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Solidarité et Logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)

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par Sédji Donald AKRE
Université de Cocody-Abidjan - Maitrise de Sociologie 2007
  

Disponible en mode multipage

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Ministère de l'Enseignement Supérieur

et de la Recherche Scientifique

INSTITUT D'ETHNO-SOCIOLOGIE

Année Académique 2007-2008

Mémoire de Maîtrise

THEME

Solidarité et Logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes)

Présenté par : Sous la Direction de :

AKRE Sédji Donald Pr Roch Yao GNABELI

Licencié es Sciences sociales Maître de conférences

AVANT -PROPOS

Aussi longue que soit la nuit, l'aube viendra ! Enseignent les sages. Cette éthique exige de l'apprenant l'art de savoir attendre et le refus de mourir qui structurent et édifient la foi du charbonnier, la foi des innocents et la perspicacité des bâtisseurs d'avenir. C'est dans cet état d'esprit que ce travail, né des brouillards du sens et des lieux communs, aboutit à ce morceau d'architecture. Il est la réalisation d'un choix.

Il consacre la volonté de vaincre la fatalité du « malheur généalogique » : cette condition qui fait qu'en dehors des espaces domestiques, certaines origines et convictions nous assimilent à des êtres sans qualité, à qui rien n'est jamais promis, rien n'est jamais donné, ni facilité. Toutefois, prisonniers de l'espoir, nous devons tracer et construire nos chemins à genoux dans le silence et l'isolement du manque (Gabriel Gbénou,2000).

Ainsi, ce présent travail, loin d'être la démonstration parfaite de la maîtrise des contours épistémologiques et théoriques de la sociologie, se veut être un essai d'un étudiant qui esquisse ses premiers pas dans le champ de la recherche en sciences sociales.

C'est pourquoi, chers Maîtres vos critiques constructives allant dans le sens de l'amélioration de ce travail nous paraîtront d'une inestimable nécessité ; et c'est à juste titre que nous nous sommes inscrits à votre école afin de bénéficier également de votre savoir scientifique de sorte que nous aussi méritions d'être appelés « sociologues ».

Remerciements

Une oeuvre comme celle-ci ne peut se réaliser sans le concours des personnes vouées à son succès. C'est pourquoi nous profitons pour remercier très sincèrement et du fond du coeur tous les membres du laboratoire de sociologie économique et d'anthropologie des appartenances symboliques (LAASSE) et les personnes suivantes.

Pour bien faire, nous préférons nommer certaines personnes qui se sont distinguées dans leur apport et soutien tant scientifique que moral.

Ainsi, nous est-il agréable d'adresser nos premiers remerciements au professeur Roch Yao GNABELI, Maître de conférence à l'Institut d'Ethno-sociologie (IES) pour sa disponibilité toutefois qu'il s'est agi de la cause scientifique et d'ordre académique. Malgré ses nombreuses responsabilités administratives et académiques, il a toujours su nous instruire, nous entretenir et nous faire bénéficier de ses critiques, en nous convoquant régulièrement à des séances de travail bien entendu. Merci infiniment cher Maître.

Coup de chapeau à monsieur Soho Rusticot Droh De Bloganqueaux, Doctorant à l'université de Cocody à Abidjan (Insitut d'ethno-sociologie) et à Monsieur Houedin Cossi Barnabé également doctorant en sociologie pour leur disponibilité sans faille malgré leurs nombreuses occupations d'ordre académique. Ils nous ont été d'un soutien sans pareil dans la mesure où ils nous ont permis de percevoir l'écriture du mémoire n'ont pas comme un « fardeau », mais plutôt comme un simple exercice scientifique.

Nous disons par ailleurs merci à tous les enseignants de l'Institut d'Ethno-sociologie pour nous avoir gratifié des cours de sociologie depuis la première année jusqu'à maintenant.

Car, ils sont pour nous des sources intarissables du savoir auprès desquels nous continuons de nous abreuver. Merci chers Maîtres !

Nous ne saurions clore ce chapitre de remerciement sans faire un clin d'oeil à nos amis les plus proches, nos amis de tous les jours avec lesquels nous échangeons sur les questions d'ordre intellectuel et sociologique. Ainsi, nous voulons remercier Gawa Ghislain Franck, étudiant en instance de DEA de sociologie politique à l'IES pour ses remarques pertinentes ; à Gbamin Némain Florentin, Etudiant en Maîtrise de sociologie du travail, Brou Kouamé Pacôme en instance de DEA et à Bakayoko Denis également étudiant en Maîtrise d'Anthropologie sociale et culturelle à l'université de Cocody Abidjan sans oublier toutes mes connaissances !

DEDICACE

Nous dédions ce présent mémoire à nos chers parents.

Je nomme Monsieur Lalié Akré Jean- Baptiste, mon père géniteur qui a su jouer pleinement son rôle de père de famille et de père très regardant sur la question scolaire et universitaire de ses enfants.

A ma très chère mère, Mme Lalie Pauline, qui comme une mère poule nous a toujours fait bénéficier de son affection maternelle, et de son soutien moral, financer et spirituel durant notre cursus scolaire et Universitaire.

A ma famille toute entière : mes soeurs : Akré Akaffou lydie, Akré Ines, mes frères Akré Akré Guillaume, Akré Arnaud Berenger, Akré Yapi Médard Stéphen notre cadet.

A notre cher regretté frère Akré Adou Armel Fréjus, à ma soeur Akré Agoussi Diane Patricia ,qu'il a plu au bon Dieu de rappeler auprès de lui ; et qui m'ont toujours témoigné de leur estime et affection de leur vivant.

A tous ceux et celles qui bossent durement afin de ne pas « mendier de l'ombre de l'arbre du vieillard », et à ceux ou celles qui ont fait des études leur passion.

SOMMAIRE

Avant-propos.............................................................................................

Remerciements...........................................................................................

Dédicace...................................................................................................

INTRODUCTION GENERALE.......................................................................

