Ministère de l'Enseignement
Supérieur
et de la Recherche
Scientifique
INSTITUT D'ETHNO-SOCIOLOGIE
Année Académique 2007-2008
Mémoire de Maîtrise
THEME
Solidarité et Logiques sociales du
non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des
planteurs d'hévéa de songon (cophes)
Présenté par :
Sous la Direction
de :
AKRE Sédji Donald
Pr Roch Yao GNABELI
Licencié es Sciences sociales
Maître de conférences
AVANT
-PROPOS
Aussi longue que soit la nuit, l'aube viendra !
Enseignent les sages. Cette éthique exige de l'apprenant l'art de savoir
attendre et le refus de mourir qui structurent et édifient la foi du
charbonnier, la foi des innocents et la perspicacité des
bâtisseurs d'avenir. C'est dans cet état d'esprit que ce travail,
né des brouillards du sens et des lieux communs, aboutit à ce
morceau d'architecture. Il est la réalisation d'un choix.
Il consacre la volonté de vaincre la fatalité du
« malheur généalogique » : cette
condition qui fait qu'en dehors des espaces domestiques, certaines origines et
convictions nous assimilent à des êtres sans qualité,
à qui rien n'est jamais promis, rien n'est jamais donné, ni
facilité. Toutefois, prisonniers de l'espoir, nous devons tracer et
construire nos chemins à genoux dans le silence et l'isolement du manque
(Gabriel Gbénou,2000).
Ainsi, ce présent travail, loin d'être la
démonstration parfaite de la maîtrise des contours
épistémologiques et théoriques de la sociologie, se veut
être un essai d'un étudiant qui esquisse ses premiers pas dans le
champ de la recherche en sciences sociales.
C'est pourquoi, chers Maîtres vos critiques
constructives allant dans le sens de l'amélioration de ce travail nous
paraîtront d'une inestimable nécessité ; et c'est
à juste titre que nous nous sommes inscrits à votre école
afin de bénéficier également de votre savoir scientifique
de sorte que nous aussi méritions d'être appelés
« sociologues ».
Remerciements
Une oeuvre comme celle-ci ne peut se réaliser sans le
concours des personnes vouées à son succès. C'est pourquoi
nous profitons pour remercier très sincèrement et du fond du
coeur tous les membres du laboratoire de sociologie économique et
d'anthropologie des appartenances symboliques (LAASSE) et les personnes
suivantes.
Pour bien faire, nous préférons nommer certaines
personnes qui se sont distinguées dans leur apport et soutien tant
scientifique que moral.
Ainsi, nous est-il agréable d'adresser nos premiers
remerciements au professeur Roch Yao GNABELI, Maître de conférence
à l'Institut d'Ethno-sociologie (IES) pour sa disponibilité
toutefois qu'il s'est agi de la cause scientifique et d'ordre
académique. Malgré ses nombreuses responsabilités
administratives et académiques, il a toujours su nous instruire, nous
entretenir et nous faire bénéficier de ses critiques, en nous
convoquant régulièrement à des séances de travail
bien entendu. Merci infiniment cher Maître.
Coup de chapeau à monsieur Soho Rusticot Droh De
Bloganqueaux, Doctorant à l'université de Cocody à Abidjan
(Insitut d'ethno-sociologie) et à Monsieur Houedin Cossi Barnabé
également doctorant en sociologie pour leur disponibilité sans
faille malgré leurs nombreuses occupations d'ordre académique.
Ils nous ont été d'un soutien sans pareil dans la mesure
où ils nous ont permis de percevoir l'écriture du mémoire
n'ont pas comme un « fardeau », mais plutôt comme un
simple exercice scientifique.
Nous disons par ailleurs merci à tous les enseignants
de l'Institut d'Ethno-sociologie pour nous avoir gratifié des cours de
sociologie depuis la première année jusqu'à maintenant.
Car, ils sont pour nous des sources intarissables du savoir
auprès desquels nous continuons de nous abreuver. Merci chers
Maîtres !
Nous ne saurions clore ce chapitre de remerciement sans faire
un clin d'oeil à nos amis les plus proches, nos amis de tous les jours
avec lesquels nous échangeons sur les questions d'ordre intellectuel et
sociologique. Ainsi, nous voulons remercier Gawa Ghislain Franck,
étudiant en instance de DEA de sociologie politique à l'IES pour
ses remarques pertinentes ; à Gbamin Némain Florentin,
Etudiant en Maîtrise de sociologie du travail, Brou Kouamé
Pacôme en instance de DEA et à Bakayoko Denis également
étudiant en Maîtrise d'Anthropologie sociale et culturelle
à l'université de Cocody Abidjan sans oublier toutes mes
connaissances !
DEDICACE
Nous dédions ce présent mémoire à
nos chers parents.
Je nomme Monsieur Lalié Akré Jean- Baptiste, mon
père géniteur qui a su jouer pleinement son rôle de
père de famille et de père très regardant sur la question
scolaire et universitaire de ses enfants.
A ma très chère mère, Mme Lalie Pauline,
qui comme une mère poule nous a toujours fait bénéficier
de son affection maternelle, et de son soutien moral, financer et spirituel
durant notre cursus scolaire et Universitaire.
A ma famille toute entière : mes soeurs :
Akré Akaffou lydie, Akré Ines, mes frères Akré
Akré Guillaume, Akré Arnaud Berenger, Akré Yapi
Médard Stéphen notre cadet.
A notre cher regretté frère Akré Adou
Armel Fréjus, à ma soeur Akré Agoussi Diane Patricia
,qu'il a plu au bon Dieu de rappeler auprès de lui ; et qui m'ont
toujours témoigné de leur estime et affection de leur vivant.
A tous ceux et celles qui bossent durement afin de ne pas
« mendier de l'ombre de l'arbre du vieillard », et à
ceux ou celles qui ont fait des études leur passion.
SOMMAIRE
Avant-propos.............................................................................................
Remerciements...........................................................................................
Dédicace...................................................................................................
INTRODUCTION
GENERALE.......................................................................
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE......................8
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE
L'ETUDE.....................33
TROISIEME PARTIE : TERRAIN ET ANALYSES
...........................................42
Section 1 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES
ASSOCIEES AU PHENOMENE
COOPERATIF.....................................................................44
Section 2 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES
ASSOCIEES AUX PRETS SOCIAUX OCTROYES PAR LA
COPHES............................................49
Section 3 : LES MECANISMES SOCIAUX LIES A L'OCTROI DE
PRËTS SOCIAUX A LA
COPHES..........................................................................................60
Section 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE DES NORMES
INSTITUTIONNELLES A LA
COPHES.........................................................64
Section 5 : LA SUPPRESSION DE PRETS SOCIAUX INTERNES A LA
COPHES COMME TENTATIVE DE LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE DES NORMES
INSTITUTIONNELLES.............................................................................74
CONCLUSION
GENERALE.......................................................................80
TABLE DES
MATIERES...........................................................................81
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES..........................................................86
ANNEXES
Introduction
Générale
Les études qui ont été menées sur
les phénomènes coopératifs en Afrique, n'ont fait que
privilégier depuis plusieurs décennies sa dimension
économique ; c'est-à-dire un instrument par excellence de
développement économique et social surtout des pays en voie de
développement afin de les sortir de leur enclavement. C'est donc
l'idéologie fondamentale qui accompagne les structures
coopératives et conditionne leur fonctionnement. Sous ce rapport,
plusieurs auteurs se sont inscrits eux aussi sous cet angle
économiciste. C'est ce que révèlent les propos
suivants : « le mouvement coopératif moderne
s'inscrit dans le cadre d'une politique internationale qui considère ce
mouvement comme un outil par excellence pour libérer les pays en voie de
développement » ( Dia Mamadou,1952 :28)1(*).
C'est donc pour dépasser une telle conception
théorique essentiellement économique, que se trouve
justifié notre étude qui se pose comme une contribution modeste
soit-elle à la déconstruction de cet objet social, afin de le
reconstruire sociologiquement sous l'angle de la solidarité. La
solidarité trouve un nouveau cadre d'expression dans le
phénomène coopératif.
Car, avec l'effritement de la solidarité dans les
structures familiales, autrefois clé de voûte de la dynamique
sociale, cette solidarité va donc trouver désormais son moyen
d'expression sous différentes formes et à l'intérieur de
plusieurs cadres que nous nommons « lieux ». Ce peut
être dans des associations, des groupements politiques, des clubs amicaux
et au sein des structures coopératives, entités sociales
crées par l'Etat ivoirien dés les indépendances.
Ainsi, étudier « les lieux et formes
d'expression de la solidarité » revient donc à admettre
que la solidarité se manifeste dans divers cadres sociaux et ce, sous
plusieurs formes.
Toutefois, le fonctionnement de cette solidarité se
spécifie généralement par certains disfonctionnements
dans l'octroi des prêts sociaux ; Comportements qui se traduisent
à travers le non remboursement de ces prêts. Cet état de
fait est ce sur quoi porte notre étude qui vise à
appréhender les déterminants sociaux du non-remboursement des
prêts à la coopérative des planteurs d'hévéa
de Songon (cophes).
Chercher à appréhender les déterminants
sociaux d'un tel comportement pourrait être pour les programmes de
développement un outil intéressant qui leur permettrait de mettre
l'accent sur la dimension sociale, c'est-à-dire la solidarité, la
redynamiser car, aucune politique de développement ne saurait tenir en
marge de la solidarité. C'est en cela que cette étude se veut
pratique.
Ainsi, dans la première partie de notre travail, nous
présenterons le cadre théorique et méthodologique, la
deuxième partie consistera à la présentation du cadre de
l'étude et enfin la troisième partie quant à elle
s'articulera autour de l'analyse des données.
PREMIERE PARTIE
CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1- Problématique
L'avènement des coopératives en Afrique en
général et en côte d'Ivoire en particulier remonte à
l'époque coloniale. Ces champs sociaux seront redynamisés avec
les indépendances (1960) pour donner naissance à un type nouveau
de coopération.
Ainsi, ces structures ou entités sociales sont-elles
des cadres d'expression de la solidarité. Leur caractère
associationiste, laisse transparaître aisément des rapports
sociaux de dépendance mutuelle, d'entraide, de liens sociaux de
fraternité et de sociabilité. Car, en
réalité, « coopérer », c'est
opérer ensemble, agir conjointement avec quelqu'un d'autre, joindre ses
efforts pour un but commun. La coopération se réalise lorsque des
communications, des interactions sociales entre personnes ou entre groupes
permettent, par association des activités de chacun , de se prêter
de l'aide en vue d'un résultat supérieur à ce que pourrait
être la somme des réalisations individuelles.
Sous ce rapport, » dans leur fonctionnement, ces
structures coopératives paraissent encore largement marquées par
la primauté du groupe sur l'individu, observation essentiellement
attestée, de nos jours par la survivance et l'importance de la famille
élargie dans l'organisation sociale des populations rurales de la
majorité des pays africains.
Elles favorisent la conscience de l'intérêt
communautaire au détriment de l'égoïsme lié à
l'évolution des intérêts individuels et
particularistes » (Georges Kenkou, 1994)2(*).
Empiriquement, ces liens sociaux se traduisent au travers
des cérémonies de récompense aux membres, des rituels,
l'assistance matérielle et financière aux collectifs
sociaux...C'est ainsi que « l'expression des groupements ou
organisations paysannes révèle l'existence d'une grande
diversité des formes de compensations, définies selon les
principaux types de contreparties requises pour la participation des
populations visées. Les modes de contreparties les plus adoptés
sont les suivants : Fêtes et cérémonies de
réceptions diverses, emprunts financiers remboursables auprès des
institutions mais aussi et surtout des prêts sociaux octroyés
aux membres qui demeure en difficultés sociales » (Georges
Kenkou, 1994). Car, la solidarité se définissant comme
étant l'existence de liens sociaux se manifestant par des comportements
de coopération réciproque entre les membres d'un groupe ;
elle s'assimile à une relation d'interdépendance entre des
personnes ayant la conscience de partager les mêmes intérêts
ou d'appartenir à une même communauté (Yao, Gnabeli R,
1998 : 27)3(*) ;
enfin elle est appréhendée comme étant l'existence de
liens qui unissent les membres dans un groupe donné (Durkheim
(E)4(*). Ainsi, les liens
sociaux sont des formes qui tiennent les individus à des groupes sociaux
et à la société, qui leur permettent de se socialiser, de
s'intégrer à la société et d'en tirer les
éléments de son identité. En clair, par lien social, il
faut entendre la diversité des types de relations qui unissent les
membres d'une collectivité. Sous ce rapport, le champ coopératif
revêt dans son fonctionnement toutes ces caractéristiques,
c'est-à-dire l'esprit d'appartenance à un groupe, l'assistance
mutuelle, les aides symboliques, matérielles et idéologiques.
Toutefois, dans le fonctionnement de ces structures, il est
donné de constater ces dernières années l'introduction de
dysfonctions au niveau de leur pratique de solidarité. Il s'agit en
grande partie à faire des demandes de prêts sociaux au sein de ces
entreprises et de ne plus s'accorder à les rembourser.
Sous ce rapport, ces pratiques viennent entacher le
fonctionnement de cette solidarité, le maintien de la cohésion
sociale et l'esprit d'appartenance aux groupes.
Ce constat se traduit également à la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes),
notre champ d'étude créé exactement le 29 juin 2003
au cours d'une assemblée générale tenue par l'ensemble des
planteurs ou agriculteurs autochtones Ebriés du village de songon
M'Brathé, conformément à la loi n° 97-721 du 23
décembre 1997,portant statut de la coopération, et du
décret n° 98-257 du 3 juin 1998, portant application de ladite
loi5(*), coopérative
dont le ressort territorial couvre l'aire géographique de la
région de songon.
Ainsi, dans le souci de manifester sa solidarité et son
assistance à ses membres, maintenir l'esprit d'appartenance au groupe et
la production d'une cohésion, la coopérative a
décidé de commun accord avec ses sociétaires d'instaurer
un système de prêts sociaux internes, gérés et
octroyés par la coopérative, fonds sociaux nés des
prélèvements faits à chaque coopérateur sur la
production au kilogramme. Cependant, il est à mentionner que face
à cet état de fait, les adhérents de la cophes demandeurs
de prêts sociaux développent des pratiques contradictoires aux
principes de fonctionnement de cette solidarité : Ces acteurs
sociaux sont engagés pour la plupart dans une logique de
non-remboursement de ces prêts sociaux. C'est d'ailleurs cette situation
de non-remboursement de ces prêts qui a engendré leur suppression
.
Au total, notre problématique s'articulera autour de
l'interrogation suivante :
Quels sont les déterminants sociaux du non
remboursement de ces prêts ?
Afin de saisir les déterminants sociaux d'un tel
phénomène, il serait intéressant d'interroger d'abord les
logiques institutionnelles d'octroi de ces prêts ; d'où la
question de savoir, quelles sont les logiques institutionnelles
régulatrices de ces prêts ?
Chercher à appréhender les logiques sociales du
non-remboursement des prêts sociaux surtout dans un contexte de
solidarité ne saurait exclure les dimensions structurelles,
idéologiques et symboliques susceptibles d'orienter la perception des
acteurs sociaux à l'égard du phénomène
coopératif et des prêts sociaux, d'où la question :
Quelles sont les représentations sociales des
coopérateurs associées au phénomène
coopératif et au système de prêts sociaux ?
Etant donné que nous sommes dans un groupement
associationniste et que la caractéristique des groupements humains ne se
lit que sous l'angle des relations sociales, des rapports sociaux entre les
collectifs sociaux, étudier le non-remboursement revient à
saisir la nature des rapports sociaux que les membres de la cophes
entretiennent entre eux ; d'où la question :
Quels sont les rapports sociaux que les membres de la cophes
entretiennent-ils entre eux ?
Aussi, s'interroger sur le comportement des acteurs sociaux ne
saurait faire l'économie de les replacer dans leur contexte social, leur
environnement social ; cela nous conduit à poser la question de
savoir, quels sont les rapports sociaux qu'ils entretiennent avec les
institutions traditionnelles et modernes ?
Enfin, le comportement d'un acteur social ou des acteurs
sociaux au sein d'un champ social révélant un mobile caché
derrière l'action, il serait intéressant de nous interroger de
savoir ; Quels sont les enjeux du non-remboursement de ces prêts
sociaux ?
2- La revue critique de la
littérature
Dans la recherche documentaire, il n'y a pas de contact
immédiat entre l'observateur et la réalité sociale. C'est
une observation médiatisée par les documents. Ce fait constitue
une source d'information sur les phénomènes sociaux. Cette
étape de la construction théorique de l'étude est une
phase très importante dans la mesure où elle nous permettra de
faire l'état des connaissances sur le phénomène à
étudier afin de voir comment les écrits antérieurs ont
abordé cette question, sous quel angle ; c'est donc à cette
seule condition que nous pourrons orienter la nôtre autrement.
Ainsi, notre revue de la littérature comportera deux
rubriques à savoir les études sur la solidarité et celles
sur les coopératives. Néanmoins, dans la
rubrique « Etudes sur la solidarité » nous
aurons deux volets :
Les études sur la solidarité dans les
entreprises et dans les organisations de type communautaires.
En ce qui est de la deuxième rubrique,
c'est-à-dire « les études sur les
coopératives », elle s'articulera autour de deux axes
également.
La solidarité dans les entreprises
Yao Gnabeli R. (1992)6(*), dans son étude sur l'impact de la
solidarité et des pratiques funéraires sur les entreprises
modernes, a mis en évidence l'influence des pratiques culturelles
(solidarité, funérailles) africaines sur un modèle
occidental (entreprise) de type capitaliste. En effet, à travers son
étude, l'auteur a cherché à comprendre le sens que prend
la « transplantation » des pratiques culturelles au sein
d'une institution pensée et fabriquée de toutes pièces en
dehors du contexte africaniste.
Cette étude nous a permis de voir la cohabitation de
deux cultures opposées idéologiquement. (L'africanité et
l'occidentalité) qui constituent à première vu un choc
culturel. Mais au-delà de ce aspect, il apparaît
intéressant de mentionner le mérite qu'a eu l'auteur en
focalisant son étude sur cette dimension qui rend compte de la
contrainte que présente le culturel sur les institutions de types
modernistes. Cependant son étude présente une insuffisance dans
la mesure où elle se trouve engagée dans un débat purement
culturel et aussi, elle ne nous permet pas de répondre à notre
problème de recherche.
Le même auteur, Yao Gnabeli R.(1998)7(*),dans sa thèse, a cette
fois-ci abordé le même aspect mais en poussant son analyse pour
comprendre le sens caché d'une telle cohabitation des deux
entités qui superficiellement présentent des antinomies.
Et l'auteur à la matière s'est bien
illustré dans la mesure où il a pu mettre en évidence le
fait que l'instauration au sein des entreprises de la solidarité par
l'entremise des caisses dites de « solidarité »
initiées la plupart du temps par les travailleurs, encouragées et
aussi financées en partie par les employeurs ; codirigées
par les employeurs et employés ou par les employeurs dans certaines
mesures, ne saurait constituer une entrave au fonctionnement de l'entreprise
moderne. En effet,la préoccupation de l'auteur,était de
comprendre le fait que l'institution capitaliste de type occidental
(l'entreprise), c'est-à-dire créée hors du contexte
africain et qui est logiquement poussée par la recherche
effrénée du profit,puisse accepter d'intégrer la gestion
des contraintes d'ordre culturel que représentent la solidarité
et les funérailles au sein de leurs organisations quand l'on sait que
cela mobilise le capital économique de l'entreprise hormis le salaire
que les producteurs directs percevront.
En définitive, à travers l'étude
menée par Yao Gnabeli R,il apparaît comme une tentative de
conciliation de deux cultures structurellement, symboliquement et
idéologiquement opposées. Toutefois,en dépit de son
importance,cette étude n'appréhende pas à l'image de la
première la question du non remboursement des prêts qui constitue
notre problème de recherche.
