années, une évolution fulgurante. Elle a doublé depuis
1970, pour se stabiliser aujourd'hui. Cette situation est le résultat
à la fois du fort taux de natalité et de la baisse
considérable de la mortalité infantile. En effet, le nombre
d'enfant par femme en 2008 était estimé à 5,4. Le taux de
mortalité chez les enfants est passé, quant à lui, de
157,6 pour 1000 en 1970 à 94 pour 1000 actuellement.399 Les
jeunes constituent la couche la plus importante de la population
nigériane. Ainsi, 62% de la population a moins de 25 ans ; les adultes
et les vieillards représentant respectivement 34,9% et
3,1%.400
395 - Cf. « Nigéria », Microsoft®
Encarta®, Microsoft corporation, 2008.
396- Voir « l'état de la population mondiale
en 2010 » publié le 20 octobre 2010 cité par l'agence
de presse africaine et disponible sur le site
www.geopopulation.com/201001231/demo
397 - Idem.
398 -Ibid.
399 - Cf. « Nigéria », Microsoft®
Encarta®, Microsoft corporation, 2008.
400 -Idem.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Les nigérians vivent de plus en plus en ville. Le taux
d'urbanisation du pays est d'un peu plus de 50%. Aux vieilles villes du nord et
du sud-ouest favorisées par le dynamisme de l'agriculture et la ferveur
religieuse, se sont ajoutées des villes pétrolières
(Onitsha, Port-Harcourt, etc.). Une nouvelle capitale, Abuja, a
été créée en 1991 pour des raisons à la fois
d'urbanisation et géopolitiques. Le nombre d'agglomérations au
Nigéria a augmenté depuis les années 1970 et plusieurs
villes comme Lagos, Ibadan et Kano comptent aujourd'hui plus d'un million
d'habitants. D'autres comme Onitsha, Port Harcourt, Oshogbo, Ogbomosho et
Kaduna comptent, pour leur part, plus de 500 000 habitants. La densité
de la population est de 152 habitants au kilomètre
carré.401
B- Population nigériane : diversité
culturelle et poids sous régional :
Le Nigéria connait une importante diversité
ethnique. Les principaux groupes socioculturels du pays sont les Haoussa
et les Peul qui se retrouvent dans le nord à
majorité musulman (près de la moitié de la population),
les Yoruba au sud-ouest et les Ibo au sud-est. D'autres
ethnies comme les Ijaw, les Itsékiris, les
Ibibios, les Tiv, les Kanouri ou les Nupes
sont quant à eux minoritaires. La répartition de la
population entre trois principaux groupes ethniques a souvent été
une cause de conflit majeur au Nigéria.402 En effet, chacun
d'entre eux revendique la légitimité pour la direction des
affaires nationales. Pour lutter contre le tribalisme, l'Etat a cessé,
depuis quelques années, de publier les statistiques relatives à
l'appartenance religieuse des nigérians. Cependant, les rivalités
entre les groupes ethniques ont abouti à une représentation qui
privilégie, dans la gestion des affaires fédérales, un
certain équilibre entre elles, mais surtout entre les deux principales
religions que sont l'islam et le christianisme. Ainsi, une entente tacite
prévoit une alternance à la tête de l'Etat entre
chrétiens et musulmans.403
Le poids démographique du Nigéria se ressent
également dans la sous-région Afrique de l'ouest à
laquelle il appartient. Il abrite un peu plus de la moitié de la
population de la CEDEAO404et ses ressortissants se retrouvent dans
tous les autres pays de la région. Cette situation augmente,
considérablement, son poids politique et économique. Il est ainsi
le premier PIB de l'Afrique de l'ouest, représente 35% du PIB global de
la sous-région405et est le plus grand contributeur en homme
de la force d'interposition de la CEDEAO (ECOMOG).406 Bien que le
leadership régional du Ni-géria soit de temps en temps
contesté, par d'autres pays comme la Côte d'ivoire, le
401 -Ibid.
402 -Op.cit
403 - C'est au nom de cette entente tacite qu'à
OLOSEGUN OBASANJO le chrétien a succédé UMARU MOUSSA
YAR'ADUA le musulman ; lequel à la suite de son décès
subit a été remplacé par le chrétien GOODLUCK EBELE
Jonathan.
404 - Les chiffres de l'année 2008 évaluent la
population de la communauté des Etats de l'Afrique de L'ouest à
un peu plus de 500 millions d'habitants.
405 - Cf. Jeune Afrique n°2663 du 22 au 28 janvier 2012.
406 - Cette situation s'est vérifiée à
l'occasion de nombreuses crises politiques en Afrique de l'ouest notamment en
Sierra Leone et, tout récemment, au Mali. C'est alors un
général nigérian qui est , la plupart du temps, à
la tête des opérations de cette force sous régionale.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Ghana ou le Sénégal, le pays reste, par son
poids économique et surtout démographique, la locomotive de
l'Afrique de l'ouest.
Le Nigéria est alors une puissance démographique
en devenir. La croissance soutenue de sa population fera de lui, dans les
années qui viennent, un des foyers humains les plus importants au monde.
Il pourra alors se servir de son poids démographique pour peser sur la
direction du monde. Il faudra pour cela que les autorités politiques
nigérianes se montrent plus efficaces dans la gestion de l'important
potentiel démographique du pays.
Paragraphe 2 : La problématique de la
démographie au Nigéria.
A- Conséquences sociales et économique du
management inadéquat de la population nigériane :
La population nigériane constitue, selon certains
analystes, un facteur handicapant pour le développement du pays. Le
manque de résultats sociaux et économiques du pétrole est
souvent imputé au nombre élevé de nigérians. Des
pays pétroliers comme le Gabon ou la Guinée Equatoriale, par
exemple, dont la gestion du secteur pétrolier n'est pas un modèle
de bonne gouvernance et de rence,407ont une situation
économique avantageuse comparée à celle du
Nigéria.408 Il est alors considéré, que la
faible population de ces pays fait moins ressortir le caractère
inégalitaire de la gestion de la rente. Cependant, si le nombre
élevé de la population nigériane peut être
considéré comme un frein au développement du pays, c'est
bien à cause du manque de management de la démographie par les
régimes politiques successifs. Ces derniers ont géré les
revenus pétroliers sans une véritable stratégie
démographique. La captation de la rente ayant été
érigée en principe de gestion en matière
pétrolière, il n'a jamais (ou très peu) été
question d'une prise en considération de la population dans les
politiques énergétiques.
Une des premières conséquences du manque de
vision stratégique des politiques nigérians en matière de
gestion énergétique est sans doute le faible approvisionnement en
électricité du pays. En effet, malgré ses importantes
potentialités énergétiques409 de nombreux
nigérians n'ont toujours pas de l'électricité chez eux.
Selon EWAH OTU ELERI, directeur de l'International Centre for Energy,
Environment and Development (ICEED) à Abuja, (( la pauvreté
(( énergétique » est un phéno-
407 -Voir Ian Gary, Terry Lynn Karl, Le fond du baril,
catholic relief services, Juin 2003, pp.29-40
408 -Le Gabon et la Guinée Equatoriale possèdent
chacun un Indice de Développement Humain supérieur à celui
du Nigéria. Cf. PNUD, « Vers une sécurité alimentaire
durable. »Résumé. Rapport sur le développement
humain en Afrique- 2012, PNUD 2012 disponible sur
https://unp.un.org,
www.undp.org/africa et
www.afhdr.org.
409 -
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
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mène bien établi au Nigéria
».410 Environ 85 millions de personnes, soit près de 60%
de la population, n'ont pas accès aux services
électriques.411Le taux d'électrification rurale, quant
à lui, n'excèderait pas les 20%.412 Or, le potentiel
énergétique du pays est important. Chaque jour, de
quantités considérables de gaz sont brûlées au
moment de l'extraction du pétrole. Cette activité, qui concerne
des milliers de mètres cubes de gaz, est non seulement nocive pour
l'environnement,413 mais constitue aussi un manque à gagner
énergétique et économique considérable. Le gaz qui
est ainsi gaspillé pourrait, en effet, servir à
l'approvisionnement électrique du pays.414 Le secteur
électrique nigérian souffre du manque de
prévisibilité des politiques énergétiques.
Même si un des projets du gouvernement est d'élargir
l'accès « fiable et à moindre coût » de
l'électricité à tous les nigérians, par l'ouverture
du secteur aux partenaires privés, et l'augmentation de la
capacité de production du pays,415 force est de constater que
la couverture électrique est encore faible.
La moitié de la population nigériane est
concentrée dans les centres urbains.416 Des villes comme
Lagos, Ibadan ou Kano constituent de véritables agglomérations,
avec des millions d'habitants. L'urbanisation du pays entraine de nombreuses
conséquences comme le chômage, la délinquance urbaine et
une importante criminalité.417 Il s'est alors formé
une « violence structurelle »418 qui en fragilise la
stabilité sociale. La politisation de l'appartenance ethnique et de la
religion, la faiblesse du système de justice, la corruption et
l'insécurité croissante due à la démotivation des
forces de sécurités, ont entraîné la formation de
milices dans tout le pays.419 Des conflits opposent
régulièrement chrétiens et musulmans dans le nord comme
dans le sud. Les victimes à cette occasion se comptent par
milliers420 et les dégâts matériels sont
considérables. La violence au Nigéria provoque un
déplacement des populations à l'intérieur comme à
l'extérieur du pays. En 2009, par exemple, 1786 nigérians ont
déposé une demande d'asile en suisse.421 Les forces de
police ne sont pas en reste dans la culture de la violence. Elles sont
responsables chaque année de centaine d'exécutions
extrajudiciaires, de tortures, de viols, de disparitions et de chantages.
410 -Voir Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience
énergétique et écologique au Nigéria, Helio
internatio-nal/Nigéria, 2007, p.5
411 -Idem.
412 -Ibid.
413 -Le total des émissions de CO2 dû au torchage de
gaz au Nigéria représente 10% des émissions de C02 de
l'Afrique subsaharienne. Voir les Amis de la terre Europe, les Amis de la terre
Pays-Bas, les Amis de la terre France et CEE bankwatch, Torchage du gaz au
Nigéria. Les perdants : l'environnement, le développement, la
vie, février 2011.
414 -Idem.
415 - Cf. Groupe de la Banque Africaine de
Développement, Nigéria. Programme de réforme de
l'économie et du secteur de l'énergie (EPSERP). Rapport
d'évaluation, aout 2009, p.13
416 -0p.cit
417 - Lagos est ainsi considérée comme la ville la
plus violente au monde. Cf. Stéphane Quéré, Les clans
criminels Nigérians, mémoire soutenu en vue de l'obtention
du diplôme universitaire « analyse des menaces criminelles
contemporaines » session 1999-2000, Université de Paris II
(Panthéon-Assas), octobre 2001, p.6
418 - Voir Alexandra Geiser, Nigéria,
Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), mars 2010, P.2
419 -Idem.
420 -On recense depuis le retour à la démocratie un
peu plus de 13 000 victimes de ce genre de conflit. Cf. Alexandra Geiser,
Nigéria, Organisation suisse d'aide aux réfugiés
(OSAR), mars 2010, P.7
421 -Idem.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Les chiffres des décès commis par la police entre
2000 et 2008 varient entre 3000 et 10 000 personnes.422Cette
situation a propulsé le Nigéria à la 162e place
du Failed states index 2009 sur 177 pays. L'« incertitude sociale
» du Nigéria rend encore plus difficile son développement
par le pétrole, et réduit considérablement son
«avantage démographique ».
B- « L'avantage démographique » comme
attribut des puissances stratégiques :
En effet, l'importance de la population ne constitue pas un
obstacle pour les pays stratégiquement émancipées. Elle
leur sert plutôt d'argument de puissance et représente une chance
de développement. Des pays comme la Chine, l'Inde ou les Etats-Unis ont
par exemple pu devenir des nations riches et puissantes, malgré leur
population importante. Si ces pays rencontrent, comme le Nigéria, des
problèmes de pauvreté ou de délinquance urbaine, ils ne
sont pas moins des modèles d'une puissance par le nombre. Le
Nigéria ne saurait alors être considéré comme un
pays pauvre victime de l'importance de sa population. Les véritables
responsables de l'inadéquation, dans le pays, entre richesses
disponibles et nombre d'habitants sont les autorités en charge de la
gestion de la rente pétrolière.
L'importante démographie du Nigéria est un
avantage, à la fois, pour son développement et son
émancipation stratégique. Premier marché d'Afrique, il
peut se servir de sa population pour devenir, comme la Chine, « l'atelier
du monde ». Il permettrait ainsi l'essor de son secteur industriel encore
amorphe. Le statut de puissance régionale et mondiale que réclame
le pays dépend de sa capacité à gérer sa population
importante. Celle-ci cesserait alors d'être un boulet pour son
développement, pour en devenir le facteur déclencheur. Les
autorités politiques nigérianes doivent pour cela mettre en
marche une véritable « démo stratégie
»,423 capable d'accorder au Nigéria la puissance
à laquelle lui donne droit son poids démographique. Cela passe
aussi par un management adéquat des populations du Delta du Niger.
Paragraphe 3 : Gestion pétrolière et
« ethnicisation » de la rente. A- L'ethnie au centre
du processus de développement nigérian :
Le Nigéria est un pays à la diversité
ethnique et culturelle importante. Avec plus de 250 groupes
ethniques,424 il représente une mosaïque de
civilisations et de réalités politiques. Il s'inscrit ainsi dans
la logique de la plupart des pays du Golfe de Guinée, dont le «
bagage » socioculturel est considérable. Le paysage sociologique au
Nigéria est composé de groupes majoritaires (Yorouba,
Haoussa-Peul, Ibo) et d'ethnies minoritaires (Ogoni, Itsékiris,
Ijaw, Edo, Tiv, Kanouri, etc.), répartis sur l'ensemble du pays.
Les régions agricoles du nord et du sud-ouest (cacao, palmier à
huile, arachide, etc.) sont habitées majoritairement par les Yorouba
et les Haoussa.
422 -Ibid.
423 -Littéralement stratégie
démographique.
424 -Cf. Alexandra Geiser, Nigéria, Organisation
suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), mars 2010, P.2
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
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Nigéria.
Le sud et le sud-est pétroliers regroupent, quant
à eux, les Ibo et près de 40 autres groupes ethniques
dits « minoritaires ».425
Le Nigéria est un pays essentiellement agricole
à l'origine. L'agriculture de subsistance et commerciale ont longtemps
fait la prospérité de nombreuses régions du pays, au nord
et au sud. Certains observateurs estiment par exemple que des peuples comme les
Haoussa ou les Yorouba ont bâti leur influence sur un
commerce et une agriculture florissants. La proximité de la mer a
influencé, quant à elle, les activités des peuples
côtiers qui s'adonnaient en priorité à l'agriculture et
à la pêche. Ils contrôlaient en outre, avant
l'arrivée des colonisateurs, le commerce entre le Moyen-Niger, le Haut-
Delta et les européens.426 L'utilisation par les groupes
ethniques des potentialités de leurs milieux naturels a favorisé
l'institution au Nigéria, pendant la colonisation, d'un Etat respectueux
des spécificités des populations. Ce fédéralisme
institutionnel s'est progressivement transformé en
fédéralisme économique et financier, avec l'octroi
d'avantages aux régions les plus
prospères.427L'avènement de l'industrie
pétrolière est venu remettre en question cette logique de
développement endogène, sans pour autant enlever à
l'appartenance ethnique son importance politique et stratégique.
B- L'ethnicisation des stratégies des acteurs du
secteur pétrolier nigérian :
Les importants moyens financiers, générés
par l'industrie pétrolière, ont suscité des appels de
populations habitant les régions non pétrolières, pour une
répartition de la rente à l'ensemble du pays. Pour de nombreux
nigérians, le reversement des revenus pétroliers aux seules
régions productrices créerait d'importantes différences de
développement. L'argent du pétrole est alors redistribué
en prenant en compte, non pas le statut pétrolier de certaines
régions, mais les besoins et l'importance de la population des Etats
fédérés et des collectivités locales.428
Ces revendications économiques, qui viennent exacerber la grande
rivalité politico-économique qui oppose les principaux groupes
ethniques du pays, a abouti à une « ethnicisation » de le
rente pétrolière au Nigéria.
L'appartenance ethnique constitue un enjeu majeur dans la
redistribution de la rente pétrolière au Nigéria. A la fin
des années 1960, l'Etat s'est arrogé la propriété
exclusive des ressources minérales et foncières du pays par
l'adoption de deux lois : La Petroleum Decree (1969) et la Land
Use Act (1978).429 Il a alors développé une
politique de redistribution de la rente pétrolière, qui lui
permet de garder une prééminence financière et politique
sur les autres niveaux de gouvernement. En contrepartie, des minorités
ethniques présentes dans le Delta pétrolier ont revendiqué
et obtenu, de la part de l'instance fédérale, la création
d'Etats ethniquement homogènes,
425 - Voir Sylvie Fanchette, « le delta du Niger
(Nigéria) : rivalité de pouvoir, revendications territoriales et
exploitation pétrolière ou les ferments de la violence. »,
Hérodote, n°121, la découverte, 2e
trimestre 2006, p.
190-219.
426 - Idem.
427 -Cf. Supra
428 -Op.cit
429- Cf. supra
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pour mieux contrôler les dividendes pétroliers.
Il s'agit pour ces ethnies de se constituer en clientèle politique pour
s'assurer une meilleure représentation sur le plan national, et donner
à l'allocation fédérale statutaire une coloration
ethnique. Le nombre d'Etats fédérés est ainsi passé
de 4, à l'indépendance, à 12 à la fin des
années 1960 ; puis à 36 en 1996. Des Etats à connotation
ethniques, comme ceux de Delta et de Bayelsa, ont pu ainsi
voir le jour. Dans le même temps, des gouvernements locaux,
profondément ethnicisés, étaient crées.
De même, l'Etat fédéral a élargi la
région du Delta du Niger à d'autres Etats non deltaïques,
créant ainsi un « delta politique ». L'« ethnicisation
» du fédéralisme nigérian, et par contrecoup de la
rente pétrolière, a entrainé de nombreuses tensions entre
groupes ethniques majoritaires, qui se retrouvaient minoritaires dans les Etats
nouvellement crées. Aujourd'hui, si l'argent du pétrole est
reversé aux Etats fédérés et aux gouvernements
locaux, il vise en priorité la satisfaction des ethnies majoritaires
dans celles-ci et par ricochet la préservation de la stabilité
sociale du pays. L'argent du pétrole favorise alors les manoeuvres
politiciennes au détriment du développement du Delta du Niger. Il
a ainsi servi pour le développement de villes comme Lagos ou
Abuja,430 alors que de nombreuses villes du sud sont
enclavées. Dans ces conditions, il est difficile de ne pas
considérer la plupart des mesures gouvernementales dans le secteur
pétrolier, ces dernières années, comme éminemment
politiques.
Les multinationales pétrolières ont
également fait de l'appartenance ethnique un principe central dans leurs
relations avec les nigérians. Ainsi, celles-ci ont divisé les
populations dans le Delta du Niger en « communautés
pétrolières » et « communautés non
pétrolières ».431 Elles accordent des
bénéfices considérables aux premières, en y
réalisant des projets de développement, promettent des emplois
aux jeunes et accordent même, aux leaders des communautés locales,
une prime appelée « stay-at-home remuneration
».432 Par cette politique discriminante, elles s'assurent le
soutien de certains groupes ethniques, « achètent » la paix
sociale, tout en créant de vives tensions au sein des
communautés, ou entre elles.
La lutte militante, elle aussi, a toujours revêtu une
coloration ethnique. De nombreux militants ont fait de la défense de
leur tribu l'objectif central de leur combat, comme si la réparation de
l'injustice dont elle était victime règlerait par le même
fait tous les problèmes du Nigéria. L'appellation de nombreux
groupes militants (Movement for Survival of Ogoni People MOSOP,
Ijaw Western Zone, Ijaw Youth Conference IYC, Federated Niger Delta
Ijaw Communities FNDIC, etc.) illustre cette ethnicisation du militantisme
dans le Delta du Niger. Cette situation a abouti à une balkanisation du
militantisme et, par ricochet, à une fragilisation de celui-ci. Les
leaders militants sont les complices des faibles résultats sociaux du
pétrole à cause de la collusion, réelle ou
supposée, qui existe souvent entre eux et les multinationales
430 - Cf. supra
431 - Voir Sylvie Fanchette, « Le delta du Niger :
rivalités de pouvoirs, revendications territoriales et exploitation
pétrolière ou les ferments de la violence »,
Hérodote n°121, la Découverte, deuxième
trimestre 20006, p.206
432 - Idem
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
du pétrole. La gestion problématique de
l'industrie pétrolière a également des conséquences
sur sa stature internationale.
SECTION III : Industrie pétrolière et
stature internationale du Nigéria.
Le Nigéria est un des pays africains les plus ouverts
à la coopération internationale. Le développement de son
industrie pétrolière, lui a permis d'élargir sa gamme de
partenaires économiques et de se retrouver au centre de nombreux enjeux
éner-gétiques.433 Il est aujourd'hui un des axes
majeurs de la géopolitique du pétrole sur le plan mondial.