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE......................8

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE.....................33

TROISIEME PARTIE : TERRAIN ET ANALYSES ...........................................42

Section 1 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AU PHENOMENE COOPERATIF.....................................................................44

Section 2 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AUX PRETS SOCIAUX OCTROYES PAR LA COPHES............................................49

Section 3 : LES MECANISMES SOCIAUX LIES A L'OCTROI DE PRËTS SOCIAUX A LA COPHES..........................................................................................60

Section 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE DES NORMES INSTITUTIONNELLES A LA COPHES.........................................................64

Section 5 : LA SUPPRESSION DE PRETS SOCIAUX INTERNES A LA COPHES COMME TENTATIVE DE LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE DES NORMES INSTITUTIONNELLES.............................................................................74

CONCLUSION GENERALE.......................................................................80

TABLE DES MATIERES...........................................................................81

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES..........................................................86

ANNEXES

Introduction Générale

Les études qui ont été menées sur les phénomènes coopératifs en Afrique, n'ont fait que privilégier depuis plusieurs décennies sa dimension économique ; c'est-à-dire un instrument par excellence de développement économique et social surtout des pays en voie de développement afin de les sortir de leur enclavement. C'est donc l'idéologie fondamentale qui accompagne les structures coopératives et conditionne leur fonctionnement. Sous ce rapport, plusieurs auteurs se sont inscrits eux aussi sous cet angle économiciste. C'est ce que révèlent les propos suivants : « le mouvement coopératif moderne s'inscrit dans le cadre d'une politique internationale qui considère ce mouvement comme un outil par excellence pour libérer les pays en voie de développement » ( Dia Mamadou,1952 :28)1(*).

C'est donc pour dépasser une telle conception théorique essentiellement économique, que se trouve justifié notre étude qui se pose comme une contribution modeste soit-elle à la déconstruction de cet objet social, afin de le reconstruire sociologiquement sous l'angle de la solidarité. La solidarité trouve un nouveau cadre d'expression dans le phénomène coopératif.

Car, avec l'effritement de la solidarité dans les structures familiales, autrefois clé de voûte de la dynamique sociale, cette solidarité va donc trouver désormais son moyen d'expression sous différentes formes et à l'intérieur de plusieurs cadres que nous nommons « lieux ». Ce peut être dans des associations, des groupements politiques, des clubs amicaux et au sein des structures coopératives, entités sociales crées par l'Etat ivoirien dés les indépendances.

Ainsi, étudier « les lieux et formes d'expression de la solidarité » revient donc à admettre que la solidarité se manifeste dans divers cadres sociaux et ce, sous plusieurs formes.

Toutefois, le fonctionnement de cette solidarité se spécifie généralement par certains disfonctionnements dans l'octroi des prêts sociaux ; Comportements qui se traduisent à travers le non remboursement de ces prêts. Cet état de fait est ce sur quoi porte notre étude qui vise à appréhender les déterminants sociaux du non-remboursement des prêts à la coopérative des planteurs d'hévéa de Songon (cophes).

Chercher à appréhender les déterminants sociaux d'un tel comportement pourrait être pour les programmes de développement un outil intéressant qui leur permettrait de mettre l'accent sur la dimension sociale, c'est-à-dire la solidarité, la redynamiser car, aucune politique de développement ne saurait tenir en marge de la solidarité. C'est en cela que cette étude se veut pratique.

Ainsi, dans la première partie de notre travail, nous présenterons le cadre théorique et méthodologique, la deuxième partie consistera à la présentation du cadre de l'étude et enfin la troisième partie quant à elle s'articulera autour de l'analyse des données.

PREMIERE PARTIE

CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1- Problématique

L'avènement des coopératives en Afrique en général et en côte d'Ivoire en particulier remonte à l'époque coloniale. Ces champs sociaux seront redynamisés avec les indépendances (1960) pour donner naissance à un type nouveau de coopération.

Ainsi, ces structures ou entités sociales sont-elles des cadres d'expression de la solidarité. Leur caractère associationiste, laisse transparaître aisément des rapports sociaux de dépendance mutuelle, d'entraide, de liens sociaux de fraternité et de sociabilité. Car, en réalité, « coopérer », c'est opérer ensemble, agir conjointement avec quelqu'un d'autre, joindre ses efforts pour un but commun. La coopération se réalise lorsque des communications, des interactions sociales entre personnes ou entre groupes permettent, par association des activités de chacun , de se prêter de l'aide en vue d'un résultat supérieur à ce que pourrait être la somme des réalisations individuelles.

Sous ce rapport, » dans leur fonctionnement, ces structures coopératives paraissent encore largement marquées par la primauté du groupe sur l'individu, observation essentiellement attestée, de nos jours par la survivance et l'importance de la famille élargie dans l'organisation sociale des populations rurales de la majorité des pays africains.

Elles favorisent la conscience de l'intérêt communautaire au détriment de l'égoïsme lié à l'évolution des intérêts individuels et particularistes » (Georges Kenkou, 1994)2(*).

Empiriquement, ces liens sociaux se traduisent au travers des cérémonies de récompense aux membres, des rituels, l'assistance matérielle et financière aux collectifs sociaux...C'est ainsi que « l'expression des groupements ou organisations paysannes révèle l'existence d'une grande diversité des formes de compensations, définies selon les principaux types de contreparties requises pour la participation des populations visées. Les modes de contreparties les plus adoptés sont les suivants : Fêtes et cérémonies de réceptions diverses, emprunts financiers remboursables auprès des institutions mais aussi et surtout des prêts sociaux octroyés aux membres qui demeure en difficultés sociales » (Georges Kenkou, 1994). Car, la solidarité se définissant comme étant l'existence de liens sociaux se manifestant par des comportements de coopération réciproque entre les membres d'un groupe ; elle s'assimile à une relation d'interdépendance entre des personnes ayant la conscience de partager les mêmes intérêts ou d'appartenir à une même communauté (Yao, Gnabeli R, 1998 : 27)3(*) ; enfin elle est appréhendée comme étant l'existence de liens qui unissent les membres dans un groupe donné (Durkheim (E)4(*). Ainsi, les liens sociaux sont des formes qui tiennent les individus à des groupes sociaux et à la société, qui leur permettent de se socialiser, de s'intégrer à la société et d'en tirer les éléments de son identité. En clair, par lien social, il faut entendre la diversité des types de relations qui unissent les membres d'une collectivité. Sous ce rapport, le champ coopératif revêt dans son fonctionnement toutes ces caractéristiques, c'est-à-dire l'esprit d'appartenance à un groupe, l'assistance mutuelle, les aides symboliques, matérielles et idéologiques.

Toutefois, dans le fonctionnement de ces structures, il est donné de constater ces dernières années l'introduction de dysfonctions au niveau de leur pratique de solidarité. Il s'agit en grande partie à faire des demandes de prêts sociaux au sein de ces entreprises et de ne plus s'accorder à les rembourser.

Sous ce rapport, ces pratiques viennent entacher le fonctionnement de cette solidarité, le maintien de la cohésion sociale et l'esprit d'appartenance aux groupes.

Ce constat se traduit également à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), notre champ d'étude créé exactement le 29 juin 2003  au cours d'une assemblée générale tenue par l'ensemble des planteurs ou agriculteurs autochtones Ebriés du village de songon M'Brathé, conformément à la loi n° 97-721 du 23 décembre 1997,portant statut de la coopération, et du décret n° 98-257 du 3 juin 1998, portant application de ladite loi5(*), coopérative dont le ressort territorial couvre l'aire géographique de la région de songon.

