La justice aristocratique dans la généalogie de la morale de Nietzsche( Télécharger le fichier original )par Pierre Morien MOYO KABEYA Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 0000 |
II. 2. VERS L'IRRESPONSABILITEII. 2. 1. La conscience de la fauteTout ce qui relève de la justice (droit, loi, châtiment, etc.) s'origine dans l'idée de dette. En d'autres termes, leur vraie origine se trouve dans les rapports sociaux de type contractuel (créancier/débiteur). On croit si facilement que la justice est née avec l'idée que « le criminel mérite le châtiment parce qu'il aurait pu agir autrement.»54(*) La vérité est plutôt ailleurs. Cette idée est le fruit de l'induction humaine. Le terrain d'origine de la justice et de toute sa suite n'est pas celui du ressentiment, ni celui de la mauvaise conscience, ainsi que nous l'avons déjà dit. La sphère du droit n'est pas une invention des faibles ou de la vilenie. C'est la force d'airain du maître qui en est le créateur. C'est elle qui est capable de vouloir la loi du contrat et d'obliger au respect des engagements. Il n'y a qu'elle seule qui soit capable d'imposer « le respect des textes et de la parole donnée ». Nietzsche prend pour modèle une société primitive qui met en place un ensemble d'obligations tyranniques, lesté de cruauté. Dans cette société tout dommage trouve un équivalent. Il est susceptible d'être compensé. L'équivalence peut être dans la douleur de l'auteur du dommage, c'est-à-dire dommage et douleur sont équivalents. Cette idée d'équivalence provient des rapports entre créancier et débiteur. C'est là qu'apparaissent, pour la première fois, « des sujets de droit. » Ces rapports ramènent aux formes primitives de vente et d'achat. La vie sociale ; elle est vécue comme essentiellement commerce entre les membres et aussi entre les membres et la société. Pourtant ces exigences ne sont pas une volonté morbide de vouloir faire souffrir. Cette rudesse au quotidien ne laisse aucune place à la complaisance et à la recherche de la souffrance pour elle-même. L'homme promet et c'est à partir de cette promesse qu'il s'agit de faire mémoire de celui qui promet. C'est à partir de la promesse que la cruauté et la violence vont trouver libre cour et être légitimées. Aucun groupe humain ne peut se structurer sans un engagement réciproque des membres entre eux et dans la défense du groupe. Dans le contrat se trouve légitimée la cruauté. Dans certains cas, le créancier pouvait être compensé en ayant le privilège d'exercer sa tyrannie sur celui qui est réduit à l'impuissance. C'est une joie de faire souffrir. Et dans le cas où ce pouvoir est délégué à l'autorité publique, la jouissance vient du fait de voir maltraiter et mépriser cet être. « La compensation consiste donc en une assignation et droit de cruauté. »55(*) Le monde des concepts moraux, tels que : « fautes », « consciences », « devoir » s'origine donc dans la sphère du droit d'obligation. Ces concepts n'ont pas suivis un autre chemin que celui de la cruauté comme il en est de tout ce qui est grand sur la terre. Faut-il ajouter cette vérité difficile à accepter, selon Nietzsche, que le monde n'a jamais perdu un seul iota de son goût du sang ; pas même le vénérable impératif catégorique de Kant. L'avènement de la conscience est donc au prix de la discipline. Elle est une faculté tributaire des seuls maîtres, nobles. C'est là l'origine de la conscience, mais dont doit s'affranchir l'individu souverain. Malgré la discipline les époques primitives ne sont pas capables d'un tel résultat. * 54 F. NIETZSCHE, Op. cit., p. 96. * 55 Ibid., p. 100. |
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