UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
DÉPARTEMENT DE
FRANÇAIS
FACULTÉ DES ARTS,
LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
LA TERMINOLOGIE DU SUJET EN
FRANÇAIS
Mémoire pour l'obtention du
Diplôme de Maîtrise en
Lettres Modernes
Françaises : Option Langue Française
Présenté par
NANDA Lysette
Licenciée ès Lettres Modernes
Françaises
Sous la Direction de et
la Supervision du
Ch. ONGUENE ESSONO Pr. L.M.
ONGUENE ESSONO
Chargée de Cours
Maître de Conférences
Année universitaire 2005/2006
DÉDICACE
A ma mère NJIYANG Alice et à
ses petit-fils
REMERCIEMENTS
Ce travail n'a été rendu
possible que grâce au concours de certaines bonnes volontés
à qui nous voulons exprimer notre gratitude.
Nos remerciements vont d'abord à notre Directeur,
Madame Christine ONGUENE ESSONO qui a accepté de guider nos premiers pas
sur le chemin de la recherche.
Nous exprimons notre reconnaissance à Monsieur Louis
Martin ONGUENE ESSONO pour les multiples séminaires. Séminaires
qui ont contribué, à coup sûr, à produire en nous le
goût du travail bien fait et la persévérance dans
l'entreprise fastidieuse qu'est la recherche.
Nous ne saurions oublier le Groupe d'Etudiants et Chercheurs
en Grammaire (GRECG) dont le soutien intellectuel a permis l'aboutissement
heureux de ce travail.
A Mesdames NGUEUMBA MBIDA Nathalie et ASSAMA NGOTSOK Marie,
pour leur appui intellectuel et moral, nous disons tout simplement merci.
Un merci particulier est adressé à madame
MBOUNGUE Anne, qui a connu des nuits d'insomnies pour rendre ce travail sous sa
forme actuelle, à Monsieur MELINGUI Ambroise pour ses encouragements,
son soutien moral et matériel, à tous ceux qui de près ou
de loin ont contribué à la réalisation de ce travail.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Envisager aujourd'hui une recherche sur la fonction sujet peut
paraître tout d'abord présomptueux. A priori, ce constituant a
déjà été suffisamment visité par les
grammairiens. Mais comment passer outre une notion aussi fondamentale de
l'énoncé ?
En prenant le risque de suivre les sentiers battus par
les auteurs de renom, nous nous sommes rendu compte que la notion de sujet
comporte des nuances qui traduisent les différentes perceptions que les
chercheurs ont d'elle. Depuis l'Antiquité, cette fonction est
définie comme l'élément de l'énoncé sur
lequel on porte un jugement. Le sujet répond de ce fait à la
question de qui ou de quoi parle-t-on ? La grammaire
classique ajoute à cette considération une autre qui y voit la
personne ou la chose qui fait l'action exprimée par le verbe de la
phrase. Le sujet est aussi le terme qui vient en réponse aux
questions qui est-ce qui ... ? Qu'est-ce
qui ... ? posées après le verbe.
Sur un tout autre plan, le sujet est perçu comme le
groupe nominal qui impose au verbe ses marques morphologiques de genre et de
nombre. Toutes ces analyses font que la fonction sujet reçoive plusieurs
appellations. Et c'est cette problématique de la terminologie du sujet
qui a retenu notre attention dans cette recherche.
1 - PROBLÉMATIQUE
Les appellations du sujet nous replongent très souvent
dans nos leçons de grammaire scolaire. C'est le cas des
dénominations telles que sujet réel, sujet apparent.
D'autres terminologies par contre sont si complexes qu'elles se prêtent
à des analyses purement universitaires. Nous le voyons à travers
SN1, prime actant, N0. La tendance à l'extension des
désignations du sujet dénote, sans aucun doute, des divergences
dans la perception de cette fonction. Il est donc évident que les points
de vue sur le concept sujet évoluent. Ils évoluent d'autant que
les analyses s'affirment et deviennent rigoureuses. A propos, Dubois et alii
(1973 :486) affirment que la terminologie d'une science constitue un
ensemble de termes définis rigoureusement par lesquels
elle (la science) désigne les notions qui lui sont utiles.
La richesse des désignations que nous relevons en
grammaire va donc à l'encontre du principe d'univocité
souligné par Dubois.
La grammaire étant une discipline scientifique, quels
sont donc les critères définitoires des terminologies
grammaticales du sujet?
Cette question est le noeud de notre travail dans lequel nous
nous proposons d'abord de faire l'inventaire des appellations du sujet, ensuite
de chercher à établir un lien entre les désignations de
ce constituant et son contenu, de présenter les motivations des
terminologies et enfin, de dégager s'il y a lieu les
inconvénients liés à la multiplicité de
dénominations.
Etant entendu que tout terme est chargé de
significations liées à son origine, la diversité des
définitions données à un même mot traduit les
nuances de perception que les utilisateurs ont eues de lui tout au long de son
évolution. Au-delà de cette problématique, quelles sont
les motivations qui nous ont poussé à choisir ce sujet ?
2 - MOTIVATIONS
Notre préoccupation est de rechercher les contours de
l'éventail des terminologies du sujet et de dégager les facteurs
de leur multiplication car le sens et la syntaxe qui influencent la
définition du sujet seraient à l'origine de ses appellations. Et
les grammaires théoriques qui servent de source aux manuels scolaires
rejettent la désignation primitive sujet utilisée par
ces grammaires scolaires.
En effet, la grammaire traditionnelle par la voix de Grevisse
(1993 : 305), de Chevalier et alii (1989 :176) perçoivent le
sujet tel que le définissent Arrivée et alii (1997 :654).
Ceux-ci reconnaissent que le sujet est l'être ou la chose qui fait ou
subit l'action ou qui est dans l'état exprimé par le verbe.
Mais, Riegel et alii (1994 :130) de même que
Gardes-Tamine (1998 : 122-124) trouvent la définition des
traditionalistes trop restrictive. En effet, celui qui fait l'action ne saurait
être nommé sujet, estiment ces auteurs. Le verbe assigne
à son premier actant un rôle sémantique. La fonction sujet
s'ouvre alors à diverses interprétations. Elle peut par
conséquent prendre plusieurs teintes selon le sens que lui impose son
verbe.
Sous un autre angle, Martinet (1979 : 153-158) et Leeman
(1990 :77-79) proposent plusieurs critères identificatoires du
même concept ; ils reconnaissent que le sujet est le groupe nominal
qui s'accorde avec le verbe. Il représente donc le principal terme de la
phrase qui modifie le verbe sur le plan morphologique ; il est le terme
préposé au verbe et appartient à la catégorie du
substantif. Pour Galichet (1971 : 116), si le mot qui énonce cette
fonction était subordonné au verbe, il serait possible de le
nommer sujet. Or, ce prétendu sujet subordonne le
verbe en lui imposant ses caractéristiques morphosyntaxiques. L'auteur
propose donc que ce terme soit désigné par
régent.
Toutes ces études montrent l'évidence de la
problématique que pose le constituant sujet et plus
précisément sa terminologie.
D'un ouvrage à un autre, la fonction sujet est
abordée dans ses aspects généraux. C'est à croire
que les grammairiens se préoccupent surtout de chercher les
critères opératoires capables de favoriser une identification du
sujet dans une phrase. Ces critères sont ceux qui doivent lever
l'équivoque ou le malaise que l'on éprouve à
définir cette notion.
La terminologie du sujet qui nous intéresse n'a pas,
à l'état actuel de nos recherches, fait l'objet d'une
étude. De tous les travaux réalisés à
l'université de Yaoundé I concernant la fonction sujet sur
lesquels ont porté nos investigations, nous n'avons pas trouvé un
seul qui se soit appesanti sur la désignation de ce constituant de
phrase. Cependant, il est à signaler les travaux d'Onguéné
Essono Ch. (2001 :135-136) sur l'incommunication en discours
pédagogique : le cas de l'enseignement de la fonction sujet.
L'auteur axe son analyse sur les méthodes d'apprentissage de la notion.
L'intérêt de ce travail est donc de lever un pan de voile sur la
pléthore des terminologies du constituant sujet. A ce propos, l'auteur
déclare
De nombreuses définitions du sujet émaillent
ouvrages de grammaire et manuels scolaires. Cet éparpillement est la
résultante inévitable d'une divergence d'approches
consécutives à une diversification des points de vue par lesquels
la notion est appréhendée. On distingue : le sujet
psychologique qui se présente comme le point de départ
de la pensée, le sujet logique assimilable [...] au
thème ou au topic, le sujet
sémantique qui fait ou subit l'action [...], le sujet
grammatical, élément qui précède le verbe.
La multiplicité d'appellations est une des
conséquences des divergences de vues relevées au niveau de la
définition du concept sujet.
Dans ce travail, nous nous fixons comme objectifs, sur le plan
épistémologique, d'identifier les critères qui
influencent les terminologies du sujet, de chercher les motivations de ces
différentes désignations et enfin d'amorcer
l'élaboration d'un répertoire des appellations de ladite notion.
Par ce travail, nous comptons apporter notre
modeste contribution à la connaissance des dénominations du
sujet, un aspect du sujet à ce jour occulté.
3 - CADRE THÉORIQUE
Notre étude, faut-il le souligner, porte sur les
différentes dénominations qu'utilisent les grammairiens pour
désigner le constituant sujet. Etant donné que nous analyserons
toutes les appellations du sujet, appellations qui recouvrent d'ailleurs
plusieurs théories grammaticales, nos analyses iront de ce fait de la
grammaire Antique aux différentes approches modernes de la notion en
passant par la grammaire classique. Il ne nous semble donc pas opportun de nous
confiner dans une théorie de référence, aucune d'entre
elles ne pouvant d'ailleurs couvrir la totalité de notre étude.
Néanmoins, pour analyser quelques valeurs sémantiques du sujet,
nous nous servirons des travaux de la grammaire casuelle d'Anderson et de la
critique que l'auteur fait de l'approche de Charles Fillmore.
Il convient cependant de relever que l'auteur fait une
étude sémantique des verbes. Bien que la grammaire des cas ne se
préoccupe pas de manière spécifique du constituant sujet,
elle nous permet de justifier certaines nuances de la notion que nous avons
dégagées au cours de nos lectures.
4 - MÉTHODOLOGIE
Dans la conduite de ce travail, nous avons, sur le
plan pratique, exploité plusieurs ouvrages de grammaire. De ces
lectures, nous avons tiré dix dénominations du
sujet, plusieurs valeurs et autres supports morphologiques dudit constituant.
Les appellations identifiées ont fait l'objet d'un dépouillement
qui a donné lieu à un classement par tendance. La
première relève de la sémantique et la deuxième
concerne la syntaxe.
Pour soutenir l'analyse de ces désignations, nous avons
constitué un corpus de 1500 occurrences tirées de quelques
numéros de Cameroon Tribune de la période d'octobre
à décembre 2003 ; les rubriques relatives à
l'économie et à la société ont tout
particulièrement retenu notre attention, en raison de la richesse et de
la diversité des thèmes qui y sont abordés. Par ailleurs,
ces occurrences ont été classées suivant les types des
dénominations du sujet rencontrées.
5 - PLAN DU TRAVAIL
Notre travail a un plan en trois chapitres. Le premier, qui
est un aperçu théorique de la fonction sujet va de la
période préclassique à la période moderne en
passant par l'âge classique. Ce chapitre se propose d'une part de passer
en revue les différentes définitions que le sujet a connues, de
circonscrire l'éventail de ses dénominations et d'autre part,
d'amorcer l'élaboration du répertoire des appellations. Il se
poursuit par la présentation des difficultés rencontrées
dans l'application, à certaines de nos occurrences, des
définitions que les auteurs donnent du sujet. Il s'achève par une
question essentielle : quelles peuvent être les répercutions
de cette diversité de vues sur les désignations du constituant
sujet ?
Le second débute l'analyse des désignations
sémantiques du constituant sujet. Cette description permet de
dégager le fondement de chaque appellation ; de rapprocher par la
suite le contenant du contenu, c'est-à-dire, d'établir le rapport
qui peut exister entre un terme et le nom que le grammairien lui
attribue ; et enfin, de rechercher chaque fois les motivations d'une
désignation. Ce chapitre présente, lorsque cela est
évident, les possibilités de multiplication de ces
dénominations.
Le troisième chapitre parachève l'analyse de
ces dénominations sur le plan syntaxique. Il a les mêmes
préoccupations que le chapitre précédent : regrouper
les désignations et vérifier si elles représentent,
toutes, des appellations particulières du sujet. Cette étude
aboutit à une préoccupation sérieuse : quel nom
attribuer au constituant sujet pour le mettre à l'abri des aléas
sémantiques, discursives et même stylistiques ?
Ce travail s'ouvre toutefois sur une question
délicate : l'impact de la multiplication des appellations sur la
recherche et l'enseignement.
CHAPITRE 1 : LA TERMINOLOGIE DU
SUJET :
APERÇU THÉORIQUE
Notion ancienne et fondamentale dans l'énoncé,
le sujet est le premier des deux éléments nécessaires
à la construction d'une phrase. Il est donc impossible de le supprimer
sans porter atteinte à la grammaticalité de la phrase.
L'étude du sujet présente un grand intérêt tant au
niveau de sa définition qu'à celui de ses terminologies. Ce
dernier aspect a principalement suscité notre intérêt.
Selon l'une des hypothèses de ce travail, les appellations de la notion
de sujet reposent sur ses définitions. Aussi, allons-nous consacrer ce
premier chapitre à une étude rétrospective des
différentes perceptions du sujet. Ce chapitre a donc pour objectif de
faire l'inventaire des désignations du sujet, d'établir une
relation entre l'évolution des définitions du sujet et celle de
sa terminologie.
Pour y parvenir, nous distinguerons dans notre analyse les
époques préclassique, classique et structurale.
1 - LA PERCEPTION PRÉCLASSIQUE DE LA FONCTION
SUJET
La période préclassique est subdivisée en
deux époques : l'Antiquité et le Moyen-Âge. Chacune de
ces époques analyse à sa manière la fonction sujet.
1-1. LE SUJET DANS L'ANTIQUITÉ
Nous n'avons pas pu trouver des textes originaux des auteurs
que nous avons mentionnés à ce niveau de notre travail.
Cependant, Chevalier (1968), Ducrot et alii (1995) retracent les
différentes approches des grammaires antiques, et nous avons
exploité leurs travaux pour présenter cette étape de
notre travail. C'est pourquoi les textes que nous avons cités ici ne
sont tirés que des auteurs sus-mentionnés. Ainsi, pour Ducrot et
alii (1995 :93), la notion de syntaxe est abordée dans le premier
traité grammatical grec de Denys de Thrace au IIème siècle
av. J.C. Au Vème siècle de notre ère, Priscien, repris par
Chevalier (1968 :28), traite de l'arrangement des mots,
arrangement qui vise à l'obtention d'une oraison parfaite. Pour les
Anciens, le locuteur et même le grammairien classe les mots dans le but
de bâtir une oraison, c'est-à-dire, un discours. Au cours
de cette combinaison, on constate une sorte de dépendance entre les
termes constitutifs de cette oraison. L'idée de fonction
résulte donc de cette relation liant le sujet et le prédicat. De
ces deux parties qui se dégagent, Lyons (1968 :12) en rappelle les
fondements en ces termes : le sujet d'un
prédicat désigne ce dont on dit quelque chose et
le prédicat est ce qui est dit du sujet. La
dépendance dont parlent les auteurs relève de la logique.
Au terme de la période Antique, le mot sujet
constitue l'unique appellation dudit constituant.
1-2. LE CONSTITUANT SUJET AU MOYEN-ÂGE
Dans le sillage de ses prédécesseurs, Chenu
repris plus tard par Chevalier (1968 :220), explique au début du
XIIème siècle que le sujet
précède le verbe parce que le monde des essences
précède la création dans le flux du devenir et que Dieu
précède sa création. La position du constituant sujet
est précisée par Chenu, mais cette place relève de la
logique.
Selon Chevalier (1968 :53), la syntaxe
médiévale comprend trois axes qui sont la rection, le
rôle du verbe et la transitivité. Hélie, cité par
Chevalier (op.cit. : 54), affirme que régir,
c'est entraîner avec soi un autre mot de discours à
l'intérieur d'une construction pour la perfection de cette
construction.
La rection décrite par Hélie est d'ordre
logique. Aussi, se situe-t-elle en droite ligne de la perception des Anciens.
Le verbe de l'énoncé entraîne le sujet en
l'influençant par son sens ; il traduit en outre l'action. Nous
vérifions le phénomène de la rection et de la
suprématie du verbe dans [1] :
1a. Le premier ministre
préside ce matin la cérémonie d'ouverture de la
conférence [...]
(CT : 7953, n° 21, p 5) ;
1b. La dame, très énervée,
lui répond d'une voie cassante (CT: 7953, n° 21, p
5) ;
1c. Le mari travaille à
Yaoundé (CT : 7953, n° 21, p 5) ;
Les actions de présider, de
répondre et de travailler sont exprimées par
leurs verbes respectifs. Ceux-ci emmènent leurs sujets à
effectuer l'action qui est décrite. Le sujet se perçoit donc
comme une entité linguistique dont le référent est un
être animé, capable d'agir. Le verbe régit donc le
sujet.
Malgré cette approche sémantique, on se demande
pourquoi Chenu maintient l'appellation de sujet à la suite des
Anciens.
Par contre, le XIIIème siècle est
dominé par l'école dite modiste. Avec les modistes apparaît
le concept de mode de signifier. Les modistes reconnaissent
l'autonomie de l'expression et de la grammaire par rapport à la logique.
Reprenant les modistes, Ducrot et alii (1995 : 96) expliquent que le
concept de mode de signifier veut qu'un élément
grammatical ne soit pas défini par son signifier (sic), mais
par la façon dont ce signifier est visé ; par le type de
rapport institué entre mots et choses.
Selon les modistes, il existe certainement un autre type de
relation entre les éléments qui forment cette structure à
l'instar du sujet et du verbe. Ceci peut être vérifié
dans les énoncés [2] ci-dessous :
2a. Essola a vu sa condamnation se
dessiner (CT : 7735, n°32, p 9) ;
2b. Les faits remontent à
quelques semaines (CT : 7735, n°36, p 9) ;
2c. Les journalistes sont
sympathiques (CT : 7735, n°63, p 13).
En [2a] par exemple, Essola est le sujet du verbe
a vu non pas seulement parce qu'il est celui qui fait l'action de
voir, mais aussi parce qu'il existe entre ces deux termes d'autres
types de relation. Les auteurs n'expliquent cependant pas comment se
manifestent ces autres relations et ne disent pas non plus comment
procéder pour les démêler.
Par là, les modistes affirment que la logique et la
structure appartiennent à deux plans distincts de l'analyse. Les auteurs
ont toutefois conservé le terme sujet utilisé depuis
l'Antiquité. Ce qui nous pousse à nous interroger sur leurs
motivations.
La théorie des modistes sera cependant remise en cause
par d'autres grammairiens en l'occurrence, Meigret et Paillot. En effet, entre
le XIVème et le XVème siècles, la
position de Meigret, rappelle Chevalier (1968 :222), est la
suivante :
J'appelle le nom surpozé ou
appozé celuy qui gouverne le verbe e le
souspozé, celuy qui est gouverné [...] Ce qui ne doit pas
s'entendre selon l'ordre de paroles, mais selon le sens : car celuy qui
gouverne est réputé être verbes actifs, come ajant, et
celuy qui est gouverné come pacient e o contrer' é verbes
passifs ; car lors le soupozé est le
pacient e le surpozé
l'ajant. (sic)
Cet auteur décrit ainsi la structure d'un
énoncé selon un ordre sémantique. Il précise bien
que l'ordre dont il parle n'est pas un ordre syntaxique, mais sémantique
ou logique comme on peut le noter en [3] :
3a. La CNPS a effacé son ardoise
(CT : 7735, n°18, p.9) ;
3b. Le conducteur est anéanti
et abandonné dans le buisson (CT : 7735,
n°56, p.11) ;
3c. De son côté,
l'accusé rejette ces faits (CT :
7735, n°48, p.9).
Les noms CNPS, conducteur et
accusé sont subordonnés à leur verbe respectif
(effacé, anéanti et rejette) parce qu'ils font chacun
l'action exprimée par ces verbes. En [3a] et [3c], Meigret les baptise
ajants alors qu'en [3b], le conducteur subit l'action
effectuée par un tiers. Pour cette raison, l'auteur le nomme
pacient. A ces deux valeurs se superposent celles de
surpozé et de soupozé, deux mots identiques
à ajant et à pacient. Cette conception
prévoit plusieurs valeurs du constituant sujet.
