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Droits de l'homme et action humanitaire

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par CLAUDE-ERNEST KIAMBA
UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE, YAOUNDE/CAMEROUN - Doctorat 2007
  

Disponible en mode multipage

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Université Catholique d'Afrique Centrale

Institut Catholique de Yaoundé

Faculté de Sciences Sociales et de Gestion

Association pour la Promotion des Droits de l'Homme en Afrique Centrale (APDHAC)

Master I en Droits de l'Homme et Action Humanitaire

Cours : Démocratie et Gouvernance

Enseignant : Docteur Claude-Ernest KIAMBA

Année 2007-2008

Plan du cours

Introduction

I. La problématique de la démocratie en Afrique : les États entre crise et refondation

1. Mobilisations multisectorielles et crise des régimes autoritaristes africains

2. La démocratisation, une condition pour l'octroi de l'aide au développement

3. Nécessité de réforme des institutions étatiques

II. Les usages multiples du concept de gouvernance 

1. Gouvernance et légitimité politique en Afrique

2. Gouvernance et restructuration des économies en Afrique

III. Gouvernance, État et Société en Afrique 

1. La société civile et la co-gouvernance des politiques publiques

2. Gouvernance, corruption et pauvreté en Afrique

3. Gouvernance, État de droit et décentralisation en Afrique

Conclusion

Introduction

Certains analystes des mutations politiques africaines ont déclaré que « l'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie » ou qu'elle devrait s'y organiser « autrement ». Après une évaluation critique des démocraties africaines ou de la démocratie en Afrique, ainsi qu'un examen des évolutions constitutionnelles en cours, l'enseignement pose la problématique centrale de la gouvernance de l'État en Afrique dans une dynamique de démocratisation. Le droit à la démocratie et le droit à une bonne gestion des affaires publiques sont ici largement questionnés. Une approche comparative des « chantiers de la gouvernance » en Afrique est une exigence pour mieux comprendre les évolutions politiques et sociales actuelles.

La bonne gouvernance  est une des conditions du développement durable. Elle permet de réaliser les objectifs principaux d'une société libre et prospère, à savoir la justice sociale et la transparence dans le cadre de la gestion des affaires publiques. Il est indispensable que la bonne gouvernance s'appuie sur le consentement et la participation des gouvernés et la participation pleine et durable de tous les citoyens à la construction de l'avenir d'un pays. Aussi la bonne gouvernance et la démocratie sont-elles indissolublement liées.  

 

Les principes de bonne gouvernance et de démocratie ne devraient pas se limiter à des déclarations de bonnes intentions, car pour les bailleurs de fonds la bonne gouvernance et la démocratie constituent des conditionnalités, sans lesquelles aucune aide au développement ne saurait être possible. Face aux critiques adressées contre la rigueur destructrice des programmes d'ajustement structurels, la Banque mondiale a lancé, dans le rapport Berg en 1989 le nouveau credo à l'aune duquel les bailleurs de fonds entendaient, désormais, jauger les performances des États bénéficiaires de leur assistance. Lorsque furent enclenchés, dans les années 90, un peu partout en Afrique les processus de démocratisation, les bailleurs des fonds avaient pensé qu'il ne pourrait avoir de développement durable, sans une réelle volonté politique de mise en oeuvre des réformes institutionnelles et d'assainissement des économies. La bonne gouvernance et la démocratisation devenaient ainsi les déterminants majeurs de la construction des États.

Beaucoup de dirigeants africains ont pris ces nouvelles exigences au sérieux. Ils se sont inscrits spontanément, voire hâtivement, dans les schémas ainsi prescrits. Les plus sincères lancèrent des transitions démocratiques libres et transparentes qui en balayèrent quelques-uns (Bénin, Congo-Brazzaville, Niger, Mali). D'autres, plus rusés ou plus malveillants, se limitèrent à des démocratisations de façade dans le but de conserver le pouvoir (Zaïre, Togo, Cameroun, Burkina Faso, Gabon, Tchad, Côte d'Ivoire, Gambie, etc.). Mais, appliquée dans contextes politiques et socio-historique différentes, ces conditionnalités n'avaient pas induit partout les mêmes effets; au contraire, les effets pervers vont l'emporter sur les maigres résultats obtenus et aboutir à des « transitions escamotées »1(*). Car, non seulement l'aide n'a pas augmenté, mais en plus les régimes démocratiques et dictatoriaux reçurent le même traitement, les critères d'octroi des aides s'avérant autres que la libéralisation des systèmes politiques.

En effet, les agences d'aide appliquent chacune son mode de conditionnalité, lié à sa propre conception de la démocratie et, surtout, aux intérêts économiques, stratégiques ou géopolitiques à promouvoir ou à préserver dans tel ou tel autre pays. Les conséquences politiques de ces injonctions contradictoires furent immédiates : les «démocrates » se sont sentis floués, et les vieux réflexes reprirent aussitôt le dessus : blocages des processus démocratiques et recrudescence de l'autoritarisme par ici (Zaïre, Togo, Tchad, Cameroun, Gabon, Centrafrique, etc.); coups d'état par là (Nigeria, Burundi, Niger, Sierra Leone, etc.) ; sans oublier les guerres de pouvoir à soubassement ethnique (Rwanda, Burundi, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire).

 

En plus, la théorie libérale, dans sa logique d'établissement des corrélations fonctionnelles entre démocratie et développement s'avérait, désormais, obsolète et presque démentie par les faits : il y a bien des pays au monde qui, sans être démocratiques, ont amorcé le développement économique et affichent des chiffres de croissance en augmentation constante. Pourquoi ne pas s'en inspirer en Afrique ?  Dorénavant, les seuls critères qui entrent en ligne de compte pour juger la capacité d'un régime à mettre en oeuvre des programmes de gouvernement susceptibles de promouvoir le développement sont la stabilité politique2(*) (fut-elle de type dictatorial), la rentabilité des investissements et le remboursement de la dettes extérieure, même moyennant une forte paupérisation de la population. Après cette désillusion, le concept de « démocratie » a été progressivement galvaudé par une multitude d'usages en Afrique : « démocratie consensuelle », « démocratie apaisée », « démocratie de participation », etc. Cependant, aucun régime politique ne conteste, aujourd'hui, la validité et la pertinence des principes de la démocratie libérale.

 

Par son caractère hétérogène, le concept de « gouvernance » revêt aujourd'hui plusieurs significations et se prête à de multiples usages. Ce vocable est utilisé dans des disciplines aussi diverses que la science politique, le droit public, le droit des affaires, l'administration publique, l'économie institutionnelle, et les relations internationales. Ce terme est également associé à des types de politiques publiques et/ou privées et se décline en fonction de différentes échelles territoriales d'intervention : de la gouvernance locale à la gouvernance mondiale, en passant par la gouvernance urbaine, celle des régions (CEMAC, CEEAC), des politiques monétaires, de l'emploi, de l'éducation, des entreprises. On parle même de gouvernance globale.

Face à la complexité croissante de l'environnement économique, social et politique (liée à l'affirmation de nouveaux acteurs), et face à l'enchevêtrement des niveaux local, national, régional et international, les formes classiques de gouvernement sont mises en doute dans leur capacité à coordonner des actions collectives, à faire face aux nouveaux défis de la mondialisation des échanges. La gouvernance, c'est la manière dont les gouvernements gèrent les ressources sociales et économiques d'un pays. La « bonne » gouvernance (ce qui implique le constat d'une mauvaise gouvernance) est l'exercice du pouvoir par les divers paliers de gouvernement de façon efficace, honnête, équitable, transparente et responsable. La décentralisation, tant interne qu'externe (au profit de diverses institutions supranationales), accroît l'efficacité et l'obligation de rendre des comptes en faisant en sorte que le gouvernement soit présent à tous les niveaux de gestion. Il sera d'abord question dans ce cours de l'étude de la problématique de la démocratie en Afrique (I). Ensuite, l'on analysera les usages multiples du concept de gouvernance (II). Enfin, il s'agira d'élucider les rapports entre gouvernance, État et société en Afrique (III).

I. La problématique de la démocratie en Afrique : l'État entre crise et refondation

La fin de l'année 1989 et le début de l'année 1990 avaient constitué deux moments singuliers dans l'évolution socio-historique et politique des pays africains. Ces moments étaient marqués, non seulement par les revendications populaires de tous ordres, des mouvements de remise en cause des régimes autoritaristes et dictatoriaux imposés, mais également par l'urgence de la libéralisation de l'espace politique, de la participation des citoyens à la prise de décisions concernant la gestion transparente des affaires publiques, à la nécessité de la reconnaissance et du respect des droits de l'homme. Certes, il est vrai que ces revendications différaient d'un pays à un autre, mais il ne demeure pas moins vrai qu'elles visaient partout presque les mêmes objectifs : la démocratisation et la bonne gouvernance des sociétés. L'étude de la crise des régimes autoritaristes, la nécessité de réformer les États et l'analyse des exigences liées à l'aide bilatérale et multilatérale permettront de comprendre les notions de démocratie et de gouvernance en Afrique.