Gabriel Gagnon (1992)8(*) dans son analyse sur "les nouvelles formes de
solidarité dans le monde du travail", met en évidence la
naissance et l'évolution d'une forme nouvelle de sociabilité
organisée résolument par les travailleurs, les ouvriers,en marge
du cadre de travail. C'est en fait un procès que l'auteur fait des
sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie
nordique. Et toute sa pensée est traduite dans l'assertion
suivante : « Aucune société moderne, en
effet, ne peut se développer sans formes de solidarité pour
servir de lien entre l'individu, la famille et l'Etat. Pourtant,alors que les
sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie
nordique prétendaient nous offrir un modèle achevé de
solidarité à proposer aux foules de l'Ouest et de masse
affamées du Sud, leur évolution récente nous amène
à tout remettre en question ».
Gabriel Gagnon, plus loin dans son article, va se faire plus
précis quand il cite l'ethno-sociologue Pierre Bouvier, montre
bien « comment la génération
d'après-guerre, déçue de la croissance, allergique au
travail, préférant les pratiques alternatives où les
valeurs d'usage et le troc, l'emportent sur les normes du travail
salarié, a été remplacée, depuis 1986 environ
par des individus pour qui le travail n'apparaît donc plus,aux jeunes
générations des pays industrialisés,comme une
réalité hétéronome en régression à
laquelle on devrait sacrifier une partie de moins en moins importante de son
temps tout en développant, ailleurs et autrement, dans les
sphères de la culture et du cadre de vie, des pratiques autonomes et
émancipatoires ».Ce résumé assez
« long » de l'étude de Gabriel Gagnon, est une
étude assez enrichissante et intéressante car,elle a su mettre en
évidence le besoin pour l'espèce humaine qu'elle soit
salariée ou non, d'extérioriser sa véritable nature
d'être sociable qui se sent dans l'obligation d'exprimer sa
solidarité en toutes circonstances de lieux comme l'affirmation de
cette riche dimension humaine.
Laurent Bazin et Yao Gnabeli R. (1996)9(*) dans leur rapport font
l'état des lieux sur les dépenses consenties par les entreprises
ou les employeurs au profit de l'entretien social de leurs partenaires sociaux
que sont les ouvriers, les travailleurs ou les producteurs directs.
En effet, ces deux acteurs, dans leur étude ont
dressé un tableau des dépenses des entreprises pour le
bien-être de leurs employés ; et c'est l'ensemble de ces
dépenses qu'ils ont qualifiés de « dépenses
sociales » En clair, pour eux,ce sont la mise en place de la
politique du personnel, la politique d'aide au logement, les prêts
solaires,les caisses d'entraide qui constituent cette typologie des
dépenses sociales ;car, en réalité,ces
dépenses consenties par les entreprises apparaissent de nos jours comme
une contrainte pour le patronat.
Pour nous résumer, nous pourrons dire que cette
étude comme celle de Gnabeli Yao R. (1998) soulignent d'un trait la
même réalité : L'appropriation sinon la
récupération des formes de sociabilités et leur
intégration dans la gestion de l'entreprise moderne
caractérisée par la recherche maximale du profit et de la
rentabilité. Toutes ces études nous ont permis de mesurer la
contrainte que représentent les pesanteurs socio-culturelles sur
l'entreprise moderne, mais elles ne répondent pas à notre
problème de recherche bien qu'elles traitent de la solidarité.
Les études sur la solidarité dans les
organisations communautaires
Fatou Sarr (1997)10(*), dans sa thèse de doctorat, a montré
comment les femmes issues du secteur informel et parties de presque rien, ont
réussi, en mobilisant les logiques d'organisations traditionnelles,
à développer des activités qui leur ont permis, non
seulement de résoudre leurs problèmes socio-économiques,
mais aussi de renforcer leur statut et d'accroître leur pouvoir au sein
de la famille et de la communauté. Elle a donc montré comment la
production de la solidarité a été l'élément
décisif de cette réussite. C'est en effet, grâce à
la destruction des structures lignagères en milieu urbain et à la
production de solidarités nouvelles que les femmes ont obtenu une plus
grande autonomie. Exclues dans leur majorité du crédit bancaire,
leurs organisations leur ont permis d'obtenir leur indépendance
économique. Cela a entraîné des mutations dans les rapports
sociaux au sein de la famille, mais aussi des mutations dans les rapports avec
le religieux et le politique.
L'apport de cette recherche se situe au niveau de l'innovation
de l'objet de recherche qui ouvre des perspectives de décloisonnement du
champ de la recherche en travail social ; car en termes d'intervention,
elle démontre la pertinence de passer par, l'économique pour
assurer une meilleure participation des pauvres, qui s'appuient sur la
réciprocité positive.
Cependant, originale et pertinente qu'elle soit, cette,
étude présente une insuffisance dans la mesure où elle
s'est profondément engagée dans un débat ou une approche
du genre, et cela apparaît comme un travail assez
révolutionnaire,car présentant une image trop victimisante de la
femme africaine.
Georges Kossi Kenkou (1994)11(*) fait une sérieuse analyse sur les
organisations rurales de promotion coopératives. Il postule que ces
organisations rurales sont antinomiques aux objectifs de leurs structures
d'encadrement et leurs promoteurs. Et toute sa pensée se résume
en ceci : « une analyse structurelle de l'organisation
interne des groupements ruraux installés par les opérateurs de
développement met en évidence l'existence des statuts et des
règlements intérieurs, soucieux d'une gestion financière
efficace, dans des associations à caractère économique, et
préoccupés de l'harmonie sociale dans le cas des associations
d'intérêt communautaire.
L'analyse fait ressortir l'absence ou l'insuffisance d'un
système de compensation adapté aux préoccupations
profondes des participants. Elle permet de constater que l'on sous-estime
généralement dans ces groupements le fait que toute organisation
coopérative tend à poursuivre des objectifs à la fois
économiques et sociaux. L'un des objectifs peut être
prédominant, sans pour autant faire disparaître completement les
autres. Les expériences de promotion des structures coopératives
en Afrique révèlent que l'accent est mis davantage sur l'objectif
social ou communautaire, au détriment de l'objectif économique,
associé à la recherche de privilèges immédiats
résultant d'une appartenance effective à une structure
associative définie.
Cet exposé si long qu'il paraisse est d'une
extrême importance dans la mesure où il a pu permettre de saisir
globalement la pensée de l'auteur qui met à nu le
caractère trop communautariste lié à la production des
solidarités dans ces organisations communautaires de promotion
coopérative. Ainsi, pour Georges Kossi Kenkou, c'est la surproduction
des pratiques de solidarité dans ces organisations qui explique leur
inefficacité et souvent même leur échec.
Cependant, l'auteur semble ignorer le fait que le
phénomène qu'il décrit est le propre du continent africain
où la production des normes de sociabilité et des formes de
compensations sont les valeurs les mieux partagées. Son regard est trop
occidentaliste.
Le même auteur, dans son étude, mentionne un fait
qui suscite notre curiosité dans la mesure où il
représente même l'objet de notre présente
étude : c'est le phénomène de l'existence des
systèmes de prêts internes à ces organisations en vue de
venir en aide à leurs membres en difficultés sociales.
En effet, pour l'auteur, l'existence de ces formes de
sociabilité au sein des organisations coopératives s'inscrit dans
les stratégies d'entente et de solidarité de type coutumier qui
privilégient les relations personnalisées beaucoup plus que les
relations interpersonnelles.
En dépit de son intérêt, cette approche
présente des insuffisances dans la mesure où George Kossi Kenkou
présente un visage assez optimiste et simpliste du
phénomène des prêts qui présente en
réalité des problèmes comme les détournements de
fonds et le non-remboursement de ces fonds prêtés par les
coopérateurs en difficulté.
Approche théorique et pratique de la
coopération
« L'observation faite actuellement parmi les
coopérateurs presque partout c'est une tendance nette à laisser
de côté la théorie et les idées pour se consacrer
uniquement aux affaires. Or, c'est là une attitude erronée
dès lors que chaque organisation ou institution est fondée, avant
toute autre chose, sur les idées et convictions qui sont celles de ses
membres. Nous devons, ainsi, voir et percevoir dans les coopératives les
notions fondamentales sur lesquelles elles reposent car, c'est d'après
ces idées qu'elles orientent leur activité.
La coopération en tant que système
socio-économique ne repose pas sur une notion ou une théorie
sociale spécifique mais sur tout un ensemble d'idées et de
notions telles que la mutualité, l'union des faibles mettant en commun
leurs modestes moyens pour créer une force solidaire ;le partage
équitable des résultats bons ou mauvais, l'effort personnel
librement consenti,l'association entre des personnes aux objectifs communs, la
suprématie de l'homme sur l'argent et la non exploitation de l'homme par
l'homme.
Bien des gens ont exprimé leur idée essentielle
sur l'organisation coopérative par des devises
comme : " chacun pour tous et Dieu pour
un "
"ni charité,ni profit mais
service", " l'union fait la
force" , "éliminer les intermédiaires" ,
"services au prix coûtant", et "des entreprises dont des gens aux revenus
modestes sont les maîtres". Le grand réformateur japonais Kagawa,
cité par A.F. Laidlaw dans son document présenté au
congrès de l'A-CI à Moscou en octobre 1980 appelait le mouvement
coopératif « l'économie de la
fraternité ».Mais, la notion prépondérante
toujours présente dans les sociétés coopératives
d'après A.F Laidlaw est la suivante :
" Un groupe de personnes, grand ou petit, engagé
dans une action commune fondée sur la démocratie et l'effort
propre afin de se livrer des activités économiques ou de services
utiles et bénéfiques pour tous ceux qui y sont
associés ". »12(*)
Notre façon d'aborder et d'interpréter
l'idéologie coopérative rapprochée aux
réalités du terrain doit être à la fois large et
souple si nous voulons qu'elle puisse cadrer avec de très nombreuses
situations sur lesquelles fonctionnent et fonctionneront les
coopératives de demain. Cela étant, il nous faut une certaine
concordance générale sur ses éléments essentiels et
immuables. Autrement dit, quelles sont d'abord les caractéristiques sans
lesquelles une organisation ne saurait être considérée
comme une coopérative ? Nous pourrions par exemple admettre que la
propriété et l'autorité démocratique, forment une
de ces caractéristiques essentielles, malgré le manque possible
de concordance sur la manière d'interpréter et d'appliquer ce
principe. De même, une entreprise qui, pour attirer les investissements
fait miroiter la perspective d'un enrichissement illimité ou hors de
mesure n'a absolument pas droit à être appelée
coopérative.
Une raison qui nous pousse à effacer toute
équivoque dans notre idéologie est que certaines personnes qui se
sentent imbues d'une mission, à l'instar des coopérateurs colons
de jadis sont rarement disposées à s'interroger plus
profondément au sujet des convictions qu'elles propagent, certaines
qu'elles soient de posséder déjà la foi authentique sans
besoin de chercher plus loin. Selon certains de ces adversaires, la
coopération serait un système fondé sur de
« fausses vertus ».
Il arrive parfois que des facteurs secondaires et
extrinsèques interviennent dans le débat sur la nature
véritable des coopératives. On peut dire par exemple qu'une
entreprise commerciale peut très bien être une coopérative
authentique mais que, si elle grandit, elle ne peut plus être
considérée vraiment comme telle à partir d'une certaine
taille.
Nous soulignons ici que la taille d'une entreprise n'est
nullement un élément déterminant, bien que la
participation active du sociétariat soit plus difficile dans une grande
entreprise. Par exemple , une dizaine de pauvres chasseurs armés de
manière rudimentaire et vendant leur gibier en commun peuvent
très bien, on a pu constater, créer rapidement une
coopérative, mais il en est de même pour six cents chasseurs
possédant des armes sophistiquées et du matériel
perfectionné. Chacun de ces groupes peut parfaitement constituer une
coopérative authentique bien que l'une soit plus difficile et
compliquée que l'autre à administrer.
Par conséquent, la taille en soi peut ne pas être
l'élément décisif comme nous le développons plus
loin.
Les dispositions du droit ou la structure de l'entreprise
peuvent aussi parfois déformer la vraie nature d'une coopérative,
qui dans son essence est beaucoup plus proche d'une association à but
désintéressé que d'une entreprise. Autrement dit, bien
qu'une coopérative ait un statut juridique de société ou
entreprise, elle trouve sa nature véritable lorsqu'elle fait reposer son
activité sur la base de la notion associationniste.
Une entreprise de type classique peut très bien exister
et fonctionner depuis son siège de décision
éloignée du reste, mais une coopérative n'a pas
d'existence véritable loin de son sociétariat. Faisons remarquer
aussi que la nature même d'une coopérative modifie un grand nombre
de notions et méthodes empruntées à d'autres formes
d'entreprises. Une action de société de type capitaliste et une
part sociale de coopérative sont deux choses différentes. Dans
une entreprise de type classique, des réserves importantes sont
annonciatrices de plus-value substantielle, ce qui n'est pas le cas dans une
coopérative. Il en va de même des excédents de gestion, de
la concurrence, de l'intérêt versé au capital, voire de la
publicité. La nature et la vocation des coopératives ont pour
effet de donner à tous ces éléments un sens
différent, et parfois de les éliminer
complètement » (Lokombo Nkaka,1997)13(*). Cette théorie et
pratique de la coopération nous a été d'un
intérêt inestimable dans la mesure où elle
déconstruit la coopérative comme étant un champ
essentiellement économique, pour la reconstruire sous l'angle de la
solidarité ; et cela cadre bien avec le sens que nous donnons au
champ coopératif.
Les études sur les coopératives
agricoles
Alain Sissoko (1994)14(*), menait une sérieuse étude sur les
groupements à vocation coopérative. En effet, à travers
cette étude, l'auteur s'est proposé d'effectuer une étude
comparée des GVC (groupement à vocation coopérative)
uniques et multiples dans les villages de la région d'Ayamé. De
cette analyse sociologique, Alain Sissoko a mis en lumière la structure
et le fonctionnement des GVC et de leur relation avec l'environnement dans deux
contextes villageois différents ; et il ressort de son étude
que « le modèle d'existence de plusieurs groupements dans
l'espace villageois devrait être encouragé et non interdit dans la
conception des décideurs,par rapport au développement du
mouvement coopératif ».Sous ce rapport, il est à
mentionner que l'étude menée par Alain Sissoko est d'une
importance remarquable, car elle a eu le mérite de poser un
problème qui est devenu récurrent dans les structures
coopératives : la présence de plusieurs entreprises
coopératives sur un même espace territorial, surtout dans le
contexte villageois et son influence sur l'avenir de ces structures
coopératives.
Cette étude de Alain Sissoko, pour son
intérêt manifeste pour les programmes de développement du
mouvement coopératif, ne répond toutefois en rien à notre
problème de recherche à savoir le non- remboursement des
prêts au sein des entités coopératives.
Le même auteur Alain Sissoko (1996)15(*) dans une autre étude
sociologique portant sur la vie des structures coopératives, est parti
du constat qu' « il se pose en général, au sein
des organisations ayant deux décennies d'existence, et qui
évoluent aujourd'hui dans un environnement difficile, des
problèmes relationnels (entre les coopérateurs et leur
organisation ou au niveau des responsables des coopératives) et
opérationnels identiques tels que :
§ Le mauvais fonctionnement des organes.
§ Le manque de communication, de transparence et de
professionnalisation dans la gestion, de confiance, de fidélité
des membres "dans la livraison des produits à leur organisation et
d'autonomie ;
§ La faible capitalisation et surface financière
de ces structures coopératives et leur faible pouvoir de
négociation avec leurs partenaires ;
§ La conception instrumentaliste des GVC chez les
coopérateurs.
A la lumière de ce qui précède, il est
à noter que l'auteur à travers une étude minutieuse a su
mettre à nu les problèmes latents qui structurent le
fonctionnement des unités coopératives. A cet effet, il a su
mettre en évidence ce climat, cet environnement structurant le
fonctionnement et l'existence de ces entreprises.
Toutefois, loin d'ébaucher un penchant de notre
problème de recherche, l'auteur s'en est grandement
éloigné.
Coulibaly N'za (1994)16(*) dans son étude sur la coopérative
agricole en Côte d'Ivoire, met l'accent sur le problème
organisationnel et de fonctionnement de ces structures. Pour lui, la
coopérative en Côte d'Ivoire est pratiquement incapable d'assumer
son rôle parce que pauvre. Elle est confrontée à de
multiples difficultés en particulier financières et
matérielles. Elle souffre à cause de son mauvais fonctionnement
ou de son inorganisation.
Nous pouvons retenir de cette étude qu'elle a
été d'une grande importance car elle a su mettre en éveil
le problème organisationnel des coopératives qui est un
élément catalyseur dans leur survie ou leur disparition. En ce
sens, cette étude est une boussole pour les décideurs de ce
secteur d'activité. Malgré cet intérêt que
revêt cette étude, elle ne nous avance en rien sur le
non-remboursement de prêts dans les structures coopératives.
Leon Lokombo Nkaka (1997), dans l'étude
réalisée pour l'obtention de la maîtrise en Gestion et
Développement des coopératives à l'Université de
Sherbroke, a dressé un tableau historique de l'implantation de
l'idée de coopération dans les mentalités des
indigènes (africains), et comment ce modèle a
évolué pour donner lieu de nos jours aux coopératives
modernes.
La spécificité de cette étude, c'est
qu'elle s'interroge sur l'avenir de la formule coopérative dans le
contexte zaïrois. L'essai de Léon
Nkaka fut un coup de maître dans la mesure où il
a su faire l'historique de l'implantation des entreprises coopératives
en Afrique, comment elles ont évolué et ce qui les
caractérise toutes dans le contexte africain. C'est donc une
étude qui appelle à la reforme du modèle coopératif
en Afrique afin de mieux dynamiser ce secteur porteur d'espoir.
En somme, la plus part des études menées sur les
coopératives n'ont fait que privilégier la dimension
économique ; c'est ce qui nous conduit à
l'appréhender autrement c'est-à-dire sous l'angle de la
solidarité.
3- Objectif général et objectifs
spécifiques
· Objectif Général
Cette étude vise à appréhender les
déterminants sociaux du non remboursement des prêts
octroyés par la coopérative " COPHES "
· Objectifs spécifiques
L'étude vise spécifiquement à :
§ Identifier leurs représentations à
l'égard du phénomène coopératif
§ Saisir les idéologies associées aux
prêts
§ Décrire et analyser les mécanismes
sociaux liés aux prêts.
§ Appréhender les rapports sociaux que les membres
de la cophes entretiennent entre eux.
§ Appréhender les rapports sociaux qu'ils
entretiennent avec les institutions traditionnelles et modernes.
4- Hypothèse de recherche et modèle
d'analyse
· Hypothèse de recherche
Le non remboursement des prêts sociaux s'explique par la
perméabilité des normes institutionnelles de ladite
coopérative.
· Le modèle d'analyse
Cette étude s'appuiera sur l'hypothèse
suivante : le non-remboursement des prêts par les membres de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), est
lié à la perméabilité des normes
institutionnelles. Le modèle d'analyse quant à lui, consistera
à l'opérationnalisation de cette hypothèse. Ainsi,
s'articulera-t-il autour de la définition du concept de
« perméabilité des normes
institutionnelles ».
Bien avant d'opérationnaliser « la
perméabilité des normes institutionnelles » il serait
intéressant de définir ce que nous entendons ici par
« normes institutionnelles »
En effet issue du latin norma
« équerre » et, par métaphore,
« règle, ligne de conduite », l'on peut
appréhender les normes comme étant un précepte d'action
régissant la conduite des acteurs sociaux17(*).
