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La métamorphose de l'état de droit comme processus de consolidation de la paix chez Emmanuel Kant. Une lecture du projet de paix perpétuelle

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par Michel Kakule Kabunga
Université de Kinshasa - Licence 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

Département de Philosophie

B.P. 243

KINSHASA XI

République Démocratique du Congo

LA METAMORPHOSE DE L'ETAT DE DROIT

COMME PROCESSUS DE CONSOLIDATION DE LA PAIX CHEZ KANT

Une lecture du Projet de paix perpétuelle

Michel KAKULE KABUNGA

Mémoire présenté et défendu

en vue du titre de Licencié en Philosophie

Option : Philosophie et Société

Promoteur : Professeur Macaire ABE

PANGULU

Année académique 2008-2009

A mon père Konrad Katsuva, d'heureuse mémoire 

A ma mère Clotilde Musumba 

A mes beaux parents, Dieudonné Kasereka Mathe et Pauline Kakule Mbeva 

A ma tendre et chère épouse Stella Kavugho Sivwira 

A Juliette Mbambu Mughole 

Je dédie ce travail.

EPIGRAPHE

« Ce qui est de droit, c'est-à-dire ce que les lois disent ou ont dit en un certain temps, le juriste peut sans doute l'indiquer. Mais savoir si ce qu'elles voulaient était en outre juste, cela lui reste bel et bien dissimulé s'il ne laisse pas de côté pour un temps ces principes empiriques et ne cherche pas la source de ses jugements dans la simple raison »

(Emmanuel KANT)

« Je pense en fait avec la plume, car ma tête bien souvent ne sait rien de ce que ma main écrit »

(Ludwig WITTGENSTEIN)

AVANT-PROPOS

« Criton, nous devons un coq à Asclépios », disait Socrate. Le présent mémoire, marquant la fin de mon deuxième cycle de philosophie, est un édifice bâti avec des pierres et des mains de différentes personnes, à qui «  je dois un coq ». Le paiement de cette dette réside dans les mots de gratitude, reconnaissance et remerciement que je leur exprime dans cette page. Mon coeur sait qu'ils méritent plus.

Je rends un hommage mérité et déférent au professeur Macaire Abe Pangulu qui, de par sa disponibilité, son substantiel apport documentaire et sa probité intellectuelle, n'a ménagé aucun effort dans la direction de ce mémoire. Je reconnais en lui un maître soucieux de l'excellence scientifique.

La même expression de gratitude s'adresse au Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, le professeur Phambu-Elie Ngoma Binda, aux membres du Bureau du Département de Philosophie, le professeur Jean-Christ Kinanga Masala, le professeur Alexis Mpoyi Mukala, le chef de travaux Jacques Ngangala Balade, respectivement Chef de Département, Secrétaire à l'enseignement et Secrétaire à la recherche. A travers eux, je tends une palme d'or à tous les professeurs, Chefs de Travaux et Assistants de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines qui, de près ou de loin, ont contribué à ma formation intégrale.

Je remercie ici toutes celles et tous ceux qui ont aiguisé ma soif des études universitaires. Je ne peux les nommer toutes et tous, mais je veux tout de même citer quatre noms : celui de l'honorable Juliette Mbambu Mughole, dont la générosité inextricable m'a été providentielle au moment du tournant décisif de ma vie ; celui de Maître Thierry Kasereka Sokulu et son épouse, dont l'hospitalité au sein de son foyer m'a offert un cadre propice de détermination et d'engagement existentiel ; celui du Chef de Travaux Henri-Jacob Ndobo Koti Kpata, qui m'a initié à la pratique administrative ; celui du Professeur Rombaut Mimbu Ngayel, dont la sagesse, le savoir faire et l'expérience professionnelle m'ont initié à l'amour du travail fini et bien fait.

Par ailleurs, l'épiphanie de mon être a trouvé son plein épanouissement en famille. Ainsi, j'ai un réel plaisir de gratifier mes grands parents ; mes tantes et oncles ; mes frères et soeurs Innocent Bakwanye, Nicolas Kabunga, Pierrot Kavunga, Hermélinde Aloza, Chantal Kavunga et Mbambu Kabunga ; mes cousins et cousines Modeste Mughongolo, Alain Mughongolo, Georges Kakule Mukosasenge, Bertier Mathe, Paluku Matsande, Germain Matsande, Gentil Kisune, Grâce Mathe, Anifa Mathe, Jeanine Mughongolo, Denise Matsande, Anitha Matsande ; mes neveux et nièces Mowa, Diego, Bienvenu, Salomé Kunahimbire, Mamie, Nia, Léa, Diane, Nancy.

Je tiens à remercier sincèrement ma belle famille, pour sa confiance. Je pense particulièrement à mes beaux parents Dieudonné Kasereka Katuko Mathe et Pauline Kakule Mbeva ; à mes belles soeurs Consolée Vira Mukiranya, Martine Mbambu Mwasimuke et Victorine Katungu ; à mes beaux frères Deogratias Muhindo Mukandirwa et son épouse Gisèle Kambesa, Pacifique Kambale Mathe et Benoît Kasereka Mukandirwa.

Enfin, je me dois de remercier ceux qui m'ont témoigné leur amitié : Serge Kasisivahwa, Adelard Kambale  et Ange Nswete Midimi, les soeurs Francine Wasukundi Kasivirwa et Aimérance Mandefu Kavira, l'Abbé Robert Kisimba Muyambi, Michel Makangila, Jonathan Kankonde, Muamba Ngueshe, André Saïo Muanda Lusala.

Je m'en voudrais de ne pas redire à mon épouse Stella Kavugho Sivwira à quel point sa patience, sa sagesse, sa compréhension, sa motivation et son appui m'ont soutenu au cours de la réalisation de ce mémoire. Je la remercie infiniment pour l'affection, la ténacité, l'encouragement et l'empathie dont elle n'a cessé de faire montre avec grande constance et abnégation.

A vous tous, je dis que « mon avenir serait fou et flou sans votre secours ». Votre appui tant financier, matériel que morale justifie à présent ce cri de mon coeur : « Si longue et tortueuse que soit la route, le voyageur béni, chanceux, vigilant et opiniâtre arrive toujours à destination, par la grâce de Dieu qui nous bénit en Jésus-Christ sous l'action du Saint Esprit ».

Michel Kakule Kabunga

1. INTRODUCTION GENERALE

En 1795, dans son célèbre Projet de paix perpétuelle, Kant conçoit l'idée d'une Société des Nations. Depuis deux siècles, cette idée inspire et justifie l'existence des institutions tant nationales, internationales que transnationales. Ces institutions prônent l'établissement d'un ordre international pacifique, fondé non seulement sur l'adoption d'un code de bonne conduite internationale mais surtout sur l'édification des institutions internationales permanentes et contraignantes.

En planchant sur la métamorphose de l'état de droit, notre préoccupation est de montrer comment se constitue le processus de la création d'un ordre juridique générateur de la paix mondiale, en passant par les trois formes de l'état civil conçues par Kant, à savoir l'Etat, l'Association des Etats et l'état cosmopolitique .

Notre intime conviction est qu'il est possible de fixer les bases théoriques pour la modélisation des relations de droit et de paix au sein d'un Etat, entre les Etats et entre tous les hommes sur la terre. L'idée kantienne de paix perpétuelle est un socle pour bâtir un Etat cosmopolitique d'hospitalité et de progrès intégral. Revenir sur Kant dans une Afrique étranglée ...., c'est souligner à la fois l'actualité de la pensée kantienne sur la paix et la nécessité de l'adapter aux conditions actuelles du droit et de la politique. Concrètement, nous voulons jeter le pont pour l'édification d'une Afrique où la paix est le dénominateur commun ; une Afrique unie, forte et prospère. Car, à cette époque de planétarisation, de globalisation ou de mondialisation, la pensée kantienne sur la paix perpétuelle et le cosmopolitisme acquiert une nouvelle actualité. En fait, cette pensée prend en compte, comme le souligne le professeur Otfried HOFFE, une argumentation non pas ethnocentrique, mais trans- et interculturelle. Elle prend en compte un minimum normatif de coexistence interculturelle ainsi que des conditions élémentaires en matière d'Etat de droit et de démocratie. Par le fait même, elle est une argumentation politique et, à cause de ses dimensions globales, elle est cosmopolite, digne d'un citoyen du monde1(*).

En effet, en ces temps d'interrogations profondes à propos du droit international et des relations entre des peuples, liées à la problématique de l'immigration clandestine, des « sans papiers », il semble particulièrement important de nous interroger sur les idées exprimées par Kant à propos du droit cosmopolitique, notamment dans le Projet la paix perpétuelle, publié en 1795, qui vient prolonger et affiner les intuitions soulevées dans Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique (1784). La formulation kantienne du droit cosmopolitique intervient à la maturité de sa philosophie critique, à l'apogée des Lumières allemandes, elle est particulièrement aboutie et plus réaliste qu'on ne le lui a reproché. Ainsi, ce travail, qui est une lecture du Projet de paix perpétuelle, est une tentative d'appréhension de l'état de droit, posé comme processus de consolidation de la paix.

Ce sujet se situe donc dans l'actualité planétaire. Car, en effet, la théorie kantienne relative à la paix universelle et au cosmopolitisme apporte une innovation remarquable à la théorie du droit : au droit étatique et au droit des gens s'ajoute le droit des citoyens du monde.

L'objectif assigné à ce travail est de fournir quelques repères de lecture du Projet de paix perpétuelle d'Emmanuel Kant. Il portera sur la métamorphose de l'état de droit. Notre tâche consiste à faire une relecture du projet kantien dans le cadre de la philosophie du droit et des relations internationales.

Le projet kantien se construit sur base d'un principe. En fait, Kant fait une analogie entre les individus et les Etats à l'état de nature. L'état de nature est un état d'hostilité, de barbarie, de rivalité, un état de guerre. Les individus constituent par le contrat social une société civile. Cette dernière assure la justice par le règne et l'application du droit. Kant estime qu'il peut en être de même au niveau des Etats, de façon à ce que ceux-ci abandonnent leur état de nature pour un état de droit, en constituant soit une société des Nations, soit une alliance des Nations. Il s'agit donc d'un nouveau contrat social dont tous les Etats sont membres. Kant précise que ce contrat ne consiste pas en un abandon de souveraineté, ce qui n'est pas raisonnablement envisageable car il conduirait à un échec, mais plutôt à un renoncement à la guerre comme mode de règlement des conflits et à l'institution d'un droit cosmopolitique.

Par ailleurs, retenons que, contrairement au contrat social qui est davantage une vue de l'esprit qu'une réalité historique, le processus de marche vers le cosmopolitisme, instaurateur de la paix perpétuelle, est un processus historique. Son instauration, estime Kant, devrait se faire de façon progressive. Car, la paix qui, d'emblée, n'est pas universelle, le devient par agrégation progressive et ouvre la voie à la possibilité d'un cosmopolitisme.

Notre travail est articulé en trois chapitres. Le premier donne un bref aperçu des origines de l'oeuvre politique d'Emmanuel Kant, en partant de sa conception des Lumières jusqu'à son projet, en passant par les influences qu'il a subies de Jean-Jacques Rousseau et de la Révolution Française. Le deuxième chapitre sera consacré aux formes de l'état civil et ses diverses manifestations : le Républicanisme, la fédération des Etats libres et le droit cosmopolitique. Le troisième chapitre prolonge l'analyse du cosmopolitisme posé comme horizon d'accomplissement de la paix. Ce chapitre, essentiellement critique, est un plaidoyer pour la cohabitation pacifique de différents individus et des divers Etats dans un univers mondialisé et globalisé. Précisément, il montre que le cosmopolitisme pose le problème du passage de la nationalité à la transnationalité en passant par l'internationalité. Aussi, le verrons-nous, la problématique de la cosmopolicité est liée à celle du droit d'être étranger et celle de la mondialisation. Par rapport au droit des étrangers, Kant défend l'idée d'une « citoyenneté mondiale », c'est-à-dire qu'un individu possède des droits indépendamment de son appartenance à tel ou tel Etat.

La question sous examen a un intérêt certain. En effet, le cosmopolitisme est longtemps resté en marge de l'intérêt qui a été porté à la pensée juridico-politique de Kant. L'intérêt philosophique de la question qui nous occupe dans cette investigation dépasse largement le cadre du cosmopolitisme. Nous attestons d'abord que la théorie politique de Kant ne se limite pas à une théorie de l'Etat. Cette théorie dépasse l'idée de peuple pour atteindre celle d'humanité. Ceci montre en suffisance à quel point nous avons besoin aujourd'hui du cosmopolitisme de Kant pour le passage de la guerre à la paix dans nos sociétés complexes victimes de guerres fraticides, tribales, d'agression, ...

L'intérêt majeur que revêt la relecture du Projet kantien est de motiver tous les hommes pour la paix, comprise comme affaire de tous, citoyens ou dirigeants, pour autant qu'ils sont doués de raison. Particulièrement, la relecture du Projet kantien, dans le domaine du droit et des relations internationales, est une thématique dont l'actualité n'est pas à démontrer. Cette problématique est au coeur des réflexions de beaucoup d'auteurs. Parmi eux, Habermas, dans La paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne (1995), souligne à la fois l'actualité de la pensée kantienne sur la paix et la nécessité de l'adapter aux conditions actuelles du droit et de la politique2(*).

Quant au cadre d'approche, notre recherche se situe dans le domaine de la Philosophie politique et sociale. Elle se veut pratique. Car, l'enjeu majeur que nous nous proposons est de donner un tonus aux différentes tentatives d'établissement de l'état de droit au sein et entre les nations, en vue d'une paix durable. Pour atteindre notre objectif, notre démarche s'est voulue analytique et critique.

La technique de notre investigation est essentiellement documentaire. Les ouvrages, les articles, l'internet constituent la source pour l'élaboration de notre ébauche.

Chapitre premier :

LES ORIGINES DE L'OEUVRE POLITIQUE D'EMMANUEL KANT

I.O. Introduction

Quelle que soit l'originalité d'un philosophe, on ne peut l'expliquer que sur base des sources qu'il s'est choisies et par les influences qu'il a subies. Car chaque grand philosophe est, en quelque manière, le point de rencontre d'un certain nombre de lignes de pensée.

Ainsi, la meilleur façon de pénétrer dans la pensée de Kant, nous a semblé de passer en revue son univers d'inspiration, ses sources et de voir comment il s'en est servi.

Nous résumons en trois points les principaux facteurs qui ont inspiré la pensée politique de Kant : Les Lumières, la pensée de Jean-Jacques Rousseau et la Révolution française.

I.1. Les Lumières

Le mot Lumières définit métaphoriquement le mouvement culturel et philosophique qui a dominé, en Europe, et particulièrement en France, le XVIIIe siècle auquel il a donné, par extension, son nom de siècle des Lumières. Les membres de ce mouvement ont marqué le domaine des idées et de la littérature par leur remise en question fondée sur la «  raison éclairée » de l'être humain et sur l'« idée de liberté ». Par leur engagement contre les oppressions religieuses, morales et politiques, les partisans de ce mouvement, qui se voyaient comme une élite avancée oeuvrant pour un progrès du monde, combattant l'irrationnel, l' arbitraire et la superstition des siècles passés, ont procédé au renouvellement du savoir, de l' éthique et de l' esthétique de leur temps. L'influence de leurs écrits a été déterminante dans les grands événements de la fin du XVIIIe siècle que sont la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique et la Révolution française.

Le siècle des Lumières commence en 1670 et s'étend jusqu'en 1820. Cette période est appelée siècle des Lumières de par les diverses révolutions qui ont eu lieu. De grands événements se sont déroulés durant ce siècle et n'ont épargné aucun domaine, que ce soit dans la science, la littérature, les sciences sociales ou l'art. Plusieurs personnalités vont marquer ce siècle et seront considérées comme l'élite intellectuelle. Ainsi, le siècle des Lumières fut-il marqué par un premier grand évènement : la mort de Louis XIV en 1715, précédée par la Révolution anglaise. Le XVIIIe siècle est, pour ainsi dire, une époque de mobilité et de communication, qui a brassé les hommes, les choses et les idées, dans et à travers les frontières politiques et géographiques de l'Occident.

Concrètement, en 1784, Kant fait une défense des Lumières à travers sa Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières ? Cette question est éminemment politique. Elle implique à la fois la liberté, la connaissance, la raison, le jugement, la religion, le pouvoir et l'Etat.

La définition donnée par Kant en 1784 à ce mouvement insiste sur l'idée que la raison philosophique avec laquelle les hommes des Lumières ont investi le monde a correspondu plus à une énergie qu'à un contenu doctrinal. Il s'agit d'une dynamique, une "marche" dirait-il, vers l'émancipation de la personne humaine par la connaissance, l'acquisition par l'homme de son autonomie intellectuelle, une libération des vérités imposées de l'extérieur, qui maintenaient l'humanité en tutelle. Pour Kant, en effet, « les lumières sont ce qui fait sortir l'homme de la minorité »3(*). Par « minorité », il représente l'incapacité de se servir de son propre entendement sans la direction d'autrui. Par ce fait même, Kant veut libérer la raison afin de lui rendre un « usage public » de sa raison.

En présentant les Lumières comme la sortie de l'homme de la minorité dont il est lui-même responsable, Kant ne paraît pas convaincu que l'homme soit devenu majeur. En effet, pour lui, devenir adulte c'est entre autres savoir penser, et ne plus dire : « Je n'ai pas besoin de penser pourvu que je puisse payer »4(*).

Cet idéal individuel et collectif auquel aspirait et vers lequel tendait toute l'Europe du XVIIIe siècle, et qui encore aujourd'hui continue de façonner l'expérience humaine, a modelé la pensée de cette époque. Voici comment Emmanuel Kant, grand philosophe allemand du XVIIIe siècle, a exprimé la devise des Lumières : « Sapere aude! - Ose user de ton entendement! »

Par ailleurs, en tant qu'être de nature, l'homme, comme les autres vivants, ne naît pas adulte. Sa vie commence par l'enfance. Il a besoin d'une croissance qui le développe pleinement. Kant postule donc que l'homme est un être dont l'être est la raison. Mais, dès son enfance, il ne sait pas faire usage de sa raison.

Dès lors, « quitter la minorité » c'est être raisonnable. Dans son opuscule sur la philosophie de l'histoire, Kant écrit notamment : « Etre raisonnable c'est se gouverner soi-même, autonomie qui exclut toute espèce de joug et e la direction étrangère, pathologique (...) ou même divine (...). Etre homme c'est être adulte dans toutes ses pensées et toutes ses actions »5(*).

Enfin, quoi qu'il en soit, il est difficile pour chaque individu, dans sa singularité, de sortir de la minorité. A ce moment, il lui est difficile de se servir de son propre entendement. Néanmoins, l'homme doit conquérir la raison par essais et erreurs.

A tout considérer, la diffusion des Lumières n'exige autre chose que la liberté, et encore la plus inoffensive de toutes les libertés, celle de faire publiquement usage de sa raison ; et dans le cas qui nous concerne, en matière de politique. Cette philosophie politique de l'entendement peut, en son développement, rendre plus proche le règne de la philosophie rationnelle et raisonnable de l'Etat dont héritera en partie Hegel.

I.2. La lecture de Jean Jacques Rousseau

L'on ne peut pas penser ex nihilo, dit-on. On se base sur un fait, une pensée, une personne pour étayer sa propre doctrine. Dans la construction de sa pensée politique, Kant avait puisé de près ou de loin dans plusieurs sources. Effectivement, une lecture minutieuse de ses oeuvres politiques nous présente sa référence préférentielle à Jean-Jacques Rousseau, dont il salut le style. Mais Kant, qui médita si profondément Rousseau, n'était pas tout à fait son disciple, ou n'était qu'un disciple indépendant. Pouvait-on alors penser qu'il y ait entre les deux quelque parenté immédiate ?

Tout comme David Hume réveilla Kant de son sommeil dogmatique, Rousseau aurait ouvert les yeux de Kant sur la réalité humaine. On peut bien s'apercevoir de la fécondation de la pensée de Kant par Rousseau, d'abord et essentiellement au niveau de la méthode. En effet, Rouseau utilise la méthode des « modèles » qui consiste à la manière des sciences hypothético-déductives. Il s'agit d'un effort mental par lequel on pose en idée une réalité enfin la jauger dans l'empirie. C'est d'ailleurs pour cette raison que Kant disait de Rousseau que « c'est le Newton de la philosophie »6(*).