Ainsi, dans le souci de manifester sa solidarité et son assistance à ses membres, maintenir l'esprit d'appartenance au groupe et la production d'une cohésion, la coopérative a décidé de commun accord avec ses sociétaires d'instaurer un système de prêts sociaux internes, gérés et octroyés par la coopérative, fonds sociaux nés des prélèvements faits à chaque coopérateur sur la production au kilogramme. Cependant, il est à mentionner que face à cet état de fait, les adhérents de la cophes demandeurs de prêts sociaux développent des pratiques contradictoires aux principes de fonctionnement de cette solidarité : Ces acteurs sociaux sont engagés pour la plupart dans une logique de non-remboursement de ces prêts sociaux. C'est d'ailleurs cette situation de non-remboursement de ces prêts qui a engendré leur suppression .

Au total, notre problématique s'articulera autour de l'interrogation suivante :

Quels sont les déterminants sociaux du non remboursement de ces prêts ?

Afin de saisir les déterminants sociaux d'un tel phénomène, il serait intéressant d'interroger d'abord les logiques institutionnelles d'octroi de ces prêts ; d'où la question de savoir, quelles sont les logiques institutionnelles régulatrices de ces prêts ?

Chercher à appréhender les logiques sociales du non-remboursement des prêts sociaux surtout dans un contexte de solidarité ne saurait exclure les dimensions structurelles, idéologiques et symboliques susceptibles d'orienter la perception des acteurs sociaux à l'égard du phénomène coopératif et des prêts sociaux, d'où la question :

Quelles sont les représentations sociales des coopérateurs associées au phénomène coopératif et au système de prêts sociaux ?

Etant donné que nous sommes dans un groupement associationniste et que la caractéristique des groupements humains ne se lit que sous l'angle des relations sociales, des rapports sociaux entre les collectifs sociaux, étudier le non-remboursement revient à saisir la nature des rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent entre eux ; d'où la question :

Quels sont les rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent-ils entre eux ?

Aussi, s'interroger sur le comportement des acteurs sociaux ne saurait faire l'économie de les replacer dans leur contexte social, leur environnement social ; cela nous conduit à poser la question de savoir, quels sont les rapports sociaux qu'ils entretiennent avec les institutions traditionnelles et modernes ?

Enfin, le comportement d'un acteur social ou des acteurs sociaux au sein d'un champ social révélant un mobile caché derrière l'action, il serait intéressant de nous interroger de savoir ; Quels sont les enjeux du non-remboursement de ces prêts sociaux ?

2- La revue critique de la littérature

Dans la recherche documentaire, il n'y a pas de contact immédiat entre l'observateur et la réalité sociale. C'est une observation médiatisée par les documents. Ce fait constitue une source d'information sur les phénomènes sociaux. Cette étape de la construction théorique de l'étude est une phase très importante dans la mesure où elle nous permettra de faire l'état des connaissances sur le phénomène à étudier afin de voir comment les écrits antérieurs ont abordé cette question, sous quel angle ; c'est donc à cette seule condition que nous pourrons orienter la nôtre autrement.

Ainsi, notre revue de la littérature comportera deux rubriques à savoir les études sur la solidarité et celles sur les coopératives. Néanmoins, dans la rubrique « Etudes sur la solidarité » nous aurons deux volets :

Les études sur la solidarité dans les entreprises et dans les organisations de type communautaires.

En ce qui est de la deuxième rubrique, c'est-à-dire « les études sur les coopératives », elle s'articulera autour de deux axes également.

La solidarité dans les entreprises

Yao Gnabeli R. (1992)6(*), dans son étude sur l'impact de la solidarité et des pratiques funéraires sur les entreprises modernes, a mis en évidence l'influence des pratiques culturelles (solidarité, funérailles) africaines sur un modèle occidental (entreprise) de type capitaliste. En effet, à travers son étude, l'auteur a cherché à comprendre le sens que prend la « transplantation » des pratiques culturelles au sein d'une institution pensée et fabriquée de toutes pièces en dehors du contexte africaniste.

Cette étude nous a permis de voir la cohabitation de deux cultures opposées idéologiquement. (L'africanité et l'occidentalité) qui constituent à première vu un choc culturel. Mais au-delà de ce aspect, il apparaît intéressant de mentionner le mérite qu'a eu l'auteur en focalisant son étude sur cette dimension qui rend compte de la contrainte que présente le culturel sur les institutions de types modernistes. Cependant son étude présente une insuffisance dans la mesure où elle se trouve engagée dans un débat purement culturel et aussi, elle ne nous permet pas de répondre à notre problème de recherche.

Le même auteur, Yao Gnabeli R.(1998)7(*),dans sa thèse, a cette fois-ci abordé le même aspect mais en poussant son analyse pour comprendre le sens caché d'une telle cohabitation des deux entités qui superficiellement présentent des antinomies.

Et l'auteur à la matière s'est bien illustré dans la mesure où il a pu mettre en évidence le fait que l'instauration au sein des entreprises de la solidarité par l'entremise des caisses dites de « solidarité » initiées la plupart du temps par les travailleurs, encouragées et aussi financées en partie par les employeurs ; codirigées par les employeurs et employés ou par les employeurs dans certaines mesures, ne saurait constituer une entrave au fonctionnement de l'entreprise moderne. En effet,la préoccupation de l'auteur,était de comprendre le fait que l'institution capitaliste de type occidental (l'entreprise), c'est-à-dire créée hors du contexte africain et qui est logiquement poussée par la recherche effrénée du profit,puisse accepter d'intégrer la gestion des contraintes d'ordre culturel que représentent la solidarité et les funérailles au sein de leurs organisations quand l'on sait que cela mobilise le capital économique de l'entreprise hormis le salaire que les producteurs directs percevront.

En définitive, à travers l'étude menée par Yao Gnabeli R,il apparaît comme une tentative de conciliation de deux cultures structurellement, symboliquement et idéologiquement opposées. Toutefois,en dépit de son importance,cette étude n'appréhende pas à l'image de la première la question du non remboursement des prêts qui constitue notre problème de recherche.

Gabriel Gagnon (1992)8(*) dans son analyse sur "les nouvelles formes de solidarité dans le monde du travail", met en évidence la naissance et l'évolution d'une forme nouvelle de sociabilité organisée résolument par les travailleurs, les ouvriers,en marge du cadre de travail. C'est en fait un procès que l'auteur fait des sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie nordique. Et toute sa pensée est traduite dans l'assertion suivante : « Aucune société moderne, en effet, ne peut se développer sans formes de solidarité pour servir de lien entre l'individu, la famille et l'Etat. Pourtant,alors que les sociétés communistes de l'Est et la social-démocratie nordique prétendaient nous offrir un modèle achevé de solidarité à proposer aux foules de l'Ouest et de masse affamées du Sud, leur évolution récente nous amène à tout remettre en question ».