Les termes de normes et de normatif, qui entrent dans l'usage
au XIXe siècle, ne comportent pas à l'origine de
signification univoque. Ainsi, dans son vocabulaire technique et critique de la
philosophie (1926), lalande distingue, à l'intérieur du normatif,
deux grandes espèces, l'impératif et l'appréciatif :
le premier fixe ce qu'il faut faire ou au contraire ne faut pas faire, le
second spécifie ce qu'il est bien ou, à l'inverse, mal de penser
et de mettre en pratique. Or la sociologie, qui s'est fortement investie dans
l'étude des normes, a tendu à envisager essentiellement sous le
premier angle, celui de l'impératif ou du prescriptif : la notion
de norme désigne classiquement dans cette discipline les règles
régissant la conduite des acteurs sociaux. A ce titre, les normes
constituent des préceptes d'action pour les membres d'un groupe ou d'une
organisation et même, pour les plus générales d'entre
elles, d'une société.
Elles ont en ce sens une portée collective : sans
acceptation de la part d'une pluralité de personnes et sans application
au moins partielle de la règle qu'elle énonce. Les normes
correspondent donc en général à des manières d'agir
répandues dans une population donnée, mais il faut se garder de
les confondre avec de simples régularités statistiques
observables dans les comportements, compte tenu de leur caractère
prescriptif, auquel est associée l'existence de sanctions positives ou
négatives ». (François Chazel)18(*)
Sous ce rapport donc, à travers les « normes
institutionnelles » nous nous référons aux
règles, aux manières de faire et d'agir sues par les acteurs
sociaux issus d'un champ et qui structurent son fonctionnement. Rapportant ce
état de fait à notre contexte, c'est-à-dire la
coopérative (cophes), ces normes institutionnelles s'appréhendent
au travers du statut et règlement de la dite coopérative et
l'ensemble des fonctions institutionnelles que remplit la
coopérative (esprit d'appartenance au groupe...)
En ce qui concerne la perméabilité des normes
institutionnelles elle peut être saisie comme étant le
degré de fonctionnement d'une institution conformément aux normes
qu'elle s'est prescrites. La passivité dans leur application, rend ces
normes perméables.
Ici dans le contexte de la coopérative des planteurs
d'hévéas de songon (cophes), la perméabilité des
normes institutionnelles s'appréhende à travers
l'applicabilité des normes sanctionelles régissant le
fonctionnement de l'organisation.
A travers la perméabilité des normes
institutionnelles, l'on entend le caractère non rigide que
présentent les normes qui régissent cette institution, la
souplesse qui caractérise une institution ou une organisation. Ainsi, la
perméabilité des normes institutionnelles s'appréhende
sous deux dimensions : la dimension structurelle et la dimension
institutionnelle.
Au niveau de la dimension structurelle, elle se traduit par la
non participation des membres débiteurs aux activités de la
coopérative, les livraisons clandestines de leurs productions à
d'autres coopératives ; en ce qui concerne la dimension
institutionnelle elle se traduit par l'inapplicabilité des sanctions
institutionnelles. Ces dimensions sont des indicateurs entre autres de la
perméabilité des normes institutionnelles.
5-Cadre paradigmatique
L'habitus est défini par Bourdieu (1980)19(*) lui-même comme
« système de dispositions durables et transposables,
structurées prédisposées à fonctionner comme
structures structurantes c'est-à-dire en tant que principes
générateurs et organiseurs de pratiques et de
représentations ».
L'approche de Bourdieu est de nature
déterministe ; c'est-à-dire que les actions des individus
sont déterminées par les structures sociales (entendues comme
système de relations qui lient abstraitement les individus).
En effet, comme l'a écrit Claude Dubar (2002)20(*), « chaque acteur
social a une histoire, un passé qui pèsent sur ses
identités d'acteurs. Il ne se définit pas seulement en fonction
de ses partenaires actuels, de ses interactions face à face dans un
champ déterminé de pratiques, il se définit aussi en
fonction de sa trajectoire sociale. Cette expérience, ramenée
à notre contexte, revient donc à dire que les membres de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), sont
inscrits dans une logique de réactivation de leur passé ;
passé chargé de pratiques sociales, d'habitus acquis au sein des
institutions de sociabilité que constitue le cadre familial
caractérisé par les rapports avec leurs groupes de pairs et par
extension dans la société globale. Or, comme nous savons
pertinemment qu'étant membre d'une famille, la société,
les individus au cours de leur socialisation, intériorisent des
façons de faire, de penser et d'agir.
Sous ce rapport donc, une fois que les individus subissent une
mobilité de champ, alors ils intègrent inéluctablement
leurs habitus dans leur nouveau champ, comme c'est le cas ici du champ
coopératif dont les membres sont des produits et des acteurs sociaux.
Ainsi, la reproduction de l'habitus dans un champ
dépend des propriétés structurelles et des
différents types de capitaux valorisés dans ce champ.
Car, comme dans les institutions primaires tel que le cadre
familial, les liens de sociabilité, de fraternité étaient
à un moment de l'évolution sociétale une garantie, une
assurance pour tout acteur, à ce titre, les aides de diverses formes
(les demandes de prêts, l'assistance spontanée à personne
en difficultés sociales...) n'étaient pas soumises à des
conditions rigides. Au point où le remboursement ou non des prêts
n'obéissait souvent presque pas à des contraintes dans nos
sociétés traditionnelles (la solidarité mécanique
avec Emile Durkheim).
C'est donc les manières de faire, d'agir et de penser,
intériorisées par les acteurs sociaux que sont les
coopérateurs de la cophes que ceux-ci tendent à revivifier,
à maintenir en survivance dans leurs représentations liées
au phénomène coopératif et au système de
prêts instauré au sein de la dite association ; ainsi, ces
acteurs sociaux en venant en association ; traînent avec eux leur
façon de penser d'agir et de faire, épousées au cours de
leur socialisation.
Cependant, étant au sein d'une organisation, les
membres d'une institution ou d'une entreprise quelconque sont la plupart du
temps resocialisés par l'entremise de la culture de cette entité
organisationnelle, ce qui au demeurant empêche les individus
d'extérioriser leur habitus sociétal et à fonctionner
selon les normes régissant leur nouveau champ d'intégration.
Toutefois, lorsque les normes viennent à faiblir, alors les acteurs
sociaux re-inventent ou réactualisent leur passé chargé
idéologiquement, qu'ils transposent au sein de leur nouveau champ
d'appartenance (champ coopératif, une association, une organisation).
6- Cadre
Méthodologique
1- Délimitation du champ de
l'étude
Dans toute recherche caractérisée de
scientifique, il est impérieux que le chercheur puisse délimiter
le champ de l'étude qu'il mène, et cela est une étape de
la norme méthodologique. Sociologiquement, le champ renvoie à un
espace social structuré de positionnement des acteurs. Sous ce rapport,
nous sommes amenés à délimiter la présente
étude à trois champs à savoir :
· Le champ géographique
· Le champ social
· Le champ sociologique
Ø Champ géographique
Le village de M'Brathé est géographiquement
situé au sud de la Côte d'Ivoire. Il fait partie des nombreux
villages composant la sous-préfecture de songon, qui, elle
(sous-préfecture) se trouve rattachée au District d'Abidjan
depuis l'année 2001.
En effet, cette sous-préfecture prend sa source
après la commune de Niangon pour s'étendre à plusieurs
villages dont
Songon-Agban ;Songon-Kassemble,Songon-Dagbe ;Adtapodoume ;
Adiapoto ;Abadjin Kouté et bien d'autres comme M'Brathé.
C'est donc dans cette sous-prefecture que se situe M'Brathé, village
d'autochtones Ebriés ou Atchan. C'est un village de mille cinq cents
âmes (1500).Les activités économiques sont essentiellement
reparties entre l'agriculture et la pêche. En ce qui concerne les femmes,
elles se contentent de la production de l'Attieké21(*)
Dès l'hors, le champ géographique prend un sens
ici, dans la mesure où il sert de cadre physique abritant la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon "COPHES" qui
est l'objet de notre étude. Néanmoins, hormis le champ
géographique, il apparaît tout aussi important de faire le tour
d'horizon sur le champ qui apparaît tout aussi nécessaire que le
précédent.
Ø Champ social
Le champ social de ce travail prend en compte les
coopératives au sein desquelles, ce problème de non-remboursement
de prêts sociaux semble structurer le fonctionnement.
Toutefois, pour la réalisabilité de cette
étude, nous nous sommes apésantis sur le cas de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)
où ce phénomène est devenu une réalité.
Ainsi, avons-nous interrogé le président de ladite
coopérative et son vice président ainsi que les membres de la
cophes. Le choix du président de la structure tient du fait qu'il est le
premier responsable de l'organisation et aussi son statut de premier
président de cette coopérative depuis sa création ont
été déterminants pour nous dans la mesure où il se
trouve être la personne ressource pour répondre à nos
préoccupations ; le choix des membres de la cophes trouve son
explication dans le fait que ce sont eux les acteurs sociaux vivant ce
phénomène et le pratiquant. Les interroger, pourrait nous
être d'une importance inestimable.
Ø Champ sociologique
La nature du problème que nous voulons traiter dans
cette recherche impose que nous définissions clairement le champ de
connaissance dans lequel nous comptons l'inscrire.
Ainsi, tenter d'appréhender « le
non-remboursement des prêts octroyés par la "cophes" à ses
membres, relève de la socio-Anthropologie des organisations.
En effet, nous considérons l'espace coopératif
certes comme un espace associatif, mais aussi et surtout comme une organisation
dans la mesure où elle obéit à une structuration de type
hiérarchique, chaque membre y joue sa partition pour la survie de cette
entité. C'est donc un champ dans lequel, l'action individuelle ou
collective des membres est déterminante pour son fonctionnement.
Les champs d'étude étant
délimités, il serait maintenant loisible de nous focaliser sur
les instruments ayant servi à la collecte des données du
terrain.
7- Les instruments de collecte des
données
Dans sa quête de vérité scientifique, le
chercheur est amené à se soumettre à diverses
épreuves au nombre desquelles, il serait intéressant de
mentionner la consultation documentaire, les entretiens.
1- La recherche documentaire
Les documents sont pour le chercheur en sciences sociales ce
qu'est une boussole pour le voyageur ou l'aventurier. En ce sens que comme
l'aventurier ou le voyageur, le chercheur en sciences sociales est amené
à s'interroger sur ce sur quoi il compte mener sa recherche, comment
l'orienter,comment ses contemporains l'ont abordé (car nous sommes
nés dans un monde déjà vieux),sous quel angle ?
Ainsi, dans la quête d'informations en rapport avec le
thème que nous traitons, sommes nous retrouvés successivement
dans le centre documentaire de l'institut de recherche pour le
Développement (IRD) ; la bibliothèque de l'institut
d'Ethno-sociologie. Pour donc renforcer la documentation des deux centres, nous
avons également eu recours à la « documentation
numérique ».
Hormis, cette technique de recherche incontournable dans
toutes recherches scientifiques, l'apport d'une autre technique beaucoup
prisée en sciences sociales nous a été d'une
nécessité indéniable ; il s'agit de l'entretien.
2- Les Entretiens
· Entretiens Exploratoires
Dans le processus menant à la recherche scientifique,
le chercheur, dans le souci de mesurer la portée de son objet
d'étude se trouve dans l'obligation de faire ses premiers pas sur son
champ d'étude afin de juger la faisabilité ou non de son
étude ; pour ce faire, nous avons eu recours aux entretiens
exploratoires comme à la quête de problème de recherche.
Ces entretiens exploratoires nous ont été utiles dans la mesure
où ils nous ont permis de prendre contact avec le terrain afin de nous
frotter à ses réalités et de nous imprégner de la
vie en coopérative des membres de la "COPHES".
· Entretiens d'enquête
Ensuite, viennent les entretiens proprement dits. Ainsi,
avons-nous fait usage d'un guide d'entretien élaboré en fonction
de nos objectifs. Nous avons privilégié exactement l'entretien
semi-directif. Celui-ci a pour but de laisser libre cours aux
enquêtés de s'exprimer librement, et de relancer les questions
pour comprendre en profondeur les motivations des actions, mais tout en ne
perdant pas de vue les objectifs de notre recherche. Sous ce rapport donc,
l'utilisation de cette technique nous a permis d'appréhender les
représentations que les acteurs en question se font du champ social dans
lequel ils évoluent (le champ coopératif), ainsi les
idéologies associées aux prêts.
En outre, l'usage de cet excellent instrument trouve ainsi sa
justification dans le fait que nous voulons donner à notre étude,
une orientation essentiellement qualitative.
3- Techniques d'échantillonnage
Pour la constitution de notre échantillon nous avons
fait usage de deux techniques conjointes : l'échantillonnage en
« boule de neige » appelé aussi
échantillonnage par « réseaux » et
l'échantillonnage aléatoire. Ainsi le choix de
l'échantillonnage en boule de neige ou par réseaux est obtenu sur
la base d'un choix raisonné, donc de convenance. Elle consiste à
choisir un noyau auquel s'ajoutent tous ceux qui sont en relation (de travail,
d'affaire, d'amitié etc.) avec eux et ainsi de suite. On se fonde donc
sur les réseaux d'où l'expression « par
réseaux ».Ramenant ce fait à notre contexte,
c'est-à-dire à la cophes, c'est par l'entremise de certains
membres, (selon leur ancienneté dans ladite coopérative) que
nous avons pu avoir accès aux autres (les plus anciens
également) ; car, cela était d'une importance pour nous dans
la mesure où la question du non-remboursement des prêts sociaux
à la cophes concerne plus pour ne pas dire essentiellement cette
catégorie de personnes.
En ce qui concerne l'échantillonnage aléatoire,
il a consisté à considérer l'ensemble des acteurs sociaux
de la cophes (c'est-à-dire tous les membres anciens comme nouveaux).Ce
choix résulte du fait que nous avons voulu donner la chance à
cette population d'être interrogée sans discrimination.
Dans le cadre de notre étude, il nous a
été utile dans la mesure où en ce qui concerne les
représentations sociales associées au phénomène
coopératif et au système de prêts sociaux, mais aussi les
prêts actuellement en cours auprès de la caisse mutuelle
d'épargne et de crédit de songon CMEC) concerne l'ensemble des
coopérateurs
4- Techniques de traitements des
données
· Le dépouillement
Selon Barthélemy Comoé Krou, le
dépouillement consiste à regrouper les réponses identiques
à un même caractère ou une même modalité de
manifestation, afin de rendre la description, l'analyse et l'exploitation.
Notre dépouillement s'est déroulé de façon
manuelle. Il a consisté à recueillir les données lors de
notre enquête selon leur convergence relativement à notre
hypothèse de travail et nos objectifs.
En effet, après avoir rassemblé l'ensemble des
entretiens, nous avons procédé à une codification de
ceux-ci (par exemple :E-001 ; E-002 ;etc.)
Cette opération avait pour but de faire en sorte
d'isoler chacun des entretiens pour nécessité d'analyse. Puis
nous avons entamé une lecture minutieuse entretien par entretien afin
d'identifier les thèmes récurrents, mettant l'accent dans chaque
entretien sur les données particulière du discours de
l'enquêté pouvant nous aider à la confrontation à
l'hypothèse de recherche et à atteindre les objectifs
visés par l'étude. Afin de garder l'anonymat des personnes
citées à titre illustratif, nous avons aussi utilisé des
lettres alphabétiques (Par exemple M .O.;
M.R. ;M.B. ;M.Y. ;M.N. ;etc.)
Le dépouillement manuel n'a été qu'une
opération préliminaire du traitement des données puisque
après le dépouillement manuel nous avons procédé
à une analyse du contenu des discours.
· L'analyse de contenu
L'analyse de contenu apparaît en sciences sociales et
humaines comme technique de recherche primordiale et généralement
beaucoup utilisé pour sa qualité.
En ce qui concerne notre mémoire, nous l'avons
utilisé en ce sens qu'elle est un instrument puissant de recherche du
sens latent des discours des acteurs inscrits dans le champ social.
Ainsi, nous permettra-t-elle selon Aktouf Oumar, de
« dégager le contenu non directement perceptible, le latent
qui se cache derrière le manifeste ou le
littéraire ».Cette technique nous a permis de mettre en
évidence les représentations que les acteurs, c'est-à-dire
les membres de la coopérative
" COPHES " associent au phénomène
coopératif ; et dans une large mesure au système de
prêts sociaux instauré. Pour ce faire, en vue d'atteindre nos
objectifs, nous avons procédé à une lecture
sélective et orientée des discours des acteurs, ce faisant c'est
l'analyse thématique que nous avons choisie. Ainsi, s'agit-il pour nous
d'identifier dans les entretiens, les différents thèmes
récurrents et pertinents qui feront objet d'analyse. Ce choix ce
justifie par le fait que l'analyse de contenu thématique permet de
ressortir les unités de sens autour desquelles se structurent les
discours des acteurs sociaux.
8- Les conditions sociales de déroulement de
l'enquête
Les relations d'enquête entre l'enquêteur ou le
chercheur et son terrain, aux interviewés est une étape
charnière dans le processus de la recherche scientifique. Ainsi, dans sa
quête d'informations, le chercheur est forcement soumis aux
réalités de son terrain qui déterminent le plus souvent la
faisabilité ou non de son étude. Mais face à cette
situation, il appartient au chercheur de faire preuve de la maîtrise de
l'environnement de l'enquête tout en mettant à l'épreuve sa
compétence, et c'est tout cela qui donne un sens à la recherche
scientifique.
En ce qui concerne notre travail, nous avons été
également confrontés à nombre de difficultés
.D'abord, nous avons été mis à l'épreuve face
à la réticence de certains enquêtés qui ont
refusé de se soumettre à notre interrogatoire, malgré le
fait que nous nous soyons évertués à leur expliquer le
bien fondé de cette recherche.
Ensuite, l'indisponibilité permanente des
coopérateurs a constitué en quelque sorte une autre dimension des
difficultés de l'enquête. Pour remédier à cette
situation, qui tendait à freiner l'évolution de notre
enquête, nous avons été amenés à prendre
rendez-vous avec eux à l'heure qu'ils trouvaient raisonnable. Et cette
situation a fortement eu un impact sur la durée de notre enquête
qui s'est effectuée en deux semaines et demi.
Sous ce rapport, nous avons eu à interroger au total
une trentaine de membres (30) répartis comme suit :
· 15 membres selon leur ancienneté au sein de la
coopérative.
· 15 autres membres en fonction de leur récente
adhésion à la coopérative.
Cette classification s'est faite sans toutefois prendre en
compte le president de la coopérative et son vice-président que
nous avons également interrogés.
DEUXIEME PARTIE
PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE
CHAPITRE I
PRESENTATION DE LA COPHES
1- HISTORIQUE
C'est en se référant aux lois sur les
coopératives en vigueur en Côte d'Ivoire, c'est-à-dire la
première loi n°66-251 du 5 Août 1966 qui initie le G.V.C,
à la loi n°97-721 du 23 Décembre 1997 et le décret
n°98-257 du 3 juin 1998, que s'est tenue dans le village de
Songon-M'Brathé le 29 juin 2003 à quinze heures (15h)
l'assemblée constitutive de la coopérative dudit village.
C'est donc au cours de cette assemblée constitutive
qu'est née la coopérative des planteurs d'hévéa de
Songon M'Brathé (Communément appelée COPHES).
Ainsi, pour son fonctionnement, la coopérative des
planteurs de Songon-M'Brathé s'étend géographiquement
à tous les villages de Songon. C'est-à-dire que l'adhésion
à cette coopérative n'est pas que du ressort des membres de
m'Brathé. Cependant, la dénomination de Songon -M'Brathé
résulte du fait que c'est le village de Songon -M'Brathé qui en
est l'instigatrice et aussi, qui abrite la coopérative ; c'est en
fait le siège de la cophes. C'est pourquoi, parmi les membres de la
cophes se trouvent des ressortissants des villages voisins qui y ont
adhéré librement.