Kant n'a pas été servile à l'égard de Rousseau. Il ne nourrissait pas une naïveté extrême en s'abandonnant à la magie que Rousseau, en tant qu'écrivain exerçait sur lui. Au contraire, il y substituait un jugement plus calme et plus serein. Ainsi, dira-t-il : « Je dois lire Rousseau (...) jusqu'à ce que la beauté de son expression ne me distraie plus, alors puis-je l'envisager avec ma raison »7(*). Toutefois, sa théorie sociale et politique apparaît, somme toute, comme la théorie rousseauiste inversée. Si, pour Rousseau, l'homme, et l'histoire qu'il crée par les mécanismes sociaux, va du mieux au pire, Kant, en revanche, estime que l'histoire de l'humanité, va du pire au mieux. A l'interprétation chaotique et pessimiste de l'histoire, Kant substitue l'optimisme anthropologique et historique. Grace à celui-ci, l'humanité peut s'activer dans l'horizon de l'espérance et réaliser les objectifs « rusés » de la Nature, par un comportement technique, réglé sur le modèle du Devoir8(*).

Rousseau a éveillé chez Kant un écho certain. Dès son jeune âge, Rousseau est un homme solitaire. Il était un citoyen bien singulier manifestant dès le départ une relation paradoxale avec la société. Il fallut qu'il quitta la société pour la servir ensuite. C'est dans son ermitage qu'il réfléchissait aux devoirs des citoyens. Le contrat social est un fruit de cette solitude. Cette oeuvre présente les traits similaires avec l'Emile, oeuvre dans laquelle Rousseau veut qu'Emile soit élevé en dehors de la société parce que c'est seulement de cette manière que l'on peut éduquer au vrai sens du terme.

Le problème de Rousseau, dans le Contrat social, c'est de sauver à la fois la liberté et l'obéissance. Pour Rousseau, en effet, l'homme doit se dénaturer pour devenir un être social : « Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est la liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu'il possède »9(*).

Kant s'aperçut clairement de tout cela. Il fut ainsi capable de pénétrer la nature de Rousseau bien profondément. Kant, dans sa nature, n'avait rien d'un associal, il n'exagérait pas la valeur de la vie en société ni ne la sous-estimait. Au contraire, « il cherchait et appréciait les relations sociales »10(*).

Le contrat social, tel était aux yeux de Kant, le mérite de Rousseau. Il ne pensait pas que Rousseau, par son éloge enthousiaste de la nature, avait voulu détourner l'homme de la civilisation ou le ramener à l'état sauvage. Il le défend même explicitement contre ce soupçon dans ses leçons d'anthropologie en ces termes : « Quant au tableau hypocondriaque (...) que Rousseau trace de l'espèce humaine se risquant à sortir de l'état de nature il ne faut pas y voir le conseil d'y revenir et de reprendre le chemin des forêts »11(*).

L'on remarque avec netteté que Rousseau ne voulait pas que l'homme dût revenir à l'état de nature, mais qu'il apprît du degré où il se trouve de nos jours, à reporter vers lui son regard.

Pour Kant, le caractère en apparence rétrospectif de la théorie du contrat social doit armer les hommes pour l'avenir et les rendre capables d'établir les bases de celui-ci.

En raison de la conviction méthodologique fondamentale chez Kant, ce dernier est obligé de refuser d'emprunter la voie de Rousseau, quand celui-ci opère de façon purement déductive et traite de l'état de nature postulé comme un fait à partir duquel l'on peut tirer des conclusions. C'est ce que retrace Cassirer, un des commentateurs de Kant : « Kant a donc accompli ainsi pour le contrat social la même transformation méthodologique que celle qu'il a effectuée avec l'interprétation de l'état de nature de Rousseau. Il a transformé l'un et l'autre en faisant d'une "expérience" une "idée" (...) Non seulement la question de l'existence historique du contrat social n'a pas d'importance à ses yeux, mais il considère même que ce contrat ne saurait exister comme un fait »12(*).

Il découle de ce qui précède que la seule donnée dont nous disposons, dans la pensée kantienne, c'est l'homme civilisé ; et non le sauvage de Rousseau, qui erre solitaire dans la forêt. En effet, que Rousseau procède synthétiquement -commence par l'homme naturel -, Kant, quant à lui, procède de façon analytique en partant de l'homme civilisé. Ce point de départ kantien est, à notre avis, plus approprié parce que la civilisation ne constitue pas une caractéristique accidentelle et secondaire de l'homme. Elle révèle au contraire sa nature essentielle, son caractère spécifique. Et, à en croire Kant, « Qui veut étudier les animaux doit commencer à les observer à l'état sauvage ; mais qui veut connaître l'homme doit l'observer lorsque ses facultés créatrices et ses réalisations sont plus apparentes, c'est-à-dire dans l'état de civilisation »13(*).

I.3. La Révolution française

Selon Ernest Cassirer, la Révolution française fut un « événement ... assez important pour que Kant, en apprenant la prise de la Bastille, renonçât à sa promenade quotidienne afin de lire les journaux. Fichte crut qu'une nouvelle époque de l'histoire du monde venait de commencer (...) Hegel salua dans l'événement sans pareil un merveilleux "lever de soleil" »14(*).

Emmanuel Kant est contemporain de la Révolution française et de Jean Jacques Rousseau. En sus, la Révolution française se déclenche quand Emmanuel Kant a soixante-cinq ans. Elle est, à ses yeux, une guerre où des rois et des princes se battent contre la liberté. Et la barbarie guerrière exige, sans ambages, la nécessité de passer de l'état de nature15(*) à l'Etat civil dont le point culminant est l'instauration de la paix perpétuelle. Seul le droit fournit une telle garantie, car il se définit par le respect de la liberté d'autrui sous des lois communes. Il substitue donc la loi à la violence.

Le moment qui déclenche la Révolution française est décisif non seulement pour l'histoire événementielle de l'Europe, mais aussi pour le cours des idées politiques. Mais, qu'est-ce qui s'est, au juste, passé ? Tout est chambardé et émietté. Des monarchies féodales sont impuissantes à imposer quelque autorité. Cette douloureuse réalité historique dictera la réflexion des idéalistes allemands, dont Kant.

Kant opère une révolution similaire. D'une part, au niveau de la connaissance, Kant cesse de croire que la connaissance humaine se règle sur les objets, mais il la fait dépendre de la structure du sujet. D'autre part, au niveau politique, Kant ne se contente pas de faire dépendre la connaissance du sujet connaissant à la réalité politique. Au contraire, il tente de régler le monde politique sur l'action volontaire des citoyens en projetant un Etat cosmopolitique reposant sur la cohésion internationale les droits et l'hospitalité universelle.

Subséquemment, la Révolution Française est une rupture majeure : de vieux Etats magnifiques, dit-il, ont disparu comme par enchantement pour faire place à d'autres qui semblent surgir des profondeurs de la terre16(*). Par conséquent, écrit-il, « Ce qui avait été grand parmi les hommes est devenu petit et ce qui avait été petit est devenu grand »17(*).

Kant, méditant Rousseau, s'aperçut très tôt de ce penchant révolutionnaire qu'il tentera de contourner en introduisant l'idée de réforme qui supplée à celle de révolution. Pour Kant, la révolution est le propre du peuple tandis que la réforme est de l'autorité du souverain. Rousseau ne l'avait guère remarqué. Il écrit à ce sujet: « Un changement de la constitution (vicieuse) de l'Etat peut bien être parfois nécessaire -mais il ne peut être accompli que par le souverain lui-même par une réforme, et non par le peuple, c'est-à-dire par révolution- et si cette révolution a lieu, elle ne peut atteindre que le pouvoir exécutif, non le pouvoir législatif »18(*).

Au demeurant, Kant se montre extrêmement circonspect. Il conteste le droit de « faire une révolution ». Et, lorsqu'il déclare que « les acteurs en cas de défaite, en paieront les frais »19(*), il ne fait que contester ce que les révolutionnaires savent bien : s'ils échouent, ils meurent car ils se sont eux-mêmes exclus du droit établi ; droit nouveau dont ils rêvent, contre droit ancien qu'ils réprouvent.

A ce propos, la sévérité de Kant, son pessimisme si souvent soulignés ne dépendent pas vraiment d'un passé monstrueux et gigantesque des forfaits commis par l'humanité, mais plutôt des craintes pour l'avenir. L'histoire est pour ainsi dire une adolescence. En ce sens, Kant lit dans la Révolution Française une crise d'adolescence mal supportée. Ce drame s'étend sur toute l'humanité car il est une « croisade de liberté universelle ». Ce n'est pas une guerre conclue entre prince et prince pour la conquête d'une province mais bien au contraire une guerre politique : des rois et des princes se battent contre la liberté.

Enfin, Kant n'est pas le philosophe de la Révolution Française. Il ne l'avait même pas prévue dans ses idées d'avant 1789, tout comme il n'a pas eu la possibilité de la considérer dans son développement. Pour tout le moins, la Révolution Française l'inspira sur les constitutions politiques. Et à en croire Aulard, « plus d'un orateur, dans le langage de Rousseau, y exprima les voeux que les nations passent le plus tôt possible de l'état de nature à l'état civil, c'est-à-dire de l'état sauvage à l'état raisonnable, de l'état de guerre à l'état de paix »20(*).

Après avoir cerné les origines de la pensée politique de Kant, voyons comment cette pensée s'est construite autour des concepts de droit et de liberté.

I.4. La liberté et le droit

Dans Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant définit la liberté comme la clef d'explication de l'autonomie de la volonté, et doit être supposée comme propriété de la volonté de tous les êtres raisonnables. La liberté est l'indépendance aux causes du monde sensible ; elle permet l'autonomie, elle-même pilier de la loi morale. Elle « serait la propriété qu'aurait cette causalité de pouvoir agir indépendamment de causes étrangères ».21(*)

Cependant, poursuit Kant, comme le concept d'une causalité implique en lui celui de lois, d'après lesquelles quelque chose que nous nommons effet doit être posé par quelque autre chose qui est la cause, la liberté, bien qu'elle ne soit pas une propriété de la volonté se conformant à des lois de la nature, n'est pas cependant pour cela en dehors de toute loi ; au contraire, elle doit être une causalité agissant selon des lois immuables, mais des lois d'une espèce particulière, car autrement une volonté libre serait un pur rien22(*).

La liberté civile et la propriété sont de grandes valeurs acquises par le contrat social. C'est cette souscription qui transparaît dans la Doctrine du droit où l'on peut lire succinctement sous la plume de Kant cette affirmation : « on ne peut pas dire que l'homme, dans l'Etat ai sacrifié une partie de sa liberté naturelle extérieure à une quelconque fin, mais il a abandonné la liberté sauvage et sans loi pour retrouver une dépendance légale, c'est-à-dire dans un Etat juridique, la liberté en général, inentamée puisque cette dépendance procède de sa propre volonté législatrice »23(*).

Ce faisant, Kant est conduit à distinguer deux types de liberté. D'une part, la liberté fondée sur la force et l'instinct : celle de l'état de nature. D'autre part, la liberté fondée sur la raison : celle de l'état civil, lequel harmonise les rapports entre les gens par la raison, dans et pour l'Etat, d'après le critère de droit.

Pour Kant, le véritable fondement du droit est la liberté. En fait, le droit est à la fois un choc des libertés individuelles selon la téléologie -à laquelle renvoient les rapports extérieurs des hommes entre eux-, et le postulat de la liberté morale. Dans cette vision, le droit est donc un ensemble de règles objectives.

Subséquemment, selon une problématique reprise par des pensées comme celle de John Rawls24(*), le droit est constamment placé sous la détermination des principes de justice. Ceux-ci sont régis par l'idée selon laquelle « est juste toute action qui permet ou dont la maxime permet à la liberté de l'arbitre de tout un chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle »25(*).

Quoi qu'il en soit, le fondement du droit sur la liberté nécessite la contrainte. Bien entendu, les rapports de la liberté et de la contrainte prennent, dans la pensée kantienne, la forme d'une antinomie. C'est-à-dire que l'association civile doit assurer le maximum de sécurité ; ce qui requiert en ce cas, le maximum de contrainte. Or, l'homme vise le maximum de liberté. Donc, il recherche le maximum de contrainte.

En revanche, cette antinomie trouve sa solution au sein d'une liberté universelle permettant l'accord de toutes les libertés individuelles. Ceci explique par le fait même que le droit consiste simplement à limiter la liberté d'autrui en la ramenant à la condition qu'elle puisse coexister avec la mienne d'après une loi universelle.

Somme toute, Kant explique mieux la liberté comme fondement du droit par une célèbre parabole des arbres : abandonnés à eux-mêmes, ils poussent de façon anarchique. Tandis que cette force qui les pousse naturellement à se développer est mise au service de la civilisation lorsqu'elle est canalisée par la présence d'autres arbres qui, eux aussi, s'efforcent de se développer pleinement. Cette parabole peut, sans ambages, être rapprochée de la formule non moins célèbre selon laquelle l'homme est fait de bois noueux. Quand le développement s'accomplit sans la contrainte, le bois devient de plus en plus noueux. Il se redresse, par contre, et pousse vers le haut, vers la lumière, lorsqu'il est discipliné par des règles de coexistence. Ainsi, le droit est-il posé.

I.5. Division du domaine du droit

La doctrine du droit de Kant est subdivisée en deux grandes parties : le droit privé et le droit public. Le droit naturel de l'état de société est le droit privé. En revanche, dès lors que l'état de nature tel qu'il s'exprime en société se convertit en état civil, le droit privé cède la place au droit public

I.5.1. Le droit privé 

Le droit privé est l'ensemble des règles qui régissent les rapports entre les personnes physiques ou morales. Il s'agit du droit naturel de l'état de société. Historiquement, l'on reconnaissait trois droits privés : la liberté, l'égalité et la sûreté. La Déclaration des droits a placé la propriété parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme, qui se trouvent ainsi au nombre de quatre : la liberté, l'égalité, la propriété et la sûreté.

Cependant, si l'on compare ces quatre droits, on trouve que la propriété ne ressemble point aux autres ; que pour la majeure partie des citoyens, elle n'existe qu'en puissance, et comme une faculté dormante et sans exercice ; que pour les autres qui en jouissent, elle est susceptible de certaines transactions et modifications qui répugnent à l'idée d'un droit naturel ; que, dans la pratique, les gouvernants, les tribunaux et les lois ne la respectent pas ; enfin que tout le monde la qualifie de chimère.

D'après la Déclaration des droits, la propriété est « le droit de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie »26(*). Et, d'après le Code Napoléon, « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements »27(*).

On distingue dans la propriété, d'une part, la propriété pure et simple, c'est-à-dire le droit dominal, seigneurial sur la chose, ou, comme l'on dit, la nue propriété ; d'autre part, la possession qui est une chose de fait, et non de droit. La propriété est un droit, une faculté légale tandis que la possession est un fait. D'où, le locataire, le fermier, le commandité, l'usufruitier, sont possesseurs ; le maître qui loue, qui prête à usage ; l'héritier qui n'attend pour jouir que le décès d'un usufruitier, sont propriétaires.

Kant attache un intérêt particulier au droit de propriété. Il concilie la théorie impérieuse du droit et de la raison politique avec la théorie critique du monde de la raison spéculative. Il entend circonscrire la doctrine classique des droits de l'homme. C'est ainsi qu'il s'en va définir les modes d'acquisition des droits. Et comme le raisonnement de Kant part toujours de l'individu, il expose ces droits comme résultant d'initiatives individuelles, du moins au stade originaire, sous le régime de « droit privé ».

Ce que Kant nous fait souligner pour l'instant c'est le droit réel. Celui-ci est la première et primordiale espèce de droit individuel dont le prototype est la propriété. La source initiale de la propriété est l'occupation, la prise de possession. Ceci étant, Kant consacre le premier chapitre de sa réflexion sur le droit privé à la nature du mien extérieur. Il inclut tout le système du droit privé dans ce système de biens. En fait, il veut éviter de distinguer un droit de l'objet sur lequel porte ce droit. De surcroît, puisque chaque droit consiste à exercer une possession juridique, l'expression « un droit sur un objet » équivaut à « posséder une possession ».28(*) A cet égard, Kant considère l'objet comme une première relation juridique qui est le droit même, car il distingue l'objet juridique de l'objet matériel.

Emmanuel Kant s'attache moins à retracer la genèse historique de la coexistence des possessions qu'à dégager la signification rationnelle. Ainsi définit-il « l'objet possédé » comme un objet extérieur qui m'appartient en droit d'une part. D'autre part, pour définir l'essence de ce qui m'appartient en droit, il se reporte de la réalité phénoménale à l'idéalité morale sur laquelle il fonde le droit positif. C'est alors qu'il énonce cette définition liminaire du « mien » et de « possession » : « le mien selon le droit (meus juris) est ce à quoi je suis tellement lié, que l'usage qu'un autre en ferait sans mon agrément me léserait. La possession (Besitz) est la condition subjective de la possibilité de l'usage en général ».29(*)

De cette manière, pour que l'usage qu'un autre fasse d'un objet me cause du tort, il faut que l'objet reste à ma possession même si je ne l'utilise pas moi-même. Ceci revient à dire qu'un objet n'est mien que quand j'en ai la possession ; sinon l'usage qu'en ferait autrui sans mon assentiment ne me causerait aucun tort. La possession revêt donc ici deux sens : l'un sensible et l'autre intelligible. Et, aux fins de la définition énoncée ci-haut, la possession a un aspect différent dans la mesure où l'on exerce une possession intelligible sans mainmise « actuelle » sur un objet.

Par ailleurs, Kant dresse les bases qui permettent la possibilité d'acquérir un objet. En effet, dit-il, « avoir quelque chose d'extérieur comme sien n'est possible que dans un Etat juridique, sous un pouvoir législatif public, c'est-à-dire dans un état civil ».30(*) En réalité, le « mien » et le « tien » appellent la garanti du droit et de l'Etat. L'un et l'autre présupposent l'existence d'un mien et d'un tien » extérieur à garantir. En plus, puisque ce « mien » et ce « tien » conditionnent la garantie du droit et de l'Etat, ce ne peuvent être qu'un « mien » et un « tien » provisoires. Mais l'ordre positif une fois instauré, ils deviennent péremptoires. Bref, la possession naturelle provisoire requiert une présomption de légitimité dans l'Etat. Celui-ci ne dispense pas de rapporter la preuve d'un bien en cas de conflit.31(*)

Au demeurant, il convient de s'interroger sur les modes des objets extérieurs. Cette préoccupation fait l'objet du deuxième chapitre de la réflexion kantienne sur le droit privé. Pour Kant, ces modes d'acquisition peuvent se résumer par les moments de l'acquisition. D'abord, nous établissons notre possession phénoménale par l'appréhension d'un objet sans maître, mais susceptible d'en avoir un. En sus, nous déclarons notre possession et nous notifions aux autres qu'ils doivent s'abstenir d'user de l'objet. Enfin, s'accomplit l'appropriation de l'objet à notre profit comme acte d'une volonté législative extérieure universelle qui oblige chacun à respecter notre discrétion.32(*)

Par ailleurs, si l'état d'union civile permet à chaque personne, selon l'expression de Kant, d'avoir part à son droit, en vertu du principe de la volonté législative universelle. C'est ainsi que se comprend la justice juridique. En fait, la justice exerce une action tutélaire, commutative et distributive. La loi, quant à elle, déclare comment chacun doit agir, quelle manière fait l'objet de la possession légitime et comment un tribunal positif doit statuer. Au dire vrai, c'est tout l'exercice de la violence dans l'acquisition du « mien extérieur » qui est abrogé. Donc, pour tout état de cause, l'idée de droit opère le passage de l'état de nature à celui du droit public.

I.5.2. Le droit public

Le droit public recouvre les relations avec l'État ou l'Administration, et les relations des institutions publiques entre elles. Il comprend le ius civitatis, le ius gentium et le ius cosmopoliticum33(*), autrement dit le droit politique ou civil, le droit des gens et le droit cosmopolitique.

Par droit public, il faut entendre un système des lois destinées à un peuple ou à une pluralité de peuples, c'est-à-dire à des êtres humains et à des sociétés en interaction. Autrement dit, le droit public est « l'ensemble des lois qui ont besoin d'être proclamées universellement pour produire un état juridique est le droit public »34(*).