Gabriel Gagnon, plus loin dans son article, va se faire plus précis quand il cite l'ethno-sociologue Pierre Bouvier, montre bien « comment la génération d'après-guerre, déçue de la croissance, allergique au travail, préférant les pratiques alternatives où les valeurs d'usage et le troc, l'emportent sur les normes du travail salarié, a été remplacée, depuis 1986 environ  par des individus pour qui le travail n'apparaît donc plus,aux jeunes générations des pays industrialisés,comme une réalité hétéronome en régression à laquelle on devrait sacrifier une partie de moins en moins importante de son temps tout en développant, ailleurs et autrement, dans les sphères de la culture et du cadre de vie, des pratiques autonomes et émancipatoires ».Ce résumé assez « long » de l'étude de Gabriel Gagnon, est une étude assez enrichissante et intéressante car,elle a su mettre en évidence le besoin pour l'espèce humaine qu'elle soit salariée ou non, d'extérioriser sa véritable nature d'être sociable qui se sent dans l'obligation d'exprimer sa solidarité en toutes circonstances de lieux comme l'affirmation de cette riche dimension humaine.

Laurent Bazin et Yao Gnabeli R. (1996)9(*) dans leur rapport font l'état des lieux sur les dépenses consenties par les entreprises ou les employeurs au profit de l'entretien social de leurs partenaires sociaux que sont les ouvriers, les travailleurs ou les producteurs directs.

En effet, ces deux acteurs, dans leur étude ont dressé un tableau des dépenses des entreprises pour le bien-être de leurs employés ; et c'est l'ensemble de ces dépenses qu'ils ont qualifiés de « dépenses sociales » En clair, pour eux,ce sont la mise en place de la politique du personnel, la politique d'aide au logement, les prêts solaires,les caisses d'entraide qui constituent cette typologie des dépenses sociales ;car, en réalité,ces dépenses consenties par les entreprises apparaissent de nos jours comme une contrainte pour le patronat.

Pour nous résumer, nous pourrons dire que cette étude comme celle de Gnabeli Yao R. (1998) soulignent d'un trait la même réalité : L'appropriation sinon la récupération des formes de sociabilités et leur intégration dans la gestion de l'entreprise moderne caractérisée par la recherche maximale du profit et de la rentabilité. Toutes ces études nous ont permis de mesurer la contrainte que représentent les pesanteurs socio-culturelles sur l'entreprise moderne, mais elles ne répondent pas à notre problème de recherche bien qu'elles traitent de la solidarité.

Les études sur la solidarité dans les organisations communautaires

Fatou Sarr (1997)10(*), dans sa thèse de doctorat, a montré comment les femmes issues du secteur informel et parties de presque rien, ont réussi, en mobilisant les logiques d'organisations traditionnelles, à développer des activités qui leur ont permis, non seulement de résoudre leurs problèmes socio-économiques, mais aussi de renforcer leur statut et d'accroître leur pouvoir au sein de la famille et de la communauté. Elle a donc montré comment la production de la solidarité a été l'élément décisif de cette réussite. C'est en effet, grâce à la destruction des structures lignagères en milieu urbain et à la production de solidarités nouvelles que les femmes ont obtenu une plus grande autonomie. Exclues dans leur majorité du crédit bancaire, leurs organisations leur ont permis d'obtenir leur indépendance économique. Cela a entraîné des mutations dans les rapports sociaux au sein de la famille, mais aussi des mutations dans les rapports avec le religieux et le politique.

L'apport de cette recherche se situe au niveau de l'innovation de l'objet de recherche qui ouvre des perspectives de décloisonnement du champ de la recherche en travail social ; car en termes d'intervention, elle démontre la pertinence de passer par, l'économique pour assurer une meilleure participation des pauvres, qui s'appuient sur la réciprocité positive.

Cependant, originale et pertinente qu'elle soit, cette, étude présente une insuffisance dans la mesure où elle s'est profondément engagée dans un débat ou une approche du genre, et cela apparaît comme un travail assez révolutionnaire,car présentant une image trop victimisante de la femme africaine.

Georges Kossi Kenkou (1994)11(*) fait une sérieuse analyse sur les organisations rurales de promotion coopératives. Il postule que ces organisations rurales sont antinomiques aux objectifs de leurs structures d'encadrement et leurs promoteurs. Et toute sa pensée se résume en ceci : « une analyse structurelle de l'organisation interne des groupements ruraux installés par les opérateurs de développement met en évidence l'existence des statuts et des règlements intérieurs, soucieux d'une gestion financière efficace, dans des associations à caractère économique, et préoccupés de l'harmonie sociale dans le cas des associations d'intérêt communautaire.

L'analyse fait ressortir l'absence ou l'insuffisance d'un système de compensation adapté aux préoccupations profondes des participants. Elle permet de constater que l'on sous-estime généralement dans ces groupements le fait que toute organisation coopérative tend à poursuivre des objectifs à la fois économiques et sociaux. L'un des objectifs peut être prédominant, sans pour autant faire disparaître completement les autres. Les expériences de promotion des structures coopératives en Afrique révèlent que l'accent est mis davantage sur l'objectif social ou communautaire, au détriment de l'objectif économique, associé à la recherche de privilèges immédiats résultant d'une appartenance effective à une structure associative définie.

Cet exposé si long qu'il paraisse est d'une extrême importance dans la mesure où il a pu permettre de saisir globalement la pensée de l'auteur qui met à nu le caractère trop communautariste lié à la production des solidarités dans ces organisations communautaires de promotion coopérative. Ainsi, pour Georges Kossi Kenkou, c'est la surproduction des pratiques de solidarité dans ces organisations qui explique leur inefficacité et souvent même leur échec.

Cependant, l'auteur semble ignorer le fait que le phénomène qu'il décrit est le propre du continent africain où la production des normes de sociabilité et des formes de compensations sont les valeurs les mieux partagées. Son regard est trop occidentaliste.

Le même auteur, dans son étude, mentionne un fait qui suscite notre curiosité dans la mesure où il représente même l'objet de notre présente étude : c'est le phénomène de l'existence des systèmes de prêts internes à ces organisations en vue de venir en aide à leurs membres en difficultés sociales.