2- Les membres de la cophes
En ce qui concerne les membres de la cophes, il y a lieu de
mentionner qu'ils sont en majorité ressortissants de M'Brathé.
Ils sont composés de fonctionnaires, de salariés du privé
à la retraite, de libéraux du secteur informel et des paysans
dans l'ensemble.
Ce qui fait que l'on estime les membres de la cophes à
plus de 120 (chiffres variable) en raison des démissions et de nouvelles
adhésions.
3- Les objectifs de la cophes
Comme toute organisation soucieuse de son fonctionnement, la
cophes s'est fixée également des objectifs que sont :
· La production et la commercialisation des produits
agricoles tel l'hévéa
· L'acquisition pour le compte de ses adhérents
d'équipements matériels, véhicules et autres objets
nécessaires à l'exercice de leurs activités.
· Le regroupement dans une même enceinte des
produits appartenant à ses adhérents, ou faire des livraisons au
lieu d'achat au non de la coopérative ; les ventes individuelles
étant interdites.
· La construction, l'acquisition ou la location des
locaux nécessaires à ses activités.
4- Les acquis de la cophes
Nous entendons par « acquis »,
évoquer tout ce que la coopérative a pu réaliser, faire
pour son fonctionnement harmonieux.
Ainsi parmi ces acquis, nous notons :
· La coopérative des planteurs
d'hévéa de songon-M'Brathé à pu se doter d'un
camion de collecte des produits de ses membres.
· L'acquisition d'un siège
· L'ouverture d'un compte bancaire au nom de la
coopérative à la caisse mutuelle d'épargne et de
crédit de Songon (C.M.E.C) depuis l'an 2003
· L'acquisition d'un magasin agricole ( cf statut de la
coopérative)
5- Les actions de la cophes à
l'endroit de ses membres
Toute entreprise ou organisation, dans le but de créer
la motivation chez ses sociétaires ou membres, met en place une
politique sociale. La cophes étant une organisation, n'a pas
échappé à cette logique.
Ainsi, a-t-elle initié un système de
récompense de ses membres à la fin de chaque année civile
précisément en décembre. Ce système qu'il est admis
d'appeler « ristournes » dans le jargon des
coopératives, consiste à faire des prélèvements sur
la production des coopérateurs (sur le kilogramme) ; et ce sur une
période d'un an. Ce prélèvement fait sera
redistribué sous forme de récompense aux membres de la
coopérative comme pour leur signifier la reconnaissance par la
coopérative de leur fidélité aux idéaux et aux
normes institutionnelles du champ coopératif. Ainsi, à la fin de
chaque année, une part est versée à chaque membre et
selon un critère d'équité et non discriminatoire
consistant à bénéficier des fonds selon le tonnage annuel
individuel.
Aussi, en ce qui est de la compagnie du Caoutchouc du PAKIDIE
de Dabou (compagnie à laquelle la cophes livre toutes ses productions
avec la complicité de la coopérative bien entendu octroie
également des fonds dits « primes de fidélité
aux membre de la cophes à la fin de chaque année comme pour
sceller durablement leur coopération.
6- L'organisation De La
Cophes
L'esprit sociologique dans lequel nous comptons inscrit
l'organisation et l'organigramme de la cophes, n'a rien de la façon
communément admise par plusieurs autres disciplines quand il s'agit de
présenter une structure ou une entité organisationnelle. En ce
qui nous concerne, en présentant l'organisation et l'organigramme de la
cophes, nous avons à l'esprit de mettre en évidence les
composantes d'une entité organisationnelle avec ses agents sociaux ayant
chacun une tache, un statut, un rôle selon un même objectif et qui
sont en interaction mutuelle et quotidienne ; dont la somme des
interactions participe à la dynamique et au fonctionnement de
l'organisation, c'est-à-dire la coopérative. Car,il serait
sociologiquement incorrect d'étudier un champ social sans songer
à l'inscrire dans une dynamique relationnelle.
La cophes est organisée de la façon
suivante :
· L'Assemblée Générale (instance-
mère)
· Le bureau exécutif
· Un président
· Un vice président
· Un secrétaire général
· Un secrétaire général adjoint
· Un trésorier
· Un trésorier adjoint
· Un commissaire aux comptes
Il serait intéressant de mentionner que le commissaire
aux comptes dépend directement de l'Assemblée
Générale. Le commissaire aux comptes ne fait pas partie des
membres de la coopérative
7- Organigramme
Assemblée Générale
Commissariat aux comptes
Conseil d'administration
Bureau exécutif
CHAPITRE II
COMMENTAIRE DE L'ORGANISATION ET DE L'ORGANIGRAMME DE LA
COPHES
1- Commentaire de l'organisation
· Le président : Le symbole de la
coopérative
Le président est élu par les membres du conseil
d'administration conformément aux statuts de la
coopérative ; il représente la coopérative dans tous
les actes de la vie civile et auprès des autorités publiques. Il
agit dans le cadre des décisions prises par le conseil d'administration.
Le président convoque les réunions d'assemblée
générale et du conseil d'administration et les préside.
· Le vice- président
Il a les mêmes attributions que le président de
la coopérative. Son intervention n'est nécessaire qu'en cas
d'absence ou d'empêchement du président. Aussi, il est susceptible
de remplacer le président de la coopérative dans ses fonctions ou
à défaut un administrateur ou encore à défaut un
membre élu par l'assemblée générale.
· Le secrétaire
général : intermédiaire entre le président et
les membres de la coopérative
Le secrétaire général a pour fonction
d'aider le président dans ses tâches. Par exemple, les
procès-verbaux sont constatés et signés par le
président et le secrétaire .Lors des séances en
assemblée générale ordinaire ou extraordinaire,c'est le
secrétaire qui est chargé de lire et de présenter l'ordre
du jour à l'assemblée ;après quoi, le
président procède à l'exposé. Il est donc
l'intermédiaire entre le président et les membres de la
coopérative.
· Le secrétaire général
adjoint
Il exerce les mêmes fonctions que le secrétaire
général. Mais, il intervient qu'en cas d'indisponibilité
du secrétaire général, en cas de son absence.
· Le trésorier : la construction
sociale du rapport à l'économie
Il est celui même qui représente le
« coffre-fort » de la coopérative. Le
trésorier est désigné par le conseil d'administration en
référence au critère de moralité et aussi le
critère de la compétence. Le trésorier est cette personne
qui est chargée de veiller sur les fonds, les avoirs de la
coopérative. Lorsque la coopérative s'engage à faire des
dépenses, c'est le trésorier qui est immédiatement
contacté pour le décaissement de ses fonds .C'est en fait le
gestionnaire financier. Son Adjoint, c'est-à-dire le trésorier
adjoint a les mêmes attributions que lui. Il n'intervient
également qu'en cas d'empêchement, d'absence ou
d'indisponibilité du trésorier général.
2- Commentaire de l'organigramme de la
cophes
· L'Assemblée
générale : une idéologie
d'instance-mère
C'est l'organe suprême. Elle est composée de
l'ensemble des coopérateurs ayant libéré leur part social
ou leurs délégués. Elle a pouvoir de décision.Les
décisions sont prises au cours des Assemblées
générales ordinaires ( A.G.O) en Assemblée
générale extraordinaire (A.G.E).
· Le conseil d'administration : la
construction sociale d'une gestion
C'est l'organe de gestion et d'administration de la
coopérative. Il est composé au moins de trois membres élus
au cours de l'assemblée générale. Les fonctions
d'administrateur sont gratuites. Le conseil d'administration a pour rôle
de :
Ø Définir les grandes orientations de la
coopérative
Ø Approuver les budgets
Ø Adopter les programmes d'activités annuelles
Ø Nommer et révoquer le gérant
Ø Rendre compte à l'Assemblée
générale
Ø Décider à titre provisoire l'admission
ou l'exclusion des membres
Ø Convoquer l'Assemblée générale
annuelle
Ø Prendre toutes mesures nécessaires à la
sauvegarde des biens de la coopérative
Ø Assurer la représentation de la
coopérative
Ø Evaluer le gérant en fin d'exercice
D'une manière générale, le conseil
d'administration exécute les décisions de l'Assemblée
générale.
· Le commissaire aux comptes : un acteur
social construit comme "neutre"
Il répond aux dispositions de l'article 22 de la loi
97-721.Il a pour rôle d'assurer le contrôle, la
sincérité et la régularité des différentes
valeurs et les livres de la coopérative. Il est élu pour une
période de trois ans non renouvelables en dehors des membres de la
coopérative. Il rend compte à l'Assemblée
générale ;la délibération est nulle si elle
n'a pas été précédée par la lecture du
rapport du commissaire aux comptes. Les commissaires aux comptes ne peuvent
être ni des membres de la coopérative, ni des parents,
alliés,salariés ou associés des administrateurs, du
directeur et du gérant de la coopérative, ni des salariés
de la coopérative,ni des personnes ayant exercé des fonctions
d'administrateurs ou directeurs de la coopérative depuis moins de deux
ans.
Conclusion Partielle
Au terme de la présentation de l'organisation et de
l'organigramme de la cophes, nous pourrons retenir que « parler
globalement d'organisations serait insuffisant si l'on ne cherchait pas
à comprendre les comportements des individus et des groupes qui en font
partie et les façonnent »22(*). Ainsi, présenter la coopérative des
planteurs d'hévéa de songon, ne saurait faire l'économie
de montrer à travers son organisation et son organigramme sans toute
fois avoir le flair sociologique de mettre en évidence les
différentes interactions entre les agents sociaux inscrits au sein de
ladite organisation ; dans leurs rôles, leurs statuts, leurs
responsabilités et dont la somme a une influence sur son fonctionnement
et sa dynamique. Ainsi, nous pouvons dire qu'une organisation se lit
au-delà de sa dimension figée, c'est-à-dire qu'il est
donné de voir immédiatement. En clair, ce sont les actions, les
relations latentes entre les membres, qu'il faille ressortir pour comprendre
les modalités de structuration et de fonctionnement et dont
dépend la dynamique.
TROISIEME PARTIE
TERRAIN ET ANALYSES
Les deux premières parties de notre analyse et
interprétation des données seront consacrées à
l'analyse des logiques relatives à l'adhésion des paysans
à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon
(cophes). En effet, ces logiques, sont en fait des matrices qui traduisent
leurs représentations du phénomène.
Car, les représentations sociales sont un domaine en
expansion dans toutes les sciences sociales et humaines (psychologie,
psychologie sociale, sociologie, linguistique, économie, sciences des
religions, qui les conceptualisent à leur manière. Dans la mesure
où les humains partagent l'existence avec leurs semblables, les
représentations sociales sont importantes et offrent des
éléments pour nommer et définir ensemble des
différents aspects de la réalité quotidienne afin de les
interpréter et de les ratifier.
Elles peuvent créer des convergences et des conflits
.C'est pourquoi, on peut les concevoir comme « une forme de
connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une
visée pratique et concourent à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social » (Jodelet,
1989 :36). Cette définition englobante montre que l'on est en
présence des phénomènes activés et agissants de la
vie sociale.
Cette perspective fait ressortir les représentations
sociales du champ coopératif comme système
d'interprétation qui régit les relations des acteurs au monde et
aux autres, oriente et justifie, organise les conduites, les motivations et les
stratégies. On peut retenir que, se représenter la
coopérative, c'est créer un acte de pensée par lequel les
acteurs sociaux se rapportent aux activités qu'ils développent.
Les représentations sociales du champ coopératif au sein d'une
société paysanne apparaissent comme une totalité
signifiante en rapport avec leur quotidien.
SECTION 1 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS
SOCIALES ASSOCIEES AU PHENOMENE COOPERATIF.
CHAPITRE I
ESPACE COOPERATIF COMME UNE CURIOSITE POUR LES
ADHERENTS
A la question de savoir s'ils ont une expérience
coopérative c'est-à-dire s'ils sont dotés d'un habitus
coopératif, les membres de la cophes ont répondu dans leur
majorité qu'ils sont à leurs premières expériences,
aussi, disent-ils voir se développer des coopératives, mais
qu'ils n'y avaient jamais adhéré. Car en réalité,
les agents sociaux que représentent les coopérateurs sont
extérieur au champ coopératif qui lui-même est un
modèle de groupement qui est conçu hors du contexte africain
(c'est-à-dire en occident) et importé de facto en Afrique en
général lors de la colonisation avec l'avènement des
sociétés dites indigènes. Même si de nos jours
c'est-à-dire avec l'indépendance, les Etats modernes africanistes
ont réorienté la formule coopérative dans une optique
dévelopementaliste. Il est clair à cet effet que les agents
sociaux (membres de la cophes) étant étrangers à ce
nouveau champ qu'est l'espace coopératif, sont des acteurs
désarmés « outillement », c'est-à-dire
qu'ils ne sont nullement dotés d'habitus coopératif. Car selon
Pierre Bourdieu, « le principe de l'action historique, celle de
l'artiste, du savant ou du gouvernement comme celle de l'ouvrier ou du petit
fonctionnaire, n'est pas un sujet qui s'affronterait à la
société comme un objet constitué dans
l'extériorité. Il ne réside pas ni dans la conscience ni
dans les choses mais dans la relation entre deux états du social,
c'est-à-dire l'histoire objectivée dans les choses, sous forme
d'institution et l'histoire incarnée dans les corps, sous forme de ce
système de disposition durable que j'appelle habitus.
L'habitus, ce sont en quelque sorte les structures sociales de
notre subjectivité, ce qui se constitue d'abord au travers de nos
premières expériences (habitus primaire), puis de notre vie
d'adulte (habitus secondaires. C'est la façon dont les structures
sociales s'impriment dans nos têtes et nos corps par
intériorisation de l'extériorité.
Elles sont à notre sens chargées
d'idéologies et de représentations qui structurent ce
comportement. Car, étant des nouveaux arrivants dans un champ auquel ils
ne sont guère habitués, un champ qu'ils découvrent, y
intègrent avec leurs façons de faire et leur habitus
hérités de leur vécu quotidien.
C'est pourquoi, les propos de M.O sont
révélateurs : « j'ai entendu parler des
coopératives, mais je n'y avais jamais adhéré ! C'est
pourquoi, cette fois-ci je suis venu voir ce qu'il y a
dedans »
Comme il est donné de constater, le besoin de
découvrir l'espace coopératif se fait avec un
arrière-plan ; celui de venir confronter ce qu'il a entendu dire
des coopératives à l'empirisme, c'est-à-dire à
l'observable, la réalité. Aussi, à travers ces propos,
l'on comprend aisément le désir pour les membres de passer en
comparaison leur vécu quotidien, au sein de l'espace villageois avec le
nouveau champ d'intégration qu'est la coopérative. Sous ce
rapport, le désir de découvrir le champ associatif
symbolisé par la coopérative se trouve être justifié
dans la mesure où en même temps que les acteurs se
présentent comme des « curieux sociaux », ils
protègent solidement le motif de leur curiosité qui n'aura une
réponse qu'avec ce que l'espace coopératif pourrait leur apporter
de nouveau.
CHAPITRE II
L'ESPACE COOPERATIF COMME LIEU DE REPONSE AU MANQUE
SOCIAL DES MEMBRES
1- Logique économique
Tout acteur social qui intègre un champ est d'abord
guidé par un souci de rationalité. Car le mobile essentiel
à toute activité humaine est l'intérêt personnel. On
voit apparaître un principe affectif voire psychologique qui
définit l'unique finalité de l'activité économique,
l'homme n'obéit qu'à la raison qui donne corps à la
rationalité.
Ce postulat renvoie à l'utilisation de la
causalité formelle de Descartes, le sujet réfléchit sur
ses choix ; ce sujet est universel, l'intérêt personnel et la
rationalité, sont des régularités permanentes en tout
temps et en tout lieu ; il est parfaitement informé, ayant
connaissance des conséquences de toutes les opportunités
d'action qui lui sont offertes (Gabriel Gbénou, 2000,72)23(*).
Rapportant ce principe à notre contexte, il est
important de mentionner que cela tend à se vérifier. Car, les
interrogeant sur les raisons de leur adhésion à la cophes, la
plupart de nos enquêtés nous ont révélé que
c'est pour bénéficier des avantages que procure l'appartenance
à un groupe social. Et à ce titre, les propos de M.R se font de
plus en plus précis : « En ce qui me concerne,
j'ai décidé d'adhérer à la cophes parce
qu'étant seul, je souffrais beaucoup pour écouler mes
productions, car cela me revenait vraiment cher. Or, lorsqu'on est en groupe,
c'est plus facile et très intéressant, car on
bénéficie de beaucoup d'avantages ».
Ces propos nous donnent de percevoir que même si les
coopérateurs sont en quelques sorte de « vrais
touristes » dans un champ qu'ils découvrent ou qu'ils comptent
découvrir véritablement, ils n'en sont pas moins dépourvus
de rationalité. Car, en réalité, le désir
d'intégrer le champ coopératif répond à une logique
utilitaire ou économique. Les acteurs intègrent ainsi la
structure coopérative, espèrent avoir trouvé une
stratégie pour souffler économiquement. Etant donc conscients du
fait que l'écoulement individualisant des productions nécessite
un coût onéreux qu'ils ne sont plus prêts à assumer
même si cela relève d'un bien individuel. Ce faisant, les membres
de la cophes construisent leur adhésion à l'entreprise par le
capital économique. Car, pensent-ils qu'en procédant ainsi, ils
pourraient supporter les dépenses du transport car se faisant
collectivement. C'est alors à cette condition qu'ils pourront maximiser
leur capital économique en minimisant le coût du transport.
Les propos de M.R bien que nous révélant la
dimension économique guidant l'adhésion des membres à
ladite coopérative, nous montrent une autre face cachée de la
réalité : La logique symbolique et idéologique.
2 - La logique symbolique et
idéologique
Adhérer à la cophes, représente beaucoup
pour les membres de l'entité coopérative. Car, en
réalité, le faisant, ils comptent ainsi trouver une
réponse satisfaisante à leur « angoisse
sociale », à leur « manque social ». Ce
qui veut dire sociologiquement que l'adhésion des membres de la cophes
à leur structure a été motivée par ces derniers
à trouver en la coopérative un cadre de liens sociaux forts. De
ce fait, la structure coopérative apparaît pour les
coopérateurs comme un tuteur auprès duquel, ils pourront se
sentir en sécurité pas de façon structurelle ou physique
ou perceptible empiriquement, mais une sécurité morale,
psychologique, idéologique et symbolique à la fois.
Cette sécurité elle-même se
caractérisant par la capacité pour la coopérative
d'apporter assistance de tous ordres à ses membres (assistance
financière, matérielle, immatérielle...)
Les expériences de M.Y viennent aussi renforcer cet
état de fait : « Lorsque tu appartiens à
un groupe, en cas de difficulté, ce groupe ne peut pas
t'abandonner ; il te vient toujours en aide. C'est la raison pour
laquelle j'ai adhéré à la cophes » Ces
propos traduisent sociologiquement le fait que les paysans adhèrent
à la coopérative plus pour lui en retirer quelque chose qu'en lui
en apporter. Ainsi, le besoin d'appartenance à un groupe, le confiage de
son sort à un groupe, le besoin d'assistance mutuelle et la quête
de la solidarité quelle qu'en soit sa forme (structurelle,
idéologique, symbolique) sont ce à quoi les coopérateurs
s'attendent en adhérant à cette entreprise.
Vu sous cet angle, il est donné de constater
aisément que c'est la recherche effrénée de paternalisme
qui les amène à la coopérative même si le facteur
utilitariste ou économique n'est pas à négliger dans ces
circonstances.
