CONCLUSION GENERALE
Les lignes suivantes marquent avec des traces
inoubliables l'achèvement de notre travail qui a été
intitulé : « le souci comme être du Dasein
chez Martin Heidegger ».
Ce modeste travail s'est articulé en trois chapitres
sans compter l'introduction générale et la conclusion
générale dont le premier s'est focalisé sur
l'être-au-monde comme être-avec-autrui et être soi. Dans ce
chapitre, nous avons commencé par définir, identifier le Dasein
qui est l'étant que je suis moi-même. L'être-là est
l'étant que je suis moi-même, c'est toi, c'est nous, c'est vous,
en bref c'est l'homme qui est l'étant privilégié par
rapport aux autres étants qu'il rencontre dans le monde où il est
jeté. Il possède le caractère d'être-soi. Il est
subsistant. C'est un sujet qu'on ne pourra en aucun cas réduire à
un objet, une chose.
Et nul ne peut comprendre l'être-là sans faire
référence aux autres qui sont avec lui dans le monde. Il est un
être-au-monde toujours et déjà coexistant avec les autres.
Il ne peut nier leur existence parce qu'il est ontologiquement lié aux
autres qu'il rencontre dans le monde.
Le philosophe de Fribourg trouve que l'être-là ne
rencontre pas seulement les autres hommes comme lui, mais aussi des outils qui
sont dans le monde ambiant et qui renvoient à leurs fabricants. Avec
cette découverte, Heidegger renforce sa pensée qui affirme que
l'être-là est existentialement un être-avec-autrui. Nul ne
peut clamer qu'il est seul. Il n'y a pas des cavaliers solitaires. Il est
toujours avec les autres même à travers les outils,
vêtements qu'il utilise, qui ont été fabriqués par
les autres hommes. Et c'est ainsi que Heidegger dit que l'être-là
vivant dans le monde avec les autres auxquels il est lié d'une
manière existentiale ne peut pas ne pas être dans l'assistance qui
est une constitution pour lui comme un être-avec-autrui. L'assistance
selon Heidegger a deux dimensions : positive et négative. Dans la
première dimension, l'être-là veut que l'autre soit
responsable et prenne sa vie, son être en main. Il veut que l'autre
puisse être capable de résoudre ses problèmes et soucis.
Tandis que dans la deuxième, l'être-là veut se substituer
à l'autre. Ce denier doit être-là sans aucun souci
puisqu'il y a l'aide qui viendra de son assistant. Cette forme d'assistance ne
permet pas à l'autre de grandir et d'être responsable. Au
contraire, elle le rend dépendant pour ne pas dire parasite. Cet autre
que le Dasein assiste est un doublet de soi puisqu'il est comme moi de par sa
constitution ontologique. Et la relation entre les Daseins est possible dans la
mesure où chacun a approfondi les profondeurs de son être qu'il
découvre qu'il est toujours et déjà un
être-avec-autrui.
C'est dans le souci de l'être-là de quitter
l'anonymat pour son être-soi que le deuxième chapitre a
trouvé son champ d'action. Il a été question de montrer
comment le souci est l'être de l'être-là. Nous avons
trouvé que le Dasein a le souci de son être mais pour que ce souci
soit vrai et authentique, il doit passer par l'autre qui est lié
ontologiquement à lui puisqu'il est un être-au-monde impliquant
l'être-avec-autrui. Et en parlant de l'être-là qui est un
être-au-monde, nous avons parlé de l'angoisse qui est le sentiment
qui révèle le mieux le Dasein. Et du fait que le Dasein est un
être-au-monde, il est directement angoissé. C'est
l'être-au-monde qui est angoisse de l'angoisse. Elle vient du rien qui
n'est nulle part. Elle stimule l'être-là à quitter la
déchéance pour son être-libre dans l'authenticité.
Et dans l'angoisse, nous ressentons le sentiment d'étrangeté. Il
y a le dépaysement. Nous nous sentons étranger dans l'angoisse
puisque nous sommes dans le monde déchu qui nous rend inauthentique. Ce
sentiment d'angoisse qui nous rend étranger nous pousse à quitter
cet état d'anonymat « on » pour la
vérité de son être-soi-libre dans l'authenticité.
Le souci comme être du Dasein nous a conduit à
découvrir que l'être-là est caractérisé
ontologiquement par le souci d'être toujours et déjà plus
soi-même dans son être. Le Dasein est un être qui est
appelé à être dépassé de soi-même pour
un être-plus. Jamais l'être-là ne pourra arrêter cet
élan de son être d'être toujours et déjà un
être-en-avant-de-soi-même. Il se projette vers un plus tandis qu'il
est dans ce monde déchu où il est jeté. Il n'est pas
isolé dans cet appel à être-plus parce qu'il y va de son
être d'être-au-monde qui implique d'être-avec-autrui. Et
comme il est un être-avec-autrui, l'être-là doit se
préoccuper de l'étant qu'il rencontre dans le monde ambiant. La
coexistence lui oblige l'assistance puisqu'il est ontologiquement un
être-avec et aussi un
être-auprès-de-l'étant-disponible qu'il rencontre dans le
monde déchu.