1. Mobilisations multisectorielles et crise des régimes autoritaristes africains

Nul doute que les événements qui avaient marqué l'histoire socio-politique de l'Afrique noire au début de l'année 1990 s'expliquent par les changements nés du bouleversement des équilibres géostratégiques et géopolitiques entre les grandes puissances mondiales (représentées, principalement, par les États-Unis d'Amérique et les pays communistes de l'ex-Union Soviétique), au renouvellement de l'ordre politique mondial et au renversement du mur de Berlin. Toutefois, cette rupture des équilibres et des alliances géostratégiques au plan mondial qui marque, selon Bertrand Badie et Marie Claude Smouts « Le retournement du monde»3(*), n'épuise pas à elle seule le répertoire des transformations sociales, politiques et économiques auxquelles étaient confrontés les pays africains à cette époque. De nombreux autres facteurs internes, à savoir les « mobilisations multisectorielles »4(*) ou les dynamiques de remise en cause des régimes autoritaristes avaient également contribué à accentuer ces dynamiques changements. Bien qu'il soit difficile d'établir une chronologie entre ces différents événements, Michael Bratton et Nicolas Van de Walle tentent d'expliquer ces réalités lorsqu'ils considèrent que « Les populations africaines ne sont pas passives face à la baisse de leur niveau de vie et à l'incurie de leurs gouvernements; étudiants, fonctionnaires, travailleurs et membres des professions libérales font régulièrement entendre leur voix au cours des grèves, de manifestations, de marches et de boycottages »5(*).

De la Zambie (avec les émeutes déclenchées en décembre 1986 à la suite de l'augmentation du prix de la farine de maïs, dont les subventions avaient subi les effets néfastes de l'ajustement structurel imposé par le FMI) au Bénin (avec les grèves organisées dans le secteur public au courant de l'année 1989 par les fonctionnaires qui revendiquaient le paiement de leurs arriérés de salaires), ainsi que dans bien d'autres pays comme le Kenya et le Zimbabwe où les grèves des étudiants étaient devenues quasi récurrentes, les gouvernements africains étaient confrontés à des difficultés de tous ordres. Alors qu'au Zimbabwe les émeutes survinrent à la suite de l'annonce par les étudiants de l'organisation d'un séminaire commémorant le premier anniversaire de la mobilisation estudiantine contre la corruption au Kenya, par contre, les étudiants manifestèrent en février 1990 contre les mauvaises conditions de travail, l'augmentation du chômage et contre les forces de sécurité soupçonnées d'avoir assassiné le ministre des Affaires Étrangères, Robert Ouko. Parlant de ces diverses mobilisations dans l'analyse qu'il fait de la gouvernance des régimes politiques africains, Goran Hyden dit :

Partout où l'État détient tous les pouvoirs, la cause la plus probable de crise provient des effets aliénants qu'exerce un tel monopole du pouvoir. Les effets nuisibles dans le long terme qu'exerce un tel régime sur le développement trouvent leur illustration la plus spectaculaire dans les événements qui viennent de se produire en Union Soviétique et en Europe de l'Est. Par le mépris qu'ils ont manifesté à l'égard de la dimension de contrôle incombant aux citoyens, les dirigeants ont fait preuve d'une arrogance croissante et d'un mépris total à l'égard des besoins de la population, dépréciant ainsi gravement leur capital social6(*).

Plus les gouvernants tentaient de durcir les mécanismes de contrôle et les moyens de répression des populations civiles, plus on constatait la montée en puissance des mobilisations sociales et des critiques face à l'accumulation de la dette (aussi bien intérieure qu'extérieure des États), à l'aggravation de la pauvreté au sein des ménages, au chômage des jeunes diplômés, à la gestion monolithique des positions de gouvernement, voire l'extorsion des richesses nationales par les élites politiques au pouvoir. La fureur et l'exaspération nées de la redistribution inégalitaire, par le haut, des richesses nationales, voire des prébendes ou de divers autres avantages souvent accordés au cercle restreint du pouvoir, conduisirent les populations à changer de tactique et à demander tout simplement le départ des dirigeants, dont l'incurie en matière de gouvernance avait provoqué le délitement des mécanismes de gestion étatique en Afrique, voire même « l'effondrement de l'État »7(*). Il ressort de qui précède la possibilité d'établir une certaine unité d'analyse entre les mobilisations multisectorielles qui ont marqué l'évolution de l'histoire socio-politique des pays africains au début de l'année 1990 et la remise en cause par les populations civiles de la manière dont les affaires publiques au sein des États avaient été gérées. Autrement dit, l'appel au changement social, à plus d'ouverture politique, les pressions exercées contre les pouvoirs politiques établis permettent de comprendre les difficultés économiques auxquelles étaient confrontés les gouvernements africains; difficultés qui s'expliquaient par la mauvaise redistribution des richesses et la gouvernance scabreuse des affaires publiques ayant pour corollaire l'augmentation de la pauvreté dans les ménages.

2. La démocratisation, une condition pour l'octroi de l'aide au développement

Au début de l'année 1990, bon nombre de pays de l'Afrique au Sud du Sahara se trouvaient confrontés à une situation socio-économique et politique catastrophique qui s'expliquait par l'aggravation de la dette tant au plan intérieur qu'extérieur, à l'augmentation de la pauvreté dans les ménages et au chômage des jeunes diplômés, à l'évolution des maladies comme la pandémie du sida ou la tuberculose. Toutes ces situations, rassemblées, avaient contribué à la fragilisation de l'autorité des États, à la délégitimation des élites politiques au pouvoir, à la remise en cause des mécanismes de gestion des affaires publiques, voire à l'émergence de nombreuses tensions sociales. Les gouvernements affaiblis et très réticents au départ à entreprendre des réformes se sont vus imposés un certain nombre de conditionnalités de la part des bailleurs de fonds internationaux, afin de pouvoir bénéficier de l'aide au développement. L'acceptation de la libéralisation du jeu politique, c'est-à-dire la démocratisation des structures politiques, économiques et sociales constitua l'une des conditionnalités essentielles pour l'octroi de l'aide au développement. La question de la gestion démocratique et efficiente des affaires de l'État qui est sous-jacente à celle de la mise en place d'un « bon gouvernement » implique, de ce fait, une libéralisation de la vie politique et de toutes les instances de prise de décisions, afin de permettre aux populations civiles d'avoir un droit de regard sur la manière dont les richesses nationales sont gérées et redistribuer. Inspirée des mécanismes de gestion des réalités sociales conçus par les démocraties dites libérales nées en Occident, cette nécessité d'ouverture politique met en évidence des catégories conceptuelles telles que la décentralisation et le pouvoir local, la gouvernance locale, la société civile, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le renforcement de l'État de droit, de la liberté d'opinions et d'association, la gestion transparente des affaires publiques, le respect des droits de l'homme, le dialogue social, voire la justice sociale.

L'impulsion donnée à cette dynamique de changement est caractéristique de la volonté de certains bailleurs de fonds internationaux qui, à l'occasion des assises organisées en 1989 au sein du Comité d'Assistance au Développement de l'OCDE, avaient conditionné l'octroi de l'aide au développement aux pays les moins avancés de la planète, en particulier de l'Afrique, à l'acceptation par leurs dirigeants des conditions de réformation des institutions publiques au nombre desquelles la libéralisation du jeu politique, la décentralisation des instances de prise de décision au sommet de l'État, la reconnaissance des oppositions politiques, voire l'établissement d'un nouveau partenariat public/privé. Pour l'OCDE, il était clairement établi qu'il ne saurait y avoir de développement équitable et durable, sans qu'il y ait une connexion vitale entre ouverture politique et responsabilité des États. Cette première conditionnalité a été renforcée dans sa conceptualisation à partir de l'année 1993 par une autre batterie d'autres exigences fondamentales qui insistaient sur le rôle du développement participatif et de la bonne gouvernance dans la coopération au développement. L'apport de la France au sommet de la Baule organisé en juin 1990 a été aussi déterminant dans cette dynamique d'appropriation de nouvelles exigences de gestion des États qui allient développement et démocratie. Au cours de ce sommet, le Président de la France, François Mitterrand, avait dit : « Il ne peut y avoir de démocratie sans développement et, inversement, de développement sans démocratie » ou « La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »8(*). Lors d'une conférence de presse donnée en marge de ce sommet, François Mitterrand avait précisé sa pensée en ces termes : « Il est évident que l'aide normale de la France sera plus tiède en face des régimes qui se comportaient de façon autoritaire sans accepter d'évolution vers la démocratie et enthousiaste vers ceux qui franchiront le pas avec courage »9(*).

Cet exemple a été aussi suivi par la Grande-Bretagne et l'USAID qui au même moment avaient décidé de soumettre l'octroi de l'aide au développement à la réalisation d'un audit interne sur les résultats réels et l'efficacité des flux financiers destinés aux pays africains. Une année après, c'était au tour du Canada et de l'Union Européenne de lier l'aide au développement à la conditionnalité démocratique : démocratisation des régimes politiques, respect des droits de l'homme, lutte contre la corruption, liberté de la presse, diminution des dépenses militaires en vue d'une plus grande efficacité des réformes économiques. Ces conditionnalités étaient d'autant plus contraignantes que certains États comme l'Indonésie en Asie du Sud Est ou la Mauritanie en Afrique noire avaient vu se rétrécir leur aide au développement à cause du non respect des droits de la personne humaine. Alors que l'Indonésie avait été sanctionné par le Danemark et les pays Bas pour son implication dans la crise au Timor Oriental la Mauritanie, quant à elle, avait été négligée par les États-Unis pour sa perpétuation des pratiques esclavagistes. Tout compte fait, certains pays africains à l'image du Bénin avaient continué de bénéficier de l'aide au développement de la part de la France à partir de l'année 1990 au titre de la prime à la démocratie, qui implique une modification substantielle des systèmes judiciaires, la libéralisation des capacités institutionnelles de gestion des affaires publiques, la décentralisation des instances de prise de décision au sommet de l'État et la participation de la société civile à la gestion des affaires publiques, le respect des droits de l'homme, la républicanisation des armées nationales, la lutte contre la corruption, le népotisme, le clientélisme politique, le renforcement de l'État de droit, etc.