Grâce à cette ouverture à l'international, le pays
bénéficie de moyens financiers considérables et d'un
commerce extérieur généralement
excédentaire.434 La santé financière du
Nigéria ne suffit, cependant, pas à cacher le retard
considérable qu'il a pris dans son processus de développement. En
effet, malgré le dynamisme de son industrie pétrolière, le
pays demeure parmi les moins avancés au monde. En cause, la gestion
subjective du pétrole par les régimes politiques successifs, et
la vulnérabilité de son secteur pétrolier. La politique du
« tout pétrole », menée par les dirigeants du pays, n'a
pas pu venir à bout de sa situation de sous-développement et a
réduit considérablement ses chances d'accéder durablement
à un leadership régional. Si le Nigéria est
incontestablement un des pays les plus puissants d'Afrique, la fragilité
de sa stabilité économique, politique et sociale jette un doute
sur son avenir. La géopolitique des hydrocarbures, qui est le fait des
grands consommateurs, apparait comme une des sources du manque de
diversification des échanges au Nigéria (Paragraphe 1). Les
nombreux enjeux sur le pétrole nigérian et la vitalité de
son marché pétrolier contrastent alors avec le faible niveau
d'industrialisation du pays (Paragraphe 2) et ne lui permettent pas
d'être la locomotive de la coopération sous-régionale en
Afrique de l'ouest et dans le Golfe de Guinée (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : La géopolitique du
pétrole comme source de la dépendance du Nig é-ria
à la rente pétrolière.
A- Industrie pétrolière et relations
internationales :
Le pétrole occupe une place importante dans le
fonctionnement de la société de consommation actuelle. Selon
certaines statistiques, il représenterait près de 40% de
l'énergie primaire consommé dans le monde chaque
année.435 Il sert dans les transports,
l'électrification, l'industrialisation, les efforts de guerre, la
pharmacie, le brico-
433 -Cf. supra
434 - Cf. Nigéria, Microsoft® Encarta®
2009 [DVD], Microsoft Corporation, 2008
435 -Cf. annexe n°
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 100
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
lage, etc. Si l'on considère la relation entre la
consommation d'énergie et le développement au cours de
l'histoire, on comprend mieux le rôle stratégique joué par
l'industrie pétrolière. Il représente, à la fois,
une importante source de devises et une arme politique
redoutable.436 Malgré les découvertes
réalisées dans le domaine des énergies renouvelables,
l'industrie pétrolière se porte bien.
Les relations internationales sont considérablement
influencées par le commerce du pétrole. Les pays
pétroliers trouvent, auprès de nombreux clients, des
débouchés pour leur production et nouent des relations à
la fois économiques, politiques et militaires (dans certains cas) avec
les grandes puissances ; tandis que celles-ci se battent pour équilibrer
le marché et influencer les prix du baril de pétrole.
Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les puissances
occidentales et asiatiques se sont engagées à réduire
l'influence des pays de l'OPEP et se sont tournées vers des clients dont
le pétrole est plus « accessible ». Des régions comme
le Golfe de Guinée, la Sibérie, la mer du Nord ou l'Alaska se
sont ainsi vu érigées en alternatives aux grands producteurs
moyens-orientaux ou sud américains. La place qu'occupe la question du
ravitaillement des grands consommateurs dans la conduite de leur politique
internationale est importante. Certains d'entre eux sont alors
soupçonnés, sous des motifs divers, d'avoir mené de
véritables « guerres pétrolières
».437 Il s'est alors développé, au cours de ces
dernières années, une véritable géopolitique voire
une géostratégie du pétrole dont le but, pour les grands
consommateurs, est de s'assurer un approvisionnement régulier
auprès de clients « bien disposés ».438
B- Relations pétrolières et dépendance
stratégique du Nigéria :
Le Nigéria, qui est le plus gros exportateur de
pétrole d'Afrique, bénéficie d'une ouverture
considérable à l'internationale. La diversité de ses
partenaires pétroliers fait de lui l'exemple typique du pays africain
qui privilégie le pragmatisme à toute considération
stratégique ou idéologique, dans la gestion de sa filière
pétrolière. Sa situation, dans le Golfe de Guinée, fait de
lui une étape nécessaire au positionnement des grandes puissances
dans cette dynamique région pétrolière. L'exposition aux
projets de puissance des grands consommateurs, qui en résulte, a une
grande responsabilité dans le développement d'une économie
de rente dans le pays. Le statut de partenaire énergétique
majeur, qu'a le Nigéria auprès certaines grandes puissances, a
obligé ses dirigeants politiques à faire de l'industrie
pétrolière le maillon essentiel de son économie. En tant
qu'important fournisseur des Etats-Unis, par exemple, le Nigéria se
retrouve au centre du projet de sécurisation énergétique
par l'Afrique du premier consommateur mondial de pétrole.439
Il est alors obligé
436 - Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 illustrent le
caractère politique que peut revêtir la production
pétro-lière d'un pays. Au cours de ceux-ci, les pays
pétroliers du Golfe Persique ont fait valoir leur rôle dans la
stabilité de l'économie voire la stabilité du monde.
437 - Les différentes campagnes militaires
américaines dans le Golfe ont souvent été
présentées comme des guerres aux objectifs pétroliers. De
même, de récentes révélations ont fait état
de certains arrangements pétroliers qui auraient constitué le
préalable à l'engagement militaire français dans la guerre
du Biafra au Nigéria ou dans la chute de Mouammar Kadhafi.
438 -Cf. supra
439 -Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 101
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
d'augmenter ses potentialités pétrolières
et, par contrecoup, d'aggraver la dépendance de son économie aux
revenus tirés de la vente du pétrole. Les avantages politiques et
militaires, que la coopération pétrolière avec les
Etats-Unis procure au Nigé-ria, sont des raisons supplémentaires
au maintien dans le pays d'une économie rentière.
Les ambitions pétrolières de la Chine au
Nigéria constituent un autre pan de la géopolitique du
pétrole menée par les grandes puissances dans le Golfe de
Guinée. Le second consommateur de pétrole au monde a fait de sa
présence en Afrique une question stratégique.440 La
grande industrialisation de la Chine et son essor économique font de lui
un véritable consommateur d'énergie. L'engagement de l'empire du
milieu, dans l'univers pétrolier nigérian, est alors dicté
non seulement par les besoins de son industrie, mais aussi par sa
volonté de revêtir les attributs d'une puissance globale. Les
importants moyens financiers mis par le pays dans l'acquisition de blocs
pétroliers au Nigéria441sont autant de preuves de la
pérennité de ses ambitions africaines. Les autorités
politiques nigérianes, encouragées par ces investissements,
deviennent moins attentives aux risques économiques et surtout
stratégiques d'une dépendance aux revenus pétroliers.
D'autres pays comme la France, l'Angleterre, les Pays-Bas ou l'Italie
encouragent également, à travers leur engagement dans l'industrie
pétrolière au Nigéria, une faible diversification de son
l'économie.
La géopolitique du pétrole est aussi un moyen
d'affirmation international pour le Nigéria. En effet, depuis les
régimes militaires, le pays a toujours considéré ses
relations privilégiées avec les grandes puissances comme un moyen
d'améliorer sa stature internationale. Il s'est alors engouffré
dans les méandres des relations pétrolières
internationales, sans se rendre compte qu'elles aboutiraient, pour lui,
à un assujettissement à la volonté des grands
consommateurs. Si le Nigéria est aujourd'hui dépendant des
revenus pétroliers, c'est bien à cause des relations commerciales
qu'il a tissé avec ses nombreux partenaires internationaux. Ceux-ci y
jouent, pour la plupart, leur sécurité énergétique
ou leur statut de puissance mondiale.442 Le Nigéria est
victime des convoitises que suscitent ses potentialités
pétrolières. Il constitue une arène où s'affrontent
les consommateurs de pétrole pour la conquête des marchés
et des positions de puissance. La responsabilité des autorités
politiques nigérianes dans la situation de dépendance
stratégique et économique de leur pays est indéniable.
Leurs errements ont entrainé le pays dans une spirale de projets
géostratégiques, et limité considérablement son
industrialisation.
Paragraphe 2 : Enjeux
énergétiques internationaux et sous-industrialisation du
Nigé-ria.
A- Etat du développement industriel au
Nigéria :
L'industrialisation en Afrique était perçue, au
moment des indépendances, comme un moyen de rompre avec «
l'échange inégal lié à la domination
exté-
440 -Cf. supra
441 -
442 -Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 102
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
rieure ».443Pour les pays africains, il
fallait nécessairement rompre avec la dépendance
économique instituée par la colonisation. Le développement
industriel de l'Afrique apparaissait, à la fois, comme un moyen pour le
continent d'assurer son « décollage économique » ou
« take off »444 et de s'émanciper de la
tutelle occidentale. Deux options furent à la base des politiques de
développement : l'adoption de l'idéologie capitaliste et
l'ouverture extérieure ou, le socialisme et l'indépendance
économique.445 De nombreux pays africains, parmi lesquels le
Nigéria décidèrent de privilégier le premier
modèle, tandis que d'autres comme l'Algérie se mirent à
l'école du développement par l'application de politiques
socialistes. S'il a pu être constaté quelques différences
de développement entre les pays africains, différences
dépendant surtout de la conjoncture sociale et politique des pays
plutôt que d'autre chose, il est tout de même loisible de noter la
faible industrialisation du continent pris dans son ensemble.
Le Nigéria, pays pétrolier par excellence,
n'échappe pas à la règle. Les infrastructures et les
institutions du pays sont jugées faibles par certains
teurs.446La volonté des autorités politiques
nigérianes de faire du pétrole le pilier de la croissance
économique a provoqué un net abandon des autres secteurs
d'activités et développé une économie de rente. Le
financement des projets industriels par l'apport de capitaux extérieurs
(surtout dans le secteur pétrolier) a provoqué, comme dans de
nombreux autres pays africains, un endettement important.447 Le
Nigéria a alors été pendant plus d'une décennie un
des nombreux pays africains sous ajustement structurel du FMI et de la Banque
mondiale. Aujourd'hui, il fait partie des pays les moins avancés (PMA)
qui représentent moins de 2% du PIB mondial et environ 1% du commerce
mondial de marchandises.448 Son indice de développement
humain est faible et inférieur à la moyenne
régionale.449La relative précarité de
l'économie nigériane témoigne de l'inadéquation des
politiques et choix industriels postindépen-dance. L'extraversion
étatique dont souffre le pays y a permis l'essor d'une industrie au
potentiel de développement faible. Or, comme l'affirment Jean
Chevassu, «le développement économique passe
nécessairement à long terme par
443 -Voir Jean Chevassu, Les stratégies industrielles
et le développement économique de l'Afrique, thème
présenté lors du colloque « vers quel nouvel ordre mondial ?
» organisé par l'université de Paris VIII, à la
Sorbonne les 28-29-30 septembre 1983.
444 -L'expression est de l'économiste W. W. Rostow, qui
a consacré quelques travaux à l'étude du
développement économique.
445 - Voir Jean Chevassu, Les stratégies industrielles
et le développement économique de l'Afrique, thème
présenté lors du colloque « vers quel nouvel ordre mondial ?
» organisé par l'université de Paris VIII, à la
Sorbonne les 28-29-30 septembre 1983.
446 - Cf. Nigéria, centre d'information
économique et politique, Canada, novembre 2012. Contact
epic@edc.ca
447 - Voir Jean Chevassu, Les stratégies industrielles
et le développement économique de l'Afrique, thème
présenté lors du colloque « vers quel nouvel ordre mondial ?
» organisé par l'université de Paris VIII, à la
Sorbonne les 28-29-30 septembre 1983.
448 -Voir ONUDI, Rapport annuel 2011, copyright ONUDI
2012 disponible sur
www.unido.org
449 -Op.cit
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 103
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
l'industrialisation. ».450 Si des
avancées considérables peuvent être notées dans des
secteurs comme l'agroalimentaire, le bâtiment et travaux publics, le
textile, l'automobile, les mines ou l'acier, force est de constater que le
tissu industriel nigérian est majoritairement dominé par
l'activité extractive.
B- Impact du dynamisme pétrolier sur la faible
industrialisation du Nigéria :
Le développement de l'industrie
pétrolière au Nigéria a eu un impact négatif sur la
diversité de son tissu industriel. Les revenus de la rente servent
généralement au financement du budget fédéral, des
administrations locales, à l'achat des équipements militaires ou
à l'entretien d'une clientèle politique toujours plus nombreuse.
Des secteurs comme l'agriculture ou la pêche souffrent de la
volonté des autorités publiques nigérianes de
développer, en priorité, l'industrie extractive. Cette situation
fait du Nigéria un pays à l'autosuffisance alimentaire
problématique et surtout incapable de résister aux chocs tels que
la famine ou la sècheresse. Les nombreux enjeux sur le pétrole au
Nigéria apparaissent ainsi comme néfastes à la
diversification de son tissu industriel et donc au développement du
pays. Les autorités politiques nigérianes ont fait de la
captation de la rente pétrolière le principal objectif de
l'exploitation du pétrole.451 Cette dernière, qui
pourtant procure la majorité de ses moyens financiers à l'Etat,
souffre néanmoins d'une relative faiblesse infrastructu-relle. Ainsi, la
vétusté et surtout le manque d'entretien des raffineries
pétrolières obligent le pays à exporter une grande partie
de son pétrole brut, pour le réimporter en-suite.452
Cette situation témoigne de l'inadéquation entre le paysage
industriel nigérian et ses prétentions à un leadership
régional. Or, comme le dit Hanna Tro-janowska,
sous-secrétaire d'Etat au ministère polonais de
l'économie, « les économies ayant un secteur manufacturier
solide sont exposés à des conditions de production moins
volatiles, demeurent plus stables et sont susceptibles de générer
des emplois et de connaitre une croissance économique rapide.
»453 La sous-industrialisation du Nigéria apparait alors
comme un paradoxe face à la multiplicité des enjeux
énergétiques qu'il connait. Elle a des conséquences sur sa
marche vers le développement, mais aussi sur la coopération
pétrolière dans la sous-région Afrique de l'ouest.
450 - Voir Jean Chevassu, Les stratégies industrielles
et le développement économique de l'Afrique, thème
présenté lors du colloque « vers quel nouvel ordre mondial ?
» organisé par l'université de Paris VIII, à la
Sorbonne les 28-29-30 septembre 1983, P.29
451 - Cf. supra
452 -Cf. supra
453 -Idem.
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Yaoundé II-Soa. Page 104
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Paragraphe 3 : Stratégies
pétrolières et faible intégration
énergétique sous-régionale.
454
A- Boom pétrolier et recul de la
coopération dans le Golfe de Guinée :
Le Golfe de Guinée est un espace géographique
à la richesse pétrolière considérable. Le dynamisme
qu'y connait l'industrie pétrolière, fait de lui une étape
incontournable dans la géopolitique mondiale des hydrocarbures. Avec des
réserves prouvées de pétrole brut estimées en 2001
à 10,2 milliards de tonnes,455 le Golfe de Guinée est
la troisième région pétrolière au monde
derrière le Proche-Moyen-Orient (93,3) et l'Amérique du sud
(13).456 Les découvertes récentes de gisements
pétroliers dans quelques pays (Côte d'ivoire, Ghana, Sao tome et
principe, etc.) et le développement de la prospection en eaux profondes
pourraient, à l'avenir, en augmenter les potentialités. La
relative permissivité de la région aux influences
étrangères constitue un élément de choix dans la
volonté des grands consommateurs d'y déployer leurs projets
géostratégiques.
Les pays impliqués dans l'industrie
pétrolière dans le Golfe de Guinée, qu'ils soient
producteurs ou simples acheteurs, développent avec des fortunes diverses
des stratégies visant à leur garantir un gain absolu dans les
relations pétrolières. Les grands consommateurs essayent de
réduire au maximum le montant de leur facture énergétique,
tout en stabilisant ou en augmentant les quantités de brut
importées. Les pays producteurs développent, quant à eux,
des pratiques contractuelles visant à leur assurer une clientèle
toujours plus nombreuse et diversifiée. Cette ouverture à la
coopération pétrolière internationale fait des pays de la
région les grands perdants de la dialectique des intelligences qui les
oppose aux nations les « plus avancées ». En effet, le
développement de stratégies pétrolières
différentes et surtout inappropriées, par les pays du Golfe de
Guinée, réduit leur capacité à résister aux
assauts des grands consommateurs, et ne permet pas une intégration
énergétique efficiente. En outre, elle ne règle pas le
problème de l'insuffisant approvisionnement énergétique
que connaissent la plupart des pays de la région. Or, quatre
bénéfices majeurs pourraient être associés à
l'intégration énergétique au niveau régional : une
sécurité plus grande de la fourniture, une meilleure
efficacité économique, une meilleure qualité
environnementale et un plus grand déploiement des ressources
d'énergies renouve-lables.457
B- Impact économique et politique de
l'individualisme stratégique dans le Golfe de Guinée
:
La faible intégration énergétique dans le
Golfe de Guinée a des conséquences majeures, sur l'industrie et
l'économie nigérianes. Tout d'abord, elle favorise le trafic
454 - Il s'agit ici du Golfe de Guinée qui comprend
à la fois des pays de la sous-région Afrique de l'ouest et de
l'Afrique centrale.
455 - Cf. supra
456 -Voir Michel Kounou, Pétrole et pauvreté
au sud du Sahara, analyse des fondements de l'économie politique du
pétrole dans le Golfe de Guinée, éditions clé,
2006, P.31
457 -Voir Conseil Mondial de l'Energie, Intégration
régionale de l'énergie en Afrique, Juin 2005, p.10. Site
inter-net :
www.worldenergy.org
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 105
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
illégal de pétrole brut qui a cours au
Nigéria et dans lequel de nombreux pays voisins sont engagés.
Selon certaines informations, entre 30 000 et 300 000 barils de pétrole
seraient exportés illégalement du Nigéria chaque
jour.458 Le pays perd ainsi une partie importante des revenus qu'il
est endroit d'attendre de la vente de son pétrole, et ne profite pas de
tous les bienfaits potentiels de l'industrie pétrolière. Ensuite,
le manque de coopération pétrolière entraine, pour le
Nigéria, un manque de débouché pour la vente du gaz issu
de l'extraction du pétrole. Ce dernier, qui est brûlé
chaque jour au sortir des puits de pétrole, est la cause d'une
importante pollution environne-mentale.459 Le projet du «
gazoduc ouest africain », qui devrait relier les champs
pétrolifères du Nigéria au Ghana, au Bénin et au
Togo, apparait comme une solution à encourager. L'incertitude et
l'insuffisance de l'approvisionnement énergétique sont d'autres
conséquences de la faible intégration énergétique
dans le Golfe de Guinée. Si l'industrie pétrolière y est
caractérisée par une extraversion poussée, elle est
surtout la preuve d'une géostratégie du pétrole qui met
les pays pétroliers de la région à la merci des grands
consommateurs. Le manque d'intégration pétrolière
suffisante, entre les pays du Golfe de Guinée, les rend donc plus
vulnérables aux projets de puissance des clients de son
pétrole.
Les stratégies pétrolières des
différents pays du Golfe de Guinée, associés à la
réalisation des projets géostratégiques des grands
consommateurs de pétrole, rendent difficile une coopération
énergétique dans la sous-région. Ces pays qui comptent sur
les revenus pétroliers pour se refaire « une santé
économique » ne prennent pas en priorité la mise en place
d'un véritable partenariat énergétique
sous-régional. Or, l'immaturité stratégique dont ils font
preuve, dans la gestion de leurs relations pétrolières
internationales, les rend incapables de profiter pleinement des bienfaits de
l'exploitation pétrolière et les maintient dans une situation
économique précaire. Le Nigéria, premier producteur de
pétrole de la région, se trouve également être un
des pays les moins engagés dans la coopération
énergétique sous-régionale. Si quelques projets de
collaboration intra africains ont pu être relevés, l'industrie
pétrolière nigériane reste, majoritairement,
tournée vers l'extérieur.460
La faible coopération énergétique dans le
Golfe de Guinée reste une des erreurs stratégiques majeures des
pays de la région. Il est possible d'affirmer, de nos jours, que les
résultats sociaux insuffisants du pétrole, au Nigéria
comme ailleurs, sont les conséquences de cette faible intégration
énergétique sous-régionale. L'importance
stratégique du Golfe de Guinée, pour les grands consommateurs de
pétrole, ne permet pas aux pays qui le composent de tirer leur
épingle du jeu pétrolier qui s'y déroule. Ils demeurent
alors les spectateurs consentants de l'érection de leur sous
région en un espace-enjeu, dans lequel viennent se matérialiser
les différents projets géostratégiques des grands
consommateurs.