Meigret revalorise ainsi la position de ses pairs du
XIIème siècle en ménageant toutefois une
ouverture aux implications de la perception sémantique sur les
désignations de la fonction sujet. Cette ouverture incite à
s'interroger sur les rapports susceptibles d'exister entre les
désignations de Meigret et les actions qu'il décrit.
A la fin du XVème siècle, Antoine
revient sur les propositions des modistes. Cet auteur cité par Chevalier
(1968 : 220) assure
qu'au commencement de la matière, il
y a ung nom substâtif ou un pronom primitif et après sensuit ung
verbe personel de meuf finy requerât avoir un nominatif cas devant luy
pour sô suppost si comme on dit magister legit. (sic)
Antoine décrit ainsi la phrase sur le plan de la
structure. La matière dont parle l'auteur est la phrase. Celle-ci
commence donc par un nom ou un pronom, puis vient le verbe à une forme
finie. Et le cas nominatif préposé à ce verbe lui sert de
support en même temps qu'il le régit. L'auteur tente d'expliquer
ce que les modistes ont énoncé auparavant. Cette approche domine
presque le siècle suivant.
En effet, le XVIème siècle conforte
le point de vue d'Antoine. D'ailleurs, pour Scaliger, explique Chevalier
(1968 : 184) :
Toute phrase, pour exprimer une pensée,
doit être référée aux cinq rapports logiques
fondamentaux : car dans toute action, il y a ce qui fait, ce qui est fait,
ce qui reçoit la chose, la privation et la fin dont elle est
cause.
Une pareille perception aurait incité à voir en
son auteur un logicien, s'il n'avait lui-même levé
l'équivoque en précisant que
le grammairien devra donc toujours soigneusement
distinguer le plan des
relations syntaxiques [...] de celui des liens
sémantiques qui se dévoilent
dans la réalisation du discours
[...].
Si le sens est envahissant, l'auteur craint ses
répercussions sur la désignation de la fonction sujet. Le
XVIème siècle renforce la perception syntaxique avec
une évolution certaine au niveau de la terminologie des fonctions
syntaxiques.
En définitive, de l'Antiquité au
XIIème siècle, c'est l'immobilisme, la seule
appellation de sujet prévaut. Le
XIIIème siècle marque le début de
l'élargissement des perceptions de la fonction de sujet sans pourtant
lui apporter une dénomination nouvelle. Les XIVème et
XVéme siècles confirment l'évolution avec
l'apparition des valeurs sémantiques du sujet telles que agent,
patient. Au XVIème le constituant sujet est nommé
primus, le COD segundus et le COI
tercius. Ces numéros d'ordre correspondraient à la place
de ces éléments dans la phrase. Cette tendance se poursuit
même au cours de la période classique.
2 - L'APPROCHE CLASSIQUE DU SUJET
2.1. LA PERCEPTION DU SUJET PAR PORT-ROYAL
Née au seuil de la deuxième
moitié du XVIIème siècle, la grammaire
générale et raisonnée attribue au sujet les
mêmes propriétés sémantiques et logiques que
l'Antiquité et le Moyen-Âge. Pour Arnauld et Lancelot
(1969 :13)
le jugement que nous
faisons des choses ( comme quand je dis : la terre est
ronde) enferme nécessairement deux
termes ; l'un sujet, qui est ce dont on
affirme, comme
terre ; et l'autre appelé attribut
qui est ce qu'on affirme,
comme
ronde [...]
La notion de sujet chez ces auteurs prend
racine dans les catégories logiques d'Aristote. Il existe, de ce fait,
une analogie interne entre la parole et le contenu qu'elle véhicule.
L'énoncé devra alors être analysé non selon sa
structure externe, c'est-à-dire, la syntaxe, mais selon la structure de
la pensée qu'elle est censée reproduire.
7a - Les autorités essaient
d'apporter une réponse (CT 7951, n°50, p.5) ;
7b - La direction [...] demande aux
organisations de régler le complément (CT 7951, n°50,
p.7) ;
7c - Les opérations seront
facilitées [...] (CT 7951, n°17, p.7).
Nous constatons que dans [7], les groupes nominaux
les autorités, la direction et les
opérations régissent effectivement leur verbe respectif
(essaient, demande et seront facilitées) en leur imposant leurs
marques de personne, de nombre et même de genre [7c]. Ce point de vue
n'est pas profondément analysé par cette grammaire. Il marque
pourtant l'aspect descriptif vers lequel semble tendre cette nouvelle
génération des traditionalistes. Parler des marques traduit
déjà un regard sur un énoncé non plus seulement sur
le plan logico-sémantique, mais aussi sur le plan de la construction. Il
existe entre le sujet et le verbe une connexion syntaxique qui se manifeste par
les caractéristiques morphologiques du sujet sur le verbe.
La grammaire classique maintient, dans l'ensemble, la position
de l'Antiquité. Toutefois, elle ménage à nouveau une
ouverture à l'évolution des terminologies par l'adoption des
terme et expressions thème, sujet réel,
sujet apparent pour désigner le constituant qui
assume dans la phrase la fonction sujet. Une même notion présente
plusieurs terminologies. Quel est en fait le rapport entre chaque
désignation et son contenu ? Pourquoi les auteurs créent-ils
d'autres appellations alors que le contenu semble être identique à
celles qui existent déjà ? Les néo-classiques
amorcent cependant une étude du sujet sur le plan morphosyntaxique.
Cette brèche entrouverte par la grammaire traditionnelle sera largement
exploitée par la grammaire structurale.
3 - LE POINT DE VUE DU STRUCTURALISME SUR LA
NOTION
DE SUJET
Née au début du XXe siècle, la
linguistique structurale se propose de rendre compte de la structure des
langues avec plus d'efficacité. Elle a donné une nouvelle
impulsion à l'activité grammaticale par l'introduction des
méthodes capables de décrire le fonctionnement réel des
langues. Les écoles linguistiques qui en découlent ont
donné naissance à diverses tendances grammaticales qui sont pour
l'essentiel : le fonctionnalisme, le distributionnalisme, la grammaire
générative et transformationnelle, la grammaire
dépendancielle et la grammaire prédicatrive. La grammaire
structurale se propose alors de rendre compte de la phrase non plus sur le plan
sémantique uniquement, mais aussi sur le plan structural. Cette
grammaire se préoccupe donc tout particulièrement de
l'organisation des mots et des constituants de phrase. Elle subordonne, sans le
négliger, le sens à la syntaxe.
Ce mode de combinaison est la syntaxe. C'est ce que cherche
à définir la grammaire structurale. Celle-ci affirme en effet que
les propriétés formelles suffisent à expliquer le
fonctionnement syntaxique du sujet. Ainsi perçues, l'organisation
syntaxique et l'organisation sémantique se situent sur deux
schémas distincts et ne peuvent prêter à confusion.
Il ne s'agit pas de faire ici une étude
systématique de chaque théorie linguistique. Notre tâche
consiste tout simplement à évaluer l'approche de la notion de
sujet par chacune d'elle, notamment la définition et le nom qu'elle
donne au constituant sujet.
3-1. LE SUJET PERÇU PAR LE
FONCTIONNALISME
La perception du sujet par le fonctionnalisme découle
de la fonction qu'il donne à la langue. Celle-ci a pour finalité
de véhiculer les pensées. Par elle, les hommes communiquent leurs
expériences. Cette communication se traduit dans les
énoncés qui sont l'objet de diverses études.
Dans ce sens, Martinet (1979 :159) découpe la
phrase en deux parties. La première relève du sujet et la
seconde, du prédicat. Ce découpage donne des
énoncés [8] le schéma suivant :
8a. La brise matinale / souffle (CT
n°7946, n°11, p.5) ;
Sujet prédicat
8b. Elle / quitte le lit (CT
n°7953, n°99, p.13) ;
Sujet prédicat
8c. Cette richesse / attise des
convoitises ( CT n° 7953, n°3, p.5).
Sujet prédicat
Les GN la brise matinale, cette richesse et
le pronom personnel elle sont appelés sujet alors que
souffle, quitte le lit et attise des convoitises sont des
prédicats. Cette bipartition n'est pas fondée sur la logique,
mais sur la syntaxe.
Ce genre d'analyse distingue Martinet des Anciens et des
Classiques. Pour Martinet (op.cit : 157), le sujet fait partie du noyau
nominal ; il reconnaît que le sujet est l'un des compléments
qui apporte au procès une information particulière. Il est ce qui
demeure après la suppression des expansions non essentielles du
prédicat. Entre le sujet et le prédicat, il existe, de ce fait,
une relation d'interdépendance. L'un ne peut exister sans l'autre. Le
constituant sujet peut subir l'influence du verbe et prendre diverses valeurs.
Par conséquent, si ce constituant est même
considéré comme sujet de l'énoncé, on ne
saurait lui donner une définition du type le sujet est celui qui
fait l'action, estime Martinet. Ceci se vérifie dans [9] :
9a. Les enfants vont à
l'école...(CT n°7953, n°11, p.13) ;
9b. Les enfants avaient été
brûlés par un incendie ...(CT n°7953, n°64,
p.14) ;
9c. Une trentaine d'infirmiers [...] vont
être formés (CT n°7951, n°86, p.15) ;
9d. 3% des enfants souffrent de
troubles mentaux ( CT n°7951, n°90, p.15).
En effet, dans [9a], enfants assume la fonction
d'agent parce qu'il fait l'action d'aller, dans [9d] enfants
est patient et dans [9c] infirmiers est
bénéficiaire.
Martinet relève que ces nuances ne sont pas
spécifiques au sujet. L'agent, le patient ou
même le bénéficiaire de l'action peuvent occuper
des postes syntaxiques autres que celui du sujet. Dans [9b] par exemple,
l'action de brûler est faite par un agent qui n'est pas le sujet du verbe
avaient été brûlés ; cet agent
(incendie) est au contraire complément d'agent de ce verbe.
A la suite de Martinet, Popin (1993 : 56)
reconnaît que le verbe nomme soit une action, soit un état
ou un changement d'état, soit un mouvement.
S'il affirme que celui qui fait l'action peut être
l'agent, il nuance cependant sa position par rapport à celui
qui la subit. En [9d], Popin trouve que le sujet ne subit pas la
souffrance ; il désigne l'endroit où s'exerce la douleur
décrite par le verbe ; pour ce faire, il est appelé
siège parce que ce terme est sujet du verbe subjectif
souffrent. Cependant, l'auteur ne définit pas clairement ce
qu'est un verbe subjectif. Il n'en propose pas non plus une liste.
Pour abréger cette polémique, Martinet
(1979 : 158) conclut que le sujet n'a pas de valeur
propre et c'est le sens du verbe qui va déterminer la valeur de la
fonction. Ces valeurs peuvent par conséquent être
variées selon le verbe employé. Ce qui présage leur
diversification.
Pour la grammaire fonctionnelle, le mot sujet est
conservé pour nommer ladite fonction.
3.2 - LE POINT DE VUE DU DISTRIBUTIONNALISME SUR LE
SUJET
Le distributionnaliste appréhende la notion de sujet
à partir de l'analyse qu'il fait de la parole. Pour lui, un acte de
parole n'est ni une expression de la pensée ni un outil de
communication. La parole est un comportement d'un type particulier, et ce
comportement est humain. Elle devrait, à cet effet, être
expliquée à partir des situations dans lesquelles elle
apparaît. Pour Dubois et alii (1973 : 164-165) la grammaire
distributionnelle
a son origine dans la constatation empirique que
les parties d'une langue ne
se rencontrent pas arbitrairement les unes par
rapport aux autres [elle se
propose] de décrire les
éléments d'une langue par leur aptitude (possibilité ou
impossibilité) à s'associer entre
eux [ ...]
L'analyse distributionnelle est donc la tendance de la
linguistique structurale qui a pour objet de décrire les unités
d'une langue en fonction de la possibilité que celles-ci ont de
s'associer entre elles par des procédés de segmentation et de
classification. L'analyse distributionnelle se garde de toute
considération sémantique. Ducrot et alii (1995 :49-52)
rallient cette idée des auteurs du dictionnaire linguistique et
s'opposent, sur ce point, au fonctionnaliste et aux mentalistes. Ainsi,
dans les exemples suivants :
10a. Kribi a su bâtir son
tourisme ( CT 7946, n° 22, p.5) ;
10b. Le maire de Kribi a
initié des travaux d'assainissement [...]( CT n° 7946,
n° 23, p.5) ;
10c. Le campus d'Ekounou
n'héberge que la filière gestion (CT n°7951,
n°127,p.17).
les constituants en gras peuvent commuter entre eux tout en
respectant la position syntaxique de chacun. Nous pouvons donc avoir en [10']
les structures suivantes :
10'a. Kribi a initié des
travaux d'assainissement ...
10'b. Le maire de Kribi n'héberge que
la filière gestion
10'c. Le campus d'Ekounou a su
bâtir son tourisme
Les expansions occupent dans la phrase les mêmes
positions syntaxiques que les constituants initiaux. Ils sont
préposés au verbe ; ils sont donc des sujets selon que le
reconnaît Dubois (1967 : 17)
l'ordre des syntagmes nominaux relativement aux
verbes permet de distinguer
le syntagme nominal sujet qui lui est
préposé et le syntagme nominal objet qui
lui est post posé
Schématiquement, Dubois représenterait [11] de
cette manière :
- Le Premier Ministre
/...préside / la cérémonie d'ouverture de la
conférence.
(SN1) ( V ) (
SN2)
[P1] = [ (SN1) + ([ V ]) + [( SN2 )] où SN1
représente le sujet du verbe, V le verbe et SN2 le complément.
En définitive, le distributionnalisme privilégie
l'analyse syntaxique. Il ne fait aucun cas du sens. De ce fait, il attribue des
numéros d'ordre aux différents éléments de la
phrase ; le chiffre 1 adjoint au premier SN de la phrase fait de lui le
SN1. Ce SN1 est donc le nom que cette grammaire donne
au constituant sujet. Ce procédé d'analyse dont nous devons
l'initiative aux grammairiens médiévaux a été
complété sinon enrichi par la grammaire générative.
3.3 - L'APPROCHE DU SUJET PAR LE
GÉNÉRATIVISME
L'idée que la grammaire générative et
transformationnelle a du sujet résulte de l'intégration de la
sémantique à l'ensemble de son modèle linguistique. Il
pense de ce fait qu'en négligeant le sens, la commutation peut aboutir
à des énoncés ambigus et parfois agrammaticaux. Pour
Dubois et alii (1973 : 216), cette grammaire définit la fonction
comme la relation grammaticale que les éléments d'une
structure entretiennent entre eux dans cette structure.
De manière schématique l'énoncé
[12] a la structure suivante :
Le samedi est consacré au
grand ménage (CT n°7953, n°105, p.13).
SN SV P SN + SV
Ceci se justifie par le fait que distributionnalisme et
générativisme rejettent la langue prise comme expression de la
pensée. Cependant, la grammaire générative déplore
le fait que la grammaire distributionnelle se contente de décrire les
phénomènes syntaxiques sans pour autant les expliquer. Cette
grammaire veut donc pallier ces insuffisances. A cet effet, elle intègre
la sémantique à l'ensemble de son modèle. Ainsi, les
règles de réécriture lui permettent de présenter
les constituants et l'ordre dans lequel ils apparaissent dans une phrase. De
manière graphique, les règles de réécriture sont
représentées sous la forme d'arbres syntaxiques. Avec Roberge,
(2002 :3), nous avons ci-dessous une forme simplifiée de cet
arbre :
W : représente la phrase
X,Y, Z : représentent les noeuds
T, U : représentent les branches,
c'est-à-dire les syntagmes qui sont une projection de la
catégorie. X représente, dans cet arbre, le noeud nominal (SN)
sujet.
Dans [13] de Roberge (op.cit)
Son chien mange un os dans la
cuisine,
nous avons l'arbre syntaxique suivant :
W = Ph : son chien mange un os dans la cuisine
X = SN : Son chien
Y = SV : mange un os
Z = SP : dans la cuisine
T, U = : Det (son), nom (chien) ou Det (un), nom (os) ou
encore Det (la) (cuisine).
Le schéma ci-dessus révèle que SN est un
noeud terminal. C'est ce noeud qui est le sujet. Il s'inscrit dans une
structure hiérarchisée des constituants de la phrase. Celle-ci
comporte à la base les couples (Det+nom), (V+SN) et (P+SN). Ce qui donne
respectivement les noeuds SN, SV et SP.
Nous notons plusieurs SN dans la phrase. Ceci pose le
problème de l'identification du sujet parmi ces SN. Pour résoudre
cette difficulté, Roberge fait une analyse des traits lexicaux de chaque
constituant. Ainsi, dans [13], les SN (un os et la cuisine) ne peuvent
être sujet de mange. En effet, ce verbe exige comme sujet un
être animé humain ou non.
Tout en privilégiant l'analyse structurale de la
phrase, la grammaire générative reconnaît un rôle au
sens. Cette grammaire ne s'intéresse pas aux différents
éléments de l'énoncé parce qu'ils assument des
fonctions, mais elle montre comment ceux-ci se combinent entre eux pour former
des phrases. Aussi, les désigne-t-elle par des symboles (SN, X, Y...).
En conséquence, le constituant sujet peut, selon
l'humeur de l'auteur être nommé SN0, X, etc. La
dénomination du sujet est davantage banalisée par cette recherche
obstinée de simplification.
3.4 - LE SUJET VU PAR LA GRAMMAIRE
DÉPENDANCIELLE
La théorie dépendancielle décrit les
fonctions syntaxiques dans un énoncé pour indiquer le
réseau de dépendance qui existe entre les éléments
de cet énoncé. Ce réseau de dépendance marque la
connexion, c'est-à-dire le lien susceptible d'unir les unités
d'une phrase : le verbe et son sujet, le verbe et son complément
par exemple. Cette grammaire se fonde sur les principaux
concepts suivants: la connexion, la translation et la jonction.
Tesnière (1976 :11) représente ces relations par un arbre
qu'il appelle stemma. Il reconnaît que la phrase est un ensemble
organisé dont les constituants sont des mots. Dans la phrase, il
étudie les diverses relations à deux niveaux : une relation
du premier niveau entre le prédicat et ses subordonnés (ou
dépendants) et une relation du deuxième niveau avec les
circonstants.
Les subordonnés immédiats du verbe sont
appelés actants par l'auteur. Tesnière (op.cit : 205) les
considère comme :
des êtres ou des choses qui, à un titre
quelconque et de quelque façon que ce
soit, même à titre de simples figurants et
de la façon la plus passive, participent
au procès, [...] les actants sont toujours des
substantifs ou des équivalents de
substantifs.
Ces différents actants ne remplissent pas les
mêmes fonctions. Ils sont classifiés selon un numéro
d'ordre, numéro qui reflète leur degré de participation
dans la réalisation du procès. Le premier de ces actants est
l'équivalent du sujet sémantique (celui qui fait
l'action) selon Tesnière (op. cit.:107), il porte le nom de
prime actant : il annonce les deux autres (second et tiers)
actants. C'est le cas des groupes de mots les enseignants, les
étudiants, le champ communautaire dans les énoncés
suivants :
14a. Les enseignants
apprécient cette ambiance de travail (CT 7953, n°85,
p.12) ;
14b. Les étudiants effectuent
des stages en entreprise (CT 7953, n°86, p.12) ;
14c. Le champ communautaire a
beaucoup produit (CT 7953, n°96, p.13).
L'auteur attribue à ces syntagmes nominaux le nom de
prime actant parce qu'ils participent à la réalisation
du procès soit pour apprécier [14a], soit pour
effectuer [14b], soit pour produire [14c]. La grammaire
dépendancielle voit ainsi l'énoncé comme un drame dans
lequel le prédicat représente le procès lui-même. Ce
procès, c'est l'action selon la grammaire traditionnelle et les
participants à cette action sont les dépendants du
procès.
Tesnière enrichit les dénominations des
structuralistes en introduisant le terme prime actant
pour designer le constituant sujet. L'auteur emploie une appellation complexe.
Ce n'est plus une unité lexicale. Il y a lieu de s'interroger sur le
lien susceptible d'unir le premier terme (prime) au second
(actant).
