UNIVERSITE de PARIS VIII INSTITUT D'ENSEIGNEMENT A
DISTANCE (IED)
MEMOIRE DE MASTER 2 PROFESSIONNEL PSYCHOLOGIE CLINIQUE,
PSYCHOPATHOLOGIE ET PSYCHOTHERAPIE
PRATIQUER
LA PSYCHOLOGIE CLINIQUE
EN INSTITUTION HOSPITALIERE
SELON L'APPROCHE LACANIENNE
UN A UN : cultiver la relation duelle
pour favoriser l'expression de la singularité
Soutenu par Françoise GADY N° Etudiant :
151263 Sous la direction de Nathalie DURIEZ et Silke SCHAUDER
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS p5
INTRODUCTION p6
I. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN HOPITAL DE JOUR DE
PEDOPSYCHIATRIE p9
1. PRESENTATION DE L'INSTITUTION :
HOPITAL DE JOUR « LES DOMINOS » p9
2. DIAGNOSTIC DE PSYCHOSE AUTISTIQUE p11
3. ELEMENTS CONCEPTUELS DE L'APPROCHE
THERAPEUTIQUE LACANIENNE p13
4. THERAPIE PROPOSEE AUX ENFANTS p17
4.1 PROJET THERAPEUTIQUE p17
4.2 GROUPES THERAPEUTIQUES p18
4.3 ATELIERS p24
4.3.1 ATELIER PSYCHODRAME PSYCHANALYTIQUE p
26
4.3.2 ATELIER PEINTURE p31
5. ELEMENTS D'ANALYSE INSTITUTIONNELLE p33
II. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN HOPITAL DE JOUR
AUPRES D'ADULTES
PORTEURS DU VIRUS DE L'IMMUNODEFICIENCE HUMAINE
p40
1. PRESENTATION DE L'HOPITAL DE JOUR DE MEDECINE
INTERNE p40
2. PROJET DE SOIN DE L'HOPITAL DE JOUR p42
2.1 POPULATION ACCUEILLIE p42
2.2 EQUIPE SOIGNANTE p43
3. PARTICIPATION DU PSYCHOLOGUE AUX OBJECTIFS DE L'INSTITUTION
p45
4. DISPOSITIF D'AIDE PSYCHOLOGIQUE p50
4.1 ANALYSE DE LA DEMANDE p50
4.2 ECOUTE DE LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE p53
4.3 ELEMENTS D'UNE SITUATION
D'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHOTHERAPEUTIQUE p55
5. PLURIDISCIPLINARITE et ACTIVITE EN RESEAU p63
III. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN UNITE DE SOIN
AUPRES D'ADULTES
PORTEURS DU VIRUS DE L'IMMUNODEFICIENCE HUMAINE
p65
1. PARTICIPATION AU « STAFF PSYCHOSOCIAL » p65
2. CONSULTATIONS CLINIQUES EN UNITE DE SOIN p66
3. ELEMENTS D'UNE SITUATION D'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHOTHERAPEUTIQUE EN UNITE DE SOIN p67
4. CONCLUSION p69
CONCLUSION p70
BIBLIOGRAPHIE p72
ANNEXES p74
Ne dit-on pas que le pire est de ne pas savoir poser les
questions ?
Des questions, l'étudiant en trouvera beaucoup.
Peut-être pensera t'il beaucoup trop (il n'y en a jamais
trop).
Il reste tout de même une question :
« Si le domaine est si difficile, si plein d'embûches,
que faire ?
Commencer! »
Tobie NATHAN1
1 NATHAN, T.(2005) « Thérapeutique »
Cours de Maîtrise de Psychologie clinique et pathologique
Institut d'Enseignement à Distance Paris 8
Référence L 1626 500
REMERCIEMENT
Je remercie chaleureusement :
· Mme Torlois et Mme
Jammet, psychologues de m'avoir accueillie en stage, donné les
moyens de remplir mes objectifs de formation et montré chacune à
leur manière leur investissement professionnel et un exercice de la
fonction de psychologue qui me conforte dans mon choix professionnel ;
· l'ensemble des professeurs de l'IED de Paris
8, et tout particulièrement Mmes Schauder et
Duriez pour leurs enseignements respectifs de l'approche
psychanalytique et des thérapies familiales et pour leur précieux
suivi pédagogique ;
· toute l'équipe soignante de
l'hôpital de jour « Les Dominos » qui, dans une
difficile période de restructuration a su partager son savoir, son
expérience et a apporté beaucoup de patience et de chaleur
humaine à l'étudiante pleine de questions que j'étais ;
· toute l'équipe soignante de
l'hôpital de jour « La Pomme Bleue» qui a pris du
temps pour partager son savoir et son expérience et qui m'a ouvert sa
bibliothèque ;
· toute l'équipe de l'hôpital de
jour de jour de Médecine Interne de l'hôpital
SaintAndré pour toutes ces matinées de travail en équipe
et particulièrement les infirmièr(e)s qui ont accepté ma
présence lors de leurs consultations et favorisé ma rencontre
avec des patients ;
· toute l'équipe de l'unité de
Médecine et Maladie Infectieuses du 4ème Aile
3 du Tripode qui m'a montré tout l'intérêt de « staffs
psychosociaux » pour les patients ;
· les enfants des deux hôpitaux
de jour : tout particulièrement ceux du groupe thérapeutique du
vendredi matin, de l'atelier psychodrame du mardi soir et de l'atelier peinture
du lundi soir et les patients adultes que j'ai
rencontrés qui m'ont beaucoup apporté à un niveau
professionnel mais aussi personnel ;
· l'Université de Paris 8 de Saint-Denis (93) dont
j'aime jusqu'à l'allitération inscrite sur le fronton :
« Scolaires, les crieurs hantent nos crayonnages
Solaires, les rieurs hantent nos rayonnages »
· Monsieur Raynal Directeur des
ressources humaines de l'Hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux et bien
sûr Mademoiselle Ricaud Directrice de l'Institut de
Formation en Soins Infirmiers de Pellegrin pour avoir permis et
encouragé cette formation ;
· et enfin mon conjoint Bruno
pour tout ce qu'il est pour moi et nos enfants Robin et
François pour leur affection et leur humour qui ont toujours
été une formidable ressource.
INTRODUCTION
Au cours de mon cursus universitaire, j'avais déjà
effectué deux stages de psychologie clinique et pathologique :
· EN LICENCE : au Centre de
Rééducation Fonctionnelle « La Tour de Gassies »
à Bruges(Gironde) auprès de Mme Lacaze-Paule psychologue
clinicienne d'orientation psychanalytique lacanienne ;
· EN MASTER 1 : à l'EHPAD
(Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées
Dépendantes) Fontaudin à Talence (Gironde) auprès de Mmes
Bonnet et Stadelmaiër psychologues cliniciennes d'orientation cognitiviste
pour la première et systémique pour la seconde
et je me sentais particulièrement attirée à
l'issue de ces stages par l'orientation psychanalytique et
systémique.
Ma formation de MASTER 2 prévoyait deux
stages cette année : 200 heures auprès d'adultes et 200 heures
auprès d'enfants et/ou d'adolescents.
Ma démarche de choix de stage de Master 2 fut
différente pour chacun de ces deux stages : pour le stage auprès
d'adultes, je centrai mon choix sur le tuteur du stage puis découvris
ensuite la population concernée par son exercice professionnel ; pour le
stage auprès d'enfants ce fut l'inverse: je choisis d'abord le lieu de
stage et la population concernée puis découvris dans un second
temps mon tuteur de stage.
· STAGE DE 200 HEURES AUPRES D'ADULTES
:
A l'issue de mon stage de Licence, je m'étais rendu
compte que j'avais besoin de temps et d'expériences
complémentaires pour mieux comprendre l'orientation théorique
lacanienne qui m'attirait en particulier par la position éthique du
psychologue qu'elle induit, par la finesse de ses concepts, et
l'éclairage spécifique des situations qu'elle permet.
J'avais entendu Mme Jammet psychologue clinicienne
d'orientation lacanienne présenter une situation clinique au cours d'une
soirée de l'association de la Cause freudienne animée
également par Mme Lacaze Paule et j'avais particulièrement
apprécié la nuance de son propos et le questionnement qu'il avait
fait naître en moi2.
Je décidai donc de choisir comme tuteur de stage Mme
Jammet avec pour objectif d'approfondir mes connaissances et la pratique de
l'approche psychothérapeutique lacanienne découverte en stage de
Licence.
Le stage s'est déroulé de septembre 2006
à avril 2007, sur les différents lieux
d'exercice professionnel de Mme Jammet : à l'Hôpital Pellegrin
et principalement à l'Hôpital de jour de
2 L'Association de la Cause freudienne a
organisé trois soirées en février, mars et mai 2006
à Bordeaux.
J'ai assisté à ces soirées ayant
respectivement pour thème : « Agressivité ou violence ?
» ; « Un chat est un chat ? Question de langage » ; «
Classer, Ordonner, Nouer » et les intervenants (dont Mme Jammet) ont
présenté des situations cliniques et exposé les concepts
lacaniens qui orientent leur pratique de psychologue.
médecine interne de l'hôpital St André du
Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux auprès de patients
hospitalisés en service de médecine et maladies infectieuses et
auprès de patients faisant appel à une psychologue du CISIH
(Centre d'Information et de Soins de l'Immunodéficience Humaine) pour
soulager en particulier la souffrance psychologique liée à
l'annonce de la séropositivité, à la lourdeur des
traitements ou à de toutes autres raisons...
· STAGE DE 200 HEURES AUPRES D'ENFANTS
:
J'ai souhaité effectuer mon stage de
pédopsychiatrie à l'Hôpital de jour « Les Dominos
» pour rencontrer des enfants autistes ou psychotiques.
Durant l'année de Master 1, je m'étais en effet
passionnée pour l'étude des cours sur l'autisme3 et en
particulier celui relatif aux différentes approches étiologiques
et thérapeutiques de cette affection4.
Je n'avais jamais rencontré d'enfants atteints de forme
grave d'autisme et j'avais donc beaucoup à apprendre de ce stage.
Consciente que les différents stages universitaires
peuvent représenter un temps privilégié d'ouverture
à des approches thérapeutiques diverses, je souhaitais profiter
de ce stage pour découvrir d'autres théories et pratiques
psychothérapeutiques.
J'espérais donc réaliser mon stage de
pédopsychiatrie auprès d'un tuteur de stage ayant une approche
théorique différente de l'approche psychanalytique mais ce ne fut
pas le cas : Mme Beaussier, le pédopsychiatre responsable de
l'Hôpital de jour « Les Dominos », se référant,
elle aussi à la théorie psychanalytique lacanienne et Madame
Torlois mon tuteur de stage étant très proche du champ freudien
!
Le fait d'effectuer mes deux stages de Master 2 selon une
même approche
psychothérapeutique m'a semblé rapidement
très intéressant pour approfondir mes connaissances et ma
pratique et renforcer mes apprentissages.
J'ai pensé qu'il pouvait être aussi très
riche d'étudier comment deux lieux (certes très différents
en particulier en ce qui concerne la population accueillie...) et
différents professionnels s'appropriaient et nourrissaient leur pratique
d'un même référentiel théorique, en l'occurrence
lacanien.
Le stage s'est déroulé de septembre 2006 à
janvier 2007, pour l'essentiel dans la même période que le stage
que le stage auprès d'adultes
Mon emploi du temps différait d'une semaine à
l'autre mais était semblable selon les semaines paires ou impaires.
3 NATHAN, T.(2005) « Thérapeutique
»
Cours de Maîtrise de Psychologie clinique et pathologique
(Référence L 1626 T50) Institut d'Enseignement à
Distance(IED) Paris 8
4 IONESCU, S.(2005) « Objet, histoire et
théories de la psychopathologie »
Cours de Maîtrise de Psychologie clinique et pathologique
(Référence L 1625 T 500) Institut d'Enseignement à
Distance(IED)° Paris 8
Mme Torlois exerçant ses fonctions à temps
partiel entre les deux hôpitaux de jour du secteur :: « Les Dominos
» à Talence et « La Pomme Bleue » à Bordeaux, nous
avions convenu que l'essentiel de mon temps de stage se déroulerait aux
Dominos.
J'irai aussi un jeudi sur deux à l'hôpital de jour
« La Pomme Bleue ».
Mme Jammet employée à temps plein par le CHU de
Bordeaux et exerçant ses fonctions sur différents sites, nous
avions convenu que l'essentiel de mon temps de stage se déroulerait
à l'Hôpital de jour de Médecine interne de l'Hôpital
St André.
J'irai aussi un mardi sur deux en stage dans l'Unité
de Médecine et Maladies Infectieuses de l'hôpital Pellegrin.
Mon projet de stage a donc eu comme particularité de
me permettre de découvrir dans une même période plusieurs
lieux d'exercice professionnel. Ce fonctionnement est assez proche du mode
d'exercice professionnel des psychologues actuels composé le plus
souvent de différentes activités à temps partiel.
Ce stage de Master 2 m'a permis de :
· découvrir plusieurs lieux d'exercice en
institution hospitalière du métier de psychologue ;
· rencontrer de très nombreux intervenants et de
collaborer avec eux : médecins, secrétaires,
infirmièr(e)s, aide-soignant(e)s, orthophoniste, psychomotricien,
moniteur d'études cliniques, agent de service hospitalier... ;
· participer aux réunions institutionnelles,
élaborer des éléments d'analyse institutionnelle : place
et rôle de ces institutions dans le système sanitaire et social ;
rôle et collaboration des différents intervenants de
l'équipe interdisciplinaire et des acteurs du réseau;
· rencontrer de façon suivie trois groupes
d'enfants pendant quelques mois, partager des moments avec ces enfants sans les
réduire à leur psychopathologie ;
· rencontrer des adultes de façon le plus souvent
ponctuelle mais aussi lors d'entretiens suivis en étant moi-même
supervisée par mon tuteur de stage;
· assister à plusieurs consultations de mes
tutrices de stage ;
· échanger ouvertement et
régulièrement avec elles à un niveau professionnel en
questionnant mes attitudes en situation clinique et en situation
institutionnelle et en bénéficiant de leur supervision.
Toutes ces rencontres, ces temps d'action et de réflexion
m'ont formée.
Prenant appui sur quelques points marquant de pratique
clinique dans ces trois institutions différentes : hôpital de jour
de pédopsychiatrie, hôpital de jour et unité de soins pour
adultes porteurs du virus de l'immunodéficience humaine, je me propose
aujourd'hui de développer dans ce mémoire, comment l'approche
théorique lacanienne peut orienter la pratique clinique du psychologue
en institution hospitalière.
I. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN HOPITAL DE JOUR DE
PEDOPSYCHIATRIE
1. PRESENTATION DE L'INSTITUTION : HOPITAL DE JOUR
« LES DOMINOS »
L'hôpital de jour « Les Dominos » a ouvert en
1990 face à l'augmentation de la demande de soin de la population
infanto-juvénile que l'Hôpital de Jour « La Pomme Bleue
» ne suffisait plus à prendre en charge.
Ce nouvel établissement a été
placé sous la responsabilité de Mme Beaussier,
pédopsychiatre et psychanalyste qui travaillait auparavant à
« La Pomme Bleue », avec le médecin fondateur de cette
institution : le docteur Lafforgue.
De manière générale, l'activité
ambulatoire est donc assurée par l'OREAG5 au sein de 3
centres de guidance infantile (CGI) à Talence, Gradignan et Bordeaux
alors que l'activité à temps partiel est assurée au
travers de 2 hôpitaux de jour gérés par le secteur I04 de
Charles Perrens : « La Pomme Bleue » à bordeaux et « Les
Dominos » à Talence.
L'hôpital de jour « Les Dominos » fait donc
partie du secteur de psychiatrie infanto-juvénile 33I046
géré par le Centre Hospitalier Spécialisé Charles
Perrens.
Ce secteur de psychiatrie infanto-juvénile dessert la
partie Sud-Ouest de la communauté urbaine de Bordeaux avec les communes
de Talence et Gradignan et les anciens 3°,4° et 5° cantons de
Bordeaux, soit 128 500 habitants (recensement de 1999).
Il s'agit d'un secteur urbain qui mixe des zones
résidentielles et des zones d'habitat social important.
La concentration du secteur est très forte puisque 6 km
seulement séparent la commune la plus excentrée du secteur et
l'Hôpital de jour le plus proche.
5 L'association OREAG (Orientation
et Rééducation des Enfants et Adolescents de la Gironde) est une
association privée à but non lucratif créée en 1889
qui a été reconnue d'utilité publique en 1892.
Fondée par un magistrat bordelais, elle était
initialement conçue comme une « oeuvre du refuge des enfants
abandonnés ou moralement délaissés de la Gironde
»5.
Depuis 1972, une nouvelle convention DDASS / OREAG / CHS
Charles Perrens (révisée en 1982 et toujours en vigueur
aujourd'hui) a dissocié la direction technique et médicale,
assumée par un médecin chef mis à disposition par
l'hôpital Charles Perrens, de la direction administrative, assumée
par l'OREAG.Cette association restait, par ailleurs l'employeur des effectifs
non médicaux et le gestionnaire des locaux.
A partir de cette date, l'activité ambulatoire
était donc assumée par l'association et la gestion de
l'activité institutionnelle de type hôpitaux de jour, par le
secteur 104 du CHS Charles Perrens.
6 d'après le « Rapport sur l'organisation
de la psychiatrie au Centre Hospitalier Charles Perrens » ,
Ministère de l'emploi et de la solidarité et mission nationale
d'appui en santé mentale ; présenté par les docteurs
J.Y.Alexandre ;M.C.Cabie ;A.M.Garnier ;G.Masse ; Messieurs Graindorge et
Moitié ;Mademoiselle M.L.Laffargue en mai 2003.
Ce secteur 33I04 est dirigé par le docteur Cazenave qui
en est le chef de service et il se compose de trois entités :
· 2 HOPITAUX DE JOUR :
- « La Pomme Bleue » au centre de
Bordeaux, dirigé par le Docteur Brachet, Praticien hospitalier Cet
hôpital de jour reçoit des enfants psychotiques et autistes
- « Les Dominos » à
Talence, dirigé par Madame le Docteur Beaussier, Praticien hospitalier
L'hôpital de jour « Les Dominos ».Cet établissement
reçoit aussi des enfants psychotiques et autistes de 3 à 13 ans
et assure des soins polyvalents, individuels et intensifs prodigués dans
la journée, le cas échéant à temps partiel.
· L'UNITE U3, dirigée par le
docteur Tchamgoué, médecin assistant. Cette unité «
virtuelle » se compose des mêmes personnels à tiers temps et
exerce ses missions dans ces deux hôpitaux de jour.
L'unité U3 a des missions d'accueil et de soins de 3
groupes d'enfants : des petits de moins de 4 ans atteints de TED ou non TED,
des enfants de 4 à 12 ans et des adolescents.
Cette unité a également des missions
d'observation, d'accueil et d'accompagnement des mamans et des enfants en salle
d'attente de PMI (Protection Maternelle Infantile).
La capacité d'accueil de l'hôpital de jour «
Les Dominos » est de 9 enfants à temps plein mais il accueille en
fait 19 enfants à temps partiel de 2 à 4 demi-journées par
semaine.
Deux soirées de CATTP (Centre d'Aide Thérapeutique
à Temps Partiel) sont en outre proposées à un groupe
d'enfants scolarisés.
L'équipe soignante se compose de :
· un médecin psychiatre à mi-temps : Mme
Beaussier ;
· un cadre infirmier à mi temps : Mme Gasseau ;
· une psychologue à mi-temps : Mme Lara Torlois, qui
a donc été mon tuteur de stage dans cette institution ;
· une secrétaire à mi-temps ;
· 4 infirmier(e)s à temps plein (2 hommes et 2
femmes ; un très ancien dans la fonction et dans le poste; les 3 autres
ont une ancienneté variable dans la fonction et peu d'ancienneté
dans le poste);
· une orthophoniste à mi-temps;
· un psychomotricien à mi-temps qui vient
d'arriver dans la structure un professeur des écoles de
l'éducation nationale à temps partiel.
A l'exception du médecin psychiatre ,de la
secrétaire et des infirmier(e)s, les professionnels qui travaillent
à mi-temps à l'hôpital de jour « les Dominos »
exercent l'autre moitié de leur temps partiel dans l'autre hôpital
de jour du secteur : « La Pomme Bleue ».
2. DIAGNOSTIC DE PSYCHOSE AUTISTIQUE
L'autisme infantile, ou plus exactement le trouble autistique,
fait partie, dans le DSM-IV7,de la catégorie des
«Troubles envahissants du développement», qui rentre dans la
section des «Troubles habituellement diagnostiqués pendant la
première enfance, la deuxième enfance ou l'adolescence»,
troubles qui sont décrits sur l'axe I, axe des troubles cliniques.
Les troubles envahissants du développement ou TED se
caractérisent par des déficits sévères et une
altération envahissante de plusieurs secteurs du développement :
capacités d'interactions sociales réciproques, capacités
de communication, ou par la présence de comportements,
d'activités et d'intérêts
stéréotypés.
La catégorie « Troubles envahissants du
développement » comprend :
- le trouble autistique (autisme de Kanner)
- le syndrome de Rett
- le syndrome désintégratif de l'enfant
- le syndrome d'Asperger
- le trouble envahissant du développement non
spécifié (y compris l'autime atypique).
Les premières éditions du DSM assimilaient ces
troubles à des psychoses tandis que les dernières éditions
du DSM soucieuses d'éviter dans un souci de classification
athéorique, des référence à des conceptions
théoriques non démontrées concernant l'étiologie ou
la pathogénie des troubles mentaux ont fait disparaître ce terme
de psychose au profit de celui de troubles envahissant du
développement.
La classification française des troubles mentaux de
l'enfant et de l'adolescent les considère toujours comme des psychoses
précoces et l'institution « Les Dominos » dont les
références psychopathologiques sont orientées par la
théorie psychanalytique lacanienne se réfère plus
volontiers à cette classification.
Les troubles cliniques présentés par les enfants
hospitalisés sont ainsi diagnostiqués comme psychoses dont
l'autisme représente une modalité.
L'autisme infantile précoce y est appréhendé
comme un problème de structure de personnalité se manifestant par
des symptômes cliniques tels que décrits et
spécifiés par
le psychiatre américain Louis KANNER en 1943.
KANNER décrit selon quatre groupes les signes cliniques de
la psychose autistique une fois constituée :
Début précoce des troubles en général
vers la deuxième année de vie.
7 DSM IV : Manuel statistique et diagnostique
élaboré par l'APA (Association Américaine de Psychiatrie)
dans sa quatrième version : 1995/1996.
1. « Aloness » : Retrait autistique dans lequel
l'attitude de l'enfant frappe par son indifférence et son
désintérêt total vis à vis des personnes et des
objets qui l'entourent.
2. « Sameness » : Besoin d'immutabilité : il
s'agit d'un besoin impérieux de l'enfant de maintenir stable son
environnement matériel habituel, la permanence et la stabilité
des repères faisant l'objet de la part de celui-ci de fréquentes
vérifications ritualisées.
3. Stéréotypies : Gestes
répétés inlassablement dont certains frappent par leur
étrangeté : balancement d'avant en arrière, tournoiement
sur soi-même ; marche sur la pointe des pieds de façon
mécanique...
4. Troubles du langage, voire non-accès au langage. Le
langage quand il existe n'a pas de valeur de communication, il est souvent
marqué par l'écholalie.
Vignette clinique n°1
|
Rencontre avec Jean8, atteint d'autisme
profond, hospitalisédepuis 6 ans à l'Hôpital de
jour « Les Dominos ».
|
DEBUT BRUTAL DES
|
Jean est fils unique. Ses troubles ont débuté
brutalement à l'âge
|
TROUBLES
|
de 13 mois suite à une hospitalisation pour
leucémie aiguë dont il est depuis en totale rémission.
|
|
Il a été admis à l'hôpital de jour
à l'âge de 4 ans pour de graves troubles de la personnalité
de type autisme de Kanner.
|
|
Aujourd'hui, Jean est âgé de 10 ans ; c'est un
garçon de grande taille, costaud et élancé. Son visage est
lisse, le plus souvent sans expression. Son regard bleu et ses pommettes
rosées évoquent un poupon.
|
RETRAIT AUTISTIQUE
|
Il ne peut adresser ses regards mais parvient à
soutenir parfois le nôtre depuis quelques temps. Le plus souvent son
regard est périphérique et semble nous traverser.
|
|
Il déambule silencieux dans la maison et dans le jardin
et manifeste une réelle capacité à se faire oublier. Il
m'est arrivé ainsi de le retrouver une fois sur la terrasse du jardin,
dans un grand coffre en plastique destiné à ranger les ballons.
Il avait
|
BESOIN
|
refermé la porte du coffre au-dessus de sa tête,
était replié sur
|
d'IMMUTABILITE
|
lui-même contre les parois en plastique dur dans une
position qui me semblait bien inconfortable et qui contrastait avec
l'impression de réel bien-être qu'il dégageait... Tout en
lui montrant ma surprise de le trouver là, je lui ai dit en le regardant
avec compréhension : «Tu as l'air bien dans ce coffre». Il a
alors fixé une seconde mon regard sans que je puisse parvenir à
lire quelque chose dans ce regard « vide » et
|
8 Par respect du secret professionnel et par souci
de confidentialité (Principes Généraux du titre I du code
de Déontologie des psychologues AEPU, ANOP, SFP du 22 mars 1996 : «
Le psychologue préserve la vie privée des personnes en
garantissant le respect du secret professionnel »), tous les
prénoms ou initiales des noms et prénoms des enfants ou adultes
figurant dans ce rapport de stage sont fictifs.
STEREOTYPIES
|
s'est brutalement extrait du coffre pour repartir dans ses
déambulations...
Il va une fois par semaine avec l'infirmier et deux autres
enfants à la piscine où il parvient à avancer dans l'eau
comme nagent les petits animaux. Lorsqu'il n'a pas pied, debout dans l'eau, il
se laisse couler lentement sous l'eau puis, arrivé au fond, il donne une
impulsion pour remonter. Il a en permanence la bouche ouverte et quant il
remonte en surface, l'eau de sa bouche s'écoule passivement sur son
visage sans expression. On dirait qu'il fait totalement corps avec cet
élément dans une symbiose parfaite: il n'est pas dans l'eau, il
est l'eau !
Quatre fois par semaine Jean bénéficie d'un
temps de psychothérapie de groupe en pièce bleue. Il y
écoute longuement le tic tac de la pendule et passe beaucoup de temps
à aligner ses personnages, les allonger, les faire chuter ou les
entasser.
Lors des temps dits d'errance, il ne parle pas mais
réclame « la belle au bois dormant » en vidéo en
prenant alors la main du soignant pour le conduire à la salle de
vidéo.
C'est là sa seule demande mais ce n'est pas une demande
adressée : en fait, Jean se sert de l'autre comme d'un instrument pour
lui permettre d'obtenir ce qu'il veut : mettre en route le
magnétoscope...
|
TROUBLES DU LANGAGE
|
3. ELEMENTS CONCEPTUELS DE L'APPROCHE THERAPEUTIQUE
LACANIENNE
La théorie des thérapeutes construit la pathologie
qu'ils soignent.
L'approche théorique psychanalytique lacanienne de
l'autisme est à l'origine nous l'avons vu de la conception des troubles
des enfants accueillis.
Elle est également à l'origine des grands principes
thérapeutiques qui guident la prise en charge thérapeutique des
enfants atteints d'autisme ou de psychoses aux Dominos.
