Université Catholique d'Afrique Centrale
Institut Catholique de Yaoundé
Faculté de Sciences Sociales et de Gestion
Association pour la Promotion des Droits de l'Homme en Afrique
Centrale (APDHAC)
Master I en Droits de l'Homme et Action
Humanitaire
Cours : Démocratie et
Gouvernance
Enseignant : Docteur Claude-Ernest
KIAMBA
Année 2007-2008
Plan du cours
Introduction
I. La problématique de la démocratie en
Afrique : les États entre crise et refondation
1. Mobilisations multisectorielles et crise des régimes
autoritaristes africains
2. La démocratisation, une condition pour l'octroi de
l'aide au développement
3. Nécessité de réforme des institutions
étatiques
II. Les usages multiples du concept de gouvernance
1. Gouvernance et légitimité politique en
Afrique
2. Gouvernance et restructuration des économies en
Afrique
III. Gouvernance, État et Société en
Afrique
1. La société civile et la co-gouvernance des
politiques publiques
2. Gouvernance, corruption et pauvreté en Afrique
3. Gouvernance, État de droit et
décentralisation en Afrique
Conclusion
Introduction
Certains analystes des mutations politiques africaines ont
déclaré que « l'Afrique n'est pas mûre pour la
démocratie » ou qu'elle devrait s'y organiser
« autrement ». Après une évaluation critique
des démocraties africaines ou de la démocratie en
Afrique, ainsi qu'un examen des évolutions constitutionnelles en
cours, l'enseignement pose la problématique centrale de la gouvernance
de l'État en Afrique dans une dynamique de démocratisation. Le
droit à la démocratie et le droit à une bonne gestion des
affaires publiques sont ici largement questionnés. Une approche
comparative des « chantiers de la gouvernance » en Afrique
est une exigence pour mieux comprendre les évolutions politiques et
sociales actuelles.
La bonne gouvernance est une des conditions du
développement durable. Elle permet de réaliser les objectifs
principaux d'une société libre et prospère, à
savoir la justice sociale et la transparence dans le cadre de la gestion des
affaires publiques. Il est indispensable que la bonne gouvernance s'appuie sur
le consentement et la participation des gouvernés et la participation
pleine et durable de tous les citoyens à la construction de l'avenir
d'un pays. Aussi la bonne gouvernance et la démocratie sont-elles
indissolublement liées.
Les principes de bonne gouvernance et de démocratie ne
devraient pas se limiter à des déclarations de bonnes intentions,
car pour les bailleurs de fonds la bonne gouvernance et la démocratie
constituent des conditionnalités, sans lesquelles aucune aide au
développement ne saurait être possible. Face aux
critiques adressées contre la rigueur destructrice des programmes
d'ajustement structurels, la Banque mondiale a lancé, dans le rapport
Berg en 1989 le nouveau credo à l'aune duquel les bailleurs de fonds
entendaient, désormais, jauger les performances des États
bénéficiaires de leur assistance. Lorsque furent
enclenchés, dans les années 90, un peu partout en Afrique les
processus de démocratisation, les bailleurs des fonds avaient
pensé qu'il ne pourrait avoir de développement durable, sans une
réelle volonté politique de mise en oeuvre des réformes
institutionnelles et d'assainissement des économies. La bonne
gouvernance et la démocratisation devenaient ainsi les
déterminants majeurs de la construction des États.
Beaucoup de dirigeants africains ont pris ces nouvelles
exigences au sérieux. Ils se sont inscrits spontanément, voire
hâtivement, dans les schémas ainsi prescrits. Les plus
sincères lancèrent des transitions démocratiques libres et
transparentes qui en balayèrent quelques-uns (Bénin,
Congo-Brazzaville, Niger, Mali). D'autres, plus rusés ou plus
malveillants, se limitèrent à des démocratisations de
façade dans le but de conserver le pouvoir (Zaïre, Togo, Cameroun,
Burkina Faso, Gabon, Tchad, Côte d'Ivoire, Gambie, etc.). Mais,
appliquée dans contextes politiques et socio-historique
différentes, ces conditionnalités n'avaient pas induit partout
les mêmes effets; au contraire, les effets pervers vont l'emporter sur
les maigres résultats obtenus et aboutir à des
« transitions escamotées »1(*). Car, non seulement l'aide n'a
pas augmenté, mais en plus les régimes démocratiques et
dictatoriaux reçurent le même traitement, les critères
d'octroi des aides s'avérant autres que la libéralisation des
systèmes politiques.
En effet, les agences d'aide appliquent chacune son mode de
conditionnalité, lié à sa propre conception de la
démocratie et, surtout, aux intérêts économiques,
stratégiques ou géopolitiques à promouvoir ou à
préserver dans tel ou tel autre pays. Les conséquences politiques
de ces injonctions contradictoires furent immédiates : les
«démocrates » se sont sentis floués, et les vieux
réflexes reprirent aussitôt le dessus : blocages des processus
démocratiques et recrudescence de l'autoritarisme par ici (Zaïre,
Togo, Tchad, Cameroun, Gabon, Centrafrique, etc.); coups d'état par
là (Nigeria, Burundi, Niger, Sierra Leone, etc.) ; sans oublier les
guerres de pouvoir à soubassement ethnique (Rwanda, Burundi,
Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire).
En plus, la théorie libérale, dans sa logique
d'établissement des corrélations fonctionnelles entre
démocratie et développement s'avérait, désormais,
obsolète et presque démentie par les faits : il y a bien des pays
au monde qui, sans être démocratiques, ont amorcé le
développement économique et affichent des chiffres de croissance
en augmentation constante. Pourquoi ne pas s'en inspirer en Afrique ?
Dorénavant, les seuls critères qui entrent en ligne de
compte pour juger la capacité d'un régime à mettre en
oeuvre des programmes de gouvernement susceptibles de promouvoir le
développement sont la stabilité politique2(*) (fut-elle de type dictatorial),
la rentabilité des investissements et le remboursement de la dettes
extérieure, même moyennant une forte paupérisation de la
population. Après cette désillusion, le concept de
« démocratie » a été progressivement
galvaudé par une multitude d'usages en Afrique :
« démocratie consensuelle »,
« démocratie apaisée »,
« démocratie de participation », etc. Cependant,
aucun régime politique ne conteste, aujourd'hui, la validité et
la pertinence des principes de la démocratie libérale.
Par son caractère hétérogène, le
concept de « gouvernance » revêt aujourd'hui
plusieurs significations et se prête à de multiples usages. Ce
vocable est utilisé dans des disciplines aussi diverses que la science
politique, le droit public, le droit des affaires, l'administration publique,
l'économie institutionnelle, et les relations internationales. Ce terme
est également associé à des types de politiques publiques
et/ou privées et se décline en fonction de différentes
échelles territoriales d'intervention : de la gouvernance locale
à la gouvernance mondiale, en passant par la gouvernance urbaine, celle
des régions (CEMAC, CEEAC), des politiques monétaires, de
l'emploi, de l'éducation, des entreprises. On parle même de
gouvernance globale.
Face à la complexité croissante de
l'environnement économique, social et politique (liée à
l'affirmation de nouveaux acteurs), et face à l'enchevêtrement des
niveaux local, national, régional et international, les formes
classiques de gouvernement sont mises en doute dans leur capacité
à coordonner des actions collectives, à faire face aux nouveaux
défis de la mondialisation des échanges. La gouvernance, c'est la
manière dont les gouvernements gèrent les ressources sociales et
économiques d'un pays. La « bonne » gouvernance (ce qui
implique le constat d'une mauvaise gouvernance) est l'exercice du pouvoir
par les divers paliers de gouvernement de façon efficace, honnête,
équitable, transparente et responsable. La décentralisation, tant
interne qu'externe (au profit de diverses institutions supranationales),
accroît l'efficacité et l'obligation de rendre des comptes en
faisant en sorte que le gouvernement soit présent à tous les
niveaux de gestion. Il sera d'abord question dans ce cours de
l'étude de la problématique de la
démocratie en Afrique (I). Ensuite, l'on analysera
les usages multiples du concept de gouvernance (II). Enfin, il s'agira
d'élucider les rapports entre gouvernance, État et
société en Afrique (III).
I. La problématique de la démocratie en
Afrique : l'État entre crise et refondation
La fin de l'année 1989 et le début de
l'année 1990 avaient constitué deux moments singuliers dans
l'évolution socio-historique et politique des pays africains. Ces
moments étaient marqués, non seulement par les revendications
populaires de tous ordres, des mouvements de remise en cause des régimes
autoritaristes et dictatoriaux imposés, mais également par
l'urgence de la libéralisation de l'espace politique, de la
participation des citoyens à la prise de décisions concernant la
gestion transparente des affaires publiques, à la
nécessité de la reconnaissance et du respect des droits de
l'homme. Certes, il est vrai que ces revendications différaient d'un
pays à un autre, mais il ne demeure pas moins vrai qu'elles visaient
partout presque les mêmes objectifs : la démocratisation et
la bonne gouvernance des sociétés. L'étude de la crise des
régimes autoritaristes, la nécessité de réformer
les États et l'analyse des exigences liées à l'aide
bilatérale et multilatérale permettront de comprendre les notions
de démocratie et de gouvernance en Afrique.
