II.1. Les Banques Populaires au Rwanda
II.1.1. Genèse41.
La conception et la mise en oeuvre du projet des banques
populaires au Rwanda ont énormément
bénéficié des enseignements laissés par une
expérience coopérative très ambitieuse qui l'a
précédé : la chaîne TRAFIPRO (travail,
fidélité, et progrès).
A l`origine en 1950, TRAFIPRO était une
coopérative locale et endogène. Mais avec l'appui d`une
personnalité religieuse, elle a été peu après
dotée d`une très grande ambition : étendre son action sur
tout le territoire du Rwanda. Puis, suite à une série
d`interventions des pouvoirs publics, son profil original a été
bouleversé de telle sorte qu`elle a perdu sa vocation
coopérative.
L`aventure a commencé à Byimana en 1950 par une
association d`une dizaine d'instituteurs déterminés à
subvenir à leurs besoins de consommation par une série
d`initiatives coopératives car, à cette époque, les
produits industriels de consommation de masse étaient mal
distribués en milieu rural et les commerçants (tous
étrangers) trop cupides dans la fixation des prix. En 1951, la petite
association ouvre une cantine : restaurant, buvette et quelques autres
activités récréatives.
Son action pédagogique en ce sens débuta en
1955 ; elle aboutit à la création, le 16 décembre 1956, la
coopérative TRAFIPRO qui obtient la personnalité juridique le 5
février 1957. L'échec de TRAFIPRO en matière
coopérative procède d`un objet social et d`un rythme
d'exécution excessivement ambitieux par rapport aux ressources
réellement
mobilisables, surtout les ressources humaines. Puis une
main-mise de l`Etat, destinée en principe à sauver l'entreprise,
s'avéra excessive et incompatible avec la poursuite de son objectif
social fondamental, à savoir la mobilisation coopérative de la
paysannerie.
Objectif et technocratie limités, adéquation du
rythme de réalisation au rythme de croissance des ressources humaines
localement mobilisables, rôle de l`Etat volontairement discret ;
voilà en définitive les principaux enseignements tirés de
l`expérience coopérative TRAFIPRO et dont le projet des banques
populaires s'efforcera de tenir compte.
II.1.2. Historique et origine de la dénomination
«banque populaire»42
D'après le premier chef de projet des Banques
Populaires du Rwanda, le choix du terme «Banque» de
préférence à «coopérative»
provient essentiellement du fait que dans les premières tournées
de sensibilisation de la population, les paysans baptisèrent ces
nouvelles institutions de « BANKI Y'ABATURAGE » en
Kinyarwanda43.
La meilleure traduction en français est «
Banque Populaire», c'est ainsi que fut consacrée la
dénomination commerciale à ces coopératives
d'épargne et de crédit. Avant leur introduction, l'on parlait de
plus de 800 millions de francs rwandais qui ne circulaient pas. Où
étaient- ils alors ? Dans les cornes de vache, dans de vieilles
bouteilles enfouies dans le sous-sol, dans les toits de maison... C'est par ici
- même que les Banques Populaires se sont données pour mission de
collecter ces économies cachées et de les mettre au service des
gens par le canal du crédit mutuel.
L'émergence et le développement des Banques
Populaires au Rwanda procèdent d'un projet précis
répondant à quelques attentes réelles des milieux
populaires44. Ce projet est l'un des fruits de la coopération
entre la confédération Suisse et la République Rwandaise.
L'idée de mettre en place un réseau de coopératives
d'épargne et de crédit était de contribuer à la
collecte des fonds thésaurisés surtout en milieu rural par les
paysans et de les réinvestir dans des projets de développement.
Trois pays furent sollicités. La France, la Suisse et le
42 SERUKIZA MUREMBE C., Gestion de risque relatif
aux activités des institutions financieres bancaires,
Mémoire, ULK/Campus de Gisenyi, 2005.
43 UBP, «Statuts des Banques
Populaires», in IRIBA, no7, 1998, p.12
44 MAVOR M. A. et GERO F., Les facteurs de
performance de l'entreprise, éd. John Libbey Eurotext, Paris, 1995,
p.97.
Canada. C'est bien la Suisse qui, la première,
répondra favorablement pour une aide dans ce domaine. Ainsi, de juin
à juillet 1971, une mission procèdera à des études
préliminaires qui s'avéreront concluantes et au terme desquelles
un accord helvético- rwandais sera signé à Berne, le 07
décembre 1972.
En 1973, quatre rwandais partiront en stage de formation
auprès des Caisses RAIFFEISEN de Suisse. Du 24 août au 13 Juillet
1974, le premier chef de Projet, Mr Pierre George BRAND, effectuera à la
demande de l'Union RAIFFEISEN, une première mission au Rwanda pour
accompagner les stagiaires et prendre les premiers contacts. Après cette
mission préliminaire, la phase opérationnelle du projet
commencera avec la création de la toute première Banque
Populaire, notamment celle de NKAMBA, le 04 août 1975, dans la Province
de KIBUNGO45.
En décembre 1975, on comptait déjà 13
Banques Populaires alors que s'achevait la première période de
financement prévue par l'accord de décembre 1972. C'est
également au cours de cette période que sera créée
la Caisse Centrale des Banques Populaires. Depuis lors, le réseau des
Banques Populaires n'a cessé de s'étendre. On compte actuellement
145 (fin décembre 2004) oeuvrant sur presque tout le territoire
national46.
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