· L'inconscient structuré comme un
langage
Dans l'interprétation des rêves et dans
psychopathologie de la vie quotidienne, FREUD montre que les formations de
l'inconscient que sont les rêves, les lapsus, les actes manqués et
les symptômes ont en commun d'être des constructions
langagières.
Ils sont construits comme des rébus et donc lisibles
à condition de se détacher du sens des images et d'écouter
leur enchaînement phonétique.
FREUD explique les mécanismes de déplacement et
de condensation qu'utilisent les désirs interdits pour se figurer en
rêves et en symptômes. LACAN montre que ces mécanismes
sont
respectivement les mécanismes analogiques des figures
langagières que sont la métaphore9 et la
métonymie10.
Un désir interdit va donc pouvoir utiliser un
élément phonétique commun entre deux noms pour se
déplacer par exemple de la personne aimée vers un autre
personnage dans le rêve... Ainsi, les symptômes étant
construits par ces jeux d'association, la vérité dont ils sont le
déguisement pourra être accessible par la technique
psychanalytique de l'association libre...
· Besoin / Désir / Demande
LACAN a développé les concepts de Besoin
-Désir -Demande.
Il les distingue ainsi : « Le désir
s'ébauche dans la marge où la demande se déchire du besoin
»11.
Ainsi, si le désir paraît se référer
à un objet, c'est toujours au prix d'une illusion car il est en
réalité relation à un manque.
Pour l'autiste, le désir de l'autre représente
une menace : il doit donc se maintenir à distance pour ne pas être
englouti dans ce désir L'enfant autiste ne veut même pas
apercevoir que l'autre aurait un désir...
Aussi importe t'il d'assurer à l'enfant une
présence absente de tout désir : « une présence
absente » qui est la seule possibilité pour que l'enfant vienne
chercher l'autre qui ne lui demande rien mais qui est là...
Lors des séances de groupe thérapeutique, les
soignants ne proposent pas d'activités aux enfants. Ils les laissent
aller prendre l'objet vers lesquels leur désir les porte sans
interférer sur ce choix ni sur la façon d'approcher ou de se
saisir de cet objet. Ainsi l'enfant n'attend pas du propre désir de
l'adulte soignant mais se retrouve face à son désir(ou son
absence de désir...).
Il paraît important pour des raisons à la fois
éthiques et thérapeutiques de ne pas substituer notre propre
désir à celui de l'enfant ; de respecter le désir de
l'enfant et son analyse en tant que révélateur de sa
subjectivité.
Si la plupart des soignants guident leur thérapie de ce
grand principe, certains m'ont semblé plus dogmatiques dans cette
approche.
Pourtant, une trop grande neutralité du soignant
entraîne quelquefois une pauvreté des interactions enfant/soignant
qui peut poser la question des effets produits sur l'enfant en pleine
période de développement.
9 Métaphore : Cette figure de
rhétorique est une comparaison incomplète. Le comparé est
donné est donné ainsi que le comparant(parfois juste
suggéré) mais il n'y a pas d'outil de comparaison.
Il appartient alors au lecteur de retrouver les analogies qui ont
permis le rapprochement : couleur, forme, apparence, activité,
caractéristiques...
Exemple: « Ma jeunesse ne fut qu'un
ténébreux orage traversé ça et là de
brillants soleils » Baudelaire (1857), Les fleurs du mal
,L'ennemi.
10 Métonymie : Figure
de rhétorique qui consiste à remplacer un mot par un autre ayant
avec lui une relation de contiguïté (proximité), ou une
relation logique (contenant/contenu ; cause/effet ; lieu/personne...)
Exemple : « une fine lame » désignera un
escrimeur habile ; dans « Paris s'éveille », le nom de la
ville désigne ses habitants.
11 LACAN,J.(1966 )Ecrits, Paris, ed. du Seuil p 814
· Stade du miroir
En 1936, Jacques LACAN donne une conférence dans laquelle
il va développer ce concept de stade du miroir qui est un concept
central de sa théorie.
Lacan s'appuie sur une observation : l'enfant
(étymologiquement infans : l'enfant qui ne parle pas encore),
encore immature sur le plan moteur ne ressent pas l'unité de son corps.
Lorsqu'il remarque son image dans le miroir, il cherche à l'identifier.
Quand il saisit que cette image a un rapport avec lui, il se retourne vers
l'adulte pour lui demander confirmation. La réponse de la mère
est alors déterminante : en répondant «oui, c'est toi
Julien, mon fils» elle permet à l'enfant d'accéder
à l'unification de l'image de son corps, jusque là
morcelé. Dans le même temps, elle le fait entrer dans le
symbolique, dans le monde des contraintes imposées par le fait de parler
: «la matrice symbolique où le Je se précipite». La
mimique jubilatoire que présente alors l'enfant signifie
l'identification de son image à son prénom prononcé par
l'adulte.
Ce tissage de l'image et de la parole ne nécessite pas un
miroir : ce qui compte, c'est le regard et la parole de l'Autre.
Lacan montre le pouvoir structurant de l'image et de la parole en
définissant les registres correspondants, l'imaginaire et le
symbolique.
· Réel / Symbolique / Imaginaire
(RSI)
Lacan distingue ces trois ordres dans son séminaire du 18
novembre 1975: « Le sinthome ».
Il donne la primeur au Symbolique : le Réel n'en
étant qu'un au-delà indicible tandis que l'imaginaire n'en serait
qu'un en deçà en ce sens que toutes les manifestations de
l'Imaginaire sont explicables et déterminées par le
Symbolique.
A la différence de FREUD qui restreint l'usage et
l'interprétation des symboles à une partie très
limitée de la psychanalyse et qui fait correspondre aux symboles des
significations très stéréotypées, LACAN donne une
extension prodigieuse à la symbolique tenant quasiment l'inconscient
pour réductible à la fonction symbolique.
Quelque chose de l'Imaginaire, du Symbolique fait que nous ne
sommes pas pénétrés du regard de l'autre ; nous pouvons
refouler. Ceci ne fonctionne pas chez l'enfant autiste qui ne peut rien
refouler, rien « laisser tomber »...N'ayant pas accès au
symbolique, l'enfant autiste n'a pas pu construire sa représentation
lui-même ; son rapport au monde est donc toujours du réel, il
traite tout le réel !
J'ai assisté à plusieurs ateliers « Contes
» à l'hôpital de jour « La Pomme Bleue ».
A chaque séance, un conte très connu était
raconté à un groupe d'enfants qui écoutaient puis chaque
enfant était invité à choisir de jouer le rôle d'un
personnage du conte.
Lors de la séance du conte «Le loup et des trois
petits cochons», au seul mot de «loup», les enfants autistes ou
psychotiques étaient extrêmement effrayés. Certains
venaient se blottir un peu plus contre les adultes et on pouvait sentir leur
corps pétrifié trembler. Au moment de jouer la scène il se
produisait des mouvements de panique générale quand l'enfant qui
jouait le rôle du loup s'approchait des maisons des enfants qui jouaient
le rôle des 3 petits cochons...
Ainsi pour ces enfants, le langage peut être terrifiant .En
effet, pour eux, le mot ne représente pas la chose : le mot est la chose
!
Les soignants tentent de permettre l'accès manquant au
symbolique, à la métaphore et répètent souvent
« il fait comme le loup dans l'histoire mais ce n'est pas le loup
»
Ces enfants n'ont pas accès à la métaphore
langagière.
Dire à un enfant « secoue-toi un peu » sera pris
le plus souvent à la lettre par l'enfant qui va secouer son corps sans
qu'on ne puisse plus l'arrêter !
Le soignant doit donc prendre conscience de l'impact de ses
propres métaphores langagières dans la communication avec ces
enfants et éviter d'utiliser un mode de communication trop
métaphorique.
· Le Nom-du-Père
Au sujet de l'enfant dans sa famille, LACAN aborde le cas
où le problème de l'enfant correspond à la «
subjectivité » de la mère. L'enfant est alors exposé
à tous les fantasmes de sa mère : si la fonction paternelle n'a
pas été médiatisée dans sa relation à son
enfant, si au moment du stade du miroir, elle n'a pas convoqué le
signifiant fondamental, le Nom-du-Père qui peut faire coupure dans sa
relation charnelle avec son enfant, alors l'entrée de l'enfant dans le
langage n'est pas assurée.
Le registre imaginaire n'est pas noué au registre
symbolique, le symbole ne vient pas permettre l'absence de la mère. Dans
ce cas l'intervention du psychanalyste est difficile, il va s'agir d'une
intervention dans une relation d'image à image, dans laquelle il n'y a
pas eu de médiation, où le Je n'a pu émerger.
« La distance entre l'identification à
l'idéal du Moi et la part prise du désir de la mère, si
elle n'a pas de médiation (celle qu'assure normalement la fonction du
père) laisse l'enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques.
Il devient l'objet de la mère et n'a plus de fonction que de
révéler la vérité de cet objet. L'enfant sature en
se substituant à cet objet le mode de manque où se
spécifie le désir de la mère qu'elle qu'en soit la nature
spéciale : névrotique, perverse ou psychotique. »
(LACAN, 1966)
Pourquoi l'enfant autiste ou psychotique a t'il un rapport si
compliqué à ce qui l'entoure ? Probablement car il s'agit de la
psychose : l'enfant psychotique n'a pas accès au Nom-duPère, au
symbolique, à la signification phallique, à ce qui donne sens et
structure tout notre environnement.
· Jouissance
« En même temps que le sujet cherche son
plaisir en le limitant, le sujet tend non moins constamment, à
dépasser les limites du principe de plaisir. Il n'en résulte pas
pour autant le plus de plaisir attendu, car il est un degré de plaisir
que le sujet ne peut plus supporter, un plaisir pénible que jacques
LACAN appelle la jouissance dans le livre VII du séminaire. La
jouissance n'est pas le plaisir ; elle peut même être souffrance.
» (CLERO, 2002)
LACAN nomme « pulsion de mort » le
désir constant de dépasser les limites fixées par le
principe de plaisir afin de rejoindre « La Chose » et de et de gagner
par-là un surplus de jouissance. La jouissance est alors le «
chemin vers la mort ».
« La Chose » :« das Ding
» en allemand, étant l'objet qui « aimante » le
désir bien que le terme d'objet ne soit inadéquat. En effet,
tout objet de désir ne pouvant être comme nous
l'avons vu précédemment qu'un leurre, une
illusion. Nous ne faisons qu'imaginer que nous désirons tel ou tel
objet. En réalité, le désir, à travers les objets
dont il paraît en quête, ne cherche jamais que « la Chose
»dont il n'aura jamais aucune représentation, qui n'est pas un but,
puisqu'il ne sera jamais atteint mais autour duquel tout ne cesse de
tourner...
La stéréotypie a pour fonction de soutenir
l'enfant autiste dans son existence. Elle représente pour lui une
solution pour traiter les choses de son environnement. Elle serait
l'équivalent de ce qu'est le symptôme pour le
névrosé. Si nous souhaitons que l'enfant autiste cesse ses
stéréotypies, nous lui enlevons la possibilité qu'il a
trouvé de traiter les choses...
La stéréotypie n'est donc pas un « tic »
à faire disparaître : par elle , l'enfant tente d'être
séparé de la jouissance...
4.THERAPIE PROPOSEE AUX ENFANTS
4.1 PROJET THERAPEUTIQUE
L'approche lacanienne oriente la conception des enfants
accueillis en hôpital de jour : l'enfant est pensé comme une
personne unique, qui ne se réduit surtout pas à son
symptôme, à sa pathologie mentale, à son handicap. A ce
titre, l'équipe soignante a à faire que cet enfant puisse
s'inscrire à sa façon avec son symptôme dans le lien
social.
Il est question d'encourager chacun à produire sa
singularité, son exception, à « laisser sa chance inventive
au sujet » à éviter comme devenir de l'enfant celui d'«
un adapté sans sujet »12.
Dans une période actuelle caractérisée
par une inflation des normes, cette approche se refuse à une
normativité : le septième principe des « Principes
directeurs de l'acte psychanalytique » présentés par Eric
LAURENT en 2006 à l'assemblée générale de
l'Association Mondiale de Psychanalyse13 en atteste : « La
psychanalyse ne peut déterminer sa visée et sa fin en termes
d'adaptation de la singularité du sujet à des normes, des
règles, des déterminations standard de la réalité
» .
La théorie psychanalytique lacanienne oriente la
thérapie proposée : la prise en charge des enfants dans cet
hôpital de jour propose une clinique sans protocole mais pas sans
orientation et accorde une liberté de parole à chacun, qu'il soit
enfant ou adulte.
L'hôpital de jour se définit comme « un lieu
d'accueil, d'écoute et de traitement de l'enfant psychotique
».14
Le travail thérapeutique auprès des enfants
s'axe essentiellement sur leur dimension psychologique individuelle et
inconsciente et beaucoup moins sur un travail à vocation
éducative et sociale.
12 Citation de Mme Roy, (psychiatre psychanalyste
auprès d'enfants autistes).Citation extraite de la communication du 24
mars 2007à Biarritz dans le cadre des journées
préparatoires de la troisième rencontre européenne et
quinzième rencontre internationale du champ freudien «
Psychanalystes en prise directe sur le social » qui aura lieu les 30 juin
et 1er juillet 2007au Palais des Congrès de Paris.
13 Les « Principes directeurs de l'acte
psychanalytique » présentés par Eric LAURENT en 2006
figurent en Annexe x page x
14 Citation extraite du Document de
Présentation de l'Hôpital de jour « Les Dominos »
réalisé par l'équipe il y a quelques années et
toujours en vigueur à ce jour.
Dans la poursuite de ces objectifs, la structure dispose de
: MOYENS GENERAUX :
· Structuration du temps avec des
marquages tel un emploi du temps des soignants référents de
groupes ou d'atelier, deux petites réunions de paroles
chaque jour avec les enfants, une régularité des
activités, des repas thérapeutiques, une
réunion institutionnelle tous les mardi
après-midi(où les enfants ne sont pas accueillis aux Dominos),
une réunion de travail quotidienne de 16h à 17h,
3heures de supervision d'équipe par mois, un dispositif
de formation continue.
· Structuration de l'espace, des lieux.
Les activités étant représentées et
repérées par les enfants en fonction des lieux dans lesquels
elles se déroulent.
MOYENS SPECIFIQUES
· Groupes thérapeutiques avec 3
enfants en moyenne et 2 intervenants par groupe.
Ces groupes de soins sont l'élément central de la
prise en charge thérapeutique des Dominos autour duquel viennent se
greffer les différents ateliers.
4.2 GROUPES THERAPEUTIQUES
Les groupes thérapeutiques sont organisés en
début d'année en septembre en fonction du projet individuel de
chaque enfant et de la planification des temps de soins..
Chaque séance, d'une durée de une heure
environ, rassemble tout au long de l'année les mêmes deux ou trois
enfants et les mêmes soignants, dans des pièces identiques
repérées par des couleurs (rouge, jaune, bleue), pour un travail
d'élaboration suivi, au rythme des enfants.
Il s'agit plus d'un travail de prise en charge individuelle dans
un groupe que d'un travail de groupe.
Les enfants sont accompagnés dans leurs jeux(parfois
leurs propres objets)mais le plus souvent des jouets présents de
manière fixe dans la pièce : dînette, legos, voitures,
bateaux, zoo...et ils sont aussi accompagnés dans leur demande.
La dimension transférentielle du soin est
analysée.
J'ai eu dans un premier temps un rôle d'observateur et de
preneur de notes au sein du groupe thérapeutique qui se déroule
chaque vendredi matin en pièce jaune.
Les premières séances me déroutent. Je
n'arrive plus à penser.
La psychose des enfants déstructure ma propre
pensée. Le bruit et l'agitation psychomotrice désordonnée
des enfants qui vont et viennent : tout est dans le « trop » !
Selon les moments : ou bien les enfants ne peuvent se
concentrer sur aucune tâche et,
éclatés, morcelés, à l'image de leur Moi passent
à toute vitesse d'une activité à l'autre sans que je
puisse percevoir une quelconque logique; ou bien les enfants se
retrouvent totalement absorbés par leur tâche, faisant et
refaisant sans cesse le même geste stéréotypé...
Lors de ces premières séances, je repère
rapidement l'intérêt diagnostic du groupe thérapeutique
mais je ne saisis pas en quoi le groupe est thérapeutique ! Pourtant,
manifestement, il l'est !
La prise de conscience va se produire chez moi au bout de la
quatrième ou cinquième séance. En effet, je me rends
compte à ce moment que Romain commence à tolérer un peu
plus la frustration.
L'attitude de Michel (l'infirmier) est ferme et bienveillante.
Sa « force tranquille » est contenante.
Il explique et répète à Romain les
règles du partage des jouets : avant de se saisir d'un jouet, il doit
ranger le précédent (ceci ayant pour finalité de lutter
contre l'éclatement du Moi) et tant qu'un autre enfant joue avec l'objet
qu'il est allé lui-même chercher, on ne peut pas le lui prendre
mais « on peut se mettre à coté et jouer avec lui
»...
Romain tente de se saisir de force du garage dans lequel Cyril
fait monter et descendre inlassablement une petite voiture. Michel plaque le
garage au sol d'une main ferme tout en prenant le bras de Romain pour
l'écarter de l'autre main. D'une voix très posée il dit
lentement : « Non Romain, c'est Cyril qui a pris le garage pour jouer
avec ».
Romain est furieux, il crie et donne des coups de pied tandis
que Lara met des mots pour lui sur ces émotions qui le submergent.
L'enfant petit à petit va se calmer tandis que Cyril,
protégé par les adultes peut continuer son activité.
Au fil des séances, Romain parviendra à faire
rouler une petite voiture sur le même garage que Cyril...Il donnera moins
de coups de pieds.
Le travail en groupe thérapeutique l'aide probablement
à accroître sa tolérance à la frustration.
Les deux soignants ont l'habitude de travailler ensemble.
Leur approche le plus souvent complémentaire et
l'estime professionnelle qu'ils se portent mutuellement sont
thérapeutiques : Michel et Lara peuvent alimenter très vite le
transfert des enfants dans la relation au père et à la
mère ...
Si Michel en appelle souvent au rapport au père,
à la Loi, à l'interdit (des interdits sont posés en
particulier par rapport aux bagarres et aux dangers), Lara sait adopter une
attitude maternelle et consoler l'enfant en lui prêtant des mots pour
exprimer les émotions et ressentis douloureux que les enfants ne peuvent
verbaliser mais qui les poussent souvent à acter parfois de façon
violente.
Les deux soignants ne se disqualifient jamais tout en faisant
valoir chacun leur point de vue vis à vis des enfants : la notion
d'assertivité me semble bien convenir.
Les soignants se laissent guider le plus souvent par ce que font
ou disent les trois enfants mais parfois aussi par leurs propres
désirs...
Je remarque beaucoup d'authenticité de la part des
thérapeutes : un matin, Michel explique dans le groupe qu'il est sorti
la veille, qu'il a fait la fête et s'est couché très tard.
Il a peu dormi, est fatigué et s'allonge sur le tapis de sol de la salle
jaune permettant à Cyril, par cette attitude tout à fait
inhabituelle de venir lui faire un câlin(celui-ci s'approchant doucement
de lui en venant poser sa joue contre son visage).
On sent l'enfant inquiet, surtout quand Michel ferme les yeux
quelques instants(cette inquiétude est très probablement en lien
avec l'angoisse de mort de l'enfant).
Nous la prenons en compte tout en nous réjouissant de la
capacité d'Cyril à montrer une attitude empathique que ce
dispositif de soin fort inhabituel a pu mettre en évidence.
Pendant les deux ou trois premières séances, j'ai
beaucoup observé les trois enfants.
Au fil des séances, les sollicitations des enfants et mon
désir croissant d'investissement dans ce travail m'ont amenée
à désirer participer plus activement à leur prise en
charge.
Il m'est vite apparu la nécessité de veiller
à concilier mon désir d'investissement auprès des enfants
avec la continuité des soins particulièrement nécessaire
à leur équilibre de façon à ce que mon
activité de psychologue ne puisse pas représenter pour eux
à la fin de mon stage une rupture préjudiciable à leur
prise en charge ...
Ainsi, lorsque j'émettais des hypothèses
diagnostiques et des propositions de pistes d'actions thérapeutiques, je
les soumettais préalablement à Lara pour en discuter avec elle et
lui demander son accord dans l'idée de garantir le plus possible «
l'innocuité » de ce projet d'action auprès des enfants.
Dés les premières séances, Cyril s'approche
de moi.
Il me porte une tartelette en plastique qu'il va chercher dans
la cuisine équipée en plastique de la pièce jaune.
Je prends alors la tartelette qu'il me tend et la porte
prés de la bouche en souriant.
Je fais semblant de la goûter et dit « Hum, c'est
délicieux ; merci, Cyril ».Parfois je fais quelques commentaires
gustatifs car il me porte des tartelettes à la mûre ou aux
framboises ... Il reprend la tartelette, sourit aussi et subitement
débordé par ses émotions lance violemment la tartelette
à travers la pièce...
Il va régulièrement à la porte de la
pièce jaune et donne de grands coups de pied dedans.
A la réunion de synthèse, nous avons appris qu'il
fait de même à l'école maternelle et que la maîtresse
a ôté la porte de la classe.
.
Un matin, alors que nous venons d'entrer en pièce
jaune, j'observe qu'il s'est allongé à plat ventre de tout son
long dans la pièce jaune, et qu'il essaie de faire entrer dans une
fenêtre d'un mur en plastique destiné à construire une
maison , une petite voiture.
Puis il se retourne, le regard vide d'expression tourné
vers le plafond en balançant ses pieds. « Tu vois l'isolement
autistique » me dit Lara : « il ne fait rien Cyril »...
Je me lève alors de la petite chaise d'enfant sur laquelle
je suis assise et dit : « je vais montrer à Lara ce que fait Cyril
».
Joignant le geste à la parole je reprends le jeu de
construction et la petite voiture qu'il a laissés et dit : « Cyril
a mis ce petit mur par terre et j'étais étonnée qu'il
tienne car c'est difficile de faire tenir en équilibre ce petit mur mais
il a été très patient et adroit et il y est arrivé.
Ensuite, il a essayé de faire rentrer la petite voiture dans la
fenêtre car il voulait la faire passer à travers »
Cyril ne s'est retourné qu'à la fin de mon propos.
Il s'est jeté brutalement contre moi et s'est blotti dans mes bras. Je
n'osais plus bouger...
Je lui ai dit que cela me faisait très plaisir qu'il
vienne vers moi. Lara a dit : « Il te remercie ».
Au fil des jours, Cyril se tient plus souvent debout sur ses
jambes et tape de moins en moins des pieds dans la porte.
Il ne parle quasiment jamais. Pourtant un matin, alors qu'il
tape sur un petit bateau en légo, Lara dit : « pauvre petit bateau
» ; il porte alors le bateau contre son oreille et dit : « Allo
».
Nous sommes très surpris, d'autant plus que si son
geste permet d'inférer un « Allo » lié au
téléphone : il porte en effet le bateau à l'oreille tel un
combiné de téléphone ; les paroles de Lara permettent
d'inférer aussi un « A l'eau » de bateau qui va sur
l'eau...
Nous nous rendons compte à quel point Cyril est pris dans
les signifiants...
Lors de la réunion de synthèse, Mme Beaussier,
la psychiatre parle de Cyril , de ses deux parents instituteurs, très
centrés sur le domaine de l'éducation, du pouvoir de
séduction de Cyril qui, avec son petit sourire et ses très beaux
yeux doux annule l'autre en quelque sorte...Se comportant ainsi, il
évite la communication, et parvient à ce qu'on le laisse
tranquille...
Ses parents sont inquiets car il est moins docile en ce moment.
Les soignants analysent qu'il est en train de sortir de l'autisme et qu'il ne
faut pas rater ce moment...
Cela fait quelques matinées que le comportement de Cyril
en pièce jaune varie peu.
Je propose à Lara l'hypothèse suivante : les
parents de Cyril vont souvent vers lui ; moimême, bien que partant des
activités qu'il choisit manifeste mon désir d'aller vers lui.
Et si je créais du vide ?
Et si je m'installais assise sur la petite chaise mais face
à la porte, tournant ainsi le dos aux enfants....
Ce repli autistique du soignant serait-il de nature à
favoriser l'activité de l'enfant ?
J'ai sollicité l'accord de Lara. Je ne me souviens
plus sa réponse exacte mais ne me donnant ni une réponse
affirmative, ni négative, elle m'a invitée à faire comme
moi je pensais qu'il était souhaitable d'agir...
Ainsi renvoyée à ma responsabilité, j'ai
hésité une seconde puis me suis décidée.
Nous entrons dans la pièce et je m'installe donc dos au
groupe. Romain et Clément sont occupés à jouer avec Lara
et Michel et semblent ne pas me prêter attention.
Ne voyant rien, je me fie uniquement à ce que j'entend or
je n'entend pas Cyril.
Petit à petit, ma chaise se met à trembler de
façon rythmée : Cyril est allongé derrière moi et
tape avec son pied sur le pied de mon siège. Je décide
d'attendre. Le pied se rapproche ; je me retourne en disant : « Et
à qui est ce pied qui vient me dire bonjour ? ».
Cyril rit !
Plusieurs fois nous remarquerons que Cyril réagit au
vide et aux négations ; qu'il arrive nous porter un jouet surtout quand
nous ne nous occupons pas de lui. Je remarque à quel point
l'investissement respectif de chacun des thérapeutes a une action de
renforcement et de relance sur l'engagement des autres thérapeutes qui
représente très probablement un facteur de protection vis
à vis d'un épuisement professionnel.
Ainsi, dans le groupe thérapeutique, le travail
thérapeutique orienté par la théorie psychanalytique
lacanienne s'axe essentiellement sur la dimension psychologique individuelle et
inconsciente de l'enfant et beaucoup moins sur un travail à vocation
éducative et sociale. Lors des séances de groupe
thérapeutique, les soignants ne proposent pas d'activités aux
enfants. Ils les laissent aller prendre l'objet vers lesquels leur désir
les porte sans interférer sur ce choix ni sur la façon
d'approcher ou de se saisir de cet objet.
L'enfant n'attend donc pas du désir de l'adulte soignant
mais se retrouve face à son propre désir.
Il importe selon Mme Beaussier d'assurer à l'enfant
«une présence absente de tout désir»: « une
présence absente» qui est la seule possibilité pour que
l'enfant vienne chercher l'autre qui ne lui demande rien mais qui est
là...
En fait, le thérapeute a bien évidemment et fort
heureusement un désir mais ce dont il a s'efforcer est ne pas laisser sa
propre subjectivité prendre le pas sur celle de l'enfant.
Pour la psychiatre et pour certains soignants, la vocation de
l'hôpital de jour n'est absolument pas éducative. Ce rapport
plutôt dogmatique à la théorie psychanalytique lacanienne
n'est pas sans effets sur le reste de l'équipe et sur la prise en charge
des enfants et l'accompagnement de leurs familles.
Concernant la prise en charge des enfants, il n'existe aucun
moment de discussion ou de collaboration institutionnelle avec les autres
psychologues ou psychiatres d'approche théorique différente qui
travaillent dans le même centre hospitalier !
J'ai souhaité, juste à la fin de ma
période de stage aller à la journée régionale de
l'ARAPI (Association pour la Recherche sur l'Autisme et la Prévention
des Inadaptations) ayant pour thème : « Les cognitions chez la
personne autiste ; De la recherche à la remédiation ».
Ce jour de janvier, en me rendant à cette
journée de formation d'approche cognitivocomportementale (le programme
de cette journée figure en Annexe 3 p. ), je me sentais mal à
l'aise, déloyale vis à vis de mon stage !