3. Nécessité de réforme des institutions publiques

La question de la réforme des institutions de l'État implique celle de la légitimité des élites politiques et des institutions qu'elles représentent. Elle a été au coeur de multiples revendications amorcées au début de l'année 1990 par les populations civiles dans les différents pays d'Afrique au Sud du Sahara. Face à des régimes politiques nés pour la majorité, après la période des indépendances et qui s'étaient souvent illustrés par la répression, la corruption généralisée, l'atomisation des individus et l'accaparement de leurs libertés, voire l'anéantissement des opposants politiques, ces populations avaient décidé de prendre en main leur destin en revendiquant une plus large ouverture politique et le renouvellement des élites, la participation de tous les citoyens à la gestion des biens publics, la mise en place de nouvelles politiques structurantes en matière de développement économique et de lutte contre la pauvreté, d'emploi pour les jeunes, de l'État de droit, du respect des droits de la personne humaine, bref, l'amélioration de leurs conditions de vie. Alors que certains dirigeants politiques africains comme au Bénin et au Congo (pourtant au départ réticents face à ces changements), avaient du céder à ces pressions sociales, politiques et économiques d'autres, par contre, comme au Kenya, au Zimbabwe, au Cameroun ou en Côte d'Ivoire, avaient trouvé nécessaire de diluer les revendications dans des logiques démagogiques ou simplement de réprimer tous les mouvements de contestation susceptibles de remettre en cause l'ordre politique imposé, l'autorité de l'État et la légitimité des institutions en place. Si au Nord-ouest du Cameroun, par exemple, la police avait tué au moins 6 six manifestants pendant qu'elle cherchait à empêcher la tenue d'une réunion du Social Democratic Front (S.D.F) de John Fru Ndi, au Zimbabwe le gouvernement avait ordonné la fermeture de l'université, suivie de l'arrestation sans procès des étudiants et du président du rassemblement des syndicats.

Tout compte fait, ces réactions de la part des gouvernements africains n'avaient produit d'effets que l'instant de leur formulation. Elles n'avaient pas survécu aux pressions venues des sociétés civiles. Car, au fur et à mesure que les revendications devenaient fortes, certains dirigeants africains avaient très vite été contraints d'engager le dialoguer avec les l'ensemble des partenaires sociaux et d'accepter de faire plusieurs concessions. Le cas le plus à même de contribuer à l'élucidation de cet argument est celui du Bénin qui plus que d'autres africains avait été confronté à une grave crise économique combinée avec le retrait des partenaires français au développement. La dynamique de réformation des institutions étatiques avait abouti partout en Afrique à la politisation des revendications puisque, désormais, l'identité du dirigeant politique était appelée à connaître de profondes mutations. Il était, dorénavant, établi que le nouvel homme politique ne doit plus seulement représenter les intérêts égoïstes d'un quelconque clan, de sa famille ou de son ethnie mais, bien plutôt, servir l'intérêt général du peuple et faire preuve d'une bonne moralité et des capacités avérées en matière de gestion des biens publics.

Cette logique de réajustement de l'ordre politique, ainsi que l'établissement de ce nouveau contrat social qui avaient occasionné l'émergence d'une autre culture politique, impliquaient donc de transcender ce qui a toujours permis de définir l'État en Afrique dans les milieux de recherche politiques africanistes à savoir la «politique du ventre » 10(*) comme le dit Jean-François Bayart ou le « néo-patrimonialisme »11(*) comme le souligne Jean-François Médard. En Côte d'Ivoire, par exemple, Houphouët Boigny avait été critiqué par son peuple et considéré comme étant à l'origine de ses souffrances pour avoir réalisé sur fonds propres (la somme de 145 millions de dollars) la construction de la Basilique Notre Dame de la Paix de Yamoussoukro (son village natal). Au Zaïre, Mobutu Sese Seko avait également été accusé par les confessions religieuses, les syndicats d'étudiants et de travailleurs, par les associations de chefs d'entreprises, voire l'ensemble des citoyens zaïrois de dictateur, de pilleur des richesses nationales, de fossoyeur des libertés individuelles ainsi que de « monstre humain » pour de multiples crimes commis par son régime.

Il ressort de ce qui précède l'idée selon laquelle la nécessité de réformer l'État en Afrique implique l'instauration de nouveaux habitus politiques, la civilisation des moeurs politiques, la remoralisation de la vie publique et l'institution d'autres mécanismes de gouvernance des affaires de l'État. Ce nouvel ordre politique africain, pour ainsi dire, doit également s'accompagner d'un renouvellement conséquent des élites politiques, conformément, aux nouvelles exigences démocratiques, du renforcement des capacités des acteurs aussi bien étatiques que privés en matière de respect des procédures administratives et de la qualité des services offerts, voire d'une amélioration substantielle des mécanismes de gestion des richesses nationales.

A partir de ce moment crucial de l'évolution de l'histoire socio-politique des États africains, les populations civiles et même certains observateurs avertis de la scène politique africaine commençaient déjà à voir dans ces événements le signe précurseur de la déchéance de ces différents systèmes politiques fondés sur le monolithisme politique. Dans ce contexte particulier où la légitimité des institutions étatiques était mise en danger, les dirigeants politiques commencèrent eux aussi à penser les voies et moyens susceptibles de maîtriser la tournure prise par les multiples revendications sociales.

Avec l'évolution des revendications ainsi que leur politisation, certains gouvernants africains dans le souci de préserver l'unité nationale et la cohésion face à ce qui risquait déjà de se transformer en véritable bombes à retardement, acceptèrent d'engager des réformes profondes des institutions étatiques en libéralisant le champ politique. Bien que différentes d'un pays à l'autre, les réformes avaient presque partout les mêmes visées : la reconnaissance des droits des citoyens et une certaine ouverture politique ayant pour corollaire immédiat l'acceptation de l'opposition. Ces réformes concernaient surtout les statuts et les procédures d'éligibilité des membres au sein des partis uniques, les structures administratives au plus haut niveau de l'État et les constitutions. De ces trois réformes, celle des constitutions fut la plus importante ; elle était même la résultante des deux premières.

Dans ce sillage, les dirigeants politiques avaient commencé par établir des priorités en procédant au préalable à la libéralisation des structures sur lesquelles ils espéraient conserver le pouvoir de décision et en s'assurant que ces réformes n'allaient pas dépasser les limites imposées jusqu'ici par les institutions en place. Au Kenya, par exemple, afin de montrer au peuple sa volonté de restructurer les hautes instances gouvernementales, Daniel Arap Moi avait décidé de mettre sur pied une commission comprenant les membres de son parti, la Kenya African National Union (KANU, Union Nationale Africaine du Kenya).

Au cours de séances de travail qui se tenaient en public, plusieurs questions avaient été inscrites à l'ordre du jour parmi lesquelles celle de la corruption chez les élites, de la limitation des pouvoirs de l'exécutif, voire celle de l'ethnicisation du jeu politique. Ces réformes avaient également été engagées dans de nombreux autres pays comme le Gabon, le Togo, le Mali, la Mauritanie, la Sierra Léone, le Cameroun ou le Zaïre. Tout compte fait, si ces réformes initiées au sein des instances de prise de décisions partisanes paraissaient réelles, il ne demeure pas moins vrai qu'elles étaient toujours partielles, puisqu'elles permettaient surtout aux dirigeants de partis au pouvoir de réajuster les normes d'allégeance, de redistribuer les cartes en tenant compte de la nouvelle donne politique et de sanctionner toutes velléités à l'origine des dissidences au sein des partis. En fait, au regard de l'évolution politique de l'époque, il se dégage de ce qui précède que ces réformes n'étaient pour la majorité que l'expression d'une démagogie savamment orchestrée par les membres de la nomenklatura politique au pouvoir.

Par ailleurs, la nécessité d'engager ces réformes avait réellement été ressentie dans de nombreux autres pays comme la Tanzanie où la les restrictions administratives imposées aux activités politiques des journalistes, des intellectuels ou des dirigeants de l'opposition furent levées. D'autres facteurs contribuent à illustrer cette analyse, telle la libération des prisonniers politiques au Congo et au Zimbabwe. Dans ce dernier pays, 250 prisonniers avaient été libérés en juillet 1990 et l'état d'urgence imposé fut levé. Au cap Vert, les marqueurs de cette dynamique de changement politique étaient l'instauration véritable du multipartisme et la légalisation des partis d'opposition. D'autres pays, à l'image du Zaïre, hésitaient à opérer de véritables réformes. Deux semaines après avoir annoncé le retour au multipartisme Mobutu avait, par exemple, ordonné le massacre des étudiants de l'université de Lubumbashi.