3.5- LA PERCEPTION DU SUJET PAR LA GRAMMAIRE
PREDICATIVE
Il ne s'agit pas de faire une étude profonde de la
grammaire prédicative, mais de relever que dans son étude de la
phrase, Riegel et alii (1994 :228) et Riegel (2002 : 50) donnent de
la phrase la représentation suivante:
N0-V-[N1]-[X] : N0 = constituant sujet
V = Verbe
N1 = COD
X = l'attribut
Ainsi dans les énoncés [15] :
15a. Le gouverneur a mis tous les
moyens à notre disposition (CT : 7735, n°70, p9) ;
15b. La police nationale a
renforcé sa présence sur les lieux (CT : 7957,
n°104, p11) ;
15c. Les exposés ont produit
des débats riches (CT : 7957, n°3, p6) ;
15d. Pourquoi les hommes
sont-ils si incrédules ? (CT
n°7735, n°60, p.7).
Ainsi, la grammaire prédicative donne pour nom au
constituant sujet (en gras ) le symbole N0. En [15d],
Riegel et alii (1994 : 139 ) reconnaissent au SN les hommes
le nom de sujet nominal et à il celui de
sujet pronominal. L'analyse que nous comptons faire dans la suite de notre
travail dira si ces expressions représentent aussi des
désignations de ce constituant de phrase.
Par ailleurs, le sujet est défini suivant les
écoles de grammaire. Pour Onguéné Essono Ch.
(2001 :135)
Cet éparpillement est la résultante
inévitable d'une divergence d'approches consécutives à une
diversification de points de vue par lesquels la notion est
appréhendée.
Les divergences naissent de l'embarras que les auteurs ont
à donner au concept sujet une définition stable. Chaque
école présente donc des insuffisances dans ses acceptions. Ce qui
risque de provoquer des difficultés dans la dénomination du
constituant de ladite fonction. C'est dans ce sens que nous avons jugé
nécessaire de faire, à ce niveau, le point sur les
définitions du sujet.
4. LIMITES DES DEFINITIONS ET DES MODES
D'IDENTIFICATION DU SUJET
Dans l'évolution des différentes perceptions du
sujet, on observe des lacunes à tous les âges :
période traditionnelle et époque structuraliste. Cependant
l'Antiquité et la période classique peuvent être
associées puisque leurs vues se recoupent.
4.1. LES INSUFFISANCES DANS LA DEFINITION
TRADITIONNELLE
DU SUJET
La perception traditionnelle de la notion de sujet
soulève beaucoup de difficultés. Certaines ont été
notées par Petiot (2000 :27) en ces termes :
La grammaire scolaire retient traditionnellement une
approche notionnelle, peu cohérente, ce que manifeste l'emploi du
ou disjonctif dans la définition de la fonction :
« le sujet est l'être ou la chose qui fait
ou subit l'action ou qui est dans
l'état exprimé par le verbe »...Á cet embarras,
signalé par le ou, s'ajoutent la confusion entre les signes
linguistiques et leurs référents, et la difficulté
d'appliquer à toute phrase verbale cette définition.
Ce problème surtout didactique se poursuit par le fait
que la grammaire notionnelle affirme que le sujet vient aussi en réponse
à une suite de questions. Cette affirmation présente des limites
tant au niveau du questionnement qu'à celui de l'action. Ainsi, dans les
énoncés ci-après :
16a. L'université
connaît beaucoup de difficultés (CT : 7946,
n°76, p12) ;
16b. Cet enfant a environ 10 ans
(CT : 7945, n°46, p8) ;
16c. Consulter un psychiatre est
pour certains s'avouer fou (CT : 7951, n°85, p 15) ;
16d. Qu'il fût plus utile que
Katow n'était pas douteux (Chevalier 1989,
111) ;
16e. Les gibiers sont chassés
de leur territoire par les lions (CT : 7945, n°2, p14).
les groupes de mots en gras sont dits sujet. Cependant, il
n'est pas toujours aisé de voir les actions qu'ils posent. En effet, si
l'action exprime un mouvement, un être agissant, les verbes en italique
dans [16a, b, c et d] n'ont pas cette propriété. On a
plutôt l'impression qu'ils expriment un état. Par ailleurs,
l'entité (université) en [16a], avec les traits
sémantiques [- Humains + - Animés] n'est pas en mesure d'agir,
elle ne subit pas non plus une action ; en [16b], le verbe avoir
présente, nous le pensons, une situation. Dans ces conditions, quelles
dénominations attribuer aux SN qui assument la fonction de sujet ?
En outre, le sujet est un infinitif en [16c] et une
proposition en [15d], aucun de ces éléments n'est capable
d'occasionner une action, de la subir ou même d'en
bénéficier. Ainsi, dans la logique sémantique,
devrions-nous les considérer comme sujet ? Si nous ajoutons
à ce problème le cas des énoncés suivants :
17a. Une association de la
cathédrale voudrait le réhabiliter
[...] (CT : 7951, n°2, p7) ;
17b. Le concours doit se
dérouler à Ouagadougou (CT : 7946,
n°91,p13) ;
17c. Nos hôtes rencontreront
des opérateurs économiques (CT : 7946, n°57,p8).
On peut se demander si la grammaire sémantique peut
rendre compte des énoncés dont le verbe exprime une
hypothèse comme en [17a] ou une action future comme l'indiquent les
énoncés [17b] et [17c]. Il est donc délicat de mettre
l'action au centre de l'analyse d'un énoncé. Ceci a poussé
Arrivé et alii (1997 :656) à reconnaître qu'en effet,
ces notions du « faire », du
« subir » et de « l'action » n'ont
qu'une pertinence relative.
En ce qui concerne le test de questionnement, le sujet
répond à la question de quoi parle-t-on ? qui est ce qui
... ? ou qu'est ce qui... ? Posée avant le
verbe. Dans les exemples suivants :
18a. Ma cousine, nous l'avons vue au
marché (CT : 7955, n°69, p 13) ;
18b. Les entreprises coupables de fraudes
sont sanctionnées par le gouvernement
(CT n°7946,n°115, p14).
A la question qui est ce qui a vu ? La
réponse est nous ; et à la question de qui
parle - t-on ? On répondra de ma cousine. Il est
effectivement dit d'elle qu'on l'a vue au marché. Le test de
questionnement n'est pas fiable. En effet, dans l'énoncé [18a],
le pronom nous indique l'agent de l'action de voir
et le sujet grammatical du verbe avons vue tandis que ma
cousine représente le thème du discours. Et pourtant les
deux tests de questionnement sont sensés présenter une seule et
même réalité. La différence entre le sujet de
l'énoncé encore nommé thème et le sujet
grammatical se perçoit nettement par le phénomène de
topicalisation. Il ne devrait, par conséquent, avoir aucune confusion
entre les deux aspects de la notion.
Par ailleurs, l'énoncé [18b] montre qu'il n'y a
pas que le sujet pouvant faire l'action. Celle-ci est effectuée par le
gouvernement, et le sujet (les entreprises) ne fait que
subir. Donc, les différentes valeurs que nous avons relevées au
cours de nos lectures ne sont pas propres au constituant sujet.
4.2. LES INSUFFISANCES DANS LA
DEFINITION STRUCTURALE
DU SUJET
La fonction sujet se figure parmi ce que
Creissels (1995 :203) nomme fonctions argumentales. L'auteur
déclare en effet,
Le terme de fonctions argumentales tel qu'il
est proposé ici de l'utiliser renvoie à
la possibilité de caractériser
les nominaux reliés à un même prédicat selon un
nombre limité de types de comportements
syntaxiques.
De manière globale, la grammaire moderne
considère que le constituant nominal sujet est celui qui est
postposé au verbe à qui il impose ses marques d'accord. Cette vue
est parcellaire et ne peut, à notre humble avis, rendre compte de la
globalité du sujet. Les phrases [19*] :
19*a. Le marteau ouvre la porte avec
une clef ;
19*b. Les oiseaux aboient sur la
basse cour.
sont agrammaticales. En effet, les constituants nominaux
sujets (en gras) marquent leurs verbes respectifs, chacun à sa
manière. Mais ces énoncés sont inacceptables parce qu'au
niveau linguistique, ils n'ont aucun sens. En fait, marteau et
clef dans [19*a] représentent deux instruments et le verbe
ouvrir exprime une action effectuée par un agent. Ce verbe,
dans cet énoncé, n'accepte pas deux arguments ayant le rôle
sémantique d'instrument.
Par contre, en [19*b], le verbe aboyer dans un emploi
propre requiert comme argument l'entité chien. A celle-ci
revient la propriété d'aboyer et non aux oiseaux. Même si,
sur le plan morphosyntaxique, le SN les oiseaux modifie le verbe,
celui-ci n'admet pas ce constituant pour sujet. Ainsi, la place et le type
d'argument sont préparés par le sens du verbe ; surtout que
Martinet reconnaît que la langue est un moyen de communication. Il existe
d'une part, une relation syntaxique qui lie le sujet à son verbe et
d'autre part, une relation sémantique que le verbe entretient avec son
sujet. Entre le verbe et le sujet existe une relation réciproque. Aucun
aspect ne prime sur l'autre. Il ne s'agit pas là d'une relation
d'égalité, mais d'une relation de complémentarité.
L'un ne peut exister sans l'autre. De ce fait, Petiot (2000 : 168) estime
qu'il n'est pas possible de donner au sujet une définition
comparable à celle du dictionnaire, c'est-à-dire une
définition unique et pertinente.
Un autre aspect de la difficulté vient de ce que la
grammaire moderne reconnaît que le constituant sujet est
préposé au verbe. Et pourtant dans les productions
langagières, il est possible que l'on rencontre des
énoncés avec des sujets postposés aux verbes comme le
montrent ces échantillons de notre corpus :
20a. En voilà une idée, disent
les sceptiques (CT : 7945, n°169, p 13) ;
20b. Tout se déroule bien depuis lundi denier,
affirme le docteur (CT : 7735, n°77, p
13).
Les SN (les sceptiques, le docteur), sont
respectivement sujet des verbes disent et affirme. Ces
constituants respectent les contraintes grammaticales (accord, nature,...) que
la grammaire structurale reconnaît au constituant sujet sauf celle de sa
place dans la phrase. Pour cela, il est nommé sujet
inversé. Les exceptions viennent ainsi brouiller l'harmonie qu'est
censé avoir donné au sujet la perception structuraliste.
Au terme du premier chapitre, il ressort que les
différentes acceptions que les grammaires donnent au sujet dans la
phrase sont également à l'origine de sa terminologie. Les
définitions du sujet sont soit logico-sémantique, soit
syntaxique.
Sur le plan logico-sémantique, nous avons
recensé les désignations qui sont : sujet, thème,
sujet réel, sujet apparent. A tout ceci se greffe une
pluralité de valeurs (agent, patient, site,
bénéficiare...) qui feront également l'objet d'une
analyse. Sur le plan structural, les appellations rassemblées sont
primus, SN1, SN0, régent, prime actant, N0. A ceci s'ajoutent
d'autres supports morphologiques (sujet pronominal, sujet nominal, sujet
inversé ...) qui, sans être considérées comme
des dénominations particulières du constituant sujet, feront
néanmoins l'objet d'une étude à part en temps opportun. Le
constituant sujet se retrouve toutefois avec une dizaine d'appellations, or
Creissels (op cit. 12), déclare
qu'une terminologie grammaticale doit s'efforcer
d'être le reflet d'un système de définitions qui
développe sans cercle vicieux, c'est-à-dire dans lequel la
définition d'une notion n1 ne comporte de
référence à aucune notion n2 dont la
définition ferait elle-même référence à
n1.
Le principe d'univocité des terminologies scientifiques
est ainsi rappelé pour sous-tendre notre étude. La
problématique de ce travail trouve sa justification sur cette
affirmation de Creissels. S'agissant du sujet, il résulte du principe
d'univocité des terminologies scientifiques un ensemble de
questions : pourquoi le constituant sujet possède-t-il tant de
dénominations? Quelles en sont les motivations? Quels rapports y a-t-il
entre chaque appellation et son signifié ? Quelles
difficultés peut engendrer la diversité des
désignations ? L'analyse des dénominations recensées,
que nous aborderons dans les chapitres suivants, nous permettra d'être
fixé sur ces préoccupations.
CHAPITRE II : LES TERMINOLOGIES
SEMANTIQUES DU SUJET
DU SUJET
La fonction sujet suscite un intérêt sans cesse
renouvelé. Son importance dans la phrase se manifeste par la
diversité d'appellations de ses constituants. A travers la
rétrospective des définitions de cette fonction, le premier
chapitre nous a donné l'opportunité d'une part, de mettre en
lumière la relation étroite qui existe entre l'évolution
des définitions de la notion de sujet et la terminologie et d'autre
part, d'amorcer un répertoire des terminologies sémantiques et
syntaxiques mises en évidence. L'analyse des appellations
sémantiques que nous nous proposons de faire au second chapitre a pour
but de nous fixer sur les rapports qui existent entre chaque appellation et son
contenu ainsi que les motivations des auteurs de ces appellations. Pour Baylon
et Fabre (1978 : 10) la sémantique est la discipline
scientifique qui étudie le plan du contenu linguistique, en synchronie
d'abord en diachronie ensuite. Etant la science des significations
linguistiques, elle étudie l'identité des signifiés de
même que leur valeur.
Nous examinerons tour à tour les différentes
appellations que les auteurs de grammaire attribuent au constituant sujet et
nous dégagerons, le cas échéant, leurs limites.
1 - ANALYSE DES TERMINOLOGIES LOGICO-SEMANTIQUES
DU CONSTITUANT SUJET
Les désignations liées au sens et à la
logique que nous avons recensées sont : sujet, thème,
sujet réel et sujet apparent.
1.1. Sujet
Le terme sujet est employé depuis
l'Antiquité pour désigner ce dont on parle.
C'est-à-dire le motif du discours, la matière sur laquelle porte
l'énoncé. Ce regard est fortement défendu par Wagner et
Pinchon (1962, 225). Selon ces derniers, il est question, dans un
énoncé de ce à quoi renvoie le signe linguistique
(sujet) dans la réalité extra-linguistique telle qu'elle est
découpée par l'expérience d'un groupe humain. En
clair, dans les énoncés suivants :
21a. Les anglo-saxons utilisent le
terme « bancability » (CT : 7951, n°34,
p7) ;
21b. Cette situation crée une
minoration des cotisations (CT : 7951, n°31, p7) ;
21c. Cette position est constante
depuis les enquêtes préliminaires (CT7735, n°49, p9).
anglo-saxons est l'objet du jugement dans [21a]. Il
ne s'agit pas du signe graphique qui se trouve dans la phrase, mais du
référent de ce signe. Wagner et Pinchon assimilent de ce fait le
sujet au thème.
1.2. Thème
Le terme thème représente pour Wagner
et Pinchon (1967 : 60 et 62) ce dont on parle dans un
énoncé. La priorité est offerte à l'information que
communique l'énoncé. L'essentiel pour le locuteur et
l'allocutaire n'est pas d'analyser le lien syntaxique entre le verbe et son
sujet. Mais de décoder le message. Dans les exemples
ci-après :
22a. Mais, la tâche est immense
(CT : 7951, n°149, p18) ;
22b. Son frère présente encore
des signes de vie (CT : 7953, n°77, p 12).
on parle sans distinction de tâche et
frère. Chacune de ces entités représente ce qui
est communément nommé thème de
l'énoncé ; Wilmet (1998 :460) parle de foyer
ou topic. Il s'agit du sujet qui anime le discours. La perception
linguistique de la notion de sujet est bien distincte de sa perception
grammaticale. Mais nous relevons qu'il existe une coïncidence quasi
constante entre le thème du discours et le sujet du verbe dans
ces énoncés. Ceci brouille davantage la compréhension de
ces deux notions. Pour Ducrot e alii (1995 :451) [...] le
thème, à la différence du sujet, n'est pas un segment
d'énoncé, mais un objet extérieur, auquel
l'énoncé fait allusion. Le segment
d'énoncé auquel fait allusion les auteurs est le SN sujet,
c'est-à-dire le sujet grammatical. Ceci se vérifie dans cet
exemple :
23. La retraite, tous les
travailleurs y pensent (7951, n°1, p 9).
Il est facile de savoir ce sur quoi porte le discours. On
parle de la retraite. La mise en exergue par l'emphase fait
de ce terme le thème. Il est repris à l'intérieur
de la phrase par le pronom anaphorique y. En effet, la structure
canonique de cette phrase est la suivante :
23'- Tous les travailleurs pensent à
la retraite.
Le SN la retraite représente un
complément prépositionnel. Il n'est donc pas le sujet grammatical
du verbe. De retraite est dit quelque chose. Il constitue
donc le thème pendant que le SN tous les travailleurs
est sujet du verbe pensent.
Deux dénominations (sujet logique et sujet
psychologique) se superposent à thème.
1.2.1. Sujet Logique
La perception logique du sujet date de l'Antiquité.
Cette vue a influencé plusieurs générations des
grammairiens. A la veille de l'approche classique de ladite notion, Port-Royal
prend position. En effet, pour Arnauld et Lancelot (1969 : 17) le
sujet dans la phrase se place avant le verbe, parce qu'
il y a un ordre des mots (celui qui place le nom
avant l'adjectif et le sujet avant
le verbe) qui est naturel et universel, parce que,
pour comprendre l'attribution
d'une propriété à un objet, il
faut d'abord se représenter l'objet : ensuite
seulement, il est possible d'affirmer quelque chose
de lui.
Ces auteurs confirment la position préverbale du
sujet ; position déjà évoquée par les Anciens.
En effet, le nom dont parlent les auteurs représente la substance
tandis que le verbe exprime l'action. Il n'est donc pas concevable que l'action
existe avant la matière ou le corps qui est supposé provoquer
cette action. Beauzé, expliquent Ducrot et alii (1995 : 450)
renforce cette position d'Arnauld et Lancelot lorsqu'il dit que l'art
d'analyser la pensée est le premier fondement de l'art de penser ou en
d'autres termes, qu'une saine logique est le fondement de l'art de la
grammaire.
Par ailleurs, Le Goffic (1993 : 134) et Ducrot et alii.
(op.cit : 450) s'associent à Wilmet (1998 : 461) pour
reconnaître que la dénomination sujet logique est
adoptée pour décrire l'être ou l'objet dont quelque
chose est affirmé ou nié hors focalisation. Aussi, dans
[24] :
24a. Les salles informatiques sont
équipées (CT : 7953, n°50, p.12) ;
24b. Essola ouvre la
portière d'un véhicule (CT : 7982, n°5, p. 9) ;
24c. Les eaux du Wouri scintillent
comme une grosse feuille d'agent (CT : 7957, n°65,
p.11).
Les constituants salles informatiques, Essola et
eaux du Wouri sont appelés sujet logique. Les Le
Bidois (1938 :3) expliquent l'origine de l'épithète
logique. Il provient en effet de l'ordre sujet + verbe + attribut que
le français attribue à la phrase. Cet ordre est inspiré
par l'analyse déductive. Le locuteur exprime d'abord le sujet, ensuite
le verbe et enfin l'attribut ou l'objet. Ordre logique aussi parce que, selon
ces auteurs, on ne peut concevoir une action que s'il y a un agent pour
l'exécuter. Dans cette perspective, l'agent et le
sujet logique peuvent donc représenter une seule et même
réalité comme dans [24]. La propriété logique ne
semble pas être coupée du point de vue discursif.
1.2.2. Sujet psychologique
L'expression sujet psychologique est expliquée
par Baylon et Fabre (1979 :153) comme l'être qui marque la
différence entre ce dont parle le locuteur et l'information qu'il en
donne. Il est un sujet intuitif. Dans les phrases [25] par exemple :
25a. Les trois hommes étaient
des redoutables bandits ( CT :7735, n°90, p105) ;
25b. Les pauvres bêtes
étaient des vedettes inattendues de cette fête (
CT :7735, n°26,
p9) ;
25c. Les photographes ambulants ont
envahi les lieux (CT : 7957, n°81, p.11).
la partie en gras représente le sujet du discours,
c'est-à-dire le sujet psychologique. Comme le
thème, le référent du sujet
psychologique n'assume pas forcément la fonction de sujet en
syntaxe. D'ailleurs, Wilmet (1998 : 461) prend position en affirmant
n'employer le mot thème que dans
l'acception très accueillante de sujet logique
[...]. Et Ducrot et alii (1995 :452) de renchérir le
thème d'un énoncé, c'est ce dont parle le
locuteur, ou, comme disaient les linguistes du début du siècle,
le sujet psychologique.
Dans son acception logique, les désignations de
thème, sujet logique, sujet psychologique
sont des équivalents. Entre ces terme et expressions existent une
relation d'égalité. Cela devient difficile de considérer
le terme thème comme appellation et les autres comme des
valeurs. Les appellations se multiplient donc parce que les auteurs pensent
chacun rapprocher le mieux possible le contenant du contenu et non pas parce
que la dénomination apporte, chaque fois à la notion, une
précision particulière.