N'allais-je pas trahir un quelconque maître à
penser ? N'allais-je pas risquer une excommunication 15
Cette journée se voulait l'occasion de marquer
l'ouverture récente du Centre Ressources Autisme et Troubles du
Développement d'Aquitaine, dont les ambitions sont de promouvoir
l'information et l'échange autour des troubles autistiques et des
troubles du développement, entre professionnels, parents et
chercheurs.
Cette journée avait aussi pour ambition de rapprocher
le champ de connaissances issues de la recherche avec celles des pratiques dans
l'espoir de favoriser et de fluidifier le transfert des connaissances entre ces
différents champs.
Lors de ce congrès de J.Y. PRIGENT (SESSAD, Les
Tournesols,33) présente une communication :
« Les outils visuels de communication réceptive
et expressive : bilan de 13 ans d'utilisation au sein d'une classe TEACCH
».
Ces outils pallient selon l'auteur le non-désir de
communiquer de l'enfant autiste conceptualisé comme une
impossibilité à communiquer par manque d'outils.
Il y est question de l'intérêt des aides
visuelles qui transforment un univers imprévisible en prévisible
par structuration de l'environnement et des scénarios internes ainsi que
d'un outil de communication expressive : le PECS (Picture Exchange
Communication System) où l'échange d'images devient le support
matériel de la pragmatique.
Le réseau sémantique « pictionnaire »
produit en effet une désambiguïsation du langage oral et permet une
certaine autonomie à l'enfant.
15 excommunication au lieu de excommunion : lapsus
!
Une vidéo projection présente une
activité pâtisserie réalisée au moyen du classeur
outil de pictogrammes. Dans ce reportage, tout est calme, un peu
aseptisé ; le soignant qui accompagne l'enfant parle « avec
très peu de mots » et l'enfant parvient à suivre les
différentes étapes de la confection d'un gâteau en
utilisant pour ce faire les différentes images des pages d'un classeur
de pictogrammes représentant de façon chronologique les actes des
différentes étapes de la confection d `un gâteau .Il
s'appuie aussi sur des marquages visuels au sol et sur les placards.
Certes, rien ne prouve que cet enfant accède au sens de
ce qu'il réalise et on peut craindre pour lui qu'il ne soit ainsi
placé en position d' « adapté sans sujet ».
La fin de la vidéo montre pourtant le plaisir des parents
de recevoir ce qu'ils perçoivent comme un présent de la part de
leur enfant...
Je me demande si un enfant autiste n'a pas à
bénéficier de l'association :
> de temps de prise en charge individuelle de type
psychanalytique capables de lui garantir sa place de sujet
> de temps de prise en charge plus éducatifs (au
sens noble du terme, c'est à dire préparant à la vie et
non seulement rendant conforme aux exigences de la socialisation)
orientés par d'autres théories telles que des théories
cognitivo-comportementales qui pourraient lui permettre par exemple de
préparer lui-même un gâteau qu'il pourrait partager en
famille ensuite...
S'il me semble capital, par souci de cohérence que
chaque thérapeute se réfère à une théorie,
je crois aussi que l'enfant pourrait avoir à bénéficier,
autour d'un projet cohérent, d'une pluralité d'intervenants, des
avantages d'un système ouvert...
Je tenterai ici d'argumenter ce point de vue :
La prise en charge de la souffrance somatique est
aujourd'hui une prise en charge multifactorielle.
Dans de nombreux CHU de notre pays, la prise en charge des
personnes douloureuses
( personne atteintes de cancer ; personnes atteintes de
douleurs du rachis etc..)inclue ainsi une prise en charge médicale et
pharmacologique par anti-inflammatoires et antalgiques pouvant aller
jusqu'à une prise en charge chirurgicale des plus sophistiquées ;
une prise en charge par acupuncture, hypnose, réflexothérapie ,
psychothérapies individuelles ou de groupes ou même techniques de
visualisation de la douleur...
Dans ce cadre, le médecin allopathe et le
médecin acupuncteur par exemple, ne se réfèrent absolument
pas aux mêmes théories : chacun pense la santé, la maladie
et l'homme de façon fort différente.
Pour autant, chacun des deux thérapeutes exerce son art
auprès du patient, dans des temps différents et lui apporte son
expertise, son intelligence et son désir de le soulager.
Ces équipes soignantes qui se centrent non pas
exclusivement sur leurs thérapies respectives mais sur la personne et
ont eu à renoncer à un certain monopole de prise en charge,
à un certain pouvoir...
Pourra t'on de même, un jour, proposer dans le cadre
de la souffrance psychique, un tel type de prise en charge dans lequel
différents acteurs de soin proposent dans une cohérence,
différentes thérapeutiques à une personne ?
Les enfants atteints de pathologies telle que l'autisme dont
on affirme de plus en plus le caractère étiologique
plurifactoriel bénéficieraient ainsi d'une prise en charge dont
la diversité pourrait être particulièrement
thérapeutique.
La diversité dans un projet thérapeutique
cohérent et adapté: il n'est pas question selon moi de multiplier
à outrance les intervenants autour de l'enfant autiste dont on
connaît les réelles difficultés d'adaptation, mais il me
paraît intéressant de questionner les types de prise en charge
actuels, de les ouvrir et de les centrer sur les enfants et leurs familles.
Personnellement, je souhaite orienter ma pratique de psychologue
de la psychanalyse tout en restant ouverte aux autres champs de la
psychologie16.
Il ne s'agit pas pour moi de me situer dans une perspective
intégrative au sens de PINSOF17 où un même
thérapeute réfère sa pratique à différents
champs théoriques et cliniques mais plus au fond de souhaiter me situer
dans une perspective qui place une confiance dans la capacité
intégrative du sujet lui-même à intégrer ce que
différents thérapeutes se proposent de lui apporter dans la
mesure où leurs interventions s'inscrivent dans un projet centré
sur la personne.
4.3 ATELIERS
Les ateliers sont conceptualisés comme des moyens
thérapeutiques et non comme des espaces occupationnels.
Ils fonctionnent autour d'un seul médiateur qui peut
être la peinture, le conte, la piscine, le psychodrame...
Les intervenants manifestent un intérêt pour
l'atelier et y sont inscrits à l'année. Ils élaborent un
projet pour cet atelier qui est validé par la psychiatre.
Les enfants sont affectés dans les différents
ateliers en fonction de leur projet thérapeutique individuel
travaillé en équipe et parfois de leur demande.
Entre les différentes activités
programmées, les enfants bénéficient de temps libre, sous
la surveillance des adultes. Ils peuvent prendre les vélos dans le
jardin, jouer sur la tour, déambuler à leur guise, demander
à voir une cassette vidéo ou écouter un disque. Ces temps
sont nommés par l'équipe «des temps d'errance».J'ai
été tout de suite très étonnée par ce terme
auquel j'associai une connotation plutôt négative.
Le mot « errance » n'existe pas dans le dictionnaire
Larousse18 !
On y trouve toutefois les mots «errer»,
«errant», «errements».
Ces mots dérivent étymologiquement19 du
verbe latin «errer» = marcher et du participe passé
«erratum», au pluriel «errata» du verbe
«errare» = se tromper.
16 Lors de cette journée de l'ARAPI
j'ai rencontré Martine, orthophoniste à la Pomme Bleue et aux
Dominos accompagnée d'une étudiante. Elle me dit trouver que les
querelles de « chapelles » étaient dépassées et
ne servaient pas l'intérêt des enfants et de leurs familles...
17 (PINSOF,1995)
18 Dictionnaire Encyclopédique pour tous
Petit Larousse en couleurs (1972) ; ed Librairie Larousse, Paris.
19 DAUZAT, A. (1964) Nouveau Dictionnaire
Etymologique et Historique ; ed Librairie Larousse, Paris.
L'encyclopédie Quillet20 mentionne quant
à elle le mot «errance» et le définit ainsi :
«action d'errer» en précisant à nouveau les deux axes
le verbe errer :
> Du latin «itinerare»(voyager) : «
aller ça et là à l'aventure, aller de côté et
d'autre ».
> Du latin «errare»(se tromper) :
commettre une erreur, avoir une opinion fausse ;
exemple : «Tout homme est sujet à errer; errer dans
la foi; errer dans le droit».
Ainsi celui qui erre va ça et là à
l'aventure au sens propre au risque de se tromper, au sens figuré...
Le nouveau médecin de l'Unité 3 ne semble pas
favorable aux temps d'errance sans médiateur en fonction d'une
indication thérapeutique. « L'errance a d'autant plus
d'intérêt qu'il existe un médiateur »
écrit-elle dans une note de service « quel que soit le
médiateur, la fonction d'observation est toujours sollicitée
directement ou indirectement et la régulation en fait
intégralement partie ».
Son objectif pour l'accueil des petits le vendredi matin est de
créer un lieu de contenance psychique pour ces enfants.
Le cadre doit être ferme pour les soignants et le lieu de
soin souple pour les enfants. Les éléments du cadre doivent se
caractériser par une unité de lieu, de temps, de personnes, une
régularité ,une répétition et un médiateur
fonction d'une indication thérapeutique.
Si pour les enfants et tout spécifiquement pour les
plus jeunes ou les nouveaux arrivants, les temps d'errance doivent
effectivement être programmés dans le temps,
médiatisés et encadrés pour permettre aux enfants
d'être psychiquement contenus, leur souplesse d'encadrement peut aussi
représenter des moments très riches pour les enfants.
En effet, j'ai pu observer lors de ces temps en partie
informels beaucoup de créativité, tant au niveau des enfants que
des soignants, cette créativité se révélant de
nature à favoriser les échanges.
Vignette clinique : Un temps d' « errance
»
C'est en rejoignant de façon informelle Julien que je
vois jouer au basket sur la terrasse en attendant l'heure de l'atelier
psychodrame qu'il pourra m'en appendre beaucoup sur ses difficultés.
Julien a 11 ans. Il est accueilli à l'Hôpital de
jour « Les Dominos » depuis ses 6 ans et cette année, il est
entré en sixième au collège. Il continue à venir le
mardi soir à l'atelier psychodrame dans le cadre du CATTP.
Le jeu s'est organisé de façon informelle : nous
avons chacun un ballon de basket visons à tour de rôle le panier
de basket pour y faire entrer le ballon. Très absorbés dans notre
jeu nous ne parlons pas tout de suite. C'est Julien qui engage la conversation
alors que je me réjouis d'avoir enfin pu marquer un panier !
Il m'explique que lui aussi au début ne marquait pas
mais que désormais il a un panier chez lui et qu'il peut
s'entraîner. Je lui demande s'il joue seul chez lui. Il m'explique que
son père est âgé et qu'il joue dés fois avec lui
puisqu'il ne travaille pas. Je sais par les soignants que Julien n'est pas
à l'aise vis à vis des autres enfants de la différence
liée à l'âge de leurs pères aussi je saisis
l'occasion de prendre le contre pied du point de vue habituel et je lui dis
« ce doit être une chance pour toi d'avoir un père
retraité car tu as tout le temps pour le voir ».Il marque un temps
d'arrêt et je le sens effectivement étonné puis il me
répond en souriant :
|
|
20 Dictionnaire Encyclopédique Quillet
(1969),ed Quillet, Paris.
« oui, je le vois tous les soirs ».Nous continuons
à jouer sans plus parler. Il a chaud, il transpire et je lui dis «
tu as l'air fatigué ; après toute une journée
d'école, tu peux te reposer un peu maintenant, si tu veux ? ».Il
m'explique alors qu'il n'est pas fatigué à cause de
l'école mais qu'il dort mal. Nous ne visons plus le panier ; tout en
driblant au sol, nous parlons.
Il m'apprend que son grand frère est
décédé d'une overdose il y a quelques années, qu'il
l'aimait beaucoup et qu'il lui manque. La nuit, il se réveille et pense
à lui. Il se demande s'il est au ciel, s'il le voit...
Des temps de transmissions écrites quotidiennes
complétés par une réunion institutionnelle de
synthèse hebdomadaire permettent à tous les membres de
l'équipe une élaboration fine de ce travail clinique
auprès des enfants.
En dehors des temps de soin, les enfants sont accueillis
à l'école pour certains, en SESSAD (Service d'Education
Spéciale et de Soins à Domicile) pour d'autres, en Halte garderie
spécialisée (Nuage bleu et Saute Mouton) et parfois en famille
d'accueil.
En outre, le professeur des écoles de
l'éducation nationale assure un soutien des enfants scolarisés ou
un soutien de la scolarisation. Les soignants rencontrent
régulièrement les instituteurs des enfants qui sont instituteurs
de CLIS ou instituteurs de l'enseignement général primaire ou
professeurs du secondaire.
Dans l'esprit de « désinstitutionnalisation
» dans lequel se sont inscrits dés leur création les
hôpitaux de jour, les enfants vivent dans leur milieu familial mais
certains passent une à trois nuits (ou une demi-journée) dans une
famille d'accueil thérapeutique qui permet en particulier de soulager la
problématique fusionnelle familiale et d'ouvrir l'enfant au monde
extérieur.
Les familles sont rencontrées par la psychologue
accompagnée le plus souvent d'un(e) infirmier(e).Ces rencontres ont lieu
à la demande des familles ou de l'équipe mais le plus souvent
à l'occasion d'un problème qui se pose.
Des réunions régulières avec les familles
ne font pas partie du projet de soins de la structure.
4.3.1 ATELIER PSYCHODRAME PSYCHANALYTIQUE
J'ai pu participer durant mon stage à l'atelier
psychodrame organisé dans le cadre du CATTP (Centre d'Aide
Thérapeutique à Temps Partiel) le mardi soir, de 17hà
19h..
J'ai débuté mon stage en même temps que la
constitution du nouveau groupe thérapeutique de l'année
après les vacances d'été.
Le groupe est formé de 4 enfants réunis autour de
Lara, Psychologue et de deux infirmier(e)s : Cathy et Yvon.
Il est convenu et dit aux enfants que je serai le preneur de
notes pour que nous puissions bien nous rendre compte de l'évolution de
chacun et pour que je puisse comprendre en tant que future psychologue comment
le psychodrame permet d'aider les enfants à aller mieux.
Qu'est-ce que psychodrame psychanalytique groupal
?
Le psychodrame psychanalytique est né de la rencontre
entre le psychodrame et la psychanalyse.
Moreno crée en 1919 à Vienne un
théâtre de créativité et d'expression
spontanée, une sorte d'anti-théâtre. Il va bientôt
transformer ce petit théâtre en Journal Vivant : des
acteurs, des
amis, des acteurs amateurs, des habitués y jouent les
nouvelles du jour essayant même de battre de vitesse les journaux.
« C'est au cours d'une séance du Journal
vivant que Moreno eut l'idée de proposer à la jeune actrice
amateur Barbara, de jouer le meurtre brutal et crapuleux d'une
prostituée et découvrit les effets bénéfiques de la
catharsis sur l'acteur. Puis il fera jouer à Georges et Barbara leurs
problèmes, ce qui va les libérer, équilibrer leur couple
et préfigurer le psychodrame. » (SCHUTZENBERGER, 1988)
A la différence du psychodrame de Moreno qui
préconisait une décharge des conflits et tensions ou plus
exactement « une catharsis », dans le psychodrame psychanalytique, la
fonction interprétative du jeu prime et repose sur l'analyse du
transfert et des résistances. La fiction que représente le jeu
est une invite à une activité symbolisante souvent
précaire pour le type de patients auquel cette thérapie
s'adresse.
En effet une des indications de choix du psychodrame
psychanalytique va être la psychose : « Dans le psychodrame que
nous utilisons avec les malades psychotiques, la scission des relations
transférentielles entre le « directeur » du traitement(qui ne
joue pas mais reçoit le malade, lui parle sur le plan de la
réalité, organise le jeu et donne les interprétations) et
les personnages auxiliaires qui assument les rôles proposés par le
malade est un élément essentiellement favorable(puisque
matérialisant sans cesse l'opposition entre fantasme et
réalité),alors que la disparition de cette opposition est un
caractère essentiel de la défense psychotique.
»(LEBOVICI, DIATKINE et DANON-BOILEAU1958)
Le psychodrame psychanalytique se scinde en deux courants : le
psychodrame psychanalytique individuel et le psychodrame psychanalytique
groupal.
C'est ce dernier qui, appliqué en majorité aux
enfants et aux adolescents, est utilisé comme moyen thérapeutique
aux « Dominos ».
Le Disposif :
Les enfants choisissent le thème du jeu. A tour de
rôle chaque semaine, ils sont invités à proposer une
histoire qu'ils souhaitent jouer. Dés cet instant il est
intéressant de porter son attention sur la dynamique de groupe car le
choix des thèmes et la distribution des rôles vont se
révéler intéressants. Dans ce psychodrame, le transfert
est dispersé puisque plusieurs personnes sont présentes.
L'enfant qui propose la scène à jouer
répartit les rôles. La fin du jeu est déterminée par
le directeur de jeu.
La manière dont l'enfant investit l'espace, la
façon dont il distribue les différents rôles aux enfants et
aux infirmiers, la façon dont il utilise son corps et sa parole sont
à retenir également.
La grille d'analyse est informelle mais se compose des questions
suivantes à se poser juste après la scène :
Qu'est-ce qui joue le rôle d'un contenant ? Existe t'il ?
Si oui est-il solide? Protecteur ? Enfermant ? Ouvert ?
Quels sont les contenus figurés ? Combien y en a t'il
?
Quelles sont les interrelations entre contenant(s) et contenu(s)
? Entre contenus entre eux ?
Le transfert s'exprime dans le dispositif :
· A travers les propositions de thème, que celles-ci
soient retenues, transformées à plusieurs ou
oubliées...
· Dans les thèmes précis des psychodrames
effectivement mis en scène(le résumé que l'on peut en
faire, le décalage entre ce que l'on a dit que l'on allait jouer et ce
que l'on a effectivement joué.
· Le déplacement réel des participants par
rapport à l'aire de jeu initialement désignée
· Le vécu émotionnel et le détail
précis du jeu de chacun.
Il est important de garder des notes de ce travail de
façon à voir ensuite dans un travail de relecture et de
synthèse les éléments récurrents au fil des
séances.
Les consignes sont chaque fois clairement rappelées
par Lara : « On ne se touche pas, on fait semblant » et l'espace de
jeu est aussi clairement désigné et même
matérialisé au sol par une barrière de coussins.
Vignette clinique : Une séance de psychodrame LES
PARTICIPANTS :
Julie11 ans qui arrive de la CLIS(Classe Locale
d'Intégration Scolaire).
Elle participe aussi à l'atelier peinture du lundi
soir.
Elle vit avec sa maman et son frère aîné
psychotique.
Elle suscite débat dans l'équipe : si le motif
d'admission est « Trouble envahissant de la personnalité de type
psychotique », nombre soignant la pensent plutôt de structure
névrotique avec des traits hystériques, et atteinte de
débilité légère.
Pierre 10 ans entré à
l'hôpital de jour en 2004 pour troubles graves de la personnalité.
Il est scolarisé en sixième SEGPA
Julien 11 ans admis à l'hôpital
de jour en 1997 à l'âge de deux ans pour « Trouble
envahissant de la personnalité de type psychotique ».Il est
scolarisé en classe de sixième « ordinaire » dans le
même collège que Pierre.
De structure psychotique, cet enfant de 11 ans a des traits
paranoïaques.
Paul 11 ans est aussi un enfant psychotique. Il
a de plus de grosses difficultés d'élocution avec une dysarthrie
prise en charge en séances d'orthophonie.
Ils se retrouvent réunis ce soir comme chaque semaine
à l'Hôpital de jour « Les Dominos » pour ce temps
psychothérapeutique.
Lara (psychologue) qui est le directeur du jeu
;
Yvon et Cathy (infirmiers)
Françoise (stagiaire psychologue) :
observateur et preneur de notes.
LE DEROULEMENT :
C'est au tour de Julien de dire le thème du
psychodrame.
Comme à chaque séance Lara explique les consignes
:
« Julien pense à une histoire qu'il veut raconter et
après on va se distribuer les rôles ».
Les thèmes de l'histoire de Julien sont
:
· un film d'horreur
· un crime
Il y est question d'un mort vivant : « Je suis le mort
vivant » dit Julien.
On note déjà la capacité de Julien
à dire «Je» ce qui montre son accès à une
individuation malgré sa psychose.
Il y est également question d'un monstre avec un
bazooka caché à la cave (on remarque l'allitération
sans pouvoir aller plus loin pour le moment dans l'analyse ; on note « la
cave » lieu souterrain et sombre, lieu de l'inconscient ?...), d'un
parrain, Monsieur Domino(on note le signifiant !)
A la fin de l'histoire le monstre caché fera tomber son
bazooka après avoir tué deux enfants (qui feront semblant
d'être tués car ils ne seront que légèrement
blessés).
« Les keufs seront appelés et aussi l'ambulance et
le monstre sera lui-même tué par le mort vivant ».
Tous les enfants guéris et le mort vivant feront alors la
fête.
Le groupe discute sur le mort vivant : « on le voit ou
on ne le voit pas ? » « Est-il différent d'un fantôme ?
»(le grand frère de Julien est décédé
d'une overdose quand Julien avait 5 ans. N'est il pas ce mort vivant que
souhaite incarner Julien ?)
Tandis que Julien expose son scénario, les enfants
interviennent. Lara répète souvent : « Oui, cela se pourrait
mais c'est son histoire ».
La thérapeute amène ainsi les enfants à
se différencier, à se singulariser.
Paul pose beaucoup de questions et avance des explications au
comportement du monstre : « c'est par vengeance »
Quelquefois, l'enfant narrateur, Julien, accepte d'inclure dans
son histoire des éléments suggérés par les autres
enfants.
Julien est invité à distribuer les rôles
:
Il sera le mort vivant.
Cathy jouera le rôle d'un enfant de 20 ans ,
Yvon sera le monstre ;
Un des enfants s'appelle Clara (c'est presque Lara...)
et sera joué par Julie.
Un autre enfant sera joué par Pierre qui refuse car il
ne veut pas jouer ce rôle où il est tué par un monstre mais
il accepte finalement sous la pression des autres qui lui certifient qu'il
pourra faire la fête à la fin puisqu'il ne fait que semblant
d'être tué !
Pierre est un enfant autiste : il n'a pas accès
à l'imaginaire, il ne fait pas comme ou semblant : il est
l'autre...Cet atelier conte l'amène alors à essayer d'imaginer et
à décoller de la réalité ce qui est
particulièrement difficile pour lui.
Une fois les rôles distribués, les enfants sont
invités à prendre place sur l'espace de jeu qui est clairement
déterminé par Lara. Les enfants se mettent d'accord sur le lieu
de la cave d'où sortira le monstre avec son bazooka.
Le début du jeu est donné par Lara.
29
Cela n'avait pas été prévu mais les
enfants commencent le jeu en mimant la préparation d'une fête.
Tous les enfants investissent leur rôle quand surgit Yvon. Ils sont
très effrayés par Yvon jouant son rôle de monstre
menaçant et tirant avec son bazooka. Les enfants crient et rient en
même temps en essayant de se cacher les uns derrière les autres et
les deux enfants de l'histoire tombent par terre.
Les adultes jouent mais pas trop pour ne pas prendre
toute la place afin de laisser s'exprimer les fantasmes des enfants...Il va
s'agir de ne pas intervenir trop vite pour ne pas combler, tout en intervenant
suffisamment pour soutenir les enfants dans ce qu'ils expriment...)
Le monstre trébuche, fait tomber son bazooka et
démuni se fait tuer par le mort vivant qui surgit.
« Allo la police » dit Julien qui fait semblant
d'appeler (Julien fait intervenir les représentants de l'ordre, le
rapport à la loi est ici posé ce qui n'est pas évident
pour un enfant psychotique. Ceci semble attester de l'accès de Julien au
signifiant phallique, de sa possibilité de se soutenir du Nom du
Père)
« Allo, les pompiers » il y a deux enfants à
amener à l'hôpital...(Julien a accès aux notions de
réparation, de soin).
L'histoire jouée par les enfants se termine par la
fête comme cela était prévu. Par contre, nous constatons
que leur façon de jouer la fête se limite à mettre de la
musique : un enfant mime l'installation d'un CD dans la chaîne. Ils ne
dansent pas par exemple, et restent plutôt embarrassés même
quand les soignants leur répètent que c'est la
fête...)
Lara signale que c'est terminé et chaque enfant vient
alors s'asseoir dans le petit coin spécifique réservé
à cet effet et à distance de la scène. Ainsi, la
transition dans l'espace et dans la temporalité est bien
marquée.
La psychologue engage chacun à exprimer son ressenti vis
à vis du personnage qu'il vient de jouer : « Comment vous avez
trouvé ? ».
Elle interroge aussi leurs réactions et met des mots sur
leurs émotions : « Là tu avais peur, tu criais... »
Puis elle signale que « c'est fini ». Les enfants
partent en courant et me font l'effet d'une nuée de moineaux!
|
|
Je remarque avec surprise qu'il n'existe pas de temps
intermédiaire, de «sas» avant leur départ. En fait,
l'enfant psychotique n'interroge pas le rapport au manque comme peut le faire
le névrosé en raison de son angoisse de castration...L'enfant
psychotique se situe exclusivement dans le présent et cette
temporalité toute particulière le caractérise.
Après le départ des enfants, nous nous retrouvons
autour de la table pour une réunion de régulation.
Nous reprenons le thème de l'histoire, ses liens avec
les thèmes précédents ; les personnages et comment chaque
enfant s'est approprié son rôle ; les réactions des
soignants qui ont participé à la scène ; la fin de
l'histoire, ; les signifiants ...
Le jeu du groupe est analysé mais aussi le jeu de
chaque enfant de façon singulière et la prise de notes dans le
cahier se termine par une synthèse pour chaque enfant (son jeu ; des
remarques sur l'évolution de son jeu par rapport aux
psychodrames précédents ; des questions et hypothèses.
Lors de la réunion de synthèse de chaque enfant,
cet outil sera repris et analysé dans une perspective synchronique et
diachronique.
4.3.2 ATELIER PEINTURE
L'atelier peinture se définit comme un atelier
d'expression picturale à visée thérapeutique qui fait donc
partie du dispositif soignant institutionnel de l'hôpital de jour.
Il est prescrit par Mme Beaussier et concerne trois enfants :
Julie, Pierre et Léo.
Afin de favoriser la propre expression de l'enfant :
· L'atelier s'inspire du dispositif et des règles
fondamentales de la non-directivité telle qu'a pu les décrire le
peintre et pédagogue Arno Stern : la non directivité consiste
à ne pas proposer à l'enfant de peindre autour de thèmes
particuliers(peindre des fleurs ; représenter sa maison ou imiter tel ou
tel modèle...)
· Aucun conseil pédagogique préalable
n'est donné aux participants
· Le style d'animation de l'atelier doit se situer entre
l'aptitude à sécuriser (être présent et soutenir ce
qui advient, aider l'enfant à laisser venir et à se confronter
à ses émergences personnelles) et l'art de ne pas favoriser les
résistances.
· Un temps de parole est ouvert en fin de séance
de peinture qui invite l'enfant à la formulation verbale de tout ce
qu'il éprouve le besoin de communiquer de l'expression subjective de son
engagement dans le jeu créateur. Ce temps de parole fait coupure avec le
temps de production. Il est animé selon les perspectives
rogériennes de l'écoute et de la reformulation.
La peinture ne fait théoriquement l'objet d'aucun
jugement en termes esthétiques ou d'interprétations
livrées à l'enfant. Lorsque l'enfant a du mal à parler de
sa production dont il n'arrive pas à se détacher, l'animatrice
lui demande éventuellement de raconter une histoire au sujet de sa
peinture pour lui permettre de prendre de la distance par rapport à ce
qu'il a peint dans la réalité.