1. Mobilisations multisectorielles et crise des
régimes autoritaristes africains
Nul doute que les événements qui avaient
marqué l'histoire socio-politique de l'Afrique noire au début de
l'année 1990 s'expliquent par les changements nés du
bouleversement des équilibres géostratégiques et
géopolitiques entre les grandes puissances mondiales
(représentées, principalement, par les États-Unis
d'Amérique et les pays communistes de l'ex-Union Soviétique), au
renouvellement de l'ordre politique mondial et au renversement du mur de
Berlin. Toutefois, cette rupture des équilibres et des alliances
géostratégiques au plan mondial qui marque, selon Bertrand Badie
et Marie Claude Smouts « Le retournement du monde»3(*), n'épuise pas à
elle seule le répertoire des transformations sociales, politiques et
économiques auxquelles étaient confrontés les pays
africains à cette époque. De nombreux autres facteurs internes,
à savoir les « mobilisations
multisectorielles »4(*) ou les dynamiques de remise en cause des
régimes autoritaristes avaient également contribué
à accentuer ces dynamiques changements. Bien qu'il soit difficile
d'établir une chronologie entre ces différents
événements, Michael Bratton et Nicolas Van de Walle tentent
d'expliquer ces réalités lorsqu'ils considèrent que
« Les populations africaines ne sont pas passives face à la
baisse de leur niveau de vie et à l'incurie de leurs gouvernements;
étudiants, fonctionnaires, travailleurs et membres des professions
libérales font régulièrement entendre leur voix au cours
des grèves, de manifestations, de marches et de
boycottages »5(*).
De la Zambie (avec les émeutes
déclenchées en décembre 1986 à la suite de
l'augmentation du prix de la farine de maïs, dont les subventions avaient
subi les effets néfastes de l'ajustement structurel imposé par le
FMI) au Bénin (avec les grèves organisées dans le secteur
public au courant de l'année 1989 par les fonctionnaires qui
revendiquaient le paiement de leurs arriérés de salaires), ainsi
que dans bien d'autres pays comme le Kenya et le Zimbabwe où les
grèves des étudiants étaient devenues quasi
récurrentes, les gouvernements africains étaient
confrontés à des difficultés de tous ordres. Alors qu'au
Zimbabwe les émeutes survinrent à la suite de l'annonce par les
étudiants de l'organisation d'un séminaire commémorant le
premier anniversaire de la mobilisation estudiantine contre la corruption au
Kenya, par contre, les étudiants manifestèrent en février
1990 contre les mauvaises conditions de travail, l'augmentation du
chômage et contre les forces de sécurité
soupçonnées d'avoir assassiné le ministre des Affaires
Étrangères, Robert Ouko. Parlant de ces diverses mobilisations
dans l'analyse qu'il fait de la gouvernance des régimes politiques
africains, Goran Hyden dit :
Partout où l'État détient tous les
pouvoirs, la cause la plus probable de crise provient des effets
aliénants qu'exerce un tel monopole du pouvoir. Les effets nuisibles
dans le long terme qu'exerce un tel régime sur le développement
trouvent leur illustration la plus spectaculaire dans les
événements qui viennent de se produire en Union Soviétique
et en Europe de l'Est. Par le mépris qu'ils ont manifesté
à l'égard de la dimension de contrôle incombant aux
citoyens, les dirigeants ont fait preuve d'une arrogance croissante et d'un
mépris total à l'égard des besoins de la population,
dépréciant ainsi gravement leur capital social6(*).
Plus les gouvernants tentaient de durcir les
mécanismes de contrôle et les moyens de répression des
populations civiles, plus on constatait la montée en puissance des
mobilisations sociales et des critiques face à l'accumulation de la
dette (aussi bien intérieure qu'extérieure des États),
à l'aggravation de la pauvreté au sein des ménages, au
chômage des jeunes diplômés, à la gestion
monolithique des positions de gouvernement, voire l'extorsion des richesses
nationales par les élites politiques au pouvoir. La fureur et
l'exaspération nées de la redistribution inégalitaire, par
le haut, des richesses nationales, voire des prébendes ou de divers
autres avantages souvent accordés au cercle restreint du pouvoir,
conduisirent les populations à changer de tactique et à demander
tout simplement le départ des dirigeants, dont l'incurie en
matière de gouvernance avait provoqué le délitement des
mécanismes de gestion étatique en Afrique, voire même
« l'effondrement de l'État »7(*). Il ressort de qui
précède la possibilité d'établir une certaine
unité d'analyse entre les mobilisations multisectorielles qui ont
marqué l'évolution de l'histoire socio-politique des pays
africains au début de l'année 1990 et la remise en cause par les
populations civiles de la manière dont les affaires publiques au sein
des États avaient été gérées. Autrement dit,
l'appel au changement social, à plus d'ouverture politique, les
pressions exercées contre les pouvoirs politiques établis
permettent de comprendre les difficultés économiques auxquelles
étaient confrontés les gouvernements africains;
difficultés qui s'expliquaient par la mauvaise redistribution des
richesses et la gouvernance scabreuse des affaires publiques ayant pour
corollaire l'augmentation de la pauvreté dans les ménages.
2. La démocratisation, une condition pour
l'octroi de l'aide au développement
Au début de l'année 1990, bon nombre de pays de
l'Afrique au Sud du Sahara se trouvaient confrontés à une
situation socio-économique et politique catastrophique qui s'expliquait
par l'aggravation de la dette tant au plan intérieur
qu'extérieur, à l'augmentation de la pauvreté dans les
ménages et au chômage des jeunes diplômés, à
l'évolution des maladies comme la pandémie du sida ou la
tuberculose. Toutes ces situations, rassemblées, avaient
contribué à la fragilisation de l'autorité des
États, à la délégitimation des élites
politiques au pouvoir, à la remise en cause des mécanismes de
gestion des affaires publiques, voire à l'émergence de nombreuses
tensions sociales. Les gouvernements affaiblis et très réticents
au départ à entreprendre des réformes se sont vus
imposés un certain nombre de conditionnalités de la part des
bailleurs de fonds internationaux, afin de pouvoir bénéficier de
l'aide au développement. L'acceptation de la libéralisation du
jeu politique, c'est-à-dire la démocratisation des structures
politiques, économiques et sociales constitua l'une des
conditionnalités essentielles pour l'octroi de l'aide au
développement. La question de la gestion démocratique et
efficiente des affaires de l'État qui est sous-jacente à celle de
la mise en place d'un « bon gouvernement » implique, de ce
fait, une libéralisation de la vie politique et de toutes les instances
de prise de décisions, afin de permettre aux populations civiles d'avoir
un droit de regard sur la manière dont les richesses nationales sont
gérées et redistribuer. Inspirée des mécanismes de
gestion des réalités sociales conçus par les
démocraties dites libérales nées en Occident, cette
nécessité d'ouverture politique met en évidence des
catégories conceptuelles telles que la décentralisation et le
pouvoir local, la gouvernance locale, la société civile,
l'indépendance du pouvoir judiciaire, le renforcement de l'État
de droit, de la liberté d'opinions et d'association, la gestion
transparente des affaires publiques, le respect des droits de l'homme, le
dialogue social, voire la justice sociale.
L'impulsion donnée à cette dynamique de
changement est caractéristique de la volonté de certains
bailleurs de fonds internationaux qui, à l'occasion des assises
organisées en 1989 au sein du Comité d'Assistance au
Développement de l'OCDE, avaient conditionné l'octroi de l'aide
au développement aux pays les moins avancés de la planète,
en particulier de l'Afrique, à l'acceptation par leurs dirigeants des
conditions de réformation des institutions publiques au nombre
desquelles la libéralisation du jeu politique, la
décentralisation des instances de prise de décision au sommet de
l'État, la reconnaissance des oppositions politiques, voire
l'établissement d'un nouveau partenariat public/privé. Pour
l'OCDE, il était clairement établi qu'il ne saurait y avoir de
développement équitable et durable, sans qu'il y ait une
connexion vitale entre ouverture politique et responsabilité des
États. Cette première conditionnalité a été
renforcée dans sa conceptualisation à partir de l'année
1993 par une autre batterie d'autres exigences fondamentales qui insistaient
sur le rôle du développement participatif et de la bonne
gouvernance dans la coopération au développement. L'apport de la
France au sommet de la Baule organisé en juin 1990 a été
aussi déterminant dans cette dynamique d'appropriation de nouvelles
exigences de gestion des États qui allient développement et
démocratie. Au cours de ce sommet, le Président de la France,
François Mitterrand, avait dit : « Il ne peut y avoir de
démocratie sans développement et, inversement, de
développement sans démocratie » ou « La
France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis
pour aller vers plus de liberté »8(*). Lors d'une conférence de
presse donnée en marge de ce sommet, François Mitterrand avait
précisé sa pensée en ces termes : « Il est
évident que l'aide normale de la France sera plus tiède en face
des régimes qui se comportaient de façon autoritaire sans
accepter d'évolution vers la démocratie et enthousiaste vers ceux
qui franchiront le pas avec courage »9(*).
Cet exemple a été aussi suivi par la
Grande-Bretagne et l'USAID qui au même moment avaient
décidé de soumettre l'octroi de l'aide au développement
à la réalisation d'un audit interne sur les résultats
réels et l'efficacité des flux financiers destinés aux
pays africains. Une année après, c'était au tour du Canada
et de l'Union Européenne de lier l'aide au développement à
la conditionnalité démocratique : démocratisation des
régimes politiques, respect des droits de l'homme, lutte contre la
corruption, liberté de la presse, diminution des dépenses
militaires en vue d'une plus grande efficacité des réformes
économiques. Ces conditionnalités étaient d'autant plus
contraignantes que certains États comme l'Indonésie en Asie du
Sud Est ou la Mauritanie en Afrique noire avaient vu se rétrécir
leur aide au développement à cause du non respect des droits de
la personne humaine. Alors que l'Indonésie avait été
sanctionné par le Danemark et les pays Bas pour son implication dans la
crise au Timor Oriental la Mauritanie, quant à elle, avait
été négligée par les États-Unis pour sa
perpétuation des pratiques esclavagistes. Tout compte fait, certains
pays africains à l'image du Bénin avaient continué de
bénéficier de l'aide au développement de la part de la
France à partir de l'année 1990 au titre de la prime à
la démocratie, qui implique une modification substantielle des
systèmes judiciaires, la libéralisation des capacités
institutionnelles de gestion des affaires publiques, la décentralisation
des instances de prise de décision au sommet de l'État et la
participation de la société civile à la gestion des
affaires publiques, le respect des droits de l'homme, la
républicanisation des armées nationales, la lutte contre la
corruption, le népotisme, le clientélisme politique, le
renforcement de l'État de droit, etc.