1.3. Sujet réel/sujet apparent
Aux notions sujet réel et sujet
apparent, la grammaire traditionnelle ne donne aucune définition
claire. Cependant, les constituants qui représentent ces sujets dans
l'énoncé renvoient, en syntaxe, à deux fonctions bien
distinctes.
Le sujet réel est une terminologie qui
répond à la préoccupation des auteurs pour donner un sens
au questionnement qui sert à l'identification du sujet. Arrivé et
alii (1987) et même Grevisse (1993 :306) veulent une
cohérence entre la question (qui est ce qui... ?) et la
réponse qui en découle. La grammaire notionnelle ne dit pas le
rapport qu'il y a entre le terme sujet et l'épithète
réel. On ne sait pas si le sujet réel vient en
opposition à un sujet faux. Sinon quel rapport spécifique
existe-t-il entre les deux termes (sujet et réel)
? Ces questions sont aussi valables pour le sujet apparent.
En effet, sachant que l'adjectif apparent est
synonyme de vraisemblable, est-il possible de le remplacer par ce
synonyme ? Comme le sujet réel, les auteurs de cette
dénomination ne la définissent pas. Tout ce qu'ils donnent comme
critère d'identification est que le sujet apparent accompagne
les verbes impersonnels.
Ainsi, sujet réel et sujet apparent
se notent dans les énoncés ci-après :
26a. Il en résulte
différentes missions (CT : 7955, n°41, p12) ;
26b. Il faut préparer le travail
du lendemain (CT : 7953, n°106, p 13) ;
26c. Il pleuvait des bombes [...]
(CT : 1957, n°29, p8).
L'analyse grammaticale des énoncés [26] fait de
Il le sujet apparent parce qu'il est placé à
gauche du verbe à qui il impose ses marques du genre et du nombre. C'est
peut-être pour cela qu'on lui donne ce nom puisqu'en fait, dans la
perspective logique ou sémantique, on ne parle pas de il et
il ne fait aucune action. Quant au sujet réel
(en italique dans l'énoncé), il est celui qui répond
à la série de questions (de quoi parle-t-on ? qu'est ce
qui.. ?). Ainsi, on reconnaîtrait en [26a-b] qu'on parle de
différentes missions et du travail du lendemain,
pendant qu'en [26c], l'action de pleuvoir serait faite par bombes.
A cause des difficultés que nous avons
soulignées plus haut, l'approche traditionnelle de la notion crée
des divergences. Chevalier (1989 :23) trouve même bizarre
l'appellation de sujet réel. Il se rapproche de ce fait de
Tamine (1998 : 123) pour plusieurs raisons. D'abord, l'aspect
morphologique de la définition du sujet est faussé. En fait, avec
quel sujet le verbe s'accorde-t-il dans ce cas ? Il est pourtant
établi que le verbe ne s'accorde qu'avec son sujet. Le pronom
impersonnel il apparaît de ce fait comme l'unique sujet du verbe
dans [26c]. Ensuite, ces sujets dits réels ne se plient pas à la
transformation passive comme nous le voyons dans [26'c] : des bombes
étaient plu. Cette phrase est agrammaticale tandis que
l'énoncé des bombes pleuvaient, phrase grammaticalement
correcte, ne représente pas la forme passive de l'énoncé
[26c], mais une phrase entièrement à part.
Aussi, les notions de sujet réel et sujet
apparent prennent-elles des physionomies différentes suivant les
auteurs de grammaires. Tamine (op. cit: 124) pense que [...] ce
prétendu sujet réel est plus proche des compléments du
verbe et peut être appelé séquence de
l'unipersonnel.
Pour Galichet (1971 : 118), la notion de sujet
réel ne saurait être définie de manière aussi
simple. Ce sujet réel peut alors, selon la structure de la
phrase, être :
un complément du verbe impersonnel
43a. Il court sur la fontaine une rumeur de paresse et de
rêve.
un complément d'objet direct
43b. Il fut décidé qu'on tiendrait
séance tenante sans désemparer.
une apposition à il
43c. Il est certain que vous avez raison.
un complément d'existence ou complément
existentiel
43d. Il est des hommes bavards.
Ainsi, le malaise que suscitent les désignations de
sujet réel et sujet apparent est perceptible. La
notion d'action que certains auteurs mettent au centre de la définition
du sujet rend son contenu complexe et son contenant inadapté.
L'embarras que nous avons observé au niveau des définitions
sémantiques du sujet se répercute sur sa terminologie. En fait,
on se demande pourquoi chaque auteur, bien que connaissant l'existence d'un
phénomène et d'une appellation, choisit de donner une nouvelle
appellation alors qu'il n'y a parfois aucun fait nouveau dans sa perception.
Le sens, source génératrice des
désignations du sujet, occasionne également diverses valeurs sur
lesquelles nous nous attarderons. Pour exploiter ces valeurs
sémantiques, nous nous servirons de la grammaire casuelle. Et pour
présenter la théorie casuelle, nous allons nous inspirer de
l'approche d'Anderson (1975, 1998, 2004) et de la critique faite sur Fillmore
et sur les autres auteurs de cette grammaire.
2. PRÉSENTATION DE LA GRAMMAIRE DES
CAS
A l'origine, la Grammaire des cas est mise au point par
Fillmore (1965). Elle se fonde sur l'analyse sémantique des verbes dans
le but de déterminer une liste restreinte des cas sémantiques
susceptibles d'être appliqués à toutes les langues. Vu la
complexité de sa démarche, l'auteur a lui-même plusieurs
fois révisé sa théorie. Ainsi, Fillmore (1968 :5)
cité par Essaka, M. (1997 : 5) donne les objectifs de son approche
en ces termes :
la Grammaire des Cas est une théorie
sémantique qui a pour principe
d'élaborer une liste unique, universelle,
minimale et finie des Cas pouvant être
appliqués à toutes les langues.
Fillmore s'atèle donc à élaborer un
répertoire de verbes suivant le type et le nombre de leurs arguments.
Lorsqu'il parle de type, il s'agit d'étudier les traits
sémantiques de ces arguments.
Ainsi, pour la Grammaire des Cas (GC), la phrase constitue
une structure logique, c'est-à-dire qu'elle est une unité de sens
ayant un prédicat (verbe, V) et un ensemble d'arguments (les noms, C).
L'argument n'est pas ici le syntagme nominal qui peut se trouver dans
l'environnement d'un verbe et peut, selon le cas, entretenir avec celui-ci une
connexion syntaxique comme le pensent Creissels (1995) et Muller (2002) ;
mais il représente l'entité qui assure auprès du verbe un
rôle sémantique. Selon Habert (2001 :1), la phrase se
déploie dans la structure suivante :
P = V + C1 + + C3....Cn. P constitue la phrase.
La GC fait du verbe le pivot de l'énoncé. C'est
à partir de ces verbes que l'on définit, au niveau de la
structure profonde, les différents rôles, c'est-à-dire les
relations casuelles. Il ne se préoccupe pas de la structure syntaxique
de l'énoncé. Et Anderson (1975 :6) d'affirmer
les considérations du type sujet/objet
ne figurent plus dans les représentations
de structure profonde [...] ces SN peuvent
correspondre à diverses fonctions ou
relations casuelles sous-jacentes
Il s'agit par exemple du rôle d'agent, de
patient, de bénéficiaire etc. Le nom est
considéré comme une entité et non comme une
catégorie grammaticale. Nous nous inspirons de l'étude de cet
auteur pour analyser les valeurs sémantiques qui s'insèrent dans
l'étude de la grammaire casuelle.
Toutefois, avant d'exploiter la grille casuelle, il est
nécessaire de rappeler les différents concepts et principes qui
la caractérisent.
2.1. LES CONCEPTS DE LA GRAMMAIRE DES CAS
Pour développer sa théorie, Fillmore emploie des
termes et expressions qu'il convient d'élucider pour une meilleure
intelligence de la notion.
2.1.1. La notion de cas
Le terme cas est utilisé à la fois pour
désigner une catégorie grammaticale associée au syntagme
nominal dont il traduit la fonction syntaxique dans la phrase et aux
différents rôles sémantiques que le verbe impose à
ce syntagme nominal. Lorsque le cas relève de la syntaxe, Fillmore parle
de cas morphologique et lorsqu'il s'agit de la sémantique, il
parle de cas sémantique. Cet emploi est une source de
polémique. A ce propos, Anderson (1975 :1) relève que
la terminologie grammaticale de la plupart des langues qui
suivent la tradition européenne sur ce sujet (la grammaire des cas)
présente une ambiguïté systématique dans l'emploi du
terme « cas » [parce que] ce terme est employé pour
désigner à la fois une certaine catégorie flexionnelle et
l'ensemble des distinctions sémantiques que portent ces formes.
Pour une meilleure compréhension de ces concepts, il
apparaît nécessaire d'expliciter ce que les auteurs entendent par
cas sémantique et cas morphologique.
2.1.1.1. Le cas morphologique
Dans la conception traditionnelle, Arrivé et alii
(1988 :97) affirment que le terme cas représente la
catégorie grammaticale associée au nom et traduit la fonction
syntaxique dans les langues dites casuelles. Le cas morphologique, encore
appelé cas de surface relève de la syntaxe. Dans les langues
à cas comme le latin, le cas morphologique était marqué
par des désinences à la finale des termes. Cette morphologie
variait selon la fonction du mot dans un énoncé. Brunot et
Bruneau (1949 :182) reconnaissent qu'
En latin, la distinction était très
nette entre les formes du masculin, du féminin
et du neutre [...] entre les différents
cas : le nominatif, l'accusatif...
Dans ces exemples des auteurs :
27a. Filius venit (Mon
fils vient) ;
27b. Filium video (Je vois
mon fils) ;
27c. Filio scribo (J'écris
à mon fils).
le SN mon fils occupe différentes positions
dans les énoncés en français. En latin, il se traduit en
[27a] par filius, en [27b] par filium et en [27c] par
filio. On observe donc une variation au niveau des désinences
selon que le SN est sujet, COD ou COI. Cette variation ou déclinaison
renseigne sur la fonction du mot dans une phrase. Elle aboutit au
phénomène de cas. Dans [27], les cas sont, dans l'ordre, au
nominatif, à l'accusatif et à l'ablatif. Il existe cependant sept
cas dont l'ensemble constitue la déclinaison. Le nominatif
correspondant au cas-sujet et la désinence us
exprime son masculin singulier. Les cas sont donc des marques distinctives en
fin de mot.
Cependant, ces cas se révèlent également
insuffisants dans l`interprétation de la phrase. Dans [28] par exemple :
28a. Sans scrupule, Mendzenga ligote
la progéniture du procureur (CT : 7735, n°53,
p.11) ;
28a'. La progéniture du procureur
est ligotée par Mendzenga, sans scrupule.
les deux phases expriment le même contenu
sémantique. Pourtant, ces constituants assurent des fonctions
syntaxiques différentes en surface. En effet, Mendzenga est
l'agent de l'action de ligoter et progéniture en est le
patient, cette entité subit l'action exprimée par le
verbe ligoter. En surface, les SN Mendzenga et la
progéniture représentent respectivement les fonctions de
sujet et de complément d'objet direct dans [28a]. En [28a'] par contre,
il y a inversion de rôles syntaxiques même si les deux constituants
continuent d'assumer les mêmes rôles sémantiques. Les
rôles syntaxiques ne sont pas fixes, c'est-à-dire, le constituant
nominal qui assure cette fonction varie selon la structure de
l'énoncé, à la seule condition que cette transformation
préserve le sens initial. Le cas morphologique n'est donc pas totalement
dépouillé de toute considération sémantique.
2.1.1.2. Le Cas sémantique
Dans le but de déterminer le contenu sémantique
des phrases, Fillmore (1968) a reconsidéré la notion de cas qu'il
écrit cette fois en majuscule et qui renvoie à une étude
sémantique de la phrase.
Le cas sémantique est encore appelé cas profond,
rôle sémantique. Dans cette approche, le mot Cas s'écrit
avec un « C » majuscule. Fillmore (1968 :5)
cité par Anderson (2004 :2) et Essaka, M. (1997 : 8) le
définissent comme le rôle que joue les éléments
d'une phrase dans l'interprétation de cette phrase en relation avec la
prédication de cette phrase. Le rôle sémantique du
constituant sujet représente la face linguistique de la notion. Il peut
être compris comme la place qu'occupe son référent dans le
procès que décrit l'énoncé. En clair, la relation
qu'entretient un verbe avec son sujet ou son objet en syntaxe peut créer
plusieurs valeurs susceptibles d'être prises par le constituant qui
représente, dans l'énoncé, la fonction sujet. Cela
s'observe dans les énoncés suivants :
29a. [...] Un policier blesse
mortellement un jeune homme (CT : 7951,
n°40, p 13) ;
29a'. un jeune homme
est mortellement blessé par un policier
[...]
Dans l'exemple [29], les variantes active et passive d'un
même énoncé sont syntaxiquement différentes :
l'objet de la phrase active [29a] devient le sujet de la phrase passive [29'a].
Mais elles sont sémantiquement équivalentes, c'est-à-dire
qu'elles s'interprètent de la même manière. La notion de
Cas vient donc rendre compte de cette identité
d'interprétation.
Pour Anderson (1975 : 40 ), la Grammaire des Cas
s'intéresse à la nature sémantique de la structure interne
d'une phrase. L'auteur distingue donc deux éléments essentiels
dans l'attribution des rôles sémantiques : le Cas
propositionnel et le Cas modal.
2.1.1.2.1. Le cas propositionnel
Le Cas propositionnel est celui requis par le verbe. Ce Cas
provient de l'analyse de la structure argumentale du verbe.
C'est-à-dire, de l'étude des relations sémantiques qui
existent entre chaque verbe et les noms qui l'entourent. Ces cas pourraient se
dégager dans les énoncés ci-après :
30a. Les personnes en quête de logement
donnent une caution [...] (CT : 7957, n°30,
p.8) ;
30b. Après une course-poursuite, le
voleur tombe (CT : 7735, n°41, p.9) ;
30c. Plusieurs conflits opposent
également ces entrepreneurs [...](CT: 7946, n°81, p.13).
Les verbes donner, tomber et
opposer expriment les actions que les constituants en gras dans les
énoncés traduisent dans les faits. Selon la
sémantèse du verbe, on peut avoir affaire à un
agent en [30a], un patient en [30b] et une cause en
[30c]. Nous reviendrons plus en détail sur ces notions dans la suite de
notre analyse.
Par ailleurs, Chafe (1970 : 100) et Cook (1989 :
195-196) cités par Essaka, M. (1997 :36) classent les verbes
suivant les types de relation qu'ils sont susceptibles d'entretenir avec leurs
arguments qui lui sont liés. Ils distinguent de ce fait les verbes
d'état, qui expriment une situation statique. Les verbes de
processus qui expriment un événement dynamique non
agentif, les verbes d'action qui décrivent l'action accomplie
par un Agent et les verbes ambiants qui ont une structure argumentale
vide. Dans il pleut par exemple, le pronom personnel il
ne représente pas un argument. Il n'entretient donc aucune relation
sémantique avec le verbe.
2.1.1.2.2. Le Cas modal
Le cas modal représente pour Cook (1989 : 189)
cité par Essaka, M. (1997 :40) le rôle sémantique
dont le verbe n'est pas à la source. L'illustration suivante
nous situe sur ce qu'est un cas modal :
31. Le début de l'automne
marque souvent le repli des ventes du super (CT: 7946, n°7,
p.5)
Le SN en gras situe le lecteur dans le temps. Il s'agit
précisément d'un repère dans une saison de l'année.
C'est donc ce SN qui introduit dans l'énoncé la notion de temps
et non le verbe.
Les combinaisons des rôles sémantiques à
l'intérieur d'une même proposition obéissent, cependant,
à certaines contraintes que Fillmore érige en principe.
2.2. LES PRINCIPES DE LA GRAMMAIRE CASUELLE
2.2.1. Un argument ne peut porter q'un seul Cas
Lorsque Fillmore (1968 :5) repris par Anderson et alii
(1998: 9) et appuyé par Essaka, M.(1997 : 10) parle du premier
principe : One case-per-argument, il pense que dans une
proposition simple un argument ne peut porter plus d'un Cas,
c'est-à-dire, le même argument ne peut être à la fois
agent et patient par exemple. De ce fait, il ne peut y avoir
dans un même énoncé un nom ayant à la fois le
rôle d'agent et celui de patient.
Pourtant, Fillmore (1971 : 42) toujours cité par
Anderson et alii (op. cit.) renonce à ce fondement lorsqu'il constate
que certains verbes requièrent des arguments pouvant porter plus d'un
cas comme nous le voyons dans cet énoncé emprunté à
l'auteur :
32a- Jean regarde la voiture ;
32b- Le mur regarde la mer.
Dans [32a], Jean est perçu comme étant
à la fois agent et datif de l'action identifié
par le verbe. Il y a lieu de se demander si mur dans [32b]
répond aux mêmes critères. Pour mieux comprendre la notion
d'agent et de datif, nous y reviendrons plus loin.
2.2.2. Un même cas ne peut apparaître
qu'une seule fois dans une
phrase simple
Ce deuxième principe, explique Anderson
(1998 :11:), est nommé par Fillmore (1971 : 38) :
One-instance-per clause principle. C'est la contrainte d'après
laquelle un même Cas ne peut apparaître qu'une seule fois dans une
phrase simple si l'on veut éviter des constructions agrammaticales du
genre :
33* Le marteau ouvre la porte avec
une clef
L'agrammaticalité de cet énoncé
s'explique par le fait que, marteau et clef sont tous les
deux nommés instruments. Habert (2001 :2) parle à
ce niveau de saturation.
2.2.3. Seuls les syntagmes nominaux
représentant les mêmes Cas
peuvent être
coordonnés
Le principe sus évoqué se fonde sur la nature
des arguments qui portent un Cas. Par exemple un animé et un
inanimé ne peuvent être conjoints pour exprimer une même
relation casuelle. Dans ce sens, Fillmore (1968 :22), selon Anderson et
alli. (op.cit.) voit dans la structure
33* Jean et un marteau ont
cassé la fenêtre
une phrase agrammaticale. En effet, Jean a pour trait
sémantique [+ Animé, + Humain] tandis que marteau en a
[- Animé, - Humain]. Jean est agent alors que
marteau est instrument. La coordination entre les deux
arguments reste donc impossible.
Le premier fondement étant discutable, Fillmore
s'appuie sur les deux autres principes pour apporter à sa théorie
la rigueur nécessaire à l'élaboration de sa liste.
La grammaire casuelle, outre les concepts et les principes que
nous venons de dégager offre un cadre idoine pour l'analyse de valeurs
sémantiques du constituant sujet. Le terme cas,
représentant les différents rôles sémantiques que le
verbe impose à ses arguments, on constate qu'il ne génère
pas les terminologies du sujet mais ses valeurs.
3. ETUDE DES VALEURS DU CONSTITUANT SUJET
Il ne s'agit pas ici de faire une étude
sémantique de la fonction sujet, mais d'analyser quelques valeurs
saillantes que nous avons relevées au cours de notre travail. En fait,
lorsque la grammaire notionnelle définit le sujet comme l'être ou
la chose qui fait ou subit l'action du verbe, elle ne se préoccupe pas
du SN en tant que constituant nominal, mais de son référent, de
l'entité que ce SN représente dans la réalité
extralinguistique. Aussi, dans l'exemple l'enfant mange un
gâteau de Creissels (1995 :12), l'auteur ne reconnaît-il
pas que
L'évènement manger (plus
exactement, l'évènement que l'énonciateur a
décidé de représenter au moyen du lexème
manger, alors que d'autres auraient éventuellement pu
désigner le même évènement :
avaler par exemple) ne concerne pas le fragment de phrase
l'enfant et le fragment de phrase
gâteau, mais leurs référents,
c'est-à-dire la personne que l'énonciateur a choisi de
désigner comme l'enfant, (alors qu'il aurait pu le cas
échéant désigné cette même personne
différemment, par exemple en utilisant son nom individuel) et la chose
que l'énonciateur a choisi de désigner comme le
gâteau.
Ainsi, comme sujet du verbe mange, le constituant
sujet (enfant) a une valeur syntaxique ; par contre, sur le plan
sémantique, le référent de ce constituant,
c'est-à-dire, l'être nommé enfant fait l'action de
manger. Le même constituant peut, dans d'autres circonstances,
subir l'action ou en bénéficier, alors les valeurs se multiplient
selon le sens que le verbe confère à ce constituant. A ce
propos, Benveniste (1996 :290) affirme que le sens d'une forme
se définit par la totalité de ses emplois, par leurs
distributions et par les types de liaisons qui en résultent. Et
Fillmore (1971 :42-43) repris par Anderson (1998 :2) propose la
liste des différentes valeurs que peuvent recouvrer les constituants de
phrase et notamment celui de sujet. Il s'agit de : agent, objet,
datif, Experiencer expérimenteur, bénéficiaire, origine,
instrument, factitif, localisation, source, but, temps. Cette liste
apparaît restreinte au regard des valeurs que nous avons
répertoriées au cours de notre revue de la littérature.