Nous retrouvons toujours des règles de structuration qui
vont permettre à l'enfant de percevoir dans le même temps
liberté, ordre, discipline, régularité, organisation :
- Unité de temps : L'atelier a lieu chaque lundi
soir. Les enfants peignent pendant 30 minutes et parlent de leur production
pendant 15 minutes.
- Unité de lieu : L'atelier a toujours lieu dans
la même petite pièce qui est préparée à cet
effet avant que les enfants n'arrivent.
- Unité d'action : Les enfants choisissent s'ils
continuent leur production précédente ou s'ils en commencent
une nouvelle et choisissent aussi à quel emplacement ils souhaitent
que nous accrochions leur feuille pour peindre. Ils choisissent en début
de
séance les couleurs de peintures qu'ils souhaitent que
les animatrices installent dans des godets placés devant eux sur le
rebord du tableau.
- Chacun doit respecter le travail des autres ; les
productions sont strictement individuelles.
- L'enfant est invité à peindre uniquement sur sa
feuille et à respecter l'environnement.
- Une règle fondamentale concernant le devenir des
productions est la conservation sur place des peintures qui une fois
sèches sont rangées dans des cartons à dessins individuels
au nom des enfants. La conservation des productions va permettre de valoriser
l'acte créateur et non seulement l'objet créé et de
protéger les créations des jugements et réactions
affectives des spectateurs pour permettre à chaque enfant de vivre
pleinement sa démarche de création sans être bridé
par des effets de censure liés à des biais de
désirabilité sociale... « comme l'aile du papillon
émiette ses pellicules de couleur à notre toucher, l'expression
est trop fragile pour la décharge d'un regard étranger
»(STERN,1973)
L'atelier est co-animé par Lara : psychologue et Martine
: Orthophoniste.
Je suis le preneur de notes21 et participe à
l'organisation matérielle de l'atelier (avant et après le temps
de peinture des enfants).
En fin de séance, les enfants goûtent puis partent
en taxi chez eux.
Nous nous retrouvons alors pour une réunion de
régulation et de synthèse.
Après chaque séance, nous ajustons
l'organisation de l'atelier pour la fois prochaine de façon à
produire un dispositif qui permette de remplir au plus prés les
objectifs fixés à cet atelier22 Lara et Martine ont
commencé à y travailler ensemble depuis peu et ont à
réfléchir aussi à la nature de leur partenariat.
Les choses ne sont probablement très claires dans cette
période de « calage » et les enfants le ressentent
probablement. Ainsi, Victor jouera de cette zone d'incertitude pour tenter de
cliver l'équipe en défiant l'autorité de Martine à
qui il intime un « De toute façon, c'est pas toi le chef ici, c'est
Lara »...
Nous consignons nos observations dans un cahier
spécifique qui est ensuite repris lors des réunions de
synthèse consacrées au projet thérapeutique individuel de
chaque enfant.
5. ELEMENTS D'ANALYSE INSTITUTIONNELLE
Si, comme nous l'avons montré dans les chapitres
précédents, le psychologue en institution hospitalière a
une fonction psychothérapeutique directe auprès des enfants, il a
aussi des fonctions plus indirectes au niveau de l'équipe soignante et
de l'institution elle-même.
Le code de déontologie des psychologues23
mentionne d'ailleurs dans le titre II concernant l'exercice professionnel :
«La mission fondamentale du psychologue est de faire
reconnaître
21 (conférer un exemple de prise de notes
Annexe 1 page x )
22 (conférer Remarques sur la troisième
séance Annexe 1 page x)
23 Code de Déontologie des psychologues
entériné par l'Association des enseignants de psychologie des
Universités ; l'Association nationale des organisations de psychologues
; la Société française de psychologie le 22 juin 1996
et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son
activité porte sur la composante psychique des individus
considérés isolément ou collectivement »
L'article 2 du Décret n° 91-129 du 31 janvier
1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique
hospitalière24ajoute: « le psychologue en
institution hospitalière contribue à la détermination,
à l'indication et à la réalisation d'actions
préventives et curatives assurées par les établissements
et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs
sur le plan individuel qu'institutionnel ».
Le psychologue en institution, tout en faisant partie
intégrante de celle-ci se doit pourtant de veiller à garder une
distance suffisante pour lui permettre d'analyser ce qui se joue au niveau
institutionnel. Il est important de prendre en comte les difficultés et
les ressources de l'institution dans la mesure où il y en aura toujours
un retentissement, des effets sur la prise en charge des
bénéficiaires de l'institution...
Il importe que les effets induits par la vie de l'institution
n'aillent pas à l'encontre des objectifs même qu'elle s'est
fixé.
L'unité U3 a démarré son activité
après les vacances de Toussaint.
Ma période de stage s'est donc déroulée
au coeur d'une intense période de réorganisation de l'institution
qui a particulièrement suscité le besoin de réaliser une
analyse institutionnelle et qui illustre bien aussi comment la théorie
psychanalytique du psychologue peut orienter son travail d'analyse
institutionnelle.
Dans un contexte de rationalisation de l'offre de soins par
rapport à la demande de santé de la population
infanto-juvénile, les objectifs médicaux pour la
répartition des moyens hospitaliers au sein des structures 33I04 sont de
parvenir pour l'année 2007 à une prise en charge au sein des
trois structures (Dominos, Pomme Bleue et Unité U3) de 50% de
pathologies Troubles Envahissant du Développement (TED) et 50% de
pathologies non-TED.
Actuellement il y a plus d'enfants atteints de troubles
envahissant du développement dans ces hôpitaux de jour.
La réorganisation va donc accroître la prise en
charge d'enfants atteints de troubles non envahissant du
développement.
La nouvelle organisation prévoit donc 3 demis
-journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies non-TED
dans l'unité Unité3 qui vient d'être créée et
7,5 demi-journées sur 10 de prise en charge des enfants aux pathologies
TED à la pomme Bleue et aux Dominos.
La population de l'unité 3 se compose de 3 groupes
d'enfants :
· Les moins de 4 ans
· Les 4 à 12 ans
· Les adolescents de 12 à 18 ans
Ceci demande un partage des moyens hospitaliers du secteur 33I04
et une définition des responsabilités en fonction des
filières de soin et des pathologies de l'enfant de 0 à 18 ans.
En effet ce sont les mêmes soignants de la Pomme bleue et
des Dominos qui composent depuis octobre 2006 Unité 3 sous
l'autorité du nouveau médecin assistant : Mme Tchamgoue.
Une note de service précise que « Toute
l'équipe infirmière, psychologique et paramédicale est
au service des objectifs de soin prescrits par les médecins responsables
des structures considérées.../...Des réunions
institutionnelles sont fixées aux dominos pour la partie TED le
24 Le statut du Psychologue dans la Fonction Publique
Hospitalière figure en Annexe x page x
mardi après- midi, à la Pomme Bleue pour la
partie TED le jeudi martin et à l'Unité U3 de 12h30 à
14h »
Ce projet de réorganisation a produit au niveau de
l'institution des difficultés qui ont pu s'exprimer pour certaines au
cours des réunions institutionnelles ; d'autres à des moments, de
façon plus informelle (temps de pause ou à l'occasion des bilans
de synthèse...) ; d'autres enfin ont trouvé à s'exprimer
dans des agir, à défaut de parole et ce de façon plus ou
moins inconsciente avec un effet parfois de « parasitage » des
ateliers.
> Analyse de difficultés verbalisées
:
- Les décisions médicales sont annoncées
à l'équipe par le cadre de santé sans concertation
préalable des différents acteurs de santé avec la
direction..
- La réorganisation est effective dans ses moyens
avant que les projets de prise en charge thérapeutique des nouveaux
groupes d'enfants ne soient élaborés. Les logiques
médicales et économiques semblent primer sur la logique
soignante.
La composante organisationnelle de la restructuration semble
primer sur sa composante clinique : il semblerait que le «Comment Faire?
» ait devancé le «Quoi faire? » !
-Aucun document écrit ne formalise le projet de
réorganisation : les pages du projet d'établissement du CHS
Charles Perrens relatives à cette réorganisation n'étaient
pas encore écrites au moment de sa dernière parution. Sur ce
document que j'ai pu consulter figurait alors en gros caractères la
mention « En projet ».
Depuis, aucun document écrit concernant cette
réorganisation n'a pu être fourni aux soignants.
- Le cadre de santé s'efforce de
jouer un rôle de « tampon ». On le sent pris dans des
injonctions paradoxales entre les logiques médicales, administratives
économiques et soignantes. Il assiste à toutes les
réunions et est censé informer ses équipes. Le fait qu'il
travaille à temps partiel sur les 2 hôpitaux de jour
l'amène à comparer les réactions des équipes et les
prises en charge thérapeutiques. Des difficultés passées
avec le chef de service actuel de l'hôpital de jour « les Dominos
» semblent se réactiver. On ressent parfois de sa part une
disqualification de ce médecin dont le projet médical est
jugé obsolète du fait de l'évolution des connaissances sur
l'autisme qui ne devraient plus permettre de se centrer uniquement sur le
psychisme des enfants.
Le cadre répète à chaque réunion que
son rôle est de défendre les équipes. Par-là
même il laisse entendre que les équipes sont
attaquées...
Ceci semble de nature à renforcer le clivage
médecins / soignants, voire le clivage entre les deux équipes des
deux hôpitaux de jour
-Le médecin psychiatre des Dominos
parle de « chaos ».Elle dit : « Je suis dans l'incapacité
de réfléchir, je ne vois plus rien pour personne ».On note
ici son incapacité momentanée à penser la situation.
Lorsqu'on sait à quel point un établissement qui accueille des
patients psychotiques produit aussi chez l soignant cette difficulté
à penser, on peut poser l'hypothèse que l'éclatement
actuel de la structure de soin, sa déstructuration vienne probablement
faire écho et renforcer des sentiments d'éclatement, de
morcellement de type psychotique qu'induit le travail auprès de ces
enfants !
La psychiatre dirigeait seule « Les Dominos
».Désormais, elle doit partager son espace de soin et son temps de
soin avec une jeune consoeur psychiatre qui débute et qui n'a ni son
expérience, ni son orientation théorique.
En fait la nouvelle organisation invite à un travail
d'intégration auquel personne ne semble psychologiquement
prêt...
Dans l'équipe infirmière :
pour les plus anciens, on note une loyauté au chef de service et
à ses options théoriques tandis que les plus récents dans
l'institution sont perdus et reconnaissent manquer d'arguments
théoriques solides pour défendre une quelconque position :
Lors d'une discussion avec une jeune infirmière, je me
rends compte qu'elle ne prononcent jamais le prénom des enfants. Ainsi,
lorsqu'elle s'adresse à un enfant qui tend son verre vers
l'évier, ses propos sont à peu prés de cette nature :
« Et qu'est ce qu'il veut cet enfant, il veut boire un verre d'eau ?
».Ou bien : «il est bien énervé cet enfant ce matin
!»
J'ai remarqué que d'autres soignants ont cette
façon très particulière de s'adresser aux enfants.
L'infirmière m'explique qu'ici, on ne doit pas s'adresser directement
aux enfants. Une jeune collègue à elle qui a travaillé ici
à ses débuts et qui travaille désormais à « La
Pomme Bleue » confirme et dit qu'à La Pomme Bleue, on peut
s'adresser directement aux enfants tandis qu'ici « on » lui avait
bien dit aussi de ne pas le faire.
Je me rends compte qu'aucune des deux ne parvient à
m'expliquer l'étayage théorique de l'attitude professionnelle qui
leur est semble t'il demandé d'adopter.
Je profite de mon statut de stagiaire psychologue pour faire du
lien et discute de ce thème en réunion.
Nous convenons en équipe qu'effectivement il peut
être très intrusif pour un enfant psychotique de se faire appeler
par son prénom et plus particulièrement dans certaines
situations. Il peut donc être intéressant, parfois de ne pas
aborder l'enfant de manière trop directe pour lui mais en aucun cette
attitude ne doit être stéréotypée...
Il semble que certaines pratiques soient devenues très
dogmatiques.
De part sa complexité, la théorie lacanienne
peut en effet entraîner cet écueil : chacun peut être
tenté de renoncer à faire les coûteux efforts de
discernement que demande cette approche théorique.
D'autre part le savoir est aussi un pouvoir : certains peuvent
avoir aussi le désir de conserver...
Je pense que toute attitude psychothérapique doit
particulièrement se méfier des adverbes « toujours « et
« jamais » qui gardent d'une précieuse réflexion !
Or toute réflexion psychothérapique a des vertus
thérapeutiques : en effet, la façon dont nous pensons l'autre
influe sur la relation que nous instaurons.
-Les dossiers des enfants de l'Unité 3 n'ont pas
été présentés aux soignants qui les
découvrent à leur arrivée. Ce jour là, les
soignants ont du mal à faire face et l'organisation du travail
nonpensée ne fait qu'accroître les difficultés : certains
enfants très jeunes pleurent, d'autres s'accrochent à n'importe
quels bras; le niveau sonore est élevé; les plus anciens sont
déstabilisés à leur tour par toute cette agitation et
manifestent aussi leur propre angoisse par
de l'agitation...Dés la petite réunion du matin
on sent la désorganisation : le nouveau médecin décide de
dire bonjour à chaque enfant au moyen d'une petite chanson comme cela se
fait à la « Pomme Bleue » mais cela n'a pas été
parlé en équipe.
Le manque de parole sur ce point apparemment de détail
est à l'image du manque de parole autour de cette réorganisation
qui n'a pu être travaillé au préalable.
Ce manque de parole va avoir des répercussions sur
l'accueil qui ne va plus pouvoir remplir sa fonction de contenance psychique
des enfants :
Des soignants des deux hôpitaux de jour sont assis sur
les fauteuils du salon et les enfants de l'Unité 3 et des Dominos sont
assis aussi intercalés entre eux.
Les soignants de « La Pomme Bleue » chantent :
« Bonjour Noah, Bonjour Noah, Bonjour » puis passent à un
autre enfant : « Bonjour Dylan, Bonjour Dylan, Bonjour » tandis que
ceux des Dominos restent mutiques. Ils diront ensuite : « Nous on ne fait
pas comme ça, on dit bonjour aux enfants mais on ne chante pas de
chanson. Il n'y a pas de raison qu'on change comme ça, aujourd'hui
!»
Comme l'écrit KAES : «Tout processus de
pensée et de travail dans le lien intersubjectif s'étaye sur un
cadre qui le définit, le soutient et le contient. C'est pourquoi le
fonctionnement institutionnel spécifie l'appareil psychique groupal et
son fonctionnement et que le sujet est à son tour
déterminé par le lien intersubjectif qui le porte et lui donne
une place.../...c'est toujours le dernier maillon de la chaîne qui
supporte les conséquences les plus dramatiques du fonctionnement d'une
équipe institutionnelle ou du dispositif organisationnel. Lorsque le
cadre est attaqué à quelque niveau que ce soit, les effets se
répercutent dans les différents éléments que le
cadre relie.../...Attaquer le cadre, c'est attaquer immédiatement et
radicalement les conditions nécessaires pour penser dans le groupe.
»(KAES, 2005)
Les soignants se rendent compte que précipités
par des contraintes organisationnelles, ils en viennent à programmer les
ateliers et groupes thérapeutiques dans un souci prioritaire
d'organisation alors qu'auparavant, ils sont toujours partis des besoins des
enfants.
En quelque sorte, dans cette programmation à la
hâte, ils se centrent plus sur la tâche plus que sur l'individu au
risque d'y perdre en termes de qualité de projet de soin
individualisé...
Les soignants participant à l'Unité 3 sont
amenés à se déplacer d'un hôpital de jour à
l'autre. Ces déplacements amènent un stress lié aux
aléas de la circulation et obligent à une grande rigueur dans les
horaires parfois incompatible avec la disponibilité psychique que
requiert le travail auprès des enfants ou des familles...
En effet, si la charge mentale est trop importante, il
devient difficile par manque de disponibilité psychique de penser le
soin. Or la manière dont nous pensons l'autre et dont nous pensons le
soin influe sur la thérapie...
L'Unité 3 crée aussi des problèmes de
cadre car les mêmes locaux doivent accueillir plus d'activité et
des problèmes de collaboration par manque de temps de préparation
pour penser les objectifs et le fonctionnement des ateliers mais paradoxalement
ces difficultés semblent pouvoir réactiver aussi la
créativité des acteurs de soin :
Le psychomotricien et l'infirmier le plus ancien des «
Dominos » vont désormais faire équipe dans l'animation de
l'atelier Percussions dans le cadre de la nouvelle prise en charge des touts
petits de l'Unité 3.
Aucun temps de travail préparatoire n'a pu être
dégagé et les deux hommes se livrent à un travail
très expérimental auprès des 3 petits qui leur sont
confiés. Le psychomotricien a apporté le jumbé de «
La Pomme Bleue » et l'infirmier de petits instruments de percussion :
maracas, tambourin. Nous remarquons que les enfants sont capables d'attention
aux séquences rythmiques jouées au jumbé. Les trois
enfants prennent les petits instruments, les secouent vivement et
immanquablement les lancent avec violence, manifestement débordés
par leurs émotions. Face au danger que représentent ces
instruments-projectiles, les deux hommes décident de ne plus les
proposer à la séance suivante. Ils souhaitent profiter du budget
pour acheter des instruments plus gros...
Ce nouvel atelier du vendredi matin se heurte aussi
d'emblée à un problème de cadre.
Comme nous l'avons vu la petite pièce prévue pour
cet atelier a de multiples fonctions .
Les enfants le savent et ont du mal à comprendre et
accepter le nouveau cadre de cet atelier : par exemple, les tapis de sol sont
installés et un enfant veut alors travailler avec la balle qui est dans
le coffre comme il le fait dans ce même lieu avec le psychomotricien
à un autre moment. Ce dernier lui répète de ne pas ouvrir
le coffre et lui explique pourquoi mais tout ceci est effectivement bien
compliqué !
> Analyse de difficultés non
verbalisées :
Rappelons que l'hôpital de jour « Les Dominos
» a ouvert en 1990.Ce nouvel établissement a alors
été placé sous la responsabilité de Mme Beaussier,
pédopsychiatre et psychanalyste qui travaillait auparavant à la
pomme Bleue, avec le médecin fondateur de cette institution : le docteur
Lafforgue.
Pour René KAES: « Toute institution naît
d'un désir de différenciation. Pour que le mouvement
créateur s'institue, pour que le désir des fondateurs prenne
forme et réalité, il est souvent nécessaire que cette
différenciation s'affirme de manière radicale, c'est à
dire que la séparation s'énonce comme une coupure. Cette rupture
s'affirme comme un rejet des institutions anciennes qui d'institution
d'affiliation acquièrent le statut de mauvais objet violemment
répudié.../...La fondation s'accompagne donc fréquemment
d'un rejet ou d'un clivage associé à un déni originaire.
»(KAES, 2005)
Effectivement les deux médecins chefs de service des
deux hôpitaux de jour ne collaborent pas ensemble. Au fil du temps, il
semble que « Les Dominos » ont adopté un mode de
fonctionnement plutôt autarcique et que chacun des deux chefs de service
se soit « radicalisé » dans une approche théorique
spécifique : lacanienne pour « Les Dominos » et
kleinienne25 pour « La Pomme Bleue ».
La situation fait naître un paradoxe : alors que la
création des deux hôpitaux de jour s'est faite dans une
certaine opposition, la création de l'Unité 3 prévoit
aujourd'hui une mutualité de
25 L'approche kleinienne fait
référence à Mélanie KLEIN qui a donné
naissance à l'un des grands courants du freudisme et a contribué
à l'essor de l'école psychanalytique anglaise. Le
présupposé fondamental de la théorie kleinienne est qu'il
n'existe pas de pulsions sans objet. Ces objets associés à des
phantasmes inconscients sont répartis par Klein selon les dichotomies
total/partiel ; interne/externe ; bon/mauvais ;
idéal/persécuteur. Selon elle, les mots résultent d'une
modification des phantasmes. L'interprétation s'attache à
atteindre chez l'analysé, au-delà des mots, le phantasme et dans
une certaine mesure l'organisation corporelle sans laquelle les mots
n'existeraient pas.
moyens entre les deux structures qui appelle à des
échanges et même à une collaboration inter-structures !
Les échanges sont difficiles : chacun, se sentant
menacé par le changement ayant tendance à renforcer son
identité et donc ce qui fait sa différence au détriment de
ce que les deux structures ont en commun et qui pourrait les réunir!
Dans ce contexte, les affrontements théoriques des
soignants des deux structures pourraient s'apparenter à des conflits
identitaires. En effet, ils semblent souvent d'accord sur la clinique et c'est
plutôt sur la manière de traduire cette clinique dans leur
vocabulaire théorique respectif qu'ils s'affrontent :
Deux soignants observent le même enfant : tandis que
l'un dit de l'enfant qu'il « est en proie à une agitation
psychomotrice »; l'autre reprend sur le ton de l'évidence
teinté d'un peu de mépris : « Nous, on appelle cela la
jouissance »...
Les clivages n'existent pas uniquement entre les deux
structures.
A l'intérieur d'une même structure, il semble
aussi qu'il y ait un clivage entre les soignants qui ont fait une analyse et
ceux qui ne l'ont pas faite. Le chef de service m'explique un jour la notion
lacanienne de « trou » que j'ai du mal à comprendre.
Elle me dit alors que « ce n'est que dans une analyse que
ces notions peuvent prendre sens ». Certainement. Mais à un niveau
cognitif d'appréhension du concept il me semble pourtant que le recours
à l'analyse ne soit pas inéluctable.
Le recours fréquent à cet argument ne fait-il pas
de lui un argument tautologique ?
La nouvelle gestion des effectifs des enfants prévoit
le départ de Justin à « La Pomme Bleue » Très
peu d'enfants sont dans ce cas : les effectifs ont pu été
gérés en ne renouvelant pas les places d'accueil des enfants en
situation d'être réorientés du fait de leur âge.
Lors de la réunion de synthèse l'équipe
s'inquiète de l'adaptation de cet enfant psychotique à « La
Pomme Bleue ». Mme Beaussier rappelle qu'elle suit cet enfant de 11 ans
depuis qu'il est tout petit et craint l'effondrement de cet enfant à
cause de cette rupture.
Quelques temps après nous apprendrons que Justin comme
ses parents sont ravis de ce changement et qu'il va bien.
En fait, il y a aussi pour les soignants et la psychiatre un
difficile travail de deuil à mener vis à vis de ces enfants qui
s'en vont et on peut interpréter sa crainte de l'effondrement de
l'enfant comme un mécanisme de défense : la projection de leur
propre angoisse de perte et de séparation...
Les difficultés liées à la
réorganisation ont peu d'espace formel pour s'exprimer, les
réunions de régulation existent mais sont semble t'ils trop peu
nombreuses.
Ainsi ces difficultés, peurs et ressentis viennent
parfois à s'exprimer au cours des ateliers ou du groupe
thérapeutique où elles ont très probablement des effets au
niveau de la poursuite des objectifs thérapeutiques.
> Analyse de ressources :
Le psychologue est une ressource dans le travail d'analyse
institutionnel et dans la gestion des conflits. Il s'emploie à favoriser
l'expression des uns et des autres et à temporiser les conflits.
Pourtant ce travail est particulièrement difficile en institution :
étant lui-même concernée par la situation, puisque faisant
partie aussi de l'équipe et de l'institution il ne peut être
neutre.
Il est important qu'il puisse en prendre conscience de
façon à conserver son rôle de modérateur et de lien
entre les différents membres de l'équipe.
Dans cet objectif et afin de prendre une distance
nécessaire vis à vis de l'institution dont il fait lui-même
partie, le psychologue a tout intérêt à s'inscrire dans un
travail de supervision à l'extérieur de l'institution.
Le groupe de parole organisé pour les soignants les
aide à exprimer leur émotions et représente aussi une
ressource institutionnelle mais les réunions paraissent trop rares
à tous les acteurs de soins...
D'autres ressources se dégagent de l'équipe :
que d'énergie chez tous ces intervenants; personne n'est
indifférent, tous se sentant responsables dans leur mission
auprès des enfants et des familles. Les soignants sont au travail ! Les
difficultés n'ont pas altéré leur
présentéisme.
Les prises de notes et les transmissions sont
étoffées ; plus le temps passe, plus les soignants ont des
projets d'activité et les ateliers démarrés de
façon quasi expérimentale commencent à se structurer
même si le partage de l'analyse de la clinique se heurte aux limites du
modèle intégratif, à savoir qu'il ne s'agit pas simplement
de traduire la clinique dans un autre vocabulaire.
Comme nous l'ont appris les auteurs du tournant
épistémologique constitué par la seconde
cybernétique (VON FOERSTER,1973) ; (MATURANA et VARELA,1994),ce que nous
percevons apparaît à l'intersection de ce qui nous parvient et de
ce qui nous constitue.
Ainsi, l'observation même de la clinique est sous tendue
par la théorie de l'observateur qui agit en véritable filtre de
l'information...
La réalité n'est pas une entité
préexistante : elle est construite. « De l'efficacité ou
de la réussite de l'intervention d'un thérapeute, on ne peut plus
inférer qu'il a eu raison , ou qu'il était dans la vrai, mais que
sa construction du réel a pu s'articuler à celle des membres de
la famille d'une manière telle que de cette co-construction a surgi un
possible nouveau ,plus riche et asymptomatique
»(ELKAÏM,2006).
II. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN HOPITAL DE JOUR
AUPRES D'ADULTES
PORTEURS DU VIRUS DE L'IMMUNODEFICIENCE HUMAINE
1. PRESENTATION DE L'HOPITAL DE JOUR DE MEDECINE
INTERNE
L'hôpital de jour de Médecine a été
créé en 1982, il y a une vingtaine d'années, aux touts
débuts de la découverte et de la prise en charge du Sida.
C'est en effet en juillet 1981 que le centre
épidémiologique d'Atlanta avait signalé l'apparition d'une
maladie d'origine inconnue affectant les homosexuels et en août 1982 que
la maladie fut désignée sous le nom de SIDA (Syndrome Acquis
d'Immunodéficience Humaine)
L'hôpital de jour est situé en plein centre ville
de Bordeaux, au premier étage de l'hôpital
Saint-André26.
Il se compose de :
> une salle d'attente située directement dans
l'entrée pouvant accueillir cinq ou six personnes sur des fauteuils
très bas ne favorisant pas une symétrie relationnelle.
Cette salle d'attente pose un problème de
confidentialité. En effet, cet hôpital de jour dont la porte
d'entrée affiche « Hôpital de jour de Médecine »
n'accueille pas de personnes relevant de diverses pathologies médicales
mais uniquement des personnes victimes d'AES ou séropositives ou au
stade de maladie Sida.
De nombreux patients m'ont exprimé la crainte d'y
rencontrer des personnes susceptibles de divulguer leur pathologie...
Un nouvel Hôpital de jour est en construction.
Il aura une salle d'attente avec une partie ouverte et une
partie avec possibilité de s'isoler qui respectera ainsi la
confidentialité.
L'équipe a réfléchi à cette
problématique et a souhaité éviter à l'inverse que
trop de confidentialité ne dramatise la situation de ces patients au
risque de renforcer encore leur stigmatisation et leur sentiment
d'exclusion...
La salle d'attente est pourvue d'un présentoir
rassemblant une documentation de prévention, de traitement du Sida, des
hépatites B et C, du tabagisme, de
l'hypercholestérolémie...et des revues de l'association AIDS
« Remaids ».