Le Dasein qui a le souci comme son être a en lui deux
nécessités ontologiques dont il ne peut s'en passer en aucun cas.
Il s'agit du vouloir et du souhait. La première
nécessité (vouloir) aide le Dasein à arriver à son
être parce qu'il est un pro-jet qui ne peut pas ne pas vouloir. Il veut
quelque chose, quelqu'un puisqu'il est un être-avec. Son vouloir est
toujours de quelque chose. Tout vouloir a toujours et déjà un
voulu. On ne peut vouloir le néant, le vide, le chaos. Tandis que le
souhait aveugle le Dasein dans la prise de conscience des possibilités
qu'a son être. On souhaite beaucoup de choses dans le monde et on oublie
par ce souhait de s'occuper de son être qui est rempli des
possibilités reçues de l'être. Nul ne pourra enlever
l'impulsion qu'a le Dasein de vivre ni même essayer de rompre
l'inclination qu'a celui-ci de se préoccuper pour la vie qu'il
mène dans le monde où il habite comme pro-jet.
Le témoignage préontologique nous a
montré clairement comment le Dasein est fait du souci qui l'a
engendré dans son existence. Il est dans le souci qui est son être
tant qu'il vit dans le monde où il est jeté facticiellement. Il y
a des possibilités qui font qu'il ait le progrès dans son
être puisqu'il a la capacité de devenir ce qu'il peut être
grâce au souci qui est existential. L'être-là est
ontologiquement souci.
Comme toute oeuvre humaine est marqué
d'incomplétude puisque l'homme lui-même est ontologiquement fini
et caractérisé par des manques, des failles et insuffisances, le
troisième chapitre a vu le jour pour critiquer notre auteur. Nous avons
relevé les points positifs et les insuffisances de notre maître
à penser avec plus d'objectivité possibles.
Ainsi, nous avons découvert que notre auteur a le
mérite d'avoir considéré l'homme comme étant
l'étant le plus privilégié de tous les autres
étants. Cette supériorité est due au fait que
l'être-là est le lieu d'ouverture de l'être. Il est le
berger de l'être. Le Dasein a la charge de veiller à la
vérité de l'être. En plus de cela, l'auteur de Sein
und Zeit trouve encore que l'être-là est un
être-au-monde et cela fait qu'il soit un être-avec-autrui qui lui
exige l'assistance positive qui veut que l'autre prenne en main ses soucis
à travers les possibilités.
Heidegger découvre que le souci est l'être du
Dasein puisqu'il le pousse à être en avance toujours et
déjà par rapport à lui-même dans son être. Il
est un projet qui se fait, se réalise toujours tant qu'il existe dans ce
monde où il est jeté comme pro-jet. Et le souci est la structure
unitaire du Dasein qui le tient dans son être.
Notre maître à penser montre que nous sommes
toujours des êtres avec les autres. Nul ne pourra dire qu'il est vraiment
seul puisque même dans la solitude, il se sert toujours des instruments,
des outils qui renvoient à leurs fabricants. Et donc étant avec
les outils, on est d'une manière ou d'une autre avec ceux qui les ont
fabriqués. Pour notre auteur, la solitude absolue n'existe pas. Et
même dire qu'on est seul n'est pas vrai puisque cette solitude est
inconsciente puisqu'on est toujours et déjà avec les autres.
C'est un existential d'être-avec-autrui.
Le philosophe allemand a compris qu'étant dans le
monde, le sentiment d'angoisse nous envahit. Et ce qui angoisse l'angoisse est
le monde comme tel. Cette angoisse vient de rien et n'est nulle part. le
dépaysement, le sentiment d'étrangeté que nous avons dans
l'angoisse nous pousse à mobiliser nos forces, nos potentialités
pour la perfection de notre être puisque dans le monde on ne sent pas
chez soi. Nous devons travailler pour notre être et c'est cela le souci
qui est l'être du Dasein et qui le caractérise.
Méthodologiquement notre auteur a réalisé
une révolution. Contrairement à la métaphysique
traditionnelle qui partait des concepts abstraits tels que la notion de
l'être en tant qu'être pour descendre à l'homme en
dernière position, Martin Heidegger part de l'homme que nous sommes qui
est capable de s'interroger sur son existence, sur son être et celui des
autres pour arriver à l'ontologie. Il s'est servi de la base
anthropologique pour aboutir à l'ontologie.
Nous devons reconnaître qu'à côté de
ses mérites, il y a des insuffisances dans sa pensée. Il a
parlé largement de l'être, mais curieusement il ne l'a pas
identifié. Comment l'être qui donne d'être aux étants
avec une identité concrète peut manquer lui-même
d'identité ? L'être doit avoir une identité
personnelle. Il ne peut pas être impersonnel comme l'a souhaité
notre maître à penser.
Le philosophe allemand dit que le Dasein est jeté dans
le monde. Nous trouvons que l'être qui est bon, qui se communique, ne
peut nous jeter dans le monde comme des choses dont il ne prend pas en
considération. Il est mieux de dire que l'être nous engendre au
lieu de dire qu'il nous a jeté dans le monde. L'être qui nous
donne d'être est bon et se communique à ceux qui ont reçu
son être. Il ne peut nous jeter mais plutôt il nous engendre
puisqu'il est bon.
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