Nous nous appuierons néanmoins sur le cadre ainsi défini pour
classifier les différentes valeurs de la fonction sujet ; ceci
suivant le cas propositionnel et le cas modal.
3.1. Les valeurs du sujet relatives au Cas
propositionnel
Le Cas propositionnel représente la valeur que le verbe
impose à son argument qui assure, en structure de surface, la fonction
de sujet. Nous avons recensé, au cours de nos lectures, les Cas
propositionnels ci-après : surpozé, soupozé,
agent, patient, bénéficiaire, siège, causateur, cible,
sujet sémantique, actant, acteur, Expérient, Origine,
Source. Nous en avons dénombré quatorze et la liste n'est
pas exhaustive.
3.1.1.Agent (A)
Le terme agent est utilisé par Fillmore
(1971 :42) et Cook (1989 :191), tous cités par Anderson
(1975 :11) pour exprimer l'instigateur de l'action identifiée
par le verbe. Chareaudau (1994 : 302) parle d'actant. Il est donc
introduit par les verbes d'action qui sont : courir, casser, acheter,
tuer, ouvrir, écouter, regarder, utiliser, terroriser, donner,
blâmer, monter, garder, planter, tartiner, mettre.... Cette liste
n'est pas close. L'agent est typiquement animé pour Fillmore pendant
qu'il englobe, en plus des animés, des inanimés chez Cook. En
bref, ce mot regroupe tout ce qui est perçu comme instigateur de
l'action décrite par le verbe. Cette perception se dévoile dans
les énoncés suivants :
34a. Essola ouvre la portière
d'un véhicule (CT : 7982, n°5, p.9) ;
34b. De temps en temps, les chèvres
urinent sur les corps (CT : 7735, n° p.16) ;
34c. La pluie détruit les
effets des locataires (CT : 7957, n°22, p.8).
Les actions d'ouvrir, d'uriner et de
détruire sont faites respectivement par Essola,
chèvre et pluie. Le trait sémantique d'une
entité n'est pas important dans cette analyse. L'accent est mis sur les
rapports divers que le verbe entretient avec son environnement, mais aussi sur
les répercussions de ces relations sur les arguments. Ils sont donc tous
des agents. Déjà au XIVème siècle et
dans les mêmes circonstances, Meigret cité par Chevalier
(1968 : 222) attribuait à ces noms le statut de
surpozé et précisait ce qui ne doit pas s'entendre
selon l'ordre de paroles, mais selon le sens. Dans les mêmes
conditions, Baylon et Fabre (1979 : 153) parlent de sujet
sémantique.
On note tout simplement que le sujet
sémantique et l'agent décrivent une seule et
même réalité. L'on ne comprend pas pourquoi chaque auteur
préfère attribuer un autre terme alors que le
phénomène existe et a déjà été
nommé par d'autres auteurs. Il apparaît un phénomène
de redondance au niveau des noms qu'on attribue à une même valeur.
Cette difficulté a été aussi enregistrée avec les
appellations du sujet. L'agent est aussi porteuse d'autres nuances :
acteur et causateur, relevées par Muller et Le
Goffic.
3.1.1.1 Acteur
Le terme acteur est utilisé par Muller
(2002 :118) pour définir un agent involontaire de l'action
décrite dans le procès. L'auteur estime que l'agent n'est
pas conscient des actions dont il est supposé être l'auteur.
Riegel et alii (1994 :229) pensent au contraire que ces entités
sont la cause indirecte du phénomène décrit dans
l'énoncé. La structure de la phrase est donc [N0 +[---] ou le
référent du sujet N0 représente la cause ou l'agent du
procès décrit par la phrase originale. Il s'agit dans ces
exemples :
35a- Une odeur âcre
empêche les secouristes de respirer (CT : 7953, n°82
p.12) ;
35b - L'odontol attaque la
bouche (CT : 7899, n°41, p.8) ;
35c - Le sable chaud effleure les
pieds des visiteurs (CT : 7957, n°64 p.11).
de odontol, sable et odeur. Ils
sont considérés comme des acteurs. Nous aurons, par
exemple, de [35'a] la structure suivante :
[une odeur âcre + fait [les secouristes ne respirent
pas]
Le référent du sujet est odeur
âcre. Il exprime la cause ; mais l'action
(respirent) est faite par l'entité secouristes.
L'auteur considère le factitif faire comme un
opérateur diathétique, c'est-à-dire un
quasi-auxiliaire de diathèse qui permet d'augmenter une phrase de
départ d'un actant initial représentant l'instance qui est cause
du reste du procès. Faire est donc un causatif. La
conjonction ou que Riegel emploi dans sa définition
n'est forcément pas inclusif. C'est dans ce sens que Le Goffic propose
à l'entité odeur la valeur de causateur.
3.1.1.2. Causateur
Pour Le Goffic (1993 : 137), le nominatif qui assure la
fonction de sujet est le causateur s'il exprime, dans
l'énoncé, un motif, une cause dont le procès
développe les conséquences. Dans l'énoncé
[35b] par exemple, odontol, tout en étant un agent involontaire
de l'action identifiée par le verbe attaquer, constitue aussi
la cause de la souffrance que subit le patient (bouche). Pour
certaines de ces grammaires, il n'existe donc pas de cloison étanche
entre ces valeurs. Chaque auteur de grammaire veut trouver un nom exprimant le
mieux possible la sensation qu'il a du référent du syntagme
nominal sujet qui subit la sémantèse du verbe. La même
difficulté que nous avons relevée au niveau des
dénominations du sujet se répercute sur ses valeurs. Ces auteurs
ne se préoccupent toujours pas des avancées
réalisées par d'autres grammairiens sur la même question.
Pourtant, à notre humble avis, le terme d'agent peut regrouper
toutes ces nuances puisqu'une action est, de toutes les façons,
posée.
Ainsi, l'action définie comme le résultat d'un
processus conscient ou non a des répercussions positives ou
négatives sur les entités impliquées dans le
déroulement du procès.
3.1.2. Patient (P)
Le nom patient est employé par Chafe (1970,
98, 102) repris par Anderson (1975 :24). Le premier affirme que le
patient est dans un état ou une condition décrit par le
verbe, il décrit également une entité qui change
son état ou sa condition dans un processus, ou une entité qui
subit l'action d'un agent dans le déroulement du processus. Le
terme patient est donc employé pour décrire plusieurs
processus. C'est peut-être pour cette raison que l'auteur n'a pu
établir une liste des verbes susceptibles de requérir ce Cas.
Chafe introduit néanmoins une nuance fondamentale entre le processus qui
conduit à une action et ses effets. L'attention est focalisée sur
les effets de l'action sur la victime. Celle-ci est un acteur passif. Et nous
le remarquons dans [36]
36a. Les gendarmes tombent dans une
embuscade (CT : 7899, n°50, p.10) ;
36b. Des frères alcooliques
sont morts (CT : 7899, n°16, p.9) ;
36c. Les camionneurs circulant de nuit
ont été attaqués à un virage (CT :
7899, n°46,
p.8) ;
36d. Deux enfants périssent
dans un incendie (CT : 7953, n°58, p.11) ;
36e. Les uns gémissaient et se tordaient de douleur
(CT : 7735, n°108, p.7) ;
36f. Le sol tremble (CT : 7951,
n°50, p7).
gendarmes, frères et
camionneurs sont nommés patient parce qu'ils subissent
l'action du verbe, ou qu'ils changent d'état. Dans [36a],
gendarmes subit une action enclenchée par les malfrats. Ceux-ci
en sont les instigateurs. Dans [36b], le verbe décrit un
état ; l'entité représentée par le
référent (frères) change d'état. Elle
passe de l'état d'être vivant à celui de mort. Dans [36c],
les auteurs de l'action décrite par le verbe ne sont même pas
identifiés.
Dans le même ordre d'idée, Meigret, explique
Chevalier (1968 : 222) emploie le terme soupozé pour
exprimer celui qui subit l'action de l'agent. Onguéné Essono Ch.
(1993 :91), parlant dans ces conditions de la diathèse passive
explique
ces sujets sont formels et dotés d'un rôle
syntaxique sans être les agents véritables de l'action. Les agents
réels sont implicitement perçus, mais non exprimés.
L'essentiel, pour les auteurs, n'est pas de voir qui est la
cause de l'action ou de l'état, mais d'analyser les conséquences
de l'action sur les participants au procès.
3.1.3. Bénéficiaire (B)
Le terme bénéficiaire est
utilisé par Fillmore (1971 : 41) et Chafe (1970 : 47),
relève Anderson (2004 :13), pour exprimer celui qui
bénéficie de tout ce qui est communiqué par le reste
de la phrase. Le bénéficiaire reçoit une action ou
une offre. Pour Cook (1989 :191), également repris par Anderson
(op.cit), ce Cas est introduit par un verbe bénéfactif.
A propos, Chafe (op cit. 148, 150) reconnaît que les verbes ayant un
trait bénéfactif incluent les verbes de possession
(avoir, posséder..), les verbes de propriété transitoire
ou non transitoire (bénéficier, recevoir...), les verbes de
changement de possession (perdre, gagner, acquérir..). Une étude
des traits sémiques de ces verbes nous permettrait peut-être de
percevoir la pertinence de ce classement. Les verbes bénéfactifs
sollicitent donc des arguments dont le cas enrichit les valeurs de la fonction
sujet.
Par ailleurs, Cook explique que le bénéfice peut
être positif ou négatif. Le bénéficiaire peut donc
être déficitaire. Les énoncés [37] dévoilent
les tendances ci-dessus :
37a. Les PVVS reçoivent
régulièrement des aides en matériel [...] (CT :7982,
n°72, p.15) ;
37b. Quand un fonctionnaire est mis à
la disposition d'un organisme, il continue à
percevoir son salaire de la fonction publique
(CT :7951, n°38, p.7) ;
37c. Le géomètre
bénéficie quasiment de la même primeur (CT : 7957,
n°43, p.8) ;
37d. Dans cette transaction, Beyala a
perdu 86 millions de francs CFA (CT : 7735, n°19,
p.9).
PVVS, fonctionnaire, géomètres et
même Beyala ont, dans ces exemples, le statut de
bénéficiaire. Tout se situe au niveau du verbe. Les auteurs
n'accordent pas assez d'importance à la nature du don. Cependant, en
remplaçant aide par gifle, dans [38a'], l'énoncé
devient
37'a. Les PVVS reçoivent
régulièrement des gifles
La condition du bénéficiaire n'est plus la
même, il subit une action même si celle-ci se présente sous
la forme d'un don. Dans ce sens, le statut de
bénéficiaire se rapproche de celui de patient.
Il serait tout de même intéressant de connaître la
différence que ces auteurs établissent entre un don et une
sanction. Une étude sémantique du sujet résoudrait,
à coup sûr, cette difficulté. La même lecture peut
être faite de l'énoncé [37d]. D'ailleurs, Arrivé et
alii (1997 : 656) quant à eux, nomment
bénéficiaire celui qui profite de l'acte posé par
l'agent. Ces auteurs ne reconnaissent ce rôle qu'aux
entités décrites dans les énoncés [37a, b, c]. Ces
différentes valeurs sémantiques sont donc des notions très
subjectives. La cloison entre le patient et le
bénéficiaire n'est pas étanche. C'est
peut-être pour cela que Fillmore n'a pas jugé utile d'introduire
dans sa liste le cas patient.
3.1.4. Datif (D)
Fillmore (1968 :24) cité par Anderson (1975:2)
utilise le terme datif pour indiquer l'entité qui subit
l'action, l'être animé affecté par l'état
ou l'action identifiée par le verbe. Le Cas datif ainsi
défini se rapproche du Cas patient. Il apparaît de ce
fait que le datif comporte plusieurs autres nuances. C'est ce qui a
déterminé l'auteur à le faire éclater en trois
cas : l'Expérimenteur, l'Objet et le
But.
3.1.4.1. Expérimenteur (E)
Fillmore (1971 :42) cité par Anderson
(1998 :3), se sert du mot expérimenteur ou
Experiencer : where there is a genuine psychological even or
mental verb ; c'est-à-dire le Cas de l'entité
impliquée dans un événement psychologique authentique ou
dans un état mental. Pour Cook (1989 : 182) toujours cité
par Anderson (op.cit), l'Expérimentateur expérimente une
sensation, une émotion, une cognition. Il reconnaît que ce
Cas est introduit par les verbes expérimentaux : mourir,
être triste, écouter, entendre, tuer, aimer, imaginer, avoir
chaud, suspecter, espérer, amuser, apprendre, voir, rappeler... Les
énoncés ci-après décrivent ces situations :
38a. Les enfants ont aimé la
visite du site (CT : 7735, n°108, p.7) ;
38b. D'autres rêvent en
contemplant tout simplement le fleuve (CT : 7957, n°56, p.11).
Les verbes aimer et rêver décrivent
chacun un événement dont les entités (en gras dans les
énoncés) sont les participants. Les êtres animés ou
non (enfants, autres) apparaissent comme des réceptacles des
sensations qui sont exprimés par les verbes.
Pour Popin (1993 :78) ces termes en gras dans
l'énoncé [38] peuvent prendre les valeurs de
siège parce qu'ils sont sujets des verbes subjectifs.
Cependant, l'auteur ne propose pas la liste des verbes subjectifs. Il ne les
définit pas non plus. Quant à Riegel et alii (1994 :125),
ces constituants sont nommés siège, parce qu'ils
représentent une entité où se manifeste un état
physique ou psychique.
Avec Muller (2002 : 39) chaque constituant sujet prend la
valeur d'expérient parce qu'il est le support d'une
sensation ou d'un sentiment que décrit le verbe. Pour
Onguéné Essono Ch.(op cit. : 90) il s'agit du
phénomène de diathèse active :
Le sujet présente à la fois comme
l'agent et le site d'une action qui se
déroule et se ferme sur lui. L'activité du sujet est notée
comme interne dans ce procès. Initiateur de l'action, il en est le
siège, l'acteur et le support. En se
refermant sur elle-même, l'action affecte les verbes du trait
intransitif.
Ainsi perçu, le sujet peut prendre à la fois les
valeurs de siège, acteur, expérient, support ou
expérimenteur. Il existe une sorte de redondance au niveau des
différentes valeurs.
3.1.4.2. Objet (O)
Ce terme est employé par Fillmore (1968 :25)
cité par Anderson (2004 : 2) pour décrire le cas de la
chose représentable par un nom dont le rôle dans l'action ou
l'état identifié par le verbe est donné par
l'interprétation sémantique du verbe lui-même.
Cette définition rend le cas objet
général à tous les autres parce que, de
l'interprétation sémantique d'un verbe peut se dégager
plus d'un rôle sémantique comme nous voyons dans ces
exemples :
39a. Les eaux du wouri scintillent
comme une grosse feuille d'agent (CT : 7957, n°65,
p11) ;
39b. Le climat change très
rapidement (CT : 7735, n°12, p5) ;
39c. Le ministre est venu (CT :
7955, n°69, p13).
L'interprétation sémantique des verbes
scintiller, changer et équiper dans ces
énoncés dévoile les contenus sémantiques
suivants : en [39a], la chose représentable (eaux) fait
une action dont il n'est pas conscient : il est un agent inconscient et
Muller (2002 :118) lui reconnaît la valeur d'acteur. Ce Cas
se retrouve à la fois comme une nuance d'Agent et
d'Objet. Climat dans [39b] subit un changement dans le
processus que marque le passage d'une saison à l'autre par exemple ou
sous l'effet des intempéries au cours d'une même saison. De ce
fait, il peut avoir le statut de patient selon Chafe (1970 : 98)
repris par Anderson (2004 :34). Et ministre dans [39c], celui de
l'Objet.
Le Cas Objet peut donc regrouper tous les autres
rôles sémantiques que Fillmore a identifiés. Ce Cas est une
sorte de fourre-tout. Cependant, Cook (1989 :191) reconnaît
que l'Objet est le rôle de l'entité décrite par un
verbe d'état, de l'objet se déplaçant ou subissant un
changement lors d'un processus ou d'une action.
La définition de Cook est plus explicite. Le
bénéficiaire par exemple ne peut pas être inclus
dans ce Cas parce que les verbes de possession n'expriment pas un état.
Dans l'énoncé [40] :
40a. Mais, la tâche est
immense (CT : 7951, n°149, p18) ;
40b. La porte s'ouvre ( CT :
7982, n°10, p9) ;
40c. La toiture suinte (CT :
7957, n°25, p9).
l'Objet (tâche) est dans l'état
décrit par l'attribut (immense) et par l'intermédiaire
du verbe d'état (est) en [40a]. En [40b et c], porte
et toiture, qui représentent le Cas Objet, subissent
un changement dans l'action (ouvrir) pour le premier et lors du
processus (suinter) pour le second. En effet, toutes ses actions
ont une cause. Le causatif faire est sous-entendu dans ces
constructions. Il est jusqu'ici difficile de lister les verbes qui introduisent
ce Cas. Le rapprochement qui se dégage de cette analyse rend difficile
et même discutable le classement des auteurs de la GC.
3.1.5 Source (S) et But (G)
Source et But, souligne Anderson
(2004 : 20), sont deux termes employés par Jackendoff
(1972 :31) et Fillmore (1971 :41) pour exprimer les entités
qui sont, suivant le prédicat, les lieux de provenance et
d'arrivée, états de départ et final, le départ et
le final, le début et la fin. Le Cas But ne peut donc pas
être étudié en dehors du Cas Source. Voilà
pourquoi, nous les avons associés dans cette étude. Pour Riegel
et alii (1994 :126) le cas source peut être assimilé
au cas Origine et même au Cas Agent. L'auteur pense que
l'Origine est le rôle sémantique
réservé à l'entité externe qui est à
l'origine du procès décrit par le verbe. Les verbes qui
expriment ces Cas marquent respectivement les changements de lieu
(aller), des changements d'état (se
transformer) ou des durées (durer). Ces cas ne sont
pas marqués dans notre corpus, mais l'état se déploie dans
cet énoncé de Fillmore :
41. La chenille s'est
transformée en papillon (Fillmore
1968 :3).
En effet, le verbe se transformer
présente la condition d'un être (chenille) qui se
métamorphose en un être nouveau (papillon). Le premier
état est nommé Source, il est le sujet en structure de
surface, et le second But ; il représente le
complément prépositionnel en syntaxe.
L'analyse des cas propositionnels s'énonce à
l'usage très difficile. Les verbes présentent tellement de
nuances que la délimitation des critères de classification
apparaît laborieux. Ceci se manifeste aussi par le fait que les Cas
tendent à se multiplier et rendent, de ce fait, l'ensemble des valeurs
sémantiques difficile à cerner. La naissance des valeurs voisines
du constituant sujet n'est pas déterminée par des divergences de
vue bien marquées. Seulement, une valeur peut sous-catégoriser
plusieurs autres. Une étude sémantique du sujet serait
passionnante.
3.2. Les valeurs du sujet
générées par le Cas modal
Le cas modal représente pour Cook (1989 : 189)
cité par Anderson (2004 :34) le rôle sémantique
dont le verbe n'est pas à la source. Il est presque à
l'opposé du Cas propositionnel. Il s'agit des Cas : instrument,
locatif, temporel. Cette liste nous servira de base pour classer et
analyser les différents rôles sémantiques que nous avons
repérés.
3.2.1. Instrument
Le mot instrument est employé par Fillmore
(1968 : 25) et Chafe (1970 : 152),) tous cités par Anderson
(op cit) pour exprimer le cas de la force ou de l'objet inanimé
impliqué de manière causative dans l'état ou l'action
identifié par le verbe. Pour Fillmore (1971:43), l'Instrument
représente la cause immédiate dans le déroulement de
l'action décrite dans le procès alors que l'Agent en est la cause
principale, c'est-à-dire la source de l'action. Cet aspect est
très perceptible chez Chareaudau (1994 :305), Riegel et alii
(1994 : 136) cela se vérifie dans [42] emprunté
à Fillmore (op cit.) :
42a. Le marteau a cassé la
fenêtre ;
42b. La clé ouvre la
porte.