En effet, pour l'auteur, l'existence de ces formes de sociabilité au sein des organisations coopératives s'inscrit dans les stratégies d'entente et de solidarité de type coutumier qui privilégient les relations personnalisées beaucoup plus que les relations interpersonnelles.

En dépit de son intérêt, cette approche présente des insuffisances dans la mesure où George Kossi Kenkou présente un visage assez optimiste et simpliste du phénomène des prêts qui présente en réalité des problèmes comme les détournements de fonds et le non-remboursement de ces fonds prêtés par les coopérateurs en difficulté.

Approche théorique et pratique de la coopération

« L'observation faite actuellement parmi les coopérateurs presque partout c'est une tendance nette à laisser de côté la théorie et les idées pour se consacrer uniquement aux affaires. Or, c'est là une attitude erronée dès lors que chaque organisation ou institution est fondée, avant toute autre chose, sur les idées et convictions qui sont celles de ses membres. Nous devons, ainsi, voir et percevoir dans les coopératives les notions fondamentales sur lesquelles elles reposent car, c'est d'après ces idées qu'elles orientent leur activité.

La coopération en tant que système socio-économique ne repose pas sur une notion ou une théorie sociale spécifique mais sur tout un ensemble d'idées et de notions telles que la mutualité, l'union des faibles mettant en commun leurs modestes moyens pour créer une force solidaire ;le partage équitable des résultats bons ou mauvais, l'effort personnel librement consenti,l'association entre des personnes aux objectifs communs, la suprématie de l'homme sur l'argent et la non exploitation de l'homme par l'homme.

Bien des gens ont exprimé leur idée essentielle sur l'organisation coopérative par des devises comme : " chacun pour tous et Dieu pour un "

"ni charité,ni profit mais service"" l'union fait la force" , "éliminer les intermédiaires" , "services au prix coûtant", et "des entreprises dont des gens aux revenus modestes sont les maîtres". Le grand réformateur japonais Kagawa, cité par A.F. Laidlaw dans son document présenté au congrès de l'A-CI à Moscou en octobre 1980 appelait le mouvement coopératif « l'économie de la fraternité ».Mais, la notion prépondérante toujours présente dans les sociétés coopératives d'après A.F Laidlaw est la suivante :

" Un groupe de personnes, grand ou petit, engagé dans une action commune fondée sur la démocratie et l'effort propre afin de se livrer des activités économiques ou de services utiles et bénéfiques pour tous ceux qui y sont associés ". »12(*)

Notre façon d'aborder et d'interpréter l'idéologie coopérative rapprochée aux réalités du terrain doit être à la fois large et souple si nous voulons qu'elle puisse cadrer avec de très nombreuses situations sur lesquelles fonctionnent et fonctionneront les coopératives de demain. Cela étant, il nous faut une certaine concordance générale sur ses éléments essentiels et immuables. Autrement dit, quelles sont d'abord les caractéristiques sans lesquelles une organisation ne saurait être considérée comme une coopérative ? Nous pourrions par exemple admettre que la propriété et l'autorité démocratique, forment une de ces caractéristiques essentielles, malgré le manque possible de concordance sur la manière d'interpréter et d'appliquer ce principe. De même, une entreprise qui, pour attirer les investissements fait miroiter la perspective d'un enrichissement illimité ou hors de mesure n'a absolument pas droit à être appelée coopérative.

Une raison qui nous pousse à effacer toute équivoque dans notre idéologie est que certaines personnes qui se sentent imbues d'une mission, à l'instar des coopérateurs colons de jadis sont rarement disposées à s'interroger plus profondément au sujet des convictions qu'elles propagent, certaines qu'elles soient de posséder déjà la foi authentique sans besoin de chercher plus loin. Selon certains de ces adversaires, la coopération serait un système fondé sur de « fausses vertus ».

Il arrive parfois que des facteurs secondaires et extrinsèques interviennent dans le débat sur la nature véritable des coopératives. On peut dire par exemple qu'une entreprise commerciale peut très bien être une coopérative authentique mais que, si elle grandit, elle ne peut plus être considérée vraiment comme telle à partir d'une certaine taille.

Nous soulignons ici que la taille d'une entreprise n'est nullement un élément déterminant, bien que la participation active du sociétariat soit plus difficile dans une grande entreprise. Par exemple , une dizaine de pauvres chasseurs armés de manière rudimentaire et vendant leur gibier en commun peuvent très bien, on a pu constater, créer rapidement une coopérative, mais il en est de même pour six cents chasseurs possédant des armes sophistiquées et du matériel perfectionné. Chacun de ces groupes peut parfaitement constituer une coopérative authentique bien que l'une soit plus difficile et compliquée que l'autre à administrer.

Par conséquent, la taille en soi peut ne pas être l'élément décisif comme nous le développons plus loin.

Les dispositions du droit ou la structure de l'entreprise peuvent aussi parfois déformer la vraie nature d'une coopérative, qui dans son essence est beaucoup plus proche d'une association à but désintéressé que d'une entreprise. Autrement dit, bien qu'une coopérative ait un statut juridique de société ou entreprise, elle trouve sa nature véritable lorsqu'elle fait reposer son activité sur la base de la notion associationniste.

Une entreprise de type classique peut très bien exister et fonctionner depuis son siège de décision éloignée du reste, mais une coopérative n'a pas d'existence véritable loin de son sociétariat. Faisons remarquer aussi que la nature même d'une coopérative modifie un grand nombre de notions et méthodes empruntées à d'autres formes d'entreprises. Une action de société de type capitaliste et une part sociale de coopérative sont deux choses différentes. Dans une entreprise de type classique, des réserves importantes sont annonciatrices de plus-value substantielle, ce qui n'est pas le cas dans une coopérative. Il en va de même des excédents de gestion, de la concurrence, de l'intérêt versé au capital, voire de la publicité. La nature et la vocation des coopératives ont pour effet de donner à tous ces éléments un sens différent, et parfois de les éliminer complètement » (Lokombo Nkaka,1997)13(*). Cette théorie et pratique de la coopération nous a été d'un intérêt inestimable dans la mesure où elle déconstruit la coopérative comme étant un champ essentiellement économique, pour la reconstruire sous l'angle de la solidarité ; et cela cadre bien avec le sens que nous donnons au champ coopératif.