458 -Op.cit
459 -Cf. supra
460 - Cf. annexe n°
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 106
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
CONCLUSION :
Depuis le début de l'exploitation
pétrolière au Nigéria, le pétrole a, jusque
là, tenu son rang d'énergie de la puissance. Les nombreuses
crises qu'a connues le pays (guerre du Biafra, dictatures militaires,
militantisme exacerbé, etc.) ont eu pour point commun la recherche, par
les acteurs du secteur pétrolier, de la puissance que procurent la
gestion et le contrôle des positions de rente. Les acteurs politiques se
sont rendus incontournables dans le processus d'exploitation du pétrole,
pour mieux en capter les revenus. Ils sont les nécessaires
interlocuteurs des partenaires internationaux de la filière
nigériane, place que semblent leur discuter les leaders militants dans
le Delta du Niger. Ces derniers livrent une guerre sans merci aux
autorités fédérales depuis de nombreuses années, au
nom de la défense des intérêts de quelque peuple originaire
du delta pétrolier. Au fil du temps, la lutte légitime pour de
meilleures conditions de vie des peuples « autochtones » du Delta du
Niger, s'est muée en un véritable combat politique qui cache mal
la volonté des leaders militants de tirer profit de leur position de
pouvoir. La gestion du pétrole au Nigéria a donc toujours
été stratégique, sans, pour autant, réduire la
dépendance du pays aux projets géopolitiques et
géostratégiques des grandes puissances. A cause de l'utilisation
inadéquate de « l'avantage naturel » que le pétrole
procure au Nigéria, celui-ci est devenu l'exemple typique d'une gestion
inefficace de la manne pétrolière en Afrique.461 Il
s'agit alors de revoir les objectifs de la pétro stratégie,
des acteurs nationaux de la filière, et de réviser les
méthodes à mettre en oeuvre, pour un Nigéria
véritable puissance pétrolière mondiale.
461 -Cf. supra
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
DEMOCRATIE ET BONNE GOUVERNANCE : AXES PRIORITAIRES DE
LA NOUVELLE GEOPOLITIQUE DU PETROLE AU
NIGERIA.
CHAPITRE IV :
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Yaoundé II-Soa. Page 107
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 108
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le Nigéria est considéré, par certains
observateurs de l'industrie pétrolière en Afrique, comme un
« exemple à ne pas suivre ».462La situation
économique et sociale du plus grand producteur de pétrole
d'Afrique Noire contraste, en effet, avec les sommes considérables qu'il
a perçues depuis le début de sa production.463 La
gestion de la filière pétrolière constitue le principal
point faible des autorités politiques nigérianes, indistinctement
de la nature des régimes politiques considérés. La lutte
pour la conquête des positions de rente et la volonté de se servir
des revenus du pétrole comme un facteur de puissance politique ont
constitué l'essentiel des préoccupations des dirigeants
politiques nigérians pendant de nombreuses années. Cette
situation a considérablement affecté les capacités du pays
à lutter contre la pauvreté. La corruption «
endémique » qui obère les finances de l'Etat, la mauvaise
gestion de l'économie, la faiblesse des institutions et des
infrastructures, font du Nigéria, au-jourd'hui, « un environnement
très risqué ».464 S'il est un constat qui fait
l'unanimité chez les observateurs de la scène politique et
économique nigériane, c'est bien que la gestion subjective du
pétrole a fait perdre un temps précieux au pays le plus
peuplé d'Afrique.465 Le retour à la démocratie,
au début des années 2000, a permis un relatif effort d'ouverture
et de transparence de la filière pétrolière, avec
cependant des résultats encore insuffisants. Des réformes ont
été amorcées, des mesures ont été prises,
mais le Nigéria n'a pas encore atteint le statut de puissance auquel ses
importantes potentialités pétrolières lui donnent pourtant
droit. Il nous semble alors que l'émergence du Nigéria en tant
que nation stratégiquement et économiquement épanouie ne
sera possible que par une consolidation de son système
démocratique (Section I). Il devra aussi renforcer, en la mettant
à son avantage, sa coopération internationale (Section II) et
veiller à réaliser la difficile, mais nécessaire,
transition énergétique (Section III).
SECTION I : DEMOCRATIE ET GESTION DES RESSOURCES
NATURELLES :
BILAN DE L'EXPERIENCE NIGERIANE DEPUIS
1999.
Les initiatives visant à améliorer la gestion du
secteur pétrolier nigérian, depuis le retour à la
démocratie, sont nombreuses. On pourrait citer, sans être
exhaustif, l'adoption de lois encadrant de manière stricte l'action des
acteurs du secteur pétrolier ; la mise en place de nouvelles
institutions de gestion dépendant directement, pour certaines, de la
présidence de la république ;466 la multiplication des
campagnes et des opérations de lutte contre les crimes financiers dans
le secteur pétrolier ; l'ouverture du débat sur la gestion de la
rente et de l'industrie pétrolières, etc.467La
462 -Op.cit
463 -Plus de 340 milliards de dollars.
464 - Cf. Nigéria, centre d'information
économique et politique, Canada, novembre 2012. Contact
epic@edc.ca
465 - Voir Ian GARRY et Terry Lynn KARL, Le fond du baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic relief
services, p. 25
466 - C'est le cas du secrétariat général du
NEITI, le Nigerian Extractive Industries Transparency Initiative.
467 -Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 109
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
gestion du pétrole s'est considérablement
améliorée depuis le retour de régimes politiques
démocratiquement élus. Quelques mesures, jugées
politiciennes ou illégitimes, comme la dichotomie ou
l'organisation de l'allocation fédérale statutaire au
détriment des régions pétrolières, ont
été améliorées ou tout simplement
lies.468Les efforts des autorités politiques nationales ont
d'ailleurs été salués par quelques institutions
internationales.469 Toutefois, les conséquences de plus de
trente ans de mauvaise gestion pétrolière se font encore
ressentir aujourd'hui. Si la démocratie a rendu l'univers
pétrolier nigérian (un peu) plus transparent, elle n'a pas encore
pu le débarrasser de certaines « tares »
héritées de l'époque des régimes militaires
autocratiques. Les populations du delta du Niger, par exemple, continuent
d'être faiblement associées au processus de gestion de l'industrie
pétrolière. Elles en sont même volontairement
éloignées et n'en subissent que les conséquences sur leurs
conditions de vie (Paragraphe 1). En outre, le parlement, qu'il soit local ou
fédéral, ne joue pas, de manière efficace, son rôle
de contrôle dans la gestion du secteur pétrolier par l'Etat
(Paragraphe 2), favorisant ainsi la résurgence d'actes de corruption et
d'indélicatesse financière dans l'industrie la plus lucrative du
pays (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : La participation des
populations du delta du Niger à la gestion de l'industrie du
pétrole.
A- L'Etat fédéral : un acteur pivot de la
gestion du pétrole au Nigéria.
L'Etat fédéral est le principal gestionnaire de
l'industrie pétrolière au Nigéria. En effet, la relative
centralisation de la gestion des ressources minérales, dans le pays,
fait de lui un acteur de premier plan dans l'univers pétrolier. Il
possède de nombreuses missions qui lui permettent d'être à
la fois le principal artisan du cadre légal de l'exploitation
pétrolière ; un acteur majeur de l'industrie et, même, d'en
assurer la veille.470Grâce à la NNPC et ses multiples
succursales, l'Etat est présent à tous les segments de
l'industrie, de l'amont à l'aval. Il est l'actionnaire majoritaire des
joint-ventures ; procède, par le biais d'agences étatiques
assermentées, au contrôle des activités des
différents opérateurs ; gère les raffineries de
pétrole et intervient dans le processus d'importation des les produits
pétroliers raffinés.471 En outre, c'est lui qui
accorde les permis d'exploration ; les contrats d'exploitation, d'exportation
et d'importation des produits pétroliers raffinés à des
sociétés nationales ou étrangères.
Le rôle de l'Etat fédéral dans la gestion
du pétrole au Nigéria est alors important. Sa primauté
dans l'activité économique la plus lucrative du pays, qui date de
l'époque des régimes militaires, ne s'est pas démentie. En
effet, malgré le retour à la démocratie, l'Etat n'a pas
vraiment renoncé à son implication dans toutes les phases de
l'exploitation pétrolière. Il demeure encore le principal
gestionnaire de la rente
468 -Cf. supra
469 -Cf. supra
470 -Cf. supra
471 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 110
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
pétrolière qu'il redistribue aux autres niveaux
de gouvernement selon un mécanisme, l'allocation fédérale
statutaire, de plus en plus décrié.472 Cette
situation, contraire à l'organisation fédérale du pays,
est à la l'origine de multiples revendications des populations du delta
du Niger qui se sentent exclues de la gestion du pétrole. Les principaux
points de discorde sont l'attribution des contrats d'exploitation et la
redistribution des revenus pétroliers.
L'Etat fédéral s'est servi d'arguments
légaux pour assurer sa domination sur l'univers pétrolier. Deux
textes de lois consacrent le droit de l'Etat à être l'unique
adjudicateur dans l'industrie pétrolière : le Petroleum
decree adopté en 1969 et le Land use act de
1978.473 Par ceux-ci, « l'Etat fédéral militaire
s'est arrogé le contrôle total des ressources minières et
foncières du pays ».474 Les conséquences de ces
textes sur l'attitude et la perception qu'ont les populations de la gestion de
l'industrie pétrolières sont importantes. Le Land use
act, par exemple, donne à l'Etat fédéral le droit de
déposséder les communautés locales de leurs terres, sans
indemnisation, pour réaliser des projets de forage pétrolier.
Elles sont ensuite redistribuées aux compagnies
pétrolières moyennant, cette fois-ci, des compensations
financières.475 Si ces manoeuvres de l'Etat
bénéficient généralement de la complicité
des chefs coutumiers et des membres de l'administration locale,476
elles laissent dans un profond désarroi les populations du delta du
Niger.
B- Politisation du pétrole et faible participation
des populations du delta du Niger à la gestion de l'industrie
:
Les populations du delta du Niger ne sont pas suffisamment
associées à la gestion du pétrole. En effet, les
autorités politiques fédérales s'appuient sur le cadre
légal donné à la « prééminence
pétrolière » de l'Etat, pour éviter de prendre en
considération les avis des populations autochtones sur une industrie
qui, pourtant, les concerne au premier chef. Le manque de volonté de
l'Etat d'accélérer la démocratisation de la gestion du
pétrole est en partie responsable de l'instabilité sociale qui
règne dans le delta du Niger ; et du pillage du pétrole auquel
s'adonne un nombre considérable de ses habitants. L'Etat, qui
privilégie pourtant la transparence et l'ouverture du secteur
pétrolier depuis 1999, n'a pas encore consenti à donner plus de
place aux populations des régions pétrolières dans la
gestion de la richesse y est tirée. Il garde toujours le monopole de la
décision pétrolière et fait peu de cas des
doléances des groupes militants, quant à une gestion plus
participative de l'industrie et à une meilleure redistribution des
revenus.
La gestion des revenus pétroliers constitue l'autre
point d'achoppement entre l'Etat fédéral et les populations du
delta du Niger. L'allocation fédérale statutaire, qui
472 - Cf. supra
473 - Voir Cf. Sylvie Fanchette, Le Delta du Niger
(Nigéria) : rivalités de pouvoir, revendications
territoriales et
exploitation pétrolière ou les ferments de la
violence, Hérodote n°121, la découverte,
deuxième trimestre 2006, p.208
474 -Idem
475 -Ibid.
476- Ibid.
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Yaoundé II-Soa. Page 111
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
est à la base du processus de redistribution des
revenus pétrolier, repose sur des critères et des pourcentages
bien définis.477 Si elle procède de la volonté
des autorités politiques de faire profiter des bienfaits du
pétrole à l'ensemble du pays, elle relève également
de considérations éminemment politiques. En effet, le partage des
revenus pétroliers à l'ensemble des régions du pays permet
de satisfaire les groupes ethniques qui ne se retrouvent pas dans les
régions pétrolières (Yoruba, Haoussa-Peul, etc.). Les
dirigeants politiques nigérians se servent de la rente pour «
acheter » une paix sociale mis à mal à plusieurs reprises,
au cours de l'histoire du pays, par des tensions interethniques.478
Ils s'assurent par le même fait le soutien de la majorité des
nigérians qui ne vivent pas dans le delta pétrolier et
l'allégeance des gouvernements locaux qui dépendent de l'argent
du pétrole.479 L'Etat fédéral se sert
également de l'allocation fédérale statutaire pour lutter
contre le militantisme dans le delta du Niger. En effet, en distribuant des
sommes importantes aux gouvernements locaux, il évite de résoudre
les problèmes posés par les militants, tout en les isolants. Les
autorités fédérales pensent ainsi mettre « hors
course » de potentiels adversaires en faisant croire aux populations
locales que les seuls revenus pétroliers à elles reversés
suffisent à leur bonheur. L'Etat se crée ainsi une importante
clientèle politique et agrandi chaque jour son cercle
d'obligés.480
La politisation de la gestion de la rente
pétrolière apparait comme une des raisons de la faible
consultation populaire en matière de décision
pétrolière. Le fait que l'argent du pétrole est à
la fois une arme politique et le principal moyen de financement de l'Etat ne
favorise pas une plus grande flexibilité des autorités politiques
nigérianes sur les modalités de son utilisation. De même,
les revendications des militants dans le delta du Niger sur un «
fédéralisme fiscal » ne peuvent pas, du moins dans l'Etat
actuel des choses, rencontrer l'assentiment des autorités
fédérales à cause du caractère stratégique
que revêt l'industrie pétrolière pour ces dernières.
Si le retour à la démocratie a multiplié par quatre le
taux des revenus pétroliers à « dériver » aux
populations des régions pétrolières (de 3% en 1998
à 13% depuis 1999), force est tout de même de constater que
celles-ci restent encore étrangères au processus de
redistribution des revenus pétroliers. En effet, il n'existe pas, ou
très peu, de mécanisme permettant d'associer les populations aux
décisions concernant la gestion de l'argent du pétrole. Pas de
référendum, pas de conseil local en mesure de
légiférer de manière autonome sur l'organisation de
l'industrie pétrolière dans les régions de production.
L'implication des populations des régions pétrolières dans
la gestion du pétrole demeure alors relativement faible. Tout comme le
rôle du parlement nigérian.
477 -Op.cit
478 -Cf. supra
479 - 90% en moyenne des budgets des Etats
fédérés dépendent de l'argent reversés par
l'Etat fédéral.
480 -Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 112
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Paragraphe 2 : Gestion de l'industrie
pétrolière et contrôle parlementaire : une rela-
tion à parfaire.
A- Les compétences du parlement en matière de
gestion pétrolière au Nigéria :
Le parlement joue un rôle important dans les
régimes démocratiques. Malgré le relatif déclin
qu'il connait dans certaines de ses fonctions (législation,
représentation, investiture et désaveu des dirigeants politiques,
etc.)481 il demeure le principal contrepouvoir à
l'exécutif. Il assure cette mission à travers le contrôle
qu'il a sur les activités des hommes politiques. Il peut alors
interpeller les membres de l'exécutif sur certaines questions telles que
la gestion des ressources naturelles, des finances publiques ou sur la conduite
des relations internationales. Il peut aussi adopter des lois qui contraignent
l'action publique. L'origine populaire du mandat des députés fait
d'eux, surtout en cas d'absence d'une majorité absolue du parti au
pouvoir à l'assemblé nationale, des alliés de la
démocratie.
L'institution parlementaire au Nigéria est aussi
vieille que la république fédérale elle-même.
Communément appelée Assemblée Nationale (National
Assembly en anglais), elle est composée de deux chambres : la
chambre des représentants et le sénat. La
première représente les populations. C'est la traditionnelle
assemblée nationale des pays francophones (Cameroun, Congo, Gabon,
Côte d'ivoire, Sénégal, France, etc.). Elle comprend 360
députés et a pour président Aminu
Tambuwal.482 La seconde chambre, le sénat,
représente quant à elle les Etats fédérés.
Elle est composée de 109 membres (3 sénateurs par Etat de la
fédération et 1 pour la capitale Abuja). Le parlement au
Nigéria possède les missions traditionnelles des
représentations populaires : légiférer, contrôler
l'action de l'exécutif, entériner la nomination de certains hauts
fonctionnaires (sénat), voter le budget fédéral, etc.
L'importance de l'industrie pétrolière au
Nigéria a donné l'occasion au parlement de s'intéresser de
près à la gestion qui en est faite. Le domaine
réglementaire de la représentation populaire en matière
pétrolière est relativement étendu. Il s'est même
sensiblement amélioré depuis le retour à la
démocratie en 1999. Même si une importante partie des textes est
d'origine gouvernementale, le travail de discussion qui est effectué au
parlement lui donne un certain poids dans la gestion du secteur
pétrolier. Les lois « pétrolières » au
Nigéria concernent l'organisation de l'industrie en matière
contractuelle ; l'indemnisation des populations locales en cas de catastrophe
environnementale ; la régulation des informations sur les
résultats des enquêtes relatives à l'impact environnemental
et social de l'industrie pétrolière ; la gestion des revenus
pétroliers ; etc. La réglementation relative aux fuites de
pétrole est un des domaines les plus anciens de la loi nigériane.
Elle comprend la loi sur les oléoducs adoptée en 1956 ; la
réglementation relative au forage et à l'exploitation du
pétrole (1969) et la loi
481 - Voir Louis Marcel Nsizoa, cours de droit parlementaire
et électoral, dispensé aux étudiants de DEA de
science politique de l'université de Yaoundé II, Soa,
année académique 2011- 2012.
482 - Au 10 décembre 2012.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
sur le pétrole, qui constituent le cadre juridique
initial du secteur pétrolier nigérian.483 D'autres
textes comme les Directives et Normes Environnementales pour l'Industrie
Pétrolière du Nigéria (EGASPIN), revus et
corrigés en 2002, précisent les obligations des compagnies
pétrolières en matière d'entretien de leurs installations
et en cas de fuite.484
Dans le domaine du contrôle de la gestion des revenus du
pétrole, l'Initiative pour la Transparence des Industries
Extractives pour le Nigéria (NEITI) apparait comme une des
avancées majeures de la réglementation pétrolière
au Nigéria. Elle initie une gestion responsable de la rente, en
obligeant les différents acteurs du circuit pétrolier à
déclarer les chiffres de leur gestion.485 Une réforme
du secteur pétrolier jugée « historique » par la
ministre nigériane du pétrole Duzani Alison
Ma-dueke,486 est en étude à l'assemblée
nationale. Le projet de loi en étude au parlement, depuis quelques
jours, concerne la redéfinition du cadre fiscal de l'industrie
pétrolière avec une augmentation des prélèvements
de l'Etat sur les recettes des compagnies internationales et la restructuration
de la NNPC.487
En ce qui concerne la gestion des revenus pétroliers,
l'assemblée nationale procède par des séances de
question-réponse aux membres du gouvernement et des enquêtes
parlementaires dans le cadre de commissions permanentes ou ad hoc. Le travail
de veille de l'industrie pétrolière, qu'effectue le parlement,
permet une ouverture du débat pétrolier et une relative
efficacité dans la lutte contre les malversations financières.
B- De la difficulté du parlement à exercer sa
fonction de contrôle de la gestion du
pétrole :
L'industrie pétrolière est une sorte de domaine
réservé du pouvoir exécutif au Nigéria. C'est ce
dernier qui accorde aux compagnies pétrolières les permis
d'exploration ou de production, sans que le parlement ne puisse
réellement influencer ce processus névralgique. Le rôle
d'interlocuteur principal des multinationales du pétrole joué par
le gouvernement et ses institutions associées empêche le parlement
de réaliser la mission de contrôle qui est pourtant importante
avant la conclusion de tout contrat pétrolier. En outre, le fait que des
missions comme l'organisation des modalités de l'allocation
fédérale statutaire ; le contrôle des activités des
acteurs du secteur pétrolier ou la gestion des contrats soient
confiées à des agences ne devant rendre compte, pour certaines,
qu'au chef de l'Etat vient encore limiter les capacités du parlement
à avoir un droit de regard sur la gestion de l'industrie
pétrolière.
Le parlement subi également la concurrence des services
gouvernementaux et de la justice dans sa volonté de tirer au clair des
situations de malversation finan-
483 -Amnesty International, CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
Novembre 2011, p.29
484 -Idem
485 -Cf. supra
486- En poste au 10 décembre 2012.
487 -Cf. article sur l'industrie pétrolière
nigériane publié sur
french.irib.ir/info/afrique
2/item/2 ... le mercredi 14 novembre 2012 à 16h33. Consulté le 07
décembre 2012.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
cière. En effet, certaines enquêtes menées
par des commissions parlementaires sont ralenties ou tout simplement rendues
inutiles par les autorités judiciaires ou les services de police qui
s'en saisissent. C'est le cas de l'affaire de corruption dans laquelle est
impliqué le président de la commission des subventions
à la chambre des représentants, Farouk
Lawan.488Ce dernier est en effet soupçonné
d'avoir touché des bakchichs d'une société
pétrolière dénommée Zenon oil and gas
limited, soit 620 000 dollars
américains.489Malgré la mise sur pied d'une commission
d'enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur
cette affaire, le sieur Farouk a été interpelé
par le State Security Service et le National Intelligence
Agency (les services secrets de la police) quelques jours après
qu'elle ait éclaté. Cette situation, loin de traduire un certain
laxisme du pouvoir exécutif face à la corruption, constitue
plutôt une preuve de sa volonté de gérer de façon
exclusive l'industrie pétrolière. La marge de manoeuvre du
parlement face aux scandales de détournement de fonds ou de corruption
s'en trouve alors considérablement réduite.