Marteau et clef sont nommés
instruments. L'instrument représente l'Objet
qu'utilise l'agent pour accomplir son action. Dans les
énoncés, l'agent est implicite. L'instrument est donc un
outil de travail. C'est dans ce sens que Fillmore (op cit.) parle de cause
immédiate puisqu'il est au contact direct avec l'objet affecté ou
effectué. Dans [42a], l'instrument peut également prendre la
valeur de cause et même celle d'agent ou même
d'acteur suivant les différents points de vue. Les
conséquences de l'action de l'instrument sont visibles. Comme nous
l'avons déjà souligné, il n'y a pas une cloison nette
entre ces valeurs.
Ce cas pose cependant un problème. Dans des
énoncés du type :
43a. Cet arsenal donnent des
résultats probants (CT :7951, n°183, p.18) ;
43b. L'E.U appuie le Cameroun
à concurrence d'environ 13 milliards [...] (CT : 7955, n°25,
p.12) ;
43c. L'assurance paiera vos dettes
(CT :7946, n°29, p.6).
arsenal, E.U et assurance peuvent-ils avoir
le statut d'Instrument ? Ces éléments sont-ils des
outils de travail ? Si oui qui en est l'agent ? La GC ne
nous éclaire pas dessus.
3.2.2. Locatif (L)
Pour Anderson (op cit.), le terme locatif ou
localisation employé par Fillmore (1968.: 25) et Chafe (op.
cit. : 161-162) représente le Cas qui exprime la localisation
ou l'orientation spatiale de l'état ou de l'action identifiée par
le verbe. Wilmet (1998 : 460-463) emploie le même nom pour
désigner le lieu de l'évènement. Notre corpus nous fournit
les échantillons suivants :
44a. Kribi compte une soixantaine
d'établissements hôteliers (CT : 7646, n°15,p.5) ;
44b. La petite cour était
boueuse (CT : 7953, n°70,p.45) ;
44c. Tibati accueille les
élites de l'Adamaoua (CT : 7953, n°70,p.45).
Dans ces énoncés, ce n'est pas le sens du verbe
qui fait penser au lieu, mais la sémantèse du substantif qui
précède le verbe. Dans [44a], c'est par économie de
langage qu'on a parlé de Kribi au lieu de la ville de Kribi, voire
même de la population de Kribi. En effet, le mot kribi est
utilisé pour représenter le cadre dans lequel on compte les
établissements hôteliers. Il en est de même de
Tibati en [44c]. Et en [44b], il s'agit de l'état du cadre
(la petite cour) de l'évènement.
Toutefois, Habert (2001 :3) note que le type d'un
argument peut ne pas être directement celui qu'attend le prédicat.
Les attentes du prédicat permettent de dériver le type
nécessaire.
Ainsi, dans l'énoncé [45] emprunté
à l'auteur :
Paris a vendu des missiles
à Buenos-Aires
le verbe vendre attend comme vendeur et comme
acheteur des êtres humains. Or, ces deux arguments rappellent, par leur
contenu, un lieu. Il n'est pourtant pas question des cadres du
déroulement de l'action que décrit le verbe. Mais d'une
transaction qui, normalement, doit s'opérer entre deux personnes. Pour
Habert, ces deux N renvoient aux personnes typiques de ces lieux (des
capitales), donc aux gouvernements. Celui-ci est une personne morale,
le problème de valeur se pose. Peut-on dire que Paris constitue un
agent, un lieu, un site ? L'auteur explique un fait sans
pourtant le nommer. Nous notons l'embarras qu'il y a lorsqu'il faut attribuer
une dénomination à chaque fait linguistique.
3.2.3. Temps (I)
Le terme Temps est de Fillmore (1971 :41),
souligné par Anderson 1975 :2). C'est le cas qui marque le
moment dans lequel l'évènement se situe. Pour Wilmet
(op.cit.) le syntagme nominal qui désigne la fonction de sujet dans la
structure de surface peut exprimer le temps. Cette perception se manifeste en
[46] :
46a. Ce 15 octobre est un jour faste
pour le groupe (CT : 7953, n°95, p.13) ;
46b. Samedi est consacré au
grand ménage (CT : 7953, n°105, p.13).
Les groupes nominaux (en gras dans l'énoncé)
traduisent le temps. Ce temps n'est pas une catégorie grammaticale
liée au verbe. Il est celui que le Petit Robert (2000 : 1938)
définit comme la mesure de la durée d'un
phénomène. C'est-à-dire, celui du déroulement
du procès. Il peut être marqué par une date [46a] ou un
jour [46b].
L'analyse des cas propositionnel et modal révèle
les différentes valeurs que peuvent revêtir les divers rôles
sémantiques. En effet, les verbes créent beaucoup de nuances
sémantiques qui décuplent les valeurs du constituant sujet. Ceci
a poussé Hjelmslev (1935 :4) cité par Anderson
(1998 :16) à reconnaître que:
Délimiter exactement une catégorie est
impossible sans une idée précise sur les faits de signification.
Il ne suffit pas d'avoir des idées sur les significations de chacune des
formes entrant dans la catégorie. Il faut pouvoir indiquer la
signification de la catégorie prise dans son ensemble.
Et Riegel (1994 :125) de renchérir :
Etablir une liste universellement valable des rôles
sémantiques n'aurait guère de sens. Pour une même langue,
les inventaires diffèrent quantitativement et qualitativement selon les
modèles d'analyse.
Comme exemple nous avons la notion d'Agent qui se
subdivise en acteur et en causateur. Celle
d'Experimenteur qui se subdivise en plusieurs autres nuances :
Siège, Expérient, Patient. Chaque auteur veut rapprocher
sa terminologie de la réalité qu'il décrit. Ces valeurs
sont susceptibles d'occasionner des difficultés sur le plan didactiques.
La Grammaire Casuelle nous a permis de classifier les échantillons des
valeurs du sujet que nous avons relevés. Néanmoins, une
étude sémantique de la fonction sujet serait très
intéressante dans la mesure où elle permettrait de faire une
démarcation précise entre la fonction syntaxique sujet et ses
différents rôles sémantiques. Dans ce sens, Serbat
(1985 :132) cité par Onguéné Essono ch.
(2001 :137) reconnaît que
Les notions d'agent,
patient, destinataire ou
instrument se déduisent du sens de
l'énoncé, elles n'ont effectivement rien à voir avec la
relation syntaxique entre un terme nominal et un verbe, relation qui reste
stable dans tous les cas.
La sémantique rend donc l'interprétation
très subjective. Le même constituant sujet voit ses valeurs se
décupler comme le traduit ce schéma :
SN
(Sujet) x
x A
x P
x S
A
B
A = Agent
P = Patient
B = Bénéficiaire
L'ensemble de départ A (ensemble de
constituants représentants la fonction sujet) contient un
élément dénommé SN1 susceptible de remplir, dans
une phrase, la fonction de sujet. Par contre, l'ensemble d'arrivée B
(ensemble des valeurs de SN1) contient trois éléments. Ainsi,
à l'unique constituant sujet correspond autant de rôles
sémantiques.
Il est apparu au fil de ce chapitre que la sémantique
et notamment l'action que les auteurs mettent au centre de l'analyse de
l'énoncé motive les terminologies sémantiques et les
valeurs du constituant sujet. La pluralité d'appellations répond
donc à la préoccupation évidente de donner au sujet une
dénomination qui cerne le mieux possible le rôle qu'il joue dans
le drame que traduit un énoncé. Ainsi, la notion d'action sur
laquelle s'appuient toutes ces analyses rend non seulement son application
complexe, mais multiplie les valeurs de ce concept. Nous en avons
recensé une trentaine et la liste reste ouverte. Toutes ces valeurs
contribuent à embrouiller davantage la compréhension du concept
sujet et pourraient même engendrer des difficultés sur le plan
pédagogique. L'analyse sémantique n'ayant pu donner à
notre problématique une solution satisfaisante, nous nous tournons vers
la perception syntaxique. Le sujet étant considéré par la
grammaire structurale comme une fonction grammaticale, l'étude
sémantique que nous venons de faire sera donc complétée
par l'approche structurale du sujet. Ainsi, le prochain chapitre se portera sur
l'étude des appellations syntaxiques de la notion.
CHAPITRE 3 : LA TERMINOLOGIE MORPHOSYNTAXIQUE
DU SUJET
L'analyse des terminologies sémantiques du sujet
que nous avons faite au chapitre précédent ne permet pas de
décrire le fonctionnement réel de ce constituant. Son
étude ne peut être totale qu'avec l'analyse des appellations
grammaticales du sujet que nous nous proposons de faire dans ce chapitre.
En fait, la grammaire structurale ne donne pas à
la notion de sujet une définition unique. Elle présente plusieurs
approches qui apportent, chacune au sujet, une terminologie propre. Plus
descriptive, la grammaire moderne a recensé les critères
d'identification du sujet. Ainsi, Dubois (1976 :17) et Petiot
(2000 :28) valident les spécificités formelles que Riegel et
alii (1994 : 136) reconnaissent de manière globale à la
fonction sujet :
la suppression du sujet rend agrammaticale la
phrase ; le sujet appartient à la catégorie du nom ; le
sujet est un constituant de la phrase, il est préposé au
verbe ; le sujet régit l'accord du verbe en nombre, en personne et
parfois en genre ; dans le passage de l'actif au passif, le sujet de la
phrase active devient complément d'agent du verbe passif...
Ces caractéristiques sont souvent
résumées sous l'unique dénomination de morphosyntaxe que
Dubois et alii (1973 : 326) perçoivent comme la description des
règles de combinaison des morphèmes pour former des mots, des
syntagmes et des phrases, et des affixes flexionnelles (conjugaison et
déclinaison). La morphosyntaxe prend en compte divers niveaux d'analyse
de la notion, entre autres la morphologie et la syntaxe. Ce chapitre a pour
ambition de faire la lumière sur les désignations du sujet
relevant de la morphologie, celles relevant de la syntaxe et pour finir montrer
l'impact de la perception morphosyntaxique sur les appellations de ce
constituant de phrase.
1. LES DONNEES MORPHOLOGIQUES DE LA TERMINOLOGIE DU
SUJET
Les données morphologiques représentent les
propriétés formelles qui ont amené les auteurs de
grammaires à donner certaines appellations au constituant sujet. Ces
formes sont liées soit à la nature du constituant qui assure dans
la phrase la fonction de sujet, soit aux variations (singulier, pluriel) qu'il
connaît dans son rapport avec le verbe. Ainsi, la nature du constituant
et les flexions qu'il subit parfois constituent des motifs susceptibles de
modifier son appellation. De ce fait, Dubois et alii (1973 :326)
expliquent la morphologie comme
[...] des formes diverses que prennent (des) mots selon la
catégorie de
nombre, du genre, de temps, de personne et selon le cas
(flexion des mots) [...]
Nous avons dénombré
deux désignations spécifiques du sujet relatives à la
morphologie : SN1 et Régent.
1.1. Le Syntagme nominal 1 (SN1)
L'appellation SN1 est liée à la nature du
constituant sujet dans une phrase. Parler de la nature d'un mot revient
à dire s'il est un nom, un pronom, un infinitif, une préposition,
un adverbe, un article, un adjectif. Dubois (1976 : 17) reconnaît
à propos que le constituant qui représente le sujet dans un
énoncé appartient à la catégorie du nom, il peut
par conséquent recouvrer toutes les configurations ci-dessus
mentionnées.
Pour Roberge (2002), dans une phrase, un syntagme
correspond à une unité formée d'un groupe de
morphèmes. Dans les mêmes circonstances, Muller (2002 : 202)
parle d'arguments et Le Goffic (1993 :10), de groupe nominal
(GN).
Le SN ou GN a pour tête un nom d'où l'adjectif
nominal commun aux deux appellations. Ces morphèmes assument,
dans la phrase, différentes fonctions syntaxiques. Et le chiffre 1 que
Dubois (1967 :17) associe à l'expression Syntagme nominal
détermine donc la place de ce SN sujet dans la phrase comme nous le
voyons dans les échantillons suivants :
47a. Ces plantations couvrent
à ce jour une superficie d'environ 1500 hectares
(CT : 7955, n°12, p11) ;
47b. Sauvegarder tant d'articles depuis juillet
1974 est réellement incroyable.
(CT: 7735, n°67, p13) ;
47c. Qu'il s'en aille
m'étonnerait beaucoup (Dubois et alii, 1973, 467) ;
47d. En général, on
cherche un terrain bien placé (CT : 7957, n°58,
p9).
Les constituants en gras dans ces énoncés
représentent des SN1 en [47a] ou leurs équivalents en
[47b, c, et d]. Le GN ces plantations a pour tête
plantations qui domine le déterminant ces. Sur le plan
paradigmatique, les SN1 peuvent être substitués soit par des noms
soit par des pronoms comme en [47']:
47'a. Elles couvrent à ce sujet une
superficie...
47'b. La sauvegarde de tant d'articles ...est
réellement incroyable ;
47'c. Son départ m'étonnerait
beaucoup...
La substitution est nominale en [47'b et 47'c] et pronominale
en [47a]. De toutes les façons, le SN1 régit formellement son
verbe.
1.2. Régent
Le régent est le constituant qui entretient
avec le verbe des contraintes d'accord. En introduisant la terminologie
régent pour dénommer le constituant sujet, l'intention
de Galichet (1971:116) est d'établir un lien étroit entre le sens
du mot désignant ce qui est communément appelé
sujet et le rôle de celui-ci dans l'énoncé. En
fait, le terme sujet, conventionnellement employé pour traduire
la fonction du même nom, est souvent source d'équivoque. Il est
tantôt sujet de l'énoncé, tantôt sujet du verbe.
Aussi, cet auteur estime-t-il que ce terme est impropre. Il s'agit du
constituant sujet qui régit le verbe en lui imposant ses marques de
personnes et de nombre comme dans [48] :
48a. Les documents seront
analysés (CT : 7946, n°11, p.13) ;
48b. Différents ateliers
figurent au menu de la rencontre (CT : 7946, n°112,
p.14) ;
48c. Les villageois ont
alerté la gendarmerie (CT :7735, n°113, p.17).
Les SN les documents, différents
ateliers et les villageois sont des sujets, non parce qu'ils
font respectivement les actions d'analyser, de figurer et
d'alerter - ils ne seraient alors que des agents - mais parce qu'ils
soumettent chacun son verbe en lui imposant ses marques de nombre. Si le verbe
figurent prend la marque du pluriel, c'est parce que
ateliers, son sujet grammatical, est à la troisième
personne du pluriel. Il en est de même pour [48a et 48c] où les
sujets grammaticaux (documents et villageois) confèrent aussi
à leur verbe leur marque du pluriel. Ainsi, ces termes pourraient
être appelés plus justement régent puisqu'ils
régissent grammaticalement leurs verbes. Galichet veut rapprocher le
signifiant (régent) de la réalité qu'il
représente en syntaxe.
En conséquence, nous pouvons affirmer que la nature du
mot et le rapport qu'il entretient avec son verbe ont motivé ces deux
appellations du constituant sujet. Cependant, nous avons constaté que le
SN1 prend diverses formes : un infinitif en [47b], une
proposition en [47c] et un pronom indéfini en [47d]. Ce qui laisse
présager un impact certain sur les dénominations du constituant
sujet.
2. LES MOTIVATIONS SYNTAXIQUES DE LA DENOMINATION
DU SUJET
Les désignations d'origine syntaxique sont issues de
l'interprétation de la phrase au niveau de la syntaxe. Et, Dubois et
alii (1973 : 480) définissent la syntaxe comme la partie de la
grammaire décrivant les règles par lesquelles on combine en
phrase les unités significatives.
La syntaxe explique donc d'une part, l'ordre des mots dans la
phrase et d'autre part, les relations qui existent entre les
éléments qui la composent ; les désignations y
relatives sont : Primus, Prime actant et N0.
2.1. Primus
Les grammaires reconnaissent au sujet la place de constituant
numéro un. Sur ce point, Le Goffic (1993, 10) explique que toute
phrase est constituée d'une séquence ordonnée de
constituants formés d'une tête et de ses expansions. L'auteur
parle de séquence ordonnée pour montrer que les
constituants de la phrase ne sont pas disposés de manière
fortuite. Et Dubois (1976 :17) de renchérir l'ordre des
syntagmes nominaux relativement au verbe permet de distinguer le syntagme sujet
qui est préposé au verbe.
Cette perception date d'ailleurs du Moyen-?ge lorsque
Scaliger, cité par Chevalier (1968 :185) attribue au constituant
sujet le nom de primus. Il comptait dépouiller cette fonction
du poids du sens et éviter ainsi le métalangage capable de
favoriser la confusion entre une étude syntaxique et une analyse
sémantique. Il a donc estimé que le nom donné aux cas
et aux modes enlise l'analyse dans des emplois particuliers et la
détourne d'une étude de la syntaxe, c'est-à-dire des
relations.
Le primus représente donc dans les
énoncés [49] les SN préposés au verbe. Ces SN sont
en gras dans le texte.
49a. Les résultats devraient
être connus avant la rentrée (CT : 7946, n°95,
p13) ;
49b. Le délégué
général explique [...] (CT : 7955,
n°39, p12) ;
49c. Mais, le passage du doyen m'a
redonné espoir (CT : 7951, n°117, p16).
Le primus constitue l'équivalent syntaxique du
SN que Tesnière nomme prime actant.
2.2. Prime actant
L'appellation prime actant est de Tesnière
(1976 : 108-110). Le mot actant, l'une des composantes de la
dénomination de Tesnière, fait penser à une perception
sémantique. D'ailleurs Tesnière (op. cit : 108)
reconnaît que le prime actant est l'équivalent du
sujet sémantique dans la grammaire traditionnelle.
L'auteur conçoit en effet un énoncé
comme un mini drame dans lequel les actants, équivalents des
constituants nominaux en syntaxe, prennent part au déroulement de
l'évènement décrit par énoncé.
Toutefois, l'appellation actant est globalisante
parce qu'elle ne permet pas, au niveau de la structure, de distinguer l'actant
qui assume la fonction de sujet des autres. Pour ce faire, Tesnière
délimite le nombre de ses actants à trois et pour
spécifier le constituant sujet des autres actants, l'auteur adjoint le
mot prime, adjectif numéral ordinal, au terme actant.
Ce qui distingue les deux dénominations
(primus et prime actant) est que la grammaire
dépendancielle considère le verbe comme un atome autour duquel
gravitent plusieurs molécules (actants). Le verbe représente ce
qu'il nomme noeud central, il est le vecteur directeur de la phrase. Muller
(2002 :47) utilise le mot noyau pour dénommer le verbe
parce qu'il lui revient d'organiser les positions syntaxiques qu'occuperont ses
constituants immédiats ou actants. A travers le stemma, expression
graphique de l'ordre structural de la phrase, Tesnière schématise
la hiérarchie des connexions. Ainsi, nous aurons de la phrase [50], le
stemma suivant :
50- Le bandit sème la panique (CT : 7945 :
n°8, p9)
sème
bandit
panique
le
la
Cette représentation arborescente laisse
apparaître les différents constituants de la phrase et leur
hiérarchie. Elle situe le syntagme verbal au-dessus de tous les autres
constituants de la phrase. A travers ce schéma en effet, le syntagme
verbal sème, noeud central de la phrase, domine deux syntagmes
nominaux : le prime et le second actant. Le prime
actant, représenté par le groupe nominal le bandit,
a une position bien définie. Il est situé à gauche du SV
et du second actant la panique. A ce propos Tesnière
(1976 : 107) affirme :
Dans la représentation stémmatique,
on aura avantage à adopter le principe de toujours disposer le
prime actant à la gauche du second actant et celui-ci à
la gauche du tiers actant.
Et Onguéné Essono Ch. (2001 :133) renforce
cette opinion de Tesnière en reconnaissant que
la fonction grammaticale se présente comme
l'expression d'une servitude de position. Elle correspond à la place
qu'un lien connexionnel entre A et B assigne à l'unité B pour
marquer la nature particulière de la relation de B avec A. De ce point
de vue somme toute structural, il y a lieu d'affirmer qu'une fonction
grammaticale réfère à un poste syntaxique.
Le rôle syntaxique qui apparaît stable ne semble
pas être la garantie de la stabilité des dénominations
comme nous ne cessons de le remarquer. Par ailleurs, l'usage quotidien de la
langue ne respecte pas toujours la structure canonique (S+v+C) dont parle
Tesnière. Le sujet est parfois antéposé au verbe. Ce
bouleversement occasionne des difficultés aux niveaux des
dénominations comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre.
2.3. N0
La dénomination N0 est employée par
plusieurs auteurs de grammaire, entre autres Beacco et alii (2001 :43) et
Auroux et alii (1996 :100). La lettre N est neutre. Elle n'a aucun sens.