Les études sur les coopératives agricoles

Alain Sissoko (1994)14(*), menait une sérieuse étude sur les groupements à vocation coopérative. En effet, à travers cette étude, l'auteur s'est proposé d'effectuer une étude comparée des GVC (groupement à vocation coopérative) uniques et multiples dans les villages de la région d'Ayamé. De cette analyse sociologique, Alain Sissoko a mis en lumière la structure et le fonctionnement des GVC et de leur relation avec l'environnement dans deux contextes villageois différents ; et il ressort de son étude que « le modèle d'existence de plusieurs groupements dans l'espace villageois devrait être encouragé et non interdit dans la conception des décideurs,par rapport au développement du mouvement coopératif ».Sous ce rapport, il est à mentionner que l'étude menée par Alain Sissoko est d'une importance remarquable, car elle a eu le mérite de poser un problème qui est devenu récurrent dans les structures coopératives : la présence de plusieurs entreprises coopératives sur un même espace territorial, surtout dans le contexte villageois et son influence sur l'avenir de ces structures coopératives.

Cette étude de Alain Sissoko, pour son intérêt manifeste pour les programmes de développement du mouvement coopératif, ne répond toutefois en rien à notre problème de recherche à savoir le non- remboursement des prêts au sein des entités coopératives.

Le même auteur Alain Sissoko (1996)15(*) dans une autre étude sociologique portant sur la vie des structures coopératives, est parti du constat qu' « il se pose en général, au sein des organisations ayant deux décennies d'existence, et qui évoluent aujourd'hui dans un environnement difficile, des problèmes relationnels (entre les coopérateurs et leur organisation ou au niveau des responsables des coopératives) et opérationnels identiques tels que :

§ Le mauvais fonctionnement des organes.

§ Le manque de communication, de transparence et de professionnalisation dans la gestion, de confiance, de fidélité des membres "dans la livraison des produits à leur organisation et d'autonomie ;

§ La faible capitalisation et surface financière de ces structures coopératives et leur faible pouvoir de négociation avec leurs partenaires ;

§ La conception instrumentaliste des GVC chez les coopérateurs.

A la lumière de ce qui précède, il est à noter que l'auteur à travers une étude minutieuse a su mettre à nu les problèmes latents qui structurent le fonctionnement des unités coopératives. A cet effet, il a su mettre en évidence ce climat, cet environnement structurant le fonctionnement et l'existence de ces entreprises.

Toutefois, loin d'ébaucher un penchant de notre problème de recherche, l'auteur s'en est grandement éloigné.

Coulibaly N'za (1994)16(*) dans son étude sur la coopérative agricole en Côte d'Ivoire, met l'accent sur le problème organisationnel et de fonctionnement de ces structures. Pour lui, la coopérative en Côte d'Ivoire est pratiquement incapable d'assumer son rôle parce que pauvre. Elle est confrontée à de multiples difficultés en particulier financières et matérielles. Elle souffre à cause de son mauvais fonctionnement ou de son inorganisation.

Nous pouvons retenir de cette étude qu'elle a été d'une grande importance car elle a su mettre en éveil le problème organisationnel des coopératives qui est un élément catalyseur dans leur survie ou leur disparition. En ce sens, cette étude est une boussole pour les décideurs de ce secteur d'activité. Malgré cet intérêt que revêt cette étude, elle ne nous avance en rien sur le non-remboursement de prêts dans les structures coopératives.

Leon Lokombo Nkaka (1997), dans l'étude réalisée pour l'obtention de la maîtrise en Gestion et Développement des coopératives à l'Université de Sherbroke, a dressé un tableau historique de l'implantation de l'idée de coopération dans les mentalités des indigènes (africains), et comment ce modèle a évolué pour donner lieu de nos jours aux coopératives modernes.

La spécificité de cette étude, c'est qu'elle s'interroge sur l'avenir de la formule coopérative dans le contexte zaïrois. L'essai de Léon

Nkaka fut un coup de maître dans la mesure où il a su faire l'historique de l'implantation des entreprises coopératives en Afrique, comment elles ont évolué et ce qui les caractérise toutes dans le contexte africain. C'est donc une étude qui appelle à la reforme du modèle coopératif en Afrique afin de mieux dynamiser ce secteur porteur d'espoir.

En somme, la plus part des études menées sur les coopératives n'ont fait que privilégier la dimension économique ; c'est ce qui nous conduit à l'appréhender autrement c'est-à-dire sous l'angle de la solidarité.

3- Objectif général et objectifs spécifiques

· Objectif Général

Cette étude vise à appréhender les déterminants sociaux du non remboursement des prêts octroyés par la coopérative " COPHES " 

· Objectifs spécifiques

L'étude vise spécifiquement à :

§ Identifier leurs représentations à l'égard du phénomène coopératif

§ Saisir les idéologies associées aux prêts

§ Décrire et analyser les mécanismes sociaux liés aux prêts.

§ Appréhender les rapports sociaux que les membres de la cophes entretiennent entre eux.

§ Appréhender les rapports sociaux qu'ils entretiennent avec les institutions traditionnelles et modernes.

4- Hypothèse de recherche et modèle d'analyse

· Hypothèse de recherche

Le non remboursement des prêts sociaux s'explique par la perméabilité des normes institutionnelles de ladite coopérative.

· Le modèle d'analyse

Cette étude s'appuiera sur l'hypothèse suivante : le non-remboursement des prêts par les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), est lié à la perméabilité des normes institutionnelles. Le modèle d'analyse quant à lui, consistera à l'opérationnalisation de cette hypothèse. Ainsi, s'articulera-t-il autour de la définition du concept de « perméabilité des normes institutionnelles ».

Bien avant d'opérationnaliser « la perméabilité des normes institutionnelles » il serait intéressant de définir ce que nous entendons ici par « normes institutionnelles »

En effet issue du latin norma « équerre » et, par métaphore, « règle, ligne de conduite », l'on peut appréhender les normes comme étant un précepte d'action régissant la conduite des acteurs sociaux17(*).

Les termes de normes et de normatif, qui entrent dans l'usage au XIXe siècle, ne comportent pas à l'origine de signification univoque. Ainsi, dans son vocabulaire technique et critique de la philosophie (1926), lalande distingue, à l'intérieur du normatif, deux grandes espèces, l'impératif et l'appréciatif : le premier fixe ce qu'il faut faire ou au contraire ne faut pas faire, le second spécifie ce qu'il est bien ou, à l'inverse, mal de penser et de mettre en pratique. Or la sociologie, qui s'est fortement investie dans l'étude des normes, a tendu à envisager essentiellement sous le premier angle, celui de l'impératif ou du prescriptif : la notion de norme désigne classiquement dans cette discipline les règles régissant la conduite des acteurs sociaux. A ce titre, les normes constituent des préceptes d'action pour les membres d'un groupe ou d'une organisation et même, pour les plus générales d'entre elles, d'une société.