Le faible impact économique et social du pétrole
constitue une autre preuve de l'incapacité du parlement à exercer
un droit de regard sur l'industrie pétrolière. En effet, la
précarité de la situation économique et sociale du
Nigéria490est due, entre autres, à une gestion du
pétrole subjective et dénuée de vision géopolitique
adéquate. La responsabilité des dirigeants politiques intervenant
dans le secteur pétrolier est importante. En plus d'un
demi-siècle d'exploitation pétrolière, ils n'ont pas
réussi à faire jouer au pétrole son rôle
d'énergie stratégique, malgré la place qu'il occupe dans
les relations internationales ou l'économie du pays. De nombreux
nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté et des familles
entières dans le delta du Niger ont vu « [...] une pollution et une
dégradation environnementale d'une ampleur humainement inacceptable
transformer [leur] vie en cauchemar ».491Le retard de
développement du Nigéria démontre que le parlement n'a pas
toujours pu empêcher les autorités gouvernementales de faire de la
gestion du pétrole une occasion d'enrichissement personnel. Il est
d'ailleurs notable que les récriminations contre l'attitude de
prédation de certains hommes politiques sont généralement
le fait de membres de la société civile ou des groupes militants
actifs dans le delta du Niger. Si la gestion opaque et subjective du
pétrole par les régimes militaires successifs a pu constituer un
obstacle important à l'action du parlement, il est indubitable que les
progrès depuis le retour à la démocratie sont
insuffisants. Les multinationales du pétrole travaillent dans une
incurie et une impunité relatives, tandis que les revenus
pétroliers continuent d'alimenter des dépenses somptueuses et
inutiles492 quant ils ne servent pas, tout simplement, à
l'enrichissement personnel des hommes politiques.
Le parlement nigérian apparait alors comme une
institution politique incapable de s'impliquer durablement et de manière
efficace dans la gestion du pétrole au Ni-
488 - En poste au 10 décembre 2012.
489 -Voir article publié le 15 juin 2012 sur
www.slateafrique.com/89301/nigeria
. Consulté le 7 décembre 2012.
490 -Cf. supra
491 - Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
2001, cité dans Amnesty International, CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
Novembre 2011, p.19
492 -
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
géria. Il se contente d'interpeller le gouvernement,
quand il en a l'occasion, mais reste impuissant devant la
prééminence de l'exécutif sur l'industrie
pétrolière. Or, l'équilibre entre les pouvoirs est une
donnée essentielle des régimes politiques démocratiques.
Nul doute qu'une plus grande participation du parlement à la gestion
pétrolière, permettra de lutter efficacement contre la corruption
et les malversations financières, qui ont fait leur lit dans l'univers
pétrolier au Nigéria.
Paragraphe 3 : Politique
pétrolière et assainissement des moeurs au Nigéria :
nécessité d'une stratégie anti-corruption
volontariste.
A- Florilège des initiatives étatiques de
lutte contre la corruption depuis 1999 :
La corruption et les détournements de fonds constituent
les principales « plaies » de la gestion pétrolière au
Nigéria. Les moyens financiers considérables que
génère l'exploitation du pétrole et les failles dans le
contrôle des transactions financières qui en découlent
favorisent des actes de corruption toujours plus nombreux et
insidieux.493La gestion subjective de l'industrie
pétrolière a été une des principales
caractéristiques des régimes militaires au
Nigéria.494Ceux-ci ont favorisé une corruption
systématique, dans certaines étapes du processus
pétrolier, tout en permettant l'enrichissement personnel de plusieurs
hauts dignitaires politiques et militaires par les détournements de
deniers publics.495 La criminalité financière a des
conséquences symboliques, économiques et sociales sur le
Nigéria. Sur le plan symbolique, elle altère
considérablement l'image du premier producteur de pétrole
d'Afrique. Plusieurs fois classé parmi les pays les plus corrompus au
monde, par l'ONG Transparency International, le pays est aujourd'hui
« quasi synonyme de corruption ».496 Il est
considéré comme un environnement très risqué par
certains analystes, à cause « des niveaux élevés de
corruption et de mauvaise gestion de l'économie ».497 La
corruption et les détournements de deniers publics ont également
des conséquences sur la situation économique et sociale du
Nigéria : pauvreté, infrastructures sociales et sanitaires
insuffisantes, chômage, perte de
compétitivité,498 militantisme dans le delta du Niger,
etc.
Les initiatives étatiques en matière de lutte
contre la corruption et les détournements de fonds se sont
multipliées depuis le retour du Nigéria à la
démocratie. Dès sa prise de fonction en 1999, le président
Olosegun Obasanjo réunit autour de lui une équipe de
technocrates chargée d'effectuer un travail d'assainissement de
493 -Cf. supra
494 -Cf. supra
495 -Cf. supra
496 -Op.cit
497 -Op.cit
498 -Le pays occupe la 115e place dans le rapport sur
la compétitivité réalisé par le Forum Economique
Mondial pour le compte de l'année 2012-2013, publié le 5
septembre dernier. Voir Jeune Afrique n°2696, du 9 au 15
septembre 2012, p.15
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
l'économie qui concerne plusieurs domaines tels la
lutte contre la corruption ou la transparence.499 L'adhésion
du pays, pendant son mandat, à l'Initiative pour la Transparence des
Industries Extractives a permis au Nigéria de mettre à nue
de nombreuses situations de corruption et de malversation financière et
de devenir un modèle en matière d'organisation de sa
filière extractive.500 Les trois audits de la filière
pétrolière réalisés par la NEITI (1999-2004 ; 2005
; 2006-2008) sont des preuves de la volonté de l'Etat d'en rendre la
gestion plus transparente. Le travail parlementaire, malgré sa relative
insuffisance, est également une illustration de cette volonté
d'assainir le secteur pétrolier nigérian. Une commission
d'enquête parlementaire mise sur pied à la suite de
soupçons de corruption dans le secteur des subventions aux prix du
pétrole, aux lendemains des manifestations populaires contre la
suppression desdites subventions en janvier 2012, a par exemple
révélé la pratique régulière d'actes de
corruption, de vol ou de négligence dans la gestion de l'argent du
pétrole.501Des administrations comme le ministère des
finances ou des ressources pétrolières ont été
citées, dans le rapport découlant du travail de cette commission,
comme profondément corrompues.502
Un des acteurs majeurs de la lutte contre la corruption au
Nigéria est sans doute la Commission chargée des Crimes
Economiques et Financiers. En effet, en quelques années, celle-ci a
été à l'initiative de nombreuses enquêtes qui ont
abouti à l'arrestation de hauts dignitaires de l'Etat
soupçonnés d'actes de corruption ou de détournement de
fonds. C'est ainsi que deux anciens gouverneurs, Abdullahi Adamu et
Attahiru Bafarawa de l'influent Etat de Sokoto dans le nord du pays,
ont été interpellés au cours de l'année 2010, pour
avoir détourné chacun 15 milliards de Nairas (100 millions de
dollars) au cours de leurs mandats respectifs.503 D'autres personnes
accusées d'avoir participé à ces crimes financiers, dont
d'anciens collaborateurs de ces hommes politiques, furent également
déférées devant la justice.
La lutte contre la « corruption du pétrole »
au Nigéria bénéficie également de l'action de
partenaires internationaux. Cette année, l'Union Européenne
a fourni à l'Etat fédéral 98 millions d'euros pour la
lutte contre la criminalité au Nigéria, dont 35 millions pour le
combat contre la corruption.504 Cet argent, destiné aux
agences anticorruption et à la société civile, devrait
permettre une plus grande efficacité de celles-ci face à la mal
gouvernance dont sont victimes de nombreux secteurs de l'économie
nigériane dont le secteur pétrolier. De même, un pacte
visant à promouvoir la transparence et la lutte contre la corruption a
été signé entre le G8 et le
Nigéria.505
499 - Voir Alexandra Gillies, « Reformer la corruption de
l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des risques
de corruption dans la gouvernance de la filière pétrole
», U 4 brief n°23, septembre 2009.
500 -Cf. supra
501 - Voir Oladayo Olaide, « Secteur pétrolier
nigérian : il est tant d'assainir le secteur. », article
publié le 30 avril 2012 sur
www.osiwa.org. Consulté
le 9 décembre 2012.
502 -Idem
503 -Voir l'article intitulé « lutte contre la
corruption au Nigéria » publié sur
www.rnw.nl/afrique/article/lutte-contre-la
corruption-au-nigéria-, le 15 mars 2010. Consulté le 09
décembre 2012.
504 -Voir Article publié le 19 mars 2012 sur le site de
l'Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime
www.unodc.org. Consulté
le 09 décembre 2012.
505 - Voir
www.canadainternational.gc.ca
, publié le 2 décembre 2008 et consulté le 9
décembre 2012.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Quelques engagements comme une accélération de
la privatisation et de la libéralisation de l'économie,
l'instauration d'une stabilité macroéconomique à long
terme ou la transparence ont été pris par l'Etat
nigérian.506Celui-ci a instauré un groupe permanent
composé de 27 partenaires du secteur privé, de la
société civile et du secteur public chargé de
réaliser la veille de la gestion de l'économie nigériane ;
et s'est engagé à renforcer les capacités des institutions
de lutte contre la corruption.507
B- De l'incapacité des autorités politiques
à juguler la corruption pétrolière :
L'engagement de l'Etat Nigérian dans la lutte contre la
corruption et les détournements de fonds est indéniable. Depuis
le retour au gouvernement civil en 1999, le pays a initié de nombreux
travaux visant à expurger de la filière pétrolière
toutes les pratiques de criminalité économique et à lutter
contre l'impunité dont bénéficiaient de nombreux
responsables politiques nigérians. Cependant, si l'oeuvre
d'assainissement que l'Etat mène dans le secteur pétrolier a eu
des résultats appréciables, il est, tout de même, important
de souligner que les mauvaises pratiques y sont encore nombreuses.
En effet, les actes de corruption continuent de plomber les
efforts des autorités politiques de faire du pétrole un facteur
du développement et de stabilité macroéconomique.
Malgré toutes les campagnes de lutte contre la corruption entreprises et
la multiplication des organismes en charge de traquer les crimes
économiques, le secteur extractif nigérian reste
gangréné par des mauvaises pratiques de gestion de la rente. Le
manque à gagner de l'Etat est considérable. Selon l'ONG
américaine Glo-bal Finance Integrity, les fuites de capitaux au
Nigéria entre 1970 et 2009 s'élèvent à 89,5
milliards de dollars, soit un taux moyen de 10 milliards par an.508
Cette saignée dans les revenus économiques du pays rend
impossible tout développement par le pétrole et aggrave la
misère de nombreux nigérians. Elle réduit également
la confiance des populations dans la capacité de leurs dirigeants
à régler la situation de précarité
économique et sociale dans laquelle elles se trouvent.
La lutte pour l'assainissement des moeurs dans le secteur
pétrolier au Nigéria doit se faire plus volontariste. Les
autorités politiques doivent accorder plus de moyens aux organes en
charge de la lutte anti-corruption et leur assurer la liberté d'action
qui leur est nécessaire. Ceux-ci pourraient par exemple saisir
directement le procureur pour des affaires de malversations financière,
pour éviter une immixtion des pouvoirs exécutif ou
législatif dans des affaires qui concerneraient des membres du
gouvernement fédéral ou du parlement. De même, les
commissions d'enquêtes parlementaires devraient bénéficier
d'une plus grande liberté d'action dans leurs investigations concernant
des affaires de criminalité économique. On devrait veiller
à la parité politique dans lesdites commissions et permettre une
contre-expertise aux résultats de leurs enquêtes. En outre, l'Etat
doit se montrer plus pointilleux dans la gestion des secteurs comme la
subvention aux prix du pétrole ou les appels d'offres pé-
506 - Idem.
507 -Ibid.
508 - Voir article sur l'industrie pétrolière
nigériane publié sur
french.irib.ir/info/afrique
2/item/2 ... le mercredi 14 novembre 2012 à 16h33. Consulté le 07
décembre 2012.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
troliers. La mal gouvernance pétrolière n'est
pas une fatalité au Nigéria. Elle peut
être plus efficacement combattue, si l'Etat
fédéral s'en donne les moyens et accepte de laisser plus de
pouvoirs aux organismes en charge de la lutte anti-corruption. Il faudrait
également que les partenaires internationaux, de sa filière
pétrolière, apportent leur contribution à cet effort.
SECTION II : COOPERATION
INTERNATIONALE ET BONNE GOUVERNANCE DE LA FILIERE PETROLIERE
NIGERIANE.
L'industrie pétrolière est
intrinsèquement tournée vers l'extérieur. Même les
pays qui ont nationalisé leurs réserves (Arabie Saoudite,
Venezuela, Mexique, Iran, etc.) ne peuvent se risquer à une gestion
autarcique de leur pétrole.509Il leur faut
nécessairement des clients ; mais aussi l'expertise technologique
extérieure ; les ressources financières pour supporter les
importants investissements pétroliers et l'avis, souvent
sollicité ou non, des experts internationaux de la finance et des droits
de l'homme. Le Nigéria, premier producteur de pétrole d'Afrique,
n'échappe pas à la règle. L'immaturité
stratégique du pays, marquée par l'extraversion de sa
filière pétrolière et la forte dépendance de son
économie aux revenus du pétrole,510 en fait un
marché convoité et facile d'accès.511Les
partenaires extérieurs du secteur pétrolier nigérians sont
multiples. En premier lieu, figurent les pays grands consommateurs de
pétrole qui, à travers leurs multinationales, ont
réalisé un véritable quadrillage de la filière
nigériane ; mais aussi les institutions et sociétés
financières internationales ; les sociétés de services
pétroliers et les ONG étrangères. L'univers
pétrolier nigérian jouit alors d'une grande diversité qui
ne s'est pourtant pas encore révélée être une
solution pour son développement. Ceci, à cause du choix qu'ont
fait certains de ces partenaires internationaux de s'en tenir à la
logique de « business as usual »512 qui leur
permet d'augmenter leur marge bénéficiaire, tout en
évitant de s'engager suffisamment dans le volet social et humanitaire
que devrait comporter leurs activités. Or, la bonne gouvernance de la
filière pétrolière nigériane passe par un
engagement plus important des acteurs internationaux aux efforts
d'assainissement initiés par les autorités politiques depuis le
retour à la démocratie. Les grands consommateurs de
pétrole sont les premiers interpellés par ce défi à
cause du rôle qu'ils jouent dans l'industrie pétrolière
nigériane (Paragraphe 1). De même, Les institutions
financières internationales doivent se montrer plus engagées dans
l'assainissement de l'univers
509 - Le cas de l'Iran est illustratif à cet effet. Les
sanctions économiques à lui imposées par les nations
occidentales, comprenant entre autres un embargo sur ses ventes de
pétrole, le mettent dans une situation d'asphyxie préjudiciable
à son équilibre macro-économique.
510 -Cf. supra
511 -Cf. supra
512 - Cette expression peut être traduite de
manière basique par « les affaires, rien que les affaires ».
Il s'agit de décrire le comportement de la plupart des partenaires
extérieurs de l'industrie pétrolière nigériane qui
privil é-gient le développement de leurs activités au
détriment de l'aspect social et environnemental de celles-ci.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 119
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pétrolier (Paragraphe 2) ; et les organisations non
gouvernementales, se donner les moyens d'être plus persuasives et donc
plus efficaces (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Les grands consommateurs et la question
du sous-développement du
Nigéria.
A- La responsabilité des grandes puissances dans le
marasme économique et
social au Nigéria :
Au Nigéria, le dynamisme de l'industrie
pétrolière est indéniable. Son statut de premier
producteur de pétrole d'Afrique et ses importantes réserves font
de lui une étape nécessaire dans la géostratégie
pétrolière des grands consommateurs.513Il se retrouve
au centre de projets destinés à faire du Golfe de Guinée
un « espace-enjeu » dans la bataille mondiale pour la
puissance.514 Les multinationales du pétrole sont sans
conteste les représentants des stratégies de puissances des
grands consommateurs. En effet, si elles sont généralement
financées par des capitaux privés, elles ne représentent
pas moins l'influence et la puissance de leur pays d'origine. La collusion
entre celles-ci et les Etats est illustrée par le rôle qu'a
joué, et joue encore, des compagnies comme Elf ou Shell dans la
réalisation des projets géostratégiques des puissances en
Afrique ou ailleurs ;515 mais aussi à travers l'action
diplomatique des grands consommateurs auprès des pays producteurs, pour
augmenter les parts de marchés de leurs compagnies
pétrolières.516 Le processus de création,
l'évolution et le fonctionnement de ces dernières
démontrent également l'influence des Etats sur les
multinationales.517
L'action des compagnies pétrolières au
Nigéria est généralement perçue comme
négative. Leur implication dans l'industrie pétrolière n'a
pas permis, en plus de 50 ans, de parvenir à une amélioration
significative des conditions de vie des populations. Les habitants du delta du
Niger vivent toujours dans la précarité et, l'enclavement de
certaines villes des régions pétrolières contraste avec
les revenus considérables tirés de l'exploitation du
pétrole et les importants bénéfices des multinationales
chaque année.518 En outre, les conséquences
environnementales des activités des multinationales sont
importantes.519En effet, la faiblesse de la réglementa-
513 -Cf. supra
514 -Cf. supra
515 - La guerre du Biafra est une parfaite illustration du
rôle politique que peuvent jouer des compagnies
pétrolières. Même si certaines se démarquent par
leur indépendance financière vis-à-vis de leurs Etats
d'origine, elles ne demeurent pas moins des fleurons de la puissance et de
l'influence des grands consommateurs de pétrole.
516 - Voir Ian Gary et Terry Lynn Karl, le fond du Baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic relief
service, juin 2003, p.78. Voir aussi Philippe Sébille-Lopez, « Les
hydrocarbures et la redistribution de la rente pétrolière
»,
517 - Cf. supra
518 -Cf. supra
519 - Voir Amnesty International et CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacités à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
2011, 50 p. Voir aussi Amnesty international, Pétrole, pollution et
pauvreté dans le delta du Niger, Amnesty international, Juin
2009
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Yaoundé II-Soa. Page 120
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
tion pétrolière nigériane en
matière environnementale et l'incapacité des dirigeants
politiques à contraindre l'action des multinationales créent une
certaine incurie dans l'univers pétrolier. Selon le PNUD, « Les
compagnies pétrolières, Shell Petroleum en particulier,
opèrent depuis plus de trente ans sans véritable contrôle
ni réglementation régissant leurs activités dans le
domaine de l'environnement. ».520 Les populations du delta du
Niger sont alors sacrifiées sur l'autel des intérêts
stratégiques et économiques de l'exploitation
pétrolière.
Le faible impact social du pétrole au Nigéria,
de nombreuses années après le début de l'exploitation
pétrolière, est en partie liée au manque d'engagement des
grands consommateurs dans l'initiative de transparence des activités
pétrolières. En effet, les quelques actions entreprises dans ce
sens sont généralement le fait d'organismes supranationaux comme
le G8 ou l'Union Européenne.521 Ces derniers se contentent
d'accorder un soutien financier aux organes de lutte contre la corruption ou
aux organisations de la société civile, sans exercer une pression
sur leurs Etats membres souvent impliqués dans de grandes affaires de
corruption et de malversation financière. La société
américaine Kellogg, Brown and Root a par exemple reconnu avoir
versé des pots-de-vin à des officiels nigérians en 2008
pour décrocher de juteux contrats pétroliers sans que cela
n'émeuve, outre mesure, les institutions financières
internationales ou les autorités américaines.522Aucune
condamnation officielle, aucune action judiciaire devant les tribunaux
américains à la suite de la révélation de ce «
crime » contre la concurrence et le développement. En outre, un
contrôle réel de l'usage des fonds destinés à la
lutte contre la corruption fait souvent défaut. Il n'est donc pas
étonnant que les initiatives pour une gestion plus responsable des
revenus pétroliers soient généralement vouées
à l'échec.
Dans le domaine des droits de l'homme, les grands
consommateurs de pétrole brillent également par leur mutisme
devant les conditions de vie maines »523dans le delta du Niger.
La région pétrolière par excellence du Nigéria
connait aujourd'hui une crise écologique et économique
grave.524 Les compagnies pétrolières sont responsables
de nombreuses catastrophes environnementales causées, pour la
majorité, par le manque d'entretien et de renouvellement de leurs
infrastructures. Elles profitent de la permissivité de l'industrie
pétrolière nigériane pour éviter de consentir des
investissements dans des domaines tels que l'entretien des oléoducs ou
l'exploitation du pétrole par des technologies moins polluantes. Les
déversements de pétrole brut dans les cours d'eaux se font alors
de plus en plus réguliers et prennent du temps à être
stoppés. Comme le reconnaissent certains observateurs, il existe des
normes environnementales dans le domaine de l'exploitation
pétrolière, mais leur respect dépend de la zone
géographique considérée.525Le déman-
520 - Voir Rapport du PNUD sur le développement dans le
delta du Niger, 2006.
521 -Cf. supra
522 - Voir Alexandra Gillies, « Reformer la corruption de
l'or noir nigérian ? Première partie : cartographie des
risques de corruption dans la gouvernance de la filière
pétrole », U 4 brief n°23, septembre 2009.
