INTRODUCTION GENERALE
1. Retrospective de l'histoire politique
du Burkina Faso
L'Histoire du Burkina Faso foisonne de mutations qui ont
secoué et caractérisé son évolution politique,
économique et sociale. L'avènement de l'indépendance le 05
août 1960 consacrait le déclin du régime colonial et
laissait à la Haute-Volta la responsabilité de s'autogérer
politiquement, économiquement et socialement. Chose ardue pour la
nouvelle république qui se trouva très vite confrontée
à une série de crises sociopolitiques.
Le 23 novembre 1960, le tout nouveau président Maurice
YAMEOGO entamait l'expérience d'un régime constitutionnel. Le
caractère présidentiel de cette constitution, accordant beaucoup
de prérogatives au président de la République, empoisonna
sans délai les relations entre les acteurs de la société
civile, politique et religieuse.
Alors que les dispositions constitutionnelles
préconisaient le pluralisme démocratique, le Président
Maurice YAMEOGO passa outre le respect des textes et développa un
pouvoir autocratique fondé sur le parti unique. De fait, le RDA est
transformé en parti-Etat, ce qui conduisit ses dirigeants à
toutes formes de népotisme et à de pires abus. Le
soulèvement populaire du 03 janvier 1966 conduit par les syndicats
était la conséquence du désordre politique, et traduisait
le mécontentement et le besoin du changement. Cet
évènement marqua l'échec de la 1ère
République et une irruption des militaires sur l'échiquier
politique.
L'avènement des militaires au pouvoir a
été salué par l'opinion politique et publique. Le
Lieutenant-colonel Sangoulé LAMIZANA qui avait accédé
à la présidence mit en place un gouvernement militaire provisoire
qui garda le pouvoir pendant quatre ans. Au cours de cette période
transitoire, le climat politique demeura assez stable.
En 1970, le Président LAMIZANA procédait
à la mise en place de la deuxième République et à
la restauration du multipartisme. Le caractère présidentialiste
de la 1ère République est abandonné au profit
d'un régime parlementaire composé d'un pouvoir législatif,
d'un pouvoir judiciaire et d'un pouvoir exécutif conduit par un Premier
ministre. Cette réforme fut opérée dans le souci
d'équilibrer les pouvoirs.
Malgré cela, elle aboutit à une crise
institutionnelle entre le Premier ministre Gérard Kango OUEDRAOGO et le
Président de l'Assemblée nationale Joseph OUEDRAOGO. Finalement,
le Président LAMIZANA annula la Constitution, l'Assemblée
nationale et suspendit les activités politiques le 08 février
1974.
Après quatre années de cohabitation difficile
entre les différentes parties opposées, l'armée installa
de nouveau un régime d'exception. Le Président LAMIZANA mit en
place le MNR (Mouvement National pour le Renouveau), puis s'y appuya pour
tenter l'expérience d'un parti unique. Cette tentative fut
désavouée spectaculairement les 17 et 18 décembre 1975 par
une grève générale.
A cette période, de jeunes officiers dont faisaient
partie les acteurs de la révolution commençaient à
s'intéresser aux idées révolutionnaires. Des dissensions
idéologiques et politiques commencèrent à gagner les rangs
des militaires. Pressé de toutes parts, le Président LAMIZANA
forma un gouvernement d'union nationale pour assurer une nouvelle transition
vers une deuxième Constitution.
En 1978, ce fut l'avènement de la Troisième
République qui se traduisit par des élections législatives
et présidentielles. Le Général LAMIZANA, bien que
sérieusement concurrencé par ses adversaires politiques, gagna
cette consultation électorale.
Cependant, une fois élu, le Président LAMIZANA
peinait pour résorber les difficultés politiques
provoquées par ses opposants. Le gouvernement gagna assez rapidement en
impopularité. Manoeuvres politiciennes des partis rivaux, mots d'ordre
de grève lancés par les syndicats..., autant de situations
conflictuelles qui ne firent que fragiliser la Troisième
République et annoncer ainsi son épilogue.
