La mobilisation des savoirs chez les retraités à travers la pratique bénévole.( Télécharger le fichier original )par Anne GOMETZ Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis - Master 1 sciences de l'éducation 2008 |
b) Des savoir-agir...Le savoir-agir est « une capacité à exercer un changement sur la structure sociale dans laquelle on évolue et à diriger ce changement » (Dan Ferrand-Bechmann, 2008 : 55). La prise de décision dans les moments opportuns, les responsabilités engagées à travers l'action sont sollicitées et requises dans la pratique bénévole à chaque étape de l'action. Au départ, il n'y a pas forcément de résultat. C'est un peu une plongée dans l'inconnu comme le formule Pierre : « Moi j'étais bon face à un industriel pour lui vendre mon gaz ou mon électricité, mais j'étais très mauvais concernant le Conseil Général ». Puis, il y a les apprentissages, l'observation des autres, ceux qui ont l'expérience : « Il y a le savoir et la découverte de talents insoupçonnés de l'expérience de négociatrices de ces femmes qui me dépassait énormément face à ce type d'interlocuteurs », dit-il encore. c) Des savoir-être...D'après Martine Dorange (2003)93(*), ce que peuvent transmettre les aînés, bien plus que les savoir-faire qui sont dans une société du progrès rapidement obsolètes et dévalorisés, ce sont des savoir-être, fruits de l'expérience de toute une vie. Selon l'enquête réalisée par l'auteur, les jeunes exprimeraient leurs souhaits dans ce sens : compréhension, tolérance, écoute, conseils, des attentes essentiellement axées autour du comportement. Et cela vient confirmer les propos de Fanny « je crois que les jeunes ont besoin de plus d'écoute », dit-elle. La majeure partie de son discours repose sur ce point fondamental. L'écoute, l'apprentissage du respect, celle de la patience pour accepter l'autre, voilà ce qu'elle a glané au cours de son existence et ce dont elle entend faire profiter autrui, c'est-à-dire le groupe de jeunes qu'elle accompagne : « L'expérience, des trucs de la vie, des trucs où tu te casses le nez. Moi c'est l'Afrique qui m'a beaucoup ouvert l'esprit. D'autres civilisations en face de moi, des façons d'être heureux différemment de moi, de vivre différemment de moi. [...] ils m'ont donné une ouverture d'esprit terrible. Là, ils m'ont fait un bien immense, immense ! Et puis, l'expérience de la vie... Des trucs qui me sont tombés sur la figure, plein de choses, qui font qu'à un moment donné, tu vois autrement. ». Entre les bénévoles eux-mêmes, les savoir-être sont requis pour articuler des logiques d'actions distinctes voire contradictoires et qu'il convient d'agencer de manière optimale. L'apprentissage de la négociation, la discussion, la confrontation des points de vue, toutes capacités convoquées lors du travail collaboratif entre bénévoles, mais également entre bénévoles et bénéficiaires. « Le rapport au savoir est souvent affectif et relationnel dans les associations » (Ferrand-Bechmann, 2008 : 59). L'émotion intervient dans l'acte d'apprendre; le bénévole s'implique dans ses activités et les obstacles rencontrés tout comme les réussites ont une résonance particulière pour le sujet qui va devoir articuler désir et frustration en fonction du succès ou non de ses projets. Présence attentive, écoute sensible, encouragements, autant d'attitudes qui viendront renforcer et maintenir une motivation parfois défaillante. « On forme une équipe ! », m'a dit un bénévole au sein de l'association JA. « Heureusement qu'il y a avait R... pour m'aider, sinon, je ne sais pas comment j'aurais pu me débrouiller » a dit un autre de la même association en évoquant une situation complexe à gérer. Fanny véritable « passeur », construit un pont entre les générations, entre les retraités qu'elles côtoient au MCR et les jeunes qu'elle accompagne à l'aumônerie. Ici, non seulement elle puise dans les « savoir-passer » (Lesourd, 2008)94(*) qu'elle a acquis au cours de sa vie, lorsqu'elle a dû s'adapter aux « accidents existentiels », mais elle tente surtout de les transmettre aux autres en utilisant du bricolage créatif à sa façon : « C'est comme des graines que tu vas lancer. L'action n'est pas de suite. Ces graines vont mourir. Et plus tard, ces graines, elles reviennent, elles sont là. », dit-t-elle pour expliquer sa façon de gérer les conflits rencontrés dans la vie. * 93 Dorange, M., Grandir et vieillir : et si c'était cela transmettre ?... Passeurs de vie, d'histoire, d'identité, Intervention - Nanterre, 2003. Site : http://www.prix-chronos.org/theme/articles/pdf/art_13.pdf * 94 Lesourd, F. (2008) « L'explicitation biographique des moments transformateurs », in Bézille, H. & Courtois, B. (2006) [dir.] Penser la relation expérience-formation, Lyon : Edition De la Chronique Sociale, p. 142-155. |
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