C'est un symbole. Il en est de même pour le chiffre 0 ; chiffre dont
l'utilisation n'est pas explicitement justifiée. Nous présumons
qu'il traduit la position incontestable du constituant sujet ; constituant
tellement lié au verbe que sa place est égale à
zéro. Ceci rejoint Roberges (2002 :3) qui propose les symboles
(SN0, X, Y ou même Z) pour nommer les constituants de la phrase. Cet
auteur n'accorde pas l'importance au nom que peut prendre un fait grammatical.
L'essentiel est de comprendre le fonctionnement de chaque constituant dans le
grand ensemble que forme la phrase. C'est pour cela qu'il propose des symboles
pour désigner tant le constituant sujet que les autres constituants de
la phrase. Ainsi, dans les énoncés [51] :
51a. Le gouverneur a mis tous les
moyens à notre disposition (CT : 7735, n°70, p9) ;
51b. La police nationale a
renforcé sa présence sur les lieux (CT : 7957,
n°104, p11) ;
51c. Les exposés ont produit
des débats riches (CT : 7957, n°3, p6).
tous les groupes nominaux sujet peuvent être
désignés par N0, SN0 ou même par X.
L'essentiel est de reconnaître qu'il y a un N0 qui gouverne le
verbe sur le plan structural. L'important n'est pas de savoir s'il est un
être ou une chose ou s'il fait l'action ou la subit. La
présentation de N0 ne laisse apparaître aucune nuance
sémantique. Petiot (2000 : 115) n'affirme-t-elle pas que
la terminologie s'enracine dans une organisation
conceptuelle : elle réfère à des concepts, et non
à des objets concrets ; elle permet de parler des objets concrets
que l'on observe dans les énoncés, au sein d'une approche
théorique qui en rend compte.
Ceci témoigne l'objectif des auteurs de l'appellation
N0 : créer davantage un écart entre la syntaxe et
la sémantique afin d'éviter toutes les confusions que nous avons
jusqu'ici soulignées.
En somme, l'évolution que nous avons notée au
niveau des définitions du sujet se reflète sur la
dénomination de ce constituant de phrase. La recherche d'un symbole
comme terminologie du constituant sujet traduit la volonté de
libérer ce constituant de l'impasse que provoque la description
traditionnelle. Ainsi, N0 apparaît pour la grammaire moderne
comme une terminologie plus opératoire.
Sur le plan morphosyntaxique, toutes les
caractéristiques se combinent pour former un tout. Les principales
désignations (primus, SN1, régent, prime actant, SN0,
N0) qui se dégagent ici se recoupent. Par conséquent, des
appellations du constituant sujet qui émanent de l'approche syntaxique,
Il n'en existe aucune divergence, si oui au niveau de leurs signifiants
respectifs. Toutes ces désignations répondent aux critères
inhérents à la fonction sujet. Qu'une dénomination se
présente sous la forme d'une expression ou d'un symbole, les
critères identificatoires sont les mêmes.
Cependant, l'approche morphosyntaxique soulève quelques
difficultés sur lesquelles il convient de revenir.
3. L'IMPACT DES CRITERES IDENTIFICATOIRES DU
CONSTITUANT SUJET SUR SA DENOMINATION
Au cours de nos investigations, nous avons rencontré
plusieurs expressions qui peuvent être assimilées aux
désignations du sujet. Ces différents supports du verbe suivent
la même courbe que celle des véritables désignations
syntaxiques. Ainsi, les critères morphologiques et syntaxiques en sont
à la genèse. Les diverses expressions identifiées qui sont
susceptibles de créer la confusion entre les désignations
grammaticales du sujet sont liées tantôt à la place du
sujet dans la phrase, tantôt à l'accord de ce constituant avec son
verbe, tantôt à la stylistique comme l'analyse va le montrer.
3.1. Les problèmes liés à la
nature du constituant sujet
Les différents termes qui accompagnent le verbe dans
une phrase sont de nature très variée. Et le souci que les
grammaires ont d'attribuer un nom à chaque terme en tenant compte de
sa nature crée des expressions telles que sujet clitique, sujet
pronominal, sujet nominal, sujet relatif, sujet multiple et sujet
collectif.
3.1.1. Sujet clitique
L'expression sujet clitique est de Le Goffic
(1993 : 146). Cependant, l'auteur n'en circonscrit pas les contours.
C'est Muller (2002 : 217) qui reconnaît que
le mot clitique désigne un terme ayant certaines
propriétés phonologiques et syntaxiques : forme
réduite, parfois décrite comme atone, ou plus exactement
dénuée d'accent propre, et liée à une position
syntaxique dont le noyau est un autre terme.
A travers les exemples qu'il en donne, l'on identifie le
pronom personnel (je, me, le, tu..) dit conjoint. Il est conjoint parce que,
contrairement au pronom disjoint (moi, toi, lui..), leur position est fixe dans
la phrase. Le pronom conjoint se place devant le verbe alors que les pronoms
disjoints ont, dans un énoncé, une position relativement mobile
par rapport au syntagme verbale : moi, je
le vois venir. On parle de conjoint aussi parce que, dans
sa structure arborescente, il ne laisse pas transparaître les
différentes sections du mot ou groupe de mots qu'il reprend. En [52] par
exemple, Il s'agit de il, nous, je.
52a. Il est titulaire d'un
diplôme d'ingénieur (CT : 7955, n°17, p 11) ;
52b. Nous prenons les risques
(CT : 7945, n°164, p 13) ;
52c. Je joue avec mes enfants
(CT : 7953, n°103, p 13).
Ces pronoms sont dans un emploi anaphorique. Leurs
référents peuvent se trouver soit en amont soit en aval du
discours. Ils occupent dans l'énoncé les mêmes positions
que le SN1. L'expression sujet clitique n'apporte donc à la
fonction sujet aucune nuance fondamentale qui l'écarte du SN1. L'auteur
a tout simplement voulu rapprocher ce type de sujet à la
réalité formelle qu'il représente.
3.1.2. Sujet nominal /Sujet
Pronominal
Ces appellations sont de Riegel et alii (1994 :139),
Combettes et alii (1977 :79) et Muller (2002 : 122.). Ces auteurs ne
les définissent pas. On observe que ces expressions vont toujours
ensemble parce que le second vient pallier une insuffisance. En effet,
l'inversion du sujet rend complexe la construction de la phrase. Elle produit
d'autres structures qui, pour être grammaticalement et
sémantiquement correctes, font appel à des outils grammaticaux
ayant pour rôle de corriger certaines imperfections. Ainsi, une phrase
déclarative [53'a] par exemple, a besoin de ces aménagements
lorsqu'elle subit la transformation interrogative [53a] :
53a. Pourquoi la loi n'est-elle pas
respectée ? (CT : 7953, n°20, p5) ;
53a'. La loi n'est pas respectée.
53b. Comment les populations
vivent-elles l'insécurité [...] ? (CT :
7945, n°163, p 13) ;
53b'. Les populations vivent
l'insécurité.
Dans ces structures, loi est appelé sujet
nominal et elle, sujet pronominal. Ces
désignations se justifient par le fait que le sujet nominal est
représenté par un nom et le sujet pronominal par un
pronom. Il existe donc un rapport entre le signifiant et le signifié.
Par ailleurs, les mots loi et elle en [53a],
population et elles en [53b] renvoient à une seule et
même réalité ; ils sont dits
coréférenciels selon Muller (op.cit.). En plus, nous
relevons que le terme sujet est commun aux deux dénominations.
Le sujet pronominal duplique les caractéristiques de personne,
de genre et de nombre du sujet nominal. Seulement, on ne sait pas si
le phénomène de coréférence est valable lorsqu'il
s'agit de déterminer le statut syntaxique de chaque constituant. En
d'autres termes, si le groupe nominal les populations est sujet du
verbe vivent, en est-il de même pour le pronom anaphorique
elles ?
3.1.3. Sujet relatif
L'expression sujet relatif est de Combettes et alii
(1977 :79). Ils ne l'expliquent pas. Ils semblent laisser le soin à
chaque utilisateur de déduire son contenu à travers ces
exemples :
54a. Un chiffre qui
représente trois fois la moyenne ( CT : 7953, n°42,
p11) ;
54b. Du sang qui se coagule
progressivement (CT : 7735, n°96, p16) ;
54c. Les personnes qui sollicitent
un terrain s'adressent d'abord au chef (CT : 7945, n°72,
p13).
Il s'agit du pronom qui qui reprend son
antécédent. Son nom naît de la nature du terme qui le
représente. En effet, ce pronom est par nature un pronom relatif. Le
verbe prend cependant les marques morphologiques de l'antécédent
et non du sujet relatif. Il y a un rapport entre le signifiant
(sujet relatif) et son signifié (qui).
Cependant, en se fondant sur la nature des mots pour nommer
leur fonctionnement syntaxique, on court le risque de voir ce type
d'expressions multiplié à profusion. Ces le cas en [55]
où on pourrait, suivant cette logique, avoir affaire à un
sujet infinitif en [55a], un sujet
propositionnel en [55b], un sujet indéfini en
[55c].
55a. Exercer le plus beau métier du
monde devient un rêve (CT : 7735, n°68,
p13) ;
55b. Qu'il voyage en première
est un luxe [...] (CT : 7946, n°126, p14) ;
55c. On se ballade tendrement
(CT : 7957, n°80, p11).
Les difficultés de dénomination causées
par cette logique s'accroissent.
3.1.4. Sujet multiple
Combettes et alii (1977 : 74) introduisent la
dénomination de sujet multiple pour désigner un groupe
nominal composé de plusieurs constituants qui occupent le poste
syntaxique de sujet. Dans ce cas, le verbe s'accorde avec l'ensemble de ces
sujets comme dans [56]
56a. Les problèmes et les défis
sont communs à l'ensemble de la population
(CT : 7946, n°88, p13) ;
56b. La machette et la houe peuvent
s'avérer traîtresses (CT : 7953, n°121, p13) ;
56c. Heureusement, [...] des
numéros et des horaires sont
inscrits sur des billets
(CT : 7945, n°55, p 8).
Chaque groupe sujet communique ses marquent au verbe, or, pris
isolément, les constituants sujet en [56b] sont chacun au singulier,
mais le verbe, lui, s'accordent avec les deux sujets parce qu'ils
s'additionnent par l'intermédiaire de la conjonction de coordination
et. Par cette addition, les deux constituants représentent
désormais deux aspects d'une même entité. De ce fait,
Tesnière (1976 : 108) parle de dédoublement et Le
Goffic (1993 : 10) de groupe. Ainsi perçu, l'expression
sujet multiple pour exprimer un groupe sujet, est discutable.
3.1.5. Sujet collectif
Combettes et alii (op. cit.) emploient sans la justifier
l'expression sujet collectif pour nommer le syntagme nominal qui
assure la fonction de sujet dans un énoncé. Il n'explique pas non
plus l'épithète collectif adjointe au terme
sujet. Il n'en donne que des exemples et nous trouvons des cas
dans [57] :
57a. La plupart de nos candidats
sont en stage bloqué (CT : 7946, n°92, p13) ;
57b. Une vingtaine d'élèves du
collège a visité les différents services
(CT : 7735, n°57,
p13) ;
57c. Il y a un an, un groupe de PVVS a
publié « Remember sida » (CT : 7953,
n°63,
p15) ;
57d. La majorité a recours
à des produits bon marché (CT :7946 : n°125,
p14).
Cette appellation présente
une situation équivoque. En considérant que le sujet commande le
verbe sur le plan morphologique, l'examen de ces structures pose quelques
problèmes. Tantôt le verbe est au pluriel, tantôt il est au
singulier. Dans [57a], le SN sujet à pour tête la
plupart, ce GN est au singulier, par conséquent le verbe
sont qui est au pluriel devait être au singulier. Dans [57b] par
contre, nous avons une structure semblable, mais le comportement syntaxique du
verbe est différent, celui-ci prend les marques morphologiques de la
tête du SN sujet une vingtaine.
Le Goffic (1993 :133) déplore cette
ambiguïté et constate tout simplement qu'il existe quelque
marge d'hésitations quand il y a conflit entre la pure
morphologie du groupe nominal et son sens ou sa référence.
L'auteur relève cette difficulté sans pour autant y apporter une
solution.
3.2. Les problèmes liés à la
place du sujet : le sujet inversé
De manière générale, la grammaire
reconnaît au constituant sujet la position préverbale dans la
phrase. Cependant dans les usages, il existe des structures où le sujet
ne respecte pas ce canon. De là naît le sujet
inversé. Riegel et alii (1994 : 134), Combettes et alii
(1977 : 78) qui en parlent relèvent que la caractéristique
principale du sujet inversé est d'être post-posé
au verbe. Dans cette construction, la découverte du sujet peut se faire
par le retour à la phrase de base. Dans les énoncés
suivants :
58a. Comment s'est faite
l'installation sur ses sites à risque ? (CT :
7945, n°169, p 13) ;
58b. Pourtant, estiment les
dermatologues, toutes ces pratiques sont dangereuses
(CT : 7946, n°135, p14) ;
58c. C'est là notre contribution, a conclu
Marcelline (CT : 7955, n°75, p12).
les GN l'installation, les dermatologies et
Marcelline sont nommés sujet inversé parce qu'ils
sont postposés à leurs verbes respectifs. Il s'agit de nommer un
sujet qui ne tient pas compte de l'ordre canonique de la phrase. Pour les
auteurs, cette désignation semble aller de soi. Si le sujet n'est
pas préposé au verbe, alors il est postposé. Et cette
postposition inverse l'ordre de la phrase et renvoie le sujet à la fin
de l'énoncé. Ceci justifie la présence de l'adjectif
inversé auprès du mot sujet. A ce propos,
Muller (2002 : 132) précise
le terme invers(é) est pris ici dans son
sens configurationnel signalant
une position différente de celle qui est
la plus usuelle et non dans un sens
dérivationnel.
L'expression sujet inversé exprime un type de
sujet qui traduit la modalité de la phrase, en l'occurrence
l'interrogation comme en [58a] ou une clause de style comme dans [58b et c]. Le
sujet inversé n'est pas un type de sujet particulier. Il n'apporte rien
de spécial à la notion. L'auteur a tout simplement voulu adapter
la dénomination à la configuration que prend le constituant sujet
dans la phrase. En fait, le sujet inversé se plie à
toutes les exigences morphosyntaxiques de la fonction sujet.
3.3. La stylistique : source de
difficultés dans la désignation du sujet
L'analyse du constituant sujet dans les phrases
disloquées est à l'origine de la multiplication des expressions
que les grammairiens ont attribuées au constituant sujet. Cette
dislocation est la conséquence de tournures stylistiques. En fait, la
stylistique est définie par Dubois et alii (1973 : 457-456) comme
une
étude des faits d'expression du langage
organisé du point de vue de leur contenu affectif, c'est-à-dire
l'expression des faits de la sensibilité par le langage et l'action des
faits de langage sur la sensibilité.
Ces faits d'expressions se manifestent dans
l'énoncé à travers des figures de style que Dubois et alii
(op cit.) définissent comme ...les divers aspects que peuvent
revêtir, dans le discours, les différentes expressions de la
pensée. Il existe donc diverses figures entre autres les figures de
construction. Celles-ci s'intéressent à l'ordre des mots dans la
phrase. Dans la phrase française, l'ordre naturel des mots est S+V+C
dans une phrase simple. Mais si le locuteur désire mettre un accent
particulier sur un élément de la phrase, il peut utiliser un
procédé nommé emphase. Celui-ci peut être
représenté de deux manières : au niveau phonologique,
par une intonation sur un mot de l'énoncé et au niveau de la
syntaxe, par le détachement en début ou en fin de phrase du mot
en question lorsque celui-ci est marqué dans l'énoncé. La
stylistique fait donc ressortir deux expressions qui sont
appelé groupe sujet repris et sujet
sous-entendu.
3.3.1. Groupe sujet repris
Cette terminologie est de Bonnard (1989 : 282). Elle est
le résultat d'une construction stylistique surtout observée dans
le français courant oral. C'est une construction disloquée qui
substitue à l'ordre grammatical, un ordre logique et
psychologique. Il s'agit, dans cet exemple de l'auteur
59. Ta cousine, nous l'avons
vue à Hendaye, mon frère et moi
du groupe nominal mon frère et moi,
rejeté en fin de phrase. Nous sommes en présence
d'un énoncé qui contient deux éléments ayant la
même valeur. Cependant, l'intention de l'auteur est d'établir une
relation d'équivalence entre le groupe nominal (mon frère et
moi) que reproduit le pronom personnel nous.
Suivant l'ordre de leur apparition dans la structure de la phrase, l'un est
sujet nous et l'autre est groupe sujet repris,
mon frère et moi. Celui-ci apporte au sujet
une précision. Le pronom personnel nous n'est plus ambigu parce
que son référent est connu. Les constituants sont dont dits
coréférenciels. Bonnard ne propose aucune désignation au
pronom personnel nous qui modifie pourtant la morphologie du verbe
avons vu. Selon la logique de l'auteur, peut-on l'appeler
sujet anticipé ?
La même interrogation est perceptible dans ces
énoncés de Bonnard (op.cit.) :
Le groupe substantival en gras est repris à l'aide d'un
pronom personnel parce que le nom n'est pas à mesure d'attribuer au
verbe ses marques. Ceci arrive généralement lorsque le verbe est
soit à la première, soit à la deuxième personne du
singulier et du pluriel. Sur le plan discursif, les auteurs traditionnels
appellent thème les groupes nominaux Pierre et moi, Paul et
Pierre, Jacques. Il y a lieu de se demander si les pronoms personnels qui
assurent le relais et aident à pallier les insuffisances pourraient
être appelés sujet relais ou tout simplement
co-thème selon l'approche de l'auteur.
Bonnard fait ici une étude structurale qui confirme
l'idée selon laquelle la grammaire traditionnelle n'est pas qu'une
grammaire prescriptive, elle est aussi descriptive.
3.3.2. Sujet sous-entendu
La désignation sujet sous-entendu est
employé par Le Goffic (1993 :140). Pour lui,
l'épithète sous-entendu, ajoutée au terme
sujet est sans doute assez significative et suffisante pour
l'expliquer. Il n'en donne que des exemples. On identifie ce type de sujet
dans les phrases impératives, le style télégraphique, les
registres familiers, les archaïsmes, le style impersonnel et dans les
énoncés où le constituant sujet est implicite. Quelques
échantillons sont reconnus dans [61]
61a. Reste que, malgré ces problèmes de
réseau, les abonnés ont les yeux rivés sur les
tarifs (CT : 7951, n°169, p.18) ;
61b. Rappelons que le mondial Afrique est
organisé par une ONG (CT : 7951, n°47, p11) ;
61c. Loin s'en faut. (CT : 7735, n°177, p
19) ;
En effet, les verbes en italique n'ont pas de sujets
matérialisés dans les énoncés. Pourtant, leurs
finales nous amènent à voir en [61a] un sujet impersonnel
il et en [61b] une structure à la première personne du
pluriel de l'impératif.
Par ailleurs, dans les exemples [62] empruntés à
Creissels (1995 :225),
62a. Achète cette voiture
62b. Vends cette voiture
L'auteur pense qu'il serait difficile de procéder
à une analyse grammaticale du sujet dans ces énoncés. En
d'autres termes, même si on reconnaît à un
énoncé à l'impératif un sujet
sous-entendu, cet impératif a une valeur pragmatique et non
grammaticale. En clair, l'objectif est d'exécuter l'ordre qui est
donné à travers ces phrases. A ce sujet, Creissels (op cit )
affirme :
En réalité, [62a] est une mise en demeure
d'assumer le rôle que doit assumer le référent de A pour
que l'on puisse asserter A achète cette voiture, et
[62b] est une mise en demeure d'assumer le rôle que doit assumer le
référent de A pour que l'on puisse asserter A vend cette
voiture
Au terme de ce chapitre dans lequel nous avons examiné
l'approche morphosyntaxique du sujet, une conclusion persiste. En se fondant
sur la nature du mot, sur sa place dans la phrase ou sur la stylistique pour
attribuer des noms aux différents supports du verbe, on court le risque
de voir ces désignations se multiplier à l'infini.
Aussi, les terminologies issues de la description syntaxique
du sujet sont tributaires de son comportement au sein de la phrase. Sujet
grammatical, relatif, clitique, sous-entendu...ont pour but de lever le
flou occasionné par les valeurs sémantiques relevées au
deuxième chapitre : patient, agent, siège...