Cet état de fait place du coup les coopérateurs
sous « protectorat » de la coopérative ; ladite
coopérative qui, au demeurant devient à part entière
l'interlocutrice de ces acteurs sociaux (coopérateurs). Car, les liens
sociaux sont des formes qui tiennent l'individu à des groupes sociaux et
à la société.
Conclusion partielle
A travers cette partie de l'analyse des données du
terrain, nous avons tenté d'appréhender une vision globalisante
des représentations sociales associées par les
coopérateurs au phénomène coopératif voire de la
coopération. Ainsi, par l'entremise de ces représentations, nous
avons pu avoir une orientation de ce qui motive leur adhésion, leur
entrée dans ce champ social qu'est la coopérative (cophes).
SECTION 2 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES
ASSOCIEES AUX PRETS SOCIAUX OCTROYES PAR LA COPHES
Cette deuxième partie de l'analyse et
l'interprétation des données sera elle aussi consacrée
comme la première à l'analyse des représentations que les
acteurs sociaux, c'est-à-dire les membres de la cophes ont, ou se font
du système de prêts instauré au sein de la dite
coopérative ; Ces prêts qui dans leur forme sont la
manifestation de la solidarité structurelle. Evaluer les
représentations sociales associées aux prêts
octroyés sera d'une grande importance dans la mesure où elle nous
permettra de saisir à travers ces représentations, comment le
rapport à la coopérative est construit socialement.
CHAPITRE I
LES PRETS COMME SOURCE DE MAINTIEN DES ADHERENTS DANS
LA COOPERATIVE.
La cophes comme toute organisation soucieuse du bien-
être de ses membres, a instauré un système de prêts
sociaux aux coopérateurs en difficultés sociales
(évènements malheureux, évènements heureux ou
autres besoins...) Cet acte s'inscrit dans une sorte de politique sociale de
ladite coopérative. Quant aux coopérateurs, les premiers
bénéficiaires, le sens qu'ils donnent à cette action est
aux antipodes de la visée de la logique coopérative.
Lors de nos enquêtes, quand nous avons cherché
à savoir le sens ou la représentation que ces acteurs sociaux
donnent à l'instauration des prêts au sein de la structure
coopérative, nous leur avons posé la question de
savoir : « le fait que la cophes ait instauré un
système d'entraide à ses membres en difficultés sociales,
qu'est-ce qu'ils en pensent ? ». Nos enquêtés dans
leur majorité ont révélé que ce fait est une chose
à encourager et à pérenniser.
Cette dimension de leur avis, n'est pas alarmante et ne
suscite pas des interrogations dans la mesure où tout acteur social quel
qu'il soit, quelque soit son statut social, ses responsabilités
sociales, ne peut qu'encourager une action menée en sa faveur. C'est
donc de la façon la plus simple qu'ils ont répondu à cette
question.
Ainsi, quant à la question de savoir,
« Quelle serait leur réaction si les prêts n'avaient pas
été instaurés au sein de la
coopérative », les membres de la cophes (les personnes
interrogées bien entendu), ont marqué leur
désapprobation.
Et ils se font plus clairs à travers ces propos
« vraiment, si on faisait pas de prêts, ce serait
réellement difficile pour nous ! Car, en réalité, les
prêts sont quand même importants pour attirer et maintenir les gens
dans la coopérative ». A la lumière donc de ces
propos qui en eux-mêmes revêtent un intérêt
sociologique, la représentation ou le sens que les membres de la cophes
donnent à ces actions sociales (prêts), signifie que leur
adhésion, leur attachement à leur entreprise ne peut pas
être seulement lu sous l'angle de la fidélité aux
idéaux du champ coopératif, mais aussi et surtout sous l'angle
des individus qui structurent leur rapport à la coopérative en
référence à un besoin, une utilité, incarnée
par les prêts en cours au sein de leur structure.
Ainsi, vouloir construire leur survie dans la
coopérative en rapport à la politique sociale que leur offre la
cophes, voudrait-il dire que ces acteurs sociaux (les membres de la cophes),
venant dans la coopérative, étaient dans une logique de
recomposition du lien social, du manque social en dehors du corps social et
symbolisé par la structure familiale.
Sous ce rapport donc, la logique d'adhésion aux
coopératives est une logique intéressée où les
membres sont engagés dans une lutte symbolique qui leur fournirait
l'essentiel de ce qu'ils pourraient avoir de la structure et non dans une lutte
pour apporter quelque chose à la coopérative en tant que tel.
Au travers donc du discours de ces entités sociales,
l'on perçoit inéluctablement l'intérêt que ces
derniers accorderaient à leur structure s'il arrivait que tous ces
avantages octroyés par la coopérative à ses
adhérents venaient à s'estomper. Il est clair qu'un tel
schéma contribuerait à n'en point douter au
rétrécissement de l'effectif de la coopérative.
L'intérêt sociologique de ces discours nous
permet de lire la représentation que les coopérateurs ont du
système de prêt en vigueur dans leur structure sous un autre
angle.
C'est que, pour les membres de la cophes, octroyer les fonds
aux coopérateurs en difficultés sociales est loin d'être
une nécessité mais une obligation. Car, disent-ils plus loin,
à notre question de savoir si cela apparaît comme une obligation
pour une coopérative que d'octroyer des prêts à ses membres
ou si cela relève-t-il de la volonté du libre choix des
coopératives, la majorité de nos interlocuteurs nous ont
révélé que cela relève plutôt d'une
obligation. Et leurs propos sont révélateurs en la
matière : « c'est même un devoir pour une
coopérative que de donner des prêts à ses membres ;
parce que lorsqu'on est dans une association l'on doit prévoir les cas
de difficultés des membres ».
Le fait que les coopérateurs appréhendent les
prêts comme un devoir pour la coopérative, revient donc à
dire que ces acteurs mettent la solidarité d'ordre structurel
(symbolisé par les prêts) dans l'essence même et le
fondement d'une coopérative. Or, la pratique de la solidarité ne
se lit pas seulement que sous cet aspect ; Car, en réalité
parler de solidarité revient à l'appréhender non pas comme
quelque chose de perceptible empiriquement seulement, mais aussi et surtout
sous l'angle symbolique et idéologique bien évidemment.
CHAPITRE II
LES PRETS COMME SUBSTITUTION A LA SOLIDARITE
FAMILIALE
II-1- Comparaison des prêts octroyés au
rôle de la structure familiale.
La famille représente un microcosme social où se
réalise la socialisation des enfants, travailleurs et citoyens de demain
(Dedy Seri F. 1995 :13)24(*). C'est dire que la socialisation en tant que
processus social par lequel et grâce auquel les aînés
sociaux transmettent symboliquement et idéologiquement des valeurs, des
normes, des façons de se conduire en société dans une
visée de pérennisation de la société, dans un souci
également de reproduction sociale.
Car comme le disait Seydou Badian, « l'enfant
naît dans une famille, et c'est dans cette famille qu'il grandit, qu'il
apprend à être un être social, sociable et un être
utile à la société ». Tous ces exemples pour
montrer l'extrême importance de la socialisation dans le processus de
formation du citoyen, de l'enfant et voire de l'aîné social. Sous
ce rapport donc, l'homme malgré son statut social, ses rôles
sociaux, lorsqu'il agit ou lorsqu'il parle, prend appui ou
référence dans sa famille comme ce lien fort duquel il ne
pourrait se défaire résolument.
Ce constat, rapporté à notre contexte,
c'est-à-dire à la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon (cophes) en dit long. Car, la
représentation que les agents (c'est-à-dire les
coopérateurs) ont des prêts octroyés au sein de leur
structure coopérative est d'une clairvoyance sociologique pour ne pas
dire un intérêt sociologique. Ainsi, à la question de
savoir le sens qu'ils accordent aux prêts instaurés par la
coopérative, nos enquêtes révèlent pertinemment que
les enquêtés, c'est-à-dire les membres de la cophes parlent
de ces prêts en référence à leur structure
familiale.
Et c'est à juste titre que les propos suivants sont
révélateurs d'une réelle sémantique ;
M.B : « Les prêts qu'on donne au sein de la
cophes sont comparables à la solidarité
familiale ».Fort de ce constat, il y a lieu de dire qu'en toute
circonstance de lieux, l'africain en général et le paysan vivant
surtout en milieu rural fait forcement référence à son
cercle familial, à ce lien familial, cette solidarité familiale
qui a caractérisé le continent africain à l'époque
traditionnelle.
A l'analyse donc de ces propos, il ressort que la
réalité familiale, ses normes, ses vertus sont solidement
intériorisées par ces acteurs sociaux que constituent les
coopérateurs de la cophes puisque étant eux-mêmes les
produits de cette socialisation, les héritiers de cette socialisation
.
C'est pourquoi, chez ces agents sociaux, évoquer la
question des prêts, c'est faire directement allusion à l'enveloppe
familiale qui n'est ni plus ni moins qu'une manière de revivifier ou de
maintenir en survivance ce qui fait la particularité de l'Afrique :
la solidarité sous toutes ces formes (structurelles, idéologiques
ou symbolique).
Car, en société coutumière, la vie en
communauté équivaut à un constant « rendez-vous
du donner et du recevoir », plus puissante que toute loi
écrite, la solidarité enveloppe d'emblée chaque vie
personnelle, donnant à celle-ci un lien où elle s'élabore
et se saisit comme immédiate coexistence avec autrui dans une même
communauté .Une telle solidarité demeure le bien le plus
précieux tant que la dépendance mutuelle des personnes ne se
résout pas en contraintes plus ou moins ressenties
(Pairault ;1973 :152)25(*).
1- Vers la mise à « nue »
de l'effritement du lien familial
La solidarité traditionnelle se présentait comme
une discipline en dehors de laquelle la vie n'a plus de sens (n'ayant plus de
corps).Si d'aventure, un contingent d'individus est amené à
connaître d'autres disciplines, à pressentir que celles-ci mettent
en cause un mode de vie établi, à compter plus ou moins
magiquement sur elles pour d'heureuses métamorphoses, l'équilibre
jusque-là maintenu risque de se révéler fragile. Fort en
climat d'autosubsistance (au sens le plus général du terme),
l'esprit communautaire d'autrefois enveloppait efficacement l'autonomie
individuelle ; là où cette autonomie, devenant critique,
tend à rompre l'enveloppe, l'autorité du vieux système
social commence à être compromise. (Pairault, 1973 :153).
Cet état des lieux relaté de façon
sommaire, achève de nous convaincre de la solidarité que
constitue le lien de solidarité familiale en milieu traditionnel
africain.
Contrairement à cette vision de la solidarité
optimiste, sécurisant l'individu ou le collectif social, s'oppose un
nouvel ordre social qui est aux antipodes de la première
catégorie. Car, en réalité, la solidarité sociale
ou familiale dont étaient dotées les sociétés
traditionnelles, s'est au fil des années estompée voire sur la
voie de l'effritement. Et, c'est même ce que traduisent ici les propos
des membres de la cophes : « les prêts que la
coopérative nous donne, c'est une très bonne chose. Tu sais, de
nos jours, qui est prêt à aider ? Même la famille
n'aide plus comme avant »A la lecture de ces assertions
véhiculées par les coopérateurs de la cophes, l'on peut
retenir en substance et sociologiquement que ces acteurs sociaux, ayant
conscience de la faiblesse du lien social dans nos sociétés
modernes, et de nos sociétés rurales non urbanisées, sont
en fait en quête des espaces qui tendraient à reproduire cet
habitus qu'ils ont maintenant intériorisé au cours de leur
socialisation. En clair, les membres de la cophes, en trouvant un
intérêt grandissant aux prêts octroyés par la
coopérative, perçoivent celle-ci comme étant le cadre par
excellence de recomposition de ces liens ; c'est donc leur volonté
de reconstruire cette réalité dans ce champ coopératif.
Ainsi, à travers les prêts en cours au sein de l'entreprise, ces
acteurs sociaux sont en quelque sorte dans une logique de reconstruction de ce
passé qui caractérisait les sociétés
traditionnelles (la solidarité, l'efficacité symbolique,
idéologique et structurelle du lien social). A ce titre, ce n'est donc
pas de façon péremptoire ou innocente qu'ils ne voient plus en la
structure familiale, le cadre, l'espace indiqué pour maintenir en
survivance ces actes de sociabilité. Cela traduit le fait que les
membres de la cophes en tant qu'acteurs sociaux sont inscrits dans une logique
de dépossession au système familial de cette fonction qu'il
remplissait autrefois, pour l'attribuer à l'espace coopératif. En
effet, le dépérissement des liens de sociabilité familiale
peut s'expliquer aussi par la nucléarisation de cette entité
sociale. S'imposant comme « la mère de la
société » ; puisque la société en
est sa fille. Aussi, en se fondant sur des études désormais
classiques en anthropologie politique, économique et sociale
(Bouthillier, M. Augé, C. Meillassoux, H. Mémel FÖTË)
et en tenant compte des conclusions d'autres recherches plus récentes
portant sur les dynamiques familiales en Côte d'Ivoire, on peut affirmer
que l'économie de marché est l'une des principales causes de
perturbation familiale. Il faut rappeler ici, qu'autrefois, le lignage,
unité de production, était en même temps une entité
de consommation, cette caractéristique en grandissait la cohésion
et la solidarité ; or l'économie de marché a
introduit une nouvelle conception de la propriété ;
autrefois, bien collectif et inaliénable parce que sacré, la
terre se transforme aujourd'hui en un bien individuel et acquiert un statut de
marchandise ; ce faisant, elle devient une pomme de discorde tant entre
les membres d'un lignage qu'entre des communautés villageoises toutes
entières. (Dedy, Seri, Tapé Goze, 1995 :62).
CHAPITRE III
LECTURE DE LA SEMANTIQUE DES PRETS SOCIAUX DANS
L'IMAGINAIRE COLLECTIF DESCOOPERATEURS
1- Des comportements aux effets de
déconstruction de la sémantique des prêts sociaux
octroyés par la cophes
Rappelons brièvement que qu'il est revenu de
récurrente des propos des enquêtes, c'est-à-dire des
membres de la coopérative des planteurs de songon (cophes) que lorsqu'un
membre leur structure sait qu'il doit de l'argent à la
coopérative et qu'il est encaissé de façon quotidienne,
alors il s'en suit le comportement suivant : soit il rembourse et le plus
souvent, il reconstruit autrement son rapport à sa structure. En clair,
lorsque l'un des membres de la cophes se trouve dans une posture de
débiteur et que cet acteur social est interpellé
régulièrement afin de se mettre à jour vis-à-vis de
son engagement, alors soit il rembourse sa dette et il démissionne
après ;ou il ne rembourse pas, et il démissionne par la
suite de la coopérative.
En clair, la démission dont nous parlons n'est pas une
démission contractée ouvertement avec l'accord des autres membres
de la coopérative, mais c'est en fait une démission qui est
perceptible sous l'angle structurel ; c'est-à-dire que le
débiteur chronique, rompt ses rapports aux autres membres,ses rapports
à la coopérative. Or, un individu qui déconstruit ses
rapports à un champ social par la rupture des liens qu'il entretenait
jusque-là avec celui là, illustre symboliquement d'une sorte de
démission.
L'analyse sociologique que nous faisons de cet état de
fait,est que les comportements qui sont développés par ces
acteurs sociaux quand ils doivent à leur coopérative, trouve son
explication dans la conception ou la perception qu'ils ont de l'idée des
prêts sociaux.
Car, pour ces derniers, les encaisser quotidiennement renvoie
dans leur imaginaire collectif comme des acteurs sociaux extérieurs
à un champ. Ainsi,les rappeler à l'ordre,renvoierai à une
sorte de « négation »de leur appartenance au groupe
social qu'est la coopérative ;c'est en quelque sorte
« dissiper »la confiance qui les lie à la
coopérative,qui, du coup est devenue leur
« tutrice » en quelque sorte. Tous ces comportements et
toutes ces stratégies mobilisées par ces acteurs sociaux peut
trouver aussi une autre explication sociologique encore plus
pertinente ;et cela est certainement perceptible dans la
représentation que ces acteurs sociaux se font de ces prêts.
Car, «les institutions,les actes ou les croyances collectives ne sont
intelligibles et explicables que pour autant que l'on montre comment elles
découlent de décisions,ou de l'entrecroisement de
décisions prises par les individus ;et pour autant que ces
décisions procèdent des calculs rationnels de ces
individus ; ces sujets sociaux sont d'abord des sujets
économiques... » (Caillé, 1995 :52-53)26(*).
2- Des prêts sociaux à valeur de
« don » pour les coopérateurs.
Le point de mire reste les sociabilités paysannes qui,
concernent les formes d'organisations, les associations de secours et de
solidarité, qui construisent des réseaux et arrangements sociaux.
En présence donc de ces initiatives de soutien et de secours mutuels
dans presque toutes les aires culturelles africaines, « le
phénomène communautaire et mutualiste fait partie des modes de
vie africain et de la tradition africaine (...). L'Afrique conserve une
mentalité collective et le culte de la solidarité »
(Marsan,1964 :4)27(*). C'est dans cette idéologie d'une Afrique
solidaire que nous inscrivons notre regard sociologique sur la
solidarité qui découle des systèmes de prêts sociaux
octroyé par la cophes à ses membres et les représentations
que ces coopérateurs associent aux prêts sociaux. Car, si nous
analysons les comportements des acteurs sociaux,c'est-à-dire les membres
débiteurs, cela revient à s'interroger sur la façon dont
ces argents sociaux construisent un sens à ces prêts sociaux. A la
lumière de ce qui a été dit plus haut,nous pouvons
ressortir comme dimension sociologique du comportement de ces acteurs, le fait
que dans leur imaginaire, les prêts sociaux octroyés renvoient
à autre chose que ce à quoi renvoie l'esprit de ces prêts.
En clair, l'idéologie qui sous-tend des prêts postule
l'idée explicite et implicite selon laquelle,le demandeur de prêts
est défini comme un acteur social en quête d'assistance,
d'aide ;ceci étant, appartenant à un groupe social
inscrivant son action et dont la morphologie et les caractéristiques
laissent transparaître le caractère sociable mais aussi social,il
est clair que la coopérative dans cette posture, ne peut que
répondre aux besoins sociaux de ses membres. En retour donc, le
demandeur de prêt devra être en mesure de rembourser au
prêteur (la coopérative) afin que ces fonds servent à jouer
pleinement ses fonctions quand il s'agira des autres membres de la
coopérative en difficultés sociales. Sous ce rapport, il est donc
clair que l'octroi de ces prêts obéit à une logique de
« retour » ; c'est-à-dire que le demandeur ne
peut que rembourser les fonds par l'entremise de la même nature (ce qui
veut dire qu'un prêt économique est égal à un
remboursement économique et non autre chose) . Du coup, les prêts
mettent le demandeur dans une situation d' « endetté
social ».
Or, à la lecture des comportements des membres de la
cophes, il est clair que leur tendance à reconstruire autrement leur
rapport à leur coopérative quand ils lui doivent de l'argent,
ressort l'idée implicite selon laquelle, dans leur imaginaire,
l'idée de prêts renvoie au « don » ; car
en réalité, en science sociales en général et en
Anthropologie en particulier, « depuis le texte fondateur de
Mauss intitulé Essai sur le don, paru en 1925, le
« don » apparaît comme un échange, et plus
spécifiquement comme un échange différé de biens
mais aussi d'autres choses :politesse, festins, rites,
femmes,etc. ;entre des groupes qui s' « obligent entre
eux » ; tout se passe comme s'il y avait un
« contrat » qui lie le groupe qui donne et celui qui
reçoit. Il y a donc obligation de donner, de recevoir et enfin de
rendre. Entre les deux groupes, s'instaure un double rapport : un rapport
de solidarité-l'un partage-et un rapport de supériorité-
l'autre se met en dette. Celui qui reçoit doit donc rendre ;
c'est-à-dire, faire un contre don ; et cette dernière
obligation tient, selon Mauss, à « l'esprit de la
chose »28(*).