3. Nécessité de réforme des
institutions publiques
La question de la réforme des institutions de
l'État implique celle de la légitimité des élites
politiques et des institutions qu'elles représentent. Elle a
été au coeur de multiples revendications amorcées au
début de l'année 1990 par les populations civiles dans les
différents pays d'Afrique au Sud du Sahara. Face à des
régimes politiques nés pour la majorité, après la
période des indépendances et qui s'étaient souvent
illustrés par la répression, la corruption
généralisée, l'atomisation des individus et l'accaparement
de leurs libertés, voire l'anéantissement des opposants
politiques, ces populations avaient décidé de prendre en main
leur destin en revendiquant une plus large ouverture politique et le
renouvellement des élites, la participation de tous les citoyens
à la gestion des biens publics, la mise en place de nouvelles politiques
structurantes en matière de développement économique et de
lutte contre la pauvreté, d'emploi pour les jeunes, de l'État de
droit, du respect des droits de la personne humaine, bref,
l'amélioration de leurs conditions de vie. Alors que certains dirigeants
politiques africains comme au Bénin et au Congo (pourtant au
départ réticents face à ces changements), avaient du
céder à ces pressions sociales, politiques et économiques
d'autres, par contre, comme au Kenya, au Zimbabwe, au Cameroun ou en Côte
d'Ivoire, avaient trouvé nécessaire de diluer les revendications
dans des logiques démagogiques ou simplement de réprimer tous les
mouvements de contestation susceptibles de remettre en cause l'ordre politique
imposé, l'autorité de l'État et la
légitimité des institutions en place. Si au Nord-ouest du
Cameroun, par exemple, la police avait tué au moins 6 six manifestants
pendant qu'elle cherchait à empêcher la tenue d'une réunion
du Social Democratic Front (S.D.F) de John Fru Ndi, au Zimbabwe le gouvernement
avait ordonné la fermeture de l'université, suivie de
l'arrestation sans procès des étudiants et du président
du rassemblement des syndicats.
Tout compte fait, ces réactions de la part des
gouvernements africains n'avaient produit d'effets que l'instant de leur
formulation. Elles n'avaient pas survécu aux pressions venues des
sociétés civiles. Car, au fur et à mesure que les
revendications devenaient fortes, certains dirigeants africains avaient
très vite été contraints d'engager le dialoguer avec les
l'ensemble des partenaires sociaux et d'accepter de faire plusieurs
concessions. Le cas le plus à même de contribuer à
l'élucidation de cet argument est celui du Bénin qui plus que
d'autres africains avait été confronté à une grave
crise économique combinée avec le retrait des partenaires
français au développement. La dynamique de réformation des
institutions étatiques avait abouti partout en Afrique à la
politisation des revendications puisque, désormais, l'identité du
dirigeant politique était appelée à connaître de
profondes mutations. Il était, dorénavant, établi que le
nouvel homme politique ne doit plus seulement représenter les
intérêts égoïstes d'un quelconque clan, de sa famille
ou de son ethnie mais, bien plutôt, servir l'intérêt
général du peuple et faire preuve d'une bonne moralité et
des capacités avérées en matière de gestion des
biens publics.
Cette logique de réajustement de l'ordre politique,
ainsi que l'établissement de ce nouveau contrat social qui avaient
occasionné l'émergence d'une autre culture politique,
impliquaient donc de transcender ce qui a toujours permis de définir
l'État en Afrique dans les milieux de recherche politiques africanistes
à savoir la «politique du ventre » 10(*) comme le dit
Jean-François Bayart ou le
« néo-patrimonialisme »11(*) comme le souligne
Jean-François Médard. En Côte d'Ivoire, par exemple,
Houphouët Boigny avait été critiqué par son peuple et
considéré comme étant à l'origine de ses
souffrances pour avoir réalisé sur fonds propres (la somme de 145
millions de dollars) la construction de la Basilique Notre Dame de la Paix de
Yamoussoukro (son village natal). Au Zaïre, Mobutu Sese Seko avait
également été accusé par les confessions
religieuses, les syndicats d'étudiants et de travailleurs, par les
associations de chefs d'entreprises, voire l'ensemble des citoyens zaïrois
de dictateur, de pilleur des richesses nationales, de fossoyeur des
libertés individuelles ainsi que de « monstre
humain » pour de multiples crimes commis par son régime.
Il ressort de ce qui précède l'idée
selon laquelle la nécessité de réformer l'État en
Afrique implique l'instauration de nouveaux habitus politiques, la civilisation
des moeurs politiques, la remoralisation de la vie publique et l'institution
d'autres mécanismes de gouvernance des affaires de l'État. Ce
nouvel ordre politique africain, pour ainsi dire, doit également
s'accompagner d'un renouvellement conséquent des élites
politiques, conformément, aux nouvelles exigences démocratiques,
du renforcement des capacités des acteurs aussi bien étatiques
que privés en matière de respect des procédures
administratives et de la qualité des services offerts, voire d'une
amélioration substantielle des mécanismes de gestion des
richesses nationales.
A partir de ce moment crucial de l'évolution de
l'histoire socio-politique des États africains, les populations civiles
et même certains observateurs avertis de la scène politique
africaine commençaient déjà à voir dans ces
événements le signe précurseur de la
déchéance de ces différents systèmes politiques
fondés sur le monolithisme politique. Dans ce contexte particulier
où la légitimité des institutions étatiques
était mise en danger, les dirigeants politiques commencèrent eux
aussi à penser les voies et moyens susceptibles de maîtriser la
tournure prise par les multiples revendications sociales.
Avec l'évolution des revendications ainsi que leur
politisation, certains gouvernants africains dans le souci de préserver
l'unité nationale et la cohésion face à ce qui risquait
déjà de se transformer en véritable bombes à
retardement, acceptèrent d'engager des réformes profondes des
institutions étatiques en libéralisant le champ politique. Bien
que différentes d'un pays à l'autre, les réformes avaient
presque partout les mêmes visées : la reconnaissance des
droits des citoyens et une certaine ouverture politique ayant pour corollaire
immédiat l'acceptation de l'opposition. Ces réformes concernaient
surtout les statuts et les procédures d'éligibilité des
membres au sein des partis uniques, les structures administratives au plus
haut niveau de l'État et les constitutions. De ces trois
réformes, celle des constitutions fut la plus importante ; elle
était même la résultante des deux premières.
Dans ce sillage, les dirigeants politiques avaient
commencé par établir des priorités en procédant au
préalable à la libéralisation des structures sur
lesquelles ils espéraient conserver le pouvoir de décision et en
s'assurant que ces réformes n'allaient pas dépasser les limites
imposées jusqu'ici par les institutions en place. Au Kenya, par exemple,
afin de montrer au peuple sa volonté de restructurer les hautes
instances gouvernementales, Daniel Arap Moi avait décidé de
mettre sur pied une commission comprenant les membres de son parti, la Kenya
African National Union (KANU, Union Nationale Africaine du Kenya).
Au cours de séances de travail qui se tenaient en
public, plusieurs questions avaient été inscrites à
l'ordre du jour parmi lesquelles celle de la corruption chez les élites,
de la limitation des pouvoirs de l'exécutif, voire celle de
l'ethnicisation du jeu politique. Ces réformes avaient également
été engagées dans de nombreux autres pays comme le Gabon,
le Togo, le Mali, la Mauritanie, la Sierra Léone, le Cameroun ou le
Zaïre. Tout compte fait, si ces réformes initiées au sein
des instances de prise de décisions partisanes paraissaient
réelles, il ne demeure pas moins vrai qu'elles étaient toujours
partielles, puisqu'elles permettaient surtout aux dirigeants de partis au
pouvoir de réajuster les normes d'allégeance, de redistribuer les
cartes en tenant compte de la nouvelle donne politique et de sanctionner toutes
velléités à l'origine des dissidences au sein des partis.
En fait, au regard de l'évolution politique de l'époque, il se
dégage de ce qui précède que ces réformes
n'étaient pour la majorité que l'expression d'une
démagogie savamment orchestrée par les membres de la nomenklatura
politique au pouvoir.
Par ailleurs, la nécessité d'engager ces
réformes avait réellement été ressentie dans de
nombreux autres pays comme la Tanzanie où la les restrictions
administratives imposées aux activités politiques des
journalistes, des intellectuels ou des dirigeants de l'opposition furent
levées. D'autres facteurs contribuent à illustrer cette analyse,
telle la libération des prisonniers politiques au Congo et au Zimbabwe.
Dans ce dernier pays, 250 prisonniers avaient été
libérés en juillet 1990 et l'état d'urgence imposé
fut levé. Au cap Vert, les marqueurs de cette dynamique de changement
politique étaient l'instauration véritable du multipartisme et la
légalisation des partis d'opposition. D'autres pays, à l'image du
Zaïre, hésitaient à opérer de véritables
réformes. Deux semaines après avoir annoncé le retour au
multipartisme Mobutu avait, par exemple, ordonné le massacre des
étudiants de l'université de Lubumbashi.