523 -Op.cit
524 -Cf. supra
525 -Voir Cédric Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard,
Pierre Zelenko, Géopolitique du pétrole, éditions
Technip 2005, p.130
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Yaoundé II-Soa. Page 121
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
tèlement des plateformes pétrolières est
par exemple « beaucoup plus strictement encadré en mer du Nord que
dans le Golfe de Guinée. ».526 Or, comme le
déclare l'ONG Amnesty International, « Un environnement
sain, c'est un droit humain ».527
L'offensive diplomatique menée par de grands
consommateurs, comme les Etats-Unis ou la Chine, à l'endroit du
Nigéria ne constitue pas pour lui un gage de bonne gouvernance
pétrolière ou de développement. Or, compte tenu du
dynamisme de l'industrie pétrolière nigériane, il est
nécessaire que les autorités politiques fassent jouer, aux grands
consommateurs, un rôle franc dans le développement.
B- De la nécessité d'un engagement des
grands consommateurs dans le processus de développement du
Nigéria :
Il est impossible pour le Nigéria, à l'Etat
actuel des choses, de penser un développement sans la participation de
ses partenaires internationaux. La place qu'occupe le pétrole dans
l'économie, la politique ou les relations internationales du pays ne lui
permet pas de se passer du concours des grandes puissances dans son industrie
pétrolière.528 En outre, le retard technologique et
économique du Nigéria ne lui laisse aucune chance de mener seul,
avec succès, des travaux de prospection pétrolière que ce
soit sur terre ferme ou dans les profondeurs océaniques. Le pays est
indubitablement dépendant de l'extérieur pour le
développement de sa filière
pé-trolière.529 La place importante qu'occupent les
grands consommateurs dans l'univers pétrolier nigérian leur donne
de grandes responsabilités dans le développement du pays. S'il
est impossible pour un pays d'attendre le développement d'un autre, il
est tout de même réaliste de considérer qu'aucun
développement ne serait possible dans une situation d'autarcie.
Les nations occidentales, en particulier, ont un rôle
important à jouer dans le développement du Nigéria. Cela
n'est possible que si les autorités politiques nigérianes
engagent leur pays sur le chemin de l'émancipation stratégique.
Elles pourraient, dès lors, contraindre l'action des multinationales
pétrolières pour en tirer des bénéfices plus
grands. L'Etat fédéral devra se donner les moyens de
contrôler l'action des compagnies pétrolières en veillant
au respect, par elles, de leur « agenda social » et des lois
encadrant leurs activités. Il pourra imposer aux multinationales des
quotas encadrant le recrutement de travailleurs locaux et veiller au transfert
de technologie nécessaire à la professionnalisation des cadres de
la NNPC. L'harmonisation des procédures pétrolières doit
également être un des chantiers menés de concert avec les
partenaires internationaux.
526 -Idem.
527 - Cf. Amnesty international, Pétrole, pollution
et pauvreté dans le delta du Niger, Amnesty international, Juin
2009
528 - Cf. supra
529 - Le Nigéria a besoin de l'appui extérieur
pour financer le développement de sa filière
pétrolière ; mais aussi de l'expertise technologique des pays
occidentaux ou asiatiques pour mener la prospection pétrolière,
l'extraction du brut et même sa vente. L'organisation actuelle de la
filière pétrolière nigériane est grandement
tournée vers l'extérieur.
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Yaoundé II-Soa. Page 122
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
En outre, les dirigeants politiques doivent engager les
clients du pétrole nigérian à la résolution de la
crise qui sévit dans le delta du Niger. Ils devraient veiller à
ce que l'action des multinationales ne se fasse plus au détriment du
bien-être des populations. Les investissements des grands consommateurs
dans l'industrie pétrolière devraient être suivis,
automatiquement, d'engagements financiers dans l'éducation, la
santé ou les transports. De cette manière, ils pourront
accompagner, efficacement, les initiatives gouvernementales en matière
de développement.
L'intérêt stratégique du Nigéria
est tellement important qu'il est dangereux, même pour les grandes
puissances, de continuer à exploiter le pétrole du pays sans
veiller à une plus juste répartition de ses fruits. En effet, le
poids démographique du Nigéria et sa situation
géographique dans le Golfe de Guinée530 font de lui un
élément essentiel de la stabilité de la sous-région
et un acteur nécessaire à l'émergence de celle-ci. Les
clients du pétrole nigérian doivent se montrer plus
disposés à oeuvrer pour une industrie pétrolière
juste et équitable, s'ils veulent y préserver leurs
intérêts. C'est également une mission que doivent remplir
les institutions financières internationales.
Paragraphe 2 : Les institutions
financières internationales (IFI) et le contrôle de la
filière pétrolière.
A- Historique et rôle des IFI dans le domaine
pétrolier :
Les institutions financières internationales
(IFI) sont des acteurs importants dans les économies des pays
sous-développés. Arrivées en Afrique dans les
années 1980, à la suite de la crise du surendettement, elles y
sont toujours 30 années plus tard. Les plus actives sur le continent
sont le Fonds Monétaire International et Le Groupe de la
Banque Mondiale. L'objectif de ces institutions est de permettre, par
l'application de politiques d'austérité, un redressement de la
situation économique des pays en crise. Elles mettent alors sur pied des
initiatives dénommées Programme d'Ajustement Structurels (PAS)
destinées à ramener progressivement les Etats à une
situation économique équilibrée. Des pratiques comme la
privatisation des sociétés d'état ; la
libéralisation de l'économie ; la diminution des effectifs de la
fonction publique ; la lutte contre les déficits budgétaires et
de la balance de paiement sont alors proposées (ou imposées) aux
Etats contre une réduction ou une annulation de leur dette.
Le Nigéria est un des nombreux pays africains ayant
été contraints par la tutelle financière des IFI. Les
politiques de développement adoptées par les dirigeants
nigérians dès les premières années de
l'indépendance, caractérisées par une volonté
d'industrialisation par l'apport de capitaux extérieurs, ont
provoqué un surendettement du pays.531Les Agences de
Crédit à l'Exportation (ACE) apparaissent à cet effet
comme les véritables responsables, avec les autorités politiques
nigérianes, de
530 - Le pays est, avec le Cameroun, au coeur du Golfe de
Guinée. Cf. annexe n°
531 - Cf. supra
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
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Nigéria.
l'important endettement qui a conduit à la perte de
l'indépendance économique et financière du Nigéria.
En effet, celles-ci détenaient en l'an 2000, 71% de l'endettement
extérieur du Nigéria.532 Incapable de tenir ses
engagements financiers, auprès des bailleurs de fonds internationaux, le
pays a été mis sous ajustement structurel comme la plupart des
pays pétroliers du Golfe de Guinée.
Le rôle des institutions financières
internationales dans le financement des projets pétroliers est
important. Elles accordent généralement des prêts aux pays
pétroliers assorties de conditionnalités les engageant à
se servir de l'argent du pétrole pour lutter contre la pauvreté.
Le Groupe de la Banque Mondiale, par exemple, finance directement les projets
pétroliers ; offre une assurance contre le risque politique, ainsi que
d'autres garanties, et encourage l'évolution de l'environnement
politique et légal des pays pour les rendre plus attractifs aux pays
étrangers.533Quelques organismes du Groupe de la Banque
mondiale sont particulièrement actifs au Nigéria comme,
d'ailleurs, dans la plupart des pays pétroliers d'Afrique : la
Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement (BIRD, encore appelée « Banque Mondiale
»), l'Association Internationale pour le Développement
(AID) et la Société Financière Internationale
(SFI). Alors que les prêts de la BIRD sont assortis de taux
d'intérêts proches de ceux du marché, l'AID accorde ses
prêts aux pays pauvres et à des taux
préférentiels.534La Société
Financière Internationale est, quant à elle, « la plus
importance source d'investissement multilatéral ou bilatéral pour
le secteur privé en Afrique, et notamment pour les projets de
l'industrie pétrolière. ».535 En 2001, par
exemple, le financement de projets pétroliers et gaziers,
essentiellement offshores, en Afrique subsaharienne représentait 40% des
sommes investies par la SFI dans l'amont pétrolier536soit 336
millions de dollars. Le Nigéria figure parmi les derniers
bénéficiaires des investissements pétroliers de la SFI en
Afrique pétrolière.537
Les investissements dans le secteur extractif constituent une
aubaine financière pour les institutions financières
internationales. Ils A titre illustratif, les prêts dans le secteur
pétrolier sont par exemple les plus rentables du portefeuille de la
SFI.538Au-delà de l'aspect purement financier, l'engagement
des IFI dans un projet quelconque représente un avantage symbolique,
financièrement rentable, pour les pays. En effet, il sert de «
caution morale » aux banques et aux investisseurs privés
désireux de s'engager dans ce projet.539 Les pays
pétroliers se font alors un devoir de faire appel à ces
institutions dans le but qu'elles fassent affluer chez eux les investisseurs
pusillanimes. La présence de conditionnalités sociales ou
écologiques540dans les prêts accordés par les
IFI aux pays pétroliers peut sembler avantageuse pour leurs popula-
532 - Voir Ian Gary et Terry Lynn Karl, le fond du Baril.
Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic relief
service, juin 2003, p.16
533 - Idem, p.15
534 -Ibid.
535 -Ibid.
536 -Ibid.
537 -Ibid., p.16
538 -Idem
539 -Ibid.
540 - Elles concernent généralement la lutte contre
la pauvreté ou la préservation de l'environnement.
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
tions. Or, la situation de grande pauvreté et la
pollution multiforme que connaissent de nombreux nigérians aujourd'hui
apparait comme un démenti cinglant de l'engagement social des
institutions financières internationales.
B- L'échec des institutions financières
internationales dans le processus de développement du Nigéria
:
Il est difficile de voir les bénéfices, pour les
nigérians, de la présence des IFI dans le secteur
pétrolier de leur pays trente ans après leur arrivée. La
pauvreté est toujours importante dans le pays et de nombreux
nigérians n'ont pas encore accès à des besoins
élémentaires comme l'eau, l'électricité, les soins
de santé ou même à une éducation de
qualité.541 Dans le delta du Niger, les populations vivent
dans une précarité que viennent aggraver les conséquences
écologiques et économiques de la pollution
pétrolière. Le coût humain de l'activité
pétrolière au Nigéria traduit le peu d'importance
accordée au sort des populations. Ici, comme dans de nombreux autres
pays pétroliers du Golfe de Guinée, les bénéfices
financiers de l'industrie passent avant le bonheur des populations. Les
institutions financières internationales, en leur qualité de
premiers partenaires multilatéraux ou bilatéraux du secteur
pétrolier nigérian, ont une grande responsabilité dans la
situation économique et sociale précaire du premier producteur de
pétrole d'Afrique. Elles sont les complices du développement,
dans le pays, d'une industrie pétrolière prédominante et
surtout incapable de régler le problème du
sous-développement.
Les institutions financières internationales,
censées oeuvrer pour le redressement des économies des pays en
difficultés, se sont montrées incapables d'atteindre leurs
objectifs en Afrique comme ailleurs.542 Au Nigéria, elles
n'ont pas pu contraindre les autorités politiques et les autres acteurs
du secteur pétrolier à assurer le bonheur des populations.
Ceux-ci ont fait peu de cas des conditionnalités environnementales ou de
développement humain, de ces partenaires financiers, dans la conduite de
leurs activités. Les compagnies pétrolières par exemple
n'ont pas, ou peu, réalisé leurs promesses d'investissements dans
des technologies plus respectueuses de l'environnement ou dans des projets
capables d'améliorer significativement les conditions de vie des
populations des régions pétrolières. De même, les
stratégies de lutte contre la pauvreté mises sur pied par les
dirigeants du pays se sont révélées inefficaces depuis
plusieurs années. La création de la Commission de
Développement du Delta du Niger, censée conduire des projets
de développement dans la principale région
pétrolière du pays, n'y a pas encore permis une réelle
amélioration des conditions de vie des habitants. Malgré cela,
les institutions financières internationales continuent d'investir dans
l'amont pétrolier, se rendant ainsi complices de l'action des
multinationales et des hommes politiques nigérians. Au Nigéria,
elles ont privilégié, comme leurs consoeurs les agences de
crédit à l'exportation, leurs profits au détriment de
l'aspect social et humanitaire de leur activité.
541 -Cf. supra
542 - L'incapacité dont elles font preuve dans la
résolution de la crise de la dette en Grèce, en Espagne, au
Portugal ou en Italie témoigne de leur inadaptation aux
évolutions actuelles du monde et du caractère irréaliste
et improductif de leurs missions.
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Yaoundé II-Soa. Page 125
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dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
La solution à l'échec de l'action des
institutions financières internationales au Nigéria réside
dans un changement radical de leurs priorités. Elles devraient se monter
plus fermes face aux autorités politiques et aux compagnies
pétrolières internationales et n'entretenir des relations
économiques et financières qu'avec les « bons
élèves ». Elles pourraient par exemple les obliger à
faire des efforts supplémentaires en matière de transparence dans
les transactions financières. Le suivi des recommandations de la
NEITI543 doit constituer, à cet effet, la base de leur
engagement avec un quelconque partenaire pétrolier. L'intensification de
la lutte contre la pauvreté et les détournements de fonds doit
être une des conditionnalités de leurs prêts. Les IFI ont
l'obligation, pour la réussite de leur mission, de demander aux
autorités politiques des gages de leur engagement plus ferme à
lutter contre les crimes économiques. Le renforcement des
capacités des organismes de lutte contre la corruption et de la
société civile doit être recommandé et
encouragé à cet effet. En outre, les institutions
financières internationales ne peuvent réaliser leur objectif de
lutte contre la pauvreté qu'en exigeant de leurs partenaires un plus
grand investissent dans des projets de développement. Les missions de
contrôle de l'application des promesses des acteurs du secteur
pétrolier nigérian, en matière de développement,
doivent se faire plus régulières et surtout appliquer des
sanctions fermes à l'endroit des contrevenants. Les institutions
financières internationales pourront alors prouver, par leur engagement
à l'amélioration des conditions de vie des nigérians,
l'utilité de leur présence dans le pays et leur capacité
à y promouvoir bonne gouvernance et transparence. L'oeuvre de
dénonciation qu'effectuent les organisations non gouvernementales
mérite également d'être améliorée.
Paragraphe 3 : Le rôle des Organisations
non gouvernementales dans la défense des populations
locales.
A- Les ONG face à la valeur stratégique du
pétrole nigérian :
« Le Nigéria est le premier producteur de
pétrole d'Afrique subsaharienne ; c'est aussi l'illustration parfaite du
paradoxe de l'abondance. ». Ces quelques mots par lesquels
commence le bilan de l'industrie pétrolière au Nigéria,
contenu dans un rapport publié par l'ONG Catholic Relief
Service,544 témoignent de la situation économique
et sociale précaire du pays, 50 ans après le début de son
industrie pétrolière. Le Nigéria y est
considéré comme « un exemple à ne pas suivre »
au regard de la gestion qui y est faite de la manne pétrolière.
En effet, l'exploitation du pétrole n'a pas tenu les promesses de
développement que les dirigeants politiques et la population
nigériane avaient formulé à son endroit. La lutte pour la
conquête des positions rentières et la volonté des hommes
d'Etat nigérians de faire du pétrole une arme et un instrument
politiques ont eu raison de la prospérité économique, de
la cohésion
543 - Cf. supra
544 - Ian Gary et Terry Lynn Karl, le fond du Baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic relief service,
juin 2003, 102 pages. La citation se trouve à la page 25.
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Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
sociale et du bien-être des populations. Aujourd'hui,
malgré le retour à la démocratie, l'exploitation
pétrolière tarde à assurer le redressement du pays le plus
peuplé d'Afrique.
Plusieurs ONG occupent actuellement le terrain de la
dénonciation des réalités de l'exploitation
pétrolière au Nigéria. Toutes s'inscrivent dans la logique
de l'ouverture d'un débat sur les conséquences de l'expansion de
l'industrie pétrolière sur les populations, celles des
régions pétrolières en particulier. Diverses actions sont
menées avec pour objectif de susciter, de la part de l'Etat et des
autres acteurs du secteur pétrolier, un changement radical de
comportement. Quatre organisations non gouvernementales ont
particulièrement attiré notre attention à cause du nombre
important d'actions qu'elles ont menées ; mais aussi de leur stature
internationale et de la relative influence qu'elles ont pu avoir sur les
décisions pétrolières. Il s'agit d'Amnesty
International, des Amis de la terre, de Transparency
International et de Human Rights Watch.
Amnesty international est souvent
présentée « [...] comme une organisation indépendante
et privée, oeuvrant en faveur de la libération de tous les
prisonniers détenus pour des raisons politiques ou religieuses.
».545 Fondée en 1961 par un avocat britannique,
Peter Benenson, elle a pour objectifs généraux de faire
respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme ; de
travailler à la libération des prisonniers détenus
abusivement et soumis à des contraintes en raison de leur convictions
politiques ou religieuses, de leur race, de leur sexe ou de leur langue ; de
s'opposer à l'emprisonnement sans procès et à la peine de
mort, etc.546 L'ONG, qui est active dans l'univers pétrolier
nigérian, se donne pour mission de faire respecter, par les acteurs de
celui-ci, le droit pour chaque homme de bénéficier de conditions
de vie décentes et de vivre dans un environnement sain.
Les principaux chantiers dans lesquels Amnesty
International est particulièrement active sont la
dénonciation de l'incurie avec laquelle les compagnies
pétrolières mènent leurs activités au
Nigéria ; la description des conditions de vie miséreuses des
populations des régions pétrolières et de la violence qui
y règne. Elle travaille en collaboration avec certaines ONG locales
comme le Centre for Environment, Human Rights and development (CEHRD)
et publie de nombreux rapports sur l'impact environnemental mais aussi
économique de l'industrie pétrolière au Nigéria
;547 en insistant sur la responsabilité des autorités
politiques et des compagnies pétrolières dans la misère et
la précarité dans le delta du Niger. Amnesty international
exhorte les nigérians à saisir les plus hautes
autorités du pays pour leur demander d'agir pour une industrie plus
propre et respectueuse de leurs moyens de subsistance ; ainsi que pour une
amélioration de leurs conditions de vie. L'ONG n'hésite pas
à exercer elle-même un certain lobbying auprès des
multinationales du pétrole et à les prendre à
545 - « Amnesty International », Microsoft®
Encarta®, 2009 [DVD], Microsoft Corporation, 2008
546 - Idem
547 - Voir Amnesty International et CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacités à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
2011, 50 p. Mais aussi Amnesty international, Pétrole,
pollution et pauvreté dans le delta du Niger,
Amnesty international, Juin 2009.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 127
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
partie dans des rapports ou lors de campagnes de
sensibilisation particulièrement originales. C'est ainsi qu'au cours de
l'une d'entre elles, des militants d'Amnesty In-ternational ont
nettoyé symboliquement une station service de la compagnie
pétrolière Shell, afin de la mettre face à ses
responsabilités dans la pollution dont elle est responsable au
Nigéria.548 Même si les compagnies
pétrolières et les agences gouvernementales du secteur
pétrolier opposent généralement une fin de non recevoir
aux sollicitations de l'ONG,549 celle-ci a réussi, tout de
même, à susciter le débat sur le bilan de cinquante
années d'exploitation pétrolière dans le pays.
L'organisation non gouvernementale les Amis de la terre
est, elle aussi, active sur le terrain de la protection de
l'environnement. Comme son nom le laisse deviner, elle oeuvre dans de nombreux
pays pour favoriser l'adoption, par les dirigeants politiques et les acteurs
économiques, de politiques de développement durable. Elle pense
ainsi pouvoir lutter efficacement contre les changements climatiques et
préserver l'environnement. L'action des Amis de la terre au
Nigéria consiste à décrier les méthodes de certains
acteurs de l'industrie pétrolière, jugées polluantes.
C'est ainsi qu'une campagne contre la destruction, par torchage,550
du gaz produit au cours de l'extraction du pétrole a été
menée au cours de l'année 2011. En effet, d'importantes
quantités de gaz sont souvent libérées dans
l'atmosphère lors de la production du pétrole. La majorité
des compagnies pétrolières présentes au Nigéria
(Shell, Exxon-Mobil et Chevron en particulier)551 brulent ce gaz
pour « réduire » leurs frais. Les quantités de dioxyde
de carbone produites au cours de cette action, qui est communément
appelée « torchage de gaz », correspondraient aux
émissions produites par deux millions de ménages nord
européens.552La campagne de l'ONG a abouti à une
fiche, produite avec le soutien financier de l'Union Européenne, qui
décrit les conséquences environnementales, mais aussi
économiques de cette activité polluante et dangereuse pour la
santé des populations des régions pétrolières ; et
sur une vive interpellation des compagnies pétrolières
incriminées à adopter des méthodes plus
écologiques.
Les plus importantes actions de Tansparency International
et Human Rights Watch ont été recensées dans
le domaine de la lutte contre les crimes financiers. Il s'agit
généralement pour ces organisations non gouvernementales de
dénoncer, à travers des rapports, l'accaparement des revenus
pétroliers par l'élite politique nigériane. Elles
considèrent en effet, que la lutte pour une gestion transparente de la
rente pétrolière participe de l'amélioration des
conditions de vie des nigérians et donc à la sauvegarde de leur
droit à des conditions de vie décentes. Les efforts de
transparence et de bonne gouvernance pétrolière, entrepris par
les autorités politiques
548 - Voir Amnesty International, Industries extractives
et droits humains : vers la responsabilité des multinationales ?
