3.3 Tendances et évolution de
l'épidémie
C'est à partir des données sur la
sérosurveillance du VIH/SIDA qu'on est arrivé à estimer
l'étendue de l'épidémie du VIH et à identifier les
groupes de population plus vulnérables. Au Rwanda, ces données
proviennent de deux principales sources : la surveillance sentinelle du
VIH/SIDA et l'enquête populationnelle du VIH/SIDA. La surveillance
sentinelle est née à partir des exigences de l'OMS, qui demanda
au Programme National de lutte contre le SIDA de sélectionner des
populations sentinelles représentatives des adultes sexuellement
actifs72.
70 MINISTRE DE LA SANTE, Rapport annuel 2001,
République Rwandaise, mars 2002.
71 Ibid.
72 Cf. COMMISSION NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE SIDA
(CNLS), Cadre stratégique national de lutte contre le SIDA
2002-2006, Présidence de la république Rwandaise, Kigali,
avril 2002, p. 33.
Les femmes enceintes fréquentant les centres de
santé pour les consultations prénatales ainsi que les patients
des infections sexuellement transmissibles (IST ou MST) ont
régulièrement été sélectionnés comme
population sentinelle. Les deux premiers sites de surveillance sentinelle ont
démarré en 1988 dans la ville de Kigali, le site de Muhima et
celui de Gikondo. En 1991, la surveillance sentinelle s'est étendue
à dix autres sites répartis en milieu urbain et en milieu rural,
donnant lieu à une vision plus complète de
l'épidémie sur le territoire national. Ces sites semblent avoir
bien fonctionné jusqu'en 1994, à part les endroits où
l'insécurité et le génocide de 1994, ont
empêché l'accessibilité73. De ces sites,
quelques tendances générales sur l'épidémie ont pu
être constatées. Les données sur les femmes enceintes ont
démontré en 1988 que l'épidémie frappait plus le
milieu urbain, notamment Kigali, la capitale. Les données provenant de
la sérovsurveillance entre 1991 et 1999, ont dans la suite
démontrée que l'épidémie avait sensiblement
diminué en milieu urbain et pratiquement doublé en milieu rural.
Ceci peut s'expliquer en partie à cause des efforts de prévention
et les campagnes de sensibilisation qui ont privilégié le milieu
urbain, souvent au dépourvu des zones rurales.
Les données sur les patients atteints des IST avaient
démontré en 1988 qu'en moyenne 60% étaient porteurs du
VIH/SIDA, prouvant ainsi le lien fort entre ces infections et la contamination
du VIH. Ces tendances connaîtront une grande régression entre 1988
et 1996, passant de 60% en 1988 à 35% en 199674.
Les données sur les donneurs de sang, voie importante
de transmission du VIH/SIDA durant les premieres années de
l'épidémie, ont aussi enregistré une grande diminution
entre 1985 et 2000 ; la prévalence est passée de 13,5% en 1985
à 1,5% en 2000. Cette évolution positive prouve, selon la CNLS,
que la transfusion sanguine a fait l'objet d'une grande attention de la part du
Gouvernement, des acteurs nationaux ainsi que des différents
partenaires75.
Les premieres données sur les prostituées en
1985 faisaient état d'une prévalence supérieure à
80% au sein de ce groupe. Mais depuis lors, déplore la CNLS, il n'y a eu
aucun programme spécifique de prévention et de prise en charge
pour celles qui sont
73 Ibid., p.34.
74 Ibid., p.35.
75 Ibid., p.37.
atteintes des IST et contaminées du VIH. C'est seulement
en 1998, qu'est né le programme PSI-Rwanda orienté vers les
prostituées76.
Les données de la sérosurveillance sont
nécessaires et même très utiles, mais elles
s'avèrent incomplètes pour une extrapolation sur l'ensemble de la
population ; c'est pourquoi on y associe souvent des enquêtes dites
populationnelles à partir d'un échantillon plus
représentatif de la population résidant dans le pays. Cette
combinaison de méthode permet d'obtenir des estimations plus exactes sur
l'étendue de l'épidémie dans la population nationale. En
décembre 1986, le Rwanda fut l'un des premiers parmi les pays du monde
entier, à réaliser ce type d'enquête. Une autre
enquête fut conduite, 10 ans après, en 1997. L'enquête de
1997, menée dans la population générale autour de 5 sites
sentinelles de sérosurveillance, a pu montrer que la sérovalence
avait diminué en milieu urbain par rapport à 1986, et qu'elle
avait prise des proportions inquiétantes en milieu rural, passant de
1,3%(1986) à 10,8%, comme nous l'avons déjà relevé
auparavant. Cette enquête montrait l'urgence d'une action en milieu
rural.
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