INTRODUCTION GENERAL 5
Problématique 5
Justification et intérêt du sujet 8
Objectif général 10
Objectifs spécifiques 10
CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L'ETUDE 11
1.1. Environnement socioéconomique 11
1. 2. Situation sanitaire 12
1-2-1. Espérance de vie à la naissance 12
1-2-2. Niveau de mortalité maternelle 13
1-2-3. Couverture des prestations sanitaires de base 13
1-2-4. Un taux élevé de grossesses précoces
13
1-2-5. Offre de services de santé 14
1. 3. Données sur la fécondité et la
nuptialité 14
1-3-1. Niveau de fécondité et
fécondité différentielle 14
1-3-2. Intervalle intergénésique 14
1-3-3. Age à la première naissance. 15
1-3-4. Age à la première union. 15
1-3-5. Age aux premiers rapports sexuels 16
1-3-6. Le problème de l'infécondité
pathologique 16
1. 4. Culture, traditions et comportements 17
1. 5. Cadre institutionnel et juridique de l'avortement
18
1-5-1- Dispositions politiques de l'avortement.
18
1-5-2- Dispositions juridiques. 19
CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE 21
2.1. Les Approches explicatives du recours à
l'avortement 21
2-1-2. Approche sociodémographique 21
2-1-2. Approche socioculturel 23
2-1-3. Approche socio-économique 25
2-1-4. Approche institutionnelle 26
2-1-5. Approche sanitaire 28
2-1-6. Approche sociologique 28
2. 2. Les déterminants de l'avortement
provoqué 29
2-2-1. Les variables socioculturelles 29
2-2-2. Les variables sociodémographiques 30
2-2-3. Les variables socio-économiques 31
2-2-4. Les caractéristiques institutionnelles 32
2. 3. Hypotheses et cadre conceptuel 33
2-3-1. Les Hypothèses 33
2-3-2. Le cadre conceptuel 34
2. 4. Définitions et approches des concepts
fondamentaux : 35
2-4-1. L'avortement provoqué 35
2-4-2. Les facteurs socioculturels 35
2-4-3. Les facteurs sociodémographiques 36
2-4-4. Facteurs socio-économiques de la femme 36
2-4-5. La pratique contraceptive 36
2. 5. Variables opérationnelles 36
2-5-1. Schéma d'analyse 37
2-5-2. Variable dépendante 37
2-5-3. Variables indépendantes 37
2-5-4. La variable intermédiaire : 39
CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE ET EVALUATION DES
DONNEES 40
3. 1. Présentation des données
40
3-1-1. Source des données. 40
3-1-2. Les objectifs de l'EDS 2000 40
3-1-3. Echantillonnage. 41
3-1-4. Questionnaires de l'enquête. 42
3. 2. Evaluation des données 43
3-2-1. Détermination du taux de non réponses. 43
3-2-2. Evaluation de la qualité des données sur
l'âge. 46
3. 3. Méthodes statistiques d'analyse
49
3-3-1. Justification du choix du modèle 49
3-3-2. Présentation du Modèle de régression
logistique 49
3. 4. Construction de l'indicateur de Niveau de vie
50 CHAPITRE 4 : RECHERCHE DES DETERMINANTS DE L'AVORTEMENT
51
4. 1. Aspects différentiels de l'avortement
provoqué selon les facteurs socioéconomiques,
démographiques, socioculturels et les variables intermédiaires.
51
4-1-1. Variation selon les facteurs socioculturels. 51
4-1-2. Variation selon les facteurs socioéconomiques.
55
4-1-3. Variation selon les facteurs sociodémographiques.
58
4-1-4. Variation selon la variable intermédiaire. 60
4. 2. Facteurs de l'avortement provoqué au Gabon
61
4-2-1. Effets Bruts 61
4-2-2. Effets Nets 63
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION 70
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES
1 - liste des tableaux
Tableau 1 : Présentation des variables de l'étude
et détermination des taux de non-réponses
Tableau 2 : Effets Brut et Net des variables d'étude sur
l'avortement
2- Liste des graphiques
Graphique 1 : Evaluation graphique de la qualité
des données sur l'âge de la femme au moment de l'enquête
(proportion des femmes enquêtées par âge) Graphique 2
: Evaluation graphique de la qualité des données sur l'âge
de la femme au premier avortement
Graphique 3 : Association entre l'avortement et
l'ethnie
Graphique 4 : Association entre l'avortement et la
religion
Graphique 5 : Association entre l'avortement et le milieu
de résidence
Graphique 6 : Association entre l'avortement et le niveau
d'instruction
Graphique 7 : Association entre l'avortement et
l'occupation de la femme Graphique 8 : Association entre l'avortement et
le niveau de vie du ménage Graphique 9 : Association entre
l'avortement et le statut matrimonial
Graphique 10 : Association entre l'avortement et
l'âge de la femme au moment de l'enquête
Graphique 11 : Association entre l'avortement et
l'utilisation des méthodes contraceptive.
Annexes
Tableau 3 : Variation différentielle de
l'avortement selon les variables
d'étude.
Problématique
L'avortement est une méthode ancienne de
régulation de la fécondité, utilisée bien avant
l'apparition des méthodes de contraception (MC LAREN A., 1990,
GUILLAUME 2004). Il est pratiqué, dans tous les pays quels que
soient le niveau de développement, la vigueur des programmes de
planification familiale mises en place le cadre juridique appliqué. Tout
laisse donc croire que cette pratique ne trouvera jamais de remède comme
souligne la déclaration de TBILISSI (1990) (GBETOGLO, 2003)
qui stipule que «s'il est possible de faire reculer sensiblement
le nombre d'avortements grâce à des programmes de planification
familiale mis à la disposition de tous, l'interruption de grossesses
continuera d'être pratiquée pour diverses raisons dont notamment
l'acceptation limitée de la planification et les échecs de la
contraception.».
Les organisations internationales à travers des
conférences, forums et colloques, ont reconnu et admis que l'avortement
était un sérieux problème de santé publique.
Déjà, en 1967, l'assemblée mondiale de la Santé
déclara dans une de ses résolutions que l'avortement posait un
sérieux problème de santé (W.H.A. 20.41). La
Conférence sur la maternité sans risque organisée à
Nairobi en 1987 devait conscientiser l'opinion internationale sur le
problème de l'avortement en attirant l'attention sur la
nécessité de réduire la mortalité et la
morbidité maternelles.1
A la conférence internationale sur la population et le
développement organisée au Caire en 1994, les gouvernements ont
reconnu que l'avortement était un problème de santé
publique important et qu'il ne devait en aucun cas être promu comme
méthode de planification familiale (Guillaume,
2004).
La pratique de l'avortement provoqué est en nette
croissance de nos jours dans le Monde. En effet, dans une étude
menée en Amérique latine sur l'avortement clandestin, The
Allan
1 Axes de recherche-chapitre1.
Guttmacher Institute estime a 44 millions le nombre
d'avortements provoqués par an dans le monde. Cela correspond entre 20
et 32 avortements pour 100 grossesses connues (The Allan Guttmacher
Institute, 1999). La pratique de l'avortement est illégale dans
la plupart des pays en développement, ce qui explique le recours
fréquent a l'avortement clandestin ou a risque, c'est a dire, faits dans
des conditions d'hygiène et de sécurité insuffisante.
Près de 15 millions d'avortements de ce type sont pratiqués
chaque année dans ces pays, soit 97% du nombre total dans le monde
(Guillaume A, 2004).
L'Organisation mondiale de la santé estime que 4,2
millions d'avortements a risque (WHO, 2004 ; Guillaume A, 2004)
se sont produits en Afrique en 2000, la majeure partie étant
enregistrée en Afrique de l'Est (1 700 000) et en Afrique de l'Ouest (1
200 000 avortements). Ces différences régionales s'expliquent
d'après l'OMS (2004) par la variété des cadres juridiques.
Par exemple, la Tunisie et l'Afrique du Sud autorisent l'avortement a la
demande, ce qui explique le niveau élevé de la prévalence
contraceptive. En outre, les femmes recourent beaucoup plus a l'avortement pour
mettre fin aux grossesses non planifiées. The Guttmacher
Institute (1999) estime que dans les pays en développement
parmi les 182 millions de grossesses qui surviennent chaque année, 36%
ne sont pas désirées et environ 20% se terminent par un
avortement. En Afrique, c'est autour de 30% des 40 millions de grossesses qui
ne sont pas désirées et 12% qui sont interrompues par un
avortement. (Guillaume, 2004). Les conséquences
liées aux avortements clandestins ou a risque sont nombreuses, et
souvent «mal appréhendées » par celles qui y ont
recours. La conférence sur «les avortements a risque et la
planification post-abortum en Afrique » tenue a l'Île Maurice en
1994 a fait le constat que chaque année 10000 femmes en Afrique font un
avortement a risque et chaque jour de nombreuses femmes en meurent ou souffrent
de douleurs chroniques, de maladies et de stérilité
(IPPF, 1994. Guillaume 2004). En effet, de nombreuses femmes a
travers le monde risquent leur vie et leur santé pour mettre un terme a
une grossesse non désirée. Chaque jour dans le monde on
enregistre 55000 avortements a risque dont 95% d'entre eux surviennent dans les
pays en voie de développement, entraînant la mort de plus de 200
femmes (O.M.S., 1994). D'après l'OMS (1998),
20 millions d'avortements a risque se produisent chaque année
(soit un avortement pour 10 grossesses), dont 95% dans les pays en
développement, 80000 femmes environ décèdent chaque
année des suites de complications liées a ces avortements. En
Afrique, on estime a 5 millions le nombre d'avortements a risque avec une
mortalité due a ces avortements variant de 24 pour 100000 naissances
vivantes en Afrique du Nord a 121 pour l'Afrique de l'Ouest et 153 pour
l'Afrique de l'Est. (Guillaume A., 2004). L'avortement
cause une part importante de ces décès maternels
(7 à 19%) et ce poids est sous-estimé car cet acte est
illégal, et certains décès peuvent être
classés sous d'autres rubriques : infections, hémorragies etc.
(Guillaume A., 2004).
Outre les décès qu'occasionnent ces avortements
à risque, on peut également relever les problèmes de
santé chronique allant jusqu'aux incapacités permanentes ou
à la stérilité. Les femmes qui avortent
clandestinement souffrent des complications obstétricales tels que les
hémorragies, les infections, les troubles d'hypertension,
l'irrégularité de la menstruation, les perforations
utérines, la stérilité, le tétanos, les troubles
psychologiques, etc.
Au Gabon, peu d'études ont été
réalisées sur la pratique de l'avortement en raison de son
caractère illégal2, de sa perception sociale et de son
interdiction par plusieurs religions. Pourtant, on reconnaît que
l'avortement n'est pas un phénomène marginal au Gabon, ce qui
n'est peut-être pas surprenant lorsqu'on sait que près d'une femme
sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception
(Barrère, 2000). L'enquête réalisée
sur les conditions de la maternité sans risque et les avortements dans
la province de l'estuaire en 1995 a permis d'estimer à 19% la proportion
des femmes de cette province qui ont eu recours à au moins un avortement
provoqué (Barrère, 2000). L'enquête démographique et
de santé réalisée en 2000 a évalué à
15% la proportion des femmes de 15 à 49 ans qui ont avorté au
moins une fois au cours de leur vie et à 8% celle qui ont avorté
au moins une fois depuis 1995 (Barrère, 2000).
Selon une étude réalisée par le
Ministère gabonais de la Santé Publique en 2001 sur la
santé maternelle et infantile, un quart des décès
maternels (28.8%) enregistrés à cette période était
dû à un avortement clandestin notamment chez les adolescentes.
Aussi, sur 407 complications survenues au cours de la grossesse, 110
étaient liées au même motif. Pour E.
Makagha, Directrice de la santé maternelle et infantile,
l'avortement provoqué serait la première cause de
mortalité maternelle dans le pays (S.A.M, 2004).
L'enquête réalisée en 2000 par
l'Association gabonaise des sages-femmes a révélé que sur
14325 grossesses, 27% étaient précoces. Par ailleurs, cette
proportion et celle des avortements provoqués chez les adolescentes
(28.8% des décès maternelles) sont révélatrices de
la gravité du fléau. La précocité des rapports
sexuels peut expliquer cet état de faits, étant donné
qu'elle expose la jeune fille aux grossesses non désirées. Ainsi,
au Gabon d'après la même enquête,
2 loi 64/69 du 04 octobre1969 remplacé par la loi
01/2000 ; Code Pénal : chapitre 4, article244 ; Code Civil :
article 245.
28,8% des filles de 15 à 19 ans ont eu leur premier
rapport sexuel à 15 ans contre 48.1% chez les garçons du
même âge, le manque d'informations semble être la principale
cause de cette situation précise le rapport d'enquête
(S.A.M, 2004).
Les informations issues de ces quelques enquêtes et
études montrent clairement l'existence d'un recours de plus en plus
fréquent à l'avortement provoqué au Gabon. Il importe donc
d'en rechercher les facteurs explicatifs. La présente étude
s'inscrit dans cette perspective, la question principale à laquelle elle
voudrait répondre est la suivante : quels facteurs peuvent
expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon
?
Justification et intérêt de
l'étude
La recherche des déterminants de l'avortement
provoqué au Gabon se justifie à la fois au niveau international
et au niveau national ; elle présente un intérêt politique,
socioéconomique et sanitaire.
Au niveau international, plusieurs conférences,
colloques et sommets ont été organisés sous l'égide
des Nations Unis ou de ses organes spécialisés (O.M.S.) à
l'intention des gouvernements et ONG en vue de promouvoir la prise de
conscience du problème de l'avortement à l'échelon
international, en attirant l'attention sur la nécessité de
réduire la mortalité et la morbidité maternelles.
Sur le plan politique, la présente étude
s'inscrit dans le cadre de l'un des huit principaux Objectifs du
Millénaire pour le Développement. Il s'agit de «
Réduire le nombre des grossesses non désirées, des
avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et donc, les
décès maternels, la planification familiale sauve la vie des
femmes. De plus, en affranchissant ainsi les femmes, on leur donne la
possibilité de s'attaquer à tout ce qui met en danger leur
santé et leur vie ».
Ainsi, les efforts des organisations internationales et des
gouvernements doivent converger vers la limitation, voire l'éradication
de l'avortement provoqué. Lors de la conférence du Caire en 1994,
les pays se sont engagés à améliorer l'accès des
femmes aux programmes de santé de la reproduction. Le programme d'action
du Caire souligne que l'avortement ne doit pas être promu comme une
méthode de contraception. L'avortement y a été reconnu
comme une cause importante de décès maternels et dans le cadre de
la réduction de cette mortalité, « les gouvernements,
organisations intergouvernementales et non gouvernementales sont vivement
invités à renforcer leurs engagements en faveur de la
santé des femmes, à traiter les
conséquences des avortements pratiqués dans de
mauvaises conditions de sécurité en tant que problème
majeur de santé publique » (Nations unies, 1994 ;
Guillaume A., 2004).
Les gouvernements qui ont adopté ce programme d'action
du Caire devaient en principe assouplir leurs législations sur
l'avortement pour limiter le recours aux pratiques illégales et
clandestines, préjudiciables à la santé des femmes.
Malheureusement, dans plus de la moitié des pays africains (29pays sur
53), aucun changement législatif n'est intervenu. Seulement 20 sur les
53 pays ont connu une amélioration de leur législation, qui ne
représente parfois que de timides progrès. Dans 4 des 53 pays, la
législation s'est plutôt dégradée (Guillaume
A., 2004).
Sur le plan socio-économique, la pratique de
l'avortement a un coût pour les femmes et pour la société
(Gebreselassie H. et fetters T., 2002. Guillaume 2004). Les
raisons évoquées par celles-ci pour avorter font clairement les
risques encourus en poursuivant une grossesse non acceptée par la
famille ou la société.
Les avortements provoqués engendrent également
des coûts importants pour les systèmes de santé affectant
ainsi leurs ressources financières et humaines déjà
insuffisantes. Le coût de l'avortement pour les systèmes de
santé se mesure essentiellement au niveau de la prise en charge de leurs
complications puisque, dans la majorité des pays africains, cet acte est
illégal. Ce taux peut se décliner en terme de taux d'occupation
de lits, de temps consacré par le personnel de santé, mais aussi
de ressources allouées aux traitements de ces avortements. Le coût
de l'avortement supporté par les femmes et les familles dépend
largement de la méthode utilisée, de l'assistance dont la femme
va bénéficier et du lieu où il sera
pratiqué. (Guillaume A., 2004).
A ces coûts économiques de l'avortement
supportés par les femmes et les familles s'ajoutent les coûts
sociaux. L'avortement peut entraîner des troubles psychologiques, la
stérilité et des problèmes familiaux (Leke R.J,
1998). Les conséquences sanitaires des avortements peuvent
parfois apparaître sur le long terme, mais elles se manifestent souvent
sur le court terme. Ainsi les femmes peuvent souffrir de douleurs chroniques
qui sont invalidantes et peuvent perturber leur vie, notamment leur
activité économique en entraînant une baisse de la
productivité. Parmi les séquelles invalidantes on peut citer
l'incontinence et la stérilité, deux problèmes qui peuvent
contribuer à l'exclusion sociale des victimes. (Guillaume A.,
2004). Cette stérilité peut poser des problèmes
conjugaux et familiaux, en particulier aux très jeunes femmes qui n'ont
jamais eu d'enfant.