II. Les usages multiples du concept de gouvernance 

La gouvernance, concept introduit récemment dans l'agenda des milieux de recherche africanistes en sciences sociales, recouvre plusieurs significations. En effet, c'est à partir de l'année 1990 que la majorité des pays de l'Afrique au Sud du Sahara se trouvaient confrontés à des situations économiques dramatiques couplées avec une aggravation de la dette tant au plan intérieur qu'extérieur et à des revendications sociales très fortes. De nombreux pays comme le Bénin, le Kenya ou le Mali voient leurs capacités de redistribution des richesses et des prébendes se rétrécir au fur et à mesure que les pressions sociales prennent partout de l'ampleur au sein des États affaiblis et que naissent partout des dynamiques de contestation nécessitant une large ouverture politique, la revalorisation du niveau de vie des populations, la libéralisation des initiatives autonomes des individus, le respect des droits de la personne humaine et la remise en cause des partis uniques.

L'on assiste, au Burkina Faso, au Bénin, au Congo, en Mauritanie, au Cameroun, au Sénégal, au Togo, au Zaïre, en Zambie, au Burundi, au Tchad, au Niger, au Mali (...) à des mouvements de contestation des pouvoirs en place par les groupes de pression, les groupes d'intellectuels, voire des sociétés civiles émergentes qui réclament l'instauration du multipartisme et la remise en cause des régimes politiques néo-patrimoniaux et autocratiques. Cette époque qui coïncidait avec la fin de la guerre froide et la destruction du mur de Berlin est riche en événements et les principaux pourvoyeurs de fons étrangers (FMI, Banque Mondiale, OCDE, etc.) commencent à s'interroger sur la capacité des gouvernants africains à pouvoir mettre en place de politiques économiques et sociales structurantes susceptibles de relever le défi de la construction des États africains. Dans ce sens, s'impose la nécessité d'instaurer une véritable orthodoxie budgétaire pouvant conduire les gouvernants des pays africains à la rationalisation des modalités et des mécanismes d'octroi de l'aide aux pays sous-développés. Ces nouvelles exigences s'accompagnent des conditionnalités contraignantes visant la « bonne gouvernance » des affaires publiques et la redistribution équitable des ressources nationales. Il n'est pas question ici de présenter les multiples acceptions liées au concept de gouvernance. Il s'agira, pour des besoins de cohérence analytique, de circonscrire l'étude autour de quelques notions essentielles qui permettront de comprendre ce concept.

1. Gouvernance et légitimité politique en Afrique

Jusqu'à une époque récente, l'image qui se dégage du continent africain dans les milieux de recherche africanistes en sciences sociales, est toujours celle d'une Afrique étranglée par la dette, la pauvreté, les conflits et les catastrophes de tout genre comme si «L'Afrique [se trouvait] à la périphérie de l'Histoire »12(*). Cette approche que l'on pourrait qualifier de misérabiliste et d'alarmiste du politique en Afrique a conduit bon nombre des analystes à considérer l'État en Afrique comme étant un État mou13(*), c'est-à-dire essentiellement caractérisé par le clientélisme14(*) ou le néo-patrimonialisme15(*), avec un pouvoir très faiblement capturé par les forces vitales de la société civiles16(*) et loin de former un véritable point « de convergence prioritaire des exigences et des soutiens »17(*), le pouvoir central étant pour ainsi dire dans l'incapacité de dépasser « les discontinuités d'une société segmentaire »18(*). Ce regard corrobore une autre grille de lecture qui ne perçoit la réalité État en Afrique qu'à travers le prisme de l'informalisation19(*) des mécanismes de gestion de la réalité sociale, où se chevauchent continûment le privé et le public, le formel et l'informel, l'ordre et le désordre.

Ces analyses loin d'être fortuites permettent, par ailleurs, de poser le problème des rapports complexes entre la capacité des élites dirigeantes africaines à pouvoir recourir à l'ingénierie institutionnelle, c'est-à-dire la possibilité qu'elles ont de développer à de degrés divers toute une série de technologies susceptibles de résoudre les conflits nés de la complexité sociale et la manière dont ces actions sont perçues par les populations. La légitimité des élites politiques au pouvoir est fonction de leur capacité à amener les populations civiles à adhérer à leurs pratiques de gestion des affaires publiques ainsi que des initiatives en matières de développement. Ce qui épuise largement le contenu de la notion de légalité comme l'indique le rapport dressé par la Fondation Charles Léopold Mayer sur les principes de gouvernance au 21ème siècle car, si la légalité a un contenu objectif la légitimité, elle, relève plus de la subjectivité en tant qu'elle connote un sentiment personnel d'adhésion à quelque chose :

La légitimité de la gouvernance (...) renvoie au sentiment de la population que le pouvoir politique et administratif est exercé par les bonnes personnes, selon de bonnes pratiques et dans l'intérêt commun. Cette adhésion profonde de la population et d'une société toute entière à la manière dont elle est gouvernée est une dimension essentielle de la gouvernance. Pour durer celle-ci ne peut jamais, quelque soit l'autoritarisme d'un régime et l'importance des moyens répressifs à sa disposition, s'imposer par la contrainte ; elle doit rencontrer dans le coeur de la société un minimum d'écho et d'adhésion20(*).

La perte de la légitimité politique, pour ce qui est des pouvoirs africains au début de l'année 1990, était donc liée à leur incapacité à mettre en place de véritables dispositifs susceptibles de contribuer à la bonne gouvernance des affaires publiques, voire au développement durable et harmonieux des États devenus fantômes21(*). Les revendications sociales, les crises de l'autorité et les multiples programmes d'ajustement économiques imposés aux États africains expliquent largement la situation de délégitimation du pouvoir à laquelle avaient été confrontés les dirigeants politiques. Cette analyse permet de comprendre l'une des dimensions essentielles de la gouvernance : la légitimité. Il était, désormais, requis qu'un pouvoir, pour peu qu'il soit légitime, devrait d'abord justifier de sa capacité à bien gérer les affaires publiques dans l'intérêt général comme l'indique une fois de plus le Rapport de la Fondation Mayer précédemment cité :

L'efficacité de la gouvernance et sa légitimité se renforcent ou se dégradent mutuellement. Pour être réellement moteur dans une politique de développement un État national, par exemple, doit être fort et respecté, doit pouvoir convier les acteurs à se mobiliser ensemble, faire respecter des règles, lever l'impôt, mobiliser l'épargne. Il ne saura le faire (...) s'il n'est pas respecté. Et il n'est pas respecté s'il apparaît inefficace ou corrompu. Comment défendre l'idée d'une action publique renforcée si celle qui existe est jugée inefficace, conduite dans l'intérêt d'une minorité sans réel souci du bien commun ou si l'État impose des réponses à des questions qu'il n'a pas comprises. Comment plaider pour l'action publique si l'administration est perçue comme peuplée de fonctionnaires au mieux bornés, au pire paresseux, incompétents et corrompus ?22(*)

Cette manière de voir la gouvernance est d'autant plus explicite que la légitimité des gouvernements africains au début de l'année 1990, comme tente de l'expliquer Béatrice Hibou, a été mise à mal à cause des pratiques de gestion conduisant à la criminalisation23(*) de l'État ou à sa privatisation24(*), c'est-à-dire des pratiques de gouvernement qui démontre de la gestion scabreuse et hasardeuse des affaires publiques (corruption, clientélisme, néo-patrimonialisation du pouvoir, etc.) qui leur avait été reprochée par les populations civiles et les bailleurs de fonds tant nationaux qu'étrangers.

2. Gouvernance et restructuration des économies en Afrique

La notion de la gouvernance, dans son acception économique actuelle, est née de la volonté des institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI, PNUD, etc.) d'aider les pays en voie de développement et ceux de l'Afrique, en particulier, à mettre en place des programmes économiques réalistes susceptibles de contribuer à leur développement, voire au bien-être social des populations. Dans pareilles circonstances, un nouveau modèle de gestion dit « modèle de bonne gouvernance » avait été proposé à ces pays, modèle qui exige aussi bien l'assainissement des économies locales que la transparence dans la gestion des affaires publiques.

a) - L'apport des institutions financières internationales : Banque Mondiale et FMI

Ayant constaté les dérives liées à la personnalisation excessive du pouvoir (Zaïre, Côte d'Ivoire, Kenya, Zimbabwe, Gabon, Cameroun, Zambie, Gambie, etc.), au non respect des droits de la personne humaine (Kenya, Rwanda, Burundi, Tchad, Soudan, Mauritanie, Togo, etc.), à la gestion scabreuse des affaires publiques et à la corruption (Cameroun, Congo-Brazzaville, Centrafrique, Bénin, Togo, Gabon, Sénégal, Côte d'Ivoire, Zaïre, etc.) au début de l'année 1990, les institutions financières internationales au nombre desquelles la Banque Mondiale et le FMI, vont se saisir de la notion de gouvernance pour stimuler les gouvernements des pays sous-développés d'Afrique à mettre en place des réformes institutionnelles et des politiques économiques25(*) structurantes capables de soutenir leur développement. Quelques définitions de la notion de gouvernance avaient été proposées par ces institutions internationales concernant trois systèmes :

- le système politico-administratif (parlementaire ou présidentiel, militaire ou civil et autoritaire ou démocratique) ;

- le système économique qui renvoie au processus par lequel l'autorité est exercée lors de la gestion des ressources économiques et sociales ;

- la place de la société civile et la capacité des gouvernants à concevoir, formuler et exécuter les politiques et, en général, à se décharger des fonctions gouvernementales.

