III Évaluation de la voix
D'après Giovanni « Dans le cadre d'un
phénomène complexe, multidimensionnel comme la voix, toute mesure
isolée est réductrice; [...]59
III.1 Mesures subjectives de la voix
III.1.1 Les données de
l'anamnèse
L'objectif d'une anamnèse, dans le cadre d'un bilan
vocal, est de recueillir toutes les données nécessaires pour
situer le problème vocal dans son contexte. L'anamnèse porte
sur:
- « l'histoire » de la voix du patient: les
problèmes vocaux qu'il a déjà rencontrés. En effet,
bien souvent, le trouble vocal s'inscrit dans la durée. Ainsi, certains
phoniatres supposent que de nombreux adultes dysphoniques ont
déjà rencontré des problèmes avec leur voix
lorsqu'ils étaient enfants.
-l'histoire médicale du patient: maladies respiratoires
(asthme, insuffisance respiratoire), mucoviscidose, interventions
passées (chirurgie abdominale, thoracique, cervicale, faciale,
cérébrale, irradiation...), maladies neurologiques et
cérébrales, conduites addictives pouvant porter atteinte à
la fonction laryngée (tabagisme, alcoolémie), troubles hormonaux,
troubles d'ordre psychiatrique, traitements spécifiques
consécutifs à ces troubles. En effet, il est essentiel de
connaître toutes les pathologies, séquelles, traitements et
autres, pouvant avoir des répercussions sur la voix, à
quelqu'étage que ce soit.
- le contexte social et professionnel (situation sociale du
patient, utilisation quotidienne de sa voix, conditions de travail, ...).
Citons pour exemple la littérature foisonnante rapportant les
difficultés vocales rencontrées par les enseignants, les acteurs,
ou encore les conférenciers.
-les facteurs déclenchants et favorisants une
dysphonie, décrits précédemment. En effet, on peut
retrouver ces facteurs au sein de pathologies médicales, ou liés
à un mode de vie particulier.
-la demande du patient: le ressenti du patient face à sa
voix, sa
59 Estienne Fr. et Piérart B., p225, Op. cit. p36.
définition propre de sa voix et des troubles de
celle-ci, l'importance qu'il accorde à ses troubles et leurs
conséquences. Il s'agit en d'autres termes de définir quelle est
la plainte du patient et ses attentes quant à la
rééducation vocale. En effet, un décalage important peut
se retrouver entre les mesures (objectives ou subjectives) de la voix, et ce
qu'en perçoit le patient.
III.1.2 Les échelles
d'auto-évaluation
Il y a « un rapport évident entre la voix, la
personnalité et l'état émotionnel »60.
Lors d'un bilan orthophonique, le recours à une échelle
d'autoévaluation permet d'apprécier la façon dont une
personne vit, perçoit sa voix.
Certaines échelles, comme le profil vocal
objectif61, donnent en outre la possibilité de
connaître les différences de perception d'un trouble entre le
sujet luimême et le thérapeute puisque chaque critère est
coté par le patient et par le thérapeute. Les critères du
profil vocal objectif sont : l'estimation du degré de
sévérité par une note entre 1 et 4, le pourcentage
d'invalidité professionnelle et la qualité de la voix (cotation
en - -, -, +-, + et ++).
III.1.2.1 L'échelle bipolaire
d'auto-estimation vocale
Couramment utilisé en clinique, cette échelle
est le fruit de deux mémoires de licence en logopédie
réalisés par Huberlant en 1981 et par Beuken en
198262. Elle a pour objectif de cerner comment un sujet vit et
perçoit sa voix. L'échelle comporte onze paires d'adjectifs
opposés telles que « reposée/fatiguée, sonore/sourde,
agréable/désagréable ». Pour chaque paire, il s'agit
de déterminer comment le sujet ressent sa voix sur une échelle
comportant 7 degrés. Il y a trois questionnaires, comportant les
mêmes paires d'adjectifs, mais évaluant la perception de la voix
avant, actuellement, et la voix souhaitée.
60 Estienne Fr., p5, Op. cit. p30.
61 Ibid., p50.
62 Ibid., p52.
III.1.2.2 Le VHI et le VHI
1063
Le Voice Handicap Index (VHI) a été
créé par Jacobson et al. en 1997 à partir des plaintes les
plus fréquemment relevées lors de bilans phoniatriques. Le VHI
permet d'obtenir une estimation du retentissement du trouble vocal sur la vie
quotidienne de la personne. La version longue comporte 30 questions
divisées en trois catégories (catégories qui ne sont pas
connues du sujet): niveaux fonctionnel, émotionnel et physique. Le sujet
grade la sévérité de son trouble sur une échelle de
0 à 4:
-0: jamais
-1: presque jamais
-2: parfois
-3: presque toujours
-4: toujours.
Le score total peut donc être compris entre 0 et 120
points et l'on regarde également les scores obtenus pour chaque
catégorie. Un score proche de zéro indique que le handicap vocal
du sujet est quasi nul.
La version courte (VHI 10) comporte les dix questions les plus
pertinentes de la version longue. Il semblerait que le VHI 10 soit plus fiable
que le VHI.
III.1.2.3 D'autres échelles
Le Voice Symptom Scale (VoiSS) a été
créé par Scott, Wilson et MacKenzie en 1997 sur le même
principe de recueil de problèmes vocaux. Ce questionnaire comporte
trente et un items répartis en trois catégories:
difficultés de communication, symptômes au niveau du pharynx et
détresse psychologique. Les auteurs ont également ajouté
treize items dérivés du VHI. Bien que Webb, Carding et Steen
(2004)64 aient émis l'hypothèse que le VoiSS soit plus
robuste que le VHI au niveau psychométrique, c'est néanmoins ce
dernier qui reste le plus employé aussi bien en clinique qu'en
recherche.
63 Giovanni A., pp45-66, Op. cit. p36.
64 Estienne Fr. et Piérart B., p228, Op. cit. p36.
Le Voice-Related Quality of Life Measure (V-RQOL)
créé par Hogykan et Sethuraman en 1999 comprend dix items (dont
la plupart sont similaires à ceux du VHI) répartis en deux
catégories: fonctionnement physique et niveau socio-émotionnel.
Plus centrée sur la qualité de vie que le handicap vocal, cette
échelle semble la plus pertinente en clinique puisqu'une
corrélation significative entre l'amélioration du score et
l'amélioration vocale a été mise en
évidence65.
Le Voice Activity and Participation Profile (VAPP) de Ma et
Yiu (2001) comporte cinq domaines provenant des définitions de l'OMS qui
sont: la sévérité du trouble vocal perçu, les
conséquences professionnelles, l'impact sur la communication
quotidienne, l'impact sur la communication sociale et les conséquences
émotionnelles. Ce profil est fiable; cependant il n'a été
testé que sur une population chinoise.
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