Elles ont en ce sens une portée collective : sans acceptation de la part d'une pluralité de personnes et sans application au moins partielle de la règle qu'elle énonce. Les normes correspondent donc en général à des manières d'agir répandues dans une population donnée, mais il faut se garder de les confondre avec de simples régularités statistiques observables dans les comportements, compte tenu de leur caractère prescriptif, auquel est associée l'existence de sanctions positives ou négatives ». (François Chazel)18(*)

Sous ce rapport donc, à travers les « normes institutionnelles » nous nous référons aux règles, aux manières de faire et d'agir sues par les acteurs sociaux issus d'un champ et qui structurent son fonctionnement. Rapportant ce état de fait à notre contexte, c'est-à-dire la coopérative (cophes), ces normes institutionnelles s'appréhendent au travers du statut et règlement de la dite coopérative et l'ensemble des fonctions institutionnelles que remplit la coopérative (esprit d'appartenance au groupe...)

En ce qui concerne la perméabilité des normes institutionnelles elle peut être saisie comme étant le degré de fonctionnement d'une institution conformément aux normes qu'elle s'est prescrites. La passivité dans leur application, rend ces normes perméables.

Ici dans le contexte de la coopérative des planteurs d'hévéas de songon (cophes), la perméabilité des normes institutionnelles s'appréhende à travers l'applicabilité des normes sanctionelles régissant le fonctionnement de l'organisation.

A travers la perméabilité des normes institutionnelles, l'on entend le caractère non rigide que présentent les normes qui régissent cette institution, la souplesse qui caractérise une institution ou une organisation. Ainsi, la perméabilité des normes institutionnelles s'appréhende sous deux dimensions : la dimension structurelle et la dimension institutionnelle.

Au niveau de la dimension structurelle, elle se traduit par la non participation des membres débiteurs aux activités de la coopérative, les livraisons clandestines de leurs productions à d'autres coopératives ; en ce qui concerne la dimension institutionnelle elle se traduit par l'inapplicabilité des sanctions institutionnelles. Ces dimensions sont des indicateurs entre autres de la perméabilité des normes institutionnelles.

5-Cadre paradigmatique

L'habitus est défini par Bourdieu (1980)19(*) lui-même comme « système de dispositions durables et transposables, structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organiseurs de pratiques et de représentations ».

L'approche de Bourdieu est de nature déterministe ; c'est-à-dire que les actions des individus sont déterminées par les structures sociales (entendues comme système de relations qui lient abstraitement les individus).

En effet, comme l'a écrit Claude Dubar (2002)20(*), « chaque acteur social a une histoire, un passé qui pèsent sur ses identités d'acteurs. Il ne se définit pas seulement en fonction de ses partenaires actuels, de ses interactions face à face dans un champ déterminé de pratiques, il se définit aussi en fonction de sa trajectoire sociale. Cette expérience, ramenée à notre contexte, revient donc à dire que les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), sont inscrits dans une logique de réactivation de leur passé ; passé chargé de pratiques sociales, d'habitus acquis au sein des institutions de sociabilité que constitue le cadre familial caractérisé par les rapports avec leurs groupes de pairs et par extension dans la société globale. Or, comme nous savons pertinemment qu'étant membre d'une famille, la société, les individus au cours de leur socialisation, intériorisent des façons de faire, de penser et d'agir.

Sous ce rapport donc, une fois que les individus subissent une mobilité de champ, alors ils intègrent inéluctablement leurs habitus dans leur nouveau champ, comme c'est le cas ici du champ coopératif dont les membres sont des produits et des acteurs sociaux.

Ainsi, la reproduction de l'habitus dans un champ dépend des propriétés structurelles et des différents types de capitaux valorisés dans ce champ.

Car, comme dans les institutions primaires tel que le cadre familial, les liens de sociabilité, de fraternité étaient à un moment de l'évolution sociétale une garantie, une assurance pour tout acteur, à ce titre, les aides de diverses formes (les demandes de prêts, l'assistance spontanée à personne en difficultés sociales...) n'étaient pas soumises à des conditions rigides. Au point où le remboursement ou non des prêts n'obéissait souvent presque pas à des contraintes dans nos sociétés traditionnelles (la solidarité mécanique avec Emile Durkheim).

C'est donc les manières de faire, d'agir et de penser, intériorisées par les acteurs sociaux que sont les coopérateurs de la cophes que ceux-ci tendent à revivifier, à maintenir en survivance dans leurs représentations liées au phénomène coopératif et au système de prêts instauré au sein de la dite association ; ainsi, ces acteurs sociaux en venant en association ; traînent avec eux leur façon de penser d'agir et de faire, épousées au cours de leur socialisation.

Cependant, étant au sein d'une organisation, les membres d'une institution ou d'une entreprise quelconque sont la plupart du temps resocialisés par l'entremise de la culture de cette entité organisationnelle, ce qui au demeurant empêche les individus d'extérioriser leur habitus sociétal et à fonctionner selon les normes régissant leur nouveau champ d'intégration. Toutefois, lorsque les normes viennent à faiblir, alors les acteurs sociaux re-inventent ou réactualisent leur passé chargé idéologiquement, qu'ils transposent au sein de leur nouveau champ d'appartenance (champ coopératif, une association, une organisation).

6- Cadre Méthodologique

1- Délimitation du champ de l'étude

Dans toute recherche caractérisée de scientifique, il est impérieux que le chercheur puisse délimiter le champ de l'étude qu'il mène, et cela est une étape de la norme méthodologique. Sociologiquement, le champ renvoie à un espace social structuré de positionnement des acteurs. Sous ce rapport, nous sommes amenés à délimiter la présente étude à trois champs à savoir :

· Le champ géographique

· Le champ social

· Le champ sociologique

Ø Champ géographique

Le village de M'Brathé est géographiquement situé au sud de la Côte d'Ivoire. Il fait partie des nombreux villages composant la sous-préfecture de songon, qui, elle (sous-préfecture) se trouve rattachée au District d'Abidjan depuis l'année 2001.

En effet, cette sous-préfecture prend sa source après la commune de Niangon pour s'étendre à plusieurs villages dont Songon-Agban ;Songon-Kassemble,Songon-Dagbe ;Adtapodoume ; Adiapoto ;Abadjin Kouté et bien d'autres comme M'Brathé. C'est donc dans cette sous-prefecture que se situe M'Brathé, village d'autochtones Ebriés ou Atchan. C'est un village de mille cinq cents âmes (1500).Les activités économiques sont essentiellement reparties entre l'agriculture et la pêche. En ce qui concerne les femmes, elles se contentent de la production de l'Attieké21(*)

Dès l'hors, le champ géographique prend un sens ici, dans la mesure où il sert de cadre physique abritant la coopérative des planteurs d'hévéa de songon "COPHES" qui est l'objet de notre étude. Néanmoins, hormis le champ géographique, il apparaît tout aussi important de faire le tour d'horizon sur le champ qui apparaît tout aussi nécessaire que le précédent.