Au Gabon, peu d'études ont porté sur
l'avortement, compte tenu du manque de données liées à son
caractère illégal. Parmi les études disponibles, aucune ne
s'est encore intéressée aux facteurs susceptibles d'expliquer le
recours à cette pratique. Conscient des problèmes posés
par l'avortement clandestin, le gouvernement, avec l'aide des partenaires
sociaux lutte tant bien que mal contre la propension du fléau à
travers l'application de certaines mesures législatives et
institutionnelles. L'adoption de la politique nationale de santé de la
reproduction qui court de 2003 à 2015 a amené le Gabon par
l'entremise du Ministère de la santé publique à respecter
les recommandations de la Conférence internationale sur la population et
le développement de 1994 (CIPD94), et à appliquer le concept de
santé de la reproduction (S.A.M, 2004). La
présente étude cadre avec les objectifs de cette politique
relatifs à la réduction de la mortalité maternelle, la
prévention des grossesses non désirées et à la
diminution des avortements provoqués, d'ici 2015.
Objectif général :
Cette étude se fixe comme objectif
général de mettre à la disposition des acteurs publics ou
privés qui interviennent dans la lutte contre l'avortement
provoqué des indicateurs fiables et objectifs permettant
d'améliorer des stratégies actuelles.
Objectifs spécifiques :
Pour y parvenir, l'étude se fixe objectif
spécifique suivant :
Mettre en exergue les facteurs susceptibles d'expliquer le
recours à l'avortement provoqué au Gabon et leurs
mécanismes d'action.
Chapitre 1 Contexte général de
l'étude
Le présent chapitre décrit le contexte de
l'étude sur le plan national. Nous présentons d'abord
l'environnement socio-économique et sanitaire du pays, ensuite, les
principaux traits de la fécondité. Enfin, nous examinerons le
cadre institutionnel et juridique de l'avortement.
1.1. Environnement socio-économique
La crise économique internationale combinée avec
les Programmes d'ajustement Structurel (PAS) et la dévaluation du FCFA
que les pays africains au Sud du Sahara en général, le Gabon en
particulier subissent de plein fouet depuis un peu plus deux décennies,
a eu des conséquences sociales certaines, notamment celles liées
à la détérioration des conditions de vie de la population.
Au Gabon, les niveaux de pauvreté et de fécondité sont
devenus alarmants quoique le produit intérieur brut par tête
(estimé en 2000 à 5880 dollars américains) soit
élevé et que la position gouvernementale soit populationniste.
Les tendances observées montrent que la proportion des personnes vivant
en dessous du salaire minimum est passée de 87% en 1960 à 83% en
1994. La dégradation de la situation est telle que près de 20% de
la population des plus grandes villes, Libreville et Port-gentil, vivent en
dessous du seuil de pauvreté absolue (estimé à environ
29000 FCFA par mois et par personne), tandis que 25% vivent en dessous du seuil
de pauvreté relative (fixé au quart du revenu moyen, soit
à peu près 65000fcfa). Malgré l'absence de données
sur les revenus des ménages en milieu rural, il apparaît que ces
populations vivent dans un grand dénuement puisqu'elles sont
isolées et n'ont qu'un accès limité à l'eau potable
et aux services d'éducation et de santé (Banque mondiale,
citée par UNICEF, 1999). Cette pauvreté croissante a
entraîné une modification des comportements des populations en
matière de procréation. Le manque de ressources
financières a amené plusieurs femmes à limiter les
naissances ou à ne pas en avoir, tant que ces moyens ne sont pas
réunis ; l'une des méthodes les plus fréquemment
utilisées par les femmes est l'interruption volontaire de grossesses
(IVG).
En ce qui concerne l'emploi, la population gabonaise en
âge d'activité est estimée à environ 600 000
personnes avec un taux de croissance de l'ordre de 2,3% par an. Elle
représente près de 53% de la population totale de plus de 10
ans. La population active était de 375 944
personnes au RGPH 1993, soit 37% de la population totale du pays.
Le nombre des actifs occupés s'élevait à 308 322
personnes.
Le Gabon traverse, entre 1985 et 1990, un cycle
défavorable à l'emploi qui se traduit par une baisse continue des
effectifs. L'emploi salarié total a connu, entre 1986 et 1993, une
diminution de 25%. Le taux de chômage était estimé à
18% en 1993. En 1996, il était de 21,6% à Libreville et de 30,7%
à Port-Gentil. Cette situation est inquiétante puisque selon
l'Office National de l'emploi, la demande d'emploi croît chaque
année de 2,8% (12 600 personnes en 1998) alors que le marché de
l'emploi formel absorbe moins de 4 000 demandes.
Outre la faible croissance économique
enregistrée ces dernières années, le
déséquilibre entre l'offre et la demande d'emploi est imputable
à l'inadéquation des systèmes d'enseignement et de
formation, à l'absence d'une main d'oeuvre nationale qualifiée,
ainsi qu'à l'absence d'une tradition d'entrepreneurs. Le manque de
qualification constitue un problème majeur car 60% des demandeurs
d'emploi sont sans qualification.
1.2. Situation sanitaire
Avec un taux d'accessibilité au système de
santé de 76% en 1995, le Gabon a réalisé un progrès
important dans le domaine des soins sanitaires ces dernières
années, même si la qualité des services pose souvent
problème (MSPP, 1997 ; EDJO, 2003).
1-2-1. Espérance de vie à la naissance
L'espérance de vie à la naissance au Gabon
demeure faible, si on se réfère au niveau de richesses du pays.
En effet cet indicateur est passé de 51,2 années en 1993 (50,9
ans pour les hommes et 52 pour les femmes) à 54,5 ans en 1994 (52,1 pour
les hommes et 55,3 pour les femmes). Selon le rapport annuel O.M.S. 2000,
l'espérance de vie à la naissance est de 51,4 années pour
les hommes et 53,8 années pour les femmes, ces données restent
comparables à celles du Cameroun (50,0 années pour les hommes et
52,0 années pour les femmes) et moins performantes que celles du
Cap-Vert (66,0 années pour les hommes et 71,8 années pour les
femmes), deux pays ayant un revenu par tête d'habitant moins
élevé que celui du Gabon.
1-2-2. Niveau de mortalité maternelle.
La mortalité maternelle demeure élevée au
Gabon, même si la couverture des soins prénataux est
assurée à 78%, et 88% des femmes en âge de procréer
ont suivi au moins une consultation prénatale (données de 1995).
Le taux de mortalité maternelle, qui était de 600 pour cent mille
naissances vivantes en 1988, se situe à 519 décès pour
cent mille naissances vivants en 1993- 2000. (EDS 2000).
1-2-3. Couverture des prestations sanitaires de base
Le taux de couverture vaccinale est faible (17% en 2000),
d'où la persistance des épidémies de rougeole et des
maladies évitables par la vaccination.
L'analyse des données de routine de certains
départements sanitaires fait ressortir des taux de couverture
relativement bas en ce qui concerne aussi bien les consultations
prénatales (CPN1: 34%) que les accouchements par le personnel
qualifié (19%). Ces données, qui contrastent avec celles fournies
par l'EDSG, bien que partielles, illustrent la situation des populations de
certaines zones rurales où l'accès aux services de santé
de base est encore faible. Ces mêmes sources font ressortir que pour les
soins curatifs, le niveau d'utilisation des dispensaires et même des
centres médicaux est relativement faible respectivement.
1-2-4. Un taux élevé de grossesses
précoces
Longtemps interdite, la contraception moderne vient
d'être libéralisée par la loi 001/2000. Selon
l'Enquête Démographique et de Santé, environ 57% des femmes
âgées entre15 et 49 ans auraient utilisé au moins une fois
une méthode moderne de contraception (dont 49% le condom). Cependant,
suite aux longues interdictions de la contraception et au manque d'accès
à l'information et aux conseils sur l'espacement des naissances,
l'avortement pratiqué dans de mauvaises conditions est resté pour
bon nombre de femmes la seule méthode de planification familiale.
Des études effectuées dans certaines
régions illustrent ce phénomène des grossesses
précoces (environ un tiers des femmes dans le Ngounié avaient
entre 15 et 19 ans), souvent non désirées et trop
rapprochées (32% des femmes âgées de moins de 20 ans ont eu
au moins 2 grossesses dont une partie s'est soldée par un avortement)
;
1-2-5 Offre de services de santé
Malgré le bas niveau des principaux indicateurs de
santé maternelle et infantile, les indicateurs de la couverture des
soins maternels apparaissent plus satisfaisants que dans les pays de la
sous-région. Les résultats de l'Enquête
Démographique et de Santé du Gabon (EDSG) montrent que le taux
d'accouchements assistés par le personnel formé serait de 88%
alors que la moyenne pour la région est d'environ 50%. Selon la
même EDSG, 95% des femmes enceintes auraient été au moins
une fois en consultation prénatale pendant leur grossesse. Cependant, ce
taux global ne reflète pas la qualité des services de soins
prénataux et ne permet pas d'identifier la couverture prénatale
selon les normes standard de l'OMS (4 consultations prénatales).
1. 3. Données sur la fécondité et
la nuptialité
1. 3. 1. Niveau de fécondité et
fécondité différentielle
Le niveau de la fécondité au Gabon est fonction
de l'âge. Les femmes se caractérisent par une
fécondité précoce élevé (144 pour mille
à 15-19ans) qui atteint son maximum à 20-24 ans (193 pour mille),
avant de baisser de façon régulière avec l'âge. Le
taux global de fécondité générale (TGFG) et le taux
Brut de natalité (TBN) sont respectivement de153 pour mille et 33 pour
mille en 2000 (EDSG-2000). Les femmes au Gabon donnent naissance en moyenne
à 4.3 enfants par femme durant leur vie féconde (EDSG-2000), ce
qui est relativement faible par rapport aux autres pays africains et aux
ambitions affichées par l'Etat pour asseoir une réelle dynamique
de développement.
1. 3. 2. Intervalle inter génésique
L'intervalle inter génésique est relativement
élevé au Gabon. En effet, près de la moitié des
enfants (45%) sont nés trois (3) ans après leur aîné
et 34% entre 24 et 36 mois contre 13% entre 18 et 24mois et seulement 9% avant
18mois. Au total, dans 1cas sur 5 environ (22%), l'intervalle
intergénésique est inférieur à 2ans. La
durée médiane de l'intervalle intergénésique est
supérieure à deux ans et demi (33,9 mois). Autrement dit, au
Gabon, la moitié des naissances interviennent dans un intervalle
supérieur à 33mois après la naissance
précédente. L'avortement provoqué pourrait être un
facteur explicatif de l'élévation de l'intervalle
intergénésique au Gabon. En effet, les femmes y recours
fréquemment à la suite
d'une grossesse non désirée pour espacer leurs
naissances. L'avortement est souvent utilisé comme méthode de
régulation de la fécondité.
1. 3. 3. Age à la première naissance.
L'âge des femmes à la première naissance
influence généralement leur descendance finale, et peut avoir des
répercussions importantes sur la santé de la mère et celle
de l'enfant. Les données de l'EDS révèlent qu'au Gabon,
les femmes ont généralement leur premier enfant entre 18 et 19
ans, ce qui est relativement élevé comparativement à
d'autres pays au sud de Sahara. Parmi les femmes de 20-24 ans, 28%
étaient encore sans enfants au moment de l'enquête, mais 35%
avaient leur premier enfant avant d'atteindre 18 ans et 58% avant d'atteindre
leur vingtième anniversaire. L'âge médian à la
première maternité varie assez peu d'une génération
à l'autre. Cependant, pour les générations de moins de 35
ans, on observe un léger vieillissement de l'âge à la
naissance, passant de 18,5 à19,2 ans, autrement dit, une
élévation de l'âge des jeunes générations
à la naissance de leur premier enfant. Si nous excluons le simple effet
de calendrier, ceci pourrait expliquer, en partie, la baisse de la
fécondité constatée précédemment.
1. 3. 4. Age à la première
union.
La relation observée entre l'âge à la
première union et le début de la vie féconde est
importante quant à l'étude des déterminants de
l'avortement provoqué. En effet, l'entrée tardive en union due
à un recul de l'âge au mariage, peut contribuer à
l'allongement de la période d'activité sexuelle avant le mariage
exposant ainsi la femme aux risques de grossesse non désirées en
l'absence de prévention et à l'avortement provoqué.
Depuis quelques années, on assiste en Afrique
sub-saharienne, surtout dans les villes, à une « transition de la
nuptialité », marquée par un recul de l'âge au mariage
et le développement des unions informelles. Au Gabon, ces changements
ont également lieu : entre le recensement de 1960 et celui de 1993, on
assiste à un recul important des âges moyens à la
première union (de 17,7 ans à 24,3 ans pour les femmes et de 25,5
ans à 28 ans pour les hommes) et au premier mariage (de 18,2 ans
à 27,8 pour les femmes et de 26 ans à 31 ans pour les hommes).
(Myriam MOUVAGHA-SOW, 2000).
D'après les données de L'EDS 2000, parmi les
femmes âgées de 25-49ans, seulement 14% étaient
déjà en union à 15ans exact, ce qui est une proportion
relativement faible. A 22ans
exacts, 63%de femmes ; à 25ans exacts, cette proportion
est de 76%. L'âge médian d'entrée en première union
pour les femmes de 25-49 ans est estimé à 19,7 ans dans ce pays.
Cet âge médian est plus élevé en milieu urbain (25
ans) qu'en milieu rural (23 ans).
1. 3. 5. Age aux premiers rapports sexuels
En tant que déterminant de la fécondité,
l'âge aux premiers rapports sexuels est tout aussi important que
l'âge à la première union, car, il est un facteur de risque
de grossesse non désirées et donc d'avortement.
D'après les données de l'EDS, en atteignant 15
ans, plus d'une femme de 25-49 ans sur quatre (29%) a déjà eu des
rapports sexuels. Cette proportion est de 76% à 18 ans et, à 25
ans, la quasi-totalité des femmes de 25-49 ans (94%) ont
déjà eu leurs premiers rapports sexuels. L'âge
médian aux premiers rapports sexuels, estimé à 16,1 ans
chez les femmes de 25-49 ans est inférieur de 3,6 ans à
l'âge médian d'entrée en première union (19,7 ans) ;
ce qui signifie que les premiers rapports sexuels des femmes ont
fréquemment lieu en dehors de l'union.
1-3-6. Le problème de l'infécondité
pathologique
L'Afrique est le continent où l'accroissement
démographique est le plus élevé de la planète, du
fait de sa forte fécondité. On y observe également,
particulièrement en Afrique centrale, des proportions relativement
importantes de femmes sans enfants. Pourtant la majorité d'entre-elles
se marient tôt et souhaitent avoir une progéniture nombreuse
(Sala Diakanda, 1988).
En Afrique subsaharienne, la stérilité et la
sous fécondité constituent des phénomènes
pathologiques assez récents et évoluent à
l'intérieur de limites ethniques bien définies (Sala
Diakanda, 1988).
Au Gabon, la démographie a longtemps été
un sujet politiquement sensible à cause de la faible taille de sa
population (444 264 habitants en 1960-61 et 1 014 976 en 1993) et de son
accroissement naturel jugé aussi bas (0,5 % en 1960-61). Depuis les
années 60, le Gabon n'a disposé d'aucune information sur la
fécondité et ses variables intermédiaires. Le premier
recensement, comportant des questions sur la fécondité, a eu lieu
en 1993 (Bétoué et Bengobsame, 1997). Lors de
l'enquête démographique et de santé réalisée
en 2000, des données intéressantes sur la fécondité
ont été recueillies. Ces différentes sources de
données
ont révélé une baisse notable
l'infécondité qui demeure cependant encore assez
élevée dans le pays (32% de femmes sans enfants à 50 ans
en 1960 ; 20% en 1993 et 7% 2000).
Cette situation peut s'expliquer par « la forte
permissivité de la société gabonaise sur le plan sexuel
». Les relations sexuelles préconjugales et précoces
sont fréquentes ; on observe par ailleurs le phénomène des
unions consensuelles avec ou sans co-résidence («ami » ou
«deuxième bureau »). Ces pratiques favorisent, en
effet, la diffusion des maladies sexuellement transmissibles qui, non
soignées, provoquent des stérilité (primaire ou
secondaire) (Mouvagha-sow, 2000). Par ailleurs, l'interruption
volontaire de grossesse (I.V.G.) apparaît comme un des principaux
facteurs de la stérilité secondaire au Gabon. Plus que les MST,
les avortements clandestins contribuent au maintien voire à
l'accroissement des taux de stérilité au Gabon.
(Mouvagha-sow, 2000).
1.4. Culture, traditions et comportements
Comme beaucoup d'autres pays africains, le Gabon a une culture
riche et diversifiée. Celle-ci influence les comportements des individus
et des communautés en matière de sexualité, de
fécondité, de mariage et de santé à travers le
respect de normes établies.
Les normes et valeurs en matière de
fécondité et de sexualité sont un facteur explicatif des
avortements provoqués en Afrique de façon général,
au Gabon en particulier.
Chaque groupe social à sa manière de penser et
de vivre la procréation. Pour certains groupes, la fonction de
reproduction ne peut s'assurer que dans un contexte social précis.