> Quatre boxes fermés tout autour de
l'entrée, pouvant accueillir chacun une personne en consultation. Ils
sont munis d'un lit, d'un fauteuil, d'une arrivée d'air (pour
réaliser d'éventuels aérosols) et d'un
pèse-personne ;
> un bureau médical et infirmier , ouvert sur
la salle d'attente.
Cette très petite pièce d'une douzaine de
mètres carrés n'est pas fonctionnelle dans le sens où les
infirmiers n'ont pas de poste de travail ergonomiques ; ils ne disposent que de
très peu de place pour consulter les dossiers et rassembler les
différents bons d'examens nécessaires aux bilans qu'ils
préparent. Ils sont souvent dérangés dans leur lecture du
dossier-et préparation de bons d'examens.
26 Le CHU de Bordeaux se compose de 3
établissements :
- l'hôpital Saint -André - l'hôpital
Pellegrin
- le groupe Sud
Pour répondre au téléphone, ils doivent
passer au dessus de la tête d'un de leur collègue ou du
médecin qui lui aussi consulte le dossier et le remplit assis ,
prés de l'imprimante...
Médecins et infirmiers ont donc très peu de
place pour travailler ; quant aux autres intervenants tel que stagiaire
psychologue ou étudiant en médecine ils n'ont physiquement pas de
place, et se retrouvent donc le plus souvent en position de déranger!
Si cette pièce exiguë facilite la rapidité de
communication entre médecin et infirmier(e)s elle ne facilite les
échanges entre pairs infirmiers.
Une réunion de régulation d'équipe a
récemment permis une verbalisation de difficultés de
communication entre infirmier(e)s pouvant être mise en lien avec dans
l'absence de temps et de lieu spécifique pour échanger à
un niveau professionnel.
Un temps de transmissions de 30 minutes par jour entre
infirmier(e)s a été récemment instauré pour
permettre à une parole entre pairs de circuler.
Pour instaurer ce temps , les médecins travaillant
l'après-midi ont accepté de décaler de 30 minutes le
début de leurs consultations.
Cette mesure semble avoir été de nature
à faciliter la communication entre les infirmier(e)s. La
véritable prise en compte et reconnaissance de leur difficulté
par l'équipe médicale a probablement contribué de plus,
à renforcer leur sentiment de reconnaissance professionnelle.
Les infirmiers ont une réunion d'organisation
hebdomadaire avec Mme Clause, cadre de santé pour parler des prises en
charge et en accroître la qualité.
Il n'est pas aisé pour certains infirmier(e)s d'exercer
à la fois les actes relevant de leur rôle prescrit et ceux
relevant de leur rôle propre27.
Certains m'ont dit se sentir parfois frustrés de
devoir privilégier par manque de temps leur rôle prescrit
(préparation et réalisation des bilans prescrits ; pesée
des patients ; vérification des constantes : pression
artérielle...) au détriment de leur rôle propre (rôle
éducatif et de soutien auprès des patients).
La situation est paradoxale car nombre d'entre eux
m'expliquent qu'ils ont choisi ce service par intérêt pour
l'aspect relationnel et qu'il s'avère en fait les amener à
mobiliser tout autant sinon plus leurs capacités techniques...
Il est arrivé de nombreuses fois que je reste discuter
avec les patients après la consultation infirmière : je sentais
que les soignants favorisaient ces temps d'écoute qu'ils ne pouvaient
proposer eux-mêmes...
Dans quelques mois, le nouvel hôpital de jour sera
terminé et l'équipe a souhaité renouveler la
proximité géographique entre médecins et infirmier(e)s
mais dans des locaux plus grands qui délimiteront aussi plus clairement
les territoires médicaux et infirmiers
27 Le décret n° 2002-194 du 11
février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de
la profession d'infirmier stipule : Article 5 : Dans le cadre de son
rôle propre, l'infirmier accomplit les actes ou dispense les soins
visant à identifier les risques et à assurer le confort et la
sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son
information et celle de son entourage(aide et soutien psychologique ;
observation et surveillance des troubles du comportement, aide à la
prise des médicaments, vérification de leur prise, surveillance
de leurs effets et éducation du patient etc...Article 6 : Outre les
actes et activités visés aux articles 11 et 12, l'infirmier est
habilité à pratiquer les actes suivants soit en application
d'une prescription médicale qui sauf urgence doit être
écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit
en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif,
préalablement établi, daté et signé par un
médecin( injections, perfusions, scarifications,
prélèvements de sang, transmission des indications techniques se
rapportant aux prélèvements en vue d'analyse s de biologie
médicale.etc...)«
> une tisanerie : très petite pièce
de repos permettant au personnel de boire un café, de se restaurer et de
préparer les petits déjeuners proposés aux patients
après leurs bilans sanguins pour lesquels ils arrivent le plus souvent
à jeun.
> Un bureau au rez de chaussée que la
psychologue partage avec d'autres intervenants28.
2. PROJET DE SOIN DE L'HOPITAL DE JOUR
2.1 POPULATION ACCUEILLIE
Si le nombre annuel de nouveaux cas de Sida (stade ultime de
la pathologie VIH) est stable, les personnes hétérosexuelles sont
de plus en plus contaminées : dés 2001, elles
représentaient prés de 50% des cas diagnostiqués tandis
que la contamination des homosexuels représentait 24% des cas et celle
des contaminations par usage de drogues 15% des cas.
Ouvert cinq jours sur sept de 7h30 à 18h30,
l'hôpital de jour accueille :
· des personnes séropositives ou atteintes du
Sida 29 qui viennent tous les trois à six mois pour des
bilans biologiques sanguins de surveillance et/ou pour des bilans de
contrôle de l'efficacité et de l'innocuité des traitements
instaurés ;
· des personnes suite à des accidents d'exposition
au sang ou aux liquides biologiques. Il s'agit le plus souvent de :
28 Nous développerons ce point
ultérieurement dans le mémoire.
29 Définition et physiopathologie de
l'infection VIH:
Le syndrome de l'immunodéficience acquise, plus connu
sous son acronyme SIDA(AIDS en anglais), est le nom donné à un
ensemble de symptômes (on le qualifie donc de syndrome)
consécutifs à la destruction des lymphocytes T (CD4), cellules
majeures du système immunitaire, par le virus de
l'immunodéficience humaine(VIH).
Le virus de l'immunodéficience humaine peut être
présent dans le sang et les liquides sexuels (sécrétions
vaginales, sperme, liquide pré-éjaculatoire).
Lorsque le virus de l'immunodéficience humaine
pénètre dans un organisme humain, il va rapidement se nicher dans
les ganglions lymphatiques où il pénètre à
l'intérieur de certains globules blancs capables de coordonner
l'ensemble de notre système de défense contre les germes qui nous
entourent : les lymphocytes T4.
Le virus se multiplie à l'intérieur de ces
lymphocytes T4.
Pendant des années, se livre alors une bataille
permanente entre le virus VIH qui tue les lymphocytes T4 et en s'y multipliant
et le système immunitaire qui tue un maximum de virus.
Peu à peu la bataille tourne à l'avantage du virus
: il y a de plus en plus de virus produit, la charge virale augmente, (c`est
à dire la quantité de virus dans le sang) et le nombre de
lymphocytes T4 diminue. Physiologiquement, chacun d'entre nous possède
environ 700 à 1000 lymphocytes T4 par mm3 de sang.
En dessous de 200 T4 / mm3 de sang, le nombre de T4 n'est
plus suffisant pour assurer l'immunité de la personne et n'importe quel
germe (bactéries, virus, champignons)peut provoquer une maladie que l'on
nomme « opportuniste » puisqu'elle profite de cette faiblesse
immunitaire induite par le VIH..
Les maladies opportunistes peuvent être très
variées de part leur nature et leur caractère de gravité :
zona ; pneumopathies ; candidose buccale(muguet) ; tuberculose pulmonaire ;
toxoplasmose cérébrale ; maladie de Kaposi ; lymphomes...
- personnes ayant eu des relations sexuelles non
protégées de façon récente ;
- soignants :infirmiers, médecins... suite à un
accident d'exposition au sang (AES) professionnel : piqûre, coupure ou
projection de sang ou de liquides biologiques ;
- toxicomanes ayant partagé des seringues ou
utilisé des seringues usagées de façon récente.
qui ont peur d'avoir été contaminés par le
virus de l'immunodéficience humaine (VIH)) ou les virus des
hépatites B et C(VHB et VHC) ;
La file active des patients est de 1400 par an et ne cesse de
croître.
Les patients sont des hommes ou des femmes , pour la grande
majorité d'entre eux des adultes jeunes. Ils viennent de toute la
région Aquitaine, parfois de plus loin par souci de
confidentialité.
2.2 EQUIPE SOIGNANTE
De très nombreux intervenants composent
l'équipe soignante de l'hôpital de jour :
> Le Professeur Morlat, et Mme Longie-Boursier praticiens
hospitaliers en partagent la responsabilité. Tous deux sont les chefs de
service respectifs de l'Unité de médecine- maladies infectieuses
(unité 22) et de l'Unité de médecine-maladies tropicales
de l'hôpital Saint-André qui sont regroupées en une
fédération de Médecine Interne-Maladies Infectieuses et
pathologies Tropicales ;
> Au niveau organisationnel, Mme Bonarek, est le
médecin responsable de la coordination médicale de
l'hôpital de jour ;
> En effet, 14 médecins consultent à tour de
rôle les patients selon les jours de la semaine : 9 praticiens
hospitaliers et 5 médecins attachés ;
> 1 pharmacienne monitrice d'études cliniques ;
> Madame Clause cadre de santé infirmier(est
également le cadre de santé de l'unité 22) ;
> 5 infirmier(e)s ( 4 femmes et un homme dont
l'ancienneté dans ce poste va de quatre ans à quelques mois) ;
> 1 ASH (Agent de Service Hospitalier) faisant fonction d'AS
(Aide Soignante) ;
> 1 psychiatre du GAPS : Groupe d'Aide Psychologique et
Sociale (il s'agit d'une association dont nous développerons les
missions dans la partie 3 6 : « Activités en
réseau »);
> 2 psychologues : Mme Jammet du CISIH et Mme Peyrucq du
GAPS
> 2 assistantes sociales(une faisant partie du CISIH et
l'autre du GAPS) ;
> 2 secrétaires ;
> 1 diététicienne.
Les Centres d'Information et de Soins de
l'Immunodéficience Humaine (CISIH) ont été
créés en 1987 sous l'égide du ministère de la
santé pour coordonner la lutte contre l'infection par le VIH apparue au
début des années 1980.
A Bordeaux, le CISIH est opérationnel depuis 1987 et ses
locaux se situent prés de l'hôpital du Tondu.
Le CISIH est un centre de référence pour le
traitement et la recherche sur la pathologie VIH.
« Il a pour rôle fondamental de coordonner la
prise en charge médicale et psychosociale dans les services
concernés, de façon à optimiser la qualité du
service rendu aux usagers »30
Madame JAMMET (mon tuteur de stage) est psychologue clinicienne
et travaille au CISIH du Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux (C.H.U)
depuis sa création..
Son statut professionnel est celui de Psychologue dans la
fonction publique hospitalière31.
Mme Jammet partage ses temps de consultation entre :
· l'unité de médecine et maladies
infectieuses de l'hôpital Pellegrin ; ( Service du Professeur Ragnaud au
4ème étage Aile 3) ; Cette unité diagnostique
des maladies parfois graves ; les consultations ont lieu le plus souvent le
temps de l'hospitalisation et sont souvent en lien avec l'angoisse des
personnes ;
· les deux unités de maladies infectieuses et
tropicales de l'hôpital Saint André ;
· l'unité d'hospitalisation de jour de
Médecine des Professeurs Morlat et Longie-Boursier.
En plus de son activité professionnelle
hospitalière, Mme Jammet participe aux activités de l'Association
de la Cause Freudienne-Aquitania.
Elle est responsable du courrier de cette association qui a pour
but de promouvoir l'étude de la psychanalyse.
Elle participe régulièrement à
l'animation des soirées-débats organisées dans le cadre de
cette association. Après des exposés de pratiques
professionnelles des psychologues ou psychiatres invités, les questions
suivantes formulées sont souvent le point de départ des
échanges de ces soirées 32 :« Tenir compte des effets de
l'inconscient apporte t'il du nouveau ? » « Quelle approche
la psychanalyse permet-elle ? » « Quelle clinique se
déduit de ses principes ? » « Quels concepts
orientent la pratique ? ».
3. PARTICIPATION DU PSYCHOLOGUE AUX OBJECTIFS DE
L'INSTITUTION
Les objectifs de ce service peuvent ,il me semble, se
décliner en quatre grands points et la psychologue intervient à
chacun de ces niveaux :
1. Evaluer les demandes et l'orientation des
personnes dans une situation d'urgence afin de proposer à toute personne
en relevant, un accès au traitement après exposition.
30 Citation extraite de l'article « Gros plan
sur...le CISIH » de Patrick Goyon : Journal d'Information interne du CHU
de Bordeaux N° 35- janvier2004-trimestriel.
Les missions du CISIH et la composition de l'équipe du
CISIH figurent en Annexe x page x
31 Le texte fondamental dans ce cadre est le
Décret n°91-129 du 31 Juillet 1991portant statut particulier des
psychologues de la fonction hospitalière.
32 Ibid note de bas de page n°2 page x
Aucun marqueur ne permettant de déceler une
contamination à un stade très précoce d'exposition, seule
une analyse fine de l'exposition et une évaluation du risque peuvent
permettre une prescription cohérente en terme de
risque/bénéfice et dans les meilleures conditions possibles
La décision de traitement prophylactique repose donc
sur la seule notion de risque de contamination. Cette décision doit
être prise dans les plus brefs délais. En effet, , si un
traitement s'avère nécessaire, il doit être
débuté pour une efficacité maximale dans les 4 heures qui
suivent l'exposition. Si le traitement prophylactique se discute encore dans le
48 premières heures; après ce délai, il n'est plus
efficace..
Des grilles d'analyse de risques ont donc été
élaborées pour les 3 types d'exposition (AES; exposition
sexuelle; exposition intraveineuse).
Ces grilles interrogent les situations majorant le risque :
> la personne source est atteinte par le VIH
> le statut sérologique de la personne source est
inconnu mais il existe des arguments qui peuvent suggérer une infection
par le VIH(tableau clinique évocateur, comportements à risque,
forte prévalence de l'infection parmi les patients de
l'établissement hospitalière etc...)
> la pratique exposante comporte un risque de transmission du
VIH(partage de seringue, viol...)
En vertu d'un principe de précaution, on sait que
statistiquement, de nombreuses situations seront traitées alors
même qu'elles n'auraient pas donné lieu à une
contamination.
L'équipe médicale se réunit chaque mois pour
discuter des prises en charge et harmoniser ses pratiques.
Même si l'équipe médicale tend à
harmoniser ses pratiques, la psychologue accueille l'expression de la
subjectivité des soignants et rappelle que chaque praticien est seul
avec son patient lors de la consultation.
Cette position a des effets sur la prise en charge des
patients : elle permet aux soignants de se positionner dans une relation
authentique auprès des patients qui est un des garants de l' «
humanisation de l'hôpital ».
L'appréciation du risque pour le patient (à
laquelle sont subordonnées les prescriptions d'un traitement ou
d'examens complémentaires) est individuelle, singulière et
dépend étroitement même s'il n'en a pas toujours
conscience, du propre rapport au risque du médecin...
2. Profiter du suivi régulier des patients pour
les aider à renforcer ou rétablir des conduites
préventives.
Il s'agit en particulier de promouvoir l'utilisation de
préservatifs masculins ou féminins33.
33 Le préservatif est
présenté comme « le seul moyen de se protéger contre
le VIH et certaines infections sexuellement transmissibles ( Hépatites B
et C en particulier) ».
Il est conseillé aux couples de faire un test de
dépistage ensemble avant d`avoir des relations sexuelles non
protégées. Il leur est alors rappelé que toute relation
extraconjugale remet en question les résultats du test
réalisé...
Dans le cas de relations avec plusieurs partenaires, l'usage du
préservatif est fortement recommandé.
3. Evaluer l'observance, la tolérance et
l'efficience des traitements. En effet, les traitement prescrits,
doivent être pris le plus régulièrement possible pour
éviter que ne se développe des phénomènes de
résistance au traitement.
A l'heure actuelle, il n'existe aucun traitement permettant de
guérir du Sida mais grâce aux traitements actuels,
l'espérance d'un jeune sujet infecté peut dépasser 35
ans.
Des traitements antirétroviraux, comme la Zidovudine
(AZT), puis des composés de plusieurs médicaments, appelés
tri thérapies, ont été développés avec une
certaine efficacité, même s'ils ne sont pas dénués
d'effets secondaires, voire d'une certaine toxicité.
Les multithérapies ont en effet de nombreux effets
secondaires à court terme qui s'atténuent habituellement au cours
du traitement. Il s'agit principalement de fatigue, de maux de tête et de
troubles digestifs (diarrhées, nausées), parfois de fièvre
ou de plaques rouges sur la peau.
Certains effets secondaires n'apparaissent qu'après
plusieurs mois de traitement, comme :
> Des lipoatrophie 34 qui ont un impact
important sur l'image de soi des personnes. La lipoatrophie faciale accentue
les traits du visage. Les patients trouvent qu'ils sont « marqués
», qu'ils ont « toujours l'air fatigué ». Un nouveau
traitement à visée esthétique nommé New fill®
35 permet immédiatement après l'injection un
comblement des dépressions cutanées.
Ce traitement apporte beaucoup aux patients et témoigne
des liens ténus qui existent entre image du corps , image de soi et
estime de soi ...
Ce traitement est également très gratifiant
pour le médecin ,confortant en particulier son désir de
réparation et lui restaurant une certaine toute puissance souvent mise
à mal lors de la prise en charge de malades du Sida que la
médecine soigne mais ne guérit pas...
> problèmes cardio-vasculaires liés à
une augmentation des graisses dans le sang(cholestérol,
triglycérides).Pour éviter de potentialiser ces risques
cardiovasculaires par une consommation de tabac ou d'alcool ou de graisses des
consultations d'arrêt du tabagisme et /ou de la consommation d'alcool ou
de diététique sont proposées aux patients.
> perturbations de la glycémie avec risque de
diabète, complications hépatiques(d'autant plus si les patients
sont co-infectés par le virus de l'hépatite B ou C...) ou osseuse
(ostéoporose)...
Le préservatif permet d'éviter la contamination
mais aussi la surinfection c'est à dire une infection par un virus ayant
développé des résistances différentes de celle du
virus infectant actuellement la personne. Les surinfections rendent très
difficile la gestion de la thérapie médicamenteuse du fait
même de la multiplication des résistances. Pour cette raison, il
est fortement recommandé à deux personnes infectées du VIH
de d'avoir tout de même des relations protégées.
34 Lipoatrophies : modification
de la répartition des graisses qui vont disparaître au niveau des
membres ,des fesses et du visage (lipoatrophie faciale) et s'accumuler au
niveau du ventre pour les hommes et des cuisses pour les femmes.
35 New fill® : gel
implanté par injections sous-cutanées ou intradermiques profondes
d'une durée d'action d'environ deux ans. Ce traitement à
visée esthétique onéreux est pris en charge à 100%
par la sécurité sociale dans ce cadre thérapeutique.
De la régularité de la prise des traitements vont
dépendre l'efficacité thérapeutique et la
résistance aux traitements.
En effet, si le patient cesse de prendre son traitement, une
résistance aux molécules du médicament va se produire
entraînant par la suite l'impossibilité de redonner le même
traitement avec efficacité...
Des consultations d'éducation thérapeutique,
dites « consultation d'observance » ont donc été
instaurées dans ce service avec pour objectif de favoriser : «
une bonne observance, bonne tolérance, et bons résultats
immuno-virologiques pour le clinicien qui envoie son patient ; une bonne
écoute, des réponses à ses questions pour le patient avec
qui l'on doit définir le contenu de ses consultations d'éducation
thérapeutique »
Elles sont réalisées par 3 infirmier(e)s
formés à l'observance dans le cadre d'un diplôme
universitaire(DU).Les 2 nouvelles infirmièr(e)s du service seront
également formées en mai 2008 ce qui permettra d'augmenter le
nombre des consultations (ceci permettra également d'éviter un
clivage entre les professionnels infirmiers).
La consultation entre l'infirmièr(e) et le patient dure
une heure et a lieu sur rendez-vous, soit de façon spécifique,
soit suite à la consultation médicale.
Ces consultations s'adressent à tous les patients suivis
à l'hôpital de jour et aux patients suivis dans les services
d'hospitalisation de l'hôpital.
Elles sont prescrites par le médecin
référent du patient, parfois sur l'avis d'un des membres de
l'équipe pluridisciplinaire(infirmier(e) ; psychiatre ; psychologue ;
diététicienne...)ou à la demande du patient.
Elles permettent, lors de la découverte de la
séropositivité d'expliquer avec des outils spécifiques les
différentes étapes de la maladie VIH, les règles de
prévention et les thérapeutiques possibles quand un traitement
devra être mis en place.
Lors de l'initiation ou du changement d'un traitement, elles
permettent de préparer le patient à la surveillance de
l'efficacité et de l'innocuité de la thérapie.
Ces consultations permettent d'aider le patient face à des
difficultés d'observance exprimées ou suspectées.
Le calendrier des consultations fait l'objet d'un protocole
ainsi que les thèmes abordés au cours de ces consultations par
l'éducateur(connaissance de la maladie VIH ; notions de
sur(contamination)/prévention ; objectifs du traitement
anti-rétroviral; contraintes horaires et prise quotidienne des
traitements ; effets secondaires et « leur » traitement, traitements
autorisés et automédication)
Cette situation privilégiée d'accès au
traitement ne concerne que les pays développés qui peuvent
assurer la prise en charge financière de ces thérapeutiques.
Les soins et les traitements liés au Sida qui est reconnu
comme une affection de longue durée sont en effet pris en charge
à 100% par l'assurance maladie dans ces pays.
Dans les pays en voie de développement, plus de 95%
des patients (soit environ 40 millions de personnes)ne
bénéficient aujourd'hui d'aucun traitement efficace. C'est
d'ailleurs pour cette raison que l'ONU à travers son programme ONUSIDA a
fait de la lutte contre le sida une de ses priorités.
A l'hôpital de jour, de nombreuses personnes viennent
d'Afrique sub-saharienne. Parfois en situation irrégulière, elles
ne souhaitent pas retourner dans leur pays car elles savent qu'elles ne
pourront pas y être soignées...
4. Participer à la recherche.
La recherche de nouveaux médicaments ou
stratégies de traitements nécessite des essais
thérapeutiques. Quatre étapes sont utiles pour connaître
l'efficacité, les principaux effets indésirables et la dose
à employer pour chaque médicament avant d'en autoriser la
commercialisation36.
Melle LOUIS, pharmacienne monitrice d'essais cliniques
détachée par le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique)
étudie chaque dossier de patient pour rechercher quelles personnes
seront susceptibles de pouvoir être inclues de façon pertinente
à telle ou telle recherche scientifique.
Elle s'entretient ensuite avec le médecin du patient pour
vérifier les critères d'inclusion et solliciter son accord et
avec le patient lui-même.
La participation du patient à un protocole de
recherche ne peut lui être imposée. Sa participation est soumise
à son consentement écrit libre et éclairé. Il
appartient donc à Melle Louis d'éclairer le patient en
l'informant du thème de la recherche, des prélèvements (le
plus souvent sanguins) qui seront réalisés, de leur rythme...Un
délai de réflexion de 8 jours est laissé au patient avant
de lui demander son accord écrit. Si cet accord l'engage moralement,il
peut à tout moment se rétracter et cesser sa participation
à l'étude
200 patients sur la file active annuelle de 1400 patients sont
inclus en phase II ou III dans différents protocoles de recherche
clinique.
Bien que très peu de participations à des
protocoles de recherche donnent lieu à des indemnisations, de nombreux
patients acceptent facilement de participer.
Plusieurs raisons peuvent être invoquées :
> Les patients se sentent redevables et y voient une forme
d'altruisme : Mme A., patiente africaine accepte en disant : « je
bénéficie de soins gratuits, c'est donc ma contribution »
;
> par intérêt personnel : pour certains
patients, ces recherches sont l'occasion de bénéficier
gratuitement d'examens utiles pour eux qui d'ordinaire ne leur sont pas
remboursés. M. F. par exemple est content de bénéficier
d'un examen ostéodensinométrique qui permettra de contrôler
les effets indésirables de son traitement sur la solidité de sa
trame osseuse ;
> contents d'être sollicité ; certains
patients y voient une forme de reconnaissance, une occasion d'être utiles
à leur tour, de renforcer leur estime
36 Ces 4 étapes sont :
> Phase pré-clinique : découverte de la
molécule
> Phase I : on teste la tolérance et
l'efficacité du produit sur un nombre restreint de personnes dans un
laps de temps court
> Phase II : on cherche à déterminer la
meilleure dose de produit qui permette d'offrir la meilleure efficacité
et la moindre toxicité.
> Phase III : elle inclut plusieurs milliers de
personnes et vise à confirmer l'efficacité et la tolérance
du produit dans le temps en comparaison à des médicaments
déjà
commercialisés
Après la phase III, le fabricant peut demander une
autorisation de mise sur le marché(AMM)L'accès précoce aux
nouveaux médicaments(avant AMM) est important pour les personnes en
difficulté avec les traitements disponibles. Cet accès est
généralement demandé par les associations entre la phase
II et la phase III.
Le dispositif d'ATU(Autorisation Temporaire d'Utilisation)
permet cet accès précoce.
de soi ; de se retrouver en position de satisfaire une demande
plutôt que d'être eux-mêmes en position de demandeurs ...
Si la plupart des études sont en lien avec des
recherches concernant l'efficacité et/ou l'innocuité des
traitements médicamenteux, certaines études ont pour thème
la maladie ellemême. Une étude en cours dans l'unité
recrutait par exemple des personnes séropositives depuis très
longtemps qui n'étaient pas entrées dans la phase de maladie de
façon à mieux comprendre les raisons mêmes de leur
résistance à la maladie.
Certaines études de cohorte concernent des recherches
sur les primo infections et incluent des personnes dont la contamination est
récente avec un sérodiagnostic datant parfois de moins de 3 mois
!
Ce type de recherche est difficile pour des personnes à
qui l'étude apprend que la maladie qu'on vient de leur annoncer peut
aussi en générer d'autres...
Melle Louis remarque que les personnes dont le diagnostic est
récent ont des difficultés à accepter d'entrer dans des
protocoles.
Il semble exister chez elles un déni de la maladie
pouvant même s'apparenter je trouve à une forclusion de la maladie
dans le sens où, à ce stade, la représentation de la
maladie ne serait pas refoulée mais bel et bien non encore
représentée !
En effet, à un stade très précoce,
l'absence de symptômes, l'absence d'inscription dans le temps, l'absence
de traitement concourent à l'invisibilité du virus et en majorent
très probablement les difficultés de représentation...!
Des moyens permettent d'assurer les quatre grands objectifs de
l'hôpital de jour :
> des consultations médicales tous les 3 à 6
mois avec réalisation ou interprétation de bilans sanguins et /ou
prescription ou interprétation de résultats d'examens
complémentaires(échographies, scanner...).Chaque patient a
rendez-vous et est examiné dans un box par son médecin
référent ;
> des consultations infirmières avant ou après
chaque consultation médicale
Un infirmier rencontre le patient dans le même box ,
prend de ses nouvelles et s'enquiert d'éventuelles difficultés de
santé ou autre, de la prise du traitement, le pèse, lui prend la
pression artérielle, réalise un bilan sanguin ;
> des consultations d'observance du traitement ;
> des consultations avec la monitrice d'études
cliniques dont la fréquence va dépendre des protocoles ;
> des propositions de consultations des psychologues, de
l'assistante sociale, de la diététicienne, des membres du
réseau.