Il est nécessaire de préciser que les institutions financières internationales, dans la lecture qu'elles font des réalités de ces pays, agissent le plus souvent dans le strict cadre de leur mandat, c'est-à-dire en essayant de se tenir loin de toute injonction à caractère politique. Pour ce faire, elles s'en tiennent à la notion de la gouvernance en tant qu'elle implique « la bonne gestion du développement ». Il s'agit donc, essentiellement, des aspects liés à la bonne gestion par les gouvernements de l'aide au développement à travers l'instauration d'une véritable orthodoxie financière et budgétaire, la restructuration des services publics, le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs du développement, la responsabilisation des gouvernants et des gouvernés face aux nouveaux défis de la construction étatique dans une dynamique de la mondialisation des économies, la réforme des institutions judiciaires, la lutte contre la corruption.

Parmi tous ces critères celui en rapport à la gestion du secteur public avait été apparemment privilégié comme le démontrent les premières réformes initiées par la Banque Mondiale26(*) qui considère que « la gouvernance est affaire de management ou de réformes institutionnelles en matière d'administration, de choix politique, d'amélioration de la coordination et de fourniture de services publics efficaces »27(*). Par ailleurs, l'accent qui a été particulièrement mis sur la nécessité d'une amélioration conséquente des services publics ne veut nullement signifier l'abandon par ces institutions des autres aspects de la gouvernance concernant la responsabilisation des citoyens par rapport au bien commun, la transparence dans la gestion des affaires publiques, l'instauration d'un véritable État de droit ou le renforcement des capacités et mécanismes de gestion des acteurs étatiques et non étatiques. Bien que de manière assez tardive, il semble important de relever que ces aspects avaient également été pris en compte et intégrés au corpus des conditionnalités dans le but d'appuyer les mécanismes et les efforts de gestion durable des économies des sociétés africaines contemporaines.

b)- L'action du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)

C'est tardivement que le PNUD avait commencé à s'intéresser, non seulement à la question de la gouvernance comme condition essentielle pour la redynamisation des économies des pays sous-développés, mais également au problème de l'amélioration des conditions de vie des populations civiles. Pour la première fois, en 1994, une réunion sur la gouvernance avait été organisée à Arusha par cette institution. Deux points essentiels structurent le document de stratégie pour le développement de l'Afrique issu de cette concertation. Alors que la Banque Mondiale insistait prioritairement sur la dimension procédurale et les aspects économiques de la gouvernance à travers le concept de « good governance » le PNUD, quant à lui, met beaucoup plus l'accent sur les aspects politiques en exigeant des pays africains la mise en place d'un « bon gouvernement ». Les réformes à entreprendre dans ce cadre, en tant qu'elles se conforment aux normes en vigueur dans les démocraties libérales, touchent à la souveraineté même des États puisqu'elles concernent un problème de valeur, du modèle de société et la désignation de la forme des régimes politiques : « Parce que la bonne gouvernance peut tout simplement signifier l'application de gestion efficace, nous, au PNUD, croyons avec Amartya Sen28(*) que la gouvernance dont il est question à cet égard (l'importance de la bonne gouvernance pour le développement humain) est une gouvernance démocratique et participative »29(*).

Cette approche de la gouvernance comprend les mécanismes, les processus et les institutions grâce auxquels les individus ou les groupes sociaux formulent leurs intérêts, remplissent leurs obligations conformément aux lois et résolvent leurs problèmes. Dans sa conception de la gouvernance, le PNUD accorde donc une importance particulière au nouveau contrat qui devrait régir les rapports entre l'État et la société civile : « La bonne gouvernance se définie, parmi d'autres caractéristiques, comme participative, transparente et responsable; elle est également efficace et équitable : elle favorise le respect de la légalité »30(*). Il résulte de ceci qu'il ne peut y avoir de meilleure gestion des affaires publiques au sein des États, si la place et le rôle de la société civile ne sont pas clairement spécifiés. La société civile joue le rôle de veilleur dans la manière dont l'État oriente et gère les ressources nationales. C'est dire que l'influence et la surveillance des citoyens concernent les moyens par lesquels chacun participe au processus de prise de décisions et, par conséquent, exprime ses préférences. Il s'agit ici, pour la société civile d'utiliser les moyens susceptibles d'amener les dirigeants politiques à répondre de leurs actes et la bonne gouvernance signifie également « un ensemble d'institutions sociétales qui représentent pleinement la population, qui sont reliées par un réseau solide de réglementation institutionnelle et de responsabilité (vis-à-vis du peuple, en dernier ressort) et qui ont pour objectif de réaliser le bien-être de tous les membres de la société »31(*).

Le PNUD soutient une position de la gouvernance qui contribue au renforcement des théories sur le rétrécissement des prérogatives longtemps dévolues à l'État en matière de gestion des affaires publiques. Mieux, s'appuie t-il sur une sorte de réformisme qui postule la logique du « moins d'État ». Ici le transfert de compétences entre les institutions étatiques et celles de la société civile constitue l'une des conditions, sans lesquelles aucun développement ne peut être rendu possible. La notion de gouvernance telle que décrite par le PNUD implique donc une remise en cause fondamentale de la primauté du politique sur l'économique ; une inversion de sens qui contribue à dépouiller l'État de quelques unes de ses fonctions régaliennes. L'État n'a plus le monopole de la prise de décisions visant au développement de la nation ; il n'est plus qu'un acteur parmi tant d'autres. Cette conception de la gouvernance est aussi partagée par certaines agences de coopération telle que l'Union Européenne qui, dans l'article 130 de son traité, lie la politique de coopération au « développement et à la consolidation de la démocratie et de l'État de droit ainsi qu'au respect des droits de `homme et des libertés fondamentales ».

Enfin, le développement économique et social au sein des États en développement ne peut être rendu possible que grâce aux transformations des trois susmentionnés en vue d'établir des synergies dans le fonctionnement du système global. D'où l'intérêt qu'il faudrait accorder à un certain nombre de principes ou de relations pour une meilleure saisie de la bonne gouvernance32(*) :

- la relation entre gouvernance, démocratie et décentralisation introduit une dimension supplémentaire dont la signification est l'importance de la décentralisation pour le développement économique.

- La gouvernance est perçue comme la manière d'améliorer le fonctionnement du système politico-administratif effectivement en vigueur dans un pays en tenant compte des spécificités culturelles et économiques.

III. Gouvernance, État et Société en Afrique 

Généralement, lorsqu'on parle de l'État la première des idées qui vient à l'esprit est celle d'un « grand manitou lycanthrope » ou d'un « Léviathan » qui confère à la réalité État l'image d'une machine colossale téléologique qui doit remplir des missions précises. On dirait une obsession de l'« Etat-système » qui néglige l'État dans ses activités quotidiennes, dans sa pure simplicité, dans sa banalité. En Afrique, cette conception unidimensionnelle ou « par le haut » de l'État a fait l'objet de plusieurs débats dans les milieux de recherche africanistes dans les années 1980 et signifie l'accaparement par des élites au pouvoir des instances de prise de décisions. Or, la notion de gouvernance en tant qu'elle constitue une sorte d'impératif catégorique pour une gestion collective des États, implique la responsabilisation de tous les acteurs sociaux (étatiques et non étatiques) en vue d'un développement harmonieux des sociétés africaines. De ce fait, les notions de gouvernance, d'État et de société bien que distincts, se complètent.

1. La société civile et la co-gouvernance des politiques publiques en Afrique

La gouvernance implique l'idée d'un nouveau contrat social qu'il est important d'établir entre le centre (l'État) et la périphérie (la Société globale) de manière à rendre efficiente le contrôle et la gestion des réalités sociales au sein des États africains. Ce contrat social doit être rendu possible grâce à une gestion participative et collective des richesses nationales. Dans ce sens, la société civile, en tant qu'elle constitue un acteur à part entière de la co-production et de la co-gestion des politiques publiques requiert toute sa signification. Sa compréhension nécessite, aujourd'hui, de redéfinir la place et le rôle dévolus à l'espace public comme étant le lieu de la délibération, de l'intersubjectivité communicationnelle et de la promotion d'un dialogue social, sans exclusive, avec tous les partenaires sociaux du développement. C'est pourquoi Bruno Jobert et Pierre Muller pensent qu'«il est urgent de réintégrer l'analyse des politiques dans une conception plus large des rapports Etat-société, de façon à ce que la théorie de l'État bénéficie enfin des acquis de l'analyse des politiques »33(*).

Le processus d'élaboration ou de fabrication des politiques publiques n'est pas une entité abstraite. Il intègre toujours les répertoires d'action des acteurs (individuels ou collectifs), c'est-à-dire leur capacité à pouvoir produire des logiques concurrentes et des modes de mobilisation de diverses ressources. Ce processus relève de la nature des relations et des stratégies bien définies. Étudier les acteurs de l'agenda politique nécessite donc une réflexion sur les caractéristiques des dynamiques de l'action collective en tant qu'elle rassemble des individus dans le but de la défense d'intérêts communs. Autrement dit, l'action collective regroupe des acteurs (internes ou externes) d'une société mobilisant des ressources en vue des changements sociaux. Elle montre le sentiment de distance qui sépare les publics dont on revendique le soutien et les organismes chargés de porter à un haut niveau leurs doléances. L'inscription d'un problème sur l'agenda se présente comme un « transmutateur  des problèmes» qui « tend à en changer la substance dans l'opération même où il les prend à sa charge »34(*).