Dans la note « c » de son Projet de paix perpétuelle (1795), Emmanuel Kant rappelle ce qui constitue pour lui les principales divisions du droit public. Ces divisions sont au nombre de trois. Il y a d'abord le ius civitatis, défini comme « la constitution selon le droit civil des hommes dans une même nation ». Il y a ensuite le ius gentium, défini comme la constitution « selon le droit internationale des Etats dans leurs rapports les uns avec les autres ». Et il y a enfin, le ius cosmopoliticum, défini quant à lui comme la constitution « selon le droit cosmopolitique pour autant que les hommes et des Etats entretiennent des rapports extérieurs d'influence réciproque peuvent être considérés comme les citoyens d'un Etat humain universel »35(*).

Parlant du droit de l'Etat ou ius civitatis, la raison du droit commence par s'accomplir dans un monde où la violence existe. Il est ainsi convenu que la formation de l'Etat est le résultat de la confrontation entre la loi et la violence. C'est ce qu'atteste Kant lorsqu'il définit l'Etat comme « l'unification d'une multiplicité d'hommes sous les lois juridiques »36(*). Kant borne le droit dans la réparation des différends entre les individus au sein de la société. L'Etat a donc le droit de veiller sur le « mien extérieur », de punir et de gracier.

Le droit de punir est une exclusivité du chef suprême. Ce droit pénal est le droit du gouvernement d'infliger une souffrance au sujet coupable d'une infraction, d'un crime. Kant distingue les infractions contre les biens et les infractions contre les personnes. Mais alors, quel est le mode et quel est le degré de châtiment que la justice publique doit adopter comme principe et comme mesure ? La réponse que nous propose Kant se fonde sur la loi du talion : oeil pour oeil, dent pour dent. C'est ce qui est manifeste dans cette déclaration : « Le mal immérité que tu infliges à une autre dans le peuple, tu le fais à toi-même. Si tu outrages, c'est toi-même que tu outrages ; si tu le vole, tu te voles toi-même ; si tu le tues, tu te tues toi-même ».37(*)

Cependant, Kant reconnaît à l'Etat le droit de gracier le criminel, en adoucissant sa peine. Mais, à ce niveau, Kant prévient le souverain d'un danger qu'il qualifie de « la plus grande injustice ».38(*) En fait, comme le droit de gracier revient au souverain, il est l'expression de sa grandeur. Ainsi, puisque cette injustice est la manifestation des sentiments subjectifs, il est nécessaire d'avoir toujours pour référence le contenu de la loi pour ne pas céder à la tendance naturelle d'injustice.

Par ailleurs, tout autant que les différends entre les individus au sein de la société astreignent l'intervention de la loi et du droit pour le maintient de l'ordre, de même le voisinage des Etats est aussi source de séditions réciproques et exige, à son tour, les droits qui maintiennent la sureté de chaque Etat. La résolution de cette préoccupation, appelée souvent « rêve kantien », est l'objet de l'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolite d'une part et du Projet de paix perpétuelle, d'autre part. Pour en rester ici à ce qui touche directement cette préoccupation, nous pouvons lire cette affirmation sous la plume de Kant :

« La même insociabilité qui contraignait les hommes à s'unir est à son tour la cause d'où résulte que chaque communauté dans les relations extérieures, c'est-à-dire dans ses rapports avec les autres Etats, jouit d'une liberté sans contrainte ; par la suite, chaque Etat doit s'attendre à subir de la part des autres exactement les mêmes maux qui pesaient sur les hommes et les contraignaient à entrer dans un Etat civil régit par des lois »39(*).

Cette exigence est le fondement même du droit cosmopolitique qui réalise une situation de paix universelle telle que postulée par Grotius à travers la communauté des mers, par Campanella et Bacon dans la cité des sciences, par l'abbé de Saint-Pierre dans son projet de « corps européen »40(*).

Dans l'optique kantienne, « le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d'une hospitalité universelle »41(*). C'est sur cette base, et sur cette base seulement, que chacun peut enfin s'identifier au « citoyen du monde ».

Du reste, Kant précise que les trois divisions du domaine du droit public doivent être conçues comme relevant elles-mêmes du ius cosmopoliticum. Ainsi, faire la part des choses entre ius civitatis, iuis gentium et ius comopoliticum est, écrit-il, « nécessaire relativement entre à l'idée de paix perpétuelle »42(*). Dès lors, qu'il s'agit, en concevant un ius cosmopoliticum, de s'extraire de l'état de guerre présumé par le ius gentium tel qu'il est exercé en pratique, c'est la considération de paix qui doit gouverner la division même de la matière qui en est l'objet. Pour le dire de manière plus directe, on pourrait soutenir que la division kantienne des trois domaines relève d'un voeu de pacification, celui-là même dont le iuis cosmopoliticum constitue le projet philosophique.

Eu égard à ce qui précède, que le Projet de paix perpétuelle ne s'intéresse qu'à la division du droit en ius civitatis, ius gentium et ius cosmopoliticum se comprend mieux. Cependant, la nécessité qui ordonne ces trois formes de droit public à l'exigence de la paix n'existe pas dans le droit privé. D'une certaine manière, on pourrait même dire que le droit privé est strictement contingent parce qu'il n'est soumis à aucune nécessité. Et, parce qu'il n'est soumis à aucune nécessité, le droit privé se trouve donc déconnecté du concept du Droit dont le ius cosmopoliticum forme l'horizon rationnel. A l'inverse, le droit public se trouve racheté par l'exigence de ius cosmopoliticum qui se réduit à l'idée a priori de ce concept pur de Droit. Même si ses deux premières divisions -le ius civitatis et le ius gentium-, appartiennent encore au domaine du droit pratiqué, leur collaboration possible à la perpétuation de la guerre se trouve rachetée par leur ordonnance au ius cosmopoliticum, qui, pour sa part, ne l'est ni ne le sera jamais. Mais cela signifie aussi que, sans ius cosmopoliticum, le droit public, au fond, serait tout aussi contingent que le droit privé.

I.6. Le projet de paix perpétuelle

I.6.1. Présentation de l'ouvrage

Le Projet de paix perpétuelle parut en 1795. Cet ouvrage, qui eut un grand succès, marque la fin du mouvement de rationalisation du droit qui déterminait pour la paix des normes universelles sans égards pour l'identité culturelle ou religieuse des parties en présence. En outre, cette oeuvre prolonge le mouvement des théologiens juristes. Ces derniers, en réfléchissant aux aspects juridiques de la conquête de l'Amérique, font remonter le droit international au développement systématique du droit de la guerre et de la paix. Le Projet kantien est une « esquisse philosophique » et non un programme diplomatique édictant des règles organisationnelles. C'est une démarche transcendantale et non empirique.

Le propos de Kant dans le Projet de paix perpétuelle est de questionner la paix comme une possibilité essentielle, c'est-à-dire non pas comme trêve ou comme simple négation de la guerre, mais comme une valeur positive.

Toutefois, en tant que projet philosophique, Kant y opère une synthèse entre deux traditions de pensée, la tradition juridique qui insiste sur la dimension artificielle de la paix, et la tradition chrétienne, centrée sur l'idée de Providence, qui rapporte au contraire la paix à un ordre supérieur à la volonté des hommes.

I.6.2. Structure et contenu de l'ouvrage

L'ouvrage commence par un préambule, dans lequel Kant revendique une totale liberté d'expression.

La première section est constituée de six articles préliminaires, pratiques et négatifs, qui définissent ce qui doit être exclu pour pouvoir poser la question de la paix de manière essentielle :

1. On ne peut conclure un traité de paix en se réservant en secret matière à une guerre ultérieure, car ce ne serait qu'une trêve43(*) ;

2. Un Etat n'étant pas un patrimoine, aucun Etat indépendant ne peut être acquis par un autre Etat44(*) ;

3. Les armées permanentes doivent être supprimées45(*) ;

4. Un Etat ne doit s'endetter publiquement en vu d'un conflit extérieur46(*) ;

5. Aucun Etat ne peut s'immiscer dans la constitution ou le gouvernement d'un autre Etat47(*) ;

6. Dans le cadre d'une guerre, les Etats ne peuvent pas se permettre les manoeuvres telles que l'empoisonnement, la trahison, la violation d'une capitulation, ... qui rendraient impossible le minimum de confiance réciproque nécessaire pour que la paix soit conclue48(*).

En somme, les articles 1, 5, 6 sont des lois strictement prohibitives et immédiatement exécutoires tandis que les articles 2, 3, 4 énumèrent les entreprises dans lesquelles il faut éviter de se lancer ou vers la suppression desquelles il faut tendre si on veut organiser la paix. Ces lois sont permissives en ce que, tout en faisant porter l'interdiction sur l'avenir, elles aménagent des transitions pour le présent.

Dans la deuxième section, Kant définit trois impératifs juridiques en vue de la paix perpétuelle. Ces articles, positifs -facteurs de paix-, et beaucoup plus théoriques, définit le droit dans l'Etat, le droit des gens ou le droit entre les Etats et, enfin, le droit cosmopolitique. Ce sont des conditions juridiques grâce auxquelles toute guerre deviendra impossible.

D'abord, à un niveau interne, tous les Etats doivent développer une constitution républicaine et non despotique. Dans ce premier article définitif, Kant vise la forme de gouvernement ou la manière de gouverner et non pas la forme de l'Etat49(*). Ce qui compte pour Kant est seulement que la volonté publique ne soit pas maniée comme si c'était la volonté privée du gouvernement50(*), bref que la « forme de publicité » soit respectée. En effet, pense Kant, une telle constitution républicaine est « pour ce qui est du droit, en soi, la constitution qui sert de base à tous les genres de constitutions civiles »51(*). En plus, l'usage public de la volonté publique ouvre, selon Kant, la perspective de la paix perpétuelle en ce que l'assentiment libre des citoyens ne serait jamais donné à quelque guerre que ce soit, qui suppose toujours au contraire que « le chef n'est pas un associé dans l'Etat, mais le propriétaire de l'Etat ». Bref, la définition que donne Kant de la constitution républicaine, hors de toute considération empirique sur les institutions, signifie que l'on se passe de l'expérience effective de la liberté du peuple qui, toutefois, prise dans la dynamique de publicité, refuse la guerre. En d'autres termes, c'est un système qui exige le consentement des citoyens et ces derniers préféreront la paix et la sécurité au conflit.

Ensuite, dans le deuxième article définitif, Kant fonde le droit des gens sur un fédéralisme d'Etats libres, et non sur un droit fédératif. Ainsi, pour Kant, à « l'idée d'une république mondiale », qui nierait la multiplicité des peuples52(*) et le principe de la souveraineté53(*), se substitue à « l'équivalent compensatoire (surrogal) négatif d'une alliance contre la guerre, alliance permanente, s'étendant toujours plus loin »54(*). Une telle alliance, poursuit Kant, ne vise donc pas elle même à « acquérir quelque puissance politique, mais uniquement de conserver et de garantir la liberté d'un Etat pour lui-même et d'autres Etats alliés »55(*), et ce, de telle sorte que, insensiblement (...), elle s'étendra de plus en plus56(*), jusqu'à éventuellement se muer en fédération d'Etats libres. De la sorte, l'Etat fédéral mondial aura toujours été évité et seul le « libre fédéralisme » aura apporté « la confiance » dans le droit, nécessaire à un tel projet57(*). Il est important de dégager à ce niveau, à la suite de Thomas Berns, un présupposé important : « une république mondial est impossible et/ou non souhaitable ; la division est toujours déjà donnée. La paix trouve son sens et sa consistance dans le fait de n'être en rien le fruit imposé d'une république mondiale ou d'une alliance douée d'une puissance politique : elle ne peut qu'être mue, insensiblement, par le développement d'une confiance partagée, laquelle serait effacée si la paix était produite par la constitution d'une autorité commune »58(*). L'on comprend bel et bien que « l'alliance des peuples » est nécessaire au niveau international, c'est-à-dire la confédération d'Etats qui garantisse la sécurité de chacun de ses membres et dispose du pouvoir d'imposer la paix aux souverains qui voudraient agrandir leur puissance.

Enfin, dans le troisième article définitif, Kant parle du droit cosmopolitique. D'après Kant, ce droit doit se limiter à l'obligation d'assurer une hospitalité universelle, c'est-à-dire que doit seulement être protégé, à ce niveau collectif global « le droit de l'étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, de ne pas y être traité en ennemi »59(*). La valeur restrictive de ce droit d'hospitalité, qui se présente comme « un droit de visite » et pas comme « un droit de résidence »60(*), s'explique par la volonté explicite de Kant de ne pas justifier de la sorte une entreprise de type colonial61(*). En fait, Kant définit l'entreprise coloniale comme la conduite inhospitalière des Etats civilisés quand ils visitent des pays et des peuples étrangers, visite, signifie, pour eux, la même chose que la conquête62(*). Chez Kant, l'hospitalité signifie donc, à la fois, un droit et un devoir, et ce, tant pour celui qui visite que pour celui qui reçoit. Ainsi, bien qu'ils soient divisés en nations, les hommes appartiennent à une même communauté, ils doivent être considérés comme citoyens du monde et, de ce fait, la paix sera consolidée quand le statut des personnes est garanti au niveau international, selon le principe de l'hospitalité.

Après avoir déterminé a priori les conditions juridiques qui assurent la paix, Kant décrit, dans le premier supplément, le dessein de la nature qui se sert de la guerre en vue de garantir la réalisation de la paix. Pour déterminer de façon plus précise la réalisation de la paix, Kant pose deux conditions. D'une part, dit-il, le jugement téléologique qui est du ressort de la faculté de juger dite réfléchissante nous fait « rechercher les conditions que la nature a prévues par rapport aux personnes qui agissent sur son vaste théâtre, conditions qui rendent finalement nécessaire l'assurance de la paix »63(*). D'autre part, il faut « utiliser le mécanisme de la nature pour diriger l'antagonisme des dispositions hostiles, dans un peuple, de telle sorte que les hommes s'obligent mutuellement eux-mêmes à se soumettre à des lois de contrainte, produisant ainsi nécessairement l'état de paix où les lois disposent de la force »64(*). Ici il faut donc dire : « la nature veut de manière irrésistible que le pouvoir suprême revienne finalement au droit »65(*).

Le deuxième supplément insiste sur l'importance pour un Etat qui vise la paix, de prendre en compte la réflexion des philosophes, et explique pourquoi cela doit rester secret. Le texte de ce supplément porte essentiellement sur le rapport entre la philosophie et le pouvoir politique. Son objectif est de réfuter une thèse philosophique, à savoir la théorie du philosophe-roi de Platon, exposée dans La République. La question à la quelle Kant veut répondre est celle de décrypter la fonction ou le rôle politique du philosophe. Pour répondre à cette question, Kant écrit substantiellement ce qui suit : «  On ne doit pas s'attendre à ce que les rois se mettent à philosopher, ou que des philosophes deviennent rois ; ce n'est non plus désirable parce que détenir le pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison. Mais que des rois ou des peuples rois (qui se gouvernent eux-mêmes d'après des lois d'égalité) ne permettent pas que la classe des philosophes disparaissent ou devienne muette, et les laisser au contraire s'exprimer librement, voilà qui est aux uns comme aux autres indispensable pour apporter de la lumière à leurs affaires, et parce que cette classe, du fait de son caractère même, est incapable de former des cabales et de se rassembler en clubs, elle ne peut être suspectée d'être accusée de propagande »66(*).

En fait, Kant explique dans ce texte pourquoi l'idéal platonicien est utopique. Les philosophes n'ont pas pour rôle de gouverner mais seulement d'éclairer le débat politique en démocratie comme en monarchie. Fidèle à la philosophie des Lumières, il appelle les gouvernements à laisser la liberté de philosopher c'est-à-dire de penser et de s'exprimer. Car les gouvernements se trompent sur leur intérêt quand ils interdisent la réflexion. Et, un mauvais pouvoir finit par être renversé. Il est donc souhaitable pour tous que la cité laisse place au débat d'idées. Mais parce que la politique concerne d'abord l'action, le philosophe ne gouvernera pas. Kant défend ici la position de l'idéologue qui, sans exercer le pouvoir, a le devoir de s'y intéresser en tant qu'il est aussi un citoyen, et l'utilité politique de la philosophie qui, loin de nuire, est une réalité indispensable.

Enfin de compte, Kant donne deux appendices. Dans l'appendice I, Kant explique que la morale et la politique ne s'opposent pas dans l'esprit du droit mais seulement dans l'esprit des politiques pratiques. Car, les raisonnements fallacieux des praticiens de la politique sous prétexte d'un divorce entre morale et politique « éternisent la violation du droit ». En plus, contre l'usurpation de l'idée de droit dans les maximes sophistiques, il est nécessaire de prendre pour point de départ le principe formel d'universalité de toute maxime d'action politique. Dans l'appendice II, Kant présente comment l'accord de la morale et de la politique est garanti par l'application d'un critère transcendantal du droit : la publicité. Ainsi, toute politique qui réalise progressivement le droit fonde l'espérance de la paix.

Conclusion partielle

La pensée politique kantienne tire ses racines dans les événements historiques qui l'ont vu naître, entre autres les Lumières, la Révolution française. Cette pensée s'inspire profondément de la philosophie de Jean Jacques Rousseau, surtout quant à sa conception de l'état de nature caractérisé par la barbarie. Toutefois, Kant ne développe pas de l'aversion vis-à-vis de l'état de nature. Loin s'en faut, car cette violence, cette sauvagerie, cette guerre de l'état de nature est le fondement même de l'état qui assure la paix à travers l'instauration de l'Etat de droit entre les citoyens d'une nation, des Etats situés les uns à côté des autres, des citoyens de différents Etats. Et, s'il faut clore ce chapitre avec Eric Weil : « La violence initiale a fondé l'Etat, condition première de toute moralité ; la même violence est à l'oeuvre aujourd'hui, et c'est d'elle qu'on peut attendre la conversion des Etats et de leurs chefs à la raison, à la liberté, à la justice, à la paix »67(*).

Somme toute, étant donné que la liberté individuelle est encline à la turbulence, à la guerre, Kant conçoit, dans son Projet de paix perpétuelle, les conditions qui faciliteraient le vivre-ensemble harmonieux mondial d'après les normes du droit, en partant de l'Etat à la confédération des Etats jusqu'à l'Etat cosmopolitique. Ce passage de l'Etat à l'Etat cosmopolitique constitue l'épine dorsale de notre deuxième chapitre qui traite de l'impérativité de l'état civil et ses différentes manifestations.

Chapitre deuxième :

LES FORMES DE L'ETAT CIVIL

II.0. Introduction

L'homme, dans l'état de nature, n'offre pas de garantie du « vivre-ensemble pacifique ». Ceci fait que le vivre-ensemble est perpétuellement menacé. Il faudrait donc instituer une communauté légale. Ce postulat est le socle des articles définitifs pour la paix perpétuelle entre les Etats. En fait, selon Kant, l'état de paix doit être institué. Il correspond à l'état civil et naît de la dialectique entre la paix et la guerre qui se traduit en ces termes : « l'état de paix entre les hommes vivants côte à côte, n'est pas un état de nature (...) celui-ci est bien plutôt un état de guerre ; sinon toujours une ouverture d'hostilité, cependant une menace permanente d'hostilités. Cet état de paix doit être institué ; car le fait de ne pas faire la guerre ne constitue pas une garantie et si cette dernière n'est pas fournie par un voisin à l'autre voisin (...), l'un peut traiter l'autre qu'il a sommé à cette fin, en ennemi »68(*).

L'institution de l'état civil est un impératif. Car, « tous les hommes qui peuvent agir réciproquement les uns sur les autres doivent relever d'une constitution civile quelconque »69(*) qui peut être établie soit « d'après le droit civique (...) des hommes, dans un peuple (...) ; d'après le droit international (...) des Etats les uns par rapport aux autres (...); d'après le droit cosmopolite en tant que des hommes et des Etats dans des conditions d'influences extérieures réciproques, doivent être considérés comme citoyens d'une cité humaine universelle (...) »70(*).

Les trois articles définitifs du Projet de paix perpétuelle se lisent respectivement : « Dans tout Etat, la constitution civile doit être républicaine »71(*), « Le droit des gens doit être fondé sur un fédéralisme d'Etats libres »72(*), « Le droit cosmopolite doit se restreindre aux conditions de l'hospitalité universelle »73(*).

