Les effets de la dégradation des écosystèmes de mangroves dans la dynamique migratoire des populations des iles du Saloum: cas des villages de Bassoul et de Niodior( Télécharger le fichier original )par Mamadou SARR Ecole Nationale d'Economie Appliquée-Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Diplôme d'ingénieur des Travaux d'Aménagement du Territoire et de la Gestion Urbaine 2009 |
CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTERATURE
L'étude de la relation entre population et environnement est complexe et multiple. C'est un domaine de recherche qui a été peu fréquenté par les démographes [BARTIAUX (2004), VAN YPERSELE (2004)]. Cependant, les études qui sont faites en la matière se font surtout sous formes d'études de cas. C'est ainsi que Véronique PETIT a fait des recherches 1997, en combinant des données quantitatives et qualitatives, sur les logiques migratoires des Dogons de Sangha au Mali et sur les conséquences pour les populations sédentaires. Il a trouver que les réponses démographiques données à la dégradation de l'environnement peuvent aussi être la migration. Aujourd'hui, de nombreuses études sont faites sur le phénomène migratoire, notamment dans les pays d'Afrique. Toutefois, la plupart de ces études sont plus orientées vers les zones de destination que celles de départ. Ainsi, plusieurs raisons, qui sont habituellement d'ordre familial, économique et scolaire, poussent les gens à migrer (Gilles P et al., 1997). Mais il faut reconnaitre que les déterminants environnementaux ne sont pas très pris en compte dans ces études. Le problème des déplacements provoqués par la détérioration de l'environnement est d'actualité. D'ailleurs, certains organismes s'y penchent. Selon l'OIM (2007) ces personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou leur quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l'intérieur de leur pays ou en sortent, sont appelés des migrants environnementaux. On a ainsi le concept de « réfugié de l'environnement » qui illustre bien l'idée très répandue que la migration est influencée par les conditions environnementales. En outre, la migration est analysée comme un phénomène démographique et socialement sélectif. En fondant leur recherche sur le profil des migrants, M. GUILLON (2004) et N SZTOKMAN (2004) ont montré que le plus souvent ce sont les adultes jeunes, ayant une certaine formation et un minimum de disponibilités, qui sont touchés. Ces mêmes auteurs ont donné une part importante de l'orientation des flux migratoires par les inégalités économiques entre les espaces. Par la suite, ils ont insisté sur les facteurs explicatifs des flux migratoires, ce sont notamment les facteurs économiques qui ont longtemps été les seuls motifs avancés. Ce raisonnement est affirmé par la théorie néoclassique de la migration. Elle postule que les pays où le rapport travail/capital est élevé tendent à l'équilibre vers un bas niveau de salaire alors que les pays où ce rapport est réduit tendent vers des salaires élevés (CASELLI et al, 2003). La différence de salaire qui en résulte incite les travailleurs des pays à faible salaire à migrer vers les pays à hauts salaires. C'est pourquoi certains auteurs ont privilégié les facteurs attractifs et d'autres des facteurs répulsifs. Cela nous amène à penser au modèle `push' et `pull ', selon lequel des forces influent sur le migrant potentiel (Michell, 1955). On peut ainsi dire que les forces répulsives sont les conditions du milieu de vie, la pression démographique sur les ressources naturelles, les facteurs économiques et les facteurs socio-économiques. Ici, les travailleurs qui sont les pêcheurs et les transformateurs de produits halieutiques se déplacent donc vers les espaces où le salaire ou le revenu est élevé. Donc, force est de remarquer que le rôle des facteurs environnementaux, notamment les ressources naturelles, est déterminant dans la propension à la migration. Dans notre étude on peut dire que les facteurs répulsifs sont ici les facteurs économiques et environnementaux. Par ailleurs, les facteurs de la migration sont nombreux, la