Ainsi, le cadre général de la procréation en Afrique est
la famille, fondée par le mariage. Les naissances hors mariages sont
considérées comme des déviances et ces enfants
qualifiés d' « enfants bâtard » tant en famille, dans la
communauté qu'à l'école. En conséquence, ils ne
peuvent avoir les mêmes droits que les enfants légitimes. Cette
perception confère à ces derniers un certain statut qui limite
leurs prérogatives et leurs droits. Les enfants bâtards ne peuvent
par exemple pas hériter. Cette perception pousse les filles à
avorter lorsqu'elles sont enceintes. Le recours à un avortement peut
donc être motivé soit par cette pression sociale liée aux
normes et valeurs relatives à la
fécondité/sexualité soit par la peur de voir par l'avenir
des enfants issues de grossesses non désirés compromis par la
discrimination, la stigmatisation ou la marginalisation simplement parce que
ces enfants sont illégitimes.
Il est aussi à noter que les adolescentes qui
connaissent une entrée précoce dans l'activité sexuelle
sont souvent vulnérables aux grossesses et au risque de procréer
(NGWE et Al, 2004). La fécondité
précoce à laquelle elles s'exposent leur confère souvent
de nouveaux
statuts. Elles deviennent ainsi involontairement et parfois en
dehors des unions légales des jeunes mères. Ce statut social est
la plupart du temps mal apprécié dans les milieux où elles
sont appelées à vivre. En milieu scolaire, dans le voisinage ou
dans la communauté, les filles mères sont toujours l'objet de
stigmatisation entraînant leur discrimination. Il pèse sur elles
un ensemble de préjugés tendant à montrer qu'elles ont une
mauvaise conduite du fait de la précocité de leur activité
sexuelle. La fille mère dans ces conditions est parfois assimilée
à une prostituée et le fait d'avoir eu tôt cet enfant
devient « une honte pour ses parents, un déshonneur pour sa famille
». C'est face à toute cette pression que certaines filles
préfèrent avorter au lieu de conduire à terme leur
grossesse. Dans d'autres groupes sociaux, le fait que la jeune fille soit
enceinte pouvait déjà constituer un atout pour le mariage parce
qu'elle aurait déjà prouvé sa fertilité.
1.5. Cadre institutionnel et juridique de
l'avortement
Le gouvernement, avec l'aide des partenaires sociaux, a pris des
mesures faisant face aux problèmes que pose l'avortement provoqué
au Gabon.
Nous verrons d'abord les dispositions politiques ensuite
législatifs et juridiques.
1. 5.1. Dispositions politiques de
l'avortement.
Le Gabon s'est engagé à respecter les
recommandations de la conférence internationale sur la population et le
développement de 1994 (CIPD) et à appliquer le nouveau concept de
santé de la reproduction. Dans cette optique, une politique nationale de
santé de la reproduction a été élaborée pour
la période 2003-2015. Cette politique définit les axes
prioritaires d'intervention dans le domaine de la santé de la
reproduction en tenant compte de l'environnement social, culturel et juridique.
Elle précise les types de services qui devront être offerts aux
populations à travers des composantes essentielles définies lors
du symposium national sur la santé de la reproduction tenu à
Libreville du 28 juin au 02 juillet 1999 (S.A.M, 2004). Le but
de cette politique est de promouvoir la santé de la reproduction (SR)
par la mise en place d'un environnement politique, économique et social
favorable et le développement de services de SR appropriés et
accessibles à tous. Les objectifs poursuivis sont la réduction de
la mortalité maternelle, néonatal et infantile, la
prévention des grossesses non désirées et des avortements
provoqués.
1. 5. 2. Dispositions juridiques.
La promulgation de la loi 64/69 du 04 octobre 1969 qui
interdit l'usage des contraceptifs et l'avortement nécessitait de la
part de l'Etat, la mise en place d'un arsenal répressif. Son
remplacement par la loi 01/2000 relative au planning familial ne changera rien
à la donne. L'avortement est toujours considéré comme un
acte criminel et, par conséquent, puni par les textes en vigueur. Le
code pénal ne fait aucune distinction entre les avorteuses et les
personnes qui les font avorter. Dans son chapitre 4, portant sur
<<l'avortement », en son article 244, il stipule que <<
quiconque, par aliments, breuvages ,médicaments, manoeuvres,
violences ou par tout autre moyen ,aura provoqué ou tenté de
provoquer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte,
qu'elle y ait consenti ou non ,sera puni d'un emprisonnement de cinq à
dix ans et l'amende de 10 000 à 1 000 000 de franc CFA s'il est
établi que le coupable s'est livré habituellement aux actes
précédemment cités.
Seront punis des même peines les médecins,
officiers de santé, sages-femmes, chirurgiens, dentistes, pharmaciens,
ainsi que les étudiants en médecine, les étudiants ou
employés en pharmacie, herboristes, bandagistes, marchands d'instrument
de chirurgie, infirmiers, masseurs, masseuses qui auront indiqué,
favorisé ou pratiqué les moyens de procurer l'avortement. La
suspension, pendant cinq ans au moins, ou l'incapacité absolue de
l'exercice de leur profession pourront, en outre, être prononcées
contre les coupables ».
Le code civil poursuit, dans son article 245, que,
<<sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une
amende de 24 000 à 500 000 francs CFA ou de l'une de ces deux peines
seulement, la femme qui se sera procuré l'avortement à
elle-même ou qui aura consenti à faire usage des moyens à
elle indiqués ou administrés à cet effet. »
D'après Hélène Ona Ondo (S.A.M,
2004), la seule <<interruption volontaire de grossesse
(I.V.G.) qui est autorisée est l'avortement thérapeutique. Si
pour certaines raisons, la vie de la mère est en danger, le
médecin peut décider de mettre un terme à sa grossesse.
Une malformation du foetus peut également conduire à pratiquer
l'avortement thérapeutique. Ce geste ne se fait, cependant que sous le
contrôle d'un collège de médecins qui l'avalise comme
traitement. ».
Ce premier chapitre montre les conditions dans lesquels
évolue le phénomène avortement au gabon. Celles-ci ne
sont guère favorables à une diminution du taux d'avortement dans
ce pays. En effet, sur le plan économique, avec la montée du
chômage, la pauvreté et les
inégalités sociales, certaines femmes ne pouvant
subvenir à la charge d'un enfant préfèrent souvent avorter
et parfois dangereusement.
Notons par ailleurs que malgré une situation sanitaire
en nette amélioration, le taux de mortalité maternel reste assez
élevé au Gabon dont la première cause est l'avortement.
L'âge à la première union a augmenté pour les deux
sexes. Alors que l'âge aux premiers rapports sexuels a diminué
chez la jeune fille et augmenté chez l'homme.
Sur les plans institutionnels et juridiques, des mesures sont
prises pour lutter contre l'avortement, mais celles-ci ne sont pas totalement
respectées ou appliquées puisque cette pratique est croissante
dans le pays. Pour mieux cerner les déterminants du recours à
l'avortement provoqué, il est important de faire une revue de la
littérature sur la question, objet de notre prochain chapitre.
Chapitre 2
Cadre théorique de l'étude
|
Dans la plupart des pays en voie de développement, on
dispose de très peu d'informations sur les avortements provoqués
ou non, légaux ou clandestins. Ce manque d'informations explique
d'ailleurs l'insuffisance des études sur l'avortement au Gabon. Ce
deuxième chapitre poursuit un double objectif ; passer en revue la
littérature sur les différentes approches explicatives de
l'avortement provoqué en Afrique d'une part ; examiner
l'évolution de la législation sur l'avortement et les
débats idéologiques y afférents d'autre part.
2.1. Les approches explicatives du recours à
l'avortement
La recherche sur la pratique de l'avortement en Afrique a
été pendant longtemps axée sur l'exploitation des
statistiques hospitalières concernant les femmes victimes des
complications abortives. Bien que non représentatives, ces
données ont permis d'avoir des informations importantes sur cette
pratique dans bon nombre de pays. D'après certaines enquêtes et
études, le recours à l'avortement provoqué en Afrique
s'expliquerait par des facteurs d'ordre démographique, socioculturel,
socio-économique et institutionnel.
2.1. 1. Approche Sociodémographique
A. Une pratique de tous âges
Le retard dans l'entrée en vie sexuelle des femmes en
Afrique est dans la plupart des cas dû à un recul de l'âge
au mariage. Pour les hommes la situation est différente puisque les
rapports sexuels sont de plus en plus précoces. Ces conditions
d'entrée dans la sexualité contribuent à l'allongement de
la période d'activité sexuelle avant le mariage avec pour
conséquence une exposition de plus en plus marquée aux risques de
grossesses non désirées (Delaunay et Guillaume,
2004).
Dans leur ouvrage sur l'avortement dans les pays en
développement, Mundigo A.I. et Shah I.H (1999) cités par
Guillaume. A. (2004) montrent que l'avortement concerne les femmes
à différents âges et moments de leur vie. Elles y recourent
aussi bien en fin de vie féconde pour limiter leur descendance qu'au
tout début pour retarder leur entrée en parenté.
Au Gabon, la prévalence de l'avortement qui varie entre
15 et 23% chez les femmes de plus de 20 ans est faible chez les femmes les plus
jeunes (4%). Lorsqu'on analyse rétrospectivement l'âge des femmes
à leur premier avortement, il apparaît que 44% d'entre eux se sont
produits avant l'âge de 20 ans (Barrère, 2001). A
Yaoundé et Douala, une enquête menée auprès de 1638
femmes a révélé que c'est à 25-30 ans que les
femmes avortent le plus (30,3%), suivi de celles âgées de 45-49ans
(29,7%). Peu de femmes ont été rencontrées avant 25 ans
ayant déjà subi un avortement (12%) dans ces deux
localités (Ngwé et al. 2005). En Tunisie,
l'âge moyen à l'avortement est d'environ 30 ans, mais il semble
que cette pratique soit fréquente chez les jeunes femmes
célibataires, «les relations sexuelles prénuptiales
étant socialement prohibées et condamnées
».(Gastineau B., 2002 ;Guillaume A., 2004). A Bamako et
à Abidjan, des enquêtes auprès des femmes en consultation
dans les centres de santé montrent que l'avortement concerne surtout les
femmes de moins de 25 ans et célibataires. (Konaté M.K et
1993 ; Guillaume A. et Desgrées du LOÛ A., 1999).
L'avortement est fréquemment pratiqué par des jeunes
femmes en début de vie féconde qui,
par cette pratique, interrompent leur (s) première (s)
grossesse (s) par un avortement (Okpaniet Okpani, 2000 ; Guillaume
2003). Deux enquêtes menées au Cameroun soulignent la
forte
prévalence de l'avortement chez les jeunes adolescentes
sans enfants et instruites ou en cours de scolarisation (Leke, 1998).
Les études auprès des femmes qui ont eu des
complications d'avortement aboutissent à des conclusions quelque peu
différentes. Au Mozambique et en Zambie, les femmes hospitalisées
pour des avortements clandestins sont des femmes jeunes, célibataires,
peu instruites ou encore scolarisées, sans enfants et de milieux sociaux
défavorisées (Hardy et al. 1997; Guillaume
2004).
A Accra au Ghana, selon une étude
réalisée en milieu hospitalier, un quart des femmes de moins de
20 ans venus accoucher pour la deuxième grossesse avait interrompu
clandestinement leur première grossesse.
A. L'Avortement, comme moyen d'espacement ou de limitation
des naissances ?
Par ailleurs, une catégorie de femmes avorte pour espacer
les naissances lorsque l'intervalle inter génésique est court ou
quand la parité a été atteinte.
Au Gabon, une femme sur huit a décidé d'avorter
parce que ses naissances étaient trop rapprochées. En outre, 19%
de l'ensemble des femmes ont des besoins non satisfaits en matière de
contraception, dont la plupart (14%) pour espacer les naissances
(Barrère, 2001).
L'importance du recours à l'avortement dans de nombreux
pays africains et la nature des motivations amènent à
s'interroger sur son rôle de cette pratique dans le contrôle des
naissances.
Selon les enquêtes démographiques de Côte
d'Ivoire en 1994 et 1999, l'indice synthétique de
fécondité est passé de 5,7 enfants par femmes lors de la
1ere enquête (1994) à 5,2 enfants par femme lors de la seconde
(1999). Au cours de cette même période, la pratique contraceptive
a légèrement augmenté mais reste faible: seulement 6% de
femmes en 1994 et 10% en 1999 utilisaient une méthode moderne de
contraception (Guillaume, 2000). D'après
l'enquête d'Abidjan auprès des consultantes, la diminution de la
descendance des femmes imputable à l'avortement est estimée
à 10% et cette proportion atteint 15% chez les jeunes femmes. Les femmes
qui ont utilisé la contraception par le passé ont une
probabilité trois fois plus élevée d'avoir
déjà avorté que celles qui n'ont jamais eu recours
à la contraception. Elles utilisent donc conjointement les deux
méthodes pour réguler leur fécondité
(Guillaume, 2000).
Cependant, la plupart des enquêtes et études ont
montré que l'expérience d'un avortement amène les femmes
à chercher à maîtriser leur fécondité en
pratiquant la contraception.
2. 1. 2. Approche socioculturel
A. La crainte d'un rejet social ou
familial
Les rapports sexuels sont partout un des aspects du
comportement social le plus entouré d'interdits culturels, du moins en
Afrique. Du point de vue de la morale religieuse, les rapports sexuels ne
devraient par exemple intervenir que dans le cadre d'une union socialement
reconnue et devraient exclusivement être réservés pour la
procréation.
Dans les faits, la morale sociale est de plus en plus remise
en question, comme l'atteste des pourcentages non négligeables de
naissances hors mariage dans certains pays, notamment chez les adolescentes.
La grossesse de la jeune fille reste cependant perçue,
à tort ou à raison, comme une fatalité dans les
sociétés africaines parce que non désirée. Elle
conduit, très souvent, à des avortements pratiqués dans la
clandestinité. La crainte de la réaction des parents ou de la
famille face à une grossesse considérée comme inacceptable
(jeunes femmes, célibataires ou censées ne pas avoir de relations
sexuelles) et les problèmes de couples (mésententes, grossesses
pré maritales, refus de paternité, partenaires occasionnelles,
grossesses adultérines) expliquent certaines interruptions de grossesses
(Kasolo, 2000, Guillaume 2004). Ces motifs sont d'une
importance variable selon l'âge des femmes et leur situation
matrimoniale.
La décision d'avorter est pour les jeunes femmes largement
dépendante de la réaction du partenaire et de sa capacité
à accepter la paternité (Webb, 2000).
Les études menées en Côte-d'Ivoire,
mettent l'accent sur le poids des raisons familiales dans les décisions
de pratiquer l'avortement : unions instables, refus de reconnaître
l'enfant par le père, demande du partenaire, problèmes de
couples, crainte d'un scandale ou de réaction des parents
(Guillaume et al. 1999).
A Douala et Yaoundé, « la peur d'être
rejetée par les parents ou la famille » a été
cité comme premier motif d'avortement chez les jeunes filles (52,8%).
(Ngwé et al. 2005).
A Bamako au Mali, dans trois centres de santé, les
raisons principales du recours à l'avortement mentionnées par les
femmes sont le célibat (38 à 64% des réponses), la
pression familiale (31 à 45%) et la rupture avec leur partenaire
(1,7 à 14,6%) (Konaté et al.
1999).
La crainte des parents a aussi été
mentionnée comme motif d'avortement, particulièrement par les
jeunes femmes : 16,4% des femmes de moins de 20 ans ont avorté pour
cette raison au Gabon (Barrère, 2001), 22% au
Bénin 7,1% au Togo 17% en 1996 au Nigeria et 26% en Ouganda
(Alihou, et al. 1996; Renne, 1997; Bazira, 1992). Au
Sénégal, 21% des femmes ont mentionnée la crainte des
parents et 20% la peur des critiques de l'entourage (Diadhiou et al.
1995).
A. Des raisons scolaires expliquent l'avortement
La pratique de l'avortement est aussi fréquente chez
les jeunes femmes scolarisées, et même en progression chez celles
scolarisées dans le secondaire qui veulent terminer leur
scolarité (Renne, 1997 ; Guillaume 2004). Ainsi, en
Afrique subsaharienne, Zabin et Kiragu (1998)
déclarent que, dans beaucoup de pays, la majorité des
femmes qui avortent sont des adolescentes. Car celles ci veulent continuer
leurs études ou leur travail et attendent pour avoir un enfant, de
pouvoir l'assurer économiquement.
Poursuivre ses études est l'un des principaux motifs
d'avortement cité par les femmes; en Côte d'ivoire, cette raison
est mentionnée par près de 55% des femmes de différentes
régions du pays dont 19% d'entre elles à Abidjan. La
majorité est scolarisée dans le deuxième cycle du
secondaire ou au supérieur et 36% du premier cycle
(Barrère, 2004). A Bamako au Mali, "les contraintes
scolaires" font partie des trois principales raisons justifiant l'avortement
(Konaté et al. 1999). Au Togo, La scolarisation est
mentionnée par près d'un tiers de femmes de moins de 20 ans comme
motif d'avortement. (URD, 2001 ; Djoke, 2004). Cette raison
est aussi évoquée par plus de 22% des femmes de 15 à 24
ans au Mozambique (Agadjanian V., 1998). Par 26% à 38%
des femmes dans deux régions du Nigeria (Mahler K.,
1999).
2. 1. 3. Approche Socio-économique
A. Les raisons économiques expliquent
l'avortement
Des difficultés économiques peuvent conduire
certaines de femmes à pratiquer l'avortement provoqué. Ces femmes
soulignent des difficultés matérielles à assumer la charge
d'un enfant, l'incompatibilité chez les femmes, à gérer
simultanément l'activité économique et la charge d'un
enfant, etc.