Le Principe de base qui préside à la division de ces articles réside dans la tripartition du droit public. Ce dernier se subdivise en droit civil, droit des gens et, c'est ici l'innovation que Kant apporte à la subdivision classique du droit, le droit cosmopolitique. Cette subdivision tripartite du droit est une inspiration qui, selon Louis Guillermit, répond à des catégories de quantité : « un Etat, plusieurs Etats, tous les Etats »74(*).

C'est cette subdivision qui fonde notre présent chapitre qui portera successivement sur le Républicanisme comme première manifestation de l'état civil, la fédération d'Etats libres comme deuxième manifestation de l'état civil et, enfin, le droit cosmopolitique comme troisième manifestation de l'état civil.

II.1. Le Républicanisme comme première manifestation de l'état civil

Avant de scruter ce qu'est le républicanisme dans l'entendement kantien, il est impérieux de parler du fondement de l'Etat. En fait, qu'est-ce qui est à l'origine de l'Etat ? Comment un Etat se constitue-t-il ? Est-il le fruit d'une génération spontanée ?

II.1.1. Le contrat comme l'acte créateur de l'Etat

Kant présente le contrat comme l'acte qui permet de s'affranchir de l'état de nature. Il écrit notamment : « L'acte, par lequel le peuple se constitue lui-même en Etat, à proprement parler, l'idée de celui-là, qui seule permet d'en penser la légalité, est le contrat originaire, d'après lequel tous (omnes et singuli) abandonnent dans le peuple leur liberté extérieure, pour la retrouver derechef comme membre d'une république »75(*).

L'homme, dans l'Etat, sacrifie une partie de sa liberté extérieure innée à une fin. En plus, il abandonne en totalité la liberté sauvage et sans loi. Dans cette condition, il reçoit sa liberté en général à travers une dépendance légale. C'est justement pour accomplir sa liberté que l'homme sort de l'état de nature. La dépendance dont il est question est entière et procède de la propre volonté législative. Ainsi s'accomplit la réalisation de l'état juridique. L'Etat, précise Kant, est sacré. Il n'est pas un bien aliénable, mais une société humaine fondée sur un pacte.

C'est dire une fois de plus, que la condition sous laquelle se réalise, asymptotiquement, le but final qu'est l'élévation, en l'homme, de la nature à la liberté c'est, s'aperçoit Kant, « cette constitution dans le rapport des hommes les uns avec les autres, où au préjudice que se portent les libertés en conflit s'oppose une puissance légale dans un tout, qui s'appelle société civile »76(*).

Dès lors, on peut comprendre que le moment juridique est celui de la soumission à la loi extérieure. En ce sens, c'est en devenant sujet de droit, citoyen, dans la sphère politique de la cité, que l'homme, comme sujet de l'histoire, articule en lui la nature à la liberté. En tout cas, l'état civil est chez Kant le point de départ inévitable, résultat de fait de l'insociable sociabilité par laquelle s'accomplit téléologiquement la liberté et se réalise le postulat moral de la liberté77(*).

Avant la manifestation d'une législation extérieure douée de puissance, les hommes ont pour maxime la violence qui, en oeuvre dans l'état de nature, entretient la guerre des uns et des autres. D'où la nécessité d'une contrainte publique dans l'Etat. Car la société civile est une dynamique dans laquelle les forces en présence ne s'équilibrent que si à l'exercice maximal de la liberté répond une contrainte de même degré. De cette vue, l'on peut affirmer que la société civile naît nécessairement de la contrainte légitime. Les hommes n'y abdiquent que sous la contrainte de la loi.

Tout compte fait, étant donné que toute la construction téléologique repose sur le conflit, il faut s'attendre à ce que le problème de la souveraineté se pose dans le terme d'une dynamique conflictuelle. Le rôle du souverain78(*) est de ce fait l'accomplissement de la contrainte légalisée dont dépend l'existence de la société civile. Mais alors, il y a lieu de s'interroger sur la constitution politique idéale et son fonctionnement, en vue de l'accomplissement de l'Etat de droit, ultime condition pour la paix perpétuelle.

II.1.2. La constitution républicaine

La première des trois manifestations de l'état civil, condition première de la paix perpétuelle pour Kant est que chaque Etat participant à la paix internationale soit un Etat constitutionnel ou, plus précisément, dans le vocabulaire classique kantien, « républicain ». La constitution républicaine des Etats concerne le droit public interne, c'est-à-dire la constitutionnalisation, avec, d'une part, la séparation de pouvoirs et, d'autre part, le régime représentatif.

II.1.2.1. La séparation des pouvoirs

Le pouvoir s'articule d'une manière syllogistique. La décomposition de la volonté générale est une importance de premier plan pour comprendre l'articulation syllogistique du pouvoir. En effet, Kant présente cette décomposition comme les trois propositions d'un raisonnement de la raison pratique. Cette articulation syllogistique a une majeure qui exprime la loi d'une volonté. La mineure prescrit l'ordre à suivre afin de se conduire selon la loi. La conclusion contient la sentence et décide ce qui est de droit au sein de la société. Cette structure logique du pouvoir se lit admirablement en ces termes :

« Tout Etat contient en soi trois pouvoirs, c'est-à-dire la volonté générale unie en trois personnes (trias politica) : le pouvoir souverain (souveraineté) qui réside en la personne du législateur, le pouvoir exécutif, en la personne qui gouverne (conformément à la loi) et le pouvoir judiciaire (qui attribue à chacun le sien suivant la loi) en la personne du juge ».79(*)

Dans l'Etat, ces trois pouvoirs entretiennent une triple caractéristique. D'abord, ils sont dans un rapport les uns les autres comme autant de personnes morales : l'un est le complément des autres pour la constitution achevée de la constitution de l'Etat. De plus, ils sont subordonnés les uns aux autres de telle manière que l'un ne peut pas usurper la fonction de l'autre. Chacun de ces pouvoirs commande en qualité de personne particulière. Enfin, c'est par l'unification de l'un aux autres que l'on reconnaît en chaque sujet son droit en partage.80(*)

L'attachement personnel de Kant à l'articulation logique de l'Etat en trois pouvoirs ne peut pas se passer de l'autonomie de l'Etat, c'est-à-dire à la formation et à la conservation de l'Etat d'après les lois de la liberté. Il existe plusieurs modes de combinaisons entre le pouvoir, la liberté et l'Etat, à savoir l'anarchie qui est la combinaison loi-liberté sans pouvoir ; le despotisme qui est l'ensemble de la loi et le pouvoir sans liberté ; la barbarie qui est le pouvoir sans liberté et sans loi. Cependant, la combinaison pouvoir-loi-liberté est la seule qui mérite le nom de constitution sociale ou la République.81(*)

En outre, la raison, comme un impératif catégorique, nous donne l'obligation de tendre vers l'union de ces pouvoirs, union dans laquelle réside le salut de l'Etat. Ces trois pouvoirs dans l'Etat, sont des dignités essentielles et ce sont eux qui fondent les dignités politiques, car ils expliquent le rapport d'un souverain à la multitude d'individus. C'est-à-dire le rapport de celui qui commande (imperans) à celui qui obéit (subditus). C'est dans cet univers que s'inscrit l'interrogation sur les régimes politiques, parmi lequel Kant accorde la primauté au régime représentatif.

II.1.2.2. Les régimes politiques

On désigne par régime politique le mode d'organisation des pouvoirs publics, c'est-à-dire le mode de désignation, les compétences et la définition des rapports entre les différents pouvoirs. Les régimes politiques sont le fruit du jeu des forces politiques dans le cadre institutionnel défini par la constitution ou par la coutume. S'ajoutent d'autres facteurs, historiques, idéologiques, culturels, qui déterminent la nature des régimes politiques. Tous les régimes ne sont pas démocratiques. Les démocraties se distinguent par l'existence d'une pluralité de partis politiques, par la liberté de choix laissée aux citoyens et par la distinction des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Par ailleurs, on peut classer les différents types de régimes démocratiques selon qu'ils privilégient la collaboration des différents pouvoirs (régime d'assemblée82(*), régime parlementaire83(*)) ou leur stricte séparation (régime présidentiel84(*)). Certains régimes présentent, par ailleurs, un caractère mixte, à la fois parlementaire et présidentiel.

En apparence, toute identification des régimes politiques a un rapport implicite ou explicite, à un système de valeurs. Historiquement, jusqu'à la fin du XIXè siècle, la typologie des régimes politiques était largement inspirée des grecs. Elle opposait la monarchie (gouvernement d'un seul), l'oligarchie (gouvernement de quelques-uns) et la démocratie (gouvernement de tous). Plus tard, Aristote en donnera un tableau célèbre, opposant la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie qui sont, pour lui, des formes corrompues, à la monarchie, l'aristocratie et la timocratie qui sont des formes pures. Avant lui, Platon exprimait déjà des idées analogues, sa spécificité étant celle d'une succession entre les différents types de régimes, suivant un éternel retour.

La trilogie « monarchie-aristocratie-démocratie » domine la pensée politique. L'apport de Kant mérite d'être relevé. Pour ce dernier, en effet, la compréhension de l'Etat peut se faire sous deux formes. D'une part, d'après la « différence des personnes qui détiennent le pouvoir suprême »85(*). Dans ce cas, Kant présente trois régimes possibles : l'autocratie, le pouvoir est entre les mains d'un seul, c'est le cas du pouvoir du prince ; l'aristocratie, le pouvoir est sous le contrôle de quelques uns unis entre eux, c'est le pouvoir de la noblesse ; la démocratie ou le pouvoir de tous. Cette forme est le prototype de la souveraineté, c'est-à-dire, dans le langage kantien, « la forme de domination (forma imperti »86(*)). D'autre part, « d'après le mode adopté par le souverain pour gouverner le peuple, quel que soit d'ailleurs ce souverain »87(*). Cette deuxième forme, « forme de gouvernement (forma regiminis) »88(*), est ou républicaine ou despotique ; le républicanisme étant, avons-nous dit, « le principe politique qui admet la séparation du pouvoir exécutif (gouvernement) et du pouvoir législatif »89(*) ; le despotisme étant, à son tour, le gouvernement où le chef de l'Etat exécute arbitrairement les lois qu'il s'est données lui-même et où, par conséquent, il substitue sa volonté particulière à la volonté générale et publique.90(*)

Notons, cependant que, parmi les trois formes politiques susmentionnées, Kant affiche un mépris envers la démocratie. Car, selon lui, elle est « nécessairement despotique parce qu'elle fonde un pouvoir exécutif, où tous prononcent sur un seul et en tout cas contre un seul (...), tous décident par conséquent, qui ne sont pas pourtant tous ; ce qui met la volonté générale en contradiction avec elle-même ainsi qu'avec la liberté »91(*). La démocratie est, pour ainsi dire, l'antichambre d'une constitution informe et mal faite.

Suivant cette pensée, la République se comprend mieux comme une manière pour le souverain de gouverner, d'user de la puissance publique. La République n'est donc nullement un type de régime juridique, mais ce n'est pas non plus un état de moeurs, un type de sociabilité. C'est une expérience, une pratique de maximisation de la liberté. Et, s'il faut utiliser les mots de Kant, c'est « la chose en soi elle-même ».92(*)

Par définition, Kant explique la « chose en soi » comme celle qui ne se phénoménalise pas, n'apparaît pas dans l'expérience. Elle est l'objet d'une idée à laquelle ne saurait correspondre aucune réalité phénoménale. Ainsi, la République ne saurait donc être que nouménale. C'est d'ailleurs ce qu'affirme Kant en ces termes :

« L'idée d'une constitution en accord avec le droit naturel des hommes (...) et la communauté qui, pensée en conformité avec elle selon les purs concepts de la raison, s'appelle Idéal platonicien (respublica noumenon), n'est pas une chimère vide, mais la norme éternelle pour toute constitution civique en général »93(*).

Il s'agit, pour Kant, d'une « respublica noumenon » qui définisse les conditions de possibilité d'un régime véritablement républicain

II.2. Le fédéralisme comme deuxième manifestation de l'état civil

La deuxième manifestation de l'état civil a trait au concept de fédération d'Etats libres.

II.2.1. Définition du Fédéralisme

Le fédéralisme est un système politique dans lequel le gouvernement central d'un Etat souverain partage avec des entités fédérées qui forment cet Etat, les diverses compétences constitutionnelles que sont le Législatif, le judiciaire et l'exécutif. Le fédéralisme est un model d'organisation politique dans lequel les activités du gouvernement sont divisées entre les gouvernements régionaux et un gouvernement central, de sorte que chaque type de gouvernement décide sur ses activités. On peut faire une distinction entre le fédéralisme par association et le fédéralisme par ségrégation. Le fédéralisme par association est un système fédéral formé d'après la réunion de plusieurs Etats qui admettent de se soumettre à une autorité supérieure commune. Quant au fédéralisme par ségrégation, il s'agit d'un système fédéral formé à la suite de la dissociation d'un Etat antérieurement unitaire en plusieurs Etats qui admettent toutefois de se soumettre à une autorité supérieure commune. Le fédéralisme est une recherche d'équilibre entre respect des diversités et besoin d'unité, entre séparatisme et mutualité. La souveraineté au sein d'un Etat fédéral fait l'objet d'un partage non hiérarchisé entre un gouvernement central et ses gouvernements provinciaux.

Actuellement le fédéralisme se définit comme la description d'une succession d'expériences constitutionnelles et la reprise de nombreuses théories explicites ou parfois implicites. De nombreux auteurs ont développé et soutenu ce model d'organisation politique, voir même économique. Des écoles de pensée se sont formées autour de certaines formes de fédéralisme. Forme d'organisation politique et économique qui fut également soutenue par d'illustres personnalités qui ont montré à de multiples reprises leur attachement aux valeurs du fédéralisme. Ainsi de nombreux individus se sont succédés à travers les siècles ayant pour point commun un attachement profond à cet conception politique et philosophique de la société.

II.2.2. Le fédéralisme ou l' alliance des peuples

II.2.2.1. Le processus fédératif

Le fédéralisme n'est pas un concept très précis chez Kant qui, plutôt que dans un sens technique, l'emploi au sens classique de pacte entre peuples pour sortir de l'état de nature. Il s'agit d'un contrat politique international. C'est l'objet du deuxième article définitif pour la paix perpétuelle  qui stipule que : « le droit des gens doit être fondé sur un fédéralisme d'Etats libres »94(*)

En effet, peut-on s'interroger de quoi tiendrait la paix à l'intérieur des frontières si la société civile ainsi formée est confrontée à l'agression de ses voisins ? « À quoi sert de travailler à une constitution civile réglée par des lois entre les particuliers, c'est-à-dire à l'organisation d'une communauté ? Car la même insociabilité qui a contraint les hommes à cette tâche est à nouveau la cause qui fait que chaque communauté fait preuve dans les relations extérieures d'État à État d'une liberté sans entrave »95(*). C'est qu'en effet les États sont entre eux à l'état de nature qui s'exprime par la guerre. Ainsi, à en croire Kant, « La méthode employée par les Etats pour poursuivre leur droit ne peut ne peut jamais être une procédure comme devant un tribunal extérieure, mais uniquement la guerre »96(*) ; mais ce droit qui est conquis par la force, ce droit du plus fort, n'est qu'une caricature du droit, car « La raison condamne absolument la guerre comme voie du droit »97(*). Rousseau le résume très bien quand il écrit : « Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inexplicable. Car sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause ; toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu'on peut désobéir impunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort»98(*).

Le fédéralisme est donc le fruit d'un processus contractuel entre Etats. Etant donné que ce contrat doit jouir des conditions de justice et d'égalité entre les peuples, Kant estime qu'il ne peut s'agir d'un pacte de soumission ou d'un contrat de gouvernement qui instituerait une autorité supérieure. Il est plutôt question d'un pacte d'association établi de façon paritaire entre les Etats contractants. Cependant, Mario Telò redoute un danger. En fait, prenant le cas de la naissance de l'Union Européenne, Telò pense que « le principal danger serait de tomber dans un genre de monarchie universelle ou sous la domination d'un Etat mondial unique. Il est probable que dans les dernières années de sa vie, Kant craignait de voir l'Europe dominée par une France poursuivant la conquête du continent tout entier. Ce n'était pas cela la paix internationale à laquelle se référait Kant. Il parlait d'une fédération internationale dans laquelle, en adhérant au contrat, les Etats membres ne perdraient rien de leur liberté antérieure mais acquéraient la sécurité de la paix internationale »99(*).

Il convient de préciser que le fédéralisme kantien reconnaît l'indépendance d'Etats. En effet, si l'on tient compte de l'application par les théoriciens du droit naturel, de Hobbes à Kant et même à Hegel, du même modèle dichotomique à la politique intérieure et à la politique internationale, le passage de l'anarchie et de la menace réciproque à l'ordre et à la paix, de l'anomie aux lois, requiert un pacte entre les parties contractantes. Comme il ressort clairement d'une étude comparée de ses trois oeuvres principales100(*), Hobbes, le premier, a compris que la paix, qu'elle soit intérieure ou internationale, implique, dès le moment du pacte, l'institution d'une puissante autorité politique centrale et d'un pouvoir commun apte à garantir la stabilité du pacte. Hobbes exclut que cette perspective de paix, réalisable au sein d'un seul Etat, soit réaliste au niveau international et estime que la conservation de l'état de nature est plus tolérable entre les Etats qu'entre les individus. Car, renchérit Bobbio, « à la différence des individus, les Etats pour Hobbes " disposent des moyens suffisants pour assurer leur propre défense" et peuvent donc survivre en se fiant à la " peur réciproque" qu'ils s'inspirent, fondement sinon de la paix, du moins d'une hypothétique et précaire situation de non-agression internationale »101(*).

Hobbes est réticent du fait de la délégation de la souveraineté des Etats à un pouvoir commun qui, du reste, estime-t-il, est inconcevable, car leur souveraineté est considérée comme absolue, indivisible, unique et irrévocable. Tout compte fait, l'Etat du Léviathan finit par une contradiction criante : il aggrave l'anarchie internationale et l'état de guerre.

Toutefois, malgré et au-delà de cette contradiction, les théoriciens réalistes des relations internationales du XXème siècle font référence à Hobbes. Il s'agit entre autres de E. Carr, H. Morgenthau, R. Aron et surtout, de façon particulière, K. Waltz considéré comme le père du néoréalisme systémique. L'on reconnaîtra à ce dernier la formulation suivante, qu'il définit comme le dilemme de la sécurité : « a) chaque Etat pourrait utiliser sa force s'il juge que les objectifs à atteindre ont plus d'importance que les bénéfices de la paix ; b) étant donné qu'il et lui-même juge en dernière instance de son intérêt propre en tant qu'Etat, chaque Etat pourrait recourir à la force pour mettre en oeuvre ses politiques ; c) étant donné que n'importe quel Etat peut toujours recourir à la force, chaque Etat doit constamment être prêt à réagir à un coup de force ou être prêt à payer le prix de sa propre faiblesse »102(*).

Tout en s'inscrivant dans le même modèle du droit naturel, Kant considère, quant à lui, que la sortie de l'état de nature est un devoir moral, tant sur le plan intérieur qu'international, et ne s'arrête pas devant la difficulté conceptuelle et institutionnelle posée par le dépassement de l'anarchie internationale. Ainsi, avouons-le, la particularité de Kant consiste à combiner la méthode contractualiste avec une philosophie de l'histoire qui le pousse à s'inscrire dans une évolution des relations internationales dans le sens de la paix103(*).

Certes, comme le constate Telò, Kant présente des oscillations entre la fédération et la confédération. Selon le langage de cet auteur, ces oscillations sont un casse-tête de deux siècles de critique kantienne104(*). Il est donc important d'apprécier le point d'équilibre entre les deux pôles de la réflexion institutionnelle sur la paix internationale, c'est-à-dire la confédération d'Etats et la république universelle ou république des républiques. La question centrale qui préoccupe Kant est de tracer une ligne de démarcation entre le pacifisme juridico-institutionnel dans son ensemble et le globalisme juridique par rapport à la construction de la paix et de la démocratie internationale dans une théorie démocratique des transformations de l'Etat

II.2.2.2. Le projet kantien et la Société des Nations (SDN)

L'héritage philosophique kantien du concept fédéral permet d'interpréter et de comprendre les structures, les systèmes institutionnels mis en place à l'orée du XXe siècle, telle la Société des Nations, une coalition traditionnelle des grandes puissances sorties victorieuses de la Première Guerre mondiale, tout juste soucieuses de maintenir l'ordre nouveau sous couvert de grands principes moraux.