Les organisations sociales (mouvement des étudiants, mouvement soutenant la cause féministe, etc.) constituent autant de composantes de ce qu'il est permis d'appeler l'«industrie du mouvement social»; le secteur des mouvements sociaux étant formé de l'ensemble des mouvements décelables dans une communauté. Ces mouvements utilisent des répertoires d'action qui varient en fonction de la nature des actions à mener et des objectifs à atteindre. Il faut lire la relation entre la gouvernance et la gestion des politiques publiques en Afrique en termes de mobilisation des réseaux d'acteurs tant est vrai que cette mobilisation tient compte de la pyramide des publics. D'un côté, les entrepreneurs politiques forment des stratégies de propagation inductrices de soutiens populaires; de l'autre, des acteurs sociaux accablent les autorités publiques de revendications à caractère multiple. La gouvernance implique un leadership responsable et prompt à agir, c'est-à-dire l'attitude des gouvernants qui doivent, non seulement reconnaître le caractère sacré de la sphère publique, mais également rendre compte de la manière dont ils gèrent l'État. Tout est structuré ici autour des manoeuvres ou des résultats de circonstances fortuites qui mettent en exergue des accords momentanés entre différents partenaires sociaux. Ces manoeuvres portant sur les acteurs de la contradiction débouchent sur la recherche d'une pragmatique de l'action politique quotidienne. Le débat politique autour de la notion de gouvernance en Afrique et qui est lié à celui d'agenda politique n'est qu'un enjeu concret de la logique de pouvoir au sein des sociétés politiques.

Une réflexion sur l'Organisation de l'Abbé Pierre baptisée Emmaüs en faveur des sans logis en France peut amener à comprendre les logiques inhérentes aux mouvements sociaux. En effet, à travers son mouvement, l'Abbé Pierre chercha à rallier certains acteurs politiques et quelques organisations non gouvernementales à la cause des « laissés- pour-compte » de la société française. C'est peu à peu que le problème des sans logis a pu mobiliser d'importantes ressources, devenant ainsi un problème social crucial nécessitant sa prise en compte et son inscription sur l'agenda des décideurs politiques. Une autre caractéristique d'acteurs de l'agenda politique, c'est le rôle spécifique des médias et leur influence sur la prise des décisions politiques. L'appréciation de ce rôle varie selon que les logiques inhérentes à leur mode de fonctionnement et leur centre d'intérêt diffèrent aussi. Les médias peuvent soit accélérer soit freiner l'inscription d'un problème sur l'agenda politique. Plus la campagne médiatique est importante plus un problème a de fortes chances de devenir un objet des débats publics contradictoires. Les médias se présentent, dès lors, « comme des amplificateurs et des diffuseurs des conflits, des revendications, des représentations produites autour d'un problème donné »35(*). Tel, par exemple, l'effet de la forte campagne médiatique produit par les médias américains lors de la guerre du Golfe sur l'opinion publique internationale ; ou encore, le rôle que joue actuellement les médias occidentaux dans les bombardements dans l'Est du Congo-Démocratique, en Somalie et au Darfour.

Mais il faut noter que «l'instrumentalisation, ou le simple passage par les médias, restent cependant toujours ambivalents, car il ne s'agit pas là non plus d'un prisme neutre, ni d'une caisse de résonance, ni d'un précurseur, ni d'un espace scénique. Les médias contribuent à étendre et complexifier les processus de construction sociale de la réalité, et rendent par là même encore plus aléatoire toute constitution éventuelle d'une matrice paradigmatique »36(*). L'action des médias en tant qu'elle permet une large publicité autour des faits sociaux constitue, aujourd'hui, une dimension importante de la gouvernance des politiques publiques en Afrique. Il est important de relever que l'analyse des politiques publiques en Afrique, comparée celle faite par les institutions internationales, n'est pas exempte d'une utilisation normative et prescriptive de la gouvernance. Si les conceptions des politiques publiques en Afrique n'ont qu'un lointain rapport avec celle de ces institutions, elles n'en demeurent pas moins marquées par une injonction de la bonne gestion des affaires publiques, de la recherche de l'efficacité et de la préservation du bien commun. Deux courants relevant d'une approche fondamentalement normative permettent de donner du sens à cette vision des réalités : il s'agit du courant managérial et du courant démocratique.

a)- Le courant managérial intéresse tous ceux qui rapprochent la notion de gouvernance à la devise du « moins État » ou de ceux qui s'en servent pour justifier des mécanismes dérégulateurs qui découlent ainsi des choix politiques et économiques précis (néolibéralisme). Les tenants d'une conception gestionnaire de l'action publique, qui visent à en améliorer l'efficacité, s'en sont également emparés avec gourmandise, contribuant ainsi à entraîner une dérive normative de cette notion37(*). Dans la mouvance de la théorie du public choice, on cherche à améliorer le fonctionnement de l'État dans le sens d'une plus grande efficacité38(*). Tout comme le management public, ce courant présente l'action publique comme un enjeu coût/résultat, soumettant les services publics à la pression du marché quand il ne propose pas leur privatisation.

b)- Le courant démocratique regroupe ceux que Jean Pierre Gaudin qualifie de « bottom-uppers », c'est-à-dire ceux qui voient dans la gouvernance un outil d'élargissement de la participation au processus de décision. Des transformations de l'action publique, ils tirent un projet d'ouverture et de démocratisation du fonctionnement de l'État. La gouvernance représenterait une opportunité pour produire de la « mobilisation civique », de l'innovation sociale et introduire des acteurs jusque-là exclus des décisions.

Ce courant inclut aussi les tenants d'une démocratie associative, portée par une gouvernance économique et sociale. Idéologiquement, on peut distinguer deux lectures de la gouvernance : l'une de droite, marquée par le néolibéralisme et ses projets de déréglementation/dérégulation, qui retient essentiellement l'idée d'un affaiblissement de l'État à travers les mécanismes de gouvernance et l'autre de gauche, avec une branche associative et une branche néomarxiste qui met l'accent sur le rôle des intérêts privés dans la production des politiques et dans la structure des relations du pouvoir.

Il est intéressant de relever que cette double lecture idéologique se retrouve dans une perspective analytique et naturellement moins caricaturale dans les approches américaines de la gouvernance urbaine des années 1980-1990 : l'une d'inspiration néopluraliste, centrée sur la notion de régime politique urbain (urban regime theory), et l'autre d'inspiration néomarxiste, centrée sur les coalitions urbaines pour le développement économique (urban growth coalitions). Bien qu'opposées dans leurs présupposés, ces deux approches s'intéressent en fait chacune à la manière dont les acteurs se coalisent pour produire une « capacité d'action » et rendre ainsi la ville gouvernable39(*). Ces deux conceptions de la gouvernance, appliquées au contexte africain, ne différent aucunement des conditionnalités imposées par les institutions internationales puisqu'elles impliquent des notions d'efficacité des appareils de gestion étatique.

2. Gouvernance, corruption et pauvreté en Afrique

D'une conception limitée de la corruption, on est passé, ces derniers temps, à un élargissement de son champ d'action et à son rattachement à des principes fondamentaux de justice sociale et des droits de l'homme. De même, avec l'accélération des changements au niveau planétaire et au regard de la grande importance accordée, aujourd'hui, à la problématique de la criminalité internationale, la source de normativité de la corruption s'oriente peu à peu vers de nouveaux sites d'observation que sont le régional et l'international. La notion de corruption implique, pour ainsi dire, l'idée de réformation des institutions étatiques et devient indissolublement liée à la notion de bonne gouvernance des affaires publiques. De ce fait, elle ne se laisse plus appréhendée comme étant un ensemble d'actes posés par un individu ou un groupe d'individus dans le but de distraire un patrimoine commun, mais également comme étant un obstacle pour la construction des États africains, voire un frein à l'aide au développement.

Considérer à travers le prisme de la généralisation de ses conséquences, et avec la constatation de l'extension rapide de ses racines à toutes les sphères de prise de décisions gouvernementales au sein des États africains, la corruption rend bien compte de l'affaiblissement des mécanismes de contrôle et de gestion des réalités sociales en Afrique. Dans ce sens, la transparence dans la gestion des affaires publiques exigée par les institutions internationales, se présente comme une sorte d'antidote à cette incurie avérée en matière de développement économique.

Les notions de corruption et de pauvreté en Afrique bien que distinctes demeurent, cependant, intimement liées à la nature de l'État néo-patrimonial puisqu'elles intègrent le débat actuel en sciences sociales sur la manière dont les États en Afrique au Sud du Sahara sont gérés. Selon Jean-François Médard « La nature néo-patrimonial de l'État (...) rend compte du phénomène de corruption en Afrique. La question cruciale de l'accès aux ressources rares, de leur contrôle et de leur redistribution est au coeur de la problématique du néo-patrimonialisme et de la corruption en Afrique (...) L'accès au pouvoir commande l'accès aux richesses, et la lutte politique a pour enjeu bien plus que la simple conquête de positions politiques »40(*). La corruption, en tant qu'elle se donne aussi à lire comme étant une entorse à la norme41(*) dans la gouvernance des affaires publiques, constitue une catégorie analytique pour la recherche de compréhension des déterminants essentiels de la pauvreté en Afrique.