5. DISPOSITIF D'AIDE PSYCHOLOGIQUE
A l'hôpital de jour, il y a un suivi de la prise en
charge psychologique : les consultations concernent le plus souvent des
personnes séropositives ou à un stade plus avancé de la
maladie Sida et le motif de consultation est souvent en lien avec la tristesse
ou la dépression. Les traitements sous interféron ou autres
molécules présentent de nombreux effets indésirables et l'
« observance du traitement » appelle aussi souvent une aide
psychothérapeutique
Dans cette institution aussi, la psychologue oriente sa pratique
de la théorie psychanalytique lacanienne.
Elle est régulièrement amenée à
poser des hypothèses concernant la structure psychique des personnes et
à établir des diagnostics différentiels en ne se
référant pas au DSM IV.
L'approche se veut éthique dans le sens où elle
respecte le désir du patient, ne sachant pas à priori ce qui est
bon pour lui ; il s'agit d'accueillir ce qui fait souffrir la personne en lui
donnant la chance de construire elle-même ce qui l'aidera.
4.2 ANALYSE DE LA DEMANDE
La demande est un concept capital de la théorie
lacanienne.
Il est nécessaire de savoir d'où émane la
demande : du patient, des médecins, des infirmières, de la
famille ? et surtout de quelle nature est la demande.
Lorsque la demande est formulée par les infirmiers, il
s'agira de bien faire préciser pourquoi et comment ils en sont venus
à noter un rendez-vous avec la psychologue pour ce patient et quelles
sont leurs attentes :
> parfois, la personne a formulé explicitement la
demande de rencontre d'une psychologue ;
> parfois les infirmiers ou le médecin ont
identifié chez un patient des difficultés d'ordre
psychologique(état anxio-dépressif, agressivité, mise en
danger de soi et d'autrui par des conduite à risque ( rapports sexuels
non protégés avec un ou des partenaires ignorant le statut
sérologique du patient ; conduites addictives...) et ont proposé
au patient d'en parler avec la psychologue.
Lors de l'accueil de tout nouveau patient, les infirmiers et
les médecins donnent l'informationde l'existence des psychologues du
service et des modalités de prise de rendezvous
En règle générale Mme Jammet rencontre les
patients et leur fait une offre.
Elle reçoit ensuite les patients suite à leur
demande ou rencontre les personnes qui lui ont été
adressées par les équipes soignantes hospitalières.
Le dispositif d'aide psychologique repose donc dans un
premier temps sur le travail des infirmiers et des médecins qui lors de
leurs consultations repèrent une angoisse, une souffrance du patient et
engagent alors une relation de soutien.
S'ils estiment que la relation de soutien ne parvient pas
à apaiser l'angoisse ou la souffrance qu'ils perçoivent, alors
ils propose au patient de rencontrer la psychologue du service (faisant alors
référence à ce qui lui en avait été
déjà dit lors du temps d'accueil).
Les soignants participent eux-même à des groupes de
parole pour les aider dans leur propre engagement dans la relation aux patients
:
> Tous les deux mois, un groupe de parole est animé
par le psychiatre du service
> 8 fois par an, le réseau anime un groupe de parole
auquel différents professionnels
participent, ce qui permet des échanges avec des
personnes travaillant dans des
structures différentes.
Je n'ai pas assisté durant mon stage à ces
groupes de parole déjà constitués mais le retour que les
soignants m'en ont fait s'avère positif, surtout pour le groupe de
parole du réseau où les infirmiers disent vraiment «
pouvoir tout exprimer ».
On peut émettre l'hypothèse que ce groupe de
parole hors institution permette d'atténuer des effets de « biais
de désirabilité professionnelle » du groupe constitué
de membres de la même équipe, animé de surcroît par
le psychiatre du service...
Un psychiatre et deux psychologues font donc aussi partie du
dispositif d'aide psychologique de l'hôpital de jour.
Mme Jammet (du CISIH) prend en charge les patients que lui
adresse les médecins ou les infirmièr(e)s de l'équipe du
professeur Morlat tandis que Mme Peyrucq (du GAPS) prend en charge les patients
qui lui sont adressés par les médecins ou les
infirmièr(e)s l'équipe médicale du professeur
Longie-Boursier.
Chacune des deux psychologues a son propre bureau.
Selon les demi-journées de la semaine, le bureau de Mme
Jammet est partagé avec d'autres intervenants.
Il devient ainsi le bureau des intervenants de l'association
Mana, d'une assistante sociale ou d'autres intervenants.
Ce partage des locaux a entraîné quelques
difficultés. Au niveau de l'agencement du bureau et de sa
décoration par exemple, chaque intervenant a investi le lieu sans qu'une
concertation préalable ait été organisée...
Le centre hospitalier universitaire est une « grosse
institution » qui priorise une certaine rationalisation (des
dépenses, des moyens, de l'occupation des locaux) reléguant
parfois au second plan les personnes, les sujets, pourtant au coeur de tout
projet organisationnel. Il s'ensuit une certaine instrumentalisation des
relations qui entraîne le plus souvent des clivages préjudiciable
au fonctionnement en équipe...
Au début de chaque demi-journée, Mme Jammet
consulte un agenda à son nom situé dans le bureau infirmier pour
prendre connaissance des rendez-vous du jour notés les jours
précédents par les médecins ou les infirmier(e)s.
La plupart des patients sont des patients qu'elle suit sur
plusieurs séances ; elle rencontre aussi des personnes pour un premier
rendez-vous.
Il était convenu dans mon projet de stage qu'il se
déroulerait sur quatre mois et que je reviendrai tout au long de
l'année deux fois par mois de façon à pouvoir assurer
seule la continuité du suivi de quelques personnes qui me seraient
confiées( suivi supervisé bien sûr par Mme Jammet ).
La position d'un psychologue hospitalier à ses
débuts : psychologue qui n'est pas attendu, dont personne ne sait tout
à fait ce qu'on peut attendre de lui, à la différence
d'une infirmière ou d'un agent de service hospitalier...
Il faut du temps pour que les médecins ou les infirmiers
lui confient des patients...
La plage horaire du lundi matin permettait qu'ils notent sur
le carnet de Mme Jammet des patients que j'allai rencontrer mais les pages du
carnet restaient vides et mon premier travail de psychologue fut en quelque
sorte de gérer ma propre déception et frustration de ne pouvoir
mener des entretiens individuels auxquels j'aspirais tant !
Il faut peu de temps pour faire une offre à
l'équipe mais beaucoup plus pour l'incarner :il ne s'agissait pas
seulement de dire mais d'être...
Pour établir une relation de confiance
nécessaire au travail en équipe, il est important de rencontrer
chacun, de connaître les différentes personnes et probablement
ainsi de se faire connaître aussi...
J'ai rencontré quelques médecins et pris la
mesure de la relation étroite les liant à « leur »
patient. De nombreux patients sont connus depuis de nombreuses années et
les relations personnelles et professionnelles sont parfois bien
enchevêtrées...
Tant du coté des médecins que des patients : ce
patient artiste photographe envoie par exemple à son médecin dont
il dit qu'il est « son sauveur » des photos de New York que ce
dernier met en évidence dans son bureau ce dont le patient me dira avoir
été particulièrement touché...
Un véritable attachement lie nombre de patients
à leur médecin. La distance est difficile à maintenir ;
des mécanismes de projection identification sont à l'oeuvre : ce
médecin, par exemple demandant devant moi aux infirmières s'il
est à « une distance trop ou pas assez proche de ses
patients » recevant comme réponse de leur part : «
Vous êtes souvent plus inquiet que vos patients »...
Les infirmiers semblent avoir une organisation du travail qui
les protège un peu .En effet, les infirmier(e)s ne sont plus
référents de patients spécifiques comme c'était le
cas auparavant. Cela évite que le soignant ne soit exclusivement investi
par le patient et facilite la continuité des soins en évitant que
tel ou tel soignant ne soit le seul dépositaire d'un savoir sur le
patient L'organisation est souple : il arrive qu'un(e) infirmier(e) rencontre
plusieurs fois de suite le même patient mais ceci est alors parlé
et n'a pas de caractère systématique.
La confiance qui s'établit entre les médecins et
la psychologue à un impact sur le transfert à venir entre le
patient et la thérapeute. Un transfert positif facilitera probablement
l'installation du processus psychothérapeutique.
J'ai proposé aux infirmier(e)s d'assister aux
consultations infirmières pour rencontrer des personnes et me
présenter à elles.Les infirmier(e)s ont accepté mais avec
beaucoup de méfiance au début comme en attestent leurs paroles
telles que «vous venez nous observer» ; «vous allez
nous interviewer».
Nous avons parlé de leurs craintes et petit à
petit nous sommes arrivés à une collaboration intéressante
dans la mesure où les infirmiers (lorsque nous le sentions
nécessaire) me laissaient terminer la consultation sur un temps
d'approche plus psychologique alors même qu'ils avaient pu
développer un premier temps d'approche médicale ou
éducative en ma présence.
En fin de stage, la crainte initiale des infirmier(e)s s'est
dissipée au profit d'une reconnaissance de ma fonction de stagiaire
psychologue et une complémentarité de rôle a pu se mettre
en place : une infirmière m'a interpellée spontanément en
revenant de sa consultation infirmière : « J'ai besoin de toi ;
je viens de rencontrer un patient homosexuel qui a une très bonne
situation professionnelle et qui a des conduites à risques car il a de
nombreuses relations sexuelles avec de jeunes gens « paumés
».Il n'est pas satisfait de ces relations qu'il dit pourtant
répéter « sans comprendre pourquoi ».Il aimerait en
parler avec une psychologue et je lui ai proposé que tu ailles le voir :
il est d'accord ».
4.2 ECOUTE DE LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE
La plupart des personnes que j'ai rencontrées de
façon ponctuelle exprimaient un grand besoin de parler, d'être
écoutées.
En quelques mois de stage, seuls deux patients ont refusé
que j'assiste à leur consultation infirmière.
Les thèmes des propos des patients étaient
très variés et finalement moins directement liés à
la maladie elle même que je ne l'avais imaginé. L'angoisse
liée à la maladie et l'angoisse de mort n'étaient pas
forcément les angoisses principales : les traitements sont de nos jours
très efficaces et la recherche ne cesse de progresser, les patients se
disent plus rassurés ; ils manifestent de plus dans leur grande
majorité une grande confiance dans l'équipe médicale de
l'hôpital de jour.
Selon le stade de la maladie : découverte récente
de la séropositivité, séropositivité de longue
date, maladie opportuniste, certains thèmes étaient plus
prégnants.
Ce qui dominait les paroles des patients était en lien
avec :
> des affects de honte et de culpabilité : j'ai pu
remarquer au cours des premiers entretiens que le thème des conditions
de la contamination (que je n'abordais jamais moi-même) était
systématiquement abordé quand la contamination était
liée à une transfusion sanguine ou à
l'infidélité du conjoint ; elle était par contre toujours
occultée dans les autres cas ;
Les patients ont leur propre représentation de la
maladie dont ils élaborent en quelque sorte une théorie profane.
Les théories les plus protectrices au niveau de
l'intégrité de la personne par rapport à la
culpabilité sont celles fondées sur une attribution externe de la
maladie 37comme le montrent les exemples ci-dessus ...
> la problématique du secret : de nombreux patients
cachent leur séropositivité à leurs partenaires : ils
expliquent que s'ils se séparent ensuite « tout le monde sera
au courant » ; à leurs parents ; à leurs enfants ;
à certains de leurs enfants et pas à d'autres...pour les
personnes originaires d'Afrique, dire leur séropositivité
à leur famille revient à leur annoncer un décès
proche : en effet, l'Afrique qui ne bénéficie pas de traitements
tels les tri-thérapies voit encore des milliers de personnes
décéder rapidement et dans une déchéance physique
et les africains ont une représentation particulièrement
létale de cette maladie... ;
Melle A. 19 ans arrive de Côte
d'Ivoire. Elle n'a pas dit à sa famille qu'elle avait été
« contaminée par un copain étudiant en pharmacie
». Elle en a parlé avec lui et ils ont rompu. Elle a eu un autre
copain mais « au bout de quelques mois il voulait enlever le
préservatif. Moi : non !. ». « J'ai des
prétendants » dit-elle avec un petit sourire mais «
j'ai peur de repartir encore dans les mêmes problèmes
»
De nombreux patients m'ont parlé de cette
difficulté qu'ils rencontrent à confier ce secret à leur
partenaire quand ils ne savent pas encore « si c'est
sérieux ».
Ces affects de honte et de culpabilité et la
problématique du secret ne font qu'accroître la difficulté
des patients à mettre en mots et exprimer leur souffrance et permet
d'expliquer l'accueil favorable qu'ils réservaient à la
proposition que je leur faisais d'assister à leur consultation
infirmière et leur propension à parler une fois celle-ci
terminée...
37 (PEDINIELLI,2006)
De nombreux patients m'ont confié leur
difficulté à venir à l'hôpital de jour avec le
risque de rencontrer des personnes qu'ils connaissent. Beaucoup disent qu'ils
aimeraient avoir le même suivi en ville au cabinet du
médecin...
A plusieurs reprises des patients m'ont demandé s'ils
pouvaient continuer à me rencontrer, si je consultai aussi en ville ?
Après ma réponse négative quant au dernier point, je
sentais qu'ils ne viendraient pas à l'hôpital de jour.
Pourquoi ?Par crainte d'y être vus ? Parce que
l'hôpital est un lieu anxiogène pour ces patients qui lors de
leurs visites médicales ont des prélèvements sanguins et
sont dans l'attente de résultats d'examens biologiques ou autre ?
Peut-être serait-il préférable que le bureau
de la psychologue soit dans un autre lieu ?
Mme S. pleure et explique ses
difficultés relationnelles avec sa fille âgée de 17 ans qui
ne sort pas, qui reste toujours à la maison et semble si triste. «
Elle ne rit jamais » dit-elle, « ne me parle pas ; son
seul loisir c'est d'aller sur internet ». Mme S. est en traitement
pour un cancer de l'utérus et a de gros problèmes de santé
actuellement. Elle a gardé secrète sa maladie. Nous terminerons
cet entretien sur une question de la patiente essayant de poser des
hypothèses à la tristesse de sa fille : «
Peut-être qu'elle se doute de quelque chose et qu'elle a peur pour
moi ? »
Cette dame dit en partant que cela lui a fait du bien de parler
et qu'elle prendra rendez-vous si la situation ne s'améliore pas.
> la perte du désir (dans un contexte dépressif
ou bien en raison de difficultés à utiliser le préservatif
; à pratiquer par exemple une fellation avec préservatif...
Le préservatif instaure toujours un tiers dans une
relation duelle et amène à penser aux autres partenaires dans un
moment qui serait le plus souvent voulu à deux... ;
> la crainte du manque de plaisir sexuel : de nombreuses
personnes parlent de leur crainte de ne plus faire jouir l'autre à cause
du préservatif : pour les hommes comme pour les femmes, le
préservatif semblerait barrer l'accès à la jouissance...de
l'autre ;
> la perte de l'insouciance;l'image d'une «
épée de Damocles suspendue au dessus de la tête
» est souvent revenue dans les propos...
> l'anxiété liée à
l'efficacité des traitements, aux résultats des examens
biologiques.
On observe aussi une forte anxiété chez les
personnes qui viennent suite à un accident d'exposition sexuel ou
professionnel. En effet, pour ces personne, quelle que soit la
probabilité statistique chiffrée de transmission pour ce risque,
le résultat attendu prend la forme du 0 ou 1 : non contaminé ou
contaminé !
> la fatigue et une auto dépréciation dans
un contexte anxio-dépressif. Certains patients se retrouvent
isolés socialement et affectivement ce qui origine et complique à
la fois leur syndrome dépressif. Certains médicaments ont aussi
pour effets secondaires des trubles de l'humeur...
Beaucoup parlent d'une période sans relation amoureuse
et/ou sexuelle après l'annonce de leur contamination. Ils
décrivent un choc, une perte de confiance dans les autres et dans
l'humanité en général. Beaucoup ont recours à des
relations virtuelles moins engageantes type internet ou ont recours à
des petites annonces dans des revues ciblées telles
Remaides (la revue de l'association
AIDES).
De nombreux patients ont aussi une souffrance psychologique
probablement amplifiée par le contexte de la maladie mais qui n'en est
pas toujours directement dépendante.
Certains patients contaminés depuis de nombreuses
années m'ont aussi parlé de ce que leur avait paradoxalement
apporté cette maladie :
> Un positionnement différent dans leur vie sous
tendu par la perception d'une « urgence à vivre » et à
poser des choix de vie qui aient du sens pour eux, dans lesquels ils puissent
se réaliser pleinement en cultivant leur singularité au prix
d'être parfois perçus d'ailleurs comme « singuliers »
...
M.G. est âgé d'une quarantaine
d'années.
Il dit avoir « fait sa médecine parce qu'il
était très bon élève et parce que ses copains
allaient à la fac ». Il exerce mais ne se sent pas pleinement
épanoui. Il se spécialise comme médecin nutritionniste :
« c'était déjà mieux, je m'occupais
essentiellement des régimes des femmes ».Il vit à
l'époque avec un pharmacien. « Une petite vie de bourgeois
bordelais » ; « on ne se cachait pas même s'il fallait
rester très discret sur notre relation homosexuelle ». Il
apprend sa séropositivité il y a une dizaine d'années. Ce
« choc » l'amène à « reconsidérer ses choix
de vie ». Il « chatte avec un ami avocat américain
». Ils correspondent plusieurs mois . « C'est La rencontre de ma
vie » dit-il.
Il se sépare de son ami pharmacien, vend son cabinet.
Il vit aujourd'hui de ses rentes et des photos d'art qu'il
expose. Il partage son temps entre Bordeaux et New York où il vit alors
avec son nouvel ami.
Il dit à la fin de notre entretien :
« Sur ma thèse de doctorat de médecine,
j'avais inscrit :
A ma grand-mère (il précise : qui m'a
élevé)
A Paris
A New-York (parce que j'avais eu l'occasion d'y passer
quelques jours à l'âge de 20 ans et j'avais été
fasciné par cette ville)
«je ne crois pas au hasard, tout est écrit
! »
4.3 ELEMENTS D'UNE SITUATION D'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHOTHERAPEUTIQUE
PREMIERE RENCONTRE
J'ai rencontré M. M. en novembre à l'occasion de
sa consultation infirmière.
L'infirmière le connaît bien : il est suivi depuis
2003 à l'hôpital de jour.
Cet homme de 53 ans, dessinateur industriel, homosexuel , a
été diagnostiqué séropositif il y a 4 ans suite
à un bilan d'asthénie.
Il bénéficie d'une tri-thérapie.
Il a développé une maladie de Kaposi dont il est
actuellement traité. Les lésions du visage sont guéries et
celles des jambes encore présentes.
Ce patient paraît très fatigué. Il est
pourtant venu en vélo (il est vêtu d'une tenue de cycliste) et
explique qu'il était très auparavant « très sportif
» et que ce qu'il « fait maintenant en vélo est très
peu ».
Il parle de sa fatigue et de son retentissement sur son
moral.
En fin de consultation, il dit qu'il a déjà
rencontré une fois un étudiant en psychologie dans le cadre d'un
entretien de recherche et qu'il souhaite prendre rendez-vous avec moi «
pour me faire travailler, comme étudiante »
Second entretien : décembre 2006
M.M est venu en vélo.
Il se dit fatigué et parle de ses douleurs, souvent, dans
le dos.
Il m'explique qu'il est un ancien sportif (tennis,
vélo),que malgré sa fatigue il fait encore des spectacles de
transformisme (il se transforme en Brel ou Gainsbourg et chante leur chansons
dans des spectacles).
Il me demande si je connais la chanson « ces gens là
» de Brel et m'invite à l'écouter « pour comprendre...
pour mes études... »
Il parle de son père, « qui avait un
problème d'alcool », de « son enfance et de son adolescence
volées », du sentiment d'infériorité qui ne l'a
jamais quitté « quand ils n'avaient pas d'argent et qu'il
était moins bien habillé que les autres ».
Il dépensait « tout l'argent dans la boisson et dans
les jeux ».
Ma mère est partie une fois avec nous mais la police est
venue nous rechercher. Ils ont fini par divorcer.
Aujourd'hui, son père est très malade, il a une
cirrhose du foie et se trouve dans une maison de retraite
médicalisée.
M.M.dit qu' il est en procès ainsi que sa mère,
son frère et sa soeur pour refuser de payer les frais médicaux et
d'hébergement de son père.
Il parle de son patron avec qui il avait des relations
difficiles. Il est actuellement en arrêt de travail de longue
durée. Il décrit des relations à type de
persécution : le patron l'appelant sans cesse sur son portable pour
vérifier son emploi du temps lors des nombreux déplacements que
son travail nécessite ; lui demandant tard le soir de repartir sur
d'autres missions...
Il voudrait reprendre son travail à mi temps mais a peur
à cause de sa fatigue et de ses relations difficiles avec son patron.
Il vit seul après avoir vécu longtemps avec sa
mère.
Il s'occupe de sa mère et de son neveu de 30 ans qu'il a
élevé (le père de son neveu étant
décédé des suites d'alcoolisme lorsque ce dernier avait 15
ans).
Ce neveu est le seul de sa famille au courant de sa pathologie
VIH ;ils entretiennent de très bonnes relations.
L'entretien se termine sur sa tendance à se fatiguer en
donnant beaucoup autour de lui. Il « voudrait prendre un peu plus de temps
pour lui ».
En fin d'entretien, j'ai éprouvé le besoin de
reformuler les grands thèmes que nous avions abordés en
soulignant son courage, ses capacités de conciliation, son rôle de
père.
J'ai pu noter qu'au fil de l'entretien, il s'était
redressé sur sa chaise.
Durant ce premier entretien, Il n'a pas parlé de sa
sexualité ni de sa contamination.
Supervision :
Mme Jammet m'a amenée à
réfléchir sur le sens de la reformulation qui m'avait
semblée nécessaire..
J'avais souhaité « renarcissiser »M.M ;
il était probablement préférable de se priver de cela.
Nous risquons de nous tromper sur ce que nous mettons en valeur car nous ne
savons rien à ce moment, dans ces touts premiers entretiens...
Il est donc préférable d'éviter une
revalorisation de la personne sur un mode narcissique mieux vaut-il souligner
dans ce que la personne a dit, quelque chose qui semble important pour
elle...
Concernant la fin de l'entretien : Selon Lacan, la coupure
va être un point qui ouvre, une question laissée en suspens, en
deçà de ce que la personne a à dire afin de lui permettre
de continuer à cheminer entre les deux entretiens. Il s'agit de faire en
sorte que l'entretien ne soit pas clos, d'arrêter avant que la personne
ait eu le temps de tout dire : « vous m'avez dit beaucoup de choses
»...
L' entretien pouvait donc se terminer sur le fait
qu'effectivement, il y avait des choses difficiles dans sa vie...
Ceci renvoie à l'art de la scansion, de la
clôture de l'entretien.
Le thérapeute a à apprendre à se
taire...
Troisième entretien : janvier 2007
M.M. dit avoir hésité à venir car il est
fatigué et a des problèmes familiaux.
Il me souhaite ses voeux et parle des fêtes de fin
d'année, en particulier des quatre spectacles de transformisme qu'il a
donné e décembre.
Je lui dit qu'il m'a mise au travail et que j'ai trouvé
sur internet le texte de la chanson38 « ces gens là
».
Je lui demande ce qui le touche le plus dans cette chanson.
Sans hésiter, il dira « la vieille qui tremble et le
gars que tous croient fou mais qui en fait ne l'est pas »
Il prend conscience qu'il y a de son histoire dans cette
chanson.
Il évoque ses relations avec son ami et sa rupture
récente sans qu'ils aient pu en parler ensemble : le 31 décembre,
il s'était engagé dans une soirée pour un spectacle tandis
que son ami était invité dans une autre soirée. Il dit
avoir appris par des amis qu' « il a eu un comportement très
profiteur : il a beaucoup dragué et en particulier l'homme du couple
hétéro dont il était l'hôte pour en retirer un
bénéfice professionnel » Selon M.M. , son ami cuisinier
espérait ainsi pouvoir travailler dans l'entreprise de son
hôte.
M.M. est jaloux : « A cette soirée, il
était très « rentre dedans » alors qu'avec moi, je lui
reprochais son manque de démonstration affectif ».
Il décrit cette relation qui a duré 8 mois avec un
homme beaucoup plus jeune que lui et le rôle paternel qu'il a
endossé.
Je l'interroge sur ce rôle paternel.
Il me dit ne pas avoir eu d'enfants pour ne pas avoir
à leur faire subir un séparation de couple qu'il ne peut
envisager que « triste et néfaste » comme la
séparation de ses parents. Pourtant, il dit avoir pensé avoir un
enfant : « j'ai beaucoup d'amis qui l'ont fait, de faire un enfant
avec une femme et de se séparer ensuite ».
A plusieurs reprises, je note qu'il utilise des
mécanismes de projection et d'interprétation.
38 Conférer annexe x
Il explique ses difficultés de couple présentes
et passées (il a auparavant entretenu une relation avec un autre homme
durant 10 ans et a rompu il y a 4 ans).Il parle fait qu'il « donne
beaucoup mais ne demande pas assez ». Il trouve « trop dur
de demander », il « n'y arrive pas ».
Je lui soumet l'idée que la demande de l'un , si elle est
demande est aussi un don dans la mesure où elle offre à l'autre
la possibilité de donner.
Il en convient avec étonnement.
Je propose de terminer l'entretien sur ce point.
Je remarque que M.M. est très soigné dans son
apparence physique
Son dos est courbé sur son siège. Il a une
position d'abattement et ne s'est pas redressé en fin d'entretien. Sa
poignée de main est toutefois tonique.
Après cet entretien j'en viens à me
demander si sa fatigue ,bien qu'elle ait des composantes physiques à
prendre en compte n'est pas potentialisée par ce don de soi dont il ne
perçoit pas de retour.
Se posent aussi des éléments de discussion
quant à la structure psychique du patient39
Quatrième entretien : février 2007
Comme à son habitude, M.M. est venu en vélo.
L'entretien débute sur le fait qu'il est venu dans le
service il y a quinze jours accompagner une amie qui avait eu une relation non
protégée avec un homme (ex-toxicomane qui avait vécu une
période d'incarcération) après une soirée en
discothèque.
Il explique qu'elle lui avait confié le lendemain sa
double crainte : être enceinte et être contaminée...Il lui
avait conseillé de venir consulter trouvant le risque important et l'a
accompagnée.
J'émet l'hypothèse que son amie devait être
étonnée qu'il sache si bien la renseigner.
Il m'explique qu'effectivement, à part son neveu et ses
partenaires, il n'en avait jamais parlé à personne pour ne pas
« faire peur »
Je lui fais remarquer que si en parler fait peur, dans ce cas, il
semble que cela ait eu un effet rassurant pour la personne.
Paradoxalement, sa maladie et ses connaissances
médicales ont pu lui permettre de se poser en prescripteur , de quitter
dans cette situation son statut de « patient ».
Au sujet de son amie, je lui fais remarquer que
manifestement, ce n'est pas toujours simple de se protéger : les
connaissances ne suffisent pas toujours à adopter un comportement de
prévention...
Il se saisit de cette remarque pour parler alors de sa propre
contamination. Son ami se savait malade et ne le lui avait pas dit. Il
s'était douté de quelque chose en voyant des tâches sur la
peau de son ami et a alors fait un test s'avérant positif.