II. Les usages multiples du concept de
gouvernance
La gouvernance, concept introduit récemment dans
l'agenda des milieux de recherche africanistes en sciences sociales, recouvre
plusieurs significations. En effet, c'est à partir de l'année
1990 que la majorité des pays de l'Afrique au Sud du Sahara se
trouvaient confrontés à des situations économiques
dramatiques couplées avec une aggravation de la dette tant au plan
intérieur qu'extérieur et à des revendications sociales
très fortes. De nombreux pays comme le Bénin, le Kenya ou le Mali
voient leurs capacités de redistribution des richesses et des
prébendes se rétrécir au fur et à mesure que les
pressions sociales prennent partout de l'ampleur au sein des États
affaiblis et que naissent partout des dynamiques de contestation
nécessitant une large ouverture politique, la revalorisation du niveau
de vie des populations, la libéralisation des initiatives autonomes des
individus, le respect des droits de la personne humaine et la remise en cause
des partis uniques.
L'on assiste, au Burkina Faso, au Bénin, au Congo, en
Mauritanie, au Cameroun, au Sénégal, au Togo, au Zaïre, en
Zambie, au Burundi, au Tchad, au Niger, au Mali (...) à des mouvements
de contestation des pouvoirs en place par les groupes de pression, les groupes
d'intellectuels, voire des sociétés civiles émergentes qui
réclament l'instauration du multipartisme et la remise en cause des
régimes politiques néo-patrimoniaux et autocratiques. Cette
époque qui coïncidait avec la fin de la guerre froide et la
destruction du mur de Berlin est riche en événements et les
principaux pourvoyeurs de fons étrangers (FMI, Banque Mondiale, OCDE,
etc.) commencent à s'interroger sur la capacité des gouvernants
africains à pouvoir mettre en place de politiques économiques et
sociales structurantes susceptibles de relever le défi de la
construction des États africains. Dans ce sens, s'impose la
nécessité d'instaurer une véritable orthodoxie
budgétaire pouvant conduire les gouvernants des pays africains à
la rationalisation des modalités et des mécanismes d'octroi de
l'aide aux pays sous-développés. Ces nouvelles exigences
s'accompagnent des conditionnalités contraignantes visant la
« bonne gouvernance » des affaires publiques et la
redistribution équitable des ressources nationales. Il n'est pas
question ici de présenter les multiples acceptions liées au
concept de gouvernance. Il s'agira, pour des besoins de cohérence
analytique, de circonscrire l'étude autour de quelques notions
essentielles qui permettront de comprendre ce concept.
1. Gouvernance et légitimité politique en
Afrique
Jusqu'à une époque récente, l'image qui
se dégage du continent africain dans les milieux de recherche
africanistes en sciences sociales, est toujours celle d'une Afrique
étranglée par la dette, la pauvreté, les conflits et les
catastrophes de tout genre comme si «L'Afrique [se trouvait] à la
périphérie de l'Histoire »12(*). Cette approche que l'on
pourrait qualifier de misérabiliste et d'alarmiste du politique en
Afrique a conduit bon nombre des analystes à considérer
l'État en Afrique comme étant un État mou13(*), c'est-à-dire
essentiellement caractérisé par le clientélisme14(*) ou le
néo-patrimonialisme15(*), avec un pouvoir très faiblement
capturé par les forces vitales de la société
civiles16(*) et loin de
former un véritable point « de convergence prioritaire des
exigences et des soutiens »17(*), le pouvoir central étant pour ainsi dire dans
l'incapacité de dépasser « les discontinuités
d'une société segmentaire »18(*). Ce regard corrobore une autre
grille de lecture qui ne perçoit la réalité État en
Afrique qu'à travers le prisme de l'informalisation19(*) des mécanismes de
gestion de la réalité sociale, où se chevauchent
continûment le privé et le public, le formel et l'informel,
l'ordre et le désordre.
Ces analyses loin d'être fortuites permettent, par
ailleurs, de poser le problème des rapports complexes entre la
capacité des élites dirigeantes africaines à pouvoir
recourir à l'ingénierie institutionnelle, c'est-à-dire la
possibilité qu'elles ont de développer à de degrés
divers toute une série de technologies susceptibles de résoudre
les conflits nés de la complexité sociale et la manière
dont ces actions sont perçues par les populations. La
légitimité des élites politiques au pouvoir est fonction
de leur capacité à amener les populations civiles à
adhérer à leurs pratiques de gestion des affaires publiques ainsi
que des initiatives en matières de développement. Ce qui
épuise largement le contenu de la notion de légalité comme
l'indique le rapport dressé par la Fondation Charles Léopold
Mayer sur les principes de gouvernance au 21ème siècle
car, si la légalité a un contenu objectif la
légitimité, elle, relève plus de la subjectivité en
tant qu'elle connote un sentiment personnel d'adhésion à quelque
chose :
La légitimité de la gouvernance (...)
renvoie au sentiment de la population que le pouvoir politique et administratif
est exercé par les bonnes personnes, selon de bonnes pratiques et dans
l'intérêt commun. Cette adhésion profonde de la population
et d'une société toute entière à la manière
dont elle est gouvernée est une dimension essentielle de la gouvernance.
Pour durer celle-ci ne peut jamais, quelque soit l'autoritarisme d'un
régime et l'importance des moyens répressifs à sa
disposition, s'imposer par la contrainte ; elle doit rencontrer dans le
coeur de la société un minimum d'écho et
d'adhésion20(*).
La perte de la légitimité politique, pour ce qui
est des pouvoirs africains au début de l'année 1990, était
donc liée à leur incapacité à mettre en place de
véritables dispositifs susceptibles de contribuer à la bonne
gouvernance des affaires publiques, voire au développement durable et
harmonieux des États devenus fantômes21(*). Les revendications sociales,
les crises de l'autorité et les multiples programmes d'ajustement
économiques imposés aux États africains expliquent
largement la situation de délégitimation du pouvoir à
laquelle avaient été confrontés les dirigeants politiques.
Cette analyse permet de comprendre l'une des dimensions essentielles de la
gouvernance : la légitimité. Il était,
désormais, requis qu'un pouvoir, pour peu qu'il soit légitime,
devrait d'abord justifier de sa capacité à bien gérer les
affaires publiques dans l'intérêt général comme
l'indique une fois de plus le Rapport de la Fondation Mayer
précédemment cité :
L'efficacité de la gouvernance et sa
légitimité se renforcent ou se dégradent mutuellement.
Pour être réellement moteur dans une politique de
développement un État national, par exemple, doit être fort
et respecté, doit pouvoir convier les acteurs à se mobiliser
ensemble, faire respecter des règles, lever l'impôt, mobiliser
l'épargne. Il ne saura le faire (...) s'il n'est pas respecté. Et
il n'est pas respecté s'il apparaît inefficace ou corrompu.
Comment défendre l'idée d'une action publique renforcée si
celle qui existe est jugée inefficace, conduite dans
l'intérêt d'une minorité sans réel souci du bien
commun ou si l'État impose des réponses à des questions
qu'il n'a pas comprises. Comment plaider pour l'action publique si
l'administration est perçue comme peuplée de fonctionnaires au
mieux bornés, au pire paresseux, incompétents et
corrompus ?22(*)
Cette manière de voir la gouvernance est d'autant plus
explicite que la légitimité des gouvernements africains au
début de l'année 1990, comme tente de l'expliquer Béatrice
Hibou, a été mise à mal à cause des pratiques de
gestion conduisant à la criminalisation23(*) de l'État ou à sa
privatisation24(*),
c'est-à-dire des pratiques de gouvernement qui démontre de la
gestion scabreuse et hasardeuse des affaires publiques (corruption,
clientélisme, néo-patrimonialisation du pouvoir, etc.) qui leur
avait été reprochée par les populations civiles et les
bailleurs de fonds tant nationaux qu'étrangers.
2. Gouvernance et restructuration des économies
en Afrique
La notion de la gouvernance, dans son acception
économique actuelle, est née de la volonté des
institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI, PNUD,
etc.) d'aider les pays en voie de développement et ceux de l'Afrique, en
particulier, à mettre en place des programmes économiques
réalistes susceptibles de contribuer à leur développement,
voire au bien-être social des populations. Dans pareilles circonstances,
un nouveau modèle de gestion dit « modèle de bonne
gouvernance » avait été proposé à ces
pays, modèle qui exige aussi bien l'assainissement des économies
locales que la transparence dans la gestion des affaires publiques.
a) - L'apport des institutions financières
internationales : Banque Mondiale et FMI
Ayant constaté les dérives liées à
la personnalisation excessive du pouvoir (Zaïre, Côte d'Ivoire,
Kenya, Zimbabwe, Gabon, Cameroun, Zambie, Gambie, etc.), au non respect des
droits de la personne humaine (Kenya, Rwanda, Burundi, Tchad, Soudan,
Mauritanie, Togo, etc.), à la gestion scabreuse des affaires publiques
et à la corruption (Cameroun, Congo-Brazzaville, Centrafrique,
Bénin, Togo, Gabon, Sénégal, Côte d'Ivoire,
Zaïre, etc.) au début de l'année 1990, les institutions
financières internationales au nombre desquelles la Banque Mondiale et
le FMI, vont se saisir de la notion de gouvernance pour stimuler les
gouvernements des pays sous-développés d'Afrique à mettre
en place des réformes institutionnelles et des politiques
économiques25(*)
structurantes capables de soutenir leur développement. Quelques
définitions de la notion de gouvernance avaient été
proposées par ces institutions internationales concernant trois
systèmes :
- le système politico-administratif (parlementaire ou
présidentiel, militaire ou civil et autoritaire ou
démocratique) ;
- le système économique qui renvoie au processus
par lequel l'autorité est exercée lors de la gestion des
ressources économiques et sociales ;
- la place de la société civile et la
capacité des gouvernants à concevoir, formuler et exécuter
les politiques et, en général, à se décharger des
fonctions gouvernementales.