La SDN, dont la Charte fut adoptée le 28 avril 1919 et attachée au Traité de Versailles, fut une utopie fédérale, inspirée par l'horreur de la guerre de 14-18 et l'aspiration à la paix des peuples du monde, et plus particulièrement de ceux d'Europe.

Le principe qui caractérise principalement la SDN, c'est sa vocation première, la paix et ses buts. Et, comme l'atteste Michèle Gibault,  il s'agit d'un projet démocratique et universaliste organisant un ordre mondial pour la paix, régulé par le droit international, impliquant la judiciarisation des relations entre Etats-nations et non plus le seul rapport de forces conduisant à d'éphémères coalitions ou à ce qu'on a appelé après la chute de Napoléon entre 1815 et 1823 :  « le concert des nations » ou « concert européen », quand les princes se concertaient contre les révolutions et la montée du mouvement des nationalités105(*).

Quoiqu'il en soit, la SDN n'était pas conçue pour devenir l'expression politique des peuples au-dessus ou en dehors des souverainetés. Etait-il possible de faire mieux à l'époque ? L'ONU tirera en partie les leçons de cette première expérience, mais sera à son tour captée par les  grandes puissances hégémoniques au Conseil de Sécurité, puis ces dernières années malmenée par l'unilatéralisme américain, et donc en perte de crédibilité. Aujourd'hui, la SDN ne peut guère prétendre offrir un modèle de gouvernance mondiale, mais peut éventuellement, à travers ses succès et ses échecs, servir de guide à la formation de fédérations régionales qui tentent de circonvenir les souverainetés nationales.

II.3. Le Cosmopolitisme comme troisième manifestation de l'état civil

II.3.1. Définition du Cosmopolitisme

Etymologiquement, le mot « cosmopolitisme » vient du grec (cosmos), monde, et (politês), citoyen. Il signifie donc « citoyen du monde ».

Le cosmopolitisme est donc l'état de ce qui est cosmopolite, la manière de vivre cosmopolite. Mieux encore, le cosmopolitisme est une disposition d'esprit qui conduit quelqu'un à considérer comme sa patrie, son pays d'origine aussi bien que d'autres pays. Il s'oppose au patriotisme exclusif et ne doit pas être confondu avec le métissage, qui est le mélange de plusieurs cultures.
Plus largement, le cosmopolitisme est la conscience d'appartenir à l'ensemble de l' Humanité et non pas à sa seule patrie d'origine. Il consiste à se comporter comme un membre de la communauté mondiale et non comme le citoyen d'un Etat.

Le terme de cosmopolitisme aurait été défini par Diogène de Sinope (v 413-327 av JC).106(*) Doctrine morale des stoïciens, la notion de cosmopolitisme a été reprise par le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) qui met en avant l'universalité de l'homme et en fait un citoyen du monde au-delà des nations, sans qu'il renie pour autant ses particularités.

Ainsi, dira-t-on qu'une personne est cosmopolite si elle s'accommode facilement des moeurs et usages des pays où elle vit, si elle fait preuve d'intérêt, de curiosité, de sympathie, voire de préférence pour ce qui est étranger.

En sus, l'on dira qu'un groupe de personnes ou une société est cosmopolite si elle est composée de personnes originaires de différents pays. Exemple : une ville cosmopolite.

II.3.2. Le Cosmopolitisme dans l'histoire de la philosophie

De prime à bord, il faut noter que le projet cosmopolitique kantien ne constitue qu'un moment de l'histoire du cosmopolitisme en philosophie. Le texte du Projet de paix perpétuelle en témoigne lui-même. En plusieurs de ses points, il constitue une discussion, voire une réfutation des thèses de ceux qui, comme Erasme, Grotius ou l'abbé de Saint-Pierre, en ont inspiré la rédaction.

Mais l'histoire du cosmopolitisme en philosophie remonte bien plus loin que de l'époque de la Renaissance. La première mention de l'expression « cosmopolitique », comme la lecture de Diogène Laërce permet de l'apprendre, se trouve dans la bouche de Diogène de Sinope. Interrogé sur ses origines par un interlocuteur, il répond avec acuité : « Je suis citoyen du monde »107(*).

Mais, pour Diogène, s'affirmer citoyen du monde n'était qu'une façon de déclarer son mépris à l'égard des lois de la cité d'Athènes qui l'accueillait, alors qu'il avait été chassé de Sinope, sa cité d'origine. Cette déclaration de mépris n'était pas gratuite : elle se fonde sur la présupposition de l'existence d'un principe supérieur, principe qu'aucune loi, aucune institution, aucun prince ne pouvait concurrencer. Donc, si Diogène a inventé le cosmopolitisme, c'est pour annoncer une loi supérieure à toutes celles qui pouvaient prétendre être attachées à un lieu. Ce qui est impensable pour les grecs de l'antiquité pour lesquels seul le cadre de la cité était à même de fournir des lois susceptibles de protéger ceux qui pouvaient prétendre y appartenir. En revanche, celui qui ne pouvait prétendre appartenir à aucune cité ne pouvait pas non plus prétendre à la protection offerte par les lois propres à l'une d'entre elles. Du reste, le cosmopolitisme inauguré par Diogène est à la fois une forme de mépris à l'égard des lois de la cité et une forme particulièrement sophistiquée d'ingratitude à sa cité d'accueil.

De Diogène à Kant, l'histoire du cosmopolitisme passe par le stoïcisme, doctrine d'Etat de l'Empire romain, puis par l'augustinisme, avant de s'évanouir et de renaître avec les penseurs humanistes de la Renaissance.108(*)

Cependant, du point de vue du droit, les débats philosophiques autour de la question du cosmopolitisme seront longtemps sans effet. Ce n'est qu'avec les premières élaborations techniques du ius gentium que la question des fins attendues d'un droit supposé dépasser les limites des Etats sera posée dans les termes susceptibles de concerner les juristes.

A cet égard, le Projet de paix perpétuelle de Kant constitue un compte-rendu assez fidèle des conclusions auxquelles les premiers théoriciens du ius gentium étaient eux-mêmes parvenus. En 1625, dans le De iure belli ac pacis, Hugo Grotius considérait déjà que le ius gentium devait être compris comme l'expression technique d'un droit naturel définit comme « une règle qui nous suggère la droite raison, qui nous fait connaître qu'une action, suivant qu'elle est ou non conforme à la nature raisonnable, est entachée de difformité morale, ou qu'elle est moralement nécessaire et que, conséquemment, Dieu, l'auteur de la nature, l'interdit ou l'ordonne ».109(*) Autrement dit, le ius gentium n'a de sens qu'indexé sur un droit supérieur, droit lui-même fondé dans un principe de nature à la fois métaphysique et morale. Seule une telle indexation est susceptible de convertir le droit de guerre en droit de paix.

Comme on le sait, le mot « cosmopolite » apparaît en français au milieu du XVIe siècle. S'il signifie alors, comme le mot grec dont il est dérivé, « citoyen du monde », cette citoyenneté ne s'applique toutefois pas qu'aux humains. « Cosmopolite » est surtout un mot de botanique qui sert à désigner les plantes dont l'espèce se trouve largement répartie à la surface du globe. Il faut attendre le milieu du XVIIIè siècle pour qu'il quitte le domaine de la botanique définitivement.110(*)

Plus tard, sous la plume de Charles Maurras et de Maurice Barrès, le mot « cosmopolitisme » s'oppose désormais au « nationalisme »111(*).

II.3.3. Du droit cosmopolitique

Le droit cosmopolitique naît des problèmes juridiques et politiques impliqués par le développement des relations transnationales, c'est-à-dire entre les individus des Etats différents. En effet, ce développement s'accompagne aujourd'hui de toutes sortes de jugements qu'ont les nations et les étrangers d'exiger les uns les autres, dès lors que l'on sait que l'ouverture des sociétés nationales sur le reste du monde est inégalement bénéfique à chacun et qu'elle modifie le partage et la répartition des biens et des vies. Stéphane Chauvier résume ces jugements en ces termes : «  Tel tient la nation pour un sanctuaire inviolable et sacré et la présence de l'étranger pour une simple faveur discrétionnairement octroyée. Tel autre voit au contraire dans l'étranger une promesse de richesse, autant spirituelle que matérielle, et fait de l'ouverture inconditionnelle des frontières autant un acte de simple justice qu'une expression de l'intérêt bien compris. Tel considère comme parfaitement juste qu'un Etat puisse adopter une législation restrictive voire sourcilleuse à l'endroit des étrangers. Tel autre voit au contraire, dans de telles pratiques législatives et administratives, non seulement un frein à la mise en relation de tous les hommes et de toutes les cultures, mais aussi une atteinte au droits de l'homme »112(*).

Quoi qu'il en soit, il faut, en premier lieu, définir ce que Kant entend par droit cosmopolitique. Kant voit dans le droit cosmopolitique le droit de l'étranger à ne pas être traité en ennemi, dans une société qui n'est pas la sienne. Il s'agit, en quelque sorte, d'un droit de visite. Mais, au-delà d'un droit de visite, c'est un droit à l'échange réciproque entre les peuples, ce que d'aucuns ont appelé un droit du commerce international avant l'heure, ou mieux, selon le vocabulaire de Stéphane Chauvier, une éthique juridique du cosmopolitisme, qui consisterait à « tenter d'atteindre un tel point de vue impartial, en posant pour elle-même la question de ce que les étrangers qui souhaitent investir, travailler ou séjourner dans un pays sont en droit d'exiger de lui et ce qu'à l'inverse les nations sont en droit d'imposer ou d'opposer aux étrangers qui souhaitent séjourner chez elles »113(*).

Kant ne voit pas dans le droit cosmopolitique la source d'une homogénéité des peuples sur un plan international -il refuse l'idée d'un état métanational-, mais plutôt une reconnaissance au sein de chacun d'eux de « droits inaliénables » du visiteur, afin de préparer la paix universelle dont Kant est convaincu qu'elle est l'horizon de l'homme, inscrite dans les projets indicibles de la Nature, inévitable à terme.

Le droit cosmopolitique complète les deux premiers niveaux, le droit civique114(*) et le droit international115(*) : « Le droit cosmopolitique doit se restreindre aux conditions de l'hospitalité universelle »116(*). Ce droit « considère les hommes et les États, dans leurs relations extérieures et dans leur influence réciproque comme citoyens d'un État universel de l'humanité »117(*), il concerne les hommes en tant que citoyens du monde. Kant insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de philanthropie, mais du droit que possède chaque homme de ne pas être traité en ennemi dans un pays qui n'est pas le sien.118(*) Le droit cosmopolitique n'est donc pas de nature « philosophique » comme le lui reprochera G. F. de Martens dans un texte polémique, mais bien de nature juridique119(*). Ce droit s'attache, comme le stipule, Stéphane Chauvier, à « organiser juridiquement les relations pouvant se nouer entre les diverses communautés politiques de la terre »120(*) Les violations du droit d'humanité concernent tous les hommes de quelque pays qu'ils soient. En effet, précise Kant, « Les relations (plus ou moins étroites) qui se sont établies entre tous les peuples de la terre, ayant été portées au point qu'une violation du droit commise en un lieu se fait sentir dans tous, l'idée d'un droit cosmopolitique ne peut plus passer pour une exagération fantastique du droit; elle apparaît comme le complément nécessaire de ce code non écrit qui, comprenant le droit civil et le droit des gens, doit s'élever jusqu'au droit public des hommes en général, et par là jusqu'à la paix perpétuelle, dont on peut se flatter, mais à cette seule condition, de se rapprocher continuellement »121(*).

Le droit d'hospitalité donne lieu à une critique fondamentale de la politique des puissances européennes. Le droit d'hospitalité est très précisément limité à un simple droit de visite justifié par deux principes ; le premier est « le droit qu'a l'étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, de ne pas y être traité en ennemi »122(*), tant qu'il n'offense personne. Le second est « le droit qu'a tout homme de se proposer comme membre de la société, en vertu du droit de commune possession de la surface de la terre sur laquelle, en tant que sphérique, ils ne peuvent se disperser à l'infini; il faut donc qu'ils se supportent les uns à côté des autres, personne n'ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre ».123(*)

C'est alors l'appartenance au genre humain qui légitime la demande de visite et celle de devenir membre d'une société -dans certaines conditions toutefois-, comme partie intégrante du droit des gens concernant ici les personnes et non les États.

Ce droit de tout homme à la commune possession de la surface de la terre ne saurait être confondu avec une appropriation du sol et reste à construire à des conditions que l'actualité indique à Kant. Tout d'abord, le droit de visite n'est pas un droit d'accueil mais une simple demande de visite qu'une personne fait à une société et peut alors être refusée. Les causes de refus envisagées par Kant ici sont de deux ordres. Des comportements inhospitaliers comme ceux que l'on peut rencontrer sur les côtes barbaresques « où l'on s'empare des navires des mers avoisinantes, et où l'on réduit en esclavage les marins échoués », ou encore chez les Bédouins « l'on considère comme un droit de piller ceux qui approchent des tribus nomades ». Toutefois, en dépit de ces comportements, le droit d'hospitalité peut chercher à se construire à condition qu'il se limite à « fixer les conditions sous lesquelles on peut essayer de former des liaisons avec les indigènes d'un pays. De cette manière des régions éloignées les unes des autres peuvent contracter des relations amicales, sanctionnées enfin par des lois publiques, et le genre humain se rapprocher insensiblement d'une constitution cosmopolitique »124(*).

De ces comportements inhospitaliers à caractère défensif, Kant distingue l'agressivité spécifique des « nations commerçantes de l'Europe » qui violent le droit de visite, pensent et agissent en conquérants au mépris des pays et des peuples et commettent des crimes qui font d'elles un danger menaçant la paix dans le monde. Kant précise que le mot découvrir signifie, pour ces nations commerçantes de l'Europe en Amérique, en Afrique, en Asie, conquérir. Pour eux donc, l'Amérique et les pays habités par les nègres étaient des pays sans propriétaire, parce qu'ils comptaient les habitants pour rien. Ces conquêtes s'accompagnaient d'un excès d'injustice, de guerre, de famine, de rébellion, de perfidie et de tout ce déluge qui afflige l'humanité.

Dans la Métaphysique des moeurs, Kant récuse l'argument spécieux des conquérants qui invoquent la vacuité de territoires pour se les approprier, dans le cas de peuples chasseurs ou pasteurs, tout comme les justifications d'une conquête sous prétexte d'infériorité culturelle comme le firent les chrétiens en Allemagne, et continuaient de le faire les Russes en Sibérie ou les Européens en Amérique et en Afrique :

« Si cet établissement a lieu à une distance telle de la résidence du premier peuple qu'aucun des deux ne porte préjudice à l'autre dans l'usage de son territoire, le droit y relatif n'est pas douteux. Mais s'il s'agit de peuples pasteurs ou chasseurs (...) qui, pour subsister, ont besoin de vastes contrées incultes, cette implantation ne saurait se faire par la violence mais seulement au moyen d'un contrat, qui lui-même ne profite pas de l'ignorance de ces indigènes quant à la cession de leurs terres (...) : en partie en amenant ces peuples grossiers à la culture (...), en partie en amenant son propre pays à se purifier d'hommes corrompus, et ceux-ci ou leurs descendants, à s'amender, comme on le leur souhaite, sur un autre continent (...) ; car toutes ces prétendues bonnes intentions n'arrivent pourtant pas à effacer l'injustice qui entache les moyens employés à les réaliser »125(*).

La menace que font peser les nations commerçantes de l'Europe sur le monde est explicite et Kant en a montré les conséquences destructrices pour les peuples et l'injustice. Ces expériences expliquent que la Chine et le Japon refusent ou contrôlent étroitement l'entrée des Européens sur leur territoire. La nature du commerce de l'Europe ne contribue pas au développement de relations amicales entre les peuples, mais bien au contraire invite ces derniers à l'éviter pour se protéger. Ainsi, par exemple, la Chine et le Japon, ayant appris à connaître par expérience les Européens, leur refusèrent sagement, sinon l'accès, du moins l'entrée de leur pays, à l'exception des Hollandais qu'ils excluent néanmoins, comme des captifs, de toute société avec les habitants. 

Kant espérait même que le moment de la disparition de ce commerce conquérant des Européens ne survivrait pas à la crise qu'il traversait alors et brosse un tableau très négatif de sa nature et de ses conséquences, non seulement dans le monde mais en Europe même. En effet, la crise de l'empire colonial en Amérique ouverte par l'indépendance des États-Unis avait entraîné des pertes importantes pour le commerce et les Compagnies des Indes. L'esclavage dans les plantations américaines est considéré par Kant comme une des formes les plus cruelles qui aient existé. Kant se démarque très clairement des tentatives de justification de la traite et de l'esclavage en Amérique par des colons qui le présentaient comme un mal nécessaire et une période de transition permettant aux Africains de se « civiliser » par cette nouvelle forme d'asservissement !126(*) Est-il nécessaire de préciser que le rapprochement entre esclavage et civilisation est étranger à l'esprit des Lumières ?

Du point de vue de la paix, Kant souligne que le commerce colonial, dont la traite des Africains fait partie, contribue au développement des flottes et des marins et nourrit l'arme par excellence de l'époque. Le commerce colonial accompagnant les conquêtes des puissances européennes sont des obstacles à la paix dans le monde. L'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue en 1793, soutenue et élargie par la République française le 4 février 1794 et qui, au moment de la rédaction du Projet de paix perpétuelle, avait gagné la Guadeloupe et la Guyane et suscitait un renouveau des résistances des esclaves en Amérique, ouvrait une perspective de rupture avec les conquêtes des puissances européennes. Paraphrasant Kant, Losurdo écrit à ce sujet :

« Le pis, ou pour parler en moraliste, le mieux est que toutes ces violences sont en pure perte; que toutes les compagnies de commerce qui s'en rendent coupables touchent au moment de leur ruine; que les îles à sucre, ce repaire de l'esclavage le plus cruellement raffiné, ne produisent pas de revenu réel, et ne profitent qu'indirectement, ne servant même qu'à des vues peu louables, savoir à former des matelots pour les flottes, par conséquent à entretenir des guerres en Europe; service qu'en retirent surtout les puissances qui se targuent le plus de dévotion et qui, tout en s'abreuvant d'iniquités, prétendent égaler les élus en fait d'orthodoxie »127(*).

Ces développements permettent de comprendre que le droit d'hospitalité est conçu par Kant comme un simple droit de visite dans le but de protéger les peuples des dangers que représentent les conquêtes et le commerce de domination des nations européennes.

Sur ce point, il est intéressant de comparer le projet de constitution présenté par Saint-Just, le 24 avril 1793, à la Convention, en complément du projet de Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de Robespierre.128(*) Ce double projet de constitution développe une cosmopolitique de la liberté des peuples en vue de la paix en renonçant clairement à toute guerre offensive. Limitons-nous ici à préciser le thème du droit d'hospitalité défini par Saint-Just.

Le chapitre IX consacré aux relations extérieures définit un droit d'asile sélectif que la République française offre aux défenseurs de la liberté et aux opprimés de tous les pays, mais qu'elle refuse aux homicides et aux tyrans. Ce droit d'asile est par ailleurs offert à tous les navires étrangers dans les ports de la République qui s'engage aussi à ce que sa flotte porte secours aux navires en détresse et ouvre une diplomatie fondée sur les négociations avec les pays neutres et une réglementation de la guerre de course129(*) :

« Le peuple français se déclare l'ami de tous les peuples; il respectera religieusement les traités et les pavillons; il offre asile dans ses ports à tous les vaisseaux du monde; il offre un asile aux grands hommes, aux vertus malheureuses de tous les pays; ses vaisseaux protégeront en mer les vaisseaux étrangers contre les tempêtes... La République protège ceux qui sont bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Elle refuse asile aux homicides et aux tyrans »130(*).

À ce droit d'asile, Saint-Just ajoute un droit de visite des étrangers que la République s'engage à respecter, eux comme personnes et leurs usages : « Les étrangers et leurs usages seront respectés dans son sein. »

Saint-Just propose un droit d'accueil ou de séjour qui est un contrat de caractère réciproque établissant les mêmes droits aux Français établis à l'étranger et aux étrangers établis en France. Ce contrat crée un statut d'étranger établi dont l'exercice du droit de propriété est limité par l'autorisation de posséder des biens soit par héritage, soit par achat, mais avec l'interdiction de vendre : « Le Français établi en pays étrangers, l'étranger établi en France, peuvent hériter et acquérir; mais ils ne peuvent aliéner »131(*).