39 Selon (BERGERET, 2002) : «
Dans la structure névrotique, l'élément immuable
demeure l'organisation du Moi autour du génital et de l'OEdipe ; le
conflit se situe entre le Moi et les pulsions, le refoulement des
représentations pulsionnelles domine les autres défenses ; la
libido objectale se trouve en cause et le processus secondaire conserve un
rôle efficace respectant la notion de réalité.
Dans la structure psychotique au contraire, un
déni(et non un refoulement) porte sur toute une partie de la
réalité, c'est la libido narcissique qui domine, le processus
primaire qui l'emporte avec son caractère impérieux,
immédiat, automatique ; l'objet est fortement désinvesti et il
apparaît selon les formes cliniques, tout un éventail de
défenses archaïques coûteuses pour le moi. »
Il est resté deux ans « sans relation
», puis a rencontré l'ami avec lequel il vient de rompre. Ils
avaient « des relations protégées » mais « ne
parlaient pas de la maladie ».
Il m'explique qu'il a eu une relation depuis avec un homme qui
« lui court après depuis longtemps » », plus
« pour lui faire plaisir que par réelle envie »...
Du jour au lendemain, cet homme a rompu leur relation sans
explications.
Je lui fais remarquer qu'il semble que cela soit la seconde
fois que la relation se termine sans explications. Il le reconnaît, dit
qu'il verra lus tard ; qu'il n'est pas affecté de cette dernière
séparation.
Il m'explique qu'il est souvent tombé sur des «
profiteurs », car il « donne beaucoup, rend service
». Il s'en est rendu compte avant que la relation ne devienne
sérieuse et ils leur disait qu'ils étaient «
égoïstes et profiteurs » sans jamais pour autant rien
exiger ou demander concrètement.
Je lui fais remarquer que sa propension à donner fait
qu'il se trouve quelque part comblé lorsqu'il rencontre des hommes qui
ont une propension à prendre ou à recevoir...
Il développe alors plusieurs anecdotes où il montre
comment il donne autour de lui(il répare la voiture d'un ami etc....)
Il exprime de nouveau sa difficulté à demander.
Je lui demande à quoi cela le renvoie, pourquoi est-ce si
difficile ?
Il me parle alors de son enfance, des dettes de ses parents
car son père fait faillite dans son entreprise de. Il doit aller
à l'épicerie demander du pain et se sent
régulièrement humilié par le commerçant qui lui dit
(et parfois devant d'autres clients): « tu diras à tes parents
de venir régler ».Il dit aussi qu'il avait « un
sentiment d'infériorité » : « à
Noël n'avait rien et ne savait pas quoi dire aux copains de
l'école ».
Il dit que sa mère est pareille, qu'elle donne beaucoup,
à ses voisins, aux gens en général.
Je repense à sa demande vis à vis de moi
qui n'en a pas été une puisqu'il l'a transformée en don...
« pour me faire travailler » disait-il, parce que je suis
étudiante : pour participer à ma formation en quelque
sorte...
Cette demande transférentielle m'amène
à me questionner :
En donnant, ne déguise t'il pas une demande ? Si ce
don était une demande ?Et de quoi ? Quel est son désir ?
Sa difficulté à demander peut s'expliquer aussi
par le vécu douloureux, le sentiment de honte qui a entouré ses
premières demandes d'enfant au commerçant.
L'entretien est dense, il a duré une heure.
Je décide de ralentir le rythme des échanges
la séance prochaine et d'en limiter la durée à 45 minutes
au plus pour lui laisser le temps de supporter ce qu'il a à
dire...
J'ai l'impression que le patient est bien investi dans les
entretiens.
Nous prenons rendez-vous pour dans un mois. Sa consultation
médicale coïncidera avec cette date ; nous convenons pur des
raisons organisationnelles que je le verrai avant son rendezvous
médical..
Supervision :
Mme Jammet m'engage à aller voir du coté des
identifications de ce patient à sa mère et à son
père.
Elle me demande si nous avons parlé de son
homosexualité. Dans l'homosexualité se pose aux patients la
question « d'où cela leur vient » et il est intéressant
d'aborder cela avec eux, de savoir quand et comment le patient a
découvert son homosexualité. Ceci est rarement pris dans
l'amnésie infantile. On retrouve le plus souvent une rencontre
traumatique avec le sexuel, avec la jouissance.
La structure va être en quelque sorte la
manière dont on rencontre le sexe.
Par exemple, si la personne st armée de la fonction
phallique, il s'agira de névrose.
Si la personne a inscrit la sexualité du
coté de la perversion, il y aura une dimension transgressive,
cachée dont on ne doit pas parler. Il s'est agi d'une rencontre avec une
jouissance sexuelle « sans les outils »...Les sujets se font alors
l'objet de l'autre ou prennent l'autre comme objet.
Quel mode de réponse trouve le sujet ? On peut se
repérer à partir de la fonction phallique.
Elle amène le questionnement suivant :
> Qu'est-ce qui pousse un sujet à demander et
laisse supposer à l'autre qu'il a ce qu'il n'aurait pas ?
> Où est le désir de M.M. ? ; Qu'attend-il
de l'autre?
> Quelles sont ses identifications imaginaires? Il semble
que ce soit la mère : Qu'a t'il de commun avec son père ?
Elle me suggère de signifier au patient qu'il a
parlé plusieurs fois de fatigue et de lui demander ce qu'est cette
fatigue dont il parle, fatigue dans le corps ou plutôt lassitude.
Il s'agit de vérifier si cette fatigue s'inscrit dans
un syndrome dépressif...
Je lui transmet ma difficulté à proposer de
programmer un entretien suivant. Elle me dit avoir elle-même opté
pour un « Quand est-ce que l'on se revoie ?» Le « on »
étant suffisamment vague et le ton se voulant plus anodin....
Cinquième entretien : mars 2007
Je viens d'apprendre de l'équipe que M.M.a eu les
résultats de son scanner qui avait été prescrit pour
connaître l'étiologie des adénopathies inguinales qu'il
présente depuis quelques mois.
J'hésite mais ne demande pas à connaître le
résultat. En effet, je rencontre le patient dans un quart d'heure et ne
souhaite pas en savoir plus que lui avant l'entretien...
Le patient arrive détendu et radieux .Je le trouve
même un peu euphorique.
Il m'explique qu'il s'est fait voler son porte monnaie chez
le buraliste tandis qu'il discutait avec ce dernier. Il me dit qu'il a du mal
à se concentrer et fait part de problèmes d'attention et de
concentration nouveaux pour lui : « je commence une action et j'oublie en
cours de route où j'allais.
Il dit qu'il ne va pas si bien que cela, qu'il est anxieux et
craint son résultat d'examen. Il me dit qu'il se rend compte que sa
fatigue n'est pas que physique.
Il est en fin de congé de longue durée, est
suivi par l'assistante sociale. Il va « passer » dit-il « en
incapacité, en invalidité ». Il se rend compte que «
s'il travaille, il ne gagnera pas plus de toutes façons et il pense
qu'il devra travailler au noir dans la restauration chez un ami ».
Durant cette séance, il parlera longuement de son
père, de sa mère et de leurs relations.
Il a toujours connu son père avec « un
problème d'alcool ».Il ne sait pas quand cela a commencé (il
me dit avec étonnement ne s'être jamais posé la
question).
Il y a eu « une période faste quand son
père et son oncle ont hérité de l'entreprise de
ferronnerie du grand-père ». Les deux hommes « s'en allaient
souvent des chantiers, avaient peu de rigueur dans le suivi des commandes et
ont fait faillite ».
Son père a alors « pris un bar avec sa mère
». « Il faisait des tournées pour tous... ». Il valorise
sa mère : « heureusement qu'il avait une femme travailleuse
»
Je me demande s'il ne reprend pas ici des propos de sa
mère...
Je lui demande ce qu'il pense avoir de commun avec son
père. Il réfléchit longuement et dit : « de laisser
au lendemain, parfois...d'être plus cool que ma mère ».
Il explique que sa mère est fâchée avec
son fils aîné (le frère de M.M.) car « elle a
élevé son petit-fils et que son fils le lui a repris lorsqu'il
s'est remarié. Sa seconde femme est aigrie car elle ne peut pas avoir
d'enfant et elle n'aime pas cet enfant » ;
Sa mère a toujours gardé des enfants qui sont en
très bon terme avec la famille et « elle est
appréciée de tout le quartier ».
M.M. a vécu longtemps avec sa mère. Il avait «
un rôle de grand frère dit-il plus que de père vis à
vis de ces enfants ».
Ensuite, il a vécu seul mais « avait la moitié
de ses affaires chez sa mère, ne l'a jamais vraiment quittée
».
En fin d'entretien, au moment de fixer la date du prochain
rendez-vous, je souhaite l'amener à formuler une demande et lui signifie
que je le remercie beaucoup d'avoir contribué à ma formation au
cours de entretiens que nous avons eu ensemble et je l'engage à me dire
s'il souhaite continuer.
Il répond aussitôt « oui, je souhaite
continuer encore » et ajoute un peu embarrassé : « Si vous
trouvez aussi, ça dépend de vous aussi ».
Je lui répond par l'affirmative et devant ce que je
perçois comme une attente, j'ajoute : « il me semble important en
effet d'aborder ensemble encore quelques points qui sont peut-être
douloureux pour vous , comme le rapport à votre père mais qui me
paraissent importants ».
Nous fixons la prochaine date au 26 mai 2007.
Je suis allée quelques jours après consulter
son dossier médical : le scanner montrait des adénopathies sans
caractère de gravité mais à surveiller.
Son médecin avait noté qu'il était en
bonne forme , que sa charge virale était quasiment indétectable
et ses CD4 à 400.
Les infirmiers avaient transmis « est content de son
suivi par la psychologue stagiaire ».
Je remarquais qu'en 2005,il était souvent
noté dans les transmissions « syndrome dépressif » ;
« mauvais moral » ; « triste » alors que les transmissions
de ces derniers mois faisaient désormais état de « meilleur
moral » ; « souriant »
Une infirmière me dira : « il va mieux, il s'est
redressé ».
Sixième entretien : mai 2007
M.M. n'est pas venu.
.
J'ai émis quelques hypothèses pour tenter
d'expliquer le fait qu'il ne soit pas venu au rendezvous :
> S'est-il agi d'un malentendu lié au jour du
rendez-vous qui est un jour de changement d'heure ?
Je pense que ce patient très courtois aurait dans ce
cas téléphoné pour s'excuser
> A t'il oublié le rendez-vous ? ( j'ai
demandé aux infirmières de me prévenir s'il
appelait)
> A t'il eu le désir de cesser les entretiens ?(
ce qui semble en contradiction avec ses propos de la fois
précédente)
> S'est-il retrouvé dans l'impossibilité de
continuer les entretiens sur la voie que je lui ai proposée en fin
d'entretien : à savoir, parler de son père...
En reprenant mes notes et en me souvenant de notre
dernier entretien, je me suis dit que le patient avait été
amené à percevoir une ambivalence de sentiments pour ses parents
qu'il ne semblait pas manifester auparavant (il s'était semble t'il
opéré u clivage entre « la bonne mère » et le
« père défaillant ».
Cette prise de conscience a pu être
particulièrement douloureuse et angoissante pour lui, qui est
actuellement en procès contre son père. Le fait que je souligne
le rapport au père en fin d'entretien a pu renvoyer le patient à
quelque chose de structurel en référence au
Nom-du-Père...
> A l'origine ce patient qui dit avoir demandé
ces entretiens pour « me rendre service » en quelque sorte n'est
peut-être pas dans une souffrance suffisamment importante pour justifier
à ses yeux les douloureux moments d'un travail sur soi...
> Le fait que je l'ai mis en quelque sorte en demeure
de formuler une demande a probablement réactivé chez lui la
difficulté qu'il exprime à s'inscrire dans une demande
auprès de l'autre...
Je me rend compte qu'il va être difficile pour moi
d'en savoir plus.
M.M. pourra t'il exprimer les « vraies » raisons
de cet arrêt ?
Lorsqu'une personne parle et tente de rationaliser, c'est le
Moi qui parle ; le Je ne se manifestant qu'au travers des lapsus, actes
manqués ou autres facéties de l'inconscient...
Les »vraies » raisons resteront-elles dans le
domaine de son inconscient ?
J'ai vécu douloureusement cette situation qui m'a
fait prendre la mesure de mon engagement, de mon « désir de bien
faire » en suivant les conseils avisés de la supervision, de «
guérir le patient »...et la nécessité de m'en
distancier aussi en respectant et en acceptant la décision, le choix de
ce patient, de ce sujet...
J'ai appris à mieux me situer par rapport à
la supervision, en la considérant comme une mise en évidence de
pistes nouvelles et éclairantes pour le travail du thérapeute
dont il est nécessaire aussi de savoir se distancier.
M.M. avait raison : il m'a beaucoup enseignée et je
l'en remercie. 5. PLURIDISCIPLINARITE et ACTIVITE EN
RESEAU
Les acteurs de soin étant très nombreux, ils
participent ainsi que la psychologue à des réunions mensuelles de
service où les difficultés d'organisation sont abordées et
où des pistes d'amélioration sont réfléchies en
équipe.
Une des difficultés de la multiplication du nombre des
médecins en particulier est de permettre à chacun d'exercer son
art tout en s'inscrivant dans une pratique thérapeutique consensuelle.
Des repas ont lieu chaque mois permettant aux médecins de se
connaître et d'échanger autour de situations de patients qui leur
ont posé problème.
Les pratiques s'appuient sur un rapport consensuel d'experts
(YENI, 2006) dont M. Morlat a participé à
l'élaboration.
La pluridisciplinarité s'exerce aussi de façon
plus informelle : de nombreux échanges ont lieu dans le bureau
médico-infirmier.
Le réseau permet aussi aux différents acteurs de
soin de se retrouver.
Dés 2001, le ministre délégué
à la santé met en place le plan VIH SIDA. « c'est un
plan global au sens où il prend en compte l'ensemble de la chaîne
de cette infection , savoir mieux prévenir ,mieux dépister ,mieux
prendre en charge , mieux accompagner ».
Il conforte la place et la reconnaissance du milieu
associatif et la nécessité d'une collaboration entre tous les
intervenants : « Pour cela, il faut aussi une chaîne de
solidarité, depuis les pouvoirs publics jusqu'aux malades et leurs
familles, avec la mobilisation indispensable des établissements de soins
et des professionnels de santé et l'appui des associations d'usagers et
de malades ».
Il existe une fédération aquitaine des
réseaux qui se compose de nombreuses associations :
· VIH Réseau Gironde ;
· GAPS(Groupe d'Aide Psychologique et Sociale) ;
· PEP'S Mission Locale Sud Gironde ;
· RESAIDA ;
· Réseau Agir 33...
Les deux premières associations agissent en particulier
en partenariat étroit avec les acteurs de soins de l'hôpital de
jour.
Créé en 1994, le Réseau Gironde
Ville Hôpital est une association de
professionnels de la Ville et de l'Hôpital: médecins
généralistes, spécialistes, infirmiers, psychologues,
travailleurs sociaux...concernés par la prise en charge du patient
VIH.
Cette association a pour objet d'améliorer la prise en
charge globale des patients infectés par le VIH en cherchant à
optimiser la qualité des interventions des différents acteurs de
proximité et à favoriser leur coordination.
Dans cet objectif, l'association a mis en place un certain
nombre d'actions(exemple : édition et diffusion de plaquettes
informatives), formations (exemple : partenariat avec des Instituts de
Formation en Soins Infirmiers dans la formation et la réalisation de
projets de santé publique menés par des étudiants
infirmiers), commissions permettant de répondre à des
problèmes émergeant, l'observance par exemple pour laquelle le
réseau met en place un dispositif de coordination des professionnels
autour du patient atteint du VIH.
L'association (loi de 1901) a un budget qui lui permet
d'indemniser le professionnels sous forme d'honoraires pour un temps de
coordination (au domicile ou dans un autre lieu)auprès de patient
infectés par le VIH40.
Le GAPS est une association (loi de 1901) qui intervient depuis
1988 dans le domaine du SIDA en Gironde.
Elle réunit 6 professionnels dont une psychologue
à mi-temps : Mme Peyrucq et un psychiatre à mi-temps, le Docteur
Vermande qui interviennent auprès des patients de l'hôpital de
jour.
40 Montant de l'Indemnisation en 2007 : 62 euros pour
les médecins
32 euros pour les para-médicaux
Cette association propose un accompagnement
pluridisciplinaire, multiforme aux personnes qui lui sont
présentées, séropositives, entrées ou non en phase
de maladie, ainsi que leur entourage : conjoints, enfants ou parents. Elle
accompagne aussi des personnes en attente de résultats de tests, qu'il
s'agisse d'accidents d'exposition sexuels ou professionnels.
L'accompagnement s'organise à partir d'une demande
exprimée, des besoins identifiés.
Une même personne pourra ainsi engager un travail
thérapeutique avec le médecin psychiatre ou la psychologue,
identifier auprès de l'assistante sociale les dispositifs sur lesquels
elle pourra s'appuyer pour faire évoluer sa situation sociale ou
administrative et bénéficier d'un accompagnement éducatif
pour concrétiser ses démarches dans le domaine du logement, des
loisirs, de la formation, des loisirs ou de travail.
L'accompagnement « prend son sens dans le cheminement
à effectuer en commun plus que dans la concrétisation d'un
objectif défini par le travailleur social, aussi clairvoyant soit-il
». Une des caractéristiques parmi les 586 personnes suivies cette
année par le GAPS est une grande précarité où la
misère affective, l'isolement social, la souffrance psychique
prégnante se côtoient...
Dans ce contexte de traumatismes, blessures
répétées, cassures, ruptures, pertes de confiance, de
contrôle, pertes à répétition, morts violentes,
alcoolisme et autres refuges, le VIH n'est que rarement la cause des
difficultés.
Il est un élément parmi tant d'autres parfois
à peine identifié.
L'accompagnement est global et la rencontre initiée avec
la personne autour de la maladie se poursuit souvent hors hôpital, au
domicile ou auprès des partenaires sollicités.
Pour cette raison, il arrive souvent que certains patients du
Professeur Morlat adressés à Mme Jammet soit confiées
à Mme Peyrucq (psychologue du GAPS qui prend en charge d'ordinaire les
patients de Mme Longie-Boursier) .Cette souplesse institutionnelle permet
à ces patient de s'inscrire dans le cadre d'une prise en charge globale
plus adaptée à sa situation.
Les personnes étrangères constituent 30% des
personnes accueillies par le GAPS avec une majorité de femmes originaire
d'Afrique et d'Afrique noire.
Ces femmes en grande précarité sont en
situation d'exclusion sociale : le fait qu'elles ne puissent pas
bénéficier de traitement dans leur pays d'origine leur permet
d'accéder à un titre de séjour mais son délai de un
an renforce leur sentiment d'insécurité et d'angoisse et
l'absence de droits notamment en terme de prestations sociales...
III. PRATIQUE CLINIQUE LACANIENNE EN UNITE DE SOIN
AUPRES D'ADULTES
PORTEURS DU VIRUS DE L'IMMUNODEFICIENCE HUMAINE
1. PARTICIPATION AU « STAFF PSYCHOSOCIAL
»
Il s'agit de réunions qui à l'image du «
staff médical » mettent en présence un certain nombre
d'acteurs de soins.
Le « staff psychosocial » de l'unité de soins
de Médecine-Maladies Infectieuses du 4 ème Aile 3 du Tripode de
l'hôpital Pellegrin met en présence, chaque mardi de 14h30
à 16h00 :
-le chef de clinique ;
-les internes (chacun exposant à son tour les situations
des personnes dont il est l'interne référent) ;
-le cadre de santé ;
-les infirmières de chacun des deux secteurs du service
(chacune exposant à son tour les situations des personnes dont elle est
l'infirmière réfèrent) ;
-les aide-soignantes
-l'assistante sociale ;
-la kinésithérapeute ;
-la psychologue ;
-les étudiants en stage.
Pour chaque patient hospitalisé, sa situation
examinée avec discernement d'un point de vue essentiellement
psychosocial. Ce qui importe est, dans ce lieu et à ce moment, le
vécu de la personne, de sa famille et son devenir.
Chacun des acteurs de soin dit ce qu'il a perçu et
réagit aux remarques des autres. Cette mise en commun des données
et très riche. En effet, toute formation professionnelle a tendance
à faire percevoir les situations à travers un prisme
spécifique or de nombreux éclairages rendent le mieux compte d'un
paysage...
Ce lieu est aussi l'occasion de « se poser » pour
prendre un temps de recul, se départir d'un activisme parfois
défensif pour réfléchir ensemble à une
difficulté qui se pose à un patient.
Ce lieu permet aux soignants de proposer à Mme Jammet
de rencontrer certaines personnes et à la psychologue d'obtenir des
informations complémentaires sur les personnes qu'elle rencontre.
.Parfois c'est elle-même qui propose de rencontrer un
patient suite à ce qu'elle vient d'en entendre au staff.
Il arrive qu'elle intervienne pour faire une remarque sur le
suivi qu'elle a entrepris. Elle s'efforce alors de garder une
confidentialité des propos qui lui sont confiés et fait
plutôt part d'éléments d'analyse.
La psychologue prend quelques notes dans un cahier
répertoire qui lui permet de retrouver d'après le nom du patient
les dates où ils se sont rencontrés et la synthèse de
l'entretien. Certains patients ont en effet des périodes
d'hospitalisation régulière depuis plusieurs années...
Durant le staff, elle favorise chez les différents
acteurs de soins une précision des propos et les invite à revenir
aux données avant de s'aventurer dans une analyse trop rapide...
L'aide-soignante dit , par exemple, en parlant d'une patiente: « elle
a des tendances noires » et la psychologue demande : « elle
vous a dit quelque chose ? »
L'infirmière dit de ce jeune patient
paraplégique qui vient pour une escarre sacrée sur
infectée : « il sourit rarement : il est dépressif
» et la psychologue demande : « il est triste ou dépressif
? On peut être triste car il vous arrive des choses sans être
dépressif pour autant ».
Elle permet à l'équipe de mieux comprendre les
réactions des patients atteints de troubles mentaux. Ainsi, pour
M.R.diagnostiqué comme schizophrène, qui refuse les soins au
corps, elle explique : « pour lui, tout ce qui touche au corps au
corps est terriblement menaçant et c'est difficile de le soigner
même »...
Après le staff, la psychologue établit un ordre
de priorité et rencontre les patients dans la semaine.
2. CONSULTATIONS CLINIQUES EN UNITE DE SOIN
La psychologue rencontre donc les personnes dont le staff social
a mis en évidence un désir ou un besoin de consultation.
Mme Jammet répartit de plus en plus son temps
d'activité professionnelle au niveau des consultations dans les
unités de soins pour deux grandes raisons :
- elle estime s'y trouver toute la raison d'être de sa
fonction de psychologue hospitalier.
- ces dernières années le nombre de personnes
demandant un suivi psychologique à l'hôpital de jour est en
diminution : certains jours, il y a très peu de consultations
programmées sur son carnet de consultations.
L'analyse de ce phénomène de diminution des
demandes de consultation à l'hôpital de jour permet d'avancer
plusieurs hypothèses explicatives :
> les nouveaux traitements (tri-thérapies) ont
considérablement modifié le rapport des personnes à la
séropositivité et à la maladie;
> les différentes consultations infirmières
(en box ou d'observance) sont réalisées par des soignants
formés à la relation d'aide qui apportent un soutien
psychologique de qualité probablement suffisant à nombre de
personnes. Les médecins participent également au soutien
psychologique des patients dans une relation beaucoup plus symétrique
qui autorise la personne à exprimer son ressenti ;
> certaines personnes préféreraient
être suivies en extra-hospitalier : l'hôpital les renvoie à
un contexte angoissant (résultats d'examens etc... ) qui n'est pas
propice au travail sur soi. Nombre de patients m'ont demandé si je
consultais en ville et ont exprimé que si tel avait été le
cas, ils auraient souhaité alors s'engager dans un travail
psychothérapeutique. Les nouveaux locaux de l'hôpital de jour
prévoient un bureau de psychologue dans l'unité même ce qui
risque de ne pas aller dans le sens de ce que souhaitent les patients...
Ces consultations sont cliniques au sens étymologique
puisqu'elles ont lieu dans la chambre du patient « au pied du lit »
du patient...
La thérapeute s'assure toujours d'un moment ou d'un lieu
qui feront que le voisin de chambre ne sera pas présent à ce
moment.
Soit elle se présente en disant que les
infirmières lui ont transmis que la personne souhaitait la rencontrer.
Elles les invite alors à exprimer ce qui les amène à
souhaiter rencontrer la psychologue ;soit elle vient se présenter
spontanément et incarner ainsi la possibilité offerte de
rencontrer une psychologue dans l'unité de soin.
Certaines consultations sont programmées en fonction de
l'annonce d'une « mauvaise nouvelle » par les médecins
(annonce de résultats de biopsies e faveur d'un cancer ; annonce de
maladie grave et chronique telle le Sida par exemple).
Les médecins s'efforcent de dire les mauvaises
nouvelles quand la personne peut avoir sa famille auprès d'elle ; ils
évitent les annonces la veille d'un week-end et la thérapeute
laisse un peu de temps mais pas trop pour aller voir la personne et la soutenir
dans cette épreuve.
Il s'agit d'éviter la phase primaire de choc qui
sidère souvent les facultés psychiques des personnes tout en
étant présente pour soutenir la personne dans cette
épreuve...
Il arrive parfois que l'accident de santé crée
un temps d'arrêt, une pause, une rupture dans un déroulement
temporel « anesthésié », une occasion capable de fonder
une volonté de changement chez la personne hospitalisée. La
psychologue s'efforce alors de séparer cette demande de travail sur soi
de la position de malade et propose aux personnes de consulter un psychologue
en extra-hospitalier.
3. ELEMENTS D'UNE SITUATION D'ACCOMPAGNEMENT
PSYCHOTHERAPEUTIQUE EN UNITE DE SOIN
Situation clinique de Monsieur L. :
L'équipe soignante nous signale que « M.L.connu
du service est actuellement hospitalisé il est très amaigri et ne
va pas bien tant sur le plan physique : est dans une phase très
avancée de la maladie SIDA et a malgré le traitement une
chûte de ses défenses immunitaires qui entraînent une forte
asthénie que sur le plan psychologique : parle très peu, est
très « fermé »beaucoup plus qu'avant ».
Les infirmières lui ont proposé de rencontrer la
psychologue du service et il a accepté. Mme Jammet décide d'aller
le rencontrer dans le service.
M. L. accepte que j'assiste à l'entretien.
Très vite, M.L. explique qu'il ne peut plus retourner
chez lui : des voisins sont venus fouiller dans ses papiers et ont
découvert qu'il était malade du Sida . Depuis, toute la ville est
au courant, même les gendarmes et il voit bien en allant acheter son pain
que les gens le regardent différemment et que par derrière ils
parlent tous de lui. Il dit se sentir épié tant à son
domicile que dehors. Il a des acouphènes : entend des bruits de tuyaux,
des sons métalliques puis juste après entend des voix. Il
supporte de moins en moins ces bruits de tuyaux qui deviennent
signifiants...
Face aux idées délirantes et aux hallucinations
auditives du patient, nous pouvons poser l'hypothèse d'un syndrome
délirant se caractérisant selon 3 points de vue :
> Thème : Les propos sont à thème de
stigmatisation .Le patient a déplacé la stigmatisation par
rapport au Sida sur la stigmatisation de tous vis à vis de sa propre
personne. Les propos sont manifestement délirants mais ils sont
cohérents et on peut poser l'hypothèse d'un délire
paranoïaque systématisé (dans la schizophrénie, le
délire de persécution ne serait peut-être pas aussi
étendu à toutes les sphères).