Il est nécessaire de préciser que les
institutions financières internationales, dans la lecture qu'elles font
des réalités de ces pays, agissent le plus souvent dans le strict
cadre de leur mandat, c'est-à-dire en essayant de se tenir loin de toute
injonction à caractère politique. Pour ce faire, elles s'en
tiennent à la notion de la gouvernance en tant qu'elle implique
« la bonne gestion du développement ». Il s'agit
donc, essentiellement, des aspects liés à la bonne gestion par
les gouvernements de l'aide au développement à travers
l'instauration d'une véritable orthodoxie financière et
budgétaire, la restructuration des services publics, le renforcement des
capacités institutionnelles des acteurs du développement, la
responsabilisation des gouvernants et des gouvernés face aux nouveaux
défis de la construction étatique dans une dynamique de la
mondialisation des économies, la réforme des institutions
judiciaires, la lutte contre la corruption.
Parmi tous ces critères celui en rapport à la
gestion du secteur public avait été apparemment
privilégié comme le démontrent les premières
réformes initiées par la Banque Mondiale26(*) qui considère que
« la gouvernance est affaire de management ou de réformes
institutionnelles en matière d'administration, de choix politique,
d'amélioration de la coordination et de fourniture de services publics
efficaces »27(*). Par ailleurs, l'accent qui a été
particulièrement mis sur la nécessité d'une
amélioration conséquente des services publics ne veut nullement
signifier l'abandon par ces institutions des autres aspects de la gouvernance
concernant la responsabilisation des citoyens par rapport au bien commun, la
transparence dans la gestion des affaires publiques, l'instauration d'un
véritable État de droit ou le renforcement des capacités
et mécanismes de gestion des acteurs étatiques et non
étatiques. Bien que de manière assez tardive, il semble important
de relever que ces aspects avaient également été pris en
compte et intégrés au corpus des conditionnalités dans le
but d'appuyer les mécanismes et les efforts de gestion durable des
économies des sociétés africaines contemporaines.
b)- L'action du Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD)
C'est tardivement que le PNUD avait commencé à
s'intéresser, non seulement à la question de la gouvernance comme
condition essentielle pour la redynamisation des économies des pays
sous-développés, mais également au problème de
l'amélioration des conditions de vie des populations civiles. Pour la
première fois, en 1994, une réunion sur la gouvernance avait
été organisée à Arusha par cette institution. Deux
points essentiels structurent le document de stratégie pour le
développement de l'Afrique issu de cette concertation. Alors que la
Banque Mondiale insistait prioritairement sur la dimension procédurale
et les aspects économiques de la gouvernance à travers le concept
de « good governance » le PNUD, quant à lui, met
beaucoup plus l'accent sur les aspects politiques en exigeant des pays
africains la mise en place d'un « bon gouvernement ». Les
réformes à entreprendre dans ce cadre, en tant qu'elles se
conforment aux normes en vigueur dans les démocraties libérales,
touchent à la souveraineté même des États
puisqu'elles concernent un problème de valeur, du modèle de
société et la désignation de la forme des régimes
politiques : « Parce que la bonne gouvernance peut tout
simplement signifier l'application de gestion efficace, nous, au PNUD, croyons
avec Amartya Sen28(*) que
la gouvernance dont il est question à cet égard (l'importance de
la bonne gouvernance pour le développement humain) est une gouvernance
démocratique et participative »29(*).
Cette approche de la gouvernance comprend les
mécanismes, les processus et les institutions grâce auxquels les
individus ou les groupes sociaux formulent leurs intérêts,
remplissent leurs obligations conformément aux lois et résolvent
leurs problèmes. Dans sa conception de la gouvernance, le PNUD accorde
donc une importance particulière au nouveau contrat qui devrait
régir les rapports entre l'État et la société
civile : « La bonne gouvernance se définie, parmi
d'autres caractéristiques, comme participative, transparente et
responsable; elle est également efficace et équitable : elle
favorise le respect de la légalité »30(*). Il résulte de ceci
qu'il ne peut y avoir de meilleure gestion des affaires publiques au sein des
États, si la place et le rôle de la société civile
ne sont pas clairement spécifiés. La société civile
joue le rôle de veilleur dans la manière dont l'État
oriente et gère les ressources nationales. C'est dire que l'influence et
la surveillance des citoyens concernent les moyens par lesquels chacun
participe au processus de prise de décisions et, par conséquent,
exprime ses préférences. Il s'agit ici, pour la
société civile d'utiliser les moyens susceptibles d'amener les
dirigeants politiques à répondre de leurs actes et la bonne
gouvernance signifie également « un ensemble d'institutions
sociétales qui représentent pleinement la population, qui sont
reliées par un réseau solide de réglementation
institutionnelle et de responsabilité (vis-à-vis du peuple, en
dernier ressort) et qui ont pour objectif de réaliser le bien-être
de tous les membres de la société »31(*).
Le PNUD soutient une position de la gouvernance qui contribue
au renforcement des théories sur le rétrécissement des
prérogatives longtemps dévolues à l'État en
matière de gestion des affaires publiques. Mieux, s'appuie t-il sur une
sorte de réformisme qui postule la logique du « moins
d'État ». Ici le transfert de compétences entre les
institutions étatiques et celles de la société civile
constitue l'une des conditions, sans lesquelles aucun développement ne
peut être rendu possible. La notion de gouvernance telle que
décrite par le PNUD implique donc une remise en cause fondamentale de la
primauté du politique sur l'économique ; une inversion de
sens qui contribue à dépouiller l'État de quelques unes de
ses fonctions régaliennes. L'État n'a plus le monopole de la
prise de décisions visant au développement de la nation ; il
n'est plus qu'un acteur parmi tant d'autres. Cette conception de la gouvernance
est aussi partagée par certaines agences de coopération telle que
l'Union Européenne qui, dans l'article 130 de son traité, lie la
politique de coopération au « développement et à
la consolidation de la démocratie et de l'État de droit ainsi
qu'au respect des droits de `homme et des libertés
fondamentales ».
Enfin, le développement économique et social au
sein des États en développement ne peut être rendu possible
que grâce aux transformations des trois susmentionnés en vue
d'établir des synergies dans le fonctionnement du système global.
D'où l'intérêt qu'il faudrait accorder à un certain
nombre de principes ou de relations pour une meilleure saisie de la bonne
gouvernance32(*) :
- la relation entre gouvernance, démocratie et
décentralisation introduit une dimension supplémentaire dont la
signification est l'importance de la décentralisation pour le
développement économique.
- La gouvernance est perçue comme la manière
d'améliorer le fonctionnement du système politico-administratif
effectivement en vigueur dans un pays en tenant compte des
spécificités culturelles et économiques.
III. Gouvernance, État et Société
en Afrique
Généralement, lorsqu'on parle de l'État
la première des idées qui vient à l'esprit est celle d'un
« grand manitou lycanthrope » ou d'un
« Léviathan » qui confère à la
réalité État l'image d'une machine colossale
téléologique qui doit remplir des missions précises. On
dirait une obsession de l'« Etat-système » qui
néglige l'État dans ses activités quotidiennes, dans sa
pure simplicité, dans sa banalité. En Afrique, cette conception
unidimensionnelle ou « par le haut » de l'État a
fait l'objet de plusieurs débats dans les milieux de recherche
africanistes dans les années 1980 et signifie l'accaparement par des
élites au pouvoir des instances de prise de décisions. Or, la
notion de gouvernance en tant qu'elle constitue une sorte d'impératif
catégorique pour une gestion collective des États, implique la
responsabilisation de tous les acteurs sociaux (étatiques et non
étatiques) en vue d'un développement harmonieux des
sociétés africaines. De ce fait, les notions de gouvernance,
d'État et de société bien que distincts, se
complètent.
1. La société civile et la
co-gouvernance des politiques publiques en Afrique
La gouvernance implique l'idée d'un nouveau contrat
social qu'il est important d'établir entre le centre (l'État) et
la périphérie (la Société globale) de
manière à rendre efficiente le contrôle et la gestion des
réalités sociales au sein des États africains. Ce contrat
social doit être rendu possible grâce à une gestion
participative et collective des richesses nationales. Dans ce sens, la
société civile, en tant qu'elle constitue un acteur à part
entière de la co-production et de la co-gestion des politiques publiques
requiert toute sa signification. Sa compréhension nécessite,
aujourd'hui, de redéfinir la place et le rôle dévolus
à l'espace public comme étant le lieu de la
délibération, de l'intersubjectivité communicationnelle et
de la promotion d'un dialogue social, sans exclusive, avec tous les partenaires
sociaux du développement. C'est pourquoi Bruno Jobert et Pierre Muller
pensent qu'«il est urgent de réintégrer l'analyse des
politiques dans une conception plus large des rapports
Etat-société, de façon à ce que la théorie
de l'État bénéficie enfin des acquis de l'analyse des
politiques »33(*).
Le processus d'élaboration ou de fabrication des
politiques publiques n'est pas une entité abstraite. Il intègre
toujours les répertoires d'action des acteurs (individuels ou
collectifs), c'est-à-dire leur capacité à pouvoir produire
des logiques concurrentes et des modes de mobilisation de diverses ressources.
Ce processus relève de la nature des relations et des stratégies
bien définies. Étudier les acteurs de l'agenda politique
nécessite donc une réflexion sur les caractéristiques des
dynamiques de l'action collective en tant qu'elle rassemble des individus dans
le but de la défense d'intérêts communs. Autrement dit,
l'action collective regroupe des acteurs (internes ou externes) d'une
société mobilisant des ressources en vue des changements sociaux.
Elle montre le sentiment de distance qui sépare les publics dont on
revendique le soutien et les organismes chargés de porter à un
haut niveau leurs doléances. L'inscription d'un problème sur
l'agenda se présente comme un « transmutateur des
problèmes» qui « tend à en changer la
substance dans l'opération même où il les prend à sa
charge »34(*).