Ces difficultés économiques sont
fréquemment citées parmi les motifs qui justifient l'avortement
dans la plupart des pays tels qu'au Nigeria (Renne, 1996), en
Tanzanie (Mpangile et al. 1999), l'Ethiopie (Getahun
et Berhane, 2000). Au Mozambique, 41% des femmes évoquent leurs
problèmes économiques comme motifs d'avortement
(Agadjanian, 1998) ; 22,5% en Ethiopie (Kebede et al.
2000) ; 13.5% au Sénégal (Koly, 1991).
Au Gabon, un tiers des femmes dit être confrontée à des
difficultés économiques ou vouloir poursuivre l'activité
professionnelle (Barrère, 2001).
A Douala et Yaoundé, le deuxième motif
cité par les femmes pour justifier l'avortement est le manque de moyens
financiers (39,6%) (Ngwé et al. 2005). En Ouganda, les
femmes recourent à l'avortement pour pouvoir poursuivre leurs
activités si leur partenaire ne veut pas reconnaître la grossesse
(Kasolo, 2000).
Les grossesses non désirées et l'avortement sont
les conséquences en Afrique des rapports sexuels à but lucratif
ou matériel. En effet, certains hommes riches qui promettent de
l'argent, des cadeaux à de jeunes femmes en échange de relations
sexuelles non protégées, abandonnent celles-ci lorsque survient
une grossesse. Ne pouvant subvenir aux besoins du nouveau né, par
crainte des parents ou sous pression de ces hommes, elles sont obligées
d'interrompre de telles grossesses, souvent de manière clandestine et
dangereuse.
En outre, la pauvreté et la misère contraignent
certaines femmes à adopter des comportements sexuels à risque,
notamment les rapports sexuels non protégés. Ces dernières
s'exposent ainsi aux infections sexuellement transmissibles et aux grossesses
non désirées qu'elles expulsent le plus souvent.
2. 1. 4. Approche Institutionnelle
A. Un Cadre juridique restrictif au recours à
l'avortement.
Bien que le cadre juridique se soit amélioré ces
dernières années dans plusieurs pays, l'avortement fait encore
l'objet de mesures très restrictives notamment dans la majorité
des pays africains, au Proche-orient et en Amérique Latine.
De nos jours, l'avortement n'est totalement interdit que dans
15 pays (sur 190). Dans les autres pays, la situation varie d'une limitation
très stricte à une politique très libérale : dans
55 pays (44% de la population), l'avortement est possible sur demande ou pour
des raisons économiques et sociales (United Nations, 1994
b).
En Afrique francophone, les législations sur
l'avortement sont encore souvent des réminiscences de la loi
française de 1920, qui condamnait l'avortement et réprimait toute
personne le pratiquant ; dans les pays anglophone, elles s'inspirent de la loi
britannique de 1861 sur les délits contre la personne. ; puis de la loi
britannique de 1861 sur les délits contre la personne.
En 1999, sur les 54 pays africains, l'avortement n'est
autorisé sans restriction que dans trois pays : Tunisie, Afrique du Sud
et Cap Vert. Dans 26 pays, il peut être autorisé uniquement
pour la survie de la mère ; tel est le cas du Gabon. Dans
24 autres pays, les femmes peuvent y recourir seulement si leur santé
physique et/ou morale est menacée (Guillaume, 2000).
Dans les pays où le recours à l'avortement est
libéralisé, quelques restrictions limitent toujours sa pratique :
en Tunisie par exemple, les centres de santé où ces actes peuvent
être pratiqués légalement sont peu nombreux, notamment en
milieu rural
(Gastineau, 2000). En Afrique du Sud, la loi
prévoit un âge légal de la grossesse pour avorter
(The Alan Guttmacher Institute, 1999). Au Soudan et en Zambie,
l'autorisation de 2 ou 3 médecins est nécessaire pour avorter
(Gautier, 2002). Toutes ces restrictions pénalisent les
femmes. Au lieu d'empêcher les avortements, elles contribuent
plutôt à des pratiques clandestines et dangereuses. La
fréquence de celles-ci s'explique par les nombreuses consultations
médicales observées dans les centres de santé
consécutives à des complications d'avortements. En Afrique de
l'Ouest, on estime à un million par an le nombre d'avortements
clandestins faits en dehors de toute surveillance médicale officielle
par an, mais la région du continent la plus touchée est l'Afrique
de l'Est avec 1,34 million d'avortements clandestins par an. (The Alan
Guttmacher Institute, 1999).
B. L'avortement en l'absence de contraception ou en
cas d'échec d'une méthode.
L'avortement a été longtemps utilisé
comme méthode de régulation de naissance bien avant l'apparition
des méthodes contraceptives. Le développement des programmes de
planification familiale a contribué à une plus
grande utilisation de la contraception, même s'il n'a pas toujours eu
l'effet escompté d'une réduction, voire d'une disparition du
recours à l'avortement.
Dans les pays où l'usage des méthodes
contraceptives est élevé, les échecs de la contraception
restent très fréquents, comme en atteste la persistance des
grossesses non désirées qui se concluent par une interruption de
grossesse (Bajos N. et Al. 2002.). Dans ce cas, le recours
à l'avortement peut intervenir après un échec de la
contraception, consécutif à une mauvaise utilisation d'une
méthode ou à son inefficacité.
Dans les pays en voie de développement et
particulièrement en Afrique, les individus utilisent très peu les
méthodes contraceptives modernes, l'intensité et la
fréquence de l'activité sexuelle fait croître le risque de
grossesse non désirée, et partant, le recours sans cesse à
l'avortement clandestin.
A l'île Maurice, pays réputé pour
l'efficacité de son programme de planification familiale, avec une
prévalence est de 75%, le recours aux avortements clandestins persiste
pour différentes raisons dont la plus fréquente est
l'entrée en sexualité précoce sans usage de contraception.
(N'yong' o D. et Oodit G., 1996, Djoke 2004).
En Ethiopie, Madebo T. et
Tadiè GT (1993) ont constaté que 83% des femmes
n'utilisaient pas de contraception avant la grossesse qu'elles ont interrompue,
11% en utilisaient une, mais sans respecter les normes d'usage et 6% ne
s'expliquent pas les raisons de cet échec.
Les contraceptions post-abortum peuvent contribuer à la
réduction du recours à l'avortement, mais dans bon nombre de pays
africains la qualité et l'existence du counselling post-abortum
constitue un problème. Par contre, l'amélioration de la prise en
charge des complications d'avortements est de plus en plus fréquente
dans ces pays.
Hormis les facteurs précités à savoir,
socio-économiques, démographiques socioculturels et le cadre
institutionnel, d'autres facteurs expliquent le recours à l'avortement
provoqué. Il s'agit notamment des facteurs sanitaires et
sociologiques.
2.1. 5. Approche Sanitaire
A. Interrompre une grossesse pour préserver sa
santé
Dans de nombreux pays africains, l'avortement est
autorisé si la santé physique ou mentale de la femme est
menacée. Ce motif n'est pas très cité par les femmes
interrogées lors des enquêtes et études déjà
réalisées. Au Gabon, 6% des femmes ont déclaré
avoir eu recours au moins une fois à un avortement pour raisons de
santé lors l'enquête démographique et de santé de
2000. (Barrère, 2001). Ce motif a été
cité par 20% de femmes au Kenya (Rogo K.O., 1993), 15%
des femmes au Togo (U.R.D et al. 2001, Djoke, 2004), entre 2
et 4% au Mali (Konaté M.K.et al. 1996) et 3,2% à
Douala et Yaoundé (Ngwé et al. 2005).
2. 1. 6. Approche Sociologique
Les législations autorisent l'avortement en cas de
violence sexuelle (viol ou inceste) dans plusieurs pays ou encore de violence
sexuelle. Cette raison n'apparaît presque pas dans les enquêtes et
études sur l'avortement provoqué parmi celles
évoquées par les femmes qui ont déjà
avorté.
Les différentes approches passées en revue par la
littérature nous permettront de dégager les facteurs susceptibles
d'expliquer le recours à l'avortement provoqué au Gabon.
2. 2. Les déterminants de l'avortement
provoqué
Un certain nombre de variables se rapportant aux facteurs
socioculturels, socio-économiques, sociodémographiques et
institutionnel influencent davantage la pratique de l'avortement. Ces variables
sont les suivantes :
2. 2. 1. Les variables socioculturelles.
La pratique de l'avortement est déterminée par
des normes et valeurs propres à chaque société qui
influencent l'individu dans la décision de recourir ou non à
cette pratique. Les variables socioculturelles qui influencent l'avortement
sont :
- la religion,
- l'ethnie,
- le milieu de résidence
2-2-1-1. La religion
Selon Akoto E. (1985, cité par Djoke,
2004), << la religion véhicule un certain nombre de
valeurs et normes qui régissent la vie des fidèles sur le plan
comportemental et psychique ». La majorité des religions
interdisent l'avortement considéré comme un pêché
grave. C'est le cas des religions chrétienne, juive et musulmane ;
toutefois les deux dernières citées peuvent l'autoriser pour
sauver la vie de la mère (Guillaume A., 2004). La
religion catholique affirme d'ailleurs que <<la vie humaine commence au
moment de la conception, (...) et qu'elle doit être défendue et
protégée ». (Nations unies, 1994 : 154).
Mais de l'avis de beaucoup d'auteurs, certaines religions offrent plus de
liberté sur le plan sexuel que d'autres (Meekers et al.
1997).
2-2-1-2. L'Ethnie
Bien que l'effet de l'ethnie sur le risque d'avortement soit
une question empirique qui demeure ouverte, de nombreuses études ont
documenté des différences dans les comportements de
fécondité selon les groupes ethniques en Afrique. Au Cameroun
par
exemple, certaines sources ont décrit les
Béti-Fang comme traditionnellement plus tolérants
vis-à-vis des relations sexuelles et de la procréation
prénuptiale que les autres ethnies (Laburthe-Tolra, 1981 ; Yana,
1995 ; Calvès 2004).
2-2-1-3. Le milieu de
Résidence.
Le milieu de résidence est un indicateur de
différentiation important pour expliquer le comportement sexuel des
femmes selon qu'elles utilisent ou non des méthodes de prévention
de grossesses. Plusieurs études ont montré que les citadines
étaient plus précoces sexuellement que celles qui vivent en
milieu rural. Cela peut s'expliquer comme une aspiration des femmes à
jouir plus librement de leur corps en ville qu'au village.
2. 2. 2. Les variables
sociodémographiques.
2-2-2-1. L'âge
Plusieurs études ont montré la
corrélation entre l'âge de la femme et le recours à
l'avortement. La majorité d'entre elles rapportent des taux d'avortement
élevés chez les jeunes célibataires de moins de 25ans et
particulièrement élevés avant l'âge de 20ans
(Nichols et al. 1986 ; Desgrées du Loll et al. Alan Guttmacher,
1999 ; Calvès 2004). La prédominance de cette tranche
d'âge dans la pratique de l'avortement renseigne également sur la
précocité des relations sexuelles.
2-2-2-2. Le statut matrimonial.
Le statut matrimonial de la femme est un déterminant
important de l'avortement provoqué. En effet, d'après la
littérature les femmes célibataires avortent plus que celles qui
sont mariées, divorcées ou veuves. Cela s'explique davantage par
le fait qu'elles ne veulent pas encore d'enfants car les grossesses hors
mariages sont parfois mal acceptées dans certaines familles et
sociétés ; ou parcequ'elles sont encore à l'école
et ne veulent pas interrompre les études. (Guillaume A., 2004).
Les mariées quant à elle avortent soit parce qu'elles ne
veulent pour d'enfants ou pour espacer leurs naissances. Cette pratique peut en
outre intervenir chez ces dernières à la suite d'une grossesse
extraconjugale. A Douala et à Yaoundé, Les femmes mariées
ont déclaré dans leur majorité avoir avorté par
besoin de planning familial (55%),
puis pour des raisons économiques dont le manque de
moyens financiers (33,3%) et par contraintes professionnelles (4,5%).
(Ngwé et al. 2005). Les divorcées et les veuves
le pratiquent, parce qu'elles ne se sont pas remariées ou qu'elles ne
disposent pas de moyens financiers pour assumer la charge d'un enfant
supplémentaire.
2-2-2-3. La parité atteinte.
La parité des femmes influence aussi le recours
à l'avortement. Certaines enquêtes effectuées dans des
hôpitaux suggèrent qu'une majorité de femmes admises suite
à des complications post-abortum sont jeunes et en sont à leur
première grossesse (Bikin et al. 1984 ; Calvès, 2004).
D'autres études cependant ont trouvé une plus grande
diversité dans l'âge et la parité des patientes. Dans une
recherche menée dans un hôpital du Kenya, par exemple, la
majorité des patientes admises suite à un avortement
provoqué avait déjà un (33%),deux (15%) ou plus de deux
(23%) enfants (Solo et al., 1999 ; Calvès 2004). De
même, une étude menée à Abidjan auprès de
femmes enceintes conclut que si l'avortement est utilisé par la jeune
génération pour retarder le début de la procréation
il l'est aussi par les femmes plus âgées pour espacer les
naissances (Guillaume A., Desgrées du Lôu et al.
1999).
2. 2. 3. Les variables socio-économiques.
2-2-3-1. Le niveau de vie des ménages.
Plusieurs études ont montré la
corrélation qui existe entre le recours à l'avortement et le
niveau de vie des ménages dans lesquels vivent les femmes. La pratique
abortive évolue avec le niveau de vie ; plus le niveau de vie est
élevé, plus la pratique l'est aussi. En Egypte, les femmes en
zone urbaine issue des classes sociales élevées font plus
fréquemment des avortements que celles des classes sociales
inférieures (Lane, Jok, et al. 1998; Guillaume,
2004).
2-2-3-2. Occupation de la femme.
L'occupation de la femme au moment de la grossesse renseigne
ici sur sa capacité à supporter la charge d'un enfant ou non :
deux catégories d'occupation sont souvent évoqués lors
de certaines enquêtes : fréquentation de l'école, type
d'activité économique exercé (à
l'intérieur
ou à l'extérieur du ménage). Des
études ont montré que le taux d'avortement est
particulièrement élevé chez les filles qui
fréquentent l'école et le désir de rester à
l'école est l'une des principales raisons mentionnées par les
femmes africaines pour justifier les avortements provoqués
(Nichols et al. 1986 ; Bankole et al. 1998 ; Calvès 2004).
D'autres études ont également démontré un
lien positif entre le statut d'emploi et la probabilité de recourir
à l'avortement (Shapiro et Tambashe, 1997).
2-2-3-3. Le niveau d'instruction.
D'après la littérature, il existe une relation
positive entre la pratique contraceptive et le niveau d'instruction de la
femme. Cette relation devrait se traduire par un moindre recours à
l'avortement parmi les femmes instruites. Certaines études
démontrent plutôt le contraire, au Gabon, la proportion des femmes
qui recourent à l'avortement augmente plutôt avec le niveau
d'instruction : près de trois fois plus de femmes de niveau secondaire
(19%) ont eu au moins un avortement, comparées à celles sans
instruction (7%).
2. 2. 4. Les caractéristiques
institutionnelles. 2-2-4-1. Utilisation des
méthodes contraceptives.
Une étude a montré que les femmes qui
n'utilisaient pas de méthodes contraceptives modernes avaient souvent eu
recours à des méthodes traditionnelles ou les avaient
utilisées en discontinue (Anonymous, 1994 ; Djoke, 2004).
En Ethiopie, 83% des femmes n'utilisaient pas la contraception avant
la grossesse (Guillaume A. 2004). Au Togo, seulement 19% des
femmes utilisaient une méthode contraceptive avant la grossesse
(URD, 2001 ; Djoke, 2004). Au Mali, la survenue de la
grossesse non désirée chez les femmes qui utilisaient une
méthode de contraception avant l'avortement s'explique dans 39% des cas
par un échec (Guillaume A. 2004).
2. 3. Hypothèses et Cadre
conceptuel.
2. 3. 1. Les Hypothèses :
La présente étude se propose de rechercher les
facteurs explicatifs du recours à l'avortement provoqué au Gabon.
Elle pose comme hypothèse principale que L'avortement provoqué au
Gabon dépend des facteurs socioculturels, de la pratique contraceptive
et des caractéristiques individuelles de la femme.
De cette hypothèse principale découlent les
hypothèses spécifiques suivantes :
H1 : Le milieu socioculturel
dans lequel vivent les femmes gabonaises explique leur recours aux pratiques
abortives.
H2 : L'âge de la femme, son statut
matrimonial et sa parité expliquent le recours à l'avortement
provoqué au Gabon.
H3: L'occupation de la femme et le niveau
d'instruction ainsi que le niveau de vie du ménage expliquent le recours
à l'avortement provoqué au Gabon.
H4 : L'utilisation des méthodes
contraceptives influence le recours à l'avortement.
2. 3. 2. Le cadre conceptuel.