L'ambition de la grammaire structurale est de conférer
à la fonction sujet une dénomination stable,
caractéristique des propriétés syntaxiques et
opératoires du support verbal. Voilà pourquoi elle est
passée progressivement des unités lexicales comme syntagme
nominal sujet, primus, prime actant... vers des symboles tels que SN1,
SN0, N0. Mais, cette symbolisation ne peut-elle pas avoir un impact sur
l'enseignement de la notion de sujet ?
CONCLUSION GENERALE
Notre objectif était de chercher les fondements des
appellations du constituant sujet, de voir les motivations des auteurs des
appellations, d'établir, s'il y a lieu, les rapports entre chaque
désignation et son contenu et de relever les difficultés
inhérentes à l'utilisation efficiente de ces
dénominations.
Dans nos investigations relatives à la recherche des
fondements des désignations du sujet, il a été
établi que la volonté des auteurs de
grammaire de traduire, en des termes et expressions toujours plus précis
leur perception de la notion, est à l'origine de la
création de nouvelles terminologies. Par conséquent,
l'apparition de nouvelles appellations du sujet est étroitement
liée à celle de ses définitions, c'est-à-dire
qu'elles sont relatives soit à la sémantique, soit à la
syntaxe.
L'exploitation conjointe des deux sources de définition
du sujet qui alimentent simultanément ses terminologies
révèle des ambiguïtés résultant de ces
définitions. La source sémantique, la plus féconde,
apparaît souvent peu informative. Elle est constante. Elle
présente entre autres inconvénients, les exceptions auxquelles se
heurtent les définitions qui en découlent. A tout ceci, il
convient d'ajouter que la sémantique crée les différentes
valeurs du sujet qui contribuent à perturber davantage l'intelligence de
la notion.
La source syntaxique se révèle par contre plus
informative sur le plan du fonctionnement de la langue. Pour la grammaire
structurale, le terme sujet ne correspond pas
à la définition que la grammaire traditionnelle lui donne. Les
auteurs de la grammaire moderne s'attardent sur la perception linguistique du
terme sujet, perception qui le rend impropre dans le contexte
grammatical. C'est ce qui a déterminé la recherche des
terminologies et a conduit à la multiplication des désignations
de ce constituant.
Il s'est donc révélé, le long de notre
étude, que les deux critères fondamentaux de
définition du sujet sont également les fondements de ses
terminologies.
Notre revue de l'aperçu théorique de cette
notion nous a permis de relever dix désignations du
sujet. Ces appellations sont surtout fondées sur le sens, la syntaxe et
le discours.
Nos investigations relatives à l'identification des
désignations liées au sens en ont révélé
quatre auxquelles peut s'ajouter une longue suite de valeurs
sémantiques. Dans l'optique sémantique, le constituant sujet
subit ou profite de l'action décrite dans le procès. Ce mot est
influencé soit par la sémantèse du verbe comme nous
l'avons constaté plus haut, soit par sa propre sémantèse.
Nos recherches nous ont montré en outre que d'autres
catégories syntaxiques peuvent faire l'action ou même la subir.
Dans l'approche sémantique, seul le verbe soumet le sujet dans une
relation univoque. Il est par conséquent difficile d'épuiser
l'inventaire des différentes valeurs du sujet qui tendent à
troubler la compréhension du concept. Seul le contexte est susceptible
d'expliquer toutes les nuances de sens que peut avoir cette fonction.
La perception sémantique du sujet nous apparaît
ainsi peu fiable car elle relève beaucoup plus du plan infra-grammatical
que grammatical. De ce fait, le rapport entre l'appellation
sémantique est la réalité qu'elle représente est
sujette à caution. Les bases du sujet, mises sur pied depuis
la période préclassique, se sont enrichies de la perception
classique bien que ses fondements soient également fort critiqués
par la grammaire moderne.
Sur un autre plan, la syntaxe ne propose pas, à
proprement parler, une définition du sujet. Les auteurs de la grammaire
moderne donnent plutôt les caractéristiques formelles pouvant
permettre une identification de ce constituant de phrase. Ces
caractéristiques se situent au niveau paradigmatique, morphologique, et
syntaxique. En effet, la nature du constituant sujet, son accord avec le verbe
et sa place dans la phrase sont autant des raisons qui poussent les auteurs de
grammaires à le nommer. Cependant, les multiples expressions que nous
avons notées çà et là ne sont pas toutes
considérées comme des appellations particulières du sujet,
certaines d'entre elles ne représentent que des formes diverses que peut
prendre le constituant sujet dans un énoncé. Nous en avons
néanmoins distingué qui reprennent, de manière
systématique, le terme sujet. Les auteurs ne justifient pas
toujours les adjectifs qu'ils adjoignent à ce mot. Il est par ailleurs
toujours le premier constituant dans les dénominations composées.
Même si certaines de ces dénominations sont
considérées comme des indicateurs des différents supports
morphologiques de la fonction, un élément essentiel mérite
d'être souligné : ils ont les mêmes
propriétés syntaxiques que les désignations grammaticales
du sujet. Mais, ils n'apportent au sujet aucune nuance particulière qui
puisse permettre de les classer au rang d'appellations. Dans ce sens, nous ne
les considérons pas comme des dénominations particulières
du sujet. L'inquiétude qui se dégage est que ces expressions
peuvent occasionner une confusion réelle avec les dénominations
authentiques du sujet. Nous craignons qu'elles ne constituent une source de
difficultés sur le plan pédagogique.
Six dénominations syntaxiques du sujet ont donc
été identifiées. La différence entre les
appellations d'origine syntaxique se situe au niveau du signifiant, elles se
rapprochent, pour la plus part, au niveau du signifié.
Par ailleurs, il est établi que la stylistique
multiplie les faits de langue de même que les expressions pour les
nommer. Ainsi, le thème habituellement
perçu comme l'objet du discours devient, selon la structure de la
phrase, un groupe sujet repris
ou même un sujet nominal.
Toutefois, nous relevons que la prolifération des
terminologies n'est pas un phénomène de mode ;
chaque terminologie traduisant, à notre avis, une volonté
d'établir avec plus de cohérence une liaison toujours plus
étroite entre le signifiant et le signifié. Et cette
préoccupation, faut-il le souligner, n'est pas propre à la
fonction sujet.
Toutes les appellations utilisées ne sont pas les
termes propres à la grammaire. Mais celle-ci a affecté à
chacune d'elles une signification particulière. C'est-à-dire, une
acception grammaticale. Des notions de la langue qu'elles étaient, elles
sont devenues des notions de grammaire. On parle de ce fait du
phénomène de factualisation ou de
grammaticalisation.
En somme, tous les auteurs de la grammaire reconnaissent la
fonction sujet comme une fonction indispensable. Le problème de
terminologie que nous avons mis en lumière dans ce travail n'est que la
résultante des difficultés que les grammaires ont à donner
une définition adéquate au sujet. Dès lors, il ne suffit
pas seulement d'affecter des noms à ce constituant, mais surtout de
reconnaître son fonctionnement dans la phrase. La grammaire se trouvant
à la frontière de plusieurs théories linguistiques, elle
empiète sur celles-ci. Pour une étude complète de la
notion de sujet, il est intéressant de procéder à son
analyse profonde en prenant en compte les différents niveaux qui
interfèrent afin d'attribuer à chacun d'eux une terminologie.
Ainsi, l'approche sémantique pourrait rester avec ses multiples
valeurs, au niveau communicationnel ou discursif, le terme
thème serait conservé, quant à la fonction
syntaxique sujet, la terminologie de sujet serait conservée
pour désigner aisément le constituant sujet, surtout que nous
convenons avec Martinet que la terminologie est un problème de
convention.
L'intérêt de ce travail est de mettre à
la portée des utilisateurs des terminologies que sont les chercheurs et
les formateurs, un outil de travail. C'est dans ce sens que nous avons
amorcé ce bilan des appellations du sujet. Ceci pourrait même
s'étendre à d'autres notions.
Toutefois, ce travail s'ouvre sur une autre
préoccupation : l'impact des appellations du sujet sur
l'enseignement.
TABLEAU RECAPITULATIF DES DIFFERENTES TERMINOLOGIES DU
CONSTITUANT SUJET
A la suite d'une présentation littérale de
l'inventaire des terminologies, nous avons jugé opportun de faire une
synthèse de nos investigations sous forme de tableau dans la perspective
de mettre en lumière les éléments saillants du bilan de la
terminologie du constituant sujet.
Terminologie
|
Auteur
|
Ouvrage
|
Editeur et ville
|
Année
|
1. Terminologies sémantiques
|
1.1. SUJET
|
ARRIVE, M et alii
|
La grammaire d'aujourd'hui : Guide alphabétique
de linguistique française
|
|
1997
|
MARTINET, A
|
Syntaxe structurale
|
|
|
GREVISSE, M.
|
|
|
|
1.2. THEME
|
WAGNER et PINCHON
|
|
|
|
1.3. SUJET APPARENT /
SUJET REEL
|
GREVISSE, M.
|
|
|
|
BAYLON ET FABRE
|
Op cit.
|
|
|
2. Terminologies Morphosyntaxiques
|
2.1. SN1
|
DUBOIS
|
|
|
1976
|
2.2. PRIME ACTANT
|
TESNIERE, L.
|
|
|
1976
|
2.3. PRIMUS
|
SCALIGER cité par CHEVALIER, J.
|
Op cit
|
|
1968
|
2.4. RÉGENT
|
GALICHET
|
|
|
1971
|
2.5. SN0
|
ROBERGES, Y.
|
Une brève introduction aux concepts de la syntaxe
générative,
|
Université de Toronto
|
2002
|
2.6. N0
|
BEACCO, J. Cl. Et PORQUIER R.
|
Grammaire d'enseignants et grammaire d'apprenants de langue
étrangère, in Langue française n°
131
|
Paris CEDEX
|
2001
|
BIBLIOGRAPHIE
|
1 - OUVRAGES GENERAUX
|
|
|
- ARNAULD, A. et LANCELOT, (1969)
|
Grammaire générale et raisonnée,
Republication Paulet.
|
- ARRIVE, M. et alii. (1997)
|
La grammaire d'aujourd'hui :
Guide alphabétique de linguistique française,
Paris Flammarion.
|
- AUROUX, S. et alii (1996)
|
Histoire et grammaire de sens,
|
- BAYLON, C. et FABRE, P. (1973)
|
Grammaire Systématique de la Langue
Française, Paris, Nathan.
|
- BAYLON, C. et FABRE, P. (1978.)
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- BIDOIS (Le), G. et BIDOIS (Le), R. (1935)
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Syntaxe du Français Moderne, Paris, Auguste
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- BONNARD, H. (1989)
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Code du français Courant, Magnard.
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- BOUIX LEEMAN, D. et alii. (1990)
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Grammaire par l'observation et l'usage, 3ème,
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- BRUNOT, F. et BRUNEAU, C. (1964).
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Précis de Grammaire Historique de la Langue
Française, Paris, Masson et Cie.
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- CHARAUDEAU, P (1994).
|
Grammaire du sens et de l'expression, Paris,
Hachette.
|
- CHEVALIER, J C (1989)
|
Grammaire Larousse du Français Contemporain,
Paris, Larousse.
|
- CHEVALIER, J C (1968)
|
Histoire de la Syntaxe : Naissance de la notion de
complément dans la grammaire (1530-1750), Genève, Droz,
|
- COMBETTES, B. et alii (1977)
|
Vers la maîtrise de la langue, l'enseignement de la
langue 1 : Bâtir une grammaire (6e et 5e), Paris,
Delgrave.
|
- CREISSELS, D. (1995)
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Elément de Syntaxe Générale,
Linguistique Nouvelle, Paris, PUF.
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- DUBOIS, J. (1967)
|
Grammaire Structurale du français, 2. Le
verbe, Paris, Larousse.
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- GARDES-TAMINE, J. (1998)
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La Grammaire : 2. Syntaxe, Paris, Armand Colin.
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- GALICHET, G. (1971)
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Grammaire structurale du français Moderne.
Charles-Savaugelles. Paris- Limoges.
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- GOFFIC (Le), P. (1993)
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Grammaire de la phrase française, Paris,
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GREVISSE, M. (1993)
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Le Bon Usage, 13è édition, J. DUCULOT.
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HAMON (1966)
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Grammaire française, Paris, Larousse.
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MARTINET, A. (1979)
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Grammaire fonctionnelle du français, Paris,
Crédif.
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MOIGNET, G. (1981)
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Systématique de la Langue Française,
Paris, Klincksieck.
|
MULLER, Cl. (2002)
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Les Bases de la Syntaxe, Pessac, PUB.
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PETIOT, G. (2000)
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Grammaire et linguistique, Armand Colin, Paris,
SEDES.
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POPIN, J. ( 1993)
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Précis de grammaire fonctionnelle
du français.1. Morphosyntaxe. Paris, Nathan.
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RIEGEL,M. et alii (1994)
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Grammaire Méthodique du Français, Paris,
PUF.
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TESNIÈRE, L. (1976)
|
Eléments de Syntaxe Structurale, Paris,
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WAGNER, R-L. et PINCHON, J. (1962)
|
Grammaire du français classique et moderne,
Hachette.
|
WILMET, M. (1998)
|
Grammaire critique du Française, Paris Hachette.
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|
|
2. ARTICLES
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ANDERSON, J M. (2004)
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Concepts and Consequences of case grammar in
URL :
http: //www.fb10.uni-bremen.de/linguistik/dpng.pdf.
|
ANDERSON J M. et alii. (1998)
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The domain of semantic roles in the diversity of linguistic
description in studies In Linguistics In Honour, Debrecen: Kossuth
University, Angol-Amerikai Intézete in URL :
http : //www.fb10.uni-bremen.de/linguistik/dpng.pdf..
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ANDERSON, J M. et alii. (1975)
|
Langage n°38 : La Grammaire Casuelle, Paris,
Didier-Larousse, pp 18-64
|
HABERT, B. (2005)
|
Typologie textuelle, acquisition sémantique in
URL :
http://www.limsi.fr/Individu/habert
|
BEACCO, J. Cl. Et PORQUIER R. (2001)
|
Grammaire d'enseignants et grammaire d'apprenants de langue
étrangère, in Langue française n° 131,
Paris CEDEX.
|
ONGENE ESSONO, Ch. (2001)
|
Langue et Communication : L'incommunication en discours
pédagogique :
le cas de la fonction sujet, Université de
Yaoundé I
|
ROBERGES, Y. (2002)
|
Une brève introduction aux concepts de la syntaxe
générative, Université de Toronto URL :
http :iiwww.chass.utoronto.ca.french/ling/equipe/roberges
|
3. MEMOIRE
|
ESSAKA, M. (1997), La grammaire des cas de
1968 à 1989, Université de Nancy
II,
Faculté de Lettres UFR Science du Langage in URL :
http:/www2.umist.ac.uk/isd/lwd/apt/manuella/lcs/cg.
|
4. THÈSE
|
BANDOLO, Ch. R. épouse
ONGUENE ESSONO (1992), Valence et complémentation
verbale dans Bonjour tristesse
de F. SAGAN,
Thèse de Doctorat 3è cycle de grammaire
française, Université de Yaoundé, F.L.S.H.
|
5. DICTIONNAIRES
|
DUBOIS, J. et alii (1973) Dictionnaire de
linguistique, Paris, Larousse.
|
DUCROT, O. et alii (1995)
|
Nouveau dictionnaire des sciences du langage, Seuil.
|
TABLE DE MATIERES
DÉDICACE
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
GÉNÉRALE.........................................................
1
CHAPITRE 1 : LA TERMINOLOGIE DU SUJET :
APERÇU THÉORIQUE.6
1 - LA PERCEPTION PRÉCLASSIQUE DE LA FONCTION
SUJET...... 6
1-1. Le sujet dans
l'Antiquité....................................................6
1-2. Le constituant sujet au
Moyen-Âge.................................... 7
2 - L'APPROCHE CLASSIQUE DE LA FONCTION
SUJET..................10
2.1. La perception du sujet par
Port-Royal......................... .......10
2.2. La théorie des
néo-classiques................................. . .......11
3 - LE POINT DE VUE DU STRUCTURALISME SUR LA
NOTION
DE
SUJET...........................................................................
..14
3-1. Le sujet perçu par le
fonctionnalisme.......................... .......15
3.2 - Le point de vue du distributionnalisme sur le sujet......
....... 16
3.3 - L'approche du sujet par le
générativisme................. ....... . 18
3.4 - Le sujet vu par la grammaire
dépendancielle............. ........19
3.5 - La perception du sujet par la grammaire
prédicative.............21
4 - LIMITES DES DEFINITIONS ET DES MODES
D'IDENTIFICATION
DU
SUJET...................................................................................22
4.1. L'insuffisance dans la définition traditionnelle du
sujet...........22
4.2. L'insuffisance dans la définition structurale du
sujet... ... ......24
CHAPITRE II : LES TERMINOLOGIES SEMANTIQUES DU
SUJET......27
1. ANALYSE DES TERMINOLOGIES LOGICO-SEMANTIQUES DU
SUJET...........................................................................
27
1.1. Sujet
............................................................................27
1.2.
Thème...........................................................................28
Sujet
logique...............................................................29
Sujet
psychologique......................................................30
1.3. Sujet réel/Sujet
apparent...................................................31
2. PRESENTATION DE LA GRAMMAIRE DES
CAS..............................33
Les concepts de la grammaire des
cas...................................34
La notion de Cas...............................................
.......... 34
Le cas morphologique..................................
.......34
Le Cas
sémantique............................................. 36
2.1.1.2.1.Le cas
propositionnel..................................... 36
2.2.1.2.2. Le Cas
modal.............................................. .37
2.2. Les principes de la grammaire casuelle
...................................... 38
2.2.1. Un argument ne peut porter q'un seul Cas .............
...... 38
2.2.2. Un même cas ne peut apparaître
qu'une seule fois dans
une phrase
simple.......................................................38
2.2.3. Seuls les syntagmes nominaux
représentant les mêmes cas
peuvent être
coordonnés.............................. ...... . ........39
3. ANALYSE DES VALEURS DU CONSTITUANT
SUJET.......................39
Les valeurs du sujet relatives au Cas
propositionnel....................40
3.1.1. Agent
(A)............................................................... 40
3.1.1.1 Acteur
................................................ .. 41
3.1.1.2. Causateur
............................................ 42
3.1.2. Patient
(P)................................................................ 43
3.1.3. Bénéficiaire (B)
.......................................................... 44
3.1.4. Datif
(D)................................................................... 45
3.1.4.1 Expérimenteur (E).........
.........................45
3.1.4.2. Objet (O)............................................
. 46
3.1.5 Source (S) et But
(G).................................................... 47
3.2. La valeurs du sujet générées
par le Cas modal.......................... 48
3.2.1 Instrument (I).........
................................................... 48
3.2.2. Locatif (L). .........
.................................................... 49
3.2.3. Temps
(T)................................................................ 50
CHAPITRE 3 : LA TERMINOLOGIE
MORPHOSYNTAXIQUE
DU
SUJET............................................................. .... 53
1. LES DONNEES MORPHOLOGIQUES DE LA TERMINOLOGIE DU
SUJET
..........................................................................
54
1.1. Le Syntagme nominal 1
(SN1)............................................ 54
1.2.
Régent............................................................................55
2. LES MOTIVATIONS SYNTAXIQUES DE LA DENOMINATION DU
SUJET.................................................................................
56
2.1. Primus
...........................................................................56
2.2. Prime
actant.....................................................................57
2.3.
N0..................................................................................59
3. IMPACT DES CRITÈRES IDENTIFICATOIRES DU
CONSTITUANT SUJET
SUR SA TERMINOLOGIE
...............................................................60
3.1. Les problèmes liés à la
nature du sujet.....................................60
3.1.1.
Sujet
clitique..................................................................
60
3.1.1.2. Sujet nominal /Sujet
Pronominal..................................... 61
3.1.1.3 Sujet
relatif................................................................
62
3.2. L'accord du sujet avec le
verbe........................................ ...... 63
3.2.1 Sujet multiple
................................................................ 63
3.2.2 Sujet collectif....
....................................................... 63
3.3. La place du sujet dans la phrase : le sujet
inversé ....................... 64
3.4.La stylistique : source de
difficultés dans la désignation du sujet......65
3.4.1. Le groupe sujet repris
.......................... ........................ 66
3.4.2. Le sujet
sous-entendu........................................... ...... .. 67
CONCLUSION
GENERALE......................................................... .
........69
TABLEAU RECAPITULATIF DES DIFFERENTES TERMINOLOGIES DU
CONSTITUANT
SUJET..........................................................................73
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................
74
TABLE DES
MATIERES...............................................................
.........77
|