Les organisations sociales (mouvement des étudiants,
mouvement soutenant la cause féministe, etc.) constituent autant de
composantes de ce qu'il est permis d'appeler l'«industrie du mouvement
social»; le secteur des mouvements sociaux étant formé de
l'ensemble des mouvements décelables dans une communauté. Ces
mouvements utilisent des répertoires d'action qui varient en fonction de
la nature des actions à mener et des objectifs à atteindre. Il
faut lire la relation entre la gouvernance et la gestion des politiques
publiques en Afrique en termes de mobilisation des réseaux
d'acteurs tant est vrai que cette mobilisation tient compte de la pyramide
des publics. D'un côté, les entrepreneurs politiques forment des
stratégies de propagation inductrices de soutiens populaires; de
l'autre, des acteurs sociaux accablent les autorités publiques de
revendications à caractère multiple. La gouvernance implique un
leadership responsable et prompt à agir, c'est-à-dire l'attitude
des gouvernants qui doivent, non seulement reconnaître le
caractère sacré de la sphère publique, mais
également rendre compte de la manière dont ils gèrent
l'État. Tout est structuré ici autour des manoeuvres ou des
résultats de circonstances fortuites qui mettent en exergue des accords
momentanés entre différents partenaires sociaux. Ces manoeuvres
portant sur les acteurs de la contradiction débouchent sur la recherche
d'une pragmatique de l'action politique quotidienne. Le débat politique
autour de la notion de gouvernance en Afrique et qui est lié à
celui d'agenda politique n'est qu'un enjeu concret de la logique de pouvoir au
sein des sociétés politiques.
Une réflexion sur l'Organisation de l'Abbé
Pierre baptisée Emmaüs en faveur des sans logis en France peut
amener à comprendre les logiques inhérentes aux mouvements
sociaux. En effet, à travers son mouvement, l'Abbé Pierre chercha
à rallier certains acteurs politiques et quelques organisations non
gouvernementales à la cause des « laissés-
pour-compte » de la société française. C'est peu
à peu que le problème des sans logis a pu mobiliser d'importantes
ressources, devenant ainsi un problème social crucial nécessitant
sa prise en compte et son inscription sur l'agenda des décideurs
politiques. Une autre caractéristique d'acteurs de l'agenda politique,
c'est le rôle spécifique des médias et leur influence sur
la prise des décisions politiques. L'appréciation de ce
rôle varie selon que les logiques inhérentes à leur mode de
fonctionnement et leur centre d'intérêt diffèrent aussi.
Les médias peuvent soit accélérer soit freiner
l'inscription d'un problème sur l'agenda politique. Plus la campagne
médiatique est importante plus un problème a de fortes chances de
devenir un objet des débats publics contradictoires. Les médias
se présentent, dès lors, « comme des amplificateurs et
des diffuseurs des conflits, des revendications, des représentations
produites autour d'un problème donné »35(*). Tel, par exemple, l'effet de
la forte campagne médiatique produit par les médias
américains lors de la guerre du Golfe sur l'opinion publique
internationale ; ou encore, le rôle que joue actuellement les
médias occidentaux dans les bombardements dans l'Est du
Congo-Démocratique, en Somalie et au Darfour.
Mais il faut noter que «l'instrumentalisation, ou le
simple passage par les médias, restent cependant toujours ambivalents,
car il ne s'agit pas là non plus d'un prisme neutre, ni d'une caisse de
résonance, ni d'un précurseur, ni d'un espace scénique.
Les médias contribuent à étendre et complexifier les
processus de construction sociale de la réalité, et rendent par
là même encore plus aléatoire toute constitution
éventuelle d'une matrice paradigmatique »36(*). L'action des médias en
tant qu'elle permet une large publicité autour des faits sociaux
constitue, aujourd'hui, une dimension importante de la gouvernance des
politiques publiques en Afrique. Il est important de relever que l'analyse des
politiques publiques en Afrique, comparée celle faite par les
institutions internationales, n'est pas exempte d'une utilisation normative et
prescriptive de la gouvernance. Si les conceptions des politiques publiques en
Afrique n'ont qu'un lointain rapport avec celle de ces institutions, elles n'en
demeurent pas moins marquées par une injonction de la bonne gestion des
affaires publiques, de la recherche de l'efficacité et de la
préservation du bien commun. Deux courants relevant d'une approche
fondamentalement normative permettent de donner du sens à cette vision
des réalités : il s'agit du courant managérial et du
courant démocratique.
a)- Le courant managérial intéresse
tous ceux qui rapprochent la notion de gouvernance à la devise du
« moins État » ou de ceux qui s'en servent pour
justifier des mécanismes dérégulateurs qui
découlent ainsi des choix politiques et économiques précis
(néolibéralisme). Les tenants d'une conception gestionnaire de
l'action publique, qui visent à en améliorer l'efficacité,
s'en sont également emparés avec gourmandise, contribuant ainsi
à entraîner une dérive normative de cette notion37(*). Dans la mouvance de la
théorie du public choice, on cherche à améliorer
le fonctionnement de l'État dans le sens d'une plus grande
efficacité38(*).
Tout comme le management public, ce courant présente l'action publique
comme un enjeu coût/résultat, soumettant les services publics
à la pression du marché quand il ne propose pas leur
privatisation.
b)- Le courant démocratique regroupe ceux que
Jean Pierre Gaudin qualifie de « bottom-uppers »,
c'est-à-dire ceux qui voient dans la gouvernance un outil
d'élargissement de la participation au processus de décision. Des
transformations de l'action publique, ils tirent un projet d'ouverture et de
démocratisation du fonctionnement de l'État. La gouvernance
représenterait une opportunité pour produire de la
« mobilisation civique », de l'innovation sociale et
introduire des acteurs jusque-là exclus des décisions.
Ce courant inclut aussi les tenants d'une démocratie
associative, portée par une gouvernance économique et sociale.
Idéologiquement, on peut distinguer deux lectures de la
gouvernance : l'une de droite, marquée par le
néolibéralisme et ses projets de
déréglementation/dérégulation, qui retient
essentiellement l'idée d'un affaiblissement de l'État à
travers les mécanismes de gouvernance et l'autre de gauche, avec une
branche associative et une branche néomarxiste qui met l'accent sur le
rôle des intérêts privés dans la production des
politiques et dans la structure des relations du pouvoir.
Il est intéressant de relever que cette double lecture
idéologique se retrouve dans une perspective analytique et naturellement
moins caricaturale dans les approches américaines de la gouvernance
urbaine des années 1980-1990 : l'une d'inspiration
néopluraliste, centrée sur la notion de régime politique
urbain (urban regime theory), et l'autre d'inspiration
néomarxiste, centrée sur les coalitions urbaines pour le
développement économique (urban growth coalitions). Bien
qu'opposées dans leurs présupposés, ces deux approches
s'intéressent en fait chacune à la manière dont les
acteurs se coalisent pour produire une « capacité
d'action » et rendre ainsi la ville gouvernable39(*). Ces deux conceptions de la
gouvernance, appliquées au contexte africain, ne différent
aucunement des conditionnalités imposées par les institutions
internationales puisqu'elles impliquent des notions d'efficacité des
appareils de gestion étatique.
2. Gouvernance, corruption et pauvreté en
Afrique
D'une conception limitée de la corruption, on est
passé, ces derniers temps, à un élargissement de son champ
d'action et à son rattachement à des principes fondamentaux de
justice sociale et des droits de l'homme. De même, avec
l'accélération des changements au niveau planétaire et au
regard de la grande importance accordée, aujourd'hui, à la
problématique de la criminalité internationale, la source de
normativité de la corruption s'oriente peu à peu vers de nouveaux
sites d'observation que sont le régional et l'international. La
notion de corruption implique, pour ainsi dire, l'idée de
réformation des institutions étatiques et devient
indissolublement liée à la notion de bonne gouvernance des
affaires publiques. De ce fait, elle ne se laisse plus
appréhendée comme étant un ensemble d'actes posés
par un individu ou un groupe d'individus dans le but de distraire un patrimoine
commun, mais également comme étant un obstacle pour la
construction des États africains, voire un frein à l'aide au
développement.
Considérer à travers le prisme de la
généralisation de ses conséquences, et avec la
constatation de l'extension rapide de ses racines à toutes les
sphères de prise de décisions gouvernementales au sein des
États africains, la corruption rend bien compte de l'affaiblissement des
mécanismes de contrôle et de gestion des réalités
sociales en Afrique. Dans ce sens, la transparence dans la gestion des affaires
publiques exigée par les institutions internationales, se
présente comme une sorte d'antidote à cette incurie
avérée en matière de développement
économique.
Les notions de corruption et de pauvreté en Afrique
bien que distinctes demeurent, cependant, intimement liées à la
nature de l'État néo-patrimonial puisqu'elles intègrent le
débat actuel en sciences sociales sur la manière dont les
États en Afrique au Sud du Sahara sont gérés. Selon
Jean-François Médard « La nature néo-patrimonial
de l'État (...) rend compte du phénomène de corruption en
Afrique. La question cruciale de l'accès aux ressources rares, de leur
contrôle et de leur redistribution est au coeur de la
problématique du néo-patrimonialisme et de la corruption en
Afrique (...) L'accès au pouvoir commande l'accès aux richesses,
et la lutte politique a pour enjeu bien plus que la simple conquête de
positions politiques »40(*). La corruption, en tant qu'elle se donne aussi
à lire comme étant une entorse à la norme41(*) dans la gouvernance des
affaires publiques, constitue une catégorie analytique pour la recherche
de compréhension des déterminants essentiels de la
pauvreté en Afrique.
La corruption concerne les pratiques de bakchichs,
l'attribution des marchés publics moyennant certaines
récompenses, l'utilisation d'une fonction ou d'un service public pour un
intérêt privé ou personnel, le népotisme, la fraude.