Amnesty International, 2011.
549 - Cf. Amnesty International et CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacités à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
2011, pp. 21 et 30.
550 - Cf. annexe n°
551 - les Amis de la terre Europe, les Amis de la terre
Pays-Bas, les Amis de la terre France et CEE Bankwatch, Torchage de gaz au
Nigéria. Les perdants : l'environnement, le développement, la
vie, Fiche publiée grâce au soutien financier de l'Union
Européenne, Février 2011.
552 - Idem
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 128
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
depuis le retour de la démocratie, ont suscité
des avis favorables de ces ONG souvent jugées très
sévères vis-à-vis des pays africains.553
B- Principales limites de l'action des ONG et
nécessité d'un aggiornamento de
leurs stratégies :
La contribution des organisations non gouvernementales
à l'amélioration des conditions de vie des nigérians est
indéniable. Qu'elles s'engagent dans la lutte contre la pollution ou
contre les crimes financiers, elles marquent par leur capacité à
susciter le débat sur la gestion de l'industrie pétrolière
et à mettre les différents acteurs de celle-ci face à
leurs responsabilités. C'est alors à juste titre que les
relations entre les ONG et les autorités politiques nigérianes ne
sont pas toujours au beau fixe. Ces dernières, comme les compagnies
pétrolières d'ailleurs, hésitent à reconnaitre leur
responsabilité dans la situation économique et écologique
désastreuse du pays. Les acteurs de l'industrie pétrolière
au Nigéria refusent de collaborer de manière
régulière avec les organisations non gouvernementales et ne
tiennent compte que très insuffisamment des propositions qui leur sont
faites.
L'insuffisante collaboration entre les organisations non
gouvernementales et les différents acteurs de l'industrie
pétrolière au Nigéria réduit les résultats
de l'action de celles-ci. Leurs initiatives sont alors des plaidoyers d'une
cause qui semble perdue d'avance. Les efforts d'Amnesty International
pour susciter plus de responsabilité de la part des compagnies
pétrolières internationales n'ont, par exemple, pas encore permis
une réduction considérable de la pollution
pétrolière dans le delta du Niger. Les déversements
accidentels de pétrole dans la nature sont toujours d'actualité
et les causes sont généralement à rechercher dans le
manque d'entretien des installations pétrolières. Les droits des
populations des régions pétrolières à ces occasions
sont toujours très peu pris en compte. Celles-ci ne
bénéficient pas des indemnisations dont elles ont droit et sont
toujours expropriées au profit des projets de prospection
pétrolière. L'action des organisations non gouvernementales doit
alors se faire plus incisive. Elles doivent par exemple exercer un lobbying
auprès des institutions financières internationales pour que
leurs financements ne bénéficient dorénavant qu'aux
projets pétroliers « propres ». Le poids qu'ont les
investissements de certaines d'entre elles dans l'industrie
pétrolière déciderait les acteurs de la filière
nigériane à faire des efforts dans le sens d'améliorer
l'impact de leurs activités sur les populations.
Les ONG doivent également exercer des pressions
auprès des bailleurs de fonds pour que soient pris en compte, dans
l'attribution de prêts pétroliers, la volonté des acteurs
de se servir de l'argent reçu pour permettre un réel
développement de la région du delta du Niger et du Nigéria
en général. Les organisations non gouvernementales peuvent
utiliser des mesures plus radicales comme le boycott des stations services ;
l'organisation de campagnes internationales de lutte contre l'incurie ; la
signature de pétitions à l'endroit des autorités
politiques fédérales ou des compagnies pétrolières
; etc. pour inciter les acteurs du secteur pétrolier, les compagnies
553 - Cf. supra
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Yaoundé II-Soa. Page 129
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pétrolières en particulier, à adopter une
stratégie plus « humaine » dans leur gestion du secteur
pétrolier. Il est en outre important que les ONG renforcent leur
partenariat avec des organisations locales pour une action plus efficace.
Les organisations non gouvernementales sont des partenaires
importants du secteur pétrolier nigérian. Si leur action ne
rencontre pas toujours l'assentiment des acteurs de l'industrie, elle n'en
demeure pas moins essentielle à l'amélioration de la gestion du
secteur pétrolier nigérian. Il leur faut toutefois revoir leurs
stratégies afin de leur action ne s'apparente pas au mythe de
Sisyphe.
SECTION III : DE LA NECESSAIRE
INSCRIPTION DU NIGERIA DANS UNE LOGIQUE DE DEVELOPPEMENT DURABLE :
Le pétrole reste un facteur majeur de puissance
politique et de stabilité économique et sociale au
Nigéria, cinquante ans après le début de son exploitation.
L'industrie pétrolière est le premier pourvoyeur de fonds de
l'Etat, le principal facteur de la croissance de son PIB, le moteur du
dynamisme de son commerce extérieur et un élément majeur
de sa coopération internationale.554L'importance du
pétrole au Nigéria a favorisé la naissance de nombreuses
convoitises qui, en plus de limiter les résultats sociaux de son
exploitation, mettent le pays dans une situation d'insécurité
multiforme et préjudiciable à sa stabilité. Un des plus
grands risques auxquels est exposé le premier producteur de
pétrole d'Afrique subsaharienne est, sans doute, l'incapacité de
réussir sa transition énergétique. En effet, si le
pétrole reste une énergie prisée, à cause de sa
facilité de stockage et la variété de ses
usages,555 son caractère non renouvelable demeure une
épée de Damoclès sur les perspectives de
développement. Il est impossible pour un pays essentiellement
pétrolier d'envisager sereinement l'avenir sans une réelle
volonté d'adopter des politiques de diversification
énergétique voire de développement durable. Car,
malgré le succès que connait aujourd'hui l'industrie
pétrolière, il est évident qu'elle connaitra, même
s'il n'existe pas encore de consensus quant à l'atteinte ou non du pic
pétrolier, un certain ralentissement dans les années à
venir.556 Le Nigéria, qui souhaite confirmer et stabiliser
son statut de puissance régionale et mondiale, se doit alors d'orienter
son industrie pétrolière vers la prise en considération
des générations futures (Paragraphe 1). Il est nécessaire
pour cela que les autorités politiques du pays réduisent la place
du pétrole dans l'approvisionnement énergétique et
l'économie en lui substituant progressivement des énergies
renouvelables (Paragraphe 2). L'adoption de politiques de développement
durable par tous les acteurs secteur pétrolier nigérian ne
réduirait
554 - Cf. supra
555 - Cf. supra
556 - De nombreuses raisons comme le manque de
rentabilité du pétrole à cause d'une hausse soutenue des
prix du baril ; la raréfaction des gisements ; la faillite des
compagnies pétrolières ; l'adoption par plusieurs pays de
politiques de développement durable ou la découverte d'une
énergie plus moins cher et facilement accessible pourraient venir
brusquement stopper l'attrait dont bénéficie actuellement le
pétrole.
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Yaoundé II-Soa. Page 130
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pas la croissance économique du pays, mais favoriserait
plutôt son émergence en tant qu'acteur
géostratégique majeur (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Extraction
pétrolière et prise en considération des
générations futures.
A- Développement durable et exploitation
pétrolière :
Le développement durable est défini comme «
un développement qui répond aux besoins des
générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre
aux leurs. ».557C'est une conception du développement
qui se propose, par l'adoption de technologies et attitudes écologiques,
de permettre une croissance économique qui ne se ferait pas au
détriment des générations futures. Il s'agit alors, ici,
non pas de se priver dans les temps actuels, mais d'agir pour un profit
équitable entre les générations. Les promoteurs de cette
stratégie de développement considèrent, en effet, que le
type de développement hérité du modèle capitaliste
n'est pas viable sur le long terme. Même s'il a apporté de
nombreux avantages aux pays industrialisés, il s'est surtout fait au
détriment de la planète.558Il n'a pas suffisamment
pris en compte la postérité et a entrainé des
écarts de développement considérables entre pays du nord
et pays du sud. Or, la réalité actuelle du monde voudrait que
tout projet de développement soit bâti sur des bases consensuelles
et n'exclue pas les générations futures.
L'industrie pétrolière est stratégique.
En Afrique, les acteurs du secteur font valoir de nombreux arguments qui
participent au maintien, dans de nombreux pays, d'une économie
profondément influencée par les revenus pétroliers. Les
multinationales du pétrole utilisent force moyens financiers pour
maintenir un certain dynamisme de l'industrie. Elles réalisent chaque
jour de nouvelles prospections pétrolières qui visent, à
terme, à se servir des pays pétroliers de la région comme
des facteurs de leur développement et de leur industrialisation. En
outre, les considérations géostratégiques qui accompagnent
les projets pétroliers des grands consomma-teurs559
réduisent les chances des pays pétroliers africains, très
extravertis, de définir des politiques pétrolières
autonomes.560 Les dirigeants politiques, quant à eux,
continuent de faire de la rente pétrolière
l'élément essentiel de leur économie et de leurs finances
publiques. Il est alors quasiment impossible, dans les conditions actuelles
d'assujettissement de l'industrie pétrolière en Afrique, que le
concept de développement durable soit considéré comme une
priorité par les acteurs de la filière.
557 - Op.cit
558 - Cf. supra
559 - Cf. supra
560 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 131
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
B- Déficit stratégique du Nigéria et
faible prise en compte des exigences du développement durable
:
Au Nigéria, l'industrie pétrolière sert
tout d'abord à financer le fonctionnement de l'administration, à
travers l'allocation fédérale statutaire, mais aussi
à entretenir une clientèle politique de plus en plus nombreuse.
La politisation de la rente fait du pétrole un facteur de puissance,
essentiel à tous les acteurs gouvernementaux de la filière. La
lutte pour le contrôle des positions rentières se fait de plus en
plus vive au sein des institutions chargées de la gestion du secteur
pétrolier ; entre elles ; et entre celles-ci et les autres acteurs de
l'industrie. Dans ces conditions, la prise en compte des
générations futures dans la planification et la gestion de
l'industrie pétrolière est insuffisante. En effet, le faible
contrôle des autorités politiques sur l'activité des
compagnies pétrolières créé une incurie
générale, marquée par l'utilisation insuffisante de
technologies propres et le faible entretien des installations
pétrolières. Un expert du delta du Niger, dont les propos ont
été révélés par Wikileaks, a
déclaré au consul américain en 2008 que « 73% de tous
les oléoducs auraient dû être remplacés il y a dix
ans déjà. Dans de nombreux cas, des pipelines prévus pour
durer 15 ans sont en place depuis 30 ans. ».561 Selon le
même expert, « parce que le matériel est attaqué par
la corrosion et enterré à une faible profondeur, il est
très vulnérable aux chocs accidentels ou
prémédités, imputables à la nature ou à
l'homme. ».562Les catastrophes naturelles qui s'en suivent et
qui sont journalières, selon certains observateurs, provoquent une
destruction de l'environnement qui est préjudiciable aux
générations futures. Pis, le cycle de pollution semble même
imperturbable tant il a su résister au temps.563Le
caractère stratégique de l'industrie pétrolière
apparait alors comme un frein à la prise en compte véritable des
générations futures dans la gestion des activités des
multinationales.
La multiplication des projets pétroliers dans le pays
est également la preuve du peu d'intérêt qu'ont les
autorités fédérales pour une gestion équitable des
ressources pétrolières entre les générations. Aux
anciens sites arrivés à épuisement succèdent de
nouveaux, toujours plus nombreux. L'Etat fédéral ne fait preuve
d'aucune planification quant à la gestion des réserves
pétrolières du pays. Or, la majorité des clients du
Nigéria (Etats-Unis, Chine, Angleterre, France, etc.) possèdent
du pétrole qu'ils utilisent, pour certains, comme des réserves
stratégiques.564 Le risque économique mais aussi
écologique et militaire est alors transféré vers le
Nigéria qui devient un terrain d'affrontement et d'affirmation pour les
grandes puissances.
La gestion de l'industrie du pétrole par les
autorités politiques nigérianes fait planer de nombreuses
incertitudes sur les générations futures quant à leur
chance d'hériter d'un Nigéria fort et autonome. En effet, le
manque de résultats sociaux du pétrole a plongé de
nombreux nigérians dans une grande pauvreté. Les habitants
561 - Voir Amnesty International et CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacités à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
2011, p. 35
562 - Idem
563 - Ibid.
564 - C'est le cas plus particulièrement des Etats-Unis,
et de certains pays européens.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 132
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
des régions pétrolières, qui s'estiment
lésées depuis de nombreuses années dans le partage de la
rente, souhaitent une répartition des revenus pétroliers qui
serait à leur avantage. Certains leaders militants dans la région
réclament même de la part des autorités
fédérales un véritable « fédéralisme
fiscal » qui leur permettrait, à terme, de contrôler
l'industrie pétrolière.565 La politique
étatique en matière de gestion de l'industrie
pétrolière s'oriente alors vers une multiplication des
capacités de production du pays et sur une augmentation des fonds
reversés aux différents niveaux de gouvernement.566
Dans ces conditions, il devient impossible pour les responsables politiques de
songer à une gestion du pétrole qui intègre les besoins
éventuels des générations futures,
préoccupés qu'ils sont de faire jouer au pétrole un
rôle prépondérant dans l'économie et les relations
internationales du pays. Or, au regard des prévisions
démographiques d'ici à 2050,567 il leur est
nécessaire de mettre sur pied des politiques pétrolières
qui prennent suffisamment en considération les générations
futures.
Les autorités politiques nigérianes sont
astreintes d'intégrer dans leurs politiques pétrolières
les exigences du développement durable. Elles risqueraient sinon, de
plonger les régions pétrolières dans une pollution qui
serait très difficile à éradiquer même sur plusieurs
générations. Les produits de la mer auront
considérablement diminués et les sols se seront appauvris,
réduisant, de ce fait, la capacité des populations à
être alimentairement autonomes. De nombreux nigérians subiraient
alors les conséquences d'une gestion du pétrole n'ayant pas pris
en compte les besoins des générations à venir. Il est
impératif que les dirigeants politiques du pays oeuvrent pour une
gestion plus respectueuse de l'environnement par les compagnies
pétrolières. Pour atteindre cet objectif, ils devraient
nécessairement mettre fin à la politique du « tout
pétrole » en vigueur dans le pays. La promotion des énergies
renouvelables pourra alors permettre au pays d'atteindre ses objectifs en
termes de puissance et de développement.
Paragraphe 2 : Les énergies
renouvelables comme facteurs de développement et de puissance pour le
Nigéria.
A- La place du pétrole dans le bilan
énergétique :
Les énergies renouvelables (éolien, solaire,
biomasse, biocarburants, hydraulique, etc.) constituent des points essentiels
de la logique de développement durable. En effet, le modèle de
développement capitaliste, qui a favorisé les « trente
glo-
565 - Cf. supra
566 - C'est précisément l'objet de
l'intensification de la coopération pétrolière entre le
Nigéria et de gros consommateurs comme les Etats-Unis et la Chine. Le
premier s'est engagé à augmenter ses importations de
pétrole en provenance du Nigéria, tandis que le second s'y est
offert récemment d'importants blocs pétroliers. Les
autorités politiques nigérianes se sont alors engagées,
depuis le retour à la démocratie, d'augmenter le taux des revenus
reversés aux régions pétrolières et à
créer des organismes en charge d'y initier des projets de
développement.
567 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 133
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
rieuses » et permis l'émergence de la
société de consommation actuelle,568 utilise
abondamment des énergies fossiles. Le pétrole, qui est la plus
utilisée d'entre elles, sert à la fois dans l'industrie, les
transports et la défense. Il est à la base du
développement et de la puissance de plusieurs nations occidentales et
asiatiques. Cependant, les conséquences de la consommation des
énergies fossiles sur l'environnement et la résilience de la
couche d'ozone569 ont poussé de nombreux scientifiques et
hommes d'Etat à s'interroger sur la pérennité d'un
modèle de développement très peu respectueux de la nature.
L'Organisation des Nations Unies, par l'entremise de la Commission
mondiale sur l'environnement et le développement (plus connue sous
le nom de « commission Brundtland »570) s'est alors
penchée sur la question et, au terme de trois années de travail,
a publié un rapport intitulé « Notre avenir à tous
» encore appelé « Rapport Brundtland ». Il s'agit dans
celui-ci d'une somme de constats sur les effets du développement
capitaliste sur l'environnement et de quelques propositions pour éviter
que les progrès économiques et sociaux se fassent au
détriment de notre planète.
Au Nigéria, comme dans de nombreux autres pays du Golfe
de Guinée, l'industrie pétrolière connait aujourd'hui un
véritable essor. Les compagnies pétrolières continuent
d'effectuer un travail de prospection intense, qui concerne de plus en plus les
fonds marins. La place du pétrole dans le bilan
énergétique du pays s'en trouve alors renforcée. En effet,
il constitue, avec le gaz naturel et la biomasse traditionnelle, les sources
d'énergie primaires les plus consommées au
Nigéria.571Le pétrole est la principale énergie
dans les transports et occupe une place tout aussi importante dans
l'approvisionnement en électricité de nombreuses
localités. Cependant, malgré la nette domination des
énergies fossiles dans la consommation énergétique au
Nigéria et l'importance des réserves gazières et
pétrolières du pays,572 celui-ci demeure
profondément dépendant de l'extérieur.573De
plus, les conséquences négatives de l'industrie
pétrolière, et même de la consommation des énergies
fossiles, sur la nature remettent en question le droit des populations
nigérianes à un environnement sain. Le pays est alors
exposé au risque de perdre à la fois sa résilience
écologique et énergétique. Pourtant, les
potentialités du pays en matière d'énergies renouvelables
sont importantes.
568 - Cf. supra
569 -
570 - Il s'agit d'une commission mise sur pied par l'ONU et
présidée par Gro Harlem Brundtland qui fut chargée de
réfléchir, à partir de 1983, à une solution
à la destruction de l'environnement causée par les progrès
de l'industrialisation et la modernisation de la société. Le
travail, qui dura trois ans, abouti à la conclusion qu'il était
important, pour sauver notre planète, de mettre sur pied un partenariat
mondial pour l'adoption d'un modèle de développement
écologique et équitable dénommé «
développement durable » en anglais « sustainable development
».
571 - Voir Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience
écologique et énergétique au Nigéria,
Hélio international/ Nigéria, 2007, p. 5
572 - Le Nigéria possède les sixièmes
réserves de pétrole brut au monde et près de 5000
milliards de mètres cubes de réserves prouvées de gaz. Cf.
Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience écologique et
énergétique au Nigéria, Hélio international/
Nigéria, 2007, p. 15
573 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 134
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
B- Etat des lieux des potentialités du
Nigéria en matière d'énergies renouvelables :
Le premier producteur de pétrole d'Afrique
possède d'importantes capacités en énergies propres. Les
sites hydroélectriques recensés dans le pays ont une
capacité de production de 11000 mégawatts.574 Leur
mise en marche effective viendrait augmenter la production électrique du
Nigéria, qui tourne aujourd'hui autour de 6 000 mégawatts, et
réduire considérablement la pauvreté
énergétique dont il souffre.575En plus, elle viendrait
améliorer la compétitivité du pays, mis à mal par
le coût élevé de l'approvisionnement en
électricité de nombreuses entreprises. L'Etat ayant mis sur pied
un plan d'extension du réseau électrique,576 il lui
reste à en favoriser l'accès à une grande partie des
nigérians à travers une réduction des prix à la
consommation. De même, les réserves en biomasse du pays, encore
grandement utilisées dans la production traditionnelle d'énergie,
sont des atouts pour une plus grande production d'électricité.
Elles peuvent, en effet, suppléer le réseau
hydroélectrique en cas de difficulté suite à une baisse du
niveau des cours d'eau. Le pays peut ainsi lutter efficacement contre les
coupures intempestives d'électricité que connaissent certaines
localités en période d'étiage.
L'énergie solaire peut également servir à
une production et une consommation durables d'électricité. En
effet, avec son niveau de radiation solaire élevé de 3,5 à
7,0 kWh/ m2 / jour,577 le Nigéria regorge de
potentialités exploitables pour la consommation domestique ou
industrielle d'électricité. Une extension du réseau
photovoltaïque peut venir à bout du problème
d'électrification des zones rurales et de certaines villes du pays. Les
entreprises, dont un grand nombre pallient à l'approvisionnement
électrique irrégulier par l'utilisation de groupes
électrogènes, ont également en l'énergie solaire
une solution durable à leur problème. Le domaine des transports
peut également profiter de la production de cette énergie
renouvelable à travers les véhicules dits « hybrides ».
Le Nigéria mettrait ainsi à profit les largesses dues à sa
situation dans une région à mi-chemin entre le sahel et la
forêt équatoriale.
Les ressources éoliennes du pays sont, quant à
elles, jugées modestes.578 La vitesse du vent y est
évaluée entre 4 et 7 m/ s (mètres par
seconde).579 Les coûts de réalisation et d'installation
des éoliennes étant généralement
élevés, il est nécessaire qu'une étude de la
viabilité commerciale de ce type de production électrique soit
réalisée. D'autres énergies renouvelables comme les
biocarburants, dont la production de certaines est très coûteuse,
peut aussi réduire la dépendance du Nigéria à ses
seules ressources pétrolières dans le domaine des transports. Il
faut pour cela que
574 - Voir Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience
écologique et énergétique au Nigéria,
Hélio international/ Nigé-ria, 2007, p.15
575 - 60% des Nigérians ne sont pas desservis par le
réseau électrique, soit près de 85 millions de
personnes.