migration tire souvent son origine d'un environnement de vie où les ressources économiques sont rares et contraignent un certain nombre de personnes à se tourner vers d'autres terres voisines ou lointaines où les conditions de survie sont meilleures (PISON et al., 2003). D'autres auteurs ont raisonné dans le même sens, en disant que d'autres causes peuvent entrainer le déplacement forcé de millions de personnes. Ceci soit à cause de catastrophes (conflits armés, accidents industriels, pollutions chimiques...), soit qu'il s'agisse d'infrastructures (barrages, exploitations minières...), soit du processus de dégradation des écosystèmes terrestres, fluviaux et marins (concentrations foncières, épuisement des sols, salinisation...) (H. DOMENACH, 2008). Nous concluons là que la dégradation et la pression sur l'environnement, en l'occurrence sur les ressources naturelles, peuvent inciter à la migration. C'est pourquoi, il faut remarquer le paradoxe selon lequel les Niominka ont tendance à aller chercher le poisson ailleurs au moment où leur région accueille des pêcheurs des autres contrées (Cormier-Salem, 1994). Quant aux économistes, ils ont toujours insisté sur la disparité des revenus urbains et ruraux comme facteur principal expliquant les déplacements des hommes d'une région à une autre. Selon Todaro (1969) la décision de migrer dépend d'une part de l'écart de revenus entre ville et campagne, et d'autre part de la probabilité de trouver de l'emploi en ville. Selon les considérations de l'OIM, le Sénégal est devenu un pays d'émigration à cause d'une part des conditions de vie de plus en plus difficiles et d'autre part de la réussite des premiers émigrants sénégalais dans des pays africains qui offrent plus d'opportunités, ainsi qu'en Europe et en Amérique (OIM, 2009). Ainsi les principales destinations sont la Gambie (20%), la France (18%), l'Italie (10%), la Mauritanie (8%), l'Allemagne (5%) et le Ghana (5%) (OIM, 2009). C'est ce qui explique que ces dernières années, les 38% des émigrés clandestins vers l'Espagne appartenaient à des villages de pêcheurs6(*). Le groupe de travail sur la migration du CRDI a fait la distinction entre les facteurs structurels socio-économiques généraux et les mécanismes particuliers (écarts sur le plan des salaires et du chômage, etc.) d'intervention des facteurs structurels. Seydi Ababacar Dieng (2008) a ainsi définit trois types de motivations à l'émigration des sénégalais. Ce sont principalement : l'aventure, la satisfaction des besoins vitaux et la recherche de l'autonomie financière suffisante pour être à même de pouvoir réaliser des projets. Dans la revue trisannuelle du collectif international d'appui à la pêche artisanale « SAMUDRA », les nombreux déplacements de pêcheurs notés dans le pays, sont liés à la recherche du poisson surtout pendant l'hivernage qui est une période où certaines espèces se font rares dans certaines zones. Elle ajoute que ces déplacements se font entre les régions des Guet Ndariens à Kayar et des Kayarois à Soumbédioune et aussi entre les régions Kayarois à Mbour. BOUJU S et al. sont parfaitement de cet avis, en soutenant que ces mobilités se manifestent par des migrations qui peuvent être proches ou lointaines, saisonnières ou durables, régulières ou non. Momar Coumba (2008) analyse la situation sous un autre angle, en disant que : « dans le Delta du Saloum, les migrations touchent davantage les populations Niominka qui ont privilégié une « multi localisation » de leurs activités, laquelle s'explique par différents facteurs historiques : facteurs écologiques (problèmes d'approvisionnement en eau) et facteurs économiques (insertion précoce dans une économie maritime et pénétration des circuits de distribution des ressources halieutiques) ». L'auteur poursuit qu'au de-là des migrations internes (entre les îles du Nord et du Sud), les îles du Saloum sont caractérisées par des déplacements saisonniers en Gambie, en Casamance et en Guinée Bissau et un établissement en ville, notamment vers l'agglomération dakaroise et, dans une moindre mesure, vers Kaolack, Banjul