Le 25 novembre 1980, un coup d'Etat militaire dirigé
par le colonel Saye ZERBO emportait la Troisième République et
mettait aussitôt en place le CMRPN. La population qui s'était
finalement lassée des querelles politiciennes et des différentes
mues du pouvoir de LAMIZANA approuva de façon globale l'avènement
de ce régime. Ce dernier marquait l'accession au pouvoir d'Etat d'une
nouvelle génération de militaires, dont les dissensions et les
actions, alimentèrent des sursauts, qui en fin de compte
contribuèrent à un nouveau coup de force.
Le 07 novembre 1982, des jeunes officiers firent tomber le
CMRPN et installèrent le CSP. La disparité des
sensibilités idéologiques au sein de ce nouveau pouvoir politique
réanima les intrigues au sommet de l'Etat. En effet, la conception
politique de l'Etat du Président Jean-Baptiste OUEDRAOGO prônant
le retour à une nouvelle expérience constitutionnelle n'avait pas
l'agrément du Premier ministre Thomas SANKARA. Celui-ci
préconisait l'instauration d'un Etat révolutionnaire
d'inspiration marxiste-léniniste.
Le 17 mai 1983, une tentative d'isolement du Premier ministre
de la scène politique fut spectaculairement désapprouvée
par un soulèvement populaire. Revigoré par la minorité du
support populaire du camp présidentiel, Thomas SANKARA, malgré
son éviction du poste de Premier ministre, oeuvra avec ses partisans
pour faire chuter le président.
Cette déchéance fut effective le 04 août
1983. Encouragée par une population acquise à sa cause, l'aile
progressiste de l'armée, incarnée principalement par Thomas
SANKARA, Blaise COMPAORE, Boukary Jean Baptiste LINGANI et Henri ZONGO,
procédait à la prise du pouvoir. Ce fut le déclenchement
de la Révolution Démocratique et Populaire (RDP), avec pour
organe de conception et de direction, le Conseil National de la
Révolution (CNR), présidé par le Capitaine Thomas SANKARA.
Pour le CNR, l'avènement de la révolution constituait une rupture
salutaire avec les régimes antérieurs qui « se sont
frauduleusement introduits dans l'histoire du peuple et s'y sont tristement
illustrés ».1 Ces derniers « ne pouvaient
et ne voulaient pas entreprendre une remise en cause des fondements
socio-économiques de la société voltaïque. C'est la
raison pour laquelle, ils ont tous échoué
».2
Ainsi, l'objectif du CNR était de changer radicalement
la société par des innovations politiques, économiques et
sociales dans le cadre d'un processus révolutionnaire
démocratique et populaire. La concrétisation de ce projet de
société nouvelle était conditionnée par la survie
du processus révolutionnaire qu'il fallait défendre, soutenir et
propager. Pour l'essentiel, le CNR avait besoin de cadres d'action et de
rayonnement pour assurer la consolidation et la continuité de la
révolution. Ces cadres étaient indispensables à la
réalisation de ses idéaux révolutionnaires.
Dans ce sens, dès la nuit du 04 août 1983, le CNR
invita le peuple « ~ constituer partout des CDR
»3 afin de l'épauler dans une « lutte pour la
révolutionnarisation de tous les secteurs de la société
voltaïque ».4
Cet appel avait reçu un écho favorable,
puisqu'on avait assisté aussitôt à la formation des CDR,
dont l'action au service du CNR, est au coeur de notre analyse historique :
LES COMITES DE DEFENSE DE LA REVOLUTION (CDR) DANS LA POLITIQUE DU
CONSEIL NATIONAL DE LA REVOLUTION (CNR) DE 1983 A 1987 : UNE APPROCHE
HISTORIQUE A PARTIR DE LA VILLE DE OUAGADOUGOU.
1 CNR, « Proclamation radiodiffusée :
coup d'Etat et changement de régime » in JOURNAL OFFICIEL
N°32 du 11 août 1983, page 860.
2 CNR, 1983, Discours d'Orientation Politique
(DOP), « Pour une révolutionnarisation de tous les secteurs
de la société voltaïque », page 31.
3 Proclamation radiodiffusée du 04 août
1983.
4 CNR, 1983, DOP, op. cit. page 31.
|