Elle contribue à l'augmentation de la pauvreté au sein des
populations civiles africaines. La responsabilisation de tous les acteurs
sociaux face au danger que constitue la corruption nécessite la
création des espaces de dialogue inclusifs, c'est-à-dire un
élargissement des sphères de prise de décisions à
l'ensemble des acteurs sociaux. La création ces derniers temps en
Afrique des Commissions42(*) nationales de lutte contre la corruption
témoigne de la nécessité de restructuration des
administrations publiques et de la volonté politique d'assainissement
des sources de richesses au sein des pays africains
Dans le but d'aider les pays africains à combattre le
phénomène de la corruption qui empêche le
développement durable et équitable la Banque mondiale avait, non
seulement exigé de substituer les mécanismes de marchés
aux procédures administratives, mais également imposé un
système d'audit externe des fonctions publiques africaines afin
d'assurer un meilleur contrôle sur la manière dont
économies sont gérées. La modernisation des fonctions
publiques, des administrations judiciaires, bref, de toutes les institutions
publiques associée à la redéfinition de la place et du
rôle de la société civile, constitue des impératifs
catégoriques, sans lesquelles aucune perspective de développement
et de réduction de la pauvreté en Afrique ne saurait être
possible.
3. Gouvernance, renforcement des capacités
institutionnelles et restauration de l'autorité de
l'État
Comme dans toute démocratie qui se respecte au monde,
la simple politisation du débat social ne peut à elle seule
suffire de rendre compte de la manière dont les richesses nationales
sont orientées, gérées et redistribuées.
Faudrait-il encore que les mécanismes de gestion soient sous-tendus par
des règles de droit qui assurent, non seulement leur
applicabilité, mais également leur légitimité.
C'est dire qu'il faut tenir compte d'un impératif catégorique qui
nécessite de politiser le débat social et de juridiciser le
politique ; autrement dit, il faut soumettre toutes les méthodes
ainsi que les mécanismes de gestion sociale des réalités
au monopole du droit. Le respect de l'État est la condition sine qua
none d'un développement durable à visage humain, efficient
et harmonieux qui considère l'humain en l'homme comme étant une
émergence aléatoire par excellence.
La mauvaise gouvernance des réalités sociales en
Afrique s'explique aussi par l'affaiblissement de l'autorité de
l'État qui n'arrive plus à s'assurer les soutiens des populations
civiles pour sa survie et qui voit ses capacités de redistribution
s'amenuiser à cause des situations de crise (politique, social et
économique) qu'il traverse. Dans ce sens, aucun développement ne
peut être envisageable, sans un renforcement de l'autorité de
l'État. Le respect de la légalité constitutionnelle et la
redynamisation des institutions judiciaires constituent des piliers importants
sur lesquels doit être fondée la gouvernance des États en
Afrique subsaharienne.
Il s'agit, en fait, de faire passer les principes
constitutionnels de la puissance à l'acte, afin de redonner à
l'action de l'État toute sa positivité en garantissant les
conditions d'une participation efficiente des sociétés civiles
africaines à la gestion équitable des affaires publiques. La
primauté du droit est quelque chose de fondamentale pour l'instauration
d'un environnement économique propice au développement durable
des États. Cependant, les principes constitutionnels doivent être
le reflet des réalités sociales et culturelles africaines, sinon
les règles de droit demeureront de simples fantasmagories et ne
pourraient constituer en cas de crise d'ultimes voies de recours. Le
renforcement des capacités institutionnelles, la restauration de
l'autorité de l'État ainsi que la réussite de la
gouvernance dans d'Afrique au Sud du Sahara doivent déboucher sur la
volonté politique de redynamiser les institutions administratives, de
diversifier les sources de richesses nationales et d'élever le niveau de
vie des populations civiles.
La gouvernance, pour peu qu'elle soit légitime et
efficace, nécessite de repenser les mécanismes de redistribution
équitable des ressources mobilisables en responsabilisant tous les
acteurs sociaux. Cette nécessité de responsabiliser les citoyens
par rapport au respect du bien commun illustre bien la situation
socio-économique du Kenya43(*), dont l'augmentation de la corruption, la
dégradation des institutions judiciaires et la montée de la
violence interne pendant la décennie 1980-1990, avaient fait de
l'insécurité le lot quotidien des populations civiles. La
volonté politique de mettre en place des structures de contrôle et
de gestion des affaires publiques dans des État
sous-développés d'Afrique est un gage pour la bonne gouvernance;
elle constitue même une opportunité non négligeable et doit
se fonder sur une éthique-responsabilité.
Il est, certes, vrai que cette exigence fondamentale ne peut
se réaliser sans qu'émergent quelques difficultés, mais
l'expérience sur les différents terrains politiques africains
montre que « (...) la définition d'un nouveau régime
constitutionnel est devenue une priorité »44(*) pour la recherche des
solutions appropriées aux problèmes de développement qui
se posent aux États africains. Quoique de manière encore
imparfaite, au départ, il semble tout de même opportun d'affirmer,
pour emprunter à Jean du Bois de Gaudusson, que « Le
constitutionnalisme [redevient] un élément important de la vie
politique en Afrique qu'on ne peut plus négliger. Il en vient à y
remplir ses fonctions de prévention et de règlement des
conflits»45(*).
La juridicisation des rapports sociaux en Afrique, loin
d'être appréhendée ici comme étant une sorte de
potion magique qui, une fois administrée permet d'enclencher un
développement durable ou de garantir le bien-être des populations
civiles mérite, néanmoins, d'être considérée
comme étant une voie possible dans la dynamique de refondation des
États africains criminalisés. Elle participe de ce mouvement de
redéfinition épistémologique des modes d'action
politiques. De ce point de vue, elle demeure l'un des piliers sur lequel repose
la construction étatique. Sans risque d'exagération, il est
certain de penser que tout pouvoir politique qui ne prend pas appui sur le
droit (entendu ici au sens de droit constitutionnel du moment que c'est lui qui
garantit les attributs, ainsi que l'exercice normal du pouvoir) court le risque
de sa propre dégénérescence46(*). La juridicisation
répond à l'ambition de toute politique de faire entrer tout
projet de construction sociale de la réalité dans l'espace
public, où se réalisent les intérêts collectifs.
D'où l'idée que « Le droit correspond à une
codification au sens littéral du terme, c'est-à-dire à un
souci de mettre en forme et mettre des formes »47(*).
Cette juridicisation du débat social à la base
doit être également valable pour ce qui concerne les moyens
d'acquisition des positions de gouvernement en considérant, par
ailleurs, que la gestion politique, voire la responsabilité politique du
partage du pouvoir nécessitent la mise en place des lois proactives et
une représentation inclusive susceptibles de garantir la
stabilité des institutions de l'État et la sécurité
des citoyens. Toutefois, cette notion de juridicisation implique aussi celle de
judiciarisation du politique, car les gouvernants doivent également
répondre de leurs actes devant les tribunaux et le peuple.
L'institutionnalisation de ces principes est une panacée face au trafic,
à la fraude, à la corruption généralisée et
à la circulation illégale des armes de destruction, contre le
déchaînement de la violence aveugle et le perpétration des
actes criminels (vols à main armée, viols des femmes et des
jeunes filles, règlements de compte, assassinats crapuleux et odieux,
impunité, etc.), contre le crime économique et le pillage
organisé des richesses nationales au sein de la majorité des
États africains.
Conclusion
Ce cours n'avait point la prétention d'offrir à
l'étudiant des méthodes et des outils analytiques qui, une fois
appliqués aux réalités sociales, lui permettraient de
saisir la manière dont les États africains situés au Sud
du Sahara ont été ou sont gérés. Il s'agissait,
plutôt, de lui proposer quelques pistes de réflexion à
partir des notions de « Démocratie » et de
« Gouvernance » dans le but de transcender les visions
misérabilistes et alarmistes concernant l'étude de l'État
en Afrique. Trois points essentiels ont permis de structurer cette
recherche.
Le premier point concernait la problématique
générale de la démocratisation en Afrique. Il ressort de
cette analyse l'idée qu'un régime démocratique ne
constitue pas en soi une entité qui se donne à lire de
manière objective. Il est un construit social, c'est-à-dire le
produit d'un processus historique traversé de contradictions, de
conflits, des désajustements et des décalages structurels se
rapportant à des aires géographiques données et à
un environnement social bien spécifique au sein duquel vivent des
individus particuliers. Dans ce sens, il s'est agi d'une révisitation
épistémologique des difficultés auxquelles avaient
été confrontés les États d'Afrique au Sud du Sahara
à la fin de l'année 1989 et au début de l'année
1990.
A cette époque, la majorité des États
africains faisaient face à d'énormes difficultés au triple
plan économique (l'ampleur de la dette tant interne qu'externe, etc.),
social (l'augmentation de la pauvreté, le chômage des jeunes,
etc.) et politique (la remise en cause des régimes dictatoriaux et la
revendication du multipartisme) qui s'étaient aggravées à
cause des changements enclenchés en Occident, notamment, dans les pays
de l'Ex Union Soviétique ; changements qui avaient
occasionné la destruction du mur de Berlin, la fin de la guerre froide,
la modification des équilibres géopolitiques et la
repositionnement géostratégique des alliances entre les grandes
puissances mondiales représentées par l'URSS et les
États-unis d'Amérique. Surpris par l'ampleur de ces changements,
les pouvoirs africains très affaiblis n'avaient pour alternative que
d'accepter, quoique de manière partielle, d'engager leurs pays sur la
voie de la démocratisation et des réformes des institutions
publiques, afin de bénéficier de l'aide au développement
de la part des partenaires bilatéraux (France, Allemagne,
États-unis, Canada, Grande-Bretagne, etc.) et multilatéraux (FMI,
Banque mondiale, OCDE, etc.).