Les relations formulées dans les hypothèses
ci-dessus peuvent être schématisées comme l'indique la
figure ci-contre :
Facteurs Socioculturels
Facteurs Démographiques
Facteurs Socio-économiques
Comportement sexuel
Risque de Grossesse
Avortement provoqué
Le schéma conceptuel ci-dessus montre comment sont
reliés les différentes variables conceptuelles de notre
étude. Ainsi, la décision de mettre fin ou non à une
grossesse non désirée dépend des facteurs socioculturels,
socioéconomiques et démographiques. Les facteurs socioculturels
influencent non seulement les facteurs démographiques liés
à la procréation tel que l'état matrimonial, mais aussi le
comportement sexuel de la femme. En effet, la plupart des comportements des
individus sont déterminés par des croyances et des valeurs
inhérentes à leur de leur culture à travers les
perceptions qu'elles induisent. Les facteurs socioéconomiques ont
également un effet sur les facteurs démographiques et le
comportement sexuel de la femme. Car, d'après la littérature,
l'occupation de la femme, son niveau d'instruction et le niveau de vie dont son
ménage est issue ont souvent eu un effet positif sur la parité de
la femme, voire son statut matrimonial. A travers la capacité de se
procurer et d'utiliser ou non des méthodes contraceptives modernes, ces
facteurs ont aussi un effet sur la pratique contraceptive. Les facteurs
démographiques ont également un effet sur le comportement sexuel
de la femme. Ainsi, le nombre d'enfants nés vivants ou survivants
peut
amener la femme à limiter, espacer ou non les
grossesses à travers l'utilisation ou non des méthodes
contraceptives. Aussi, dans certaines tribus et ethnies du Gabon, on
tolère difficilement les enfants hors mariage ou adultérins
d'autres peu importe, ce qui peut conduire les unes et les autres à
adopter un certain comportement sexuel (pratique de la contraception ou non)
pouvant exposer la femme à une grossesse désirée ou non
désirée, déterminant ainsi l'issue de cette
dernière (avortement provoqué ou non).
2. 4. Définitions et approches des concepts
fondamentaux :
2-4-1. L'avortement provoqué :
L'avortement provoqué est l'expulsion du foetus avant
sa viabilité dont la durée est de 28 semaines (Vekemans.
M., 1988, Djoke 2004). Il se définit également comme une
opération visant à mettre fin à une grossesse par
n'importe quel moyen avant que le foetus ne soit suffisamment
développé pour survivre (Cunningham, F. G., et al. 1989,
Guillaume, 2004). Dans le cadre de notre étude, on entend par
avortement provoqué, le processus qui consiste à interrompre
volontairement une grossesse non désirée pour diverses
raisons.
Ce terme peut aussi prendre d'autres dénominations
telles que avortement à risque, avortement dangereux, avortement
illégal. Sont exclus du champ de l'étude les avortements
spontanés ou fausses couches.
2. 4. 2. Les facteurs socioculturels :
C'est un ensemble de facteurs combinant moeurs, attitudes,
croyances, valeurs, et perceptions qui déterminent les comportements des
individus dans la société. Toute société a ses
normes et valeurs en matière de sexualité, c'est le cas des
Béti Fang qui sont d'après certaines sources plus
tolérants vis-à-vis des relations sexuelles et de la
procréation prénuptiale que les autres ethnies du Cameroun
(Laburthe-Tolra,1981 ; Yana,1995 ; Calvès 2004).
Dans le cadre de notre étude, nous entendons par
facteurs socioculturels, un ensemble de facteurs véhiculant normes et
valeurs en matière de pratique contraceptive ayant un effet direct ou
indirect sur l'avortement provoqué. Ce concept est
opérationnalisé ici par des variables comme le milieu de
résidence, la religion et de l'ethnie.
2. 4. 3. Les facteurs sociodémographiques
Il s'agit essentiellement de l'âge de la femme, de
l'état matrimonial et de la parité atteinte. En effet, il
faudrait attendre que la femme atteigne un certain âge de
procréation pour espérer être exposée au risque de
procréer, dans le cadre de cette étude cet âge sera de
15ans. D'après la littérature, l'état matrimonial
influence la pratique abortive de plusieurs manières : Les femmes
célibataires ont tendance à recourir plus à l'avortement
provoqué que les femmes mariées. Aussi, certaines études
ont trouvé une relation entre l'âge et la parité des
femmes. De même que l'avortement est utilisé par la jeune
génération pour retarder le début de la procréation
il l'est aussi par les femmes plus âgées pour espacer les
naissances (Calvès. A, 2004).
2. 4. 4. Facteurs socio-économiques de la femme
Elles se réfèrent indirectement, à la
capacité qu'a une femme, de disposer ou non des moyens financiers lui
permettant d'acquérir et d'utiliser des méthodes modernes de
prévention des grossesses. Directement, à la capacité
matérielle qu'a une femme à assumer la charge d'un enfant, de
gérer l'activité économique ou la scolarité et la
charge d'un enfant. Les indicateurs de ces caractéristiques sont
l'occupation de la femme, le niveau de vie des ménages et le niveau
d'instruction.
2. 4. 5. La pratique contraceptive
Dans le cadre de notre étude, nous entendons par pratique
contraceptive l'utilisation de l'une des méthodes contraceptives
modernes pour éviter ou non une grossesse non désirée.
2. 5. Variables opérationnelles
2. 5. 1. Schéma d'analyse
Le présent schéma d'analyse traduit les
hypothèses de recherche dérivées de l'hypothèse
centrale. Il prend en compte uniquement les variables opérationnelles
construites à partir des variables de base définies dans le cadre
conceptuel.
·
M · ilieu de résidence
· Ethnie
S Religion
Statut Matrimonial
· Parité atteinte
· Occupation de la femme
· Instruction de la femme
· Niveau de vie du ménage
|
Utilisation des
méthodes Contraceptives
Occurrence de grossesse
Issue de la Grossesse
2-5-2. Variable dépendante
L'unité d'analyse de notre étude est la grossesse
et la variable dépendante est l'issue de cette grossesse : avortement ou
préservation de la grossesse.
2-5-3. Variables indépendantes
Les variables indépendantes ici sont celles qui ont
été retenues comme pouvant expliquer le recours à
l'avortement provoqué. Il s'agit des variables issues des facteurs
socioculturels, socio-économiques et démographiques.
2-5-3-1. Les facteurs
socio-économiques
- Le niveau de vie des
ménages
Cette variable sera appréhendée à travers
un indicateur composite de niveau de vie que nous allons construire. Cette
variables comprendra trois modalités qui sont : Les pauvres, le niveau
de vie moyen et les riches.
- L'occupation de la femme
Cette variable identifiera les catégories d'occupation
des femmes au moment de la grossesse. Trois catégories d'occupation ont
été prises en compte à savoir : A l'école ;
Travaille ; Sans emploi/au foyer.
- Le niveau d'instruction de la
femme.
Nous nous intéressons uniquement ici au niveau
d'étude dans le secteur éducatif formel. Cette variable
comprendra quatre modalités : Sans niveau ; Primaire ; secondaire,
supérieur.
2-5-3-2. Les facteurs socioculturels
- La religion
Cette variable comprend les modalités suivantes :
catholiques, protestants, musulmans, autres religions.
- L'ethnie
Le Gabon compte au total 40 ethnies pour l'ensemble du
territoire. Nous tenterons de les classer en 8 grands groupes en fonction des
affinités et des similitudes en matière de comportements sexuels
et reproducteurs. Nous distinguons ainsi : les fang, les
Kota-kélé, les Mbédé-téké, les
Myénés, les Nzébi-duma, les Okandé-tsogo, les
Shira-punu-vili et les Pygmées.
- Le milieu de résidence
C'est le secteur d'habitat des femmes. Il comprendra deux
modalités : le milieu rural et le milieu urbain.
2-5-3-3. Les facteurs
sociodémographiques
- L'âge de la femme.
Nous aurons ici quatre tranche d'âge de femmes à
savoir : les 15-24 ans «adolescentes>> ; les 25-34 ans «jeunes
>> les 35-44 ans «adultes >> et les 45ans et plus
«âgées>>.
- Le statut matrimonial
Cette variable comprend trois modalités qui sont : «
célibataire >>, «mariées >>,
«divorcées/séparées >>, «veuves
>>.
- Le nombre d'enfants nés
vivants
Cette variable a quatre modalités qui sont : « aucun
enfant >> ; de 1 à 5 enfants «parité moyenne >>
; 6 ou plus «parité forte >>.
2-5-4. La variable intermédiaire
- L'utilisation des méthodes
contraceptives.
Cette variable comprend deux modalités à savoir :
Utilise une méthode contraceptive ou n'utilise pas.
Chapitre 3 : Méthodologie et évaluation des
données
|
3-1. Présentation des données
3-1-1. Source des données
La présente étude sur les déterminants de
l'avortement provoqué au Gabon se fera partir à partir des
données de la première enquête démographique et de
santé du Gabon réalisée en 2000 (EDSG2000).
3-1-2. Les objectifs de l'EDS 2000
L'EDSG 2000 avait pour objectifs spécifiques de :
- fournir des données fiables et détaillées
sur les facteurs démographiques, sanitaires et socioéconomiques
susceptibles d'influencer la situation sanitaire et démographique du
pays
- recueillir des données à l'échelle
nationale permettant de calculer les taux de fécondité et de
mortalité infanto juvénile ;
- analyser les facteurs directs et indirects qui
déterminent le niveau et les tendances de la fécondité et
de la mortalité ;
- mesurer les taux de connaissance et de pratique contraceptive
des femmes et des hommes par méthode et par milieu de résidence
;
- recueillir des données sur la connaissance, les
attitudes et opinions des femmes et des hommes au sujet des IST et du sida ;
- recueillir des données de qualité sur la
santé familiale : vaccination, prévalence et traitement de la
diarrhée et d'autres maladies chez les enfants de moins de cinq ans,
visites prénatales, assistance à l'accouchement, allaitement au
sein et pratiques nutritionnelles des enfants ; mesurer la teneur en iode du
sel consommé dans les ménages ;
- mesurer l'état nutritionnel des mères et des
enfants de moins de cinq ans par la prise de mesures anthropométriques
;
- recueillir des données sur la pratique de l'avortement
;
- mesurer le niveau de la mortalité maternelle.
Cette enquête avait également pour objectif de
renforcer les capacités de la DGSEE à réaliser de
façon périodique des EDS et de fournir au pays une base de
données fiables et actualisées.
3-1-3. Echantillonnage
L'EDSG couvre un échantillon cible de 6 500 femmes en
âge de procréer (15 à 49 ans) et de2 500 hommes
âgés de 15 à 59 ans. Pour répondre aux besoins de
l'enquête, l'échantillon a été conçu de
façon à fournir des résultats représentatifs au
niveau de l'ensemble des villes de Libreville et de Port-Gentil, des autres
villes et du milieu rural. Du point de vue régional, la taille de
l'échantillon cible ne permettant pas de fournir des résultats
significatifs pour chacune des neuf provinces prises indépendamment, les
groupes de provinces suivants ont été constitués :
Ogooué-Ivindo et Woleu-Ntem (région Nord), Ogooué-Lolo et
Haut Ogooué (région Est), Estuaire, Moyen Ogooué et
Ogooué Maritime (région Ouest, Libreville et PortGentil exclues),
et Ngounié et Nyanga (région Sud). Pour pouvoir disposer de
suffisamment de cas dans chaque domaine d'études, les Autres Villes et
le milieu rural ont été sur échantillonnés alors
que Libreville et Port-Gentil ont été sous
échantillonnées. Il s'agit donc d'un échantillon
pondéré, par grappes à deux degrés de tirage :
- Au premier degré, un échantillon de 249
grappes a été tiré à partir de la liste des
secteurs de dénombrement du RGPH de 1993, de façon
indépendante à l'intérieur de chaque strate et
proportionnelle à leur taille en terme de ménages.
- Au second degré, les ménages ont
été sélectionnés à partir de la liste
établie lors de l'opération d'énumération des
ménages dans chacune des 249 grappes sélectionnées. Le
nombre de ménages sélectionnés dans chaque grappe variait
de 10 à 40 selon la taille des grappes.
- Au total, 6 761 ménages ont été
sélectionnés et, parmi eux, 6 353 ménages ont
été identifiés au moment de l'enquête. Parmi ces 6
353 ménages, 6 203 ont pu être enquêtés avec
succès, soit un taux de réponse de 97,6 %.
Dans les 6 203 ménages enquêtés, 6 604
femmes âgées de 15 à 49 ans ont été
identifiées pour l'enquête individuelle dont 6 183 ont
été enquêtées avec succès, soit un taux de
réponse de 93,6 %.
L'enquête homme a porté sur un sous
échantillon de 2 242 ménages (le tiers des ménages
tirés pour l'enquête individuelle femme) dont 2 106
ménages ont été identifiés et 2 057
ménages enquêtés (soit un taux de réponse de 97,7
%). Dans ces 2 057 ménages enquêtés, 2 004
hommes âgés de 15 à 59 ans ont
été enquêtés avec succès parmi 2 277 hommes
éligibles, soit un taux de réponse de 88,0 %.
3-1-4. Questionnaires de l'enquête.
Afin d'atteindre les objectifs de l'enquête, quatre
types de questionnaires ont été utilisés par l'EDS Gabon,
parmi lesquels : le questionnaire ménage, le questionnaire individuel
femme,le questionnaire individuel homme et le questionnaire communautaire.
Questionnaire ménage : Il permet de
collecter des informations sur le ménage, telles que le nombre de
personnes y résidant, par sexe, âge, niveau d'instruction, la
survie des parents, etc. Par ailleurs, il permet de collecter les informations
sur les caractéristiques du logement (approvisionnement en eau, types de
toilettes etc.), et des ménages. Ces informations sont recueillies afin
d'apprécier les conditions dans lesquelles vivent les personnes
enquêtées. Enfin le questionnaire ménage permet
d'établir l'éligibilité des personnes à interviewer
individuellement. Il permet aussi de déterminer les populations de
référence pour le calcul de certains taux
démographiques.
Questionnaire individuel femme : Il permet
d'enregistrer toutes les informations démographiques concernant les
femmes âgées de 15 à 49 ans.
Ce questionnaire comprend dix sections :
Section 1 : caractéristiques
sociodémographiques des enquêtées : cette section couvre le
lieu de résidence, l'âge et la date de naissance, la
scolarisation, l'alphabétisation, la nationalité et la
religion.
Section2 : reproduction ; c'est dans cette
section que des questions ont été posées aux femmes sur
les grossesses non arrivées à terme et, en particulier, sur les
avortements.
Section3 : contraception ;
Section 4 : grossesse, soins prénatals et
allaitement, vaccination et santé des enfants ; Section
5 : mariage et activité sexuelle ;
Section 6 : préférence en
matière de fécondité ;
Section 7 : caractéristiques du conjoint
et activité professionnelle de la femme ; Section 8 :
VIH/sida et autres Infections Sexuellement Transmissibles (IST) ;
Section 9 : mortalité maternelle ;
Section 10 : état nutritionnel des
mères et des enfants de moins de 5 ans ;
Questionnaire individuel homme : Ce
questionnaire est une forme réduite du questionnaire individuel femme,
il comprend six sections à savoir : Les caractéristiques
sociodémographiques des enquêtés, la reproduction, la
contraception, le mariage et l'activité sexuelle,
préférence en matière de fécondité, VIH/sida
et autres IST.
Questionnaire communautaire : Il s'agit d'un
questionnaire portant sur la disponibilité des services,
c'est-à-dire sur les infrastructures socio-économiques et
sanitaires du pays.
Il faut noter en définitive que ces questionnaires ont
été développés à partir des questionnaires
de base du programme DHS, adaptés au contexte du Gabon et en tenant
compte des objectifs de l'enquête.
3-2. Evaluation des données
L'évaluation de la qualité des données
est une étape importante dans le processus de recherche en sciences
sociales. Elle l'est encore plus dans les pays en voie de développement
où le système d'état civil fonctionne mal. Par ailleurs,
la collecte des informations lors des enquêtes ou des recensements donne
lieu à trois type d'erreurs : les fausses déclarations
d'âges, les pertes de mémoire lorsque les événements
datent d'une période assez lointaine, les tabous de tous genres
liés essentiellement aux pesanteurs socioculturelles. Cette
évaluation permet donc de s'assurer de la fiabilité des
données afin de rendre compte de la qualité des réponses
données par les enquêtées lors de la collecte.
3-2-1. Détermination du taux de non
réponses.
La détermination des taux de non réponse est un
indicateur couramment utilisé pour apprécier la qualité
des données, avant de procéder à tout autre méthode
qu'elle soit graphique ou numérique. Nous avons choisi chaque variable
utilisée dans le fichier d'analyse. Pour l'ensemble des variables, le
taux de non réponse est de 7,70. Ce taux est fortement influencé
par la variable « grossesse terminée par un avortement
provoqué » (83,3%) qui est la variable dépendante de notre
étude. Cela s'explique par le fait que l'avortement provoqué est
un sujet tabou, suite aux nombreux interdits dont il fait l'objet si bien que
certaines femmes ont peur ou honte de souvent en parler même si elles en
ont été victimes. La variable ethnie influence également
ce taux, soit 14,59 % de non-réponse. En dehors de ces deux variables,
les autres peuvent être considérées comme étant de
bonne qualité car leur taux de non réponse est
inférieur à 10 % (niveau en dessous duquel on
considère les variables comme étant de bonne qualité).
Mais étant donné que les effectifs des variables dont les taux de
non réponses sont supérieurs à 10% restent relativement
élevés, nous avons jugés utile de les considérer
dans les analyses. Notre variable dépendante a un taux
élevé de non réponse (grossesse terminée par un
avortement provoqué) et qu'il y a manifestement eu forte sous
déclaration du phénomène étudié. Pourtant,
il est généralement admis qu'au Gabon l'avortement n'est pas un
phénomène marginal (15%), malgré les restrictions de
nature juridique, sociale et religieuse de cette pratique, il est donc
important d'en rechercher les déterminants. Aussi, qu'il s'agisse des
statistiques sanitaires sur l'avortement ou des enquêtes, la
complétude des données n'a pas toujours été bonne.