Ce qui est visé est le commerce de domination : il s'agit d'empêcher les pratiques des négociants qui établissaient des membres de leur famille dans tous les lieux nécessaires à leur négoce qui structurait les politiques de conquête européennes. La République française annonce ainsi sa volonté de contrôler le négoce et, en l'interdisant aux Français établis à l'étranger, jette les bases d'accords réciproques avec d'autres États.

En proposant un droit d'asile aux amis de la liberté et aux vertus malheureuses, un droit de visite aux étrangers et une limitation de l'exercice du droit de propriété dans le but d'établir des rapports commerciaux contrôlés en vue de la paix, Saint-Just contribuait à définir un droit d'hospitalité sans le confondre avec une hostilité dangereuse sous couvert de pratiques commerciales dont on connaissait bien, à l'époque, les effets destructeurs de la liberté des peuples.

Cette comparaison avec le projet de Saint-Just permet d'avancer dans la compréhension du droit cosmopolitique défini par Kant comme restreint aux conditions de l'hospitalité universelle, en vertu du droit de commune possession de la surface de la terre qui n'est pas à confondre avec une appropriation du sol d'autrui. Le droit cosmopolitique contient, somme toute, trois dimensions : d'abord, le « droit de visite et le droit d'asile » ; d'autre part, le « droit d'entrer et de séjourner » et, enfin, le « droit des nations à décider de l'installation des étrangers »132(*).

Face aux questions que posent actuellement l'immigration clandestine et les sans-papiers, la position de Kant constitue une alternative manifeste. En effet, Kant soutient que l'étranger possède un « droit de visite » sur toutes les terres étrangères ; il a le « droit de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive »133(*). Toutefois, ces droits contiennent certes des nuances de sens et des interprétations variés. Ainsi, dans le droit positif, comme le rappelle une des décisions de la Cour constitutionnelle française, « aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; les conditions de leur entrée de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques »134(*). Le droit de visite n'est donc pas infini. Il contient, cependant, un droit de visiter la nation étrangère ou, selon l'expression de Stéphane Chauvier, le droit du candidat à l'extranéation135(*) qui est, dans le langage juridique, le processus ou l'action de devenir empiriquement étranger. Et, renchérit Stéphane Chauvier, « la position juridique de l'étranger n'est pas une position factice, une position de fait. C'est une position juridique. C'est d'abord ou ce doit être d'abord une position de droit »136(*).

Quant au droit d'asile, il faut préciser avec Stéphane Chauvier que « l'obligation d'accueillir celui que son Etat expulse ou persécute n'est pas une authentique obligation juridique »137(*) car, poursuit-il, « pour parler de droit, il faut en effet qu'on ait affaire à des situations qui soient le résultat du jeu de la liberté humaine »138(*). Ainsi, conclut-il, « le persécuté ou l'exilé ne sont pas dans une situation juridique, mais dans une pure situation morale (...) n'ont pas de créance sur moi, Etat, mais j'ai moi, par contre, une obligation envers eux. Je leur droit l'asile en raison de leur situation et de ma conscience, mais ils n'ont pas pour autant un authentique droit d'asile »139(*). Tout compte fait, le devoir d'hospitalité, d'accueil ou de visite ne doit d'abord et même exclusivement s'appliquer aux cas dans lesquels on choisit de se trouver en position d'étranger, c'est-à-dire de manière libre.

Conclusion partielle

Les trois niveaux juridiques définis plus haut - droit civil, droit des gens, droit cosmopolitique - sont nécessaires pour que la paix perpétuelle puisse se matérialiser.

Le premier acte de la construction de la paix perpétuelle passe par la constitution d'un noyau d'États républicains ayant renoncé à la guerre de conquête et à la politique de puissance. Consécutivement, à l'avènement de l'Etat de droit, la publicité est la condition indispensable de la justice entre les hommes, car « toutes les actions relatives au droit d'autrui, dont la maxime n'est pas susceptible de publicité, sont injustes ».140(*)

En deuxième lieu se trouve l'unification d'Etats républicains fédérés. En effet, écrit Kant, « La possibilité de réaliser cette idée d'une fédération, qui doit s'étendre insensiblement à tous les États et les conduire ainsi à la paix perpétuelle peut être démontrée. Car, si le bonheur voulait qu'un peuple puissant et éclairé se constituât en République (gouvernement qui, par sa nature, incline à la paix perpétuelle), il y aurait dès lors un centre pour cette alliance fédérative; d'autres États pourraient s'y joindre, afin d'assurer leur liberté, conformément à l'idée du droit des gens »141(*).

En ultime condition de la paix, Kant propose l'idée originale d'un Etat cosmopolitique. Il s'agit de l'hospitalité universelle où l'étranger se sente comme accepté par ses hôtes, sans pour autant revendiquer un droit de cité Ainsi, Kant reprend-il et dépasse-t-il le débat philosophique des Lumières sur les relations entre les peuples. Le nouveau concept de droit cosmopolitique complète le droit civil et le droit des gens. Il fournit une réponse théorique achevée à l'interrogation iréniste142(*) de l'époque moderne.

En plus, il existe un rapport entre « fédération » et « cosmopolitisme ». Ce rapport est au centre de diverses controverses dans la théorie des relations internationales. Dans l'univers kantien, les relations internationales posent la question du rapport de chaque Etat avec ses citoyens, c'est-à-dire, pour utiliser le vocabulaire de Telò, « l'ancrage de la paix extérieure dans le régime politique intérieure et étrangère et donc de la critique de la séparation entre politique intérieure et étrangère »143(*) d'un Etat au sein du cosmopolitisme. C'est ainsi que, en perpétuelle analyse, dans le troisième chapitre, nous nous proposons de poser l'Etat cosmopolitique comme horizon d'accomplissement de la paix.

Chapitre troisième :

L'ETAT COSMOPOLITIQUE : HORIZON D'ACCOMPLISSEMENT DE LA PAIX

III.0. Introduction

Dans ce chapitre, il est question de donner la substance de l'idée du cosmopolitisme. En effet, de même que le citoyen est sujet d'un Etat souverain, de même les Etats peuvent être considérés comme des sujets d'un ordre international, de même, enfin, chaque être humain peut être considéré comme citoyen du monde de n'importe quelle partie du globe, mais disposant des droits politiques inférieurs à ceux des autochtones. Telle est l'idée kantienne d'un Etat cosmopolitique, instaurateur d'une paix durable entre les hommes.

Kant est préoccupé par la question de savoir quelles sont les conditions de possibilité d'un ordre politique à l'échelle mondiale. Il y répond qu'il faut élever l'hospitalité au rang d'un droit inaliénable, promouvoir l'avènement des républiques au niveau interne et international, rendre possible une optimale interconnexion des hommes à travers le monde, à l'instar de ce que les anglo-saxons appellent de nos jours la globalisation ou la mondialisation. Fort de cette similitude, nous allons d'une part établir un parallélisme entre cosmopolitisme et mondialisation. D'autre part, nous parlerons de la promotion de l'Etat de droit au niveau international.

III.1. Du cosmopolitisme à la mondialisation

L'hypothèse qui est au centre de ce point est que la mondialisation comme sentiment, comme perception de notre présent, est intimement liée au dissentiment et au dérèglement - hypothèse aussi que ce sentiment ne date pas d'aujourd'hui mais qu'il est constitutif de la conscience moderne, historique du monde qui émerge au plus tard avec l'ère des révolutions. La mondialisation est ainsi conçue comme un processus porteur d'espoir, porteur de la promesse d'un monde sans guerre et d'une croissance économique qui mettra un terme à la misère de masse dans les pays en voie de développement et établir une « bonne gouvernance » qui, comme le postule Ngoma Binda, doit être fondée sur les principes de rationalité, d'éthique, d'esprit démocratique, de civisme, de responsabilité ainsi que de sens du droit, de la justice, du travail acharné et de l'organisation intelligente144(*).

III.1.1. Le droit d'hospitalité face à la mondialisation

La conception du droit cosmopolitique présentée dans le troisième article définitif du Projet de paix perpétuelle entretient avec la théorie de la mondialisation un rapport de causalité. Pour rappel, le droit cosmopolitique d'hospitalité est le droit de tout homme venant d'ailleurs -avec sa culture, sa langue, sa religion, son mode de vie-, d'être accueilli -respecté dans sa singularité et dans son altérité-. Le droit d'hospitalité, que Kant précise qu'il ne relève pas de la philanthropie, c'est-à-dire de l'humanitaire, mais bien du droit, repose sur l'hypothèse que, puisque notre monde est un monde fini, puisque les vaisseaux et les chameaux permettent de rapprocher les hommes à travers les contrées sans possesseur, puisque donc, les hommes ne peuvent se disperser à l'infini et qu'il faut donc qu'ils se supportent les uns à côté des autres, personne n'ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre : « tout homme a le droit de se proposer comme membre de la société »145(*).

Le droit d'hospitalité a une portée philosophique immense car l'exigence d'ouverture, de réciprocité, étant donné que « personne n'a originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre », n'est pas contingente pour Kant : elle est constitutive de la condition humaine. Le monde vécu est réel parce qu'il est commun. C'est la leçon politique qu'Arendt tire de Kant. Pour cette dernière, en effet, quand s'effacent la religion, la tradition et l'autorité comme modalités de notre rapport au monde, le politique est ramené à la condition élémentaire de la perception, la pluralité. Et la démocratie ne fait rien d'autre qu'ériger en valeur, en exigence, cette condition même de pluralité146(*).

Le cosmopolitisme est donc une tentative de sortir de cette impasse et d'offrir une alternative éthique et politique à la mondialisation en cours.

De cette manière, le cosmopolitisme se présente comme le contraire du globalisme. Le globalisme étant l'idéologie qui légitime la mondialisation en nous imposant cette « évidence » -aujourd'hui discréditée-, selon laquelle les interactions spontanées et dérégulées de l'économie hyperindustrielle sont fondamentalement bonnes pour l'humanité. Cette idéologie, il faut le rappeler, est parfaitement compatible avec un esprit provincial, et même facilement convertible en nationalisme, comme on le voit avec ces « global citizens » qui se sentent à l'aise partout dans le monde, qui plaident pour une dérégulation du marché, mais qui, une fois rentrés chez eux, n'hésitent pas à réclamer un contrôle strict de l'immigration.

Le cosmopolitisme, s'oppose à la fois au globalisme et au nationalisme. C'est une erreur fondamentale de croire que l'optique cosmopolitique veut abolir les frontières et éliminer la souveraineté étatique. Ce qu'il récuse dans le point de vue national, c'est l'essentialisation politique de l'ethnicité à laquelle il se livre, « l'identité nationale », et son refus de construire des niveaux de pouvoir supra-étatiques aujourd'hui indispensables. Mais l'optique cosmopolitique n'entend nullement supprimer les institutions étatiques. Au contraire, elle préconise des Etats forts qui préservent les deux grands acquis de la modernité : les droits politiques attachés à la condition de citoyen et les protections sociales liées au statut de salarié. Car ce n'est qu'en préservant et en renforçant ces deux acquis de l'Etat national qu'on pourra affronter les problèmes posés par la mondialisation, comme par exemple celui de la migration et de son corollaire, l'interculturalité.

Dans l'optique cosmopolitique, le problème n'est pas de savoir combien de migrants pouvons-nous accepter, ni jusqu'où pouvons-nous tolérer leurs particularismes culturels -c'est là un point de vue nationaliste qui reste centré sur les identités. Le véritable problème est dans les conditions d'émergence des subjectivités en devenir des migrants, chez leurs enfants et finalement chez leurs petits-enfants.

Si l'on mène des politiques d'action positive en faveur des étrangers ou des personnes d'origine étrangère, et que l'on appuie cette politique sur des données officielles et anonymes, l'on ne touche pas à la question de l'identité, mais à celle de la subjectivité. Car la question de fond est celle de l'intégration culturelle, sociale et politique des immigrés.

Lorsque l'on plaide pour un assouplissement des jours fériés, pour une valorisation des langues et des cultures d'origine, pour des aménagements raisonnables en matière alimentaire ou vestimentaire, l'on n'enferme pas les « allochtones » dans leur identité, mais au contraire on les sort des ghettos dans lesquels ils ont été mis, on leur ouvre l'espace commun, on brouille cette frontière invisible entre « eux » et « nous », comme s'ils n'étaient pas partie prenante à ce nous, alors que la plupart sont nés sur notre sol et que leur langue maternelle est le français. Tel est, à en croire Édouard Delruelle, un point de vue cosmopolitique sur un problème territorial.147(*)

De même, poursuit Édouard Delruelle, s'il s'agit de traiter de la question migratoire, l'optique cosmopolitique consistera à prendre la perspective la plus large, celle qui inclut à la fois les intérêts du pays d'accueil (de ses entreprises, mais aussi de ses travailleurs et de ses franges de la population les plus fragilisées), les intérêts des pays d'origine (pour éviter par exemple un « brain drain » catastrophique pour eux), et enfin les intérêts et les droits des migrants eux-mêmes.148(*)

III.1.2. Réinvention de l'Etat dans une optique cosmopolitique

Pour réinventer l'Etat dans une optique cosmopolitique, il faut bien entendu, pour certaines questions, dépasser le cadre territorial classique. Édouard Delruelle, dans son article Cosmopolitisme et dissensus communis, voit au moins deux niveaux de pouvoir qui, dès demain, devraient s'ajouter au niveau étatique proprement dit : le niveau cosmopolitique et le niveau métropolitain149(*).

En effet, d''une part, un niveau cosmopolitique est aujourd'hui le seul où il est possible d'affronter des défis globaux comme le climat, la finance, la suffisance et la sécurité alimentaire, la lutte contre les mafias et la traite des êtres humains.

D'autre part, un niveau « métropolitain », niveau de la ville : l'urbanisation quasi-totale de la population mondiale se profile dans un avenir historique proche (déjà, 60% aujourd'hui). Elle fait de la ville un nouvel espace commun qui, à l'heure actuelle, ne dispose pas d'institutions politiques et juridiques spécifiques. Il faut donc inventer un niveau de pouvoir et de juridiction qui soit en prise avec la civilisation ultra-urbanisée de demain, où se jouera la vie quotidienne de nos concitoyens : travail, logement, loisirs, hygiène, mobilité, interculturalité ; c'est là aussi, sans doute, que la démocratie participative, si elle est possible, trouvera à se concrétiser.

Sous cette double condition, la reconquête par l'Etat de ses fonctions de base sera peut-être possible : sécurité certes, mais aussi égalité des chances, solidarité interpersonnelle, accès de tous à la santé, au savoir, et, en liaison avec le niveau européen, immigration, monnaie, régulation des marchés.

L'optique cosmopolitique est, tout compte fait, la seule qui, aujourd'hui, soit adéquate aux conditions de la subjectivité contemporaine. L'espace de subjectivation s'est élargi aux dimensions du monde ; notre horizon de perception et d'expérience est devenu celui d'un monde unique et fini, si bien que la dimension planétaire des problèmes que nous avons à affronter devient une donnée immédiate de notre conscience. Le cosmopolitisme en est la seule traduction politique, le seul horizon d'établissement de la paix à travers l'Etat de droit et les relations internationales.

III.3. La promotion de l'Etat de droit au niveau international

III.3.I. L'Etat de droit comme instrument de pacification des relations internationales

La problématique de l'Etat de droit conduit à faire de la pacification des relations internationales la résultante d'un processus complexe, dans lequel les dimensions externe et interne sont inextricablement mêlées et renvoient l'une à l'autre150(*) : il ne s'agit pas seulement, en effet, de construire un «Etat de droit international» impliquant l'existence de règles supérieures aux Etats; il s'agit encore de faire reposer cette construction sur l'adoption par les Etats d'un modèle d'organisation politique fondé sur la primauté du droit. L'Etat de droit international prend ainsi appui sur le système de droit qui s'est développé dans l'ordre interne : le principe de soumission de l'Etat au droit qu'implique celui-ci contribue à assurer la diffusion et l'application effective des normes de droit international; l'Etat de droit international ne prendra ainsi toute sa portée qu'à partir du moment où il reposera sur l'existence d'une véritable «communauté d'Etats de droit».

Ce lien est au coeur de la perspective kantienne151(*). La «paix perpétuelle» dépend de la réunion de trois conditions, dictées par la Raison et conçues comme des «articles définitifs». D'abord, le caractère «républicain» de la Constitution des Etats : impliquant la liberté et l'égalité des citoyens, la séparation des pouvoirs et la représentation. Une telle Constitution interdirait qu'une guerre puisse être décidée par les gouvernants «pour des raisons insignifiantes» et indépendamment de l'accord des citoyens. Ensuite, l'édification d'un «fédéralisme d'Etats libres» : il s'agit non d'un super-Etat, mais d'une «alliance des peuples», fondée sur la liberté des Etats et exclusive de toute idée de contrainte. Enfin, la promotion d'un «droit cosmopolitique», sous-tendu par le principe d'«hospitalité», c'est-à-dire signifiant le droit pour l'étranger à son arrivée sur le territoire d'un Etat de ne pas être traité par lui en ennemi.

Kant établit ainsi un lien consubstantiel entre la mise en place d'un ordre républicain au sein des Etats et la construction d'un ordre pacifique international : la paix mondiale n'est possible à ses yeux que si les Etats se dotent d'une Constitution garantissant les droits de l'homme et limitant le pouvoir ; alors des rapports pacifiés pourront s'établir entre les Etats, tout en respectant leur souveraineté. Cette perspective se retrouve chez Norberto Bobbio152(*) ou encore chez Jürgen Habermas153(*).

Pour Bobbio, l'établissement d'une paix durable dans le monde n'est concevable que si la Constitution des Etats est fondée sur le respect de la démocratie et des droits de l'homme. De même, critiquant l'idée d'«alliance des peuples», Habermas estime que le «droit cosmopolitique» doit donner aux individus, en tant que «citoyens du monde», des droits face aux Etats et donc «court-circuiter» la souveraineté. Ulrich Beck est en revanche plus proche de la perspective kantienne, en concevant l'«Etat cosmopolitique» comme une «réponse politique à la mondialisation», par la promotion d'une logique nouvelle de coopération154(*) : le cosmopolitisme ne marquerait donc nullement la fin de la souveraineté des Etats, mais son renforcement par l'association et le partage. Bridant la puissance des Etats en la coulant dans le moule du droit, aussi bien dans l'ordre externe que dans l'ordre interne, l'Etat de droit est conçu comme un moyen de pacification de leurs relations mutuelles.

III.3.2. L'Etat de droit comme principe d'organisation de la société internationale

La logique de l'Etat de droit suppose une rupture avec la conception classique du droit international. Si les premiers théoriciens du droit des gens s'étaient efforcés de penser les rapports entre Etats comme gouvernés par des normes supérieures relevant de l'idée de «Nature», le droit international a été construit en effet sur le principe de souveraineté : produit de la rencontre de volontés souveraines, c'est un «droit interétatique», fondé sur l'accord des Etats ; l'«efficacité de ce droit repose sur l'engagement que chaque Etat assume à son égard et qui est la base directe de son obligation».155(*) Le droit international présente ainsi un caractère «conventionnel», qui exclut à première vue toute transposition du principe de hiérarchie des normes, inhérente à la théorie de l'Etat de droit. Quant aux juridictions internationales, elles ne disposent pas de la plénitude de compétence et des moyens de contrainte impliqués par le système de l'Etat de droit.

Postulant l'existence d'une «légalité internationale», c'est-à-dire d'un corpus de règles s'imposant à l'ensemble des Etats, ainsi que la mise en place de mécanismes permettant d'en assurer le respect, l'Etat de droit international apparaît en l'état actuel des rapports internationaux, comme un simple postulat : sa réalisation supposerait une transformation radicale de la société internationale, par la mise en cause de la souveraineté des Etats et l'apparition d'une véritable autorité au niveau mondial ; la société internationale reste une société fondamentalement «anarchique», formée d'entités également souveraines, qui restent libres de leurs engagements. Cependant, cette vision apparaît trop simple : s'il a les limites d'un mythe, l'Etat de droit international en a aussi la force agissante; l'idéal de l'Etat de droit travaille en profondeur la société internationale, en alimentant une dynamique de changement.