576 - Cf. supra
577 - Voir Ewah Otu Eleri, Renforcer la résilience
écologique et énergétique au Nigéria,
Hélio international/ Nigéria, 2007, p.15
578 - Idem
579 - Ibid.
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Yaoundé II-Soa. Page 135
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
les autorités politiques donnent un coup de main
à la recherche et financent davantage l'agriculture.
Le Nigéria possède incontestablement
d'importantes ressources en énergies renouvelables. Celles-ci ont
l'avantage d'être plus respectueuses de l'environnement et de favoriser
une certaine indépendance énergétique du
pays.580La production pétrolière ne pouvant être
subitement ralentie, à cause notamment de l'importance qu'elle a dans
l'économie du Nigéria, les fonds issus de la vente de
pétrole peuvent alimenter les efforts de diversification
énergétique du premier producteur de brut d'Afrique, au lieu
d'être utilisés en majorité pour des questions
d'administration ou de politique. L'industrie pétrolière
deviendrait ainsi un facteur de promotion et de vulgarisation des
énergies renouvelables. Elle permettrait aussi de mieux envisager «
l'après-pétrole » dans le pays. Les énergies
renouvelables constituent des solutions rentables au déficit
énergétique et au sous-développement que connait le
Nigé-ria aujourd'hui. Leur promotion permettrait d'assurer un
développement harmonieux aux nigérians et fera que leur pays
évite de fonder sa prospérité économique sur la
destruction de son environnement.
Un des avantages les plus importants des énergies
renouvelables pour le Nigé-ria est son émancipation
stratégique. En effet, les grandes puissances, par ailleurs grandes
consommatrices de pétrole, se sont servies de l'extraction
pétrolière pour asseoir leur domination économique,
politique et stratégique sur le Nigéria en particulier et le
Golfe de Guinée en général. Elles ont pris le
contrôle progressif du premier producteur de pétrole d'Afrique et
se servent de lui comme terrain d'expérimentation de leurs projets
géostratégiques pour le continent.581Cette situation,
en plus de réduire les chances de développement du pays par le
pétrole, le met dans une situation d'insécurité
écologique, économique, politique, sociale et stratégique
permanente.582Or, une plus grande promotion des énergies
renouvelables dans le pays réduirait considérablement sa
dépendance stratégique envers les majors originaires des pays
grands consommateurs de pétrole. Le pays ne perdra rien de son
importance stratégique, encore moins de la croissance économique
qu'elle connait aujourd'hui, grâce à sa politique du « tout
pétrole ».
Paragraphe 3 : Le développement durable
pilier de la croissance économique et de l'affirmation
géopolitique du Nigéria.
A- Exploitation pétrolière et croissance
économique : un contraste apparent.
580 - Les avantages des énergies renouvelables en
matière de préservation de l'environnement et de
développement économique sont indéniables. Leur plus
grande utilisation au Nigéria aura également l'avantage de sortir
le pays de sa dépendance énergétique occasionnée
par la mauvaise organisation de sa filière pétrolière et
les réalités économiques de celle-ci, à condition
que les autorités politiques consentent à investir dans la
recherche et à perdre progressivement leur « pouvoir
pétrolier ».
581 - Cf. supra
582 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 136
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Le développement durable a pour principal objectif de
favoriser une croissance et un développement économiques plus
respectueux de l'environnement. Il est question, pour les tenants de cette
thèse, d'abandonner les méthodes héritées du mode
de développement capitaliste qui se sont révélées
insoutenables sur le long terme sans pour autant renoncer à la
croissance économique. En effet, si le développement durable se
présente comme un mode de développement profondément
original et écologique, il ne remet pas foncièrement en cause les
fondements de la croissance capitaliste que sont les chiffres du Produit
Intérieur Brut ou le Produit National Brut. Ce qui change ici c'est
l'accent mis à la conservation de l'équilibre
général et de la valeur du patrimoine naturel ; le souci d'une
distribution et d'une utilisation des ressources équitables entre tous
les pays et toutes les régions du monde et la volonté de
préserver l'épuisement des ressources naturelles.583
D'autres points comme la diminution de la production des déchets (qui
inclut la réutilisation et le recyclage des matériaux) et la
rationalisation de la production et de la consommation d'énergie
occupent également une place importante dans la théorie du
développement du-rable.584En cela, il apparait, aux yeux de
certains observateurs et partisans du modèle capitaliste, inapte
à la croissance.
En effet, le souci de rationalisation de l'exploitation et de
la consommation des ressources naturelles (comme les énergies fossiles)
semble en inadéquation avec la croissance économique qui est
généralement tributaire d'une hausse de l'activité des
entreprises nationales ou internationales. Dans la majorité des pays
africains épargnés par la récession qui touche
actuellement les économies occidentales, l'exploitation des ressources
naturelles occupe une place importante. C'est d'ailleurs, avec
l'amélioration des pratiques de gouvernance par le biais de l'ajustement
structurel et l'annulation de la dette, une des principales raisons du maintien
de la croissance en Afrique, selon certains experts du Fonds Monétaire
International.585 L'exploitation du bois, des ressources
minières ou du pétrole constituent des activités
économiques majeures dans de nombreux pays africains. Au Nigéria
par exemple, le dynamisme de l'industrie pétrolière joue un
rôle important dans la relative bonne santé macroéconomique
du pays. Les banques sont en surliquidité et l'argent du pétrole
sert de « capital initial » à de nombreux projets de
développement, notamment dans le cadre de la Commission de
Développement du Delta du Niger.586Il apparait alors
impossible pour les dirigeants politiques nigérians, comme pour leurs
homologues des autres pays africains, de penser une croissance qui ne serait
pas basée sur l'exploitation intensive des richesses naturelles que
regorge leurs sols ou leurs fonds marins.
La promotion du développement durable semble être
en contradiction avec les « efforts » des autorités politiques
nigérianes de lutter efficacement contre la pauvreté. En effet,
le pétrole constitue un pilier important de la stratégie de
développement
583 - Voir « Développement durable »,
Microsoft® Encarta® 2009 [DVD], Microsoft Corporation, 2008
584 -Idem
585 - Voir « Croissance mondiale. L'Afrique au-dessus des
nuages. », in Jeune Afrique n°2701, du 14 au 20 octobre
2012, p.16
586 - Cf. supra
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 137
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
mise sur pied par les dirigeants du pays ; ceci malgré
le pourcentage relativement faible qu'il occupe dans le PIB.587 Il
est à la base de nombreux projets de développement et participe
du dynamisme des relations internationales du premier producteur de
pétrole d'Afrique. En outre, il fait jouer au Nigéria le
rôle de partenaire stratégique de nombreuses puissances
occidentales et asiatiques. Il semble alors impossible pour les politiques de
développement durable de suppléer à l'industrie
pétrolière, au regard des résultats
macroéconomiques de celle-ci. Or, les potentialités de croissance
et de développement par l'adoption d'un mode de développement
plus respectueux de l'environnement sont nombreuses.
B- Contribution potentielle du pétrole au
développement économique et géopoli-
tique du Nigéria :
La promotion du développement durable par les
autorités politiques au Nigéria peut être d'un grand apport
pour sa croissance et son développement économiques. Mieux, elle
apparait comme une solution à son émergence en tant qu'acteur
géopolitique et géostratégique majeur. Le financement de
la recherche sur les énergies renouvelables peut faire du pays un
pionnier dans sa sous-région. Ses importantes potentialités en
matière d'énergie solaire ou éolienne peuvent lui servir
de moyens pour favoriser et intensifier la coopération
énergétique dans le Golfe de Guinée. Il lui sera possible,
par exemple, de vendre son savoir-faire auprès de ses voisins qui
connaissent, comme lui, des problèmes d'approvisionnement en
électricité. Le développement d'une « économie
» des énergies renouvelables peut lutter efficacement contre le
sous-développement au Nigéria et permettre au pays de rester un
partenaire énergétique majeur pour certains des clients actuels
de son pétrole. En outre, il constitue une solution pour anticiper
l'après-pétrole qui aura bien lieu, au regard du caractère
non renouvelable de la ressource.
Le développement d'une industrie du recyclage au
Nigéria est également un moyen efficace de favoriser sa
croissance économique. En effet, le domaine de la transformation des
déchets est encore embryonnaire sur le continent. Si quelques
initiatives sont recensées dans la plupart des pays africains, il est
indéniable qu'une véritable « révolution » n'a
pas encore eu lieu. Chaque jour, des tonnes de déchets plastiques et de
matières non biodégradables sont abandonnées dans la
nature. Il est possible pour le Nigéria de favoriser le
développement d'industries de transformation des déchets, qui
peuvent alimenter le marché sous- régional en produits
recyclés. Il est indéniable qu'avec les faveurs dont
bénéficient de nos jours les projets de développement
durable, le Nigéria est en mesure de tirer tous les avantages
économiques et financiers d'une plus grande promotion de la
récupération.
Le développement durable ne s'oppose donc pas à
une croissance économique pour le Nigéria. Il lui permettrait, au
contraire, de diversifier son économie sans perdre aucun point de sa
croissance ni mettre en péril son environnement. Le pays peu compter sur
une forte industrialisation, favorisée par l'émergence
d'industries oeuvrant dans les technologies durables, qui le mettraient
à l'abri des risques d'une
587 - Entre 20 et 40% de celui-ci selon les sources.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 138
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
économie dominée par l'exploitation des
ressources pétrolières. Les autorités politiques
nigérianes doivent se rendre à l'évidence que l'industrie
pétrolière, dans les conditions actuelles de son organisation, ne
peut qu'offrir à leur pays une croissance sans développement. La
promotion de politiques de développement durable appa-rait, quant
à elle, comme une promesse de croissance pour le pays mais aussi
d'affirmation de celui-ci comme un acteur géopolitique majeur.
En effet, l'adoption par le Nigéria de politiques de
développement durable lui permettrait de continuer à subordonner
sa politique étrangère à ses réalités
géographiques. Cependant, au lieu de se satisfaire de la place «
d'objet » des stratégies de puissance de ses clients, comme c'est
le cas actuellement dans ses relations pétrolières, le pays
pourra définir ses propres politiques énergétiques et
développer une activité commerciale offensive axée sur la
promotion d'énergies renouvelables issues de technologies et de
ressources locales. Il lui sera possible de se constituer en puissance
régionale, et même mondiale, grâce à un renversement
du rapport de force dans la bataille mondiale pour l'énergie. Il n'est
donc pas impossible pour le Nigéria de se développer sans son
industrie pétrolière. Le pays peut, au lieu de continuer à
utiliser ses revenus pétroliers pour financer des dépenses
administratives inefficaces, jusqu'à présent, mettre la rente au
service de la recherche scientifique et de la promotion du développement
durable. C'est une des conditions de son émancipation stratégique
et de son émergence en tant que puissance mondiale.
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Yaoundé II-Soa. Page 139
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Yaoundé II-Soa. Page 140
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
CONCLUSION DU CHAPITRE :
Le Nigéria est incontestablement un géant
d'Afrique. Sa population, son poids économique et son influence
politique font de lui un prétendant « sérieux » au
leadership sur le continent. Au fil des années, il a su se rendre
incontournable dans la résolution des conflits dans la
sous-région Afrique de l'ouest ;588 et servir de contrepoids
à la politique de puissance menée par la France à travers
l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA).589 L'apport de la « diplomatie
pétrolière », menée par les autorités
politiques, a été déterminant dans la stature actuelle du
pays le plus peuplé d'Afrique. Grâce à elle, il est un des
partenaires majeurs des puissances pétrolières présentes
dans le Golfe de Guinée, tout en restant actif sur le terrain du
lobbying pétrolier en sa qualité de pays membre de l'OPEP ; et a
développé un réseau d'interdépendance complexe avec
plusieurs de ses voisins.590Toutefois, la puissance du
Nigéria demeure fragile. La gestion de l'industrie
pétrolière, par les régimes politiques successifs, a
suscité de nombreux conflits pour le contrôle des positions de
rente et favorisé la précarité chez une majorité de
nigérians. La puissance économique et la capacité du
Nigéria à construire un projet de développement autonome
se sont peu à peu effritées, à cause d'un déficit
certain de vision stratégique de la part de ses dirigeants politiques.
En outre, le pays demeure en proie à une insécurité de
tous les instants, qui remet en question son leadership régional.
L'extrémisme musulman dans le nord du pays et le militantisme
armé dans le sud sont deux phénomènes porteurs de risques
pour la stabilité du pays et de l'ensemble de la sous-région.
Dans ces conditions, la consolidation de la démocratie et l'instauration
de la bonne gouvernance dans la gestion du pétrole apparaissent comme
des points essentiels pour l'émergence du Nigéria en tant que
puissance africaine « qui compte ». Il importe alors aux
autorités politiques de continuer les réformes
démocratiques entreprises et de faire du pétrole, non pas un
facteur de dépendance énergétique et stratégique,
mais un élément de diversité économique et de
développement durable. Elles doivent, pour ce faire, opérer un
aggiornamento de la politique étrangère du pays et se poser en
acteurs de son avenir politique, énergétique et
géostratégique.
588 - Le Nigéria est partie prenante de la plupart des
opérations de la force d'interposition de la CEDEAO, l'Ecomog.
L'importance de ses différents contingents traduit
généralement sa volonté d'affirmer sa puissance militaire
et son influence politique dans la sous-région.
589 - Cette institution, à vocation sous-régionale,
est en réalité une organisation destinée à
préserver l'influence économique de la France sur ses anciennes
colonies regroupées jadis dans l 'Afrique Occidentale
Française (AOF). Elle n'est, par conséquent, pas
représentative de la réalité économique de
l'Afrique de l'Ouest qui ne saurait se résumer aux seuls pays ayant en
commun le Franc CFA.
590 - Le Nigéria a une influence indubitable sur la
plupart de ses voisins. Au niveau religieux avec le poids de sa
communauté musulmane ; mais aussi économique grâce au
développement d'échanges commerciaux informels ou non avec des
pays comme le Cameroun, le Tchad, le Ghana, le Togo ou le Bénin.
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE :
L'exploitation pétrolière est demeurée,
cinquante six ans après son démar-rage,591 un facteur
de puissance majeur au Nigéria. Son rôle dans l'économie,
mais aussi la politique intérieure et les relations internationales, en
a fait un élément essentiel des stratégies de pouvoir des
différents acteurs du circuit.592Dans la Pétro
stratégie à l'oeuvre au Nigéria, le comportement des
autorités politiques a, très souvent, reflété leur
volonté de se rendre indispensables à toutes les phases de
l'industrie et surtout de se servir du pétrole comme facteur de
puissance.593Elles ont développé une politique
pétrolière offensive ; capable de leur assurer à la fois
l'amitié des grands consommateurs et des moyens financiers
considérables. Aujourd'hui, le Nigéria fait partie des pays
africains disposant d'un univers pétrolier diversifié et
dynamique. Or, malgré l'efficacité de certaines mesures
politiques prises au cours de son histoire
pétrolière,594 le Nigéria n'a pas encore pu
mettre le pétrole au service de son développement et du
bien-être d'une grande partie de sa population. Pis, les dirigeants
politiques sont encore incapables de se servir des importants moyens financiers
que procure la vente du pétrole pour réaliser la transition
énergétique dont le pays a tant besoin pour pallier son
déficit en la matière. Après plusieurs années
d'expérience pétrolière, il est indéniable, au
regard de la situation sécuritaire du Nigé-ria, que la plupart
des politiques mises à l'oeuvre étaient inappropriées. Le
manque de consolidation de la démocratie nigériane et la
pérennisation d'actes de captation de la rente ont été
pour beaucoup dans les faibles résultats sociaux du pétrole. Face
aux défis actuels du monde, le pays apparait désarmé et
profondément diminué. Il lui est alors important, s'il veut
réussir à devenir un acteur géostratégique majeur
en Afrique et dans le monde, de revisiter sa coopération internationale
et de se servir de l'exploitation du pétrole pour mettre sur pied une
stratégie énergétique autonome et durable.
591 - Le forage du premier puits de pétrole au
Nigéria eu lieu en 1956 dans la localité d'OLOIBIRI dans le delta
du Niger.
592 - Cf. supra
593 - Cf. supra
594 - Le pays est par exemple un des plus attrayants d'Afrique et
surtout du nombre de ceux dont le pourcentage de réception des revenus
pétroliers est le plus haut.
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Yaoundé II-Soa. Page 141
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
CONCLUSION GENERALE :
Il était question au cours de notre travail de
recherche, d'établir la relation qui existe, au Nigéria, entre
les enjeux énergétiques et l'insécurité. Nous nous
sommes interrogés sur l'éventualité que les nombreuses
convoitises sur le pétrole nigérian puissent constituer des
facteurs d'insécurité. La théorie
néoréaliste des relations internationales, que nous avons
convoquée, nous a permis de démontrer que l'Etat est souvent
concurrencé, dans ses domaines de souveraineté, par des acteurs
plus subtils et souvent plus efficaces. Nous avons, dans un premier temps,
illustré ce fait à travers une présentation du
pétrole comme la ressource énergétique au coeur de
l'extraversion étatique du Nigéria. Nous avons
démontré que la politique énergétique des grandes
puissances est au centre de leur vision stratégique du Golfe de
Guinée, et donc, du Nigéria. L'importance du pétrole dans
les relations internationales du pays, apparait comme une preuve de la
volonté des grands consommateurs de le mettre au service de leur projet
géostratégique. Nous avons alors démontré que les
relations commerciales entre le Nigéria et les clients de son
pétrole ont abouti à son encerclement
géostratégique et à l'échec des politiques de
développement durable. La présentation des potentialités
pétrolières du Nigéria, de l'organisation et de la gestion
de son secteur pétrolier, nous a permis d'avoir une première
impression sur les éventuelles limites d'une administration trop
centralisée et dominée par les autorités politiques. Ce
constat nous a permis de présenter les principales poches
d'insécurité pétrolière au Nigéria, à
savoir la gestion des dirigeants politiques, les actions des multinationales
pétrolières et la contestation menée par un nombre
important de ressortissants du delta du Niger d'où provient 90%
pétrole nigérian. Nous avons démontré que cette
insécurité « pétrolière » constitue un
facteur favorable au développement d'autres formes
d'insécurités telles que la corruption ou la grande
criminalité.
Dans la seconde partie de notre travail, nous nous sommes
attelés à démontrer que la gestion inadéquate du
secteur pétrolier nigérian a une incidence sur la capacité
du pays à percevoir et à s'adapter aux défis actuels du
monde. Nous avons démontré comment les manoeuvres politiciennes
ont empêché l'émergence du Nigéria en tant que
puissance régionale véritable. Il est difficile pour les
autorités politiques de concevoir un projet de développement qui
soit ancré dans les réalités locales et
bénéfique à l'autosuffisance énergétique du
pays. De même, le déficit de vision stratégique des
dirigeants nigérians a fait que l'importante démographie du pays,
qui est pourtant un atout, devienne un obstacle à son
développement. Nous avons démontré qu'une des limites
majeures de la gestion du pétrole nigérian est l'«
ethnicisation » de la rente, et l'utilisation de celle-ci comme moyen de
s'attirer les faveurs des populations des régions productrices. Nous
avons présenté le dynamisme de la production
pétrolière dans le Golfe de Guinée comme un obstacle
à la coopération énergétique. Nous avons
également dressé le bilan des avancées dans la gestion du
pétrole, depuis le retour de la démocratie. Nous nous sommes
attelés à présenter le bilan de l'action des partenaires
du pétrole nigérian, dans la consolidation de la bonne
gou-vernance et de la démocratie. Nous avons enfin abordé la
question du développement durable, en faisant un état des
potentialités du pays, tout en présentant sa pro-
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Yaoundé II-Soa. Page 142
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
motion comme une solution à l'insuffisance
énergétique et un appui véritable à la
croissance.
Au terme de notre recherche, nous pouvons affirmer que le
pétrole est, incontestablement, une énergie stratégique au
Nigéria. La volonté des dirigeants du pays de lui faire jouer le
rôle d'énergie de la puissance a cristallisé sur son
exploitation de nombreux intérêts. Au fil des années, il
est devenu un des piliers de la stabilité politique, économique
et sociale du plus grand producteur d'Afrique. Il participe au dynamisme de sa
diplomatie et a une responsabilité dans sa stature internationale
actuelle. L'importance des potentialités pétrolières ;
mais surtout la grande permissivité de la filière
nigériane y ont favorisé l'essaimage d'acteurs toujours plus
nombreux et déterminés à tirer, par tous les moyens, leur
épingle du jeu pétrolier. Autorités politiques, militants
dans le delta du Niger et partenaires internationaux (compagnies
pétrolières, institutions financières, agences de
crédit à l'exportation, sociétés de services
pétroliers, etc.) s'affrontent alors dans une bataille qui a pour
objectif principal le contrôle du circuit de production.