Cette situation n'est pas spécifique à l'Afrique puisqu'en France
où l'avortement est légal, les enquêtes sont
également affectées de cette sous déclaration
évaluée à environ 40% (Guillaume
2004).
Tableau 1 : présentation des variables
de l'étude et détermination des taux de
non-réponse
Variables
|
Réponses valides
|
Valeurs manquantes
|
Taux de non-réponse
|
Milieu de résidence
|
6183
|
0
|
0.00
|
Religion
|
6183
|
16
|
0,26
|
Niveau d'instruction de la femme
|
6183
|
0
|
0.00
|
Ethnie
|
5281
|
902
|
14,6
|
Occupation de la femme
|
6175
|
8
|
0.13
|
Source d'approvisionnement en eau
|
5874
|
309
|
5,00
|
Possession de la télévision
|
5871
|
312
|
5,05
|
Possession de la radio
|
5875
|
308
|
4,98
|
Possession de l'électricité
|
5873
|
310
|
5,01
|
Type de plancher
|
5873
|
310
|
5,01
|
Type de mur
|
5876
|
307
|
4,97
|
Type de toit
|
5862
|
321
|
5,19
|
Type d'aisance (toilette)
|
6166
|
317
|
5,13
|
Age de la femme
|
6183
|
0
|
0,00
|
Statut matrimonial
|
6182
|
1
|
0.02
|
Parité atteinte
|
6183
|
0
|
0.00
|
Utilisation de la contraception
|
6183
|
0
|
0.00
|
Grossesse terminée par un avortement
|
1034
|
5149
|
83.3
|
3-2-2. Evaluation de la qualité des données
sur l'âge
3-2-2-1. Age des femmes à
l'enquête
Il apparaît sur la figure ci-dessous que la courbe de la
répartition des femmes enquêtées selon l'âge au
moment de l'enquête (figure 2) a une allure irrégulière
avec par des pics et des creux. Cette irrégularité
peut-être liée à une mauvaise déclaration des
âges par les enquêtées ou à une mauvaise estimation
des âges des femmes par les enquêteurs. Ces mauvaises
déclarations ou estimations des âges sont
matérialisées ici par une attraction ou répulsion pour
certains
Proportions
6
5
4
3
2
0
1
Graphique1 : Proportions de femmes
enquêtées par âge.
Age
chiffres, notamment 0 et 5. L'irrégularité de la
courbe commence à se ressentir au niveau de la tranche d'âge
20-24ans ans. Cela peut s'expliquer par le fait que, c'est à ces
âges que l'on limite les recrutements dans les corps d'armée,
l'obtention de la bourse d'étude d'entrée dans les
facultés (21 ans au plus), etc., si bien que certains sont le plus
souvent contraint de réduire leur âge pour être en
conformité avec ces lois. Lors des enquêtes, ces personnes se
trompent le plus souvent d'âge ne sachant lequel donner, « le vrai
ou le faux âge ». Les mesures draconiennes instaurées par
l'Etat pour l'entrée dans la fonction publique (34ans au plus),
l'âge à la retraite (55ans), ainsi que les défaillances
peuvent justifier les déclarations erronées aux âges
avancés.
En définitive, la courbe de l'évaluation des
données sur l'âge des femmes montre la persistance des pics et des
creux, surtout aux âges adultes, ce qui traduit une mauvaise
déclaration et estimation des âges. Ce constat est
récurrent dans la plupart des pays africains au sud du sahara.
3-2-2-2. Evaluation de l'âge des femmes au premier
avortement.
Le graphique 2 montre la courbe des effectifs des femmes selon
leur âge au premier avortement. Cette courbe, comme celle de leur
âge à l'enquête, présente des
irrégularités dues certainement à des âges mal
déclarés. Il se pourrait que certaines femmes aient oublié
l'âge qu'elles avaient lors de leur premier avortement ou refuse tout
simplement de le déclarer pour une raison ou une autre.
Toutes les irrégularités constatées aux
niveaux de ces deux courbes suscitent des interrogations quant à la
qualité de ces données.
Proportion des fem m es
12
10
8
6
4
2
0
Graphique 2: Proportions des femmes par
âge au premier avortement
Age au premier avortement
Ces deux graphiques montrent à travers les creux et les
pics que c'est effectivement aux âges jeunes que les âges sont mal
déclarés, de 17 à 19 ans et chez les personnes atteignant
la 40e année de vie. (39-41ans) en passant par les âges
se situant entre 29 et 33 ans.
Pour allons approfondir notre évaluation en recourant
à l'indice de Whipple
Présentation de l'indice de Whipple
L'indice de Whipple est l'indice le plus simple à
calculer. Il vise à mesurer le degré de préférence
pour le 0 et le 5.
Nous considérons ici les femmes de 15 à 49 ans.
Le calcul de cet indice consiste à prendre l'effectif
total des personnes âgées de 15 à 49 ans, et à
calculer la somme des effectifs de cet intervalle dont les âges se
terminent par 0 et par 5.Puis on fait le rapport de cette dernière somme
au 1 /5 de l'effectif total.
Interprétation.
L'indice de Whipple (W) varie entre 0 et 5 :
- Si W=0, il y a répulsion totale du 0 et du 5,
- Si W< 1, il y a répulsion pour le 0 et le 5,
- Si W = 1, il n'y a aucune préférence,
- Si 1 < W = 5, il y a attraction, d'autant plus forte que W
est voisin de 5,
- Si W = 5, tous les âges enregistrés se terminent
par 0 et par 5,
- Si W= 5, tous les âges enregistrés se terminent
par 0 et par 5.
Par ailleurs, on peut trouver dans l'annuaire
démographique des Nations-Unies 1955 une grille permettant de classer
les données selon leur qualité :
- W < 1 ,05 : données très exactes,
- 1,05 ~ W ~ 1,099 : données relativement exactes,
- 1,10 ~ W~ 1,249 : données approximatives,
- 1,25 ~ W ~ 1,749 : données grossières,
- 1 ,75 ~ W : données très
grossières.
Les calculs sur les âges des femmes à
l'enquête donnent un indice de Whipple de 1,16. L'indice
ainsi obtenu montre qu'il y a attraction pour le 0 et le 5, et que celle-ci est
plus accentuée pour le 0.
Ces erreurs de déclarations des âges chez les
femmes n'affectent pas significativement notre étude car, elles seront
amoindries par la répartition des âges en groupes d'âges
quinquennaux. L'indice de Whipple calculé sur les âges des femmes
au premier avortement donne 1,64. Cela montre comme les
âges des femmes à l'enquête que les données sont
approximatives et qu'il y a attraction pour les chiffres 0 et 5.
En somme, l'évaluation de la qualité des
données sur l'âge des femmes à l'enquête et
au premier avortement nous a permis de relever quelques insuffisances, que
l'on peut imputer à
la mauvaise déclaration des femmes, due soit à
l'oublie ou à une réticence particulière à cause du
caractère illégal de l'avortement.
3-3. Méthodes statistiques d'analyse
La présente étude recherche les facteurs
explicatifs du recours à l'avortement provoqué au Gabon. Pour
atteindre cet objectif, il est indispensable d'examiner le lien existant entre
le recours à l'avortement provoqué et les caractéristiques
des femmes.
A partir des données disponibles, nous
procéderons d'abord à une analyse bivariée afin de
déterminer les corrélations éventuelles existant entre ces
facteurs et le phénomène étudié. Pour ce faire,
nous ferrons des croisements entre variables. Ensuite Nous passerons à
une analyse multivariée, en vue de dégager la contribution nette
de chaque facteur à l'explication de l'avortement provoqué au
Gabon ; le modèle d'analyse statistique choisie ici est la
régression logistique.
3-3-1. Justification du choix du modèle
Le choix de la régression logistique a
été fait en tenant compte de la nature des données
disponibles, de nos variables et des objectifs que nous nous sommes
fixés. En effet, compte de la nature de la variable dépendante
(issue de la grossesse : avortement ou non) qui est qualitative et
dichotomique, notre analyse répond au principe de la régression
logistique.
3-3-2. Présentation du Modèle de
régression logistique
Dans la régression logistique, on estime directement la
probabilité d'occurrence d'un événement (ici, le recours
à l'avortement provoqué). Le modèle de régression
logistique s'écrit :
Prob (événement) = 1 /1+e-z que l'on
peut écrire encore : Proba (événement) = ez / 1
+ ez avec
Z = P0 +P1X1 +P2X 2 +. . + PkX k
où
P0 est le terme indépendant exprimant le niveau moyen Z
pour toutes les observations ; Bj (j=1,. .k) sont des coefficients de
régression estimés à partir des données ;
Xj (j=1,. .k) désignent les variables indépendants
ou les variables explicatives.
Le signe de X1 indique le sens de relation qui existe entre la
variable j et la variable dépendante, mais l'interprétation de
ces coefficients se base sur les « odd ratio »
(rapport du risque relatif) est défini comme le rapport du
risque relatif d'une modalité donnée par le rapport du risque de
la modalité de référence.
On a : Proba (événement) = 1 - Proba
(non-événement). Ce qui donne l'équation suivante : odds =
Proba (événement)/ Proba (non-événement), donc
Odds = ez = P0 +I31X1 +?2X 2 +... + PkX k =
e?0 e?1X1 e?2X2... e?kXk
Ainsi, si la jème variable indépendante augmente
d'une unité, le << odds ratio >> change d'un facteur de
e?j. Dans le cas où la variable indépendante est
catégorielle, il faut avant de la dichotomiser selon les
modalités qui seront toutes introduites dans le modèle (sauf une
seule qui sera choisie comme modalité de référence).
La statistique << Modèle chi-square >> est
supérieure au seuil critique retenu (5% dans notre cas), on accepte le
modèle.
Les variables intermédiaires introduites dans le
modèle sont celles qui ont un effet significatif sur la pratique
abortive.
En ce qui concerne l'explication du recours à
l'avortement, 9 variables sont retenues. Il s'agit de l'âge des femmes,
leur statut matrimonial, la parité atteinte, le milieu de
résidence, l'ethnie, la religion, le niveau d'instruction, le niveau de
vie des ménages et l'occupation.
3-4. Construction de l'indicateur de Niveau de vie
L'indicateur de niveau de vie ici a été
construit à partir des caractéristiques de logement et de
confort. Les caractéristiques de logement choisis sont : le principal
matériau du sol, du toit et des murs, la source d'approvisionnement en
eau et le type de toilette utilisée. Les variables de confort ici sont :
la possession d'un téléviseur, d'un poste radio pour les
informations, l'usage de l'électricité comme source
d'énergie.
Après avoir identifier ces variables dans notre base,
nous les avons recodé et << binéarisé >>
ensuite nous avons utilisé la méthode d'ACP (analyse en
composante principale). Après exécution de ce programme, nous
avons dégagé les scores factoriels à partir de la matrice
des centiles. Ce sont ces centiles qui nous ont permis de définir les
niveaux de l'indicateur de niveau de vie à savoir : Niveau faible,
Niveau moyen et Niveau élevé.
Chapitre 4
Recherche des déterminants de l'avortement provoqué
|
Ce chapitre portera sur l'analyse des données. Dans un
premier temps, nous allons décrire les variations de l'avortement
provoqué au Gabon en fonction des facteurs socioéconomiques,
démographiques et socioculturelles des femmes ainsi que des variables
intermédiaires. Dans un second temps, nous évaluerons les effets
de la variation de ces facteurs sur la pratique de l'avortement en recourant
à l'analyse de la régression logistique.
4-1- Aspects différentiels de l'avortement
provoqué selon les facteurs socioéconomiques,
démographiques, socioculturels et les variables
intermédiaires.
Dans cette partie, nous tenterons de mettre en évidence
les différentes relations existantes entre la variable dépendante
(avortement provoqué) et les autres variables utilisées
(variables indépendantes et les variables intermédiaires). Pour
ce faire, nous croiserons chacune des variables de l'étude avec la
variable dépendante, en précisant la probabilité du
Khi-deux associée.
4-1-1. Variation selon les facteurs socioculturels.
Rappelons que les variables socioculturelles retenues pour notre
analyse sont l'ethnie, la religion et le milieu de résidence.
Variation selon l'ethnie.
La variable ethnie est significativement associée
à l'avortement (5%). Ainsi, nous constatons que parmi les femmes qui ont
pratiqués au moins une fois l'avortement provoqué au Gabon (15%),
la proportion des femmes du groupe ethnique Tsogo-okandé est la plus
élevé (86,4%), ensuite viennent les femmes d'ethnies Shira-punu
(61,6%), Kota-kélé (60,2%),
Mbédé-Téké (58,9%), Nzabi-duma (58,5%), Fang
(53,2%), Myene (43,8%) et pygmée (40%).
Okandé-tsogo
Nzabi-duma
Mbede-téké
Shira-punu
Kota-kélé
Pygmées
Myene
Fang
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Association entre l'avortement et l'ethnie de la
femme
13,6
38,4
40
Oui Non
41,1
39,8
41,5
43,8
46,8
53,2
56,3
58,5
58,9
60
60,2
61,6
86,4
L'ethnie Tsogo-okandé est beaucoup plus présente
dans les grands centres urbains (Libreville et Port-gentil), ce qui pourrait
expliquer le fait que ce soient elles qui recourent le plus à
l'avortement. En effet, celles-ci vivent la modernité qui est un facteur
de changement de mentalité et de comportement à l'égard de
la sexualité. Plusieurs auteurs ont d'ailleurs montré que
l'avortement se pratiquait plus en milieu urbain que rural.
Graphique 3 :
Variation selon la religion.
La religion est significativement associée à
l'avortement provoqué (5%). Les femmes musulmanes sont celles qui
pratiquent le plus l'avortement, avec une proportion de 82,4%. Par contre les
femmes issues d'autres religions chrétiennes (« églises de
réveil ») occupent le second rang avec 66,4%, les femmes sans
religion viennent à la troisième position avec 64,7%. Celles
issues des religions protestantes et catholiques viennent respectivement en
avant et dernière position avec des proportions de 61,5 et 55,7%. Quant
aux femmes sans religion, elles affichent la proportion la plus basse, 13,8%.
La proportion des femmes musulmanes ayant déjà avorté au
moins une fois est relativement importante (82,4%) et suscite des
interrogations. Ces femmes, très attachées à leurs valeurs
socio-culturelles rejettent sûrement l'usage des méthodes
contraceptives, préférant utiliser l'avortement comme moyen de
régulation de la fécondité.
Graphique 4 :
Autres chrétiennes
Sans religion
Musulmanes
Protestantes
Catholiques
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
17,6
Oui Non
33,6
35,3
38,5
44,3
61,5
55,7
64,7
66,4
82,4
Association entre l'avortement et la religion de la
femme
Urbain
Rural
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Association entre l'avortement et le milieu
de résidence
28,1
Oui Non
44,8
55,2
71,9
Variation selon le milieu de
résidence.
Le milieu de résidence est significativement
associé à la pratique de l'avortement au seuil de 1 %. Les femmes
qui résident en milieu rural pratiquent plus l'avortement (71,9%) que
leurs congénères du milieu urbain (55,2 %).
Cette répartition différentielle du recours
à l'avortement entre le milieu rural et urbain s'explique. L'avortement
a souvent été utilisé par certaines femmes comme moyen
d'espacement ou de limitation des naissances en l'absence de méthodes
contraceptives. Hors, la pratique contraceptive est généralement
plus élevée en milieu urbain qu'en milieu rural souvent
lié, soit à l'information et à l'offre contraceptive mieux
diffusées en ville, soit à la perception qu'ont parfois les
femmes de ces différentes méthodes. Ces inégalités
dans l'accès et l'utilisation des méthodes contraceptives
amènent les femmes qui vivent en milieu rural à pratiquer
l'avortement pour réguler leur fécondité.
Graphique 5 :
Secondaire et plus
Sans niveau
Association entre l'avortement et le niveau
d'instruction de la femme
Primaire
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
22
27,4
Oui Non
49,1
50,9
72,6
78
4-1-2. Variation selon les facteurs
socioéconomiques.
Les variables socioéconomiques retenues pour notre analyse
sont le niveau d'instruction, l'occupation et le niveau de vie des
ménages.
Variation selon le niveau d'instruction de la
femme.
En ce qui concerne l'instruction, nous remarquons que la
proportion des femmes qui pratiquent l'avortement diminue avec le niveau
d'instruction. Ainsi, on passe de 78% pour les femmes sans niveau à 72,6
% pour celles du niveau primaire et à 50,9 pour le secondaire ou plus.
Ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que les femmes
d'instruction élevée ont plus accès à la
contraception qui leur permet d'éviter les grossesses. Par ailleurs,
cette proportion élevée peut être l'effet de la
liberté d'expression dont jouissent les femmes instruites (du fait de la
scolarisation) pour qui il n'y a plus de sujet tabou, par rapport aux femmes
analphabètes plus réservées sur certaines questions. En
définitive, il y aurait un lien étroit entre la pratique de
l'avortement et le niveau d'instruction des femmes, comme le montre du reste le
test de khi-deux significatif au seuil de 1 %.
Graphique 6 :
Sans emploi/au foyer
Association entre l'avortement et l'occupation de
la femme
Travaille
A l'école
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Oui Non
31,6
35,9
47,2
52,8
64,1
68,4
Variation selon l'occupation de la femme.
La distribution par rapport à l'occupation
révèle que celles qui travaillent sont proportionnellement les
plus nombreuses à pratiquer l'avortement, avec un pourcentage de 68,4%.