La création du système des Nations Unies a constitué à cet égard un tournant capital, en contribuant à l'institutionnalisation des rapports internationaux - institutionnalisation passant par le canal du droit : un véritable ordre juridique s'est progressivement construit sous l'égide de l'ONU et cet ordre juridique repose précisément sur un principe fondamental, l'interdiction du recours à la force - en dehors des hypothèses très limitatives admises par la Charte. Rassemblant la quasi-totalité des Etats, l'ONU apparaît comme un forum mondial, l'instance de préfiguration de cette «démocratie interétatique»156(*) prônée par Kant; et le Conseil de sécurité est devenu le garant de la légalité internationale, notamment en matière de recours à la force. La création des Nations Unies a donc bel et bien jeté les bases d'un Etat de droit international, certes incomplet et à éclipses - notamment dans la mesure où le Conseil de sécurité a rarement été en mesure d'assumer les responsabilités qui lui incombent. Et cet Etat de droit est sous-tendu par l'objectif de pacification des relations internationales, dans la mesure où il encadre strictement l'usage de la force. Même si elle n'a pas suffi à éviter le développement de conflits armés, l'institution des Nations Unies n'en a pas moins pesé sur leur déroulement et contribué à promouvoir «l'idée que les différends entre les Etats devaient se régler de manière pacifique».157(*)

Au lendemain de la guerre du Golfe, George Bush énoncé l'avènement d'un nouvel ordre mondial où le règle de la loi, et non celui de la jungle gouverne la conduite des nations et évoqué un nouveau partenariat des nations [...], un partenariat uni par le principe de l'Etat de droit. La caution du Conseil de sécurité apparaît comme une ressource capitale pour établir la légalité et asseoir la légitimité du recours à la force, comme l'ont montré les exemples contraires des interventions en Afghanistan et en Iraq : les résolutions 1 368 et 1 373 adoptées après les attentats du 11 septembre avaient reconnu puis réaffirmé le droit à la « légitime défense individuelle et collective » et la nécessité d'une lute contre le terrorisme, avant que le Conseil de sécurité apportât le 8 octobre son soutien à l'opération «Liberté immuable». A l'inverse, le fait que l'intervention en Iraq ait été décidée sans l'accord du Conseil a suscité de vives controverses.

L'Etat de droit se profile encore à travers la consécration d'un ensemble de droits fondamentaux au profit des individus. La Déclaration universelle des droits de l'homme a constitué la première tentative de construction d'un socle de valeurs communes, par-delà la diversité des régimes politiques, ainsi que d'affirmation de l'existence de droits s'imposant aux Etats : la signature des deux Pactes, complétés par des conventions particulières, a fait entrer les droits de l'homme dans le droit international positif. A partir de ce socle ont été édifiés des instruments régionaux, tels que la Convention européenne (1950), la Convention américaine (1969) ou encore la Charte africaine (1981).

On retrouve ainsi au niveau international les éléments substantiels qui sont au coeur de la théorie de l'Etat de droit. L'idée que tout homme disposerait d'un ensemble de droits, véritable patrimoine commun de l'humanité, que les Etats sont tenus de respecter, constitue un puissant vecteur de pacification des rapports internationaux. Sans doute la protection de ces droits est-elle imparfaitement assurée, si ce n'est dans un cadre régional; cependant, l'institution de la Cour pénale internationale, compétente pour juger les faits de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, a montré, en dépit de ses insuffisances, que de nouveaux pas en avant étaient en cours «dans la voie du respect universel des droits de l'homme et de l'Etat de droit», selon la formule du Secrétaire général de l'ONU.

Tout se passe ainsi comme si avaient été jetées les bases d'un Etat de droit international : sans doute la légalité internationale reste-t-elle évanescente et la pacification des rapports internationaux virtuelle ; cependant, les fondations ont bel et bien été posées, rendant possible une consolidation progressive. La construction européenne en est la préfiguration : l'édification d'un ordre juridique supérieur au droit des Etats membres et l'introduction de dispositifs de protection juridictionnelle des droits et libertés sont conformes à la logique de l'Etat de droit; et cette construction a bien été un élément de pacification des rapports entre les pays européens. «Cesserait un système semblable qu'il faudrait mettre en place à l'échelon mondial et ce serait le début d'une véritable société internationale».158(*) L'Etat de droit international ne saurait cependant être dissocié des mécanismes internes sur lesquels il prend appui.

III.3.3. L'Etat de droit comme principe d'organisation des Etats

L'Etat de droit international est indissociable des principes qui commandent l'organisation interne des Etats. Ce lien résulte en tout premier lieu du fait que les normes élaborées au niveau international ne prennent toute leur portée que dans la mesure où elles sont incorporées dans les ordres juridiques internes, en devenant un élément du droit des Etats. Or, le système de l'Etat de droit permet cette incorporation, en définissant la place qui leur est assignée; le perfectionnement des mécanismes de l'Etat de droit favorise donc la diffusion des normes de droit international.

Ce processus a été très explicite, par exemple, pour la France. Dans la tradition juridique française, les normes internationales n'étaient pas considérées comme des sources de droit interne, prenant place dans la hiérarchie des normes : le droit international était donc intégré à un système relevant moins de l'Etat de droit que de l'«Etat légal», comme l'avait souligné Carré de Malberg.

La situation a évolué en deux temps successifs, d'abord avec l'article 26 de la Constitution de 1946, qui a accordé aux traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés «force de loi», puis avec l'article 55 de la Constitution de 1958, qui a posé que ces traités ont «une autorité supérieure à celle des lois» - sous réserve d'une condition de réciprocité : un étage supplémentaire, formé des normes internationales, a donc été aménagé dans la hiérarchie des normes; et les juridictions en ont tiré tour à tour les conséquences, en acceptant d'écarter les lois qui seraient contraires aux traités. Le mécanisme est le même pour le droit communautaire, en s'étendant à l'ensemble du droit dérivé, les Etats étant de surcroît tenus d'édicter les normes d'application et de prendre les mesures d'exécution nécessaires, sous le contrôle du juge communautaire.

L'Etat de droit interne est ainsi mis au service de la construction d'un Etat de droit international. Cette dimension prend une importance toute particulière en ce qui concerne les droits fondamentaux : les textes relatifs à ces droits, adoptés au niveau international et au niveau régional, sont incorporés dans l'ordre interne, en bénéficiant par là même des mécanismes de protection prévus par celui-ci. Plus significativement encore, un certain nombre de conventions internationales supposent pour leur exécution le concours actif des juridictions nationales, soit que la juridiction internationale n'intervienne qu'à titre supplétif pour pallier leur inaction (cas de la Cour pénale internationale), soit qu'elle ne soit saisie qu'après épuisement des voies de recours internes (cas de la Cour européenne des droits de l'homme), soit encore que les juridictions nationales soient garantes de leur application (la règle de la compétence universelle159(*) prévue par une série de conventions, relatives notamment à la piraterie internationale, aux prisonniers de guerre, au trafic de stupéfiants, au terrorisme ou à la torture, fait ainsi obligation aux Etats de poursuivre les auteurs de certains faits, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs victimes. On sait les difficultés que sa mise en oeuvre a soulevées.160(*)

Plus généralement, la construction d'un Etat de droit international est censée présupposer la diffusion du modèle de l'Etat de droit dans le monde entier : on retrouve ici la vision kantienne de la «Constitution républicaine» comme condition de la «paix universelle». La souveraineté reconnue aux Etats pour définir leur régime politique connaît ainsi des limites, qui réduisent «l'amplitude de la diversité acceptable».161(*) L'idée selon laquelle l'adhésion au modèle de la démocratie et de l'Etat de droit conduirait à renoncer à faire usage de la force, aussi bien sur le plan international que dans l'ordre interne, est fortement enracinée. Ainsi, comme nous pouvons le lire chez Serge Sur et Jean-Jacques Roche, à la différence des dictatures par essence belligènes, les démocraties libérales seraient naturellement pacifiques162(*) et privilégieraient la recherche de compromis; la résorption des conflits interétatiques ne pourrait dès lors être obtenue que par une homogénéisation progressive des principes d'organisation des Etats.

La construction européenne témoigne de l'importance de ce facteur : la construction d'une paix durable en Europe a été rendue possible par l'adhésion des pays européens à un même modèle d'organisation politique, fondé sur la démocratie, les droits de l'homme et l'Etat de droit, qui est érigé en principe fondateur de la construction européenne. L'admission des pays d'Europe centrale et orientale au Conseil de l'Europe puis au sein de l'Union européenne a été ainsi subordonnée à l'introduction des mécanismes de l'Etat de droit : au nombre des critères fixés par le Conseil européen à Copenhague en juin 1993 figure l'existence «d'institutions stables, garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme et le respect des minorités» et les demandes d'adhésion sont examinées à l'aune de ces critères. L'ONU adhérera à cette problématique, en liant la paix et la sécurité internationale à la promotion de l'Etat de droit dans l'ordre interne : la déclaration finale de la conférence sur les droits de l'homme tenue à Vienne en juin 1993 appellera ainsi les Etats à renforcer les institutions nationales et infrastructures qui maintiennent l'Etat de droit, en vue de créer les conditions permettant à chacun de jouir des droits universels et des libertés fondamentales. L'«agenda pour la démocratisation», établi le 17 décembre 1996 par le Secrétaire général de l'organisation, s'inscrit dans la même perspective.

Somme toute, l'Etat de droit est ainsi conçu comme le moyen de pacifier les rapports internationaux, dans la double mesure où il implique que les Etats se soumettent à une loi qui les dépasse et où ils se coulent eux-mêmes dans le moule du droit. Sans doute la société internationale est-elle encore bien loin d'atteindre cet idéal. Cependant, des pas en avant continueraient à être effectués dans cette voie, comme le montre la mise en place de la Cour pénale internationale. Cette vision témoigne de cette confiance absolue placée dans le droit, qui était au coeur de la construction de la théorie de l'Etat de droit. Elle repose sur la croyance que le pouvoir peut être lié par des règles, que la force peut être mise au service du droit, que la domination peut être exercée conformément à des normes préétablies ; présupposant la capacité de la norme à faire advenir ce qu'elle énonce, l'Etat de droit postule la «forclusion de la violence». Or, cette conception idéalisée du droit occulte le fait qu'il est lui-même enjeu permanent de luttes et que les rapports de force ne sauraient, pas plus sur le plan international que sur le plan interne, être éradiqués par la seule vertu de la norme juridique. La dogmatique de l'Etat de droit apparaît en réalité, non seulement comme un instrument de pacification des rapports internationaux, mais aussi comme un vecteur d'hégémonie dans les relations internationales.

En définitive, un fait est certain : le thème de l'Etat de droit ne sort pas du néant. Il est indissociable d'un ensemble de représentations et de valeurs lentement forgées au fil de l'histoire des pays européens, il implique toute une conception de l'organisation politique. Le fait qu'il se présente dans la société contemporaine comme un standard international auquel tout Etat est tenu de se conformer tend à montrer que cette conception est devenue hégémonique.163(*) L'Etat de droit va dès lors être utilisé comme argument d'autorité et principe de légitimation, permettant de justifier les pressions exercées sur certains Etats, voire une ingérence plus directe dans leurs affaires intérieures, au mépris de l'idée de souveraineté. Il sert de ressource idéologique et d'arme politique pour imposer un ordre international, qui apparaît comme l'enveloppe d'un rapport de domination. Ainsi que le note Ulrich Beck, « les Etats qui tissent le régime des droits de l'homme au rang de base programmatique et institutionnelle de leur politique se procurent un accès à des sources entièrement nouvelles de légitimation»164(*). Cette instrumentalisation du thème de l'Etat de droit est d'autant plus évidente qu'elle n'implique nullement la renonciation aux attributs de la puissance et l'acceptation des prérequis indispensables à la construction d'un authentique Etat de droit international.

Conclusion partielle

Au terme de ce chapitre, nous comprenons que le cosmopolitisme permet de penser de nouveaux rapports de droit : la mondialisation du droit. Parmi les moteurs de la construction cosmopolitique, on retrouve trois facteurs de la mondialisation du droit, parfois contradictoires entre eux : le commerce (et/ou le développement technologique), la société civile et les États eux-mêmes. En sus, les phénomènes de mondialisation du droit et de la justice peuvent être interprétés en termes cosmopolitiques.

La mondialisation du droit consacre un éclatement des systèmes juridiques jusque là clos sur eux-mêmes, et permet en même temps l'émergence de communautés, de solidarités ou de dialogues au niveau global. La notion de cosmopolitisme permet donc de figurer cette dislocation des frontières, notamment entre droits nationaux et droit international, et la recomposition de liens au-delà de ces frontières. Les affaires de « délocalisation judiciaire » en particulier fondent la légitimité d'une lecture cosmopolitique de la mondialisation du droit, dans la mesure où elles présupposent, ou produisent, une forme de solidarité humaine et de conscience politique globale, indépendante de la nationalité et du système juridique auxquels les individus appartiennent réellement.

A défaut d'une telle mondialisation de la notion du droit et de justice, la communauté des nations ne saurait être régulée que par la violence naturelle des hommes, le droit naturel à l'autodéfense. Ce serait le retour à la dissuasion caractéristique de l'état de nature.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de nos investigations, nous n'avons pas la prétention d'avoir balisé tous les aspects de la conception kantienne relative à l'état de droit. Certes, au-delà du Projet de paix perpétuelle, nous pourrions, peut-être, déceler suffisamment de plis et replis de la pensée kantienne dans la perspective bien définie que nous nous sommes proposée : la métamorphose de l'Etat de droit. En plus, reconnaissons que l'oeuvre philosophique de Kant n'est pas aisément abordable. Elle se veut généralement métaphysique. D'ailleurs, Kant lui même, conscient des difficultés que rencontrent ses lecteurs pour le comprendre et considérer ses ouvrages, avoue sans ambages : « Je suis venu avec mes écrits un siècle tôt. C'est dans cent ans que l'on commencera à me bien comprendre ; alors on se remettra à lire mes livres et l'on saura les faire valoir »165(*).

Nonobstant, nous nous sommes évertué de retracer l'itinéraire pacifiste de Kant en trois phases successives et évolutive. Et, à en croire Abe Pangulu, ce pacifisme se présente sur un fond de paradoxe166(*). Ainsi, poursuit-il, « aucune coexistence pacifique véritable n'est possible en dehors de toute organisation juridiquement protégée, garantissant les droits privés et publics »167(*).

Le premier chapitre était inscrit dans le truchement l'univers d'inspiration de l'oeuvre politique kantienne. Il s'est agit de retracer les origines de l'oeuvre politique d'Emmanuel Kant, les emprunts ou influences historiques ou culturelles que Kant aurait subies des Lumières, de la lecture de Jean-Jacques Rousseau et de la Révolution française. Ainsi, avons-nous pu retenir que les Lumières sont pour Kant « ce qui fait sortir l'homme de la minorité » pour accéder à un « usage public » de la raison. En plus, nous avons pu nous apercevoir de la fécondation et de l'influence de Rousseau sur Kant, d'abord et essentiellement au niveau de la méthode hypothético-déductive qui consiste de poser en idée une réalité pour enfin la jauger dans l'empirie. Aussi, la théorie kantienne sociale et politique apparaît-il comme la théorie rousseauiste renversée : si pour Rousseau, l'homme, et l'histoire qu'il crée par les mécanismes sociaux, va du mieux au pire, Kant en revanche estime que l'histoire de l'humanité va du pire au mieux, réglé sur le modèle du devoir168(*), construit sur base de la liberté et du droit, socle d'une paix durable.

Dans le deuxième chapitre, notre préoccupation était d'étayer la métamorphose de l'Etat de droit en partant de différentes formes de l'état civil. Ces formes sont, du reste, la constitution « républicaine », la fédération d'Etats libres et le droit cosmopolitique. Ainsi, Kant synthétise-t-il le débat des Lumières sur la paix et l'idée fédérale. La paix est envisagée simultanément comme une perspective politique et comme un impératif catégorique. Les six "articles préliminaires" du projet constituent une critique des rapports entre les États : la guerre de conquête, la diplomatie secrète, les armées permanentes, les violations du droit des gens, sont condamnés globalement. Viennent ensuite trois "articles définitifs" auxquels correspondent les trois "niveaux" juridiques nécessaires à la construction de la paix : le droit civil, le droit des gens et le droit cosmopolitique.

Kant donne aux hommes le devoir de réaliser la paix conformément à la raison. L'état de paix n'est pas la cessation des hostilités, mais un état juridique qui doit être construit. Pour cela, "la constitution civile de chaque État doit être républicaine", et "il faut que le droit des gens soit fondé sur une fédération d'États libres". Cet aspect a permis à Kant d'établir l'idée d'une « société des nations », chimère pour certains qui pensaient sa réalisation prochaine. Cet « Etat des Nations » ou « Etat cosmopolitique » est l'achèvement parfait de l'évolution de l'histoire humaine. C'est également la garantie de paix et des droits universels et véritables. De ce fait, Kant appréhende-t-il l'Etat cosmopolitique comme un organisme vivant n'excluant aucune partie de son ensemble.

Le droit cosmopolitique vient compléter les deux premiers niveaux. Ce droit considère les hommes et les États, dans leurs relations extérieures et dans leur influence réciproque comme citoyens d'un État universel de l'humanité. Il concerne les hommes en tant que citoyens du monde.

La clé du droit cosmopolitique réside dans le fait qu'il concerne, par delà les sujets collectifs du droit international, le statut des sujets de droit individuels, fondant une appartenance au monde sur base du principe d'hospitalité. Suivant cette idée, tout individu est à la fois citoyen du monde comme citoyen de son État. Les individus occupent donc une place juridique dans la communauté internationale.

Le troisième chapitre était un prolongement du deuxième ; il aborde la question de l'Etat cosmopolitique qui, à notre humble avis, peut être établi comme horizon d'accomplissement de la paix. Ainsi, nous avons relevé qu'il est possible de penser la globalisation et la mondialisation, et donc la gouvernance mondiale sur les mêmes bases du cosmopolitisme. Certes, la Société des Nations s'appuyait sur les Etats-nations et sur la définition classique de l'espace selon les trois principes de territorialité, de souveraineté et de sécurité. Cependant, aujourd'hui, avec l'affaiblissement relatif de l'Etat, le trans-nationalisme et l'interdépendance, nous nous acheminons peu à peu vers une société mondiale, aussi peu intégrée politiquement soit-elle.

Toutefois, face au constat qu'il n'y a pas d'union politique véritable à l'échelle humaine (l'ONU ne suffisant pas), l'objectif est d'offrir un droit commun pour ne pas laisser le monde dans un « désordre impuissant » : il faut ordonner et structurer la pluralité des normes qui définit le droit mondialisé, sans rien concéder à une toute puissance hégémonique. Il faut donc comparer les systèmes, les harmoniser, quitte à chercher un socle de principes communs, une sorte de consensus par recoupement au sens de John Rawls169(*). Delmas-Marty parle alors d'une dialectique du cosmos et de la polis qui aurait vocation à produire à terme ce qu'elle appelle un « pluralisme ordonné »170(*).

Tout compte fait, L'idéal kantien est paradigmatique de ce cosmopolitisme moderne et fonde la plupart des thèses cosmopolitiques contemporaines, à partir de deux textes de Kant qui établissent un lien durable entre le conflit, la guerre, d'une part, et le projet d'une constitution au-delà des États, d'autre part : l'Histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique et le Projet de paix perpétuelle. Au-delà des divergences d'interprétation qui animent les différentes lectures de ces textes, on peut en résumer l'apport en quelques principes. En premier lieu, le projet cosmopolitique répond à un plan de la nature. Ce plan repose sur le penchant de l'homme pour la société et, en même temps, la tendance naturelle des hommes à se faire la guerre. C'est la guerre, le conflit et la concurrence qui amènent les hommes à s'entendre et à faire société au-delà de leurs penchants particuliers. En second lieu, ce « faire société » se traduit par un projet de constitution au-delà des États nations, dont l'objectif premier est de court-circuiter la guerre en instaurant un équilibre intéressé, c'est-à-dire une paix perpétuelle. Enfin, en troisième lieu, ce projet ne se réalise que sur une grande échelle (dans l'espèce). Il est propre au développement général des sociétés mais doit s'accomplir progressivement et pourquoi pas d'abord de façon partielle.