La corruption concerne les pratiques de bakchichs, l'attribution des marchés publics moyennant certaines récompenses, l'utilisation d'une fonction ou d'un service public pour un intérêt privé ou personnel, le népotisme, la fraude. Elle contribue à l'augmentation de la pauvreté au sein des populations civiles africaines. La responsabilisation de tous les acteurs sociaux face au danger que constitue la corruption nécessite la création des espaces de dialogue inclusifs, c'est-à-dire un élargissement des sphères de prise de décisions à l'ensemble des acteurs sociaux. La création ces derniers temps en Afrique des Commissions42(*) nationales de lutte contre la corruption témoigne de la nécessité de restructuration des administrations publiques et de la volonté politique d'assainissement des sources de richesses au sein des pays africains

Dans le but d'aider les pays africains à combattre le phénomène de la corruption qui empêche le développement durable et équitable la Banque mondiale avait, non seulement exigé de substituer les mécanismes de marchés aux procédures administratives, mais également imposé un système d'audit externe des fonctions publiques africaines afin d'assurer un meilleur contrôle sur la manière dont économies sont gérées. La modernisation des fonctions publiques, des administrations judiciaires, bref, de toutes les institutions publiques associée à la redéfinition de la place et du rôle de la société civile, constitue des impératifs catégoriques, sans lesquelles aucune perspective de développement et de réduction de la pauvreté en Afrique ne saurait être possible.

3. Gouvernance, renforcement des capacités institutionnelles et restauration de l'autorité de l'État

Comme dans toute démocratie qui se respecte au monde, la simple politisation du débat social ne peut à elle seule suffire de rendre compte de la manière dont les richesses nationales sont orientées, gérées et redistribuées. Faudrait-il encore que les mécanismes de gestion soient sous-tendus par des règles de droit qui assurent, non seulement leur applicabilité, mais également leur légitimité. C'est dire qu'il faut tenir compte d'un impératif catégorique qui nécessite de politiser le débat social et de juridiciser le politique ; autrement dit, il faut soumettre toutes les méthodes ainsi que les mécanismes de gestion sociale des réalités au monopole du droit. Le respect de l'État est la condition sine qua none d'un développement durable à visage humain, efficient et harmonieux qui considère l'humain en l'homme comme étant une émergence aléatoire par excellence.

La mauvaise gouvernance des réalités sociales en Afrique s'explique aussi par l'affaiblissement de l'autorité de l'État qui n'arrive plus à s'assurer les soutiens des populations civiles pour sa survie et qui voit ses capacités de redistribution s'amenuiser à cause des situations de crise (politique, social et économique) qu'il traverse. Dans ce sens, aucun développement ne peut être envisageable, sans un renforcement de l'autorité de l'État. Le respect de la légalité constitutionnelle et la redynamisation des institutions judiciaires constituent des piliers importants sur lesquels doit être fondée la gouvernance des États en Afrique subsaharienne.

Il s'agit, en fait, de faire passer les principes constitutionnels de la puissance à l'acte, afin de redonner à l'action de l'État toute sa positivité en garantissant les conditions d'une participation efficiente des sociétés civiles africaines à la gestion équitable des affaires publiques. La primauté du droit est quelque chose de fondamentale pour l'instauration d'un environnement économique propice au développement durable des États. Cependant, les principes constitutionnels doivent être le reflet des réalités sociales et culturelles africaines, sinon les règles de droit demeureront de simples fantasmagories et ne pourraient constituer en cas de crise d'ultimes voies de recours. Le renforcement des capacités institutionnelles, la restauration de l'autorité de l'État ainsi que la réussite de la gouvernance dans d'Afrique au Sud du Sahara doivent déboucher sur la volonté politique de redynamiser les institutions administratives, de diversifier les sources de richesses nationales et d'élever le niveau de vie des populations civiles.

La gouvernance, pour peu qu'elle soit légitime et efficace, nécessite de repenser les mécanismes de redistribution équitable des ressources mobilisables en responsabilisant tous les acteurs sociaux. Cette nécessité de responsabiliser les citoyens par rapport au respect du bien commun illustre bien la situation socio-économique du Kenya43(*), dont l'augmentation de la corruption, la dégradation des institutions judiciaires et la montée de la violence interne pendant la décennie 1980-1990, avaient fait de l'insécurité le lot quotidien des populations civiles. La volonté politique de mettre en place des structures de contrôle et de gestion des affaires publiques dans des État sous-développés d'Afrique est un gage pour la bonne gouvernance; elle constitue même une opportunité non négligeable et doit se fonder sur une éthique-responsabilité.  

Il est, certes, vrai que cette exigence fondamentale ne peut se réaliser sans qu'émergent quelques difficultés, mais l'expérience sur les différents terrains politiques africains montre que « (...) la définition d'un nouveau régime constitutionnel est devenue une priorité »44(*) pour la recherche des solutions appropriées aux problèmes de développement qui se posent aux États africains. Quoique de manière encore imparfaite, au départ, il semble tout de même opportun d'affirmer, pour emprunter à Jean du Bois de Gaudusson, que « Le constitutionnalisme [redevient] un élément important de la vie politique en Afrique qu'on ne peut plus négliger. Il en vient à y remplir ses fonctions de prévention et de règlement des conflits»45(*).

La juridicisation des rapports sociaux en Afrique, loin d'être appréhendée ici comme étant une sorte de potion magique qui, une fois administrée permet d'enclencher un développement durable ou de garantir le bien-être des populations civiles mérite, néanmoins, d'être considérée comme étant une voie possible dans la dynamique de refondation des États africains criminalisés. Elle participe de ce mouvement de redéfinition épistémologique des modes d'action politiques. De ce point de vue, elle demeure l'un des piliers sur lequel repose la construction étatique. Sans risque d'exagération, il est certain de penser que tout pouvoir politique qui ne prend pas appui sur le droit (entendu ici au sens de droit constitutionnel du moment que c'est lui qui garantit les attributs, ainsi que l'exercice normal du pouvoir) court le risque de sa propre dégénérescence46(*). La juridicisation répond à l'ambition de toute politique de faire entrer tout projet de construction sociale de la réalité dans l'espace public, où se réalisent les intérêts collectifs. D'où l'idée que « Le droit correspond à une codification au sens littéral du terme, c'est-à-dire à un souci de mettre en forme et mettre des formes »47(*).

Cette juridicisation du débat social à la base doit être également valable pour ce qui concerne les moyens d'acquisition des positions de gouvernement en considérant, par ailleurs, que la gestion politique, voire la responsabilité politique du partage du pouvoir nécessitent la mise en place des lois proactives et une représentation inclusive susceptibles de garantir la stabilité des institutions de l'État et la sécurité des citoyens. Toutefois, cette notion de juridicisation implique aussi celle de judiciarisation du politique, car les gouvernants doivent également répondre de leurs actes devant les tribunaux et le peuple. L'institutionnalisation de ces principes est une panacée face au trafic, à la fraude, à la corruption généralisée et à la circulation illégale des armes de destruction, contre le déchaînement de la violence aveugle et le perpétration des actes criminels (vols à main armée, viols des femmes et des jeunes filles, règlements de compte, assassinats crapuleux et odieux, impunité, etc.), contre le crime économique et le pillage organisé des richesses nationales au sein de la majorité des États africains.

Conclusion

Ce cours n'avait point la prétention d'offrir à l'étudiant des méthodes et des outils analytiques qui, une fois appliqués aux réalités sociales, lui permettraient de saisir la manière dont les États africains situés au Sud du Sahara ont été ou sont gérés. Il s'agissait, plutôt, de lui proposer quelques pistes de réflexion à partir des notions de « Démocratie » et de « Gouvernance » dans le but de transcender les visions misérabilistes et alarmistes concernant l'étude de l'État en Afrique. Trois points essentiels ont permis de structurer cette recherche.

Le premier point concernait la problématique générale de la démocratisation en Afrique. Il ressort de cette analyse l'idée qu'un régime démocratique ne constitue pas en soi une entité qui se donne à lire de manière objective. Il est un construit social, c'est-à-dire le produit d'un processus historique traversé de contradictions, de conflits, des désajustements et des décalages structurels se rapportant à des aires géographiques données et à un environnement social bien spécifique au sein duquel vivent des individus particuliers. Dans ce sens, il s'est agi d'une révisitation épistémologique des difficultés auxquelles avaient été confrontés les États d'Afrique au Sud du Sahara à la fin de l'année 1989 et au début de l'année 1990.

A cette époque, la majorité des États africains faisaient face à d'énormes difficultés au triple plan économique (l'ampleur de la dette tant interne qu'externe, etc.), social (l'augmentation de la pauvreté, le chômage des jeunes, etc.) et politique (la remise en cause des régimes dictatoriaux et la revendication du multipartisme) qui s'étaient aggravées à cause des changements enclenchés en Occident, notamment, dans les pays de l'Ex Union Soviétique ; changements qui avaient occasionné la destruction du mur de Berlin, la fin de la guerre froide, la modification des équilibres géopolitiques et la repositionnement géostratégique des alliances entre les grandes puissances mondiales représentées par l'URSS et les États-unis d'Amérique. Surpris par l'ampleur de ces changements, les pouvoirs africains très affaiblis n'avaient pour alternative que d'accepter, quoique de manière partielle, d'engager leurs pays sur la voie de la démocratisation et des réformes des institutions publiques, afin de bénéficier de l'aide au développement de la part des partenaires bilatéraux (France, Allemagne, États-unis, Canada, Grande-Bretagne, etc.) et multilatéraux (FMI, Banque mondiale, OCDE, etc.).