Elles sont suivies de celles qui sont encore à l'école, les
femmes sans emploi ou au foyer présentent la proportion la plus faible
(52,8). Il existerait donc un lien étroit entre l'occupation de la femme
et l'avortement, comme confirme d'ailleurs le test du khi-deux significatif au
seuil de 1 %.
D'après ces résultats, les femmes qui
travaillent ont plus recours à l'avortement au Gabon que toutes les
autres (68,4%). Ce résultat s'explique par le fait que ces
dernières éprouvent d'énormes difficultés à
gérer l'activité économique et la charge d'un enfant, ce
qui les amène le plus souvent à avorter. Elles sont suivies de
celles encore à l'école qui préfèrent souvent
avorter pour ne pas interrompre leurs études. Les femmes sans emplois
viennent en dernière position, qui elles pratiquent l'avortement par
fautes de moyens matérielles permettant d'assumer la charge d'un
enfant.
Graphique 7 :
Niveau moyen
Niveau faible
Niveau élevé
Association entre l'avortement et le niveau de vie
du ménage
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Oui Non
29,8
42,7
46,7
53,3
57,3
70,2
Variation selon le niveau de vie du
ménage.
La variable niveau de vie est significativement
associée à la pratique de l'avortement au seuil de 1 %. Les
femmes de niveau de vie faible pratiquent plus l'avortement (70,2%) que celles
de niveau moyen (57,3%) et élevé (53,3). Nous constatons ici que,
la pratique de l'avortement est fonction du niveau de vie ; plus une femme est
pauvre plus elle a tendance à avorter.
L'une des raisons fréquemment citée
d'après Monique BARRERE (EDS Gabon 2000) pour justifier l'avortement
provoqué au Gabon été le manque de moyens matériels
et financiers pour assumer la charge d'un enfant (32,5%). Ces analyses
confortent ce point de vue, car les femmes dont les ménages sont pauvres
avortent le plus (36,2%). Aussi, les femmes de niveau de vie faible, par manque
de moyens financiers, éprouvent d'énormes difficultés
à se procurer une méthode fiable de contraception pouvant leur
permettre d'éviter les grossesses imprévues.
Graphique 8 :
4-1-3. Variation selon les facteurs
sociodémographiques.
Les variables socioéconomiques qui ont été
retenues pour notre analyse sont le statut matrimonial de la femme, son
âge au moment de l'enquête et sa parité atteinte de vie.
Variation selon le statut matrimonial.
La distribution par rapport à l'état matrimonial
montre que c'est parmi les femmes mariées que la proportion des femmes
ayant déjà avorter est la plus élevée (66,4%).
Viennent ensuite les femmes célibataires (57,7 %) et les
divorcées ou veuves (43,7). Ce résultat me paraît
surprenant, car on se serait attendu que les femmes célibataires
enregistrent la proportion la plus élevée, si on pouvait
vérifier l'antériorité des faits, on aurait sûrement
remarqué que celles-ci ont avorté (âge moyen au premier
avortement est de 22,83 ans) avant de se marier (âge moyen à la
première union est de 25,5 ans). Il est également à noter
que les femmes mariées ont tendance à recourir à
l'avortement pour espacer les naissances ou limiter la taille de leur famille
(Mundigo and Shah, 1999). Les femmes célibataires
(57,7%) quant à elles, préfèrent souvent avorter pour ne
pas être soumises aux contraintes sociales d'une grossesse
prénuptiale et aux difficultés financières d'assumer seule
la charge d'un enfant.
Le test de khi-deux est significatif au seuil de 1 %.
Le fait que ce soit les femmes mariées qui recourent le
plus à l'avortement (71,7%) peut s'expliquer par le fait qu'étant
mariées, elles ne prennent plus de précautions quant à
l'utilisation de la contraception, s'exposant ainsi aux grossesses non
désirées qu'elles sont parfois obligées d'expulser. Les
femmes divorcées ou veuves préfèrent souvent limiter leurs
naissances fautes d'être rejetées par leurs familles
(société) parce qu'elles auraient fait des enfants ayant
différents pères.
Graphique 9 :
divorcées/veuves
Célibataires
Mariées
Association entre l'avortement et le
statut matrimonial de la femme
0 10 20 30 40 50 60 70
Oui Non
33,6
42,3
43,7
56,3
57,7
66,4
Variation selon la parité de la femme.
Cette variable n'est pas significativement associée
à l'avortement. En d'autres termes, il n'existe pas de comportement
différentiel de l'avortement entre les femmes de parités
différentes. Cela pourrait s'expliquer par la faible
fécondité des gabonaises, dû pour la plupart à la
stérilité pathologique.
Variation selon l'âge de la femme au moment de
l'enquête.
La répartition des femmes selon l'avortement et
l'âge montre que la proportion des femmes qui ont déjà
pratiqué l'avortement est la plus élevée entre 35-49 ans
(75,1%), ensuite viennent respectivement celles de 25-34 (59,2%) et de 15- 24
ans (53%).
Les femmes en fin de vie féconde (35-49 ans) avortent le
plus souvent pour limiter leur descendance ou pour des problèmes de
santé, car à cet âge des problèmes
gynécologiques sont
assez récurrentes. L'âge de la femme est
significativement associé la pratique de l'avortement au seuil de 1
%.
Graphique 10 :
25- 34 ans
35-49 ans
15-24 ans
Association entre l'avortement et l'âge de la
femme au moment de l'enquête
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Oui Non
24,9
40,8
47
53
59,2
75,
Les variables socioéconomiques retenues pour notre analyse
sont le niveau d'instruction, l'occupation et le niveau de vie des
ménages.
4-1-4. Variation selon la variable intermédiaire.
Variation selon l'utilisation des méthodes contraceptives.
La variable utilisation des méthodes contraceptives est
significativement associée à la pratique de l'avortement au seuil
de 1%. 28,8% de femmes ayant recouru à l'avortement n'ont pas
utilisé les méthodes contraceptives contre 52 % de celles qui ont
utilisée. Ce résultat apparaît surprenant dans la mesure
où les femmes devraient utiliser les méthodes contraceptives pour
éviter les grossesses imprévues et partant des avortements. On
pourrait donc affirmer que les méthodes utilisées ne sont pas
fiables ou sont mal utilisées d'où leurs échecs.
Graphique 11 :
n'utilise pas
Utilise
Association entre l'avortement et l'utilisation
des méthodes contraceptives
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Oui Non
28,8
43
57
71,2
4-2-2. Facteurs de l'avortement provoqué au
Gabon
Dans cette section, nous allons, à l'aide de la
régression logistique tester un modèle progressif qui consiste
à introduire les variables selon la logique de notre cadre d'analyse.
Nous allons d'une part, prendre séparément chaque variable de
notre étude dans le modèle pour identifier celles qui ont un
effet brut sur l'avortement, ensuite nous introduirons pas à pas chacun
des groupes de variables pour voir les effets nets et déterminer les
facteurs susceptibles d'expliquer ce phénomène.
Effets Bruts
Nous avons introduit une à une les variables pour mieux
voir les effets bruts, nous remarquons que les résultats obtenus sont
proches de ceux des tableaux croisés.
Parmi les variables sociodémographiques, seules les
variables âge de la femme à l'enquête et statut matrimonial
de la femme ont des probabilités significativement associées au
khi-deux, ce, au seuil de 1%.
Au Gabon, les femmes pratiquent certes l'avortement à
tous âges, mais ce sont celles âgées de 35-49 ans et
25-34 ans qui le pratiquent le plus. En effet, ces dernières
courent respectivement 2,673 et 1,28 fois plus de risques à pratiquer
l'avortement que celles de 15-24
ans. Ces résultats confirment ceux des tableaux
croisés et montrent bien que l'avortement au Gabon se pratique plus en
fin de vie féconde (35-49ans) pour limiter la descendance ou la taille
de la famille.
Le recours à l'avortement est également
lié au statut matrimonial, ainsi, les femmes célibataires et
veuves/divorcées courent respectivement 37% et 65% fois moins de risques
d'avorter que celles qui sont mariées. Ce résultat confirme
également celui de l'analyse descriptive. Les femmes célibataires
quant à elles, sont soumises à une contrainte sociale, les
grossesses hors mariages sont parfois mal acceptées par la famille et la
société, l'accès à la contraception reste difficile
pour celles-ci en particulier lorsqu'elles sont jeunes. La seule issue pour
elles devient l'expulsion du foetus.
Les variables socioculturelles influencent aussi l'avortement
provoqué au Gabon. L'ethnie prise seule dans le modèle a une
probabilité associée au khi-deux significative au seuil de 1%.
Cette variable comporte seulement quatre modalités significatives, les
femmes issues des groupes ethniques Myènè, Fang, Pygmée et
Tsogo-okandé. Les trois premiers groupes courent respectivement 49%, 71%
et 42% fois moins de risques de recourir à l'avortement que les femmes
Shira-punu-vili. Les femmes Tsogo-okandé courent elles 3,95 fois plus de
risques d'avorter que celles d'ethnie Shira-punu-vili.
La religion dans le modèle a un effet brut significatif
au seuil de 1%. Les femmes musulmanes courent 3,706 fois plus de risques de
recourir à l'avortement provoqué que leurs homologues
catholiques. Celles d'autres religions chrétiennes et sans religions en
courent quant à elles 1,57 et 1,45 fois plus.
Le milieu de résidence a une probabilité
associée au khi-deux significative au seuil de 1%. Les femmes
résidantes en milieu rural courent 2,075 fois plus le risque d'avorter
que celles qui résident en milieu urbain. Ces résultats
confirment celles de l'analyse descriptive.
Les facteurs socioéconomiques pris une à une dans
le modèle expliquent le recours à l'avortement au seuil de 1%.
Les femmes du niveau primaire courent 2,553 fois plus le risque
d'avorter que les femmes du niveau secondaire/supérieur, celles sans
niveau en courent 3,43 fois plus.
Les femmes de niveau de vie faible courent 0,568 fois moins le
risque de recourir à l'avortement que celles de niveau moyen. La
modalité niveau de vie élevé est non significative.
Les femmes qui travaillent courent 52% fois moins de risque de
recourir à l'avortement que celles sans emploi et au foyer.
La variable intermédiaire utilisation de méthodes
contraceptives prise seule dans le modèle a une probabilité
associée au khi-deux significative au seuil de 1%.
Les femmes qui utilisent ces méthodes courent 3,28 fois
plus de risques d'avorter que celles qui n'en utilisent pas.
Effets Nets
Il s'agira ici d'introduire nos trois groupes de variables
utilisées (variables sociodémographiques, socioculturelles et
socioéconomiques) ainsi que la variable intermédiaire
(utilisation des méthodes contraceptives) conformément à
notre schéma d'analyse pour mettre en évidence les effets nets de
nos quatre modèles et d'identifier celles qui peuvent expliquer le
phénomène étudié.
Modèle 1 :
Le premier groupe de variables introduites dans le
modèle est constitué du groupe d'âge des femmes à
l'enquête, de la parité atteinte et du statut matrimonial. Il
ressort des résultats que seules deux variables parmi les trois agissent
intégralement sur le recours à l'avortement provoqué au
Gabon, la parité n'a que deux modalités significatives. Le
pouvoir prédictif dans le modèle est de 64,0% et le test de
khi-deux associé est significatif au seuil de 1%.
En ce qui concerne l'âge de la femme au moment de
l'enquête, nous remarquons d'après le modèle que les femmes
âgées de 35-49 ans et 25-34ans courent respectivement 1,36 et 3,32
fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui en ont 15-24
ans.
Les femmes célibataires et
divorcées/veuves/séparées ont respectivement 0,384 et
0,599 fois moins de risques de recourir à l'avortement que celles qui
sont mariées. Ce qui confirme non seulement le résultat au niveau
descriptif mais aussi l'effet brut.
Les femmes sans enfants courent 1,95 fois plus de risque de
recourir à l'avortement que celles qui en ont 1 à 4. Alors que
les femmes de parité moyenne (5-9 enfants) courent elles 701% des
risques d'en recourir.
Modèle 2 :
Dans le second modèle, nous avons introduit le groupe
d'âge des femmes à l'enquête, la parité atteinte, le
statut matrimonial de la femme, son ethnie, sa religion, et son milieu de
résidence. Le test de khi deux associé reste significatif au
seuil de 1% et le pouvoir prédictif du modèle est de 63,2%.
L'introduction des variables socioculturels (ethnie, religion, milieu de
résidence) n'influence pas la significativité des variables
sociodémographiques (variables de contrôle). Seule la variable
milieu de résidence est significative parmi celles nouvellement
introduites dans le modèle. Il a donc été constaté
que les femmes du milieu rural curent 1,759 fois plus de risques d'avorter que
celles résidants en milieu urbain.
Deux modalités seulement de la variable ethnie sont
significatives, à savoir les ethnies Tsogookandé et
Pygmée, les femmes d'ethnie Tsogo-okandé courent 2,81 fois plus
de risques de recourir à l'avortement que celles d'ethnies
Shira-punu-vili, celles issues d'ethnie pygmée en courent quant à
elles 44 % fois moins.
Les femmes qui résident en milieu rural courent 1,76 fois
plus de risques d'en recourir que celles résidants en milieu urbain
Modèle 3 :
Dans ce troisième modèle, on a ajouté aux
variables sociodémographiques et socioculturelles, les variables
socioéconomiques (niveau d'instruction de la femme, son occupation et le
niveau de vie du ménage dont elle est issue). Le test de khi deux
associé reste significatif au seuil de 1% et le pouvoir prédictif
augmente de 3,4 %.
Les variables groupes d'âges et statut matrimonial de la
femme sont seules significatives ici. Les femmes âgées de 35-49
ans et 25-34 ans courent respectivement 1,42 et 2,26 fois plus de risques de
recourir à l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.
Selon la parité, les femmes sans enfants courent 2,41 fois plus de
risques d'avorter que celles ayant 1-4 enfants.
Les femmes célibataires et
divorcées/veuves/séparées courent quant à elles,
respectivement 0,59 et 0,62 fois moins que celles qui sont mariées.
Le milieu de résidence comme variable socioculturel perd
sa « significativité ».
Parmi les variables socioéconomiques introduites, seules
le niveau d'instruction et l'occupation de la femme ont chacune une
modalité significative.
Ainsi, les femmes de niveau primaire courent 2,34 fois plus de
risques d'avorter que celles du niveau secondaire/supérieur. Elles ont
plus accès aux méthodes de contraception, car ayant plus de
moyens de s'en informer et de s'en procurer pour éviter les grossesses
non désirées et l'avortement.
S'en est de même pour celles qui ont un emploi. Elles
courent 65% fois moins de risques de pratiquer l'avortement que celles qui n'en
ont pas.
Modèle 4 :
Le dernier modèle montre l'image générale
du modèle de régression que nous avons choisi pour expliquer le
phénomène étudié. Les variables introduites dans le
modèle sont : le groupe d'âge des femmes à l'enquête,
la parité de la femme, son statut matrimonial (variables
sociodémographiques), l'ethnie dont elle issue, sa religion, le milieu
de résidence (variables socioculturelles), le niveau d'instruction,
l'occupation de la femme, le niveau de vie du ménage (variables
socioéconomiques) dont elle est issue et l'utilisation des
méthodes contraceptives (variable intermédiaire). Ces variables
ont un pouvoir prédictif de 68,2 % dans le modèle et la
probabilité du khi-deux est significative au seuil de 1%. Les
modalités des variables suivantes ne sont pas significatives : la
religion, le milieu de résidence et le niveau de vie des
ménages.
Parmi celles qui sont significatives, nous remarquons que les
femmes de 25-34ans courent 1,97 fois plus de risques de recourir à
l'avortement que celles âgées de 15-24 ans.
Les femmes sans enfants courent 2,24 fois plus de risques
d'avorter que celles ayant 1 à 4 enfants.
Les femmes célibataires et
veuves/divorcées/séparées courent respectivement 62% et
69% fois plus de risques de pratiquer l'avortement que celles qui sont
mariées.
En ce qui concerne de l'ethnie, seule la modalité
ethnique OKandé-Tsogo est significative et les femmes qui en sont issues
courent 2,47 fois plus de risques de recourir à l'avortement que les
femmes d'ethnies Shira-punu-vili.
Selon le niveau d'instruction, les femmes du niveau primaire
courent 1,97 fois plus de risques de recourir à l'avortement que celles
de niveau secondaire et plus. Les gabonaises cétéris
paribus qui ont un emploi courent 0,629 fois moins de risques de pratiquer
l'avortement que celles qui n'en ont pas.
En ce qui concerne l'utilisation des méthodes
contraceptives, les femmes qui en utilisent courent 2,28 fois plus de chances
d'avorter que celles qui n'en utilisent pas. Ce résultat cadre avec
celui d'Edwige OYE NDONG (EDS 2000) que 19% de l'ensemble des femmes gabonaises
ont des besoins non satisfaits en matière de contraception, dont la
plupart (14%) pour espacer les naissances. Ainsi, les gabonaises recourent
à l'avortement en cas d'échec d'une des méthodes
contraceptives utilisée.
Tableau 3 : effets Brut et Net des variables
d'étude sur l'avortement.