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TABLE DES MATIERES

DEDICACE ........................................................................................................ I

EPIGRAPHE ..................................................................................................... II

AVANT-PROPOS ..............................................................................................III

INTRODUCTION GENERALE 1

Chapitre premier :

LES ORIGINES DE L'OEUVRE POLITIQUE D'EMMANUEL KANT 5

I.O. Introduction 5

I.1. Les Lumières 5

I.2. La lecture de Jean Jacques Rousseau 8

I.3. La Révolution française 11

I.4. La liberté et le droit 13

I.5. Division du domaine du droit 16

I.5.1. Le droit privé 16

I.5.2. Le droit public 19

I.6. Le projet de paix perpétuelle 22

I.6.1. Présentation de l'ouvrage 22

I.6.2. Structure et contenu de l'ouvrage 23

Conclusion partielle 29

Chapitre deuxième :

LES FORMES DE L'ETAT CIVIL 30

II.0. Introduction 30

II.1. Le Républicanisme comme première manifestation de l'état civil 31

II.1.1. Le contrat comme l'acte créateur de l'Etat 31

II.1.2. La constitution républicaine 33

II.2. Le fédéralisme comme deuxième manifestation de l'état civil 36

II.2.1. Définition du Fédéralisme 36

II.2.2. Le fédéralisme ou l'alliance des peuples 36

II.3. Le Cosmopolitisme comme troisième manifestation de l'état civil 36

II.3.1. Définition du Cosmopolitisme 36

II.3.2. Le Cosmopolitisme dans l'histoire de la philosophie 36

II.3.3. Du droit cosmopolitique 36

Conclusion partielle 36

Chapitre troisième :

L'ETAT COSMOPOLITIQUE : HORIZON D'ACCOMPLISSEMENT DE LA PAIX 36

III.0. Introduction 36

III.1. Du cosmopolitisme à la mondialisation 36

III.1.1. Le droit d'hospitalité face à la mondialisation 36

III.1.2. Réinvention de l'Etat dans une optique cosmopolitique 36

III.3. La promotion de l'Etat de droit au niveau international 36

III.3.I. L'Etat de droit comme instrument de pacification des relations internationales 36

III.3.2. L'Etat de droit comme principe d'organisation de la société internationale 36

III.3.3. L'Etat de droit comme principe d'organisation des Etats 36

Conclusion partielle 36

CONCLUSION GENERALE 36

BIBLIOGRAPHIE 36

1. OEuvres de Emmanuel Kant 36

2. OEuvres sur Emmanuel Kant 36

3. Ouvrages généraux et autres ouvrages 36

4. Revues et Articles de Revues et Web 36

5. Dictionnaires, Encyclopédie et Documents 36

TABLE DES MATIERES 36

* 1 O. HOFFE, Emmanuel Kant : un cosmopolitisme innovant, Cfr http://www.leforum.de/artman/publish/article_192shtml

* 2 J. HABERMAS, La paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne. Traduction de l'allemand par Rainer ROCHLITZ, coll. « Humanités », Paris, Les Editions du Cerf, 1996.

* 3 E. KANT, Ecrits politiques, OEuvres, p. 187.

* 4 E. KANT, La philosophie de l'histoire (opuscules), p. 46.

* 5 E. KANT, cité par J.-M MUGLIONI, in Philosophie politique 2. Kant. Revue Internationale de Philosophie Politique., p. 169.

* 6 Lire « Rousseau » in Encyclopaedia Universalis, Corpus 20, pp. 318-321.

* 7 E. KANT, cité par E. CASSIRER, Rousseau, Kant, Goethe. Deux essais, p. 36.

* 8 On peut lire à ce sujet, V. ZANETTI, La nature a-t-elle une fin ? Le problème de la téléologie chez Kant, Grèce, Ousia, 2005.

* 9 J.J. ROUSSEAU, Du contrat social, p. 43.

* 10 E. CASSIRER, op. cit., p. 39.

* 11 A. PHILONENKO, L'oeuvre de Kant. La philosophie critique, tII. Morale et politique, pp. 46-47.

* 12E. CASSIRER, op. cit., pp. 65-66.

* 13 E. KANT, cité par E. CASSIRER, op. cit., p. 52.

* 14 E. CASSIRER, cité par S. GOYARD-FABRE, Philosophie politique. XVIè-XXè Siècles, p. 347.

* 15 L'état de nature désigne, chez Kant, une simple hypothèse qui doit permettre de le distinguer du droit. Il montre la nécessité morale d'instituer le droit.

* 16 J. D'HONDT, Kant et la Révolution Française, in Philosophie politique 2. Kant. R.I.Ph.P., p. 43.

* 17E. KANT, Le conflit des facultés. En trois sections, p.100.

* 18 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie : Doctrine du droit, p. 204.

* 19 E. KANT, cité par J. D'HONDT, op. cit., p. 49.

* 20 A. AULARD, cité par A. PHILONENKO, Théorie et praxis dans la pensée morale et politique de Kant et de Fichte en 1793, p. 59.

* 21 E. KANT, Fondements de la métaphysique des moeurs, Traduit de l'Allemand par Victor Delbos, Québec, Edition électronique réalisée par Philippe Folliot, Microsoft Word 2002, p.42.

* 22 Ibidem.

* 23 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, p. 196.

* 24 C'est dans son ouvrage Théorie de la justice, que John Rawls corrobore cette idée. Dans cet ouvrage, la question centrale est de savoir en quoi les principes de la justice adoptés au niveau d'une société imposent-ils des contraintes sur le comportement individuel des membres de la société. Cette question est importante pour John Rawls dans la mesure où il a consacré beaucoup de place à la discussion du dispositif se trouvant en amont des principes de justice -on pense ici, bien entendu, à la fiction bien connu de la position originelle -, n'a dit que très peu de choses concernant l'aval, à savoir la sphère de l'application des principes dans la « vie quotidienne ». Succinctement, le cadre rawlsien dans lequel se déploie la société est l'idéal-type de la société démocratique moderne. C'est une société dite « bien ordonnée » et définie par trois caractéristiques essentielles :

a) Chacun accepte, et sait que tous les autres acceptent, exactement les mêmes principes de justice ;

b) Les institutions sociales satisfont ces principes, et ce fait est publiquement connu ;

c) Les citoyens ont « un sens de la justice normalement efficace » et se conforment donc à ces constitutions, qu'ils considèrent comme justes. Cette forme de justice est vue par John Rawls comme une capacité morale, capacité qui a fait, en particulier, que l'individu est à même de faire abstraction de sa propre position sociale et de ses intérêts propres de manière à pouvoir juger, en toute équité, du caractère juste ou injuste d'un arrangement social. C'est en ce sens que la théorie rawlsienne est une théorie de la « justice comme équité ».

* 25 E. KANT, op. cit., p. 104.

* 26 Déclaration des droits, Publiée en tête de la constitution de 1793.

* 27 Code Napoléon, art. 644.

* 28 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, p. 196.

* 29 E. KANT, op. cit., p. 119.

* 30 Ibid., p. 130.

* 31 B. GILSON, L'essor de la dialectique moderne et la philosophie du droit, p. 90.

* 32 E. KANT, op. cit., p. 134.

* 33 Ibid., p. 131.

* 34 Ibid.., p. 193.

* 35 E. KANT, Pour la paix perpétuelle. Projet philosophique, p. 92.

* 36 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, p. 195.

* 37 Ibid., p. 215.

* 38 Ibid., p. 220.

* 39 E. KANT, La philosophie de l'histoire, pp. 35-36.

* 40 A. MATTELART, Histoire de l'utopie planétaire. De la cité prophétique à la cité globale, p. 34-60.

* 41 E. KANT, Le projet de paix perpétuelle, p. 29.

* 42 Ibidem.

* 43 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 3.

* 44 Ibid., p. 4.

* 45 Ibid., p. 5.

* 46 Ibid., p. 6.

* 47 Ibid., p. 8.

* 48 Ibid., pp. 8-9.

* 49 Notons que, en général, l'Etat peut être de trois types : l'autocratie, l'aristocratie et la démocratie, c'est-à-dire un seul détient le pouvoir souverain (souveraineté du prince), ou bien plusieurs unis entre eux (souveraineté de la noblesse), ou bien tous les citoyens ensemble (souveraineté du peuple). Cf. E. KANT, op. cit., p. 18.

* 50 Ibid., p. 19.

* 51 Ibid., p. 16.

* 52 Ibid., p. 22.

* 53 Art. Préliminaires 2 et 5.

* 54E. KANT, op. cit., p. 28.

* 55 Ibid., p. 26.

* 56 Ibid., p. 28.

* 57 Ibid., p. 26.

* 58 T. BERNS, Secrets implicites d'une cosmopolitique non politique chez kant, Dissensus, N° 1 (décembre 2008) http://popus.ulg.ac.be./dissensus/document.php

* 59 E. KANT, op. cit., p. 29.

* 60 Ibidem.

* 61 Ibid., p. 30.

* 62 Ibid., pp. 30-32.

* 63 Ibid., p. 38.

* 64 Ibid., p. 45.

* 65 Ibid., p. 46.

* 66 Ibid., p. 51.

* 67 E. WEIL, Problèmes kantiens, p. 130.

* 68 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 13.

* 69 Ibid., p. 14 (note).

* 70 Ibidem.

* 71 Ibid., p. 15.

* 72 Ibid., p. 22.

* 73 Ibid., p. 29.

* 74 L. GUILLERMIT, Le droit des gens selon Rousseau et Kant, in Cahiers d'études germaniques, p. 111.

* 75 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, p 198.

* 76 E. KANT, Critique de la faculté de juger, p. 242.

* 77 G. RAULET, Kant. Histoire et citoyenneté, p. 155.

* 78 On a plus d'une fois blâmé, mais sans raison, ce me semble, comme les flatteries grossières et enivrantes, les dénominations sublimes dont on décore souvent les souverains (celle d'envoyé de Dieu, d'exécuteur et de représentant de la volonté divine sur terre). Loin d'enorgueillir un souverain, elles doivent, au contraire, lui inspirer intérieurement de l'humilité, s'il a de l'intelligence (comme il faut bien le supposer), et s'il songe qu'il s'est chargé d'une fonction supérieure aux forces d'un homme, savoir de protéger ce que Dieu a de plus sacré sur la terre, les droits des hommes, et il doit toujours craindre de porter quelque atteinte à cette prunelle de Dieu. (Cf. E. KANT, Ecrits politiques,OEuvres, pp. 54-55).

* 79 E. KANT, Métaphysique des meurs. Première partie. Doctrine du droit, p. 195.

* 80 Ibidem.

* 81 E. KANT, Ecrits politiques, OEuvres, p.8.

* 82 Le régime d'assemblée est un système institutionnel dans lequel tous les pouvoirs procèdent d'une assemblée élue au suffrage universel direct. Celle-ci élit en son sein des comités qui exercent les fonctions exécutives et, le cas échéant, judiciaires (Cf. http :// www.vie-pblique.fr/th/glossaire.gouvernement.html)

* 83 Le régime parlementaire se distingue du régime d'assemblée par une plus grande séparation des différents pouvoirs et par l'existence de mécanismes de régulation en cas de désaccord entre l'Exécutif et les assemblées parlementaires. La principale caractéristique de ce régime réside dans la nécessité pour le Gouvernement de disposer de la confiance de la majorité parlementaire. Il est donc responsable devant elle et doit remettre sa démission s'il ne dispose plus d'une majorité. (Cf. http :// www.vie-pblique.fr/th/glossaire.gouvernement.html)

* 84 Mis en oeuvre par les États-Unis en 1787, le régime présidentiel se caractérise par une stricte séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif a le monopole de l'initiative et la pleine maîtrise de la procédure législative ; le pouvoir exécutif, qui dispose d'une légitimité fondée sur le suffrage universel, ne peut être renversé ; le pouvoir judiciaire dispose de larges prérogatives. La principale caractéristique du régime présidentiel réside dans le mode de désignation du chef de l'État, élu au suffrage universel direct ou indirect.

(Cf. http :// www.vie-pblique.fr/th/glossaire.gouvernement.html)

* 85 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, trad de Jean Gobelin, Paris, J. Vrin, 1975, p. 18.

* 86 Ibidem.

* 87 Ibidem.

* 88 Ibidem.

* 89 Ibid, p. 19.

* 90 Ibidem.

* 91 Ibidem.

* 92 E. KANT, Métaphysique des moeurs. Première partie. Doctrine du droit, Appendices, p.255.

* 93E. KANT, E., Le Conflit des Facultés. En trois sections, pp. 90-91.

* 94E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 22.

* 95 E. KANT, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 7ème proposition.

* 96 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 25.

* 97 Ibid., p. 26

* 98 J.-J. ROUSSEAU, Du Contrat Social, livre I, ch. 3.

* 99 M. TELO, L'Etat et l'Europe : Histoire des idées politiques et des institutions européennes, p. 59.

* 100 T. HOBBES, - Eléments de droit naturel et politique, 1640.

- De cive, 1642.

- Léviathan, 1651.

* 101 N. BOBBIO, Thomas Hobbes, p. 10.

* 102 K. WALTZ, cité par M. TELO, op. cit., p. 61.

* 103 P. HASSNER, Emmanuel Kant, in L. STRAUSS, J. CROPSEY, Histoire de la philosophie politique, 1987.

* 104 M. TELO, op. cit., p. 61.

* 105 M. GIBAULT, « La Société des Nations et le principe fédéral, 1919-1946 », Coloquios, 2008, URL : http://nuevomundo.revues.org/index45393.html. Consulté le 31 décembre 2009.

* 106 DIOGENE, Les cyniques grecs. Fragments et témoignage, Paris, éd. L. Paquet, 1992, p. 93.

* 107 Citoyen du monde se dit en grec (cosmopolitès) (DIOGENE, Ibid. p. 93.)

* 108 E. BROWN, et P. KLEINGELD, Cosmopolitanism, Stanford Encyclopedia of Philosophy, publié en ligne le 23 février 2002 (revise le 28 novembre 2006), http:/plato.stanford.edu/entries/cosmopolitanism.

* 109 H. GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, p. 38.

* 110 L. DE SUTTER, Le cosmopolitisme est un anti-juridisme, Dissensus, N° 1 (Décembre 2008) http:/popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php ?id=177

* 111 Ch. MAURRAS, et M. BARRES, cité par L. DE SUTTER, idem.

* 112 S. CHAUVIER, Du droit d'être étranger. Essai sur le concept kantien d'un droit cosmopolitique, p. 9.

* 113 Ibidem.

* 114 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 15.

* 115 Ibid., p. 22.

* 116 Ibid., p. 29.

* 117 Ibid., p 31.

* 118 Kant revient sur cette question dans la Métaphysique des moeurs de 1797. L'idée qu'il existe une « communauté pacifique sinon encore amicale de tous les peuples de la terre » n'est pas « philanthropique » (éthique) mais c'est un principe juridique. Il s'agit d'une perspective plutôt que d'une réalité : « On peut dire que cette institution universelle et perpétuelle de la paix, n'est pas une simple partie, mais constitue la fin ultime tout entière de la doctrine du droit dans les limites de la simple raison », OEuvres philosophiques, op. cit., VI 354-355, p. 629.

* 119 G. F. DE MARTENS, Précis du droit des gens moderne de l'Europe, Paris, 1864 (traduction de 1'édition de 1796). Dans le même ouvrage, Martens critique violemment la déclaration du droit des gens de l'abbé Grégoire dont les principes sont proches de ceux développés par Kant.

* 120 S. CHAUVIER, op. cit., p. 8.

* 121 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p. 43.

* 122 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, p.29.

* 123 Ibidem.

* 124 Ibid.

* 125E. KANT, Métaphysique des moeurs, Le droit cosmopolitique, VI, 353.

* 126 Voir par exemple l'intervention de Cocherel, député des colons de Saint-Domingue à la Constituante, le 26 novembre 1789, en faveur du maintien de l'esclavage dans les colonies et qui justifiait la traite comme un moyen de soustraire « des Africains au plus dur esclavage, qui fait la base et la constitution indestructible de ce (sic) peuple barbare », Archives parlementaires, t. 10, p. 263.

* 127 D. LOSURDO La critique du colonialisme par Kant, pp.171 sq.

* 128 ROBESPIERRE, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Imp. nat., Chambre des députés, Collection Portiez de l'Oise, t. XXIX, n° 42, reproduit dans ROBESPIERRE, OEuvres, t. IX, PUF, 1958, pp. 463 sq. Le texte de Saint-Just est reproduit dans Théorie politique, éd. de A. Liénart, Paris, Seuil, 1976, pp. l97 sq.

* 129 Voir à ce sujet M. BELISSA, Fraternité universelle (...), op. cit., IIIe partie, chap. 3, p. 369.

* 130 SAINT-JUST, cite in XXX, Théorie politique, articles 1, 4 et 5.

* 131 Ibidem.

* 132 S. CHAUVIER, op. cit., pp. 36-49.

* 133 E. KANT, cite par S. CHAUVIER, op. cit., p. 37.

* 134 Décision de la Cour constitutionnelle française, citée par Ibidem.

* 135 S. CHAUVIER, op. cit., p. 36.

* 136 Ibid., p. 38.

* 137 Ibidem.

* 138 Ibidem.

* 139 Ibid., p. 39.

* 140 Ibid. p. 68.

* 141 E. KANT, Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 39.

* 142 De eirênê, la paix en grec.

* 143 M. TELO, op. cit., p. 62.

* 144 NGOMA Binda, Principes de Gouvernance Politique et Ethique ... Et le Congo sera sauvé, 220 p.

* 145 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, p.30.

* 146 H. ARENT, cité par E. DELRUELLE, «Cosmopolitisme et dissensus communis», Dissensus, N° 1 (décembre 2008)  http://popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php?id=262

* 147 E. DELRUELLE, art. cit, http://popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php?id=262

* 148 Ibidem.

* 149 Ibidem..

* 150 M. CHEMILLIER-GENDREAU, L'Etat de droit au carrefour des droits nationaux et du droit international, L'Etat de droit, p. 57.

* 151 E. KANT, E., Vers la Paix perpétuelle, 1795, 1991. (Lire aussi F. RAMEL et D. CUMIN, Philosophie des relations internationales, pp. 252 sq.

* 152 N. BOBBIO, L'Etat et la démocratie internationale, pp. 143-157. (Lire aussi C. LEBEN, Norberto Bobbio et le droit international, Utopies : entre droit et politiques, pp. 215-233.

* 153 J. HABERMAS, La Paix perpétuelle. Le bicentenaire d'une idée kantienne, 1996.

* 154 Ibid., p. 179.

* 155 S. SUR, Relations internationales, p. 207 sq.

* 156 P. MOREAU DEFARGES, La fin des Nations Unies ? L'empire et le droit, Annuaire français de relations internationales, vol. V, 2004, p. 266.

* 157 D. DE VILLEPIN, cité par P. MOREAU DEFARGES, op. cit., p. 167.

* 158 R. COOPER, La Fracture des nations. Ordre et chaos au XXIe siècle, Paris, Denoël, 2004, p. 108.

* 159 G. DE LA PRADELLE, La compétence universelle, in H. ASCENSIO et alii, Droit international pénal, Paris, pp. 905 sq.

* 160 La Belgique ayant, en août 2003, limité le champ d'application des lois précédemment adoptées en 1993 et 1999, mais une interprétation large ayant été donnée le 5 octobre 2005 par le Tribunal constitutionnel espagnol.

* 161 D. HELD, Un nouveau contrat mondial. Pour une gouvernance social-démocrate, p. 228.

* 162 S. SUR, op. cit., p. 406 ; J.-J. ROCHE, Relations internationales, p. 105.

* 163 F. FUKUYAMA, La Fin de l'histoire et le dernier homme, p. 426.

* 164 Discours d'investiture de G.W. Bush, 20 janv. 2005.

* 165 E. KANT, Fondements de la métaphysique des moeurs, p. 16.

* 166 ABE, Pangulu, Mondialisation et sécurité collective. Réponse au paradoxe de la coexistence pacifique chez Kant, in Religions africaines et mondialisation : Enjeux identitaires et transculturalité. Actes du VIIèmeColloque International du CERA, p. 232.

* 167 Ibidem.

* 168 V. ZANETTI, op. cit.,

* 169 Le consensus par recoupement désigne le socle de principes communs issus de la confrontation des visions plurielles du monde qui composent la société. Il suppose de s'entendre sur une structure de base juste servant de cadre à l'expression des conceptions opposées. Voir J. RAWLS, Le libéralisme politique, Paris, PUF, 1993.

* 170M. DELMAS-MARTY, Le Relatif et l'universel, p. 414. Voir aussi M. DELMAS-MARTY, Le pluralisme ordonné, Paris, Seuil, 2006.






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