Cette confrontation inégale, qui se fait au
détriment du bonheur d'une grande partie de nigérians, a des
conséquences majeures sur la sécurité du Nigéria.
Il est actuellement un des pays africains les plus exposés à la
pollution ; mais aussi à l'instabilité sociale et politique ;
à la récession économique et au sous-développement.
En outre, l'encerclement stratégique de son territoire, par les grands
consommateurs de pétrole, fait peser sur lui le risque de pâtir
des dommages collatéraux d'un affrontement entre eux ou de subir les
contrecoups de sa coopération avec des pays dans la ligne de mire de
groupes terroristes internationaux ou locaux. Les enjeux
énergétiques constituent de véritables facteurs
d'insécurité, qui remettent en question la capacité du
pays à prétendre à un statut de puissance
régionale.
En effet, les chances pour le Nigéria de faire de ses
importantes potentialités pétrolières des facteurs de sa
puissance et de son développement sont réduites. Ceci à
cause, entre autres, de la relative inorganisation de son secteur
pétrolier et de la volonté des dirigeants politiques de se plier
au diktat des compagnies pétrolières internationales. Le manque
d'initiatives et la faible marge de manoeuvre des autorités politiques
font planer sur lui le spectre de la déchéance de pays comme
l'Iraq ou la République Démocratique du Congo, qui souffrent
d'une instabilité « chronique », faute de n'avoir jamais pu
réaliser un leadership durable sur la richesse de leurs territoires.
Même les réformes amorcées par les gouvernements
démocratiques depuis 1999, dont certaines se sont pourtant
révélées courageuses et opportunes, n'ont pas encore
réussi à venir à bout des menaces que constituent sa
dépendance stratégique ou la faible diversité de son
économie. L'avenir du Nigéria repose alors entre les mains des
générations actuelles. Elles doivent mettre à profit
l'expérience tirée de cinquante sept ans de politiques et de
stratégies pétrolières inefficaces. Les dirigeants
politiques, qui sont les principaux responsables de la situation
d'insécurité dans laquelle se trouve le pays, doivent mettre
toutes leurs forces à la reconquête de la souveraineté
énergétique du Nigéria. Ils doivent, pour cela, oser
prendre des décisions qui vont à l'encontre des
intérêts des grands consommateurs de pétrole.
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Yaoundé II-Soa. Page 143
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
L'émancipation stratégique du Nigéria est
la condition sine qua non à son passage du statut de pays à
risque à celui de puissance régionale ou mondiale. Si
l'exploitation du pétrole a pu apporter de nombreux avantages financiers
au Nigéria, elle peut, dès aujourd'hui, être le moyen par
lequel il accèdera à la puissance ultime. Il faut pour cela que
les autorités politiques en prennent conscience. C'est un
impératif pour le pays qui abritera, à l'horizon 2050, la
cinquième population mondiale.
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Yaoundé II-Soa. Page 144
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
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Guinée face aux convoitises. », Enjeux, n°22,
Janvier-mars 2005.
KOUNOU Michel, « Paradoxes et misères du
pétrole africain. », Enjeux, n°36, Juillet 2008.
BURDIN ASUNI Judith, «Blood oil in the Niger
Delta.», Special Report, n°229, aout 2009, pp.1-19.
NGODI Etanislas, « Gestion des ressources
pétrolières et développement en Afrique. »,
11e Assemblée générale du CODESRIA, 6-10
décembre 2005.
IWAYEMI Akin, « Le Nigéria dans le système
pétrolier international. », Le Nigéria, un pouvoir en
puissance.
III-THESES ET MEMOIRES :
QUERE Stéphane, Les clans criminels
nigérians, mémoire soutenu en vue de l'obtention du
diplôme universitaire « analyse des menaces criminelles
contemporaines », Session 19992000, université de Paris II
Panthéon-Assas, octobre 2001.
SINIKI Gen-Serbé, Enjeux énergétiques
et logiques sécuritaires : une analyse du déploiement
américain dans le Golfe de Guinée, mémoire soutenu en
vue de l'obtention du diplôme de master en Gouvernance et politiques
publiques, université catholique d'Afrique centrale, 2010.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 147
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
ESSONO ESSONO Ménélik, Différents
frontaliers maritimes et exploitation pétrolière dans le Golfe de
Guinée, 2010.
TCHETCHOUA TCHOKONTE Severin, Enjeux et jeux
pétroliers en Afrique : étude de l'offensive
pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée,
mémoire soutenu en vue de
l'obtention du diplôme de master 2 de science politique,
université de Yaoundé II, 2008.
ATANGANA Victor Stanislas, Extraction
pétrolière et protection de l'environnement dans le Golfe de
Guinée, mémoire soutenu en vue de l'obtention du
diplôme de master II de droit international de l'environnement,
université de Limoges, 2009.
MATTE Joëlle, Les violations des droits humains
commises par les entreprises transnationales du secteur extractif : quelles
solutions pour contrer le déficit de gouvernance ? Essai de
maitrise en études internationales présenté à M.
Richard Ouellet, université Laval, Institut des hautes études
internationales, avril 2011.
IV-AUTRES DOCUMENTS :
A-Revues :
CHAUPRADE Aymeric dir. Géopolitique des Etats-Unis,
culture, intérêts, stratégies, Revue française
de géopolitique, Ellipses, 2003, 332 p.
Les Grands Dossiers de Diplomatie, n°6, Affaires
stratégiques et relations internationales, Déc. 2011- Jan.
2012.
BONIFACE Pascal dir. L'année stratégique
2009, analyse des enjeux internationaux, Dal-loz/IRIS, 2008, 592 p.
B-Rapports :
OTU ELERI Ewah, Renforcer la résilience
énergétique et écologique au Nigéria,
Hélio inter-national/Nigéria, 2007, 29 p.
AMNESTY INTERNATIONAL, CEHRD, La vraie «
tragédie ». Retards et incapacité à stopper les
fuites de pétrole dans le delta du Niger, Amnesty international,
novembre 2011, 54 p.
AMNESTY INTERNATIONAL, Pétrole, pollution et
pauvreté dans le delta du Niger, Amnesty international, Juin
2009.
AMNESTY INTERNATIONAL, Nigéria : pétrole,
pauvreté et violence, Editions françaises d'Amnesty
international, Aout 2006.
GEISER Alexandra, Nigéria, Organisation Suisse
d'Aide aux Réfugiés (OSAR), 2010, 24 p.
Groupe de la Banque Africaine de Développement,
Nigéria. Programme de réforme de l'économie et du
secteur de l'énergie, 2009, 37 p.
Commission de l'Union Africaine, Etat de
l'intégration en Afrique, 3e publication, Juillet 2011,
252 p.
Conseil Mondial de l'Energie, Intégration régionale
de l'énergie en Afrique, Juin 2005, 102 p.
GARY Ian, LYNN KARL Terry, Le fond du baril. Boom
pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic relief service,
102 p.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 148
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Banque Africaine de Développement, Rapport sur le
développement en Afrique 2000, Economica, 2000.
PNUD, Rapport sur le développement humain en
Afrique-2012. Vers une sécurité alimentaire durable, PNUD,
2012, 14 p.
ONUDI, Rapport annuel 2011, 149 p.
Commission économique pour l'Afrique, Union Africaine,
Groupe de la Banque Mondiale, PNUD, Rapport OMD 2012. Evaluation des
progrès accomplis en Afrique dans la réalisation des objectifs du
millénaire pour le développement, 2012.
CNUCED, Rapport 2012 sur les pays les moins
avancés. Mettre à profit les envois de fonds et les
compétences des diasporas pour renforcer les capacités
productives, New York et Genève 2012.
CNUCED, Rapport sur l'investissement dans le monde
2012.Vue d'ensemble. Nations Unies, New York et Genève 2012.
C-Autres documents :
FOCCART Jacques, Dans les bottes du
général. Journal de l'Elysée III 1969-1971,
Fayard/J.A
VERSHAVE François-Xavier, La Françafrique.
Le plus long scandale de la république, Stock, 1998.
VERSHAVE François-Xavier, Noir silence : qui
arrêtera la françafrique ? les Arènes, Paris, 2000,
596 p.
ARON Raymond, Paix et guerre entre les nations,
Calmann-Lévy, 1962, 1984, 2004 pour la présente
édition.
MACHIAVEL Nicolas, Le prince, éditions mille
et une nuits, Janvier 1999. WEBER Max, Le savant et le politique,
Plon, 1959.
AGIR ICI / SURVIE, Trafics, barbouzes et compagnies.
Aventures militaires françaises en Afrique, L'Harmattan, 1999.
AIR ICI / SURVIE, Jacques Chirac et la françafrique
: retour à la case Foccard, l'Harmattan, Paris, 1996, 111p.
V-SITES INTERNET :
www.unodc.org : site officiel de
l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le
Crime.
www.canadainternational.g.c.ca: site consacré au sommet du G8 au
Canada en 2008.
www.slateafrique.com :
site d'information consacrant quelques uns de ses articles à
l'actualité en Afrique.
www.french.irib.ir/info/
: site d'informations internationales.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 149
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées a la ruée vers le pétrole
au Nigéria.
www.geopopulation.com : site
consacré, entre autres, aux informations sur la démographie
mondiale.
www.afriquejet.com : site
consacré à l'information africaine et internationale.
www.eiti.org : site officiel de
l'Initiative pour la Transparence des Industries
Extractives. www.undp.org
: site officiel du Programme des Nations Unies pour le Développement.
www.afdhr.org : site du PNUD
consacré au rapport 2012 sur l'indice de développement humain en
Afrique.
www.unido.org : site officiel de
l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel.
www.worldenergy.org : site
officiel du conseil mondial de l'énergie.
www.transparency.org : site
officiel de Transparency International.
www.osiwa.org
www.u4.no/
www.rnw.nl
VI- ENCYCLOPEDIES VIRTUELLES :
Wikipedia, site internet:
www.wikipedia.com
Encarta 2009, encyclopédie de Microsoft® corporation
éditée en 2008.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 150
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
ANNEXES :
Annexe n°1 : Carte des principaux
groupes géopolitiques du Nigéria et de ses sites
pétroliers.
Source : Département de
recherche sur les Menaces Criminelles Contemporaines - (c) D.R.M.C.C. 2002 Les
Organisations Criminelles nigérianes. Stéphane
Quéré.
Annexe n°2 : Carte de la
provenance des compagnies pétrolières présentes en Afrique
et de la circulation des exportations pétrolières du continent
Sources: UN statistical
yearbook; US department of energy; international energy
agency; rapports des principales compagnies pétrolières
présentes sur le continent. (c) Maria Luisa Giordano et Sara Anifowose,
université de Bologne (Italie).
. Annexe n° 3 : Répartition
mondiale des énergies renouvelables
Annexe n°4 : Carte des flux
pétroliers et de la consommation de pétrole dans le monde
(2009).
Source :
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 151
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 152
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Annexe 5 : la pollution par le
torchage du gaz dans le delta du Niger. Ici, dans le voisinage direct de
quelques habitations.
Source : Amnesty International.
Annexe n°6 : Des ouvriers entrain
d'essayer de colmater une brèche qui s'est crée dans un
oléoduc. Selon certains observateurs, les fuites de pétroles
constituent des phénomènes réguliers dans la région
du delta du Niger.
Source : CEHRD.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 153
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées
a la ruée vers le
pétrole au Nigéria.
Annexe 7 : Les dégâts
causés par les déversements pétroliers dans le delta du
Niger sont considérables. Ici, une femme récoltant des bigorneaux
dans une rivière polluée.
Source : Amnesty International.
Annexe 8 : Classement des plus grands
producteurs de pétrole au monde et de leurs réserves
prouvées.
Pays
|
Production de pétrole (en millions de ba-
rils/jour)*
|
Réserves prouvées (en milliards de
barils)*
|
Pourcentage des réserves mondiales.
|
Arabie Saoudite
|
10, 66
|
264,6
|
19
|
Russie
|
9,67
|
74,2
|
5,33
|
Etats-Unis d'Amérique
|
8,33
|
|
|
Iran
|
4,14
|
137,6
|
9,88
|
Chine
|
3,85
|
20,35
|
1,46
|
Mexique
|
3,70
|
|
|
Canada
|
3,28
|
178,2
|
12,58
|
Emirats Arabes Unis
|
2,95
|
97,8
|
7,02
|
Venezuela
|
2,80
|
296,5
|
24,8
|
Norvège
|
2,78
|
|
|
Koweït
|
2,67
|
104
|
7,47
|
Nigéria
|
2,44
|
37,5
|
2,69
|
Brésil
|
2,16
|
|
|
Algérie
|
2,12
|
|
|
Iraq
|
2,0
|
143,5
|
12
|
*indices de 2006 * Chiffres de 2010
Sources : CIA World Factbook du
01er Janvier 2010 et recherches personnelles.
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 154
Enjeux énergétiques et
insécurité dans le golfe de Guinée : contribution à
l'étude des menaces liées
a la ruée vers le
pétrole au Nigéria.
Annexe 9 : L'indice de
développement humain de quelques pays du Golfe de Guinée.
Pays
|
Indice de déve- loppement humain (Va- leur
2011)
|
Espérance de vie à la nais- sance (en
année)
|
Durée
moyenne de scolarisation
|
Durée atten- due de scola- risation
|
Revenu na-tional brut par habi-tant*
|
Angola
|
0,486
|
51,1
|
4,1
|
9,1
|
4874
|
Cameroun
|
0,482
|
51,6
|
5,9
|
10,3
|
2031
|
Congo
|
0,533
|
57,4
|
5,9
|
10,5
|
3066
|
Cote d'ivoire
|
0,400
|
55,4
|
3,3
|
6,3
|
1387
|
Ghana
|
0,541
|
64,2
|
7,1
|
10,5
|
1584
|
Guinée équa- toriale
|
0,537
|
51,1
|
5,4
|
7,7
|
17608
|
Gabon
|
0,674
|
62,7
|
7,5
|
13,1
|
12249
|
Nigéria
|
0,459
|
51,9
|
5,0
|
8,9
|
2069
|
Moyenne Afrique sub-saharienne
|
0,463
|
54,4
|
4,5
|
9,2
|
1966
|
*en milliers de dollars américains.
Source : rapport 2012 du PNUD sur le
développement humain en Afrique.
Annexe 10 : Prévisions de la
population mondiale à l'horizon 2050.
Prévisions de la population mondiale
à
l'horizon 2050
Inde
Chine Etats-unis Pakistan Nigéria Indonésie
1,6
1,4
0,335
0,404
0,289 0,288
1,4 : nombre d'habitants en milliards.
Source : FNUAP
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
TABLE DES MATIERES :
Introduction 1
PREMIERE PARTIE :
LE NIGERIA DANS LA GALAXIE MONDIALE DES PRODCUTEURS DE
PETROLE :
ENTRE GRANDE PRODUCTION ET FRAGILITE GEOSTRATEGIQUE
Chapitre I - le pétrole : une source d'énergie
stratégique au coeur de l'extraversion étatique du
Nigé-
ria
20
Section 1 : - Nigéria : super producteur de pétrole
d'Afrique 21
§ 1
|
:
|
- Le Nigéria pétrolier : réalité
géographique, sociologique et impact économique
|
22
|
§ 2
|
:
|
- Organisation du circuit pétrolier nigérian et
acteurs principaux
|
24
|
§ 3
|
:
|
- Paradoxe de l'abondance : richesse et misère du
pétrole nigérian
|
29
|
Section 2 : - La gestion du pétrole au Nigéria
comme enjeu de puissance et de réalisation de straté-
gies politiciennes 31
§ 1
|
:
|
- L'allocation fédérale statutaire comme principe
de base de la redistribution des
|
|
|
|
revenus pétroliers
|
32
|
§ 2
|
:
|
- Une politique de gestion du pétrole opaque et subjective
sous les régimes militaires 35
|
|
§ 3
|
:
|
- Evolution et tentative de normalisation des politiques
pétrolières depuis le retour de la
|
démocratie 37
Section 3 : Le Nigéria : un producteur de pétrole
au centre des enjeux énergétiques des grandes puis-
sances 39
|
§ 1 : - Les relations internationales du Nigéria
à l'heure du boom pétrolier
|
40
|
|
§ 2 : - Pétrole et encerclement
géostratégique du Nigéria
|
42
|
§ 3 : - Stratégies pétrolières et
échec des politiques de développement durable.....
|
45
|
|
Conclusion du chapitre
|
|
48
|
Chapitre II : Pétrole et insécurité au
Nigéria ou les preuves d'une pétro stratégie dans le
Golfe
de Guinée
|
|
49
|
Section 1 : Les stratégies de puissance par le
pétrole au Nigéria comme sources d'insécurité
|
50
|
|
§ 1 : - Les firmes multinationales du pétrole : des
relais locaux des grands consommateurs
Aux méthodes dangereuses 51
§ 2 : - Puissance économique et clientélisme
politique comme ou les ferments de l'insécurité
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 155
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 156
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
pétrolière au Nigéria 54
§ 3 : - L'exploitation pétrolière au
Nigéria à l'épreuve de la contestation populaire et des
revendications autonomistes 56
Section 2 : L'Etat fédéral et la gestion de la
question du delta du Niger 59
§ 1 : - La militarisation de la solution d'un conflit social
59
§ 2 : - La question du delta du Niger et les manoeuvres des
dirigeants politiques 62
§ 3 : - L'échec des institutions administratives
spécialisées dans le développement du delta
du Niger 64
Section 3 : Les stratégies de pouvoir et leur influence
sur la croissance de l'insécurité 66
§ 1 : - L'escalade militaire dans le delta du Niger comme
symptôme des stratégies de pouvoir
Des acteurs du secteur pétrolier 67
§ 2 : - Pétrole et corruption au Nigéria : un
cercle vicieux 69
§ 3 : - Exploitation pétrolière et
criminalité au Nigéria : une relation presque naturelle.... 71
Conclusion du chapitre 74
Conclusion de la première partie 75
DEUXIEME PARTIE :
LA GESTION DU SECTEUR PETROLIER NIGERIAN A L'EPREUVE DES
DEFIS DE SON
EMERGENCE ET DE SON DEVELOPPEMENT
Chapitre III : Stratégies
pétrolières et échec de l'affirmation du Nigéria
sur le plan régional.... 78
Section 1 : Géostratégie du pétrole et
insuffisances stratégiques du Nigéria 79
§ 1 : - Pétrole et développement : déni
d'une malédiction 80
§ 2 : - Emancipation géostratégique et
développement endogène au Nigéria 83
§ 3 : - Richesse pétrolière et
dépendance énergétique : le Nigéria au coeur d'un
paradoxe
africain 85
Section 2 : Démographie et gestion
pétrolière au Nigéria : analyse de l'incidence de la
croissance
De la population sur le développement 88
§ 1 : - Présentation statistique de la population
nigériane 88
§ 2 : - La problématique de la démographie au
Nigéria 90
§ 3 : - Gestion pétrolière et ethnicisation de
la rente 92
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 157
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Section 3 : Industrie pétrolière et stature
internationale du Nigéria 95
§ 1 : - La géopolitique du pétrole comme
source de dépendance du Nigéria à la rente
pétro-
lière 95
§ 2 : - Enjeux énergétiques internationaux et
sous-industrialisation du Nigéria 97
§ 3 : - Stratégies pétrolières et
faible intégration énergétique sous-régionale
99
Conclusion du chapitre : 102
Chapitre IV : Démocratie
et bonne gouvernance : axes prioritaires de la nouvelle géopolitique
du pétrole au Nigéria 103
Section 1 :
Démocratie et gestion des ressources naturelles : bilan de
l'expérience nigériane
depuis 1999 104
§ 1 : - La participation des populations du delta du Niger
à la gestion du pétrole 105
§ 2 : - Gestion de l'industrie pétrolière et
contrôle parlementaire : une relation à
parfaire 107
§ 3 : - Politique pétrolière et assainissement
des moeurs au Nigéria : nécessité d'une
stratégie anti-corruption volontariste 110
Section 2 :
Coopération internationale et bonne gouvernance de la filière
pétrolière
Nigériane 113
§ 1
|
:
|
- Les grands consommateurs et la question du
sous-développement du Nigéria
|
114
|
|
§ 2
|
:
|
- Les institutions financières internationales et le
contrôle de la filière pétrolière
|
117
|
|
§ 3
|
:
|
- Le rôle des ONG dans la défense des populations
locales
|
|
120
|
Section 3 : De la nécessaire inscription du Nigéria
dans une logique de développement
§ 1
|
:
|
durable
- Extraction pétrolière et prise en
considération des générations futures
|
124
124
|
§ 2
|
:
|
- Les énergies renouvelables comme facteurs de
développement et de puissance
|
|
|
|
pour le Nigéria
|
127
|
§ 3
|
:
|
- Le développement durable pilier de la croissance et de
l'affirmation géopolitique
|
|
|
|
du Nigéria
|
130
|
Conclusion du chapitre 133
Conclusion de la deuxième partie 134
Noah Noah Fabrice, Science po 5, Université de
Yaoundé II-Soa. Page 158
Enjeux énergétiques et insécurité
dans le golfe de Guinée : contribution à l'étude des
menaces liées a la ruée vers le pétrole au
Nigéria.
Conclusion générale 135
Bibliographie sélective 137
Annexes 143
Table des matières : 148