Variables
|
Effets Bruts
|
Modèle 1
|
Modèle 2
|
Modèle 3
|
Modèle 4
|
Groupes d'âge des femmes
|
|
|
|
|
|
15-24
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
25-34
|
1,287*
|
1,363*
|
1,553*
|
1,421*
|
1,973*
|
35-49
|
2,673***
|
3,319***
|
3,061***
|
2,260***
|
1,371 ns
|
Probabilité de khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Parité de la femme
|
|
|
|
|
|
Pas d'enfant
|
1,299 ns
|
1,958***
|
2,418***
|
2,405***
|
2,240***
|
1-4 enfants
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
5-9 enfants
|
1,398*
|
0,700*
|
0,534 ns
|
0,771
|
0,786 ns
|
10 enfants et plus
|
1,111
|
0,396 ns
|
0,838 ns
|
0,589 ns
|
0,654 ns
|
Probabilité de khi deux
|
ns
|
|
|
|
|
Statut matrimonial
|
|
|
|
|
|
Célibataire
|
0,370 ***
|
0,384***
|
0,525 **
|
0,586 *
|
0,620 *
|
Mariée
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Divorcé/veuve/séparée
|
0,651*
|
0,599***
|
0,679*
|
0,641*
|
0,692*
|
Probabilité de khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Ethnie
|
|
|
|
|
|
Fang
|
0,709*
|
|
0,870 ns
|
0,818 ns
|
0,775 ns
|
Kota-kélé
|
0,945 ns
|
|
1,017 ns
|
0,817 ns
|
0,747 ns
|
Mbédé-Téké
|
0,893 ns
|
|
1,050 ns
|
0,956 ns
|
0,868 ns
|
Myenè
|
0,485*
|
|
0,691 ns
|
0,725 ns
|
0,802 ns
|
Nziébi-Duma
|
0,878 ns
|
|
0,913 ns
|
0,795 ns
|
0,767 ns
|
Tsogo-Okandé
|
3,945***
|
|
2,807*
|
2,517*
|
2,469*
|
Shira-punu-vili
|
Réf.
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Pygmées.
|
0,416*
|
|
0,435*
|
0,403 ns
|
0,402 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Religion
|
|
|
|
|
|
Catholique
|
Réf.
|
|
0,503 ns
|
Réf.
|
Réf.
|
Protestant
|
1,271 ns
|
|
1,185 ns
|
1,107 ns
|
1,043 ns
|
Musulman
|
3,706**
|
|
1,990 ns
|
0,505 ns
|
1,827 ns
|
Autres chrétiens
|
1,571*
|
|
1,353 ns
|
1,202 ns
|
1,164 ns
|
Sans religion
|
1,453*
|
|
1,177 ns
|
0,954 ns
|
0,933 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Milieu de résidence
|
|
|
|
|
|
Urbain
|
Réf.
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Réf.
|
Rural
|
2,075***
|
|
1,759***
|
1,108 ns
|
1,078 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Niveau d'instruction
Sans niveau
Primaire Secondaire/supérieur
Probabilité au khi deux
|
3,427** 2,553*** Réf.
0.000
|
|
|
1,543 ns 2,342*** Réf.
|
1,100 ns 1,975*** Réf.
|
Occupation de la femme
|
0,625 ns
|
|
|
0,659 ns
|
0,651 ns
|
A l'école
|
0,515***
|
|
|
0,649*
|
0,629***
|
Travaille
|
Réf.
|
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Sans emploi/au foyer
|
|
|
|
|
|
|
0.000
|
|
|
|
|
Probabilité au khi deux
|
|
|
|
|
|
Niveau de vie
|
|
|
|
|
|
Faible
|
0,568***
|
|
|
0,727 ns
|
0,821 ns
|
Moyen
|
Réf.
|
|
|
Réf.
|
Réf.
|
Elevé
|
1,174 ns
|
|
|
1,002 ns
|
1,063 ns
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Utilisation des méthodes
contraceptives
|
|
|
|
|
|
Utilise
|
3,273***
|
|
|
|
|
N'utilise pas
|
Réf.
|
|
|
|
2,283***
|
|
|
|
|
|
Réf.
|
Probabilité au khi deux
|
0.000
|
|
|
|
|
Probabilité associée au khi deux
|
|
0,000
|
0,000
|
0,000
|
0,000
|
Pouvoir prédictif
|
|
64,0
|
63,4
|
66,8
|
68,2
|
***= Significatif au seuil de 1%
|
**= Significatif au seuil de 5%
|
*= Significatif au seuil de 10% ns= Non significatif
|
Réf= Modalité de référence
|
VUE D'ENSEMBLE
Les résultats enregistrés montrent que les
facteurs sociodémographiques ont une influence beaucoup plus importante
sur l'avortement que les facteurs socioculturels et socioéconomiques au
Gabon. Cet état de choses s'explique, car en Afrique, l'avortement
touche toutes les femmes quel que soit leur âge, leur parité, ou
leur situation matrimoniale (Gastineau, 2002). Au Gabon,
d'après cette étude, la pratique de l'avortement s'avère
plus fréquente chez les femmes de 25-34 ans qui ont une parité
nulle, qui sont mariées, d'ethnie Tsogo-okandé, qui ont un niveau
d'instruction primaire, qui sont sans emploi/au foyer et qui utilisent les
méthodes contraceptives. Un constat se dégage à partir de
ces résultats ; au Gabon, l'âge moyen au premier mariage chez la
femme se situe bel et bien entre 25 et 34 ans, il est de 27,8 ans
(Mouvagha-Sow M.). Ce qui confirme le résultat selon
lequel qu'au Gabon ce sont les femmes mariées qui avortent le plus. En
effet, ces dernières ont d'énormes besoins en planification
familiale soit pour espacer les naissances ou alors pour les limiter.
D'après l'EDS 2000, 7% des naissances survenues au moment de
l'enquête n'était pas souhaitées et que près d'une
femme sur cinq a des besoins non satisfaits en matière de contraception.
Ce motif a d'ailleurs été évoqué par 55% de femmes
à Yaoundé et Douala (Ngwé et al. 2005).
Il a aussi été fréquemment cité par les
femmes dans un article sur les raisons de l'avortement dans différents
pays d'Asie, d'Afrique sub-saharienne, d'Amérique latine et dans quatre
pays développés (A. Bankole et al. 1998). Les
résultats multivariées montrent également sur le plan
sociodémographique que ce sont les gabonaises qui ont une parité
nulle qui avortent le plus. Les raisons économiques (manque d'argent
pour subvenir aux besoin d'un enfant) peuvent être évoqués
pour justifier cet état de fait, nous pouvons également
mentionner la condamnation sociale d'une grossesse prénuptiale si
celle-ci n'est pas mariée, une relation instable avec un partenaire, un
échec de contraception, être trop jeune pour en avoir, enfin ne
pas aimer le père de l'enfant.
Sur le plan socioculturel, les femmes d'ethnie
Tsogo-okandé sont celles qui recours le plus aux avortements au Gabon.
Ce groupe ethnique que l'on retrouve pour la plupart dans les grandes villes
(Port-gentil, Libreville) vit la modernité qui est un facteur de
changement de mentalité et de comportement à l'égard de la
sexualité. Avoir un enfant pour certaines d'entre elles est un motif de
vieillissement, pour préserver leur jeunesse et leur beauté elles
préfèrent souvent en cas d'échec ou de
méconnaissance d'une méthode contraceptive recourir à
l'avortement.
Sur le plan socioéconomique, ce sont les femmes qui ont
un niveau d'instruction primaire et celles sans emplois qui recourent le plus
à l'avortement. Les femmes de niveau d'instruction primaire ont des
difficultés de connaissance et d'utilisation des méthodes
contraceptives et même de leurs accès, vu leur faible niveau
d'étude. Pour pallier à ces manquement elles recourent sans
hésitations à l'avortement en cas de grossesse non
désirée et ce dans leur majorité de façon
clandestine. Celles sans emploi, fautes de moyens financiers ou
d'instabilité avec le conjoint pratiquent l'avortement en cas de
grossesse non désirée.
Conclusion générale et recommandations
|
L'avortement provoqué est un sérieux
problème de santé publique que les gouvernements des pays en voie
de développement veulent combattre avec l'appui des organismes
internationaux.
L'enquête démographique et de santé de
2000 a montré que ce phénomène n'est pas marginal au
Gabon, elle a estimé à 15% la proportion des femmes de 15
à 49 ans qui ont avorté au moins une fois au cours de leur vie et
à 8% celle qui ont avorté au moins une fois depuis 1995
(Barrère, 2000).
Peu d'études ont porté sur le
phénomène, en raison du manque de données lié
sûrement à son caractère illégal. Parmi celles
disponibles, très peu se sont véritablement
intéressées aux facteurs susceptibles d'expliquer le recours
à cette pratique. En entreprenant cette étude, notre objectif
était de chercher à identifier ces facteurs.
Le premier chapitre a décrit le contexte
général de l'étude, permettant ainsi de présenter
l'environnement socioéconomique et sanitaire du pays d'étude
ainsi que certaines caractéristiques démographiques importantes.
Ce chapitre a également permis d'examiner le cadre institutionnel et
juridique de l'avortement au Gabon.
L'objet du chapitre 2 était de passer en revue la
littérature sur le sujet. Nous nous sommes intéressé aux
différentes approches explicatives de l'avortement en Afrique, à
l'évolution de la législation en la matière et aux
débats idéologiques y afférents. Cette revue de la
littérature nous a permis d'identifier les différentes variables
susceptibles d'expliquer l'avortement. Nous avons pu dégager par la
suite notre hypothèse centrale, et les hypothèses
spécifiques en découlant. Ainsi, cette étude repose de
façon générale sur l'hypothèse selon laquelle
l'avortement dépend des facteurs socioculturels, de la pratique
contraceptive et des caractéristiques individuelles de la femme.
Le troisième chapitre était consacré
à la présentation des sources de données utilisées,
à l'évaluation de la qualité des données
utilisées pour notre étude et à la présentation de
la méthode d'analyse appliquée.
Les données utilisées pour notre étude sont
issues de la première Enquête Démographique et de
Santé du Gabon réalisée en l'an 2000.
Le quatrième chapitre était réservé
à l'analyse des données, Celle-ci a été
effectuée en deux phases : d'abord une analyse descriptive et ensuite
une analyse explicative.
Les principaux résultats issus des analyses
bivariées descriptives sont les suivants :
- Au Gabon, environ une femme sur cinq (15 %) a au moins recouru
une fois à l'avortement provoqué.
- Sur le plan sociodémographique, les femmes qui
pratiquent l'IVG sont celles qui ont entre 35-49 ans (adultes) et
mariées.
- Sur le plan socioculturel, les résultats montrent que
ce sont les femmes de religion musulmane, issues du groupe ethnique
Tsogo-okandé, résidant en milieu rural qui ont beaucoup plus
recourues à l'avortement.
- Sur le plan socioéconomique, il apparaît que
les femmes qui recourent le plus à l'avortement au Gabon font parties
des ménages de niveau de vie faible, elles sont sans niveau
d'instruction ; leur principale occupation est le travail salarial.
- Sur le plan institutionnel, les femmes qui recourent le plus
à l'avortement sont celles qui utilisent les méthodes
contraceptives. Cet état de choses peut s'expliquer. En effet, ces
femmes peuvent mal utiliser ces méthodes ou encore que ces
méthodes peuvent s'avérer inefficaces.
En ce qui concerne l'analyse explicative, nous avons eu
recours à la régression logistique, qui nous a permis de
dégager l'influence des facteurs qui influencent l'avortement
provoqué au Gabon.
Au terme de cette analyse, il apparaît que les
influences des facteurs sociodémographiques et sociéconomiques
sont plus importantes sur l'avortement que celle des facteurs socioculturels.
Cela pourrait s'expliquer par le fait que la population gabonaise est fortement
urbanisée (environs quatre personnes sur cinq vivent en ville) et la
ville étant un facteur de changement de comportement et d'attitudes
vis-à-vis de la culture traditionnel, certaines femmes ont tendance
délaisser « la coutume ancestrale» pour se tourner vers la
modernité.
Les hypothèses suivantes ont été
vérifiées :
- L'âge de la femme, son statut matrimonial et sa
parité expliquent l'avortement
provoqué au Gabon.
- Le niveau d'instruction et l'occupation de la femme expliquent
l'avortement au Gabon.
- La pratique contraceptive explique l'avortement chez les femmes
gabonaises.
Celles relatives aux variables socioculturelles et à la
variable socioéconomique niveau de vie du ménage ont
été infirmées. Il est apparu en effet que le niveau de vie
du ménage n'explique pas l'avortement au Gabon, ainsi que l'ethnie, la
religion et le milieu de résidence. Par contre l'âge de la femme,
son statut matrimonial, sa parité, son niveau d'instruction, son
occupation et la pratique contraceptive sont les déterminants de
l'avortement provoqué au Gabon.
Ce travail a donc permis d'identifier les facteurs qui expliquent
l'avortement provoqué au Gabon.
Les résultats auxquels cette étude aboutit
permettent de formuler les recommandations suivantes :
1 ° pour réduire la prévalence de
l'avortement et ses effets néfastes, les pouvoirs publics devront
renforcer les activités et programmes dans le domaine de la santé
de la reproduction en mettant un accent sur les risques associés aux
avortements clandestins, ainsi que sur la prise en charge des avortements.
2° Etant donné la faible prise de conscience de la
population quant aux conséquences néfastes de l'avortement, les
pouvoirs publics et les ONG doivent intensifier les campagnes de
sensibilisation sur les normes et les valeurs de la sexualité et de la
procréation, en particulier sur les aspects sanitaires et juridiques de
l'avortement.
3° Il faudrait par ailleurs renforcer l'offre de services
en santé de la reproduction, notamment les services obstétricaux
et les services de la contraception. A cet effet, il faudrait renforcer le
plateau technique des centres de santé pour améliorer leur
capacité de prise en charge des cas d'avortement, aussi bien en ville
que dans les zones rurales.
4° Pour atténuer les conséquences
liées à la prise en charge insuffisante des complications
des suites d'un avortement, le ministère de la santé publique
devrait accroître le nombre des personnels médicaux
qualifiés pour la prise en charge des avortements et renforcer les
capacités du personnel existant. Pour la prise en charge,
le diagnostic des avortements clandestins afin de réduire l'aggravation
des complications chez les patientes déclarées.
5° Il convient de renforcer les activités de
plaidoyer en direction des autorités en vue de l'amélioration des
conditions de prise en charge des cas d'avortement. Il faut aussi intensifier
l'information et l'éducation de la population, femmes et hommes, jeunes
et moins jeunes, sur les dangers liés à l'avortement et en
particulier à l'avortement clandestin.
Les recherches sur les problèmes d'avortement doivent
s'intensifier, les études sur la question ont été le plus
souvent menées dans les villes (en milieu hospitalier) et ne sont pour
la plupart du temps que le reflet de la situation réelle.
Pour fournir une meilleure estimation des niveaux d'avortement
lors des prochaines études, nous suggérons :
Qu'il soit réaliser auprès d'une même
population, plusieurs enquêtes reposant sur différentes
méthodologies (enquêtes qualitatives, quantitatives, sur les
complications...) utilisant différentes terminologies, abordant cette
question dans différentes parties du questionnaire... et en utilisant
aussi des statistiques sanitaires.
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ANNEXES
Tableau 2 : Variation différentielle de
l'avortement selon les variables de l'étude.
Variables
|
AVORTEMENT PROVOQUE
|
Ethnie Fang
Myenè Kota-kélé
Tsogo-0kandé Shira-punu-vili Nziébi-Duma
Mbédé-Téké Pygmées-autres
|
OUI
|
NON
|
Effectifs
|
Probabilité
Associée au Khi 2
|
53,2 43,8 60,2 86,4 61,6 58,5 58,9 40,0
|
46,8 56,3 39,8 13,6 25,5 41,5 41,1 60,0
|
280
32 83 44 250
106
90 20
|
0,001
|
Religion
Catholique Protestant Musulman Autres chrétiens
Sans religion
|
55,7 61,5 82,4 66,4 64,7
|
44,3 38,5 17,6 33,6 35,3
|
549 182 34
134 133
|
0.005
|
Niveau d'instruction Sans niveau
Primaire Secondaire-superieur
|
78,0 72,6 50,9
|
22,0
27,4
49,1
|
41
394 599
|
0.000
|
Milieu de résidence Urbain
Rural
|
55,2 71,9
|
44,8 28,1
|
721 313
|
0.000
|
Occupation de la femme A l'école
Travaille
Sans emploi/au foyer
|
64,1 68,4 52,8
|
35,9 31,6 47,2
|
39
469 525
|
0.000
|
Niveau de vie Faible
Moyen
élevé
|
70,2 57,3 53,3
|
29,8 42,7 46,7
|
299 337 332
|
0.000
|
Statut matrimonial Célibataire
Mariée Divorcé/veuve/mariée
|
42,3 66,4 56,3
|
57,7 33,6 43,7
|
194 673 167
|
0.000
|
Variables
|
AVORTEMENT PROVOQUE
|
Utilisation des méthodes
contraceptives
Utilise N'utilise pas
|
OUI
|
NON
|
Effectifs
|
Statistique de Khi 2
|
71,2 43,0
|
28,8 55,7
|
632 402
|
0.000
|
Parité de la femme
Pas d'enfant 1-4 enfants 5-9 enfants 10 enfants et plus
|
63,7 57,4 65,4 60,0
|
36,3 42,6 34,6 40,0
|
201 618 205 10
|
0.154
|
Groupes d'âge des femmes
15-24 25-34 35-49
|
53,0 59,2 75,1
|
47,0 40,8 24,9
|
396 417 221
|
0.000
|
|