Ramenant ce constat général à notre
contexte, cela revient à positionner les demandeurs de prêts ou
débiteurs de la cophes et la coopérative dans un
échange ; et dans cet échange,le groupe qui donne, c'est la
coopérative (la direction), et le groupe qui reçoit,est
symbolisé par les coopérateurs. Dans le contexte de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon, il
« se construit la théorie générale de
l'échange prenant sa source à la « théorie
générale de l'obligation » qui comprend : donner,
rendre, recevoir (Mauss,1968 :160)29(*).Car, l'interdépendance des acteurs fait de
l'échange, une pratique centrale dans tout système social. Cette
perspective « d'interdépendance collective »
(Padioleau, 1986 :11) fait des individus dans leurs rapports multiples non
pas des individus mais des « collectivités qui obligent
mutuellement, échangent et contractent, les personnes présentes
au contrat sont des personnes morales : clans, tribus, qui s'affrontent et
s'opposent » (Mauss, 1968 :150-151).Sous ce rapport,
l'échange met en relations des acteurs sociaux qui s'ajustent
mutuellement.
Fort de ce constat anthropologique, nous disons que cela peut
être la même façon de construire leur rapport à la
coopérative tout en convoquant leur passé ; passé qui
est chargé d'idéologies, de façon de penser, de faire,
d'agir ; c'est donc en réactivant donc leur passé, en
l'actualisant que ces membres de la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon (cophes) se comportent ainsi quant au
remboursement des prêts sociaux .Et aussi, cela trouve son sens dans la
mesure où nous sommes dans ce cas d'espèce en présence
d'une paysannerie, milieu social où la plupart du temps,il y a des
foyers de résistance au changement social, et où le culte de la
tradition africaine est encore en survivance. Ainsi, les membres de la
coopérative, en démissionnant et déliant leur rapport
à leur organisation quand il s'agit de rembourser les prêts,
résulte du fait que ces acteurs tendent à rompre d'avec
« l'esprit de retour » qui caractérise les
prêts sociaux. Car, pour eux, le délai de remboursement de ces
prêts sociaux ne saurait exister en tant que tel.
Car, étant engagés dans un système
d'échanges, ces acteurs sociaux ne perçoivent pas
réellement le remboursement des prêts comme une contrainte, mais
dans leur imaginaire, c'est que ces prêts économiques peuvent
être remboursés autrement ; c'est-à-dire dans des
réseaux de relations, dans les rapports sociaux quotidiens qu'ils
entretiennent avec la coopérative et autres membres. Alors il
« s'établit une situation que Jacques Godbout qualifie
d'endettement mutuel positif ; non pas la réciprocité simple
du donnant-donnant, mais cet état dans lequel chacun a le sentiment de
recevoir plus qu'il ne donne et où c'est d'ailleurs effectivement le cas
puis qu'en état de confiance mutuelle »30(*)
Conclusion Partielle
Nous pouvons retenir au terme de cette partie qu'a travers le
système de prêt en vigueur au sein de leur structure, les membres
de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon
(cophes), reconstruisent et revivifient leur rapport à leurs familles
qui dans les sociétés traditionnelles étaient enclin
à une solidarité légendaire. Sous ce rapport, leur
rapport à la cophes est un rapport reconstruit et en
référence à un enjeu : la quête d'un
paternalisme.
SECTION 3 : LES MECANISMES SOCIAUX LIES A
L'OCTROI DE PRETS A LA COPHES
Etudier les mécanismes sociaux liés à
l'octroi de prêts ne saurait se passer de faire la lumière sur
l'origine où la nature de ces fonds sociaux.
En effet, les fonds soumis aux prêts des membres de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) sont
en réalité le fruit de la collaboration, de la coopération
et de la coordination des efforts de tous les membres de ladite
coopérative. Ces fonds sont nés des prélèvements
faits par la coopérative sur la production de ses membres ;
prélèvement fait au kilogramme.Sous ce rapport, il est à
mentionner que c'est avec l'accord de toutes les composantes de la
coopérative que ce prélèvement se fait. A la
lumière donc de ce constat, nous pouvons affirmer que c'est dans un
souci de renforcer l'esprit de solidarité, de renforcer ce lien social
fort entre les membres de la cophes que ce fonds a été
pensé et entretenu.
CHAPITRE I
L'OCTROI DE PRETS : UN EXERCICE
REGLEMENTE
1- Les conditionnalités d'octroi de prêts
à la cophes
A la cophes, se présenter, comme candidat à la
demande de prêts relève dores et déjà du fait que
les membres en instance de demande de ces prêts ont rempli deux
conditions minimales. Ce sont :
1. Demander des prêts voudrait dire qu'on est membre de
la cophes
2. Demander des prêts voudrait également dire
qu'on est membre actif de la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon (cophes) ; c'est- à dire qu'il
faille être reconnu comme un membre qui livre régulièrement
ses productions à la coopérative. Ces deux dimensions des
conditionnalités de l'octroi de prêts est un fait qui s'est
traduit de façon régulière dans les discours de nos
enquêtés.
A la lumière de cette réalité, deux
constats polarisent notre attention. C'est que la coopérative des
planteurs d'hévéa de songon en créant ces fonds d'aide aux
membres en difficultés sociales, a donc eu le souci de répondre
aux besoins sociaux de ses membres. En clair, cette solidarité que
constitue l'inclination à offrir des prêts à ses membres
est une solidarité « exclusionniste » dans la mesure
où les règles du jeu des prêts le définit ainsi. Ce
qui voudrait dire clairement que la cophes est portée vers une
solidarité « choisie » ou orientée. Ainsi, le
faisant, la cophes croit-elle pouvoir mobiliser de cette façon des
potentiels candidats à l'adhésion à leur
coopérative qui ferait d'eux des ayants droits aux prêts. Les
prêts ici à la cophes constituent en quelque sorte un capital que
les membres de la coopérative mobilisent ou brandissent pour attirer les
nouveaux candidats à l'adhésion.
A cet effet, les propos de M.M et de M.A sont
révélateurs : « Si tu veux
bénéficier des prêts, tu n'as qu'à adhérer
à la cophes » ; et M.A : « Les
prêts ne sont octroyés et acceptés qu'aux membres de notre
coopérative »
Sous ce rapport, il est clair que les acteurs sociaux
c'est-à-dire les membres de la cophes en bénéficiant des
prêts octroyés par leur coopérative affirment et
brandissent leur identité de membre de la cophes ; cela crée
en réalité un sentiment d'appartenance au groupe, la conscience
d'appartenir au groupe et l'esprit de solidarité' entre les membres.
En ce qui concerne la deuxième conditionnalité
d'octroi de prêts, c'est-à-dire la livraison
régulière de ses productions à la
coopérative ; à ce niveau des conditionnalités, l'on
peut retenir que pour bénéficier des prêts octroyés
par ladite coopérative, les membres devront manifester leur
solidarité eux-aussi à leur structure, solidarité qui elle
se traduit par la fidélité à son entreprise. Car, livrer
régulièrement ses productions à la coopérative
relève pour les coopérateurs d'un sacrifice pour montrer sa
fidélité, son attachement à leur structure, en lui offrant
donc ce qui est nécessaire à sa survie afin de
bénéficier continuellement de sa solidarité : lui
assurer inéluctablement les ressources nécessaires à sa
pérennisation, à sa viabilité.
Cet exercice qui consiste pour les coopérateurs de
marquer leur adhésion à la cophes par la fidélité
qu'ils doivent à leur structure en lui donnant tout ce dont elle a
besoin et la récompense que la coopérative leur réserve,
positionne la relation
« coopérative-adhérents » dans un champ du
« donner et du recevoir ».
C'est donc ce rapport d'interdépendance entre la
coopérative et ses membres qui caractérise l'esprit de
solidarité voire les pratiques de solidarité en cours dans ce
champ que constitue l'espace coopératif même si la
coopérative n'est qu'un champ fictif ou réel de liens sociaux.
2- L'Itinéraire social des
coopérateurs pour l'accès aux prêts
Comme toute organisation, la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon (cophes), dans le souci de réguler
l'octroi des prêts à ses membres, a défini un
« parcours social » auquel chaque membre demandeur de
prêts devra résolument passer ou se soumettre pour le bon
fonctionnement de cette solidarité.
Ainsi, à la question de savoir, quelles sont les
démarches à mener pour bénéficier des prêts,
la plupart de nos enquêtés nous ont révélé
cet aspect des choses : « Pour bénéficier des
prêts, on s'adresse d'abord au président de la coopérative,
puis lui, il contacte le comité de prêts dont le trésorier,
après quoi les prêts octroyés ou pas ».
Comme nous le constatons, l'octroi de prêts à la
cophes est un exercice assez régulé. A travers « le
parcours social » des coopérateurs pour l'acquisition
des prêts, nous pouvons retenir une chose : c'est qu'en
procédant ainsi, la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon entend procéder à un
contrôle du comportement de ses sociétaires. Le faisant, la cophes
entend socialiser ses membres aux exigences des biens communautaires ou
collectifs. Par ce processus donc de régulation des demandes de
prêts, aucun membre déjà débiteur ne peut passer
outre la vigilance des membres du comité de prêts pour en faire
une autre demande ; à moins que ce dernier ce soit acquitté
de ses dettes antérieures.
3 - Les conditionnalités de remboursement
des fonds : un jeu dit
« démocratique »
Une fois les fonds accordés aux demandeurs, il est
ainsi défini un délai de remboursement. Ainsi, en ce qui concerne
le remboursement des fonds ou de la somme prêtée, il est à
mentionner que dès l'instant où le demandeur c'est -à-dire
le coopérateur sollicitant de l'aide, entre en possession de ce
dû, il est engagé du coup un échange entre le
comité de prêts et lui (le prêteur) afin de
déterminer la date de remboursement. C'est en cela que les membres de la
cophes qualifient le mécanisme de remboursement de ces fonds de
« démocratique », comme pour reprendre leurs propres
propos. A ce effet, les assertions de M.L et de M.G sont
révélatrices de cet état de fait : selon M.L :
« Ici à la cophes, la façon dont on donne les
prêts et aussi les conditions pour les rembourser sont vraiment
acceptables ».pour M.G « Ce qui est bien dans notre
coopérative au niveau du remboursement des prêts c'est qu'on ne
t'impose pas la date ; mais au contraire, celui qui demande des
prêts discute avec le comité de crédit pour fixer ensemble
un délai précis et raisonnable que les deux parties
acceptent »
Au regard de ces propos, il y a lieu d'affirmer que les
membres de la cophes pour leur part traduisent par ces propos leurs
satisfactions quant à la façon dont les prêts leur sont
octroyés. La satisfaction des coopérateurs quant aux
modalités de remboursement des fonds que leur structure leur prête
cache en réalité le sens que les dirigeants ou la direction de la
coopérative donnent à ces conditionnalités.
En clair, en soumettant le remboursement des fonds
prêtés à un membre ou à un sociétaire en
difficultés sociales à une séance de discussion et
d'acceptabilité d'un délai raisonnable pour le remboursement,
n'est ni plus ni moins qu'une « fausse
démocratie » en réalité ; car le
faisant, la représentation qui sous-tend l'action de la direction est
plutôt une stratégie pour emmener les demandeurs de prêts
à ne pas vivre les conditions de remboursement de ces prêts et par
ricochet, le délai de remboursement comme imposture, car
l'idéologie de la coopérative étant la promotion de la
solidarité (idéologie, structurelle, symbolique) mais
l'arrière-plan de la direction ou l'enjeu de cet exercice est d'amener
le débiteur à respecter son engagement de rembourser la somme qui
lui a été prêtée.
Aussi, lorsqu' un sociétaire, c'est-à-dire un
coopérateur se pose comme demandeur de prêt à sa structure,
la somme qu'il demande ne devra donc pas être disproportionnelle à
ce qu'il est censé avoir mensuellement c'est-à-dire selon sa
livraison mensuelle. Ce qui voudrait dire que le coopérateur ne peut
demander plus que ce qu'il est censé avoir ou produire. Toutes ces
stratégies régulatrices de ces prêts obéissent
à une logique d'amener les solliciteurs des prêts à
s'accorder à rembourser résolument leurs créances sans
contrainte physique, mais symbolique et idéologique. Et selon les
membres de la coopérative, les délais de remboursement dans leur
variation ne devraient pas excéder neuf mois (09) pour les sommes d'un
intérêt appréciable, c'est-à-dire les sommes d'une
certaine ampleur ; mais en ce qui concerne les petites sommes, leur
remboursement s'étend à trois mois au plus.
4 - Les sanctions liées au
non-remboursement des prêts
La fonction institutionnelle de la coopérative ne se
résume pas qu'à sa fonction idéologique et de
socialisation, mais aussi et surtout à sa capacité à
définir clairement des sanctions, car en réalité, quand
nous parlons de sanctions en sociologie, ce n'est pas sa dimension physique ou
sociale à laquelle nous faisons référence mais aussi et
surtout ses dimensions idéologiques,symboliques... C'est donc cette
capacité pour toute institution à définir des sanctions,
qui est source de socialisation des acteurs aux normes institutionnelles.
Ainsi, à la cophes, en ce qui concerne les sanctions
régissant l'octroi des prêts, il faut souligner que ces
mécanismes sanctionnels se résument à deux
réalités que tous les membres de la cophes s'accordent à
reconnaître et à relater. Premièrement, des
résultats de notre enquêtes, il ressort aisément qu'il est
admis que le débiteur « chronique »,
c'est-à-dire le coopérateur ayant demandé des prêts
et qui ne les rembourse pas, s'expose à des sanctions comme sa
traduction devant le chef du village, ensuite, son expulsion de la
coopérative si celui-ci s'entête à ne pas rembourser
à la coopérative et enfin, la saisie immédiate de ses
produits et de retirer la part de la coopérative. Le cas extrême
de ces sanctions étant l'expulsion ou l'exclusion du débiteur
« chronique » de champ coopératif.
SECTION 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE DES
NORMES
INSTITUTIONNELLES A LA COPHES
L'analyse sociologique que nous comptons donner à cette
partie de notre analyse et interprétation des données, consiste
à mettre en évidence la façon dont les membres de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon
dénommée « cophes » récupèrent
ou s'approprient la perméabilité des normes
développée par la direction pour à leur tour le traduire
dans ce qu'on appelle le non-remboursement des prêts. C'est donc un
tableau qui renvoie à l'image de l'acteur et le système.
C'est-à-dire montrer comment ou la stratégie que les membres de
la cophes mobilisent pour passer outre les normes institutionnelles de leur
structure commune qu'est l'entité coopérative.
CHAPITRE I
UNE ORGANISATION FAIBLEMENT LEGITIMEE
· La cophes : Un champ social
informel
Si la coopérative des planteurs d'hévéa
de Songon représente presque tout, c'est-à-dire une famille, un
soutien et un tuteur auquel les coopérateurs se reconnaissent et
s'identifient, au plan institutionnel, c'est-à-dire au niveau Etatique,
cette coopérative n'a pas de légitimité. En clair, la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) n'est
pas jusqu'à présent reconnu par le ministère de
l'intérieur en tant que coopérative car n'étant pas encore
entrée en possession de son agrément.
Sous ce rapport donc, la cophes est une coopérative
connue dans l'aire géographique de songon et au sein de l'espace
villageois de Songon-M'Brathé. Au-delà de cette sphère
sociale, cette coopérative n'a pas de légitimité
institutionnelle. Et cette réalité est formellement traduite de
façon récurrente dans les discours des acteurs sociaux, c'est
-à-dire les membres de la coopérative.
Par exemple, M.A et M.N traduisent clairement cet état
de fait. Ainsi, M.A s'est exprimé en ces
termes : « nous sommes bien à la cophes, mais
ce que nous déplorons c'est qu'on n'a pas encore eu
d'agrément »quant à M.N, il attribue certaines
difficultés de la coopérative au manque
d'agrément : « le manque d'agrément de
la cophes, nous empêche de demander de l'aide à l'Etat. Mais nous
sommes sur la bonne voie pour avoir notre agrément » A
l'analyse ces propos, l'on se rend compte réellement de cette situation
de non légitimité institutionnelle de la cophes et cela est
vécu par les coopérateurs comme un obstacle à leur
promotion sociale.
Les sociétaires de la cophes ayant conscience du fait
que leur structure n'a de légitimité que dans la région et
qu'au-delà, n'a aucune reconnaissance institutionnelle, et c'est ce qui
légitime le fait que les membres de la cophes appréhendent leur
structure comme une association villageoise. Il est certes vrai que la
coopérative réunissant en son sein des membres d'un même
champ villageois, mais au-delà, les coopératives transcendent
cette seule délimitation spatiale. C'est ce qui se vérifie
à travers le discours de M.B : « I ci, nous
sommes en famille ; la coopérative est notre seconde
famille ».Or, percevoir la coopérative comme une
entreprise familiale, c'est implicitement, dépouiller cette structure de
ses normes, de ses contraintes ou de son pouvoir ou sa fonction
« sanctionnelle ». C'est donc cette réalité
que les acteurs sociaux que constituent les membres de la cophes, mobilisent et
reconstruisent, et réinvestissent dans le champ coopératif et qui
se traduit par le non-remboursement des prêts.
Sous cet angle, il est clair que les membres de la cophes vont
jouer sur le jeu familial qui lui, est caractérisé ordinairement
par des relations de courtoisie, des liens de fraternité ; cet
état de fait s'apparente à une déconstruction des autres
propriétés de la structure coopérative pour le
reconstruire en lui donnant une éthique familiale.
Conclusion partielle
Sous le couvert des mécanismes sociaux d'octroi de
prêts à la coopérative des planteurs d'hévéa
de songon ( cophes), chapitre qui a englobé "les conditionnalités
d'octroi de prêts sociaux, l'itinéraire social des
coopérateurs pour l'accès aux prêts sociaux, les
conditionnalités de remboursement des fonds prêtés
jusqu'aux sanctions liés aux non-remboursement de ces prêts", nous
pouvons retenir que l'accès aux prêts sociaux à la cophes
est un exercice réellement régulé. Ce chapitre nous a
permis de voir ce qui implique la demande des prêts sociaux par un
coopérateur (c'est-à-dire ce que cet exercice implique en terme
de démarches à effectuer et aussi ce à quoi il devra
s'entendre ;c'est-à-dire le délai de remboursement
CHAPITRE II
DES COOPERATEURS AUX COMPORTEMEMENTS DE DEFIANCE DES
NORMES INSTITUTIONNELLES
1- Le non- remboursement des prêts à la
cophes
L'objectif avoué et implicite de la cophes en
instaurant les prêts au sein de leur structure était de
répondre aux besoin sociaux de ses adhérents tout en cultivant un
esprit d'assistance mutuelle, de coopération et de dépendance
mutuelle afin d'assurer la pérennité de ladite
coopérative.
Au regard donc des faits significatifs, c'est-à-dire le
non-remboursement de ces prêts, il est donné de mentionner que cet
état de fait apparaît comme une antinomie aux objectifs de
départ de cette structure en octroyant ces prêts à ses
membres ; cela laisse à lire cette situation comme l'existence de
deux logiques différentes : c'est-à-dire la logique des
promoteurs (dirigeants de la coopérative) et les membres ou
bénéficiaires. Car, le phénomène de
non-remboursement des prêts est une réalité partagée
par un certain nombre de personnes à la cophes.
Il n'y qu'a interroger M.D et M .K pour légitimer
l'ampleur de cet état de fait .Ainsi, leurs propos viennent comme des
illustrations de cette réalité en cours au sein de la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon. Selon
M.D : « Au sein de notre coopérative, il y a
sincèrement des cas de no- remboursement des prêts ; cela est
déplorable » et M.K de dire « des personnes
mal intentionnées s'adonnent à coeur joie à la pratique du
non-remboursement des prêts, ils ne sont pas du tout gentils, même
à l'église ils ne payent pas souvent leur
dette ».