Le deuxième point, quant à lui, a
été consacré à l'étude de la notion de bonne
gouvernance comme étant l'une des conditions du développement
durable en Afrique. Parti du constat selon lequel le mal développement
de l'Afrique est en partie lié à des pratiques de corruption, de
clientélisme, de népotisme ou de néo-patrimonialisation du
pouvoir, les institutions internationales ont conditionné l'octroi de
l'aide au développement, non seulement à la
démocratisation politique et à la prise, mais également
à l'adoption des pratiques de bonne gouvernance des affaires publiques
basées sur la transparence et la redistribution équitable des
richesses. Il s'est donc agi de démontrer que la démocratie et la
bonne gouvernance vont de pair en tant qu'elles permettent la construction
d'une société basée sur la justice sociale et le respect
des droits de l'homme. De ces deux réalités dépendent la
légitimation des élites et de leurs actions.
Le troisième point, enfin, concernait l'analyse des
rapports existants entre gouvernance, État et société en
Afrique. Il ressort de ceci que la notion de gouvernance en tant qu'elle
constitue une sorte d'impératif catégorique pour une gestion
collective des États, implique la responsabilisation de tous les acteurs
sociaux (étatiques et non étatiques) en vue d'un
développement harmonieux des sociétés africaines. Elle
signifie l'établissement d'un nouveau contrat entre différents
acteurs sociaux en vue d'une gestion saine, efficace et transparente des
affaires publiques. La bonne gouvernance se donne ainsi à lire comme
étant l'une des conditions, sans lesquelles la construction de
l'État et le changement social ne peuvent être rendus possibles.
Elle nécessite la mise en place des politiques publiques structurantes,
le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs et le
respect de l'État de droit. En dernier lieu, il a été
démontré que l'étude du rapport entre les notions de
gouvernance, État et société pour peu qu'elle soit
faisable, doit nécessiter la restauration de l'autorité des
États.
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* 1 Menga (G.), Congo, la
Transition escamotée, Paris, L'Harmattan, 1993.
* 2 Au Congo, la restauration
autoritaire de l'État de droit après une décennie de
guerres civiles à répétition ayant ramené Denis
Sassou Nguesso au pouvoir, a permis une stabilisation politique.
* 3
Badie
(B.) et Smouts (M.C.), Le retournement du monde: Sociologie de la
scène internationale, Paris, Dalloz - Sirey;
Édition : 3e éd. revue et mise à
jour, 2007.
* 4 Dobry (M.),
Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations
multisectorielles, Paris, Presses de la F.N.S.P.,
1986 ; réédition en collection de poche
(« Références »), 1992.
* 5 Hyden (G.) et Bratton
(M.) [sous dir.], « Vers la gouvernance en Afrique : exigences
populaires et réactions gouvernementales », in Gouverner
l'Afrique. Vers un partage des rôles/trad. de l'américain par
Brigitte Delorme. [Paris] : Nouveaux horizons, 1997, p.45.
* 6 Idem, p.27.
* 7 Zartman (W.),
L'effondrement de l'État. Désintégration et
restauration du pouvoir légitime, Paris/New York, Nouveaux
Horizons, 1995.
* 8 Libération,
21 juin 1990.
* 9 Le Monde, 23 juin
1990.
* 10 Bayart (J.-F.),
L'État en Afrique. La politique du Ventre, Paris, Fayard,
1989.
* 11 Médard (J.-F.),
« Au-delà de l'État néo-patrimonial »,
Revue internationale de politique comparée, Volume 13
-2006/4.
* 12 Moffa (C.),
L'Afrique à la périphérie de l'Histoire, Paris,
L'Harmattan, 1995.
* 13 Myrdal (G.),
« L'État mou dans les pays
sous-développés », in Revue Tiers Monde, X,
janvier-mars 1969. Par cette expression, Myrdal « entends
caractériser l'absence générale de discipline sociale dans
les pays sous-développés (...), absence d'obéissance aux
règlements et directives édictées par l'autorité,
fréquentes collusions entre cette autorité, les individus
puissants et les groupes de personnes dont elle devrait contrôler les
actes, et enfin, tendance sensible dans toutes les couches de la population
à résister au contrôle de l'autorité publique (...)
Le concept d'État mou inclut aussi la corruption (...), je suis
arrivé à la conclusion qu'en l'absence d'une plus grande
discipline sociale, le développement se heurte à d'énormes
difficultés, et en tout cas, se trouvera retardé ».
* 14 Bayard (J.-F.),
L'État au Cameroun, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1979.
* 15 Cf. Médard
(J.-F.) and Clapham (C.), Private Patronage and Public Power: Political
Clientelism in Modern State, London, Frances Pinter, 1982.
* 16 Coulon (C.),
« Les institutions et les valeurs du système politique moderne
n'affectent pas la société dans son ensemble », in
« Système politique et société dans les
États d'Afrique Noire », Revue française de Science
Politique, octobre 1972, pp.1049-1073.
* 17 Balans (J.-L.), Le
développement du pouvoir en Mauritanie, Thèse d'État
en Science Politique, Université de Bordeaux I, 1980, 717 pages.
* 18 Idem,
p.495.
* 19 Chabal (P.) et Daloz
(J.P.), L'Afrique est partie ! Du désordre comme instrument
politique, Paris, Economica, 1999.
* 20 Réf. :
ETA10, Nmf. principes de la gouvernance mondiale,
p.27.
* 21 Quantin (P.),
« L'Afrique Centrale Dans la Guerre: Les Etats-Fantômes Ne
Meurent Jamais », in African Journal of Political Science
Vol.4 (2) 1999: 106-125.
* 22 Réf. :
ETA10, Nmf. Op. cit.,, p.27-28.
* 23 Bayart (J.-F.) et Ellis
(S.), The Criminalisation of the State in Africa, (avec), Londres,
James Currey and Indiana, 1998 (édition française, 1997).
* 24 Hibou (B.) [(dir)], La
privatisation des États, Paris, Karthala, collection "Recherches
internationales" du CERI, 1999.
* 25 Dossier documentaire
« Sommet mondial sur le développement durable »,
Johannesburg, 2000-fiche n°10.
* 26Banque Mondiale,
Governance. The world bank's experience, Washington, DC., 1994.
* 27 Banque Mondiale,
Governance and Development, Washington, DC., 1992.
* 28 Prix Nobel
d'économie en 1998.
* 29 Nzongola Ntalaja,
« Gouvernance et développement », Oslo, FAFO,
2003.
* 30 PNUD,
« Reconceptualizing governance », New York, 1997.
* 31 PNUD, op. cit.
* 32 Hewitt de Alcantara,
« Du bon usage du concept de gouvernance », RISS, mars,
1998.
* 33 Jobert (B.) et Muller
(P.), L'État en action, Paris, P.U.F., 1987, p.10.
* 34 Favre (P.), Sida et
politique, Paris, L'Harmattan, 1992, p.33
* 35 Muller (P.) et Surel (Y.),
op. cit., p.88
* 36 Idem, p.89
* 37 Osborne (D.) et Gaebler
(T.), Reinventing Government, Adison-Westley, Reading Mass, 1992.
* 38 Peters (B.-G.) et
Savoie (D.-J.) [ed.], Governance in Changing Environment, Montréal, Mc
Gill University Press.
* 39 Jouve (B.) et
Lefèvre (C.), « pouvoirs urbains : entreprises
politiques, territoires et institutions en Europe », in Jouve (B.) et
Lefèvre (C.) [dir.], Villes et métropoles en Europe :
les nouveaux territoires du politique, Paris, Anthropos/Economica,
1999.
* 40 Médard (J.-F.),
« La nature de la corruption en Afrique sub-saharienne et ses
causes », in La Lettre du Forum n°29, décembre
1998-janvier 1999.
* 41 Le grand débat
ayant suivi le remaniement gouvernemental au Cameroun ces derniers temps et qui
a conduit à l'éviction de certains ministres comme celui de
l'Économie et du Budget ou de la Santé, voire le
Secrétaire Général de la Présidence,
témoigne [dirait-on] de la volonté du Chef de l'Exécutif
de lutter contre certaines pratiques devenues courantes dans la
société camerounaise qui conduisent les hauts fonctionnaires de
l'État à servir des prérogatives liées à
leurs posture sociale, pour distraire le patrimoine commun.
* 42 Au Congo-Brazzaville,
le décret n°2007-397 du 29 août 2007 portant nomination des
membres de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la fraude et
la concussion a été mise en place dans le but de contribuer
à la réforme des institutions publiques, à la
modernisation.
* 43 Collectif (Banque
mondiale (sous la dir.,), Op. cit., pp.66-67.
* 44 Du Bois de Gaudusson
(J.), « Les solutions constitutionnelles des conflits
politiques », in Afrique contemporaine, n°250,
1996p.251.
* 45 Ibidem.
* 46 Ceci s'applique fort
bien au cas congolais au moment même où, dans l'euphorie de sa
victoire à l'élection présidentielle de 1992, Pascal
Lissouba prêtait serment devant le peuple congolais en oubliant qu'il
aurait été d'abord nécessaire de mettre en place des
institutions comme la Haute Cour de Justice, le Conseil constitutionnel, le
Conseil économique et social, le Conseil supérieur de
l'information et de la communication, la Cour des comptes, tous prévus
par l'Acte fondamental régissant la période de transition comme
de sortes d'organes de contrôle du pouvoir. Ce premier acte constitue le
premier coup d'état constitutionnel de l'ère démocratique
au Congo, dès lors qu'il créait là un
précédent grave pour l'enracinement de la jeune démocratie
congolaise chèrement acquise après près de trois
décennies de gestion sans partage du pouvoir politique. On était
donc entré dans une dynamique de changement, changement entendu dans le
sens de la positivité, faisait l'État autoritariste naissait de
ces propres cendres.
* 47 Renard (D.), Caillosse
(J.) et Béchillon (D.), L`analyse des politiques publiques aux
prises avec le droit, Paris, L.G.D.J, 2000, p.70.
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