et Ziguinchor. C. CHABOUD et al (1989) défendent une part des propos de Momar COUMBA (2008) dans leur article publié en 1989. Ils prétendent que l'émigration dans les îles du Saloum semblait liée pour une bonne part au manque d'eau douce. CORMIER-SALEM (1999) adhère ces auteurs à travers ses études sur la société Niominka. Pour lui la mobilité de ce peuple est une réponse mécanique aux manques d'opportunités économique dans leur terroir. Le même auteur écrit en 1994 dans son autre ouvrage que si l'abondance de la ressource est un facteur évident, les opportunités de commercialisation liées à la pêche sont déterminants dans les stratégies de migration. L'AIDELF appuie les idées de CORMIER-SALEM, puis qu'elle a lié la migration des sérères Niominka vers la Gambie et la Guinée-Bissau, à la recherche de zones plus poissonneuses. Selon lui ce peuple pratiquait des navétanes (migrations saisonnières), qui ce sont transformés avec le temps en migration beaucoup plus longue. Ces propos sont confirmés dans le rapport publié par la DEEC sur l'état de l'environnement marin et côtier du pays. Selon la direction, les Niominka sont classés dans les grandes communautés de pêcheurs comme les Lébou et les Guet Ndariens. Ils sont ainsi caractérisés par de fortes dynamiques migratoires liées à la recherche de poissons. Les types de migrations qui sont donc notés sont des migrations en Afrique (Mauritanie, Gambie, Guinée Bissau, République de Guinée et Sierra Léone) et des migrations internes. La question est spécifiquement soulevée par les recherches menées par Fall Marie (2009). Elle s'est intéressée aussi aux stratégies d'adaptation des femmes Socé et Niominka, face à la dégradation de l'environnement. Elle a montré que la réaction féminine face à la crise environnementale a pris, chez les femmes Niominka, la forme de l'intensification de la migration féminine qui était saisonnière au début et devient de plus en plus longue aujourd'hui. Ces propos montrent l'importance des activités menées par les femmes Niominka. En effet ces dernières sont actives dans la transformation et la cueillette des fruits de mers. Or ce sont les forêts de mangrove qui font la richesse de ces activités. Conclusion tirée de l'analyse documentaire
Bien que beaucoup de déterminants de la migration soient étudiés, les déterminants environnementaux basés sur l'état des ressources naturelles ne sont pas bien cernés. En particulier, le rôle joué par la dégradation des ressources environnementales n'est pas ainsi mis en étude comme le montre la documentation que nous avons pu consulter tout au long de ce processus de recherche. En outre beaucoup d'études se sont en particulier accentuées sur l'environnement, mais celle en relation avec la migration en tant que conséquence n'est très étudié. Ainsi la dynamique migratoire d'une population dont les activités sont fortement liées aux ressources environnementales, notamment les forêts de mangrove, n'a pas fait l'objet de recherche assez suffisante. Cela constitue une limite de l'étude sur la migration au Sénégal. Dans les îles du Saloum, les études se sont beaucoup accentuées sur la dynamique migratoire des pêcheurs. Cependant les recherches sur les mouvements migratoires de l'autre partie de la population ; notamment celles qui exercent des activités associées à la mangrove, s'avèrent peu suffisantes. C'est pourquoi la littérature sur les effets de l'environnement peut être divisée en deux parties : le point de vue minimaliste pour lequel le changement de l'environnement naturel est juste une variable contextuelle qui peut influencer les mouvements de population, et le point de vue maximaliste selon lequel la dégradation environnementale cause de larges flux migratoire (Ouédraogo, 2007). La présente étude se trouve dans l'approche minimaliste. Pour ainsi faciliter la compréhension du présent document, il est important de définir les concepts clés à travers le cadre conceptuel et théorique * 6 Les cahiers de l'alternance, enjeux de l'émigration au Sénégal, Décembre 2007, No11 |
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