A la lecture donc de ces propos, l'on mesure aisément
que le non-remboursement des prêts est un phénomène su de
tous les acteurs ou les agents sociaux, c'est-à-dire les membres de la
cophes. Et cela paraît comme un fait communément
dénoncé.
2 - Non-remboursement de prêts et
production d'un autre type de pratique par les membres.
A la cophes, le non-remboursement des prêts est
perçu comme une pratique antinomique au fonctionnement de la
solidarité, ne s'exprime pas seule, car, en réalité elle
engendrera un autre type de comportement chez les membres débiteurs.
De nos enquêtés, nous retenons que lorsque les
membres doivent de l'argent à leur coopérative, ils
déconstruisent autrement leur rapport à leur structure ;
tout en le reconstruisant autrement. En effet, il est apparu de façon
récurrente dans les discours des acteurs sociaux (les membres) que
lorsque les débiteurs s'obstinent à ne pas rembourser les
prêts, ils sont enclins à développer une autre pratique. Et
cette pratique consiste pour les membres débiteurs à livrer
désormais leurs productions de façon clandestine à une
coopérative autre que la cophes, leur coopérative initiale. Et,
ces coopératives auxquelles ces acteurs vendent leurs productions, sont
en général des coopératives éloignées de la
zone de couverture de la coopérative des planteurs de songon. Ainsi, ces
débiteurs redéfinissent leur nouvel itinéraire commercial.
Le faisant, ils sont dans une logique de déconstruction de leur
appartenance ou de leur rapport à la cophes. A la lumière de ce
fait, nous notons comment des acteurs sociaux sont enclin à se
délier de leur groupe d'appartenance pour reconstruire d'autres rapports
fictifs en dehors de leur sphère sociale d'origine.
A la question de savoir pourquoi ces
« débiteurs sociaux » s'adonnent-ils à une
telle pratique alors que la structure à laquelle ils appartiennent n'a
pas encore prononcé la rupture ; nos enquêtés nous ont
révélé dans leur majorité que c'est sans doute pour
échapper au contrôle de la coopérative. Et à cet
effet, les termes suivants paraissent de plus en plus édifiants
sociologiquement. : « Lorsqu'ils savent qu'ils doivent
de l'argent à la coopérative, vous ne les voyez plus livrer
à la coopérative leurs productions ; ils les livrent
clandestinement ailleurs pour ne pas que la coopérative retire r son
dû » Ce comportement élaboré, construit et
alimenté par les coopérateurs de la cophes se lit comme une
stratégie qu'ils ont élaborée de toutes pièces pour
enfreindre aux normes institutionnelles. Car, pour des acteurs sociaux (les
coopérateurs) ayant contracté une dette et qui développent
ainsi des stratégies pour déconstruire les normes de leur champ
social d'appartenance, relève simplement du schéma de l'acteur et
le système. Ici, l'acteur étant les membres débiteurs, les
systèmes étant les normes qui structurent le
fonctionnement ; et le protecteur de ce système est la
coopérative avec à sa hiérarchie les dirigeants. Ainsi,
les membres de la coopérative engagés dans le non-remboursement
des prêts déconstruisent leur rapport à la
coopérative en livrant clandestinement c'est-à-dire à
l'insu de l'ensemble de la coopérative, répond
inéluctablement d'une stratégie développée par ces
agents sociaux pour contourner le système dressé par leur
structure. Cette situation positionne donc les deux entités sociales que
sont la coopérative et les membres débiteurs dans un combat
«idéologique » et « symbolique »
à la fois.
3- De la livraison clandestine des productions
à la démission volontaire des membres
débiteurs
Il est revenu de façon récurrente de notre
enquête du discours des membres de la coopérative ainsi que du
Président de la coopérative que lorsque les membres doivent de
l'argent à la cophes, et que les encaissements sont faits, alors, il est
donné de constater souvent la démission du membre débiteur
de l'entreprise coopérative. En clair, il serait intéressant de
mentionner que la démission des membres débiteurs est leur
dernier recours après la livraison de leurs productions ailleurs. A cet
effet, la plus part des personnes interrogées nous ont ressorti ces
propos : « souvent lorsque quelqu'un doit de l'argent
à la coopérative, et que la cophes l'encaisse
régulièrement, alors soit il paye, après, soit il ne paye
pas et il disparaît de la coopérative »
Sous ce rapport, il y a lieu de remarquer que l'ultime
alternative que mobilisent les débiteurs de la cophes est la
déstructuration de leur rapport à leur structure par son abandon.
Il serait aussi loisible de mentionner que la rupture des coopérateurs
d'avec leur structure n'est pas ouvertement prononcée par le
débiteur, mais cela transparaît tout au moins par son absence
prolongée et sa vie éloignée de l'activité
coopérative.
CHAPITRE III
A PROPOS DE L'USAGE DES NORMES INSTITUTIONNELLES A LA
COPHES
A travers ce sous-titre, nous comptons mettre en
évidence le rapport que la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon entretient parallèlement avec les normes
qu'elle s'est elle-même prescrites et leur applicabilité. Sous, ce
rapport, nous percevons comment l'applicabilité des normes
institutionnelles ou leur non applicabilité pourrait être
récupérée par les membres de la coopérative
à l'effet de développer d'autres pratiques antinomiques au
fonctionnement de la solidarité au sein de leur entreprise. Nous
mentionnons que lorsque nous parlons de « normes
institutionnelles » nous faisons référence du coup aux
« préceptes » établis par la
coopérative elle-même et qui est censé structurer son
fonctionnement. En clair, à travers le concept de « normes
institutionnelles » nous entendons parler des règles
établies par ladite structure, qui légitiment cette institution
et qui apparaît comme un instrument de resocialisation des membres ;
cela peut être les sanctions positives comme négatives,
l'application des normes assurant la pérennité d'une institution.
1- La cophes, les normes et leur
applicabilité
A la question de savoir quelles sanctions la
coopérative applique-t-elle aux « débiteurs
chroniques », c'est-à-dire aux membres débiteurs
refusant de rembourser les prêts, nos enquêtés nous ont
révélé que les moyens dont leur structure s'est
dotée sont l'encaissement régulier du débiteur, la saisie
de sa production ou sa traduction devant le chef du village ; et que c'est
assez souvent que la coopérative n'arrive pas à cette fin.
Et cette pensée collective transparaît clairement
dans les discours suivants, pour M.H : « Lorsque les gens
doivent à la coopérative, elle les encaisse ; cela fait que
souvent, ils remboursent, souvent aussi ils ne remboursent
pas »en ce qui concerne M.S : « Mon cher, je
ne sais pas comment quelqu'un peut ne pas rembourser de l'argent qu'il doit et
qu'on ne puisse pas sanctionner comme il faut »
Ces propos sont d'une importance sociologique dans la mesure
où ils mettent en lumière un penchant de cette
réalité sociale. En clair, à travers ces discours l'on
perçoit une sorte de remise en cause de la gestion de la
coopérative par la direction. Car, lorsque certains membres
eux-mêmes s'interrogent sur l'applicabilité des sanctions, cela
voudrait dire clairement que lorsqu'il s'agit d'appliquer les sanctions visant
à contraindre les débiteurs à rembourser leur dette, la
cophes se montre hésitante.
Toutefois, il ressort aussi de notre enquête que par
moment,la coopérative des planteurs d'hévéa de songon
arrive à saisir les productions de leurs débiteurs. Mais, comme
l'ont révélé nos enquêtés, ces cas sont
minimes. Et, M.L d'ajouter que « si la coopérative est
arrivée à contraindre les membres à rembourser les
prêts, cela ne peut pas atteindre dix cas ; car les membres,
lorsqu'ils doivent de l'argent à la coopérative, ils se cachent
désormais pour livrer leurs productions clandestinement dans d'autres
coins »
Comme nous le constatons, au niveau de la cophes, ce qui
semble poser problème ce n'est pas le non-remboursement à
première vue mais et surtout les mécanismes sociaux mis en
exergue pour amener le débiteur à rembourser sa dette qui devient
un véritable problème.
Il se pose du coup comme un écart entre la
coopérative, ses normes et leur fonctionnement à travers leur
application. Et lorsque nous avons interrogé le premier responsable de
ladite structure, c'est-à-dire, leur Président en personne de M.
Sagou Ago Albert, à propos des mécanismes mis en place par la
coopérative pour inciter au remboursement de ces prêts,cette
autorité, nous a révélé ce qui
suit : « Mon fils, on fait tout ce qu'on peut afin
qu'ils remboursent, mais ils ne le font pas, souvent, nous les surprenons en
pleine période de ramassage des produits ; nous saisissons de force
leurs productions que nous vendons afin de soutirer notre
argent ;souvent ;on n'arrive vraiment pas à les
maîtriser car livrant eux-mêmes leurs productions clandestinement
à d'autres structures ».
A travers donc les propos du Président de la cophes,
nous pouvons lire implicitement que même la Direction de cette
organisation présente les signes de son impuissance face aux
comportements des acteurs sociaux que sont les coopérateurs.
2- Le non-remboursement des prêts à la
cophes : résultat du collectivisme de faits par les
membres.
Comme nous l'avons montré ci-dessus à savoir
l'écart entre la coopérative, ses normes et leur
applicabilité, cela voudrait dire que le comportement du
non-remboursement peut-être désormais lu sous l'angle du
collectivisme de faits reconstruits par les coopérateurs en ce sens que
les membres de la cophes étant des acteurs intégrés et
insérés dans la vie quotidienne de leur organisation, sont des
agents sociaux auxquels le non-remboursement des prêts et le comportement
de la coopérative envers ces débiteurs sont devenus un habitus,
ont sans doute reproduit les comportements individuels des acteurs sociaux pour
les transformer en comportements collectifs. Car comme écrit Claude
Dubar31(*) (2000) :
« Chaque acteur social a une histoire, un passé qui
pèse sur ces identités d'acteurs. Il ne se définit pas
seulement en fonction de ses partenaires actuels, de ces interactions
face-à-face dans un champ déterminé de pratique, il se
définit aussi en fonction de sa trajectoire sociale ». Cette
citation appliquée au contexte de la cophes à travers le
non-remboursement des prêts ressort l'idée implicite selon
laquelle les membres de la cophes étant des membres d'une
société et ayant intégré un champ qu'est la
coopérative, y sont entrés avec leur habitus, leur vécu
quotidien acquis au cours du processus de socialisation, tendent à les
revivifier ou maintenir en survivance dans un champ qui paraît leur
offrir les conditions d'extériorisation de leur passé d'acteurs
sociaux.
SECTION 5 : LA SUPPRESSION DES PRETS INTERNES A LA
COPHES COMME TENTATIVE DE LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE DES NORMES
INSTITUTIONNELLES
CHAPITRE I
DES PRETS AUTOGERES AUX PRETS BANCAIRES
1- La suppression des prêts internes à la
coopérative
Le non-remboursemnt des prêts à la cophes ne sera
pas sans impact ou incidence sur le fonctionnement de cette structure. En
effet, quand nous avons parcouru les entretiens que nous avons eus avec les
membres de la coopérative,il se révèle cette
réalité. Nos enquêtés nous ont
révélé la suppression des prêts
autogérés et internes à la coopérative.
A ce titre, nos entretiens avec le Président de ladite
structure nous ont été d'une importance sociologique.
Ainsi, nous a -t-il révélé ce qui
suit : « face au non- remboursement des prêts
par les membres de notre coopérative, nous nous sommes vus
obligés de mettre fin à ces prêts » Ces
propos du premier responsable de cette institution donnent à comprendre
l'incapacité de la coopérative à résorber ce
phénomène. Nous pouvons donc lire à travers la suppression
des prêts autogérés et octroyés par la cophes
à ses membres comme le symbole, la reconnaissance implicite de la
perméabilité des normes institutionnelles de cette
institution.
2- La nouvelle trajectoire sociale des
prêts : La caisse mutuelle d'épargne et de crédit de
songon (CMEC)
Le phénomène du non-remboursement des
prêts ayant conduit leur suppression, la cophes trouvera un autre
mécanisme de demande de prêts. Ainsi, a-t-elle trouvé un
nouveau « tuteur » à l'ensemble de ses
adhérents.
Et depuis l'année 2008, l'octroi des prêts aux
membres de la cophes n'est devenu possible qu'auprès d'une institution
bancaire dénommée, caisse mutuelle d'épargne et de
crédit de songon (CMEC).Ainsi, à la question de savoir pourquoi
la coopérative à désormais confié l'octroi des
prêts à la caisse mutuelle d'épargne et de crédit,
le Président de la coopérative nous a laissé entendre
que : « C'est une solution que nous avons
trouvée pour mettre fin aux mauvais comportements des membres de la
cophes ;comme ça, désormais lorsque tu sais que tu dois de
l'argent, tu sais à qui te référer et à qui tu as
affaire »
A la lecture de ces propos une chose mérite
d'être retenue ; en fait ces propos laissent entrevoir une sorte de
déresponsabilisation du président de la cophes de ce qui pourrait
advenir à ses membres qui se reconstruiraient dans ce nouvel espace
social de prêts comme des débiteurs récidivistes. Or, nos
enquêtés nous ont révélé que pour les
demandes de prêts à la CMEC ils sont tenus d'informer le
président de la coopérative puisque ce n'est à la vue de
sa signature que les prêts sont désormais octroyés à
tel ou tel autre membre demandeur. En clair, confier les prêts à
la CMEC apparaît pour la direction de la cophes comme une
stratégie trouvée pour lui confier une partie de ses
prérogatives. Ainsi, dans leur imaginaire, le confiage des demandes de
prêts à cette institution consisterait à créer chez
leurs membres un sentiment de crainte et de respect du délai de
remboursement.
3- Les conditionnalités de demande et d'octroi
de prêts à la CMEC
Les demandes de prêts à la caisse mutuelle
d'épargne et de crédit de songon M'Brathé sont à
l'instar de celles de la cophes avec le système de prêts internes
maintenant supprimé, sont soumises à des exercices auxquels les
membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon
ne sauraient se départir.
En effet, à la CMEC tout demandeur de prêts devra
se soumettre à l'exercice suivant :
- les demandes de prêts sont signifiées à
la CMEC trois jours avant le jour indiqué pour son obtention.
- Les demandeurs de prêts, c'est-à-dire les
membres de ladite coopérative devront retirer une fiche de prêt
auprès de la CMEC ; une fois que cette fiche est retirée et
remplie, elle devra passer inéluctablement par la signature du
président de la cophes après quoi, cette fiche est
acheminée de nouveau auprès de l'institution prêteuse pour
le décaissement des fonds sollicités.
Et ces conditions d'octroi de prêts semblent ne pas
rencontrer l'assentiment de la plupart des membres de la cophes ;et, ils
l'ont signifié en ces termes : « La CMEC nous
aide, c'est vrai,mais quand on nous demande de prévenir trois jours
avant que nous aurons besoin de prêts,alors ça devient un peu
compliqué ;parce que personne ne peut prédire ses
problèmes,c'est lorsqu'il y a un problème qu'on peut demander des
prêts ». Ces propos nous laisse apprécier la
façon donc la demande de prêts à la caisse mutuelle et de
crédit de songon M'Brathé est perçue par les
adhérents. En réalité, ces propos laissent entrevoir que
les membres de la coopérative perçoivent ce modèle de
demande de prêts comme une machine rigoureuse.
CHAPITRE II
LES MODALITES DE REMBOURSEMENT DES PRETS A LA CMEC DE
SONGON M'BRATHE
1- Le remboursement des prêts sociaux
Selon les résultats que nous avons obtenus de notre
enquête, en ce qui concerne les mécanismes sociaux de
remboursement des fonds prêtés, les demandeurs de prêts sont
tenus de rembourser leurs dettes dans un intervalle de temps compris entre
trois (03) et neuf (09) mois selon la nature et l'ampleur de la somme
sollicitée. C'est pourquoi, selon les membres de la cophes, en ce qui
concerne les prêts scolaires, ils leur est demandé de les
rembourser sur une période de neuf (09) mois ; et les autres types
de prêts c'est-à-dire les prêts d'autres natures,
l'intervalle de remboursement varie selon la somme sollicitée
c'est-à-dire de trois à six mois.
2- Les sanctions liées au non-remboursement des
prêts
Comme la première forme de prêts
c'est-à-dire les prêts octroyés par la cophes
elle-même, la deuxième institution prêteuse
symbolisée par la caisse mutuelle d'épargne et de crédit
de songon M'Brathé a elle aussi en sa possession une série de
sanctions pour contrôler le déroulement du partenariat entre ces
deux institutions c'est-à-dire la coopérative des planteurs
d'hévéa de songon M'Brathé et la CMEC.
En effet, comme sanctions en cas de non-remboursement des
prêts, la CMEC est en mesure de saisir la plantation du débiteur
et ceci avec bien entendu la complicité de la direction de ladite
coopérative ; elle a encore une autre possibilité pour
entrer en possession de son dû par l'extraction de ses fonds du bulletin
de solde de leur débiteur. En clair, lorsqu'un membre rechigne a ne pas
rembourser ses dettes la CMEC a en sa possession la capacité de retirer
son argent avant de procéder à la paie de ce dernier,car en
réalité tous les membres de la cophes sont payés à
la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon. Cela
voudrait dire que de cette façon, les membres débiteurs sont en
posture de pouvoir rembourser toutes leurs dettes parce que leur paie se
faisant auprès de cette institution ; à moins que le
débiteur ne livre plus sa production à la cophes. Même si
ce cas se présentait, la caisse mutuelle d'épargne et de
crédit de songon M'Brathé est en mesure d'user du dernier
recours, c'est à dire la saisie de la plantation du débiteur
chronique.
3- Relations entre les membres de la cophes et la
CMEC
A travers les relations entre les membres de la cophes et la
caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé,
nous entendons mettre en évidence la nature des rapports sociaux
entretenus par ses deux institutions partenaires.
A la question de savoir quelle est la nature des rapports
entre la cophes et la CMEC depuis instauration au sein de cette institution du
système de prêts, notre interlocuteur c'est-à-dire le
président de la cophes nous a confié qu' en sa connaissance il
s'y déroulent de bons rapports entre leurs deux institutions dans la
mesure où jusqu'au moment où il nous parlait, aucun cas de
non-remboursement de prêts ne lui avait été soumis, et
qu'il espérait que cela continue afin de pérenniser leur
partenariat. Et, ces propos sont d'une grande
importance : « La CMEC est une structure qui nous aide
énormément ; car, grâce à elle plusieurs
membres de la coopérative ont obtenu plusieurs prêts qui leur ont
servi à atteindre leurs objectifs respectifs ; donc, si nos
relations s'améliorent au fil des jours, je pense que c'est une bonne
chose pour nous tous ».
Comme nous le constatons le respect des engagements pris par
les membres de la coopérative auprès de la CMEC est ce à
quoi le premier responsable de la structure aspire pour le bon fonctionnement
pour leurs relations
Conclusion Partielle
Cette dernière partie de notre analyse et
interprétation des données qui a débuté avec " de
la perméabilité des normes institutionnelles à la
cophes " jusqu'à "la nouvelle trajectoire sociale des prêts",
nous a permis de mettre en évidence les normes institutionnelles de la
cophes, leur applicabilité et la façon dont le non-remboursement
des prêts par les membres a un lien avec l'applicabilité de ces
normes, à l'effet de voir comment les acteurs sociaux
c'est-à-dire les membres de la cophes semblent récupérer
cet état de fait pour construire leurs rapports à ladite
structure par l'entremise du non-remboursement. L'insertion du chapitre sur la
caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé
dans l'analyse a pour but de dresser une comparaison des normes
institutionnelles, les relations que les membres de la cophes entretiennent
avec cette institution (CMEC) en termes de remboursement ou non des
prêts.