Le deuxième point, quant à lui, a été consacré à l'étude de la notion de bonne gouvernance comme étant l'une des conditions du développement durable en Afrique. Parti du constat selon lequel le mal développement de l'Afrique est en partie lié à des pratiques de corruption, de clientélisme, de népotisme ou de néo-patrimonialisation du pouvoir, les institutions internationales ont conditionné l'octroi de l'aide au développement, non seulement à la démocratisation politique et à la prise, mais également à l'adoption des pratiques de bonne gouvernance des affaires publiques basées sur la transparence et la redistribution équitable des richesses. Il s'est donc agi de démontrer que la démocratie et la bonne gouvernance vont de pair en tant qu'elles permettent la construction d'une société basée sur la justice sociale et le respect des droits de l'homme. De ces deux réalités dépendent la légitimation des élites et de leurs actions.

Le troisième point, enfin, concernait l'analyse des rapports existants entre gouvernance, État et société en Afrique. Il ressort de ceci que la notion de gouvernance en tant qu'elle constitue une sorte d'impératif catégorique pour une gestion collective des États, implique la responsabilisation de tous les acteurs sociaux (étatiques et non étatiques) en vue d'un développement harmonieux des sociétés africaines. Elle signifie l'établissement d'un nouveau contrat entre différents acteurs sociaux en vue d'une gestion saine, efficace et transparente des affaires publiques. La bonne gouvernance se donne ainsi à lire comme étant l'une des conditions, sans lesquelles la construction de l'État et le changement social ne peuvent être rendus possibles. Elle nécessite la mise en place des politiques publiques structurantes, le renforcement des capacités institutionnelles des acteurs et le respect de l'État de droit. En dernier lieu, il a été démontré que l'étude du rapport entre les notions de gouvernance, État et société pour peu qu'elle soit faisable, doit nécessiter la restauration de l'autorité des États.

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* 1 Menga (G.), Congo, la Transition escamotée, Paris, L'Harmattan, 1993.

* 2 Au Congo, la restauration autoritaire de l'État de droit après une décennie de guerres civiles à répétition ayant ramené Denis Sassou Nguesso au pouvoir, a permis une stabilisation politique.

* 3 Badie (B.) et Smouts (M.C.), Le retournement du monde: Sociologie de la scène internationale, Paris, Dalloz - Sirey; Édition : 3e éd. revue et mise à jour, 2007.

* 4 Dobry (M.), Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1986 ; réédition en collection de poche (« Références »), 1992.

* 5 Hyden (G.) et Bratton (M.) [sous dir.], « Vers la gouvernance en Afrique : exigences populaires et réactions gouvernementales », in Gouverner l'Afrique. Vers un partage des rôles/trad. de l'américain par Brigitte Delorme. [Paris] : Nouveaux horizons, 1997, p.45.

* 6 Idem, p.27.

* 7 Zartman (W.), L'effondrement de l'État. Désintégration et restauration du pouvoir légitime, Paris/New York, Nouveaux Horizons, 1995.

* 8 Libération, 21 juin 1990.

* 9 Le Monde, 23 juin 1990.

* 10 Bayart (J.-F.), L'État en Afrique. La politique du Ventre, Paris, Fayard, 1989.

* 11 Médard (J.-F.), « Au-delà de l'État néo-patrimonial », Revue internationale de politique comparée, Volume 13 -2006/4.

* 12 Moffa (C.), L'Afrique à la périphérie de l'Histoire, Paris, L'Harmattan, 1995.

* 13 Myrdal (G.), « L'État mou dans les pays sous-développés », in Revue Tiers Monde, X, janvier-mars 1969. Par cette expression, Myrdal « entends caractériser l'absence générale de discipline sociale dans les pays sous-développés (...), absence d'obéissance aux règlements et directives édictées par l'autorité, fréquentes collusions entre cette autorité, les individus puissants et les groupes de personnes dont elle devrait contrôler les actes, et enfin, tendance sensible dans toutes les couches de la population à résister au contrôle de l'autorité publique (...) Le concept d'État mou inclut aussi la corruption (...), je suis arrivé à la conclusion qu'en l'absence d'une plus grande discipline sociale, le développement se heurte à d'énormes difficultés, et en tout cas, se trouvera retardé ».

* 14 Bayard (J.-F.), L'État au Cameroun, Paris, Presses de la F.N.S.P., 1979.

* 15 Cf. Médard (J.-F.) and Clapham (C.), Private Patronage and Public Power: Political Clientelism in Modern State, London, Frances Pinter, 1982.

* 16 Coulon (C.), « Les institutions et les valeurs du système politique moderne n'affectent pas la société dans son ensemble », in « Système politique et société dans les États d'Afrique Noire », Revue française de Science Politique, octobre 1972, pp.1049-1073.

* 17 Balans (J.-L.), Le développement du pouvoir en Mauritanie, Thèse d'État en Science Politique, Université de Bordeaux I, 1980, 717 pages.

* 18 Idem, p.495.

* 19 Chabal (P.) et Daloz (J.P.), L'Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Paris, Economica, 1999.

* 20 Réf. : ETA10, Nmf. principes de la gouvernance mondiale, p.27.

* 21 Quantin (P.), « L'Afrique Centrale Dans la Guerre: Les Etats-Fantômes Ne Meurent Jamais », in African Journal of Political Science Vol.4 (2) 1999: 106-125.

* 22 Réf. : ETA10, Nmf. Op. cit.,, p.27-28.

* 23 Bayart (J.-F.) et Ellis (S.), The Criminalisation of the State in Africa, (avec), Londres, James Currey and Indiana, 1998 (édition française, 1997).

* 24 Hibou (B.) [(dir)], La privatisation des États, Paris, Karthala, collection "Recherches internationales" du CERI, 1999.

* 25 Dossier documentaire « Sommet mondial sur le développement durable », Johannesburg, 2000-fiche n°10.

* 26Banque Mondiale, Governance. The world bank's experience, Washington, DC., 1994.

* 27 Banque Mondiale, Governance and Development, Washington, DC., 1992.

* 28 Prix Nobel d'économie en 1998.

* 29 Nzongola Ntalaja, « Gouvernance et développement », Oslo, FAFO, 2003.

* 30 PNUD, « Reconceptualizing governance », New York, 1997.

* 31 PNUD, op. cit.

* 32 Hewitt de Alcantara, « Du bon usage du concept de gouvernance », RISS, mars, 1998.

* 33 Jobert (B.) et Muller (P.), L'État en action, Paris, P.U.F., 1987, p.10.

* 34 Favre (P.), Sida et politique, Paris, L'Harmattan, 1992, p.33

* 35 Muller (P.) et Surel (Y.), op. cit., p.88

* 36 Idem, p.89

* 37 Osborne (D.) et Gaebler (T.), Reinventing Government, Adison-Westley, Reading Mass, 1992.

* 38 Peters (B.-G.) et Savoie (D.-J.) [ed.], Governance in Changing Environment, Montréal, Mc Gill University Press.

* 39 Jouve (B.) et Lefèvre (C.), « pouvoirs urbains : entreprises politiques, territoires et institutions en Europe », in Jouve (B.) et Lefèvre (C.) [dir.], Villes et métropoles en Europe : les nouveaux territoires du politique, Paris, Anthropos/Economica, 1999.

* 40 Médard (J.-F.), « La nature de la corruption en Afrique sub-saharienne et ses causes », in La Lettre du Forum n°29, décembre 1998-janvier 1999.

* 41 Le grand débat ayant suivi le remaniement gouvernemental au Cameroun ces derniers temps et qui a conduit à l'éviction de certains ministres comme celui de l'Économie et du Budget ou de la Santé, voire le Secrétaire Général de la Présidence, témoigne [dirait-on] de la volonté du Chef de l'Exécutif de lutter contre certaines pratiques devenues courantes dans la société camerounaise qui conduisent les hauts fonctionnaires de l'État à servir des prérogatives liées à leurs posture sociale, pour distraire le patrimoine commun.

* 42 Au Congo-Brazzaville, le décret n°2007-397 du 29 août 2007 portant nomination des membres de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la fraude et la concussion a été mise en place dans le but de contribuer à la réforme des institutions publiques, à la modernisation.

* 43 Collectif (Banque mondiale (sous la dir.,), Op. cit., pp.66-67.

* 44 Du Bois de Gaudusson (J.), « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques », in Afrique contemporaine, n°250, 1996p.251.

* 45 Ibidem.

* 46 Ceci s'applique fort bien au cas congolais au moment même où, dans l'euphorie de sa victoire à l'élection présidentielle de 1992, Pascal Lissouba prêtait serment devant le peuple congolais en oubliant qu'il aurait été d'abord nécessaire de mettre en place des institutions comme la Haute Cour de Justice, le Conseil constitutionnel, le Conseil économique et social, le Conseil supérieur de l'information et de la communication, la Cour des comptes, tous prévus par l'Acte fondamental régissant la période de transition comme de sortes d'organes de contrôle du pouvoir. Ce premier acte constitue le premier coup d'état constitutionnel de l'ère démocratique au Congo, dès lors qu'il créait là un précédent grave pour l'enracinement de la jeune démocratie congolaise chèrement acquise après près de trois décennies de gestion sans partage du pouvoir politique. On était donc entré dans une dynamique de changement, changement entendu dans le sens de la positivité, faisait l'État autoritariste naissait de ces propres cendres.

* 47 Renard (D.), Caillosse (J.) et Béchillon (D.), L`analyse des politiques publiques aux prises avec le droit, Paris, L.G.D.J, 2000, p.70.






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