> Mécanisme : Le mécanisme semble à la
fois interprétatif et intuitif
> Organisation : Le délire est
systématisé.
Il dit qu'il n'a rien à perdre qu'il sait qu'il est
condamné et qu'il est prêt à « rentrer dans le tas
».
Nous pouvons craindre de sa part un passage à l'acte et
une mise en danger d'autrui en riposte à ce qu'il perçoit comme
des actes de malveillance généralisée à son
encontre...
A aucun moment la thérapeute n'interroge ou ne
démonte son délire (en effet, dans la psychose, le patient
étant incapable de critiquer son délire, il ne pourrait supporter
que la thérapeute mette ses propos en question ...).
Les propos du patient ne mettent pas en évidence de
syndrome de désorganisation :
> Le champ du discours montre un axe thématique
précis.On ne note pas de barrage ou de néologisme
> Le champ émotionnel montre des affects en rapport
avec le discours et pas d'ambivalence dans l'expression des sentiments
> Le champ psychomoteur ne montre pas de comportement
désorganisé. Pas de maniérisme ni de
stéréotypies. Le patient n'est ni catatonique, ni
agité.
On ne note pas chez lui de signes négatifs(le manque
d'initiative dans l'action semblant plus en lien avec le contexte de
l'asthénie).
La clinique semble ainsi favoriser l'hypothèse d'un
délire paranoïaque au détriment de celle d'un syndrome
délirant schizophrénique.
La thérapeute lui signifie qu'elle comprend que ce
doit être très douloureux et difficile pour lui de se sentir
épié ainsi et dit qu'elle comprend sa difficulté à
devoir retourner chez lui dans de pareilles conditions.
Elle axe son propos sur la tension et la fatigue que tout ceci
induit chez lui.
Elle parle lentement et calmement, adoptant une posture
d'ouverture : elle se penche un peu en avant vers lui.
Elle l'interroge sur la qualité de son sommeil. Il dit
dormir plus ou moins mais être plus tranquille la nuit.
Elle lui explique que tout comme la souffrance physique est prise
en charge dans cet hôpital, il y a des lieux où la souffrance
psychique peut aussi être prise en charge.
Elle l'invite à prendre un temps pour
réfléchir à cette proposition et termine l'entretien en
lui proposant de revenir le voir dans quelques jours.
Le patient en fin d'entretien semble soulagé, il
paraît plus détendu dans sa posture et au niveau des traits de son
visage.
De retour dans le bureau de soin, elle appellera le
médecin pour lui dire son inquiétude quant à la
santé mentale de M.L.
Elle proposera de téléphoner dans un centre de
moyen séjour psychiatrique de la région dont elle connaît
le médecin psychiatre et dont elle pense qu'elle sera à
même de proposer au patient une structure de soin adaptée à
son accès de décompensation de sa pathologie mentale. Le
médecin dit qu'il souhaite garder le patient 3 semaines en
hospitalisation en médecine du fait de ses problèmes somatiques
et qu'il est tout à fait d'accord pour que la sortie de M.L. ait lieu
ensuite vers cette maison de convalescence.
De plus, dans ce cadre (suite à une hospitalisation), les
frais médicaux seront pris en charge par l'assurance maladie.
Nous apprendrons plus tard que son père est
décédé il y a environ un an.
Une dispute familiale en lien avec l'héritage de son
père l'a conduit à se fâcher avec sa mère avec
laquelle il avait vécu très longtemps.
Nous pouvons avancer l'hypothèse d'une
décompensation tout à fait paradigmatique de ce patient.Le
décès de son père l'ayant probablement renvoyé
à quelque chose de très structurel :
En effet, selon LACAN, un sujet de structure psychotique
traversera la vie sans délirer s'il ne s'approche pas des signifiants
voisins du trou laissé par la forclusion du Nom-du-Père.
Par contre, devant toute situation dans laquelle il devra
convoquer des signifiants voisins du Nom-du-Père forclos, ce sujet va se
retrouver devant un vide, une béance, avec un sentiment d'effondrement
pouvant le conduire au repli ou au délire.
C'est ce qui est arrivé au président Shreber,
lorsqu'il a été nommé à la tête du tribunal
de Dresde (FREUD,1954).Nous formons l'hypothèse que c'est ce qui arrive
aussi aujourd'hui à M.L.
Quand les signifiants se déchaînent, quand
l'imaginaire, le symbolique et le réel se dénouent, la parole se
fait délire et l'unité du corps peut éclater pour
régresser jusqu'au moment où le corps était encore
morcelé avant le stade du miroir.
Le délire et les hallucinations représentent alors
selon FREUD, une tentative de guérison, de reconstruction d'une
cohérence.
4. CONCLUSION
Les personnes concernées par le VIH que j'ai pu
rencontrer étaient des hommes, des femmes, hétéro ou
homosexuels qui ne se réduisaient pas à un unique statut de
« patient ».
S'ils avaient en commun un diagnostic médical ou une
préférence sexuelle, la souffrance de chacun était unique
; quelquefois, même ,ces personnes n'étaient pas ou plus en
souffrance.
Leur souffrance était liée à leur propre
angoisse de perte, de mort mais aussi et surtout au regard de l'autre ou
à la crainte du regard de l'autre.
Le VIH a à voir avec le sexe et la mort qui sont deux
grandes questions existentielles. Il peut à un moment ou à un
autre concerner chacun d'entre nous dans notre rapport au risque et nous
pouvons facilement être conduits à utiliser des mécanismes
d'identification ou de projection qui peuvent entraver les relations
thérapeutiques, voire les relations personnelles.
Tous les efforts de prévention, aussi
nécessaires soient -ils ne doivent pas nous faire oublier de prendre en
compte que nos conduites (de patients ou soignants) et en particulier nos
conduites amoureuses ou sexuelles ont souvent à voir avec le
désir, avec des pulsions voire des compulsions, c'est à dire
à voir avec une partie de nous même dont nous avons peu la
maîtrise : notre inconscient.
CONCLUSION
J'ai vécu une période de stage en institution
hospitalière extrêmement riche à un niveau personnel et
professionnel.
Ce mémoire de Master 2, prenant appui sur quelques
points marquant de pratique clinique dans trois institutions différentes
: hôpital de jour de pédopsychiatrie, hôpital de jour et
unité de soins pour adultes porteurs du virus de
l'immunodéficience humaine a permis de montrer comment l'approche
théorique lacanienne peut orienter la pratique clinique du psychologue
en institution hospitalière.
Vivre ces deux stages dans la même période m'a
permis d'approcher une réalité du vécu professionnel d'un
psychologue.
Le psychologue en institution fait partie d'une
équipe, d'une structure, d'un réseau ;il doit en connaître
les personnes et les fonctions pour pouvoir lui-même se situer dans une
pluridisciplinarité dans un souci d'efficacité
thérapeutique.
Il a été riche mais parfois difficile aussi de
rencontrer tant de personnes, de structures en si peu de temps...
Ces deux stages m'ont permis de m'approprier quelques concepts
lacaniens dont j'ai compris le sens et la portée dans des situations
pourtant très différentes :
c'est bien dans la clinique que la théorie prend tout son
sens...
Tous ces principes, ces valeurs vont nourrir ma future pratique
professionnelle de psychologue.
Il me reste à me former encore dans ce domaine...
J'espère pouvoir faire reconnaître par mon futur
employeur le temps FIR41 du psychologue.
Je souhaite rester ouverte aux différents champs de la
psychologie, garder la confiance en mes pairs, cultiver la recherche des
ressemblances plutôt que des différences ; mettre la personne au
centre de mes préoccupations et garder la capacité de me laisser
effleurer par le doute.
Je trouve important même si cela est parfois plus
difficile de rester un peu en décalage avec les pratiques consensuelles
du moment pour garder une ouverture et une indépendance et pour
éviter par exemple que des réglementations diverses n'en viennent
à supplanter l'éthique.
Le travail de supervision du thérapeute me paraît
essentiel en permettant un approfondissement et un recul vis à vis de la
pratique clinique.
Pour autant, dans le cadre de l'entretien, le thérapeute
est seul avec le patient.
41 FIR : Formation Information Recherche
Je m'apprête désormais à m'engager
pleinement dans la fonction de psychologue clinicienne.
Reprenant les termes de Judith Miller42, je souhaite
cultiver « le goût de la clinique, le respect de l'autre et le souci
de la différence » et orienter ma pratique de la psychanalyse.
Je souhaite prendre en compte les personnes dans le cadre
d'une relation duelle qui permette de prendre tout un temps pour une seule
personne : un à un pour favoriser l'expression de la singularité
et de la subjectivité.
.
42 conférer Affiche de la rencontre PIPOL 3 du
24 mars 2007 en Annexe x page x
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réalisé avec l'aide de la Direction Générale de la
Santé (DGS) et de l'Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les
Hépatites virales B et C(ANRS) Paris : Médecine Sciences
Flammarion
Internet :
www.santé.gouv.fr/htm/actu/33
: Plan VIH SIDA : Discours du 28/11/2001de M. Bernard KOUCHNER, Ministre
délégué de la santé.
www.santé.gouv.fr/htm/actu/33:
Syndrome d'immunodéficience acquise.08/04/2007.
ANNEXES
ANNEXE 1
L'Hôpital de jour « Les Dominos » est
situé dans une maison moderne de 140 m2 ,à Talence, au coeur de
la zone géographique couverte par cette unité fonctionnelle.
Cette maison n'est pas identifiée de l'extérieur
comme un hôpital de jour.
Elle comporte un rez de chaussée et un étage.
1. Au rez de chaussée :
La porte d'entrée s'ouvre sur un couloir qui mène
:
· En face à une petite pièce destinée
à ranger les manteaux des enfants. Chaque patère porte le
prénom écrit de l'enfant et la photographie de son visage.
· Directement à droite au
secrétariat qui fait office aussi de standard. Il
s'agit d'une très petite pièce avec deux ordinateurs où
deux personnes peuvent travailler assises. Dans les placards sont rangés
les dossiers des enfants et tous les documents administratifs.
· Au fond à droite, le bureau de la
psychiatre ou de la psychologue dont la porte munie d'un capitonnage
participe à la confidentialité des propos échangés.
Cette pièce permet de recevoir les parents des enfants.
· A gauche, une grande pièce à vivre qui
s'ouvre sur un jardin avec terrasse. Le jardin abrite un
mobilier de terrasse(les enfants peuvent goûter dehors quand il fait
beau) un panneau de basket-ball très utilisé par certains
enfants, une structure de jeu avec tour et toboggan dont le sol est
sécurisé au moyen d'un revêtement de type mousse, un petit
abri de jardin abritant les vélos et trotteurs divers à
l'arrière duquel les enfants aiment aller se cacher.
· La grande pièce est
meublée d'un salon moderne dont les nombreux fauteuils et canapés
sont disposés en carré autour d'une table de salon en bois
où les enfants jouent très souvent. Ce petit salon est le lieu
des « petites réunions » qui ont lieu le matin pour proposer
un temps d'écoute aux enfants réunis et leur présenter la
planification des différentes activité de chacun.
Ce petit salon confortable est aussi le lieu des réunions
de synthèse d'équipe du mardi après-midi.
Un buffet abrite la bibliothèque (dont les
différents livres sont soigneusement choisis par l'équipe et en
très bon état) des jeux de société(dont chaque
enfant réinvente et s'approprie la procédure de jeu initiale).
Des toilettes enfants individuelles sont
situées à l'entrée de la pièce.
Au centre de la pièce à vivre, une table ronde
où les enfants peuvent écrire et où les adultes boivent un
café après le repas thérapeutique qui a lieu dans une
pièce attenante. Entre ces deux pièces, une
cuisine avec un évier, un placard à bonbons que les
soignants distribuent chaque matin ou après-midi après la petite
réunion de présentation des activités, avant que chacun ne
rejoigne précisément le lieu de cette activité ;un
réfrigérateur et un ensemble de régéthermie pour
pouvoir réchauffer les plats qui sont livrés.
· Tout au fond de la maison, une petite
pièce rectangulaire avec une télévision
surélevée et protégée, un placard vidéo et
une mini-chaîne avec divers CD. Cette pièce munie
d'un évier devient celle de l'atelier peinture du mardi
après-midi (l'arrivée d'eau est soigneusement coupée en
dehors du temps de l'atelier) C'est également dans cette pièce
que se déroule l'atelier psychomotricité ou
l'atelier percussions du vendredi matin.
Tout le coté de la pièce est bordée d'un
coffre-banc dans lequel est rangé le matériel de
psychomotricité ou les tabliers de peinture...Deux grands matelas sont
entreposés contre le mur et mis à plat selon les
activités. Dans les temps libres, les enfants aiment à se
faufiler derrière ces matelas...
Le mardi soir, l'atelier psychodrame du CATTP a
lieu également dans cette pièce très contenante de part sa
taille.
2. A l'étage :
· des toilettes pour les adultes.
· 3 ex chambres de la maison qui sont appelées
pièce jaune, pièce rouge et pièce bleue
en raison de la couleur dominante de leur décoration (murs, rideaux,
coussins...). Chaque pièce reçoit chaque matin en travail
psychothérapique le même groupe d'enfants et les mêmes
soignants. Le mobilier et les jouets sont fixes pour chaque salle.
Dans la pièce jaune par exemple, on trouve une table,
deux chaises adultes et une chaise enfant,, un recoin de pièce (comme un
grand placard sans portes)muni de deux matelas qui peuvent être
déplacés au gré des enfants et d'un petit rideau sur
tringle permettant à l'enfant de s'isoler. Un grand placard avec porte
dans lequel on peut trouver de la pâte à modeler en bon
état, du rouleau adhésif, des crayons et des jouets(un
hélicoptère, des camions ...) ; On trouve également dans
cette pièce un grand garage, une cuisine équipée, un
tableau veléda, des mallettes avec des playmobil, des legos, des animaux
de la ferme...
La pièce est petite ce qui participe à sa fonction
contenante; elle est très lumineuse et lorsque le rideau jaune de la
fenêtre est tiré, la lumière y est douce.
ANNEXE 2
ATELIER THERAPEUTIQUE PEINTURE 3ème
SEANCE lundi 2 octobre 2006
PARTICIPANTS
Enfants : Victor
Julie
Pierre
Soignants : Lara (Psychologue)
Martine (Orthophoniste) Emilie (Infirmière DE)
Etudiante Infirmière stagiaire 2ème
année (observateur) Françoise (Psychologue stagiaire Master 2)
(prise de notes)
La salle est préparée avant l'arrivée
des enfants : le tableau est déplié, les peintures sorties du
placard et posées sur la tablette à coté de
l'évier, les gobelets d'eau sont remplis et posés devant chaque
poste de peinture, le sac avec les blouses de protection est apporté, la
table et les chaises sont poussées au fond de la pièce
exceptés 2 sièges pour les stagiaires qui s'installent en
retrait, au fond de la pièce et des petits siéges où tous
s'installeront en fin de séance de peinture pour parler de leurs
productions.
Seules les feuilles à dessin ne sont pas encore
installées et les palettes de peinture ne sont pas remplies.
Les enfants ont fini de manger quelques bonbons et entrent dans
la pièce.
Lara commente la présence ou non de chacun par rapport
à la séance du lundi précédent. Françoise
explique qu'elle « prend des notes pour comprendre comment grâce
à l'atelier peinture les enfants vont mieux »
Lara rappelle les règles : « on peint pendant un
petit moment et après, on vient ici (au niveau des siéges,
dans l'autre moitié de la pièce)et on discute.
« Et moi, je peux peindre » demande Emilie ?
»
« Non, c'est pour vous les enfants l'atelier peinture,
nous, si on veux peindre, on le fera chez nous. » répond
Martine.
« J'ai pris 3 pochettes avec une étiquette
avec bien le prénom de chacun » dit Lara en les montrant aux
enfants. »Il faut refaire de la place, vous êtes 3 à
nouveau.On va mettre Julie contre Pierre.
« on met les tabliers pour pas se salir ? »
demande Victor. Les adultes aident les enfants à les enfiler.
« Victor, je te mets une nouvelle feuille ?
»demande Martine. Et sa feuille blanche est punaisée sur le tableau
tandis que les 2 autres enfants reprennent leur feuille de la fois
précédente.
... / ...
« C'est Lara qui est la directrice de l'atelier
peinture « dit .....
« Non, on est chacun directeur de l'atelier peinture
car on peut ne pas être là à chaque fois »
répond Lara.
Pierre passe les punaises pour que la soignante lui accroche sa
feuille.
Martine dit à Victor : « Tu sais, la
dernière fois, ce sont Julie et Pierre qui ont lavé les pinceaux
».Elle dit aux enfants que Françoise a préparé
les gobelets d'eau.
Chaque soignant a tendance à valoriser ce que l'autre a
dit ou fait.
Martine poursuit : « Il y a du orange, du vert, du
jaune, du noir... Qu'est-ce que vous voulez comme couleur ? »
« Moi, du vert » dit Victor
« Autre règle ,dit Lara, on ne touche
pas aux peintures des autres »
Chaque enfant dit les couleurs qu'il veut et qui sont mises dans
une palette avec 6 petits réservoirs
« Là, c'est du bleu outremer » dit
Martine. »
« Comme la Guadeloupe » rétorque
Victor
Julie commence à peindre en premier sur son ancien
dessin auquel elle avait ajouté la dernière fois une
étoile filante jaune et « un fond de teint bleu ciel
» aux 3 fleurs réalisées lors de la première
séance.
Tout à coup, Martine échappe un objet et dit :
« M.... ! »
« Tu as dit un gros mot » lui dit Julie
« Oui, c'est vrai, mais je l'ai dit pour moi, parce que
j'ai fait une petite bêtise » « On pouvait dire
Mince » dit Julie
« Oui, j'aurai pu dire Mince » répond
Martine.
Les enfants nomment les couleurs exemple : « fushia
orange » dit Victor
Il reste 2 godets vides dans la palette d'Victor qui
manifestement le supporte difficilement et demande des couleurs à Lara
qui les lui donne.La palette est ensuite posée sur une petite chaise
devant le tableau.
Pierre et Julie fond le fond bleu
« Chacun s'occupe de sa peinture » dit
Lara
Victor met de la matière sur sa feuille car sa peinture
dans les godets est peu fluide et il ne mouille pas ou très peu son
pinceau.
Emilie est assise à coté de lui et accompagne ses
paroles (en reformulant souvent ses propos)
Julie , très appliqué peint le contour des
étoiles filantes : cf schéma ci dessous :
« Ça coule Julie » lui dit une
soignante.
« Ah, tu m'énerves » dit-elle en
précisant : « je parle au pinceau »
« Attention à ne pas recouvrir les pointes de
l'étoile » dit Lara ou Martine( ?) Elle fait une pause et dit
: « j'ai réussi à m'en mettre sur les doigts
»
Victor mélange directement la peinture sur la feuille
à grands coups de traits horizontaux « Ca fait du violet
» dit Pierre qui a tardé à se mettre à peindre
regardant les autres
« Comme moi , rétorque Victor, rose
plus bleu égal violet »
« Il y a de grands artistes de la couleur »
dit Martine.
Victor, regardant sa peinture(cf. schéma ci-dessous) :
« C'est une mer(e) ? avec beaucoup de couleurs
» dit Victor( dont la maman a la peau noire)
Pierre et Julie décident que leur dessin est
terminé et Lara leur installe de nouvelles feuilles de dessin avec des
punaises.
Martine et Lara commentent la peinture d'Victor qui n'est pas
contaminée aujourd'hui par la peinture des autres.
Victor dit : « ils sont dans l'eau , ils trouvent que
c'est cool, la mèr(e) ? est douce, douce, douce. C'est de l'artiste
Victor »
« Pour l'instant, c'est votre travail dans votre
tête pour essayer de grandir » dit Martine « La
peinture ça aide aussi à l'atelier ».
« Je suis .... de ce que fait Victor » dit
doucement en aparté Lara à Martine (ou Martine à Lara)
« Vous parlez de moi ? » demande Victor.
« Non, pas du tout » répond Martine
doucement.
Victor regarde sa peinture et dit : « Oh, c'est joli
l'étoile et un mascaret très rouge et l'étoile qui est
sortie de l'eau ; ça s'appelle l'étoile de mer, et un bateau, le
bateau des milliers de couleurs ; Hé, Pierre, je ferai la mer aussi
... »
« Continue et tu nous expliqueras ça
après » dit Lara à Victor
« Viens ici, dit -elle à Victor en
l'invitant à se reculer de sa feuille : « comme ça, on
peut regarder de loin, on voit mieux de loin »
Pierre est plus passif, dans l'attente. Il a dessiné ceci
:
Julie a peint ceci :
Elle tamponne pur faire du bleu dans la mer et montre à
Emilie qui dit : « ça éclaircit le bleu »
« Si je mélange le bleu contre le orange » dit
Julie
Victor très intéressé par la couleur fait
du gris clair et met du orange dedans, une planète.Il tourne son pinceau
pour montrer que la planète tourne puis tourne sur lui-même.
« C'est pas beau » dit -il très
affecté
« Tu as fait un bon travail »dit Martine.
Il veut déchirer sa peinture. Lara et martine
s'interposent en lui disant: « nous on est vigilantes, on garde les
travaux qui ont été faits »
« Viens voir de loin » lui propose Lara
« ça m'énerve dit Victor très
agité . Martine s'est placée derrière lui et l'entoure
calmement mais sûrement de ses bras. Victor se calme et dit :
« Moi, c'est du rien du tout, c'est n'importe quoi
»
« Nous on ne le pense pas » dit Martine
I
« Stop, on arrête » dit Lara
Les enfants posent les pinceaux et se reculent dans l'autre
moitié de la petite pièce
« Qu'est-ce que t'as fait Pierre ? » demande
Lara
« Une tente et un marchand de glaces
Et celui là ( parlant de son autre peinture)
les 2 planètes de Mars et des vagues au-dessus. C'est comme
ça sur Mars »
« Non » dit vivement Victor
« On peut l'imaginer »dit Lara
« Victor, tu le laisses parler, c'est l'imaginaire de
Pierre, c'est pas la réalité » ajoute Martine.
A Julie :
Peinture 1 :
« Tu as terminé enfin ton bleu : comment tu
trouves ? » « c'est joli »
« Tu as raison, c'est joli »
« Il fait sombre. Mais il y a le soleil et
l'étoile qui éclaire
Peinture 2 :
« un bateau avec des vagues et du tampon »
A Victor :
« c'est nul »
« on dirait, dit Lara qu'il y a eu à un moment
donné une .../....c'est la tempête qui a .../ ...
« Les peintures ne sont pas là pour être
jolies mais pour raconter une histoire.../...et Martine a arrêté
avant que les enfants ne soient noyés
« Si, ils sont noyés »
« Si ils sont noyés ils sont morts.../...au
début c'était cool.../...on peut les sauver ? «
oui, le bateau » dit Victor
« Ils ont failli se noyer mais le bateau les a
sauvés ; il y a des choses bonnes et mauvaises qui sortent de l'eau
» dit Lara
« Vous avez fait un bon travail très
intéressant comme chaque lundi »dit Martine pour clore la
séance.
« elle est vraiment nulle »...reprend Victor
à propos de sa peinture.
« Nous, les beaux, belles, on ne s'en occupe pas ; on
s'occupe des histoires que les enfants ont dans la tête » dit
Martine.
« Moi , je suis bon avec les feutres dit Victor
qui reste assis la tête entre ses mains sans répondre à
martine qui lui tend les mains, c'est mieux avec les feutres mais pas avec
les peintures. »
Les enfants quittent la pièce tandis que les adultes
la rangent. Lara remontre aux enfants leur carton à dessin personnel
dans lequel sont déjà rangées des peintures sèches
de la première séance.
Pas de mise en commun des soignants après cette
séance car d'autres impératifs de travail ne leur en laisse pas
le temps. Quelques commentaires seront faits de façon informelle sur la
séance.
REMARQUES
SUR LA TROISIEME SEANCE
Si nous souhaitons être plus proches des objectifs du
projet écrit de l'atelier thérapeutique :
· Préparer la salle avant l'arrivée des
enfants ;
· Eviter les remarques normatives sur les peintures du type
« c'est joli » ; « il y a de grands artistes de la couleur
»...
· Eviter les interprétations des productions des
enfants. Nous en tenir à une reformulation des propos et à un
reflet des sentiments. Eviter des apartés entre soignants durant la
séance ;
· Respecter le temps de la production puis celui
où l'enfant en parle .Plus développer ce temps et favoriser la
parole en questionnant le fond et la forme de chaque peinture pour favoriser
l'expression de l'enfant ?
· Favoriser le recul physique de l'enfant sur sa
production ;
· Respecter un temps de discussion après chaque
séance entre soignants avec un double objectif :
1. analyser ce que chaque enfant produit et dit de sa
production, transmettre une synthèse écrite sur le dossier de
l'enfant pour partager cette clinique en grande équipe ;
2. penser le dispositif de soin de cet atelier peinture (cadre,
objectifs) pour mieux se l'approprier et le partager entre soignants pour
gagner en congruence .
ANNEXE X
ROLE ET MISSIONS DU CISIH DE BORDEAUX
Les Centres d'Information et de Soins de
l'Immunodéficience Humaine ( CISIH) ont été
créés en 1987 sous l'égide du ministère de la
santé pour coordonner la lutte contre l'infection par le VIH apparue au
début des années 1980.
A Bordeaux, le CISIH est opérationnel depuis 1987 et ses
locaux se situent prés de l'hôpital du Tondu.
Le CISIH est un centre de référence pour le
traitement et la recherche sur la pathologie VIH.
« Il a pour rôle fondamental de coordonner la
prise en charge médicale et psychosociale dans les services
concernés, de façon à optimiser la qualité du
service rendu aux usagers »43
Ses principales missions consistent à suivre
l'activité médicale, à développer la recherche
clinique en évaluant et adaptant les protocoles utilisés et
à coopérer à des essais thérapeutiques
multicentriques.
Si le CISIH centre pour une grande part son activité
sur la prise en charge hospitalière, il participe aussi activement au
réseau Gironde ville hôpital : il est en relation avec les
services hospitaliers concernés de la région et avec des
médecins, étudiants lycéens...
Le CISIH participe au suivi épidémiologique en
alimentant des bases de données nationales permettant d'avoir un suivi
des pathologies et des traitements avec les réseaux de soin.
Il assure également la coordination des activités
psychosociales intra et extrahospitalières et joue un rôle dans la
formation et l'information en milieu intra et extrahospitalier.
Le CISIH s'adapte à l'évolution de la maladie
SIDA et renouvelle ses moyens d'action et de prévention. : la mise en
place de traitements précoces et l'association de plusieurs
antirétrovirus permet de contrôler l'évolution de la
maladie.
EQUIPE DU CISIH DE BORDEAUX
L'équipe se compose de :
~ un coordonnateur médical et administratif
· 2 psychologues dont Mme Jammet
· 4 infirmières techniciennes d'études
cliniques qui interviennent dans les services notamment pour les recueils de
données
· 2 assistantes socio-éducatives
· une secrétaire médicale
· un pédiatre qui assure la prise en charge et le
suivi d'enfant
43 Citation extraite de l'article « Gros plan
sur...le CISIH » de Patrick Goyon : Journal d'Information interne du CHU
de Bordeaux N° 35- janvier2004-trimestriel.
Les missions du CISIH et la composition de l'équipe du
CISIH figurent en Annexe x page x
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