CONCLUSION GENERALE
Au total, il convient de présenter le bilan de notre
réflexion. Mais avant, il est important de rappeler les objectifs que
nous nous sommes fixé au départ. En entreprenant d'effectuer
cette recherche sur le non-remboursement des prêts à la cophes par
l'entremise de l'étude intitulée « Lieux et formes
d'expression de la solidarité » nous nous sommes
questionnés de savoir les déterminants sociaux du
non-remboursement des prêts par les membres de la cophes. Ainsi,
avons-nous eu pour objectifs de saisir les représentations que les
membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon
M'Brathé associent au phénomène coopératif,
appréhender leurs représentations liées au système
de prêts, décrire et analyser les mécanismes sociaux
d'octroi de prêts.
Comme résultat, nous avons constaté que le
non-remboursement des prêts par les membres de la cophes est une
réalité construite par ses acteurs sociaux en rapport avec la
perméabilité des normes institutionnelles au sein de ladite
institution. Ainsi, le non- remboursement des prêts peut être lu
sous l'angle d'un processus de prise de conscience de la non rigidité
des normes à la cophes pour transposer dans ce champ associatif leurs
habitus acquis par l'entremise de la socialisation. Ainsi leurs
représentations de la coopérative et des prêts sociaux y
sont également des paramètres à ne pas occulter dans ce
cas.
Aussi, comme leçon, nous pourrons retenir que
l'institutionnalisation des pratiques de solidarité par des groupes
sociaux est un exercice qui dans son fonctionnement est confronté
à des heurts qui trouvent leurs significations dans le comportement de
certains collectifs sociaux eux-mêmes comme c'est le cas ici à la
coopérative des planteurs d'hévéa de songon à
travers le non-remboursement des prêts. Ainsi, appartient-il aux
décideurs en charge des politiques du développement de songer
à mener les actions de sensibilisation dans les lieux d'expression de la
solidarité afin de dynamiser et de pérenniser ce comportement
social (la solidarité), gage d'un développement durable.
TABLE DES
MATIERES
Avant-propos
Remerciements
Dédicace
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE
1-
Problématique.....................................................................................9
2- La revue critique de la
littérature..........................................................12
- La solidarité dans les
entreprises......................................................12
- Les études sur la solidarité dans les
organisations communautaires.................15
- Approches théoriques et pratiques de la
coopération..............................17
- Les études sur les coopératives
agricoles............................................20
3- Objectif général et objectifs
spécifiques..................................................22
· Objectif
général.....................................................................22
· Objectifs
spécifiques...............................................................22
4- Hypothèse de recherche et modèle
d'analyse............................................22
·
Hypothèse............................................................................22
· Modèle
d'analyse...................................................................23
5- Cadre
Paradigmatique.......................................................................24
6- Cadre
Méthodologique......................................................................26
1- Délimitation du champ de
l'étude....................................................26
Ø Le champ
géographique............................................................26
Ø Le champ
social.....................................................................27
Ø Le champ
sociologique.............................................................27
7- Les instruments de collecte des
données..................................................27
1-La recherche
documentaire..........................................................28
2-Les
entretiens..........................................................................28
· Entretiens
exploratoires.................................................................28
· Les entretiens de
l'enquête.........................................................29
3-Technique
d'échantillonnage............................................................29
4- Les techniques de traitement des
données............................................30
·
Dépouillement......................................................................30
· Analyse de
contenu................................................................30
8- Les conditions sociales de déroulement de
l'enquête...................................31
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE
L'ETUDE
Chapitre I : Présentation de la
cophes..............................................................34
1-
Historique..........................................................................34
2- Les membres de la
cophes......................................................34
3- Les objectifs de la
cophes..........................................................35
4- Les acquis de la
cophes.............................................................35
5- Les actions de la cophes en faveur de ses
membres...........................35
6- L'organisation de la
cophes....................................................36
7- Organigramme de la
cophes....................................................37
Chapitre II : Commentaire de l'organisation et de
l'organigramme de la cophes.........38
1- Commentaire de
L'organisation.................................................38
· Le président : symbole de la
coopérative.............................................38
· Le
vice-président........................................................................38
· Le secrétaire général :
l'intermédiaire entre le président et les
membres.................................................................................39
· Secrétaire général
adjoint..............................................................39
· Le trésorier : La construction sociale du
rapport à l'économie...................39
2- Commentaire de L'organigramme de la
cophes..............................39
· L'Assemblée Générale : une
idéologie d'instance
« mère ».......................39
· Le conseil d'Administration : la construction
sociale d'une
gestion................................................................................................................39
· Le commissariat aux comptes : un acteur construit
comme
« neutre ».................................................................................40
Conclusion
Partielle...............................................................41
TROISIEME PARTIE : TERRAIN ET
ANALYSES
Section 1 : FABRICATION DES
REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AU PHENOMENE
COOPERATIF.....................................................................44
Chapitre I : Espace coopératif comme une
curiosité pour les
adhérents................................................................................................44
1- La coopérative : fait social nouveau pour les
coopérateurs................44
Chapitre II : L'Espace coopératif comme lieu de
réponse au manque social des
membres................................................................................................45.
1- La logique
économique.........................................................46
2- La logique symbolique et
idéologique........................................47
Conclusion
Partielle..............................................................48
Section 2 : Fabrication des
représentations sociales associées aux prêts
octroyés par la
cophes................................................................................................49
Chapitre I : Les prêts comme source de maintien des
adhérents dans la
coopérative..............................................................................................49
Chapitre II : Les prêts comme substitution
à la solidarité familiale........................52
1- Comparaison des prêts octroyés au rôle
de la structure
familiale........................................................................52
2- Vers la mise à nue « nue »
de l'effritement du lien
familial.............................................................................................53
Chapitre III : Lecture de la sémantique des
prêts sociaux dans l'imaginaire collectif des
coopérateurs..........................................................................................55
1- Des comportements aux effets de déconstruction de la
sémantique des prêts sociaux octroyés par la
cophes.......................................55
2- Des prêts sociaux à valeur de
« don » pour les
coopérateurs...................................................................56
Conclusion
Partielle...............................................................59
Section 3 : Les mécanismes sociaux
liés à l'octroi des prêts à la
cophes....................................................................................................60
Chapitre I : L'octroi des prêts : un exercice
réglementé....................................60
1- Les conditionnalités d'octroi de prêts
à la cophes.........................60
2- L'itinéraire social des coopérateurs pour
l'accès aux prêts............62
3- Les prêts conditionnalités de remboursements
des fonds : un jeu dit
« démocratique ».............................................................62
4- Les sanctions liées au non remboursement des
prêts............... .....62
Section 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE
DES NORMES INSTITUTIONNELLES A LA
COPHES........................................................64
Chapitre I : Une organisation faiblement
légitimée.............................................65
Conclusion
Partielle....................................................................67
Chapitre II : Des coopérateurs aux comportements
de défiance des normes
institutionnelles.......................................................................................68
1- Le non-remboursement des prêts à la
cophes..................................................68
2- Non remboursement de prêts et production d'un autre
type de pratique par les
membres................................................................................................69
3- De la livraison clandestine des productions à la
démission volontaire des membres
débiteurs................................................................................................70
Chapitre III : A propos de l'usage des normes
institutionnelles à la cophes..................71
1- La cophes, les normes et leur
applicabilité.....................................................71
2- Le non-remboursement des prêts à la
cophes : résultat du collectivisme de faits par les
membres................................................................................................73
Section 5 : LA SUPPRESSION DE PRETS
SOCIAUX INTERNES A LA COPHES COMME TENTATIVE DU LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE
DES NORMES
INSTITUTIONNELLES...............................................................................................74
Chapitre I : Des prêts autogérés aux
prêts bancaires.............................................74
1-La suppression des prêts sociaux internes à la
coopérative...................................74
2- La nouvelle trajectoire sociale des prêts
sociaux : La caisse mutuelle d'épargne et de crédit(
CMEC).........................................................................................74
3- Les conditionnalités de demande et d'octroi de
prêts sociaux à la CMEC.................75
Chapitre II : Les modalités de remboursement des
prêts sociaux à la CMEC de
songon..................................................................................................77
1- le remboursement des prêts
sociaux.............................................................77
2- les sanctions liées au non--remboursement des
prêts sociaux..............................77
3- Relations entre les membres de la cophes et la
CMEC.......................................78
Conclusion
Partielle..................................................................................78
CONCLUSION
GENERALE.......................................................................80
TABLE DES
MATIERES...........................................................................81
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES..........................................................86
1. Ouvrages de
méthodologie..................................................................87
2. Les études sur la
solidarité..................................................................88
3. Les études sur la
coopérative...............................................................89
4. Les ouvrages
généraux......................................................................89
5. Les études sur le
« don »...................................................................90
ANNEXES
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
1. Ouvrages de Méthodologie
AKTOUF Oumar, Méthodologique des sciences sociales
et approches qualitatives des organisations. Une introduction à la
démarche classique et une critique, Version
électronique2007.site web :http://classiques.Uquac.ca
BEAUD Michel, L'art de la thèse, la
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3-Les Etudes sur la coopérative
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4-LES OUVRAGES GENERAUX
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mutuel »,in la Revue du M.A.U.S.S,semestrielle n°4,1994.
ANNEXES
ANNEXE 1
GUIDE D'ENTRETIEN D'ENQUETE ADRESSE AUX MEMBRES ETANT
DANS LA COOPERATIVE DEPUIS SA CREATION JUSQU'AUJOURD'HUI.
Section 1 : Logique d'adhésion à la
coopérative
a) Logique sociale
1) Comment êtes-vous devenus membres de la
cophes ?
2) Qu'est-ce qui vous a motivé à adhérer
à cette coopérative ?
3) Etiez-vous membre d'une association ou d'une
coopérative ?
- Si oui, qu'est ce que l'association ou la
coopérative faisait pour vous ses membres ? Et avec la
cophes ?
4) Pensez- vous qu'il y a un changement avec la
cophes ?
- Si oui, sur quel plan ?
- Si non, pourquoi ?
b) Logique idéologique
1) Votre coopérative sert à quoi ?
2) En ce qui concerne votre coopérative,
« COPHES », qu'est ce qu'elle représente pour
vous ?
3) Prenons le cas où la cophes n'existait pas ;
qu'est-ce que le fait d'être agriculteur représenterait pour
vous ?
5) Comment voyiez-vous votre vie avant la création de
votre coopérative ?
6) Est-ce qu'avec la cophes vous pouvez affirmer que vous
êtes fiers de votre statut de planteurs ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
c) Logique économique
1) Faites- vous des cotisations au sein de la
coopérative ?
- Si oui, à quoi servent-elles ?
2) Comment la cophes parvient-elle à vous
satisfaire ?
3) Quelles sont les difficultés auxquelles vous
êtes confrontés lors des cotisations ?
4) Est-ce que la cophes vous vient-elle en aide
financièrement dans vos difficultés ?
5) Sur quels plans, vous n'êtes pas satisfaits de votre
coopérative ?
d) Logique institutionnelle
1) Est-ce que la coopérative a des rapports avec au
moins un organisme chargé de votre encadrement ?
- Si oui, lequel ? Et comment se fait cet
encadrement ?
- Si non, pourquoi ?
2) L'intervention de cette structure vous
satisfait-elle ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
3) Est-ce qu'avec l'intervention de cette structure, vous
pouvez dire que vous êtes en sécurité au sein de la
coopérative ?
4) Qu'est ce qu'elle apporte à la
coopérative ?
Section 2 : Représentations sociales
associées au système de prêts sociaux.
1) Selon vous, les prêts ou crédits que les
coopératives octroient à leurs membres, qu'est ce que cela
représente pour vous ?
2) Est-ce que les prêts au sein des coopératives
font parties de leurs objectifs ?
- Si oui pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
3) Le fait que la coopérative ait instauré les
prêts, qu'est ce que cela représente pour vous ?
- Quel sens vous donnez à cette action ?
4) Est-ce que cela peut-être perçu comme une
obligation ?
5) Selon vous, pourquoi prêter de l'argent au sein de la
coopérative est une importante chose ?
Section 3 : A propos des conditions d'octroi des
prêts Sociaux
1. Quelles sont les conditions à remplir pour
bénéficier des prêts ?
2. Quelles sont démarches à mener pour entrer en
possession de ces prêts ?
3. Y a-t-il une barre à ne pas dépasser au
niveau de la démarche de prêts ?
4. Qui est chargé d'octroyer ces prêts au sein de
la coopérative ?
5. Une fois les fonds prêtés, de combien de jours
dispose le prêteur pour les rembourser ?
Section 4 : A propos du
non-remboursement
1) Savez-vous qu'au sein de la coopérative certaines
personnes ne remboursent pas les prêts ?
2) Selon vous, qu'est ce qui pourrait expliquer cela ?
3) Certaines personnes pensent généralement que
le non-remboursement des prêts est lié au manque des moyens
financiers !
- Que pensez- vous d'une telle
déclaration ?
4) Lorsque les fonds ne sont pas remboursés, qu'est
ce que la cophes met en place comme stratégie pour amener le
débiteur à les rembourser ?
5) Arrive-t-elle à atteindre son objectif ?
- Si oui, comment ?
- Si non, pourquoi ?
6) Une fois que les fonds ne sont pas remboursés,
existe-t-il des sanctions infligées aux membres
débiteurs ?
- Si oui, lesquelles ?
- Si non, pourquoi ?
7) Selon vous la coopérative doit-elle exercer la
pression sur un membre qui lui doit de l'argent ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
ANNEXE 2
GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX MEMBRES DE LA COPHES ET
AU PRESIDENT (Les membres de la coopérative depuis sa
création et les nouveaux membres)
Les conditions de demande de prêts à la
CMEC
1) Quels sont les types de prêts que la CMEC accorde aux
membres de votre coopérative ?
2) Quelles sont les démarches à mener pour
demander ces prêts ?
3) Y a il une certaine somme à ne pas dépasser
quand vous demandez ces prêts ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
4) Que pensez-vous de ces prêts ?
5) Quels sont les avantages de ces prêts ?
6) Quels sont les problèmes auxquels vous êtes
souvent confrontés lors des demandes de prêts ?
LES CONDITIONS DE REMBOURSEMENT DES
PRËTS
1) Une fois que vous entrez en possession de ces prêts,
de combien de jours disposez-vous pour les rembourser ?
2) Que pensez-vous de ce délai de
remboursement ?
3) Ces délais de remboursement des prêts
conviennent-ils ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
Les sanctions en cas de non-remboursement des
prêts octroyés par la CMEC
1) Pour quelqu'un (c'est-à-dire un coopérateur)
qui a obtenu des prêts et qui ne rembourse pas, quels sont les sanctions
qui l'attendant ?
2) Que pensez- vous de ces sanctions ?
3) Pensez-vous qu'avec ces sanctions, un membre est capable de
ne pas rembourser ces prêts ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi
4) Depuis que vous demandez des prêts à la CMEC,
vous est-il arrivé une fois de ne pas respecter le délai de
remboursement ?
- Si oui, pourquoi ?
- Si non, pourquoi ?
5) Avez-vous une fois appris ou entendu qu'un membre de votre
coopérative a été saisi pour non-remboursement des
prêts ?
6) Que représentent les prêts que la CMEC vous
octroie ?
* 1 Dia, Mamadou, Contribution
à l'étude du mouvement coopératif en Afrique
Noire,Presence Africaine,1952
* 2 Georges Kossi
Kenkou,solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures
coopératives en milieu rural africains, la cas du Togo et du Burkina
Faso,1994.
* 3 Roch Yao Gnabely , les
dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes :
logique sociale et enjeux économique,thèse de troisième
cycle de doctorat de sociologie, Université d'Abidjan Cocody, 1998.
* 4 Durkheim E, 1893,De la
Division du travail social, PUF-Quatriage,Paris,1991
* 5 Extrait du statut et
règlement intérieur de la cophes
* 6 L'impact de la
solidarité et des funérailles sur l'entreprise moderne :
Logique sociale et logique économique, Mémoire de DEA sociologie,
Université de Cocody, 1992.
* 7 Gnabeli Roch Yao, les
dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes :
Logiques sociales et enjeux économiques, thèse de doctorat
troisième cycle, Université de Cocody-Abidjan, 1998
* 8 Gagnon Gabriel, " Nouvelles
formes de solidarité" : Le monde du travail, document produit en
version numérique par Jean-Marie Tremblay,1992
* 9 Bazin, Laurent ;Gnabeli
Yao Roch, Les dépenses sociales et le rapport salarial dans les
entreprises ivoiriennes, rapport d'enquête, IRD,1996
* 10 Saar Fatou, Etude des
pratiques de solidarité des Entrepreneures issues du secteur informel au
Sénégal, thèse de Doctorat présentée
à la faculté des études supérieures de
l'Université Laval,1997.
* 11 Kossi Kenkou, Georges,
Solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures
coopératives en milieu rural africain, l'exemple du Togo et du Burkina
Faso,1994
* 12 A.F.Laidlaw, les
coopératives en l'an 2000, ACI,1980,p29
* 13 Lokombo Nkaka Léon,
La formule coopérative a-t-elle un avenir au Zaïre ? Essai
présenté pour l'obtention de la maîtrise en gestion et
developpement des coopératives à l'université de
Sherbrooke,1997
* 14 Sissoko Alain,
« Modèle d'organisation et de fonctionnement de G.V.C
adapté à l'environnement soco-économique dans la zone de
forêt en côte -d'ivoire »Travaux et documents,
IRD,1996
* 15 Ibidem, sociologie des
groupements à vocation coopérative dans la zone d'Ayamé
(côte-d'ivoire), documents et travaux,Centre d'Etude d'Afrique
Noire,Bordeaux,1994
* 16 Inza, Coulibaly, La
coopérative agricole en Côte-d'Ivoire ; problèmes et
perspectives ;Etude à partir de deux cas : - La SCAGBO
à Agboville, ; - VLASSIE à Bonoua, Mémoire de
Maîtrise de sociologie, Université d'Abidjan- Cocody,1993-1994
* 17 Extrait du dictionnaire de
sociologie, le robert/ Seuil,Paris,2000
* 18 François Chazel, in
dictionnaire de sociologie, le robert/ Seuil,2000,p367
* 19 Bourdieu,Pierre,le sens
pratique, édition de Minuit, Paris,1980
* 20 Claude Dubar, la
socialisation, Armand Colin, Paris,2000
* 21 Ce terme est
utilisé pour qualifier une des nourritures ivoiriennes conçues
à base de semoule de manioc
* 22 Yves
Frédéric, Introduction à l'Analyse des Organisations,
2eme, gestion poche, 2000.
* 23 Gbénou Gabriel,Le
revenu paysan entre la logique sociale et la raison utilitaire,thèse de
doctorat en sociologie, Université Laval,2000.
* 24 DEDY Seri,Tapé
Gozé, Famille et éducation en Côte d'Ivoire,EDUCI,1995
* 25
Pairault, « Les changements d'aujourd'hui au sud du
Sahara » in Annales de l'Université de
cocody,Ethno-sociologie, tome 5,1973
* 26 Caillé,Alain. Don
et Intérêt et désintéressement.
Bourdieu,Mauss,Platon et quelques uns autres. La découverte/ Paris,1995.
* 27 Marsan cf Gabriel
Gbénou,2000 P 236.
* 28 Extrait du dictionnaire de
sociologie Robert/Seuil,Paris,2000
* 29 Mauss, Marcel cité
par Gabriel Gbénou,2000, P 208.
* 30 Godbout,Jacques T.
(1994), « L'état d'endettement mutuel », la
Revue du Mauss,semestrielle, n°4
* 31 Claude Dubar, la
socialisation, Armand Colin, Paris,2000,P.11
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