3.4. Hypothèse de
travail et choix du terrain d'étude
3.4.1. Problématique de la place du
père dans les séparations conjugales
Ainsi, je relève que l'évolution des moeurs et
les mesures incitatives à la mise en place de l'égalité
des sexes en droit de la famille, ne permettent pas la pleine
réalisation d'un équilibre des rôles parentaux, dans le
contexte actuel d'instabilité conjugale. L'absence des pères est
toujours déplorée par les professionnels, les jeunes, les
mères. Pourtant, dans un courant de
démocratisation/individualisation de la société, les
pères relationnels volontairement plus proches des enfants, auraient
fait place au père institutionnel, autoritaire et lointain.
Parallèlement à ce constat, dans le contexte de
démocratisation de la sphère privée et
d'égalité des sexes qui fait suite au mouvement
d'émancipation des femmes, le nombre des divorces et séparations
des couples s'amplifie. Cette augmentation fait place au développement
croissant de familles dites « monoparentales »,
composées pour la grande majorité de mères seules avec
enfant(s), le terme lui-même induisant l'absence d'un parent, en
l'occurrence le père. Sans nier à cet état de fait la
dimension existante de l'enfant devenu objet d'enjeux dans les conflits parfois
violents autour des séparations de couples, il s'agirait de comprendre,
comment se situent les pères séparés dans cette
configuration sociale faite d'ambiguïtés. A partir du constat d'une
parité parentale qui est en marche, nous explique la sociologue
Christine Castelain Meunier, spécialiste des métamorphoses du
masculin, la famille n'étant plus centrée sur le père,
s'observe l'accroissement d'une « sur
responsabilité » des femmes, mais aussi un volontarisme de
certains pères. C'est ce qu'elle nomme le mouvement amorcé par
les hommes pour occuper leur place auprès de l'enfant. La cohabitation
entre les anciens modèles issus du patriarcat, et les nouveaux, n'est
pas aisée, alors que la démocratie est en jeu. Engagés
dans une période de mutation, avec une inflation de nouveaux
modèles familiaux, des codes en opposition au regard des cultures
masculine et féminine, traditionnelles, industrielles et contemporaines,
l'auteur souligne le paradoxe de notre société, toujours à
domination masculine, qui survalorise le rôle de la mère.
(Castelain Meunier, 2002). Ce surinvestissement des mères relevant de la
conjugaison de quatre dimensions qu'elle résume ainsi :
« Cette matrifocalité des
mères consolidée par l'insistance des femmes à
réintroduire le thème de l'enfant, est par ailleurs soutenue par
l'Etat, d'autant que la mère et l'enfant ont été
rapprochées dès le XIXème siècle, à la suite
de la défaillance de certains pères [.] Dans le cas de
séparation, la résidence principale, l'autorité,
reviennent de fait en grande majorité à la mère, et ce
d'autant plus que le père est au chômage, les femmes disposant par
ailleurs, à l'inverse des pères - comme le constatent les hommes
qui s'occupent seuls de leurs enfants -de réseaux spécifiques de
sociabilité et de soutien en tant que mères ». Elle
poursuit : « Face à cette matrifocalité, on peut
constater du côté masculin des stratégies de fuite, de
repli, d'effacement, du mimétisme avec une perte identitaire, du
désintérêt, de l'agressivité, mais aussi une
surenchère et du volontarisme. » (Castelain Meunier, 2002, p
27-28). Elle nomme le volontarisme des hommes, le mouvement amorcé par
les hommes pour occuper leur place auprès de l'enfant.
« Comparée à celle des mères, qui
d'emblée est définie biologiquement, la place des pères
n'est pas définie [..] Alors que par ailleurs des hommes
innovent dans leur pratiques éducatives, il n'en n'est pas moins vrai
que l'absence de reconnaissance de leur place et la perte de
légitimité de leur autorité existent [.] La
cohérence antérieure qui accompagnait le féminin et le
masculin se défait ». (Castelain Meunier, 2002, p 30).
Au regard de cette analyse, une entrée par le
témoignage de pères séparés peut s'avérer
pertinent pour l'étude, afin de mieux cerner ce phénomène
de tensions où cohabitent tradition et modernité, et vient
questionner les rôles et places parentales au coeur de modèles
contradictoires. Les associations de pères militants, du fait même
de leur existence qui interroge, apparaissent alors comme un lieu
privilégié, d'où l'orientation de mon choix vers ce
terrain d'observation.
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