Ø Champ social

Le champ social de ce travail prend en compte les coopératives au sein desquelles, ce problème de non-remboursement de prêts sociaux semble structurer le fonctionnement.

Toutefois, pour la réalisabilité de cette étude, nous nous sommes apésantis sur le cas de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) où ce phénomène est devenu une réalité. Ainsi, avons-nous interrogé le président de ladite coopérative et son vice président ainsi que les membres de la cophes. Le choix du président de la structure tient du fait qu'il est le premier responsable de l'organisation et aussi son statut de premier président de cette coopérative depuis sa création ont été déterminants pour nous dans la mesure où il se trouve être la personne ressource pour répondre à nos préoccupations ; le choix des membres de la cophes trouve son explication dans le fait que ce sont eux les acteurs sociaux vivant ce phénomène et le pratiquant. Les interroger, pourrait nous être d'une importance inestimable.

Ø Champ sociologique

La nature du problème que nous voulons traiter dans cette recherche impose que nous définissions clairement le champ de connaissance dans lequel nous comptons l'inscrire.

Ainsi, tenter d'appréhender « le non-remboursement des prêts octroyés par la "cophes" à ses membres, relève de la socio-Anthropologie des organisations.

En effet, nous considérons l'espace coopératif certes comme un espace associatif, mais aussi et surtout comme une organisation dans la mesure où elle obéit à une structuration de type hiérarchique, chaque membre y joue sa partition pour la survie de cette entité. C'est donc un champ dans lequel, l'action individuelle ou collective des membres est déterminante pour son fonctionnement.

Les champs d'étude étant délimités, il serait maintenant loisible de nous focaliser sur les instruments ayant servi à la collecte des données du terrain.

7- Les instruments de collecte des données

Dans sa quête de vérité scientifique, le chercheur est amené à se soumettre à diverses épreuves au nombre desquelles, il serait intéressant de mentionner la consultation documentaire, les entretiens.

1- La recherche documentaire

Les documents sont pour le chercheur en sciences sociales ce qu'est une boussole pour le voyageur ou l'aventurier. En ce sens que comme l'aventurier ou le voyageur, le chercheur en sciences sociales est amené à s'interroger sur ce sur quoi il compte mener sa recherche, comment l'orienter,comment ses contemporains l'ont abordé (car nous sommes nés dans un monde déjà vieux),sous quel angle ?

Ainsi, dans la quête d'informations en rapport avec le thème que nous traitons, sommes nous retrouvés successivement dans le centre documentaire de l'institut de recherche pour le Développement (IRD) ; la bibliothèque de l'institut d'Ethno-sociologie. Pour donc renforcer la documentation des deux centres, nous avons également eu recours à la « documentation numérique ».

Hormis, cette technique de recherche incontournable dans toutes recherches scientifiques, l'apport d'une autre technique beaucoup prisée en sciences sociales nous a été d'une nécessité indéniable ; il s'agit de l'entretien.

2- Les Entretiens

· Entretiens Exploratoires

Dans le processus menant à la recherche scientifique, le chercheur, dans le souci de mesurer la portée de son objet d'étude se trouve dans l'obligation de faire ses premiers pas sur son champ d'étude afin de juger la faisabilité ou non de son étude ; pour ce faire, nous avons eu recours aux entretiens exploratoires comme à la quête de problème de recherche. Ces entretiens exploratoires nous ont été utiles dans la mesure où ils nous ont permis de prendre contact avec le terrain afin de nous frotter à ses réalités et de nous imprégner de la vie en coopérative des membres de la "COPHES".

· Entretiens d'enquête

Ensuite, viennent les entretiens proprement dits. Ainsi, avons-nous fait usage d'un guide d'entretien élaboré en fonction de nos objectifs. Nous avons privilégié exactement l'entretien semi-directif. Celui-ci a pour but de laisser libre cours aux enquêtés de s'exprimer librement, et de relancer les questions pour comprendre en profondeur les motivations des actions, mais tout en ne perdant pas de vue les objectifs de notre recherche. Sous ce rapport donc, l'utilisation de cette technique nous a permis d'appréhender les représentations que les acteurs en question se font du champ social dans lequel ils évoluent (le champ coopératif), ainsi les idéologies associées aux prêts.

En outre, l'usage de cet excellent instrument trouve ainsi sa justification dans le fait que nous voulons donner à notre étude, une orientation essentiellement qualitative.

3- Techniques d'échantillonnage

Pour la constitution de notre échantillon nous avons fait usage de deux techniques conjointes : l'échantillonnage en « boule de neige » appelé aussi échantillonnage par « réseaux » et l'échantillonnage aléatoire. Ainsi le choix de l'échantillonnage en boule de neige ou par réseaux est obtenu sur la base d'un choix raisonné, donc de convenance. Elle consiste à choisir un noyau auquel s'ajoutent tous ceux qui sont en relation (de travail, d'affaire, d'amitié etc.) avec eux et ainsi de suite. On se fonde donc sur les réseaux d'où l'expression « par réseaux ».Ramenant ce fait à notre contexte, c'est-à-dire à la cophes, c'est par l'entremise de certains membres, (selon leur ancienneté dans ladite coopérative) que nous avons pu avoir accès aux autres (les plus anciens également) ; car, cela était d'une importance pour nous dans la mesure où la question du non-remboursement des prêts sociaux à la cophes concerne plus pour ne pas dire essentiellement cette catégorie de personnes.

En ce qui concerne l'échantillonnage aléatoire, il a consisté à considérer l'ensemble des acteurs sociaux de la cophes (c'est-à-dire tous les membres anciens comme nouveaux).Ce choix résulte du fait que nous avons voulu donner la chance à cette population d'être interrogée sans discrimination.

Dans le cadre de notre étude, il nous a été utile dans la mesure où en ce qui concerne les représentations sociales associées au phénomène coopératif et au système de prêts sociaux, mais aussi les prêts actuellement en cours auprès de la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon CMEC) concerne l'ensemble des coopérateurs

4- Techniques de traitements des données

· Le dépouillement

Selon Barthélemy Comoé Krou, le dépouillement consiste à regrouper les réponses identiques à un même caractère ou une même modalité de manifestation, afin de rendre la description, l'analyse et l'exploitation. Notre dépouillement s'est déroulé de façon manuelle. Il a consisté à recueillir les données lors de notre enquête selon leur convergence relativement à notre hypothèse de travail et nos objectifs.

En effet, après avoir rassemblé l'ensemble des entretiens, nous avons procédé à une codification de ceux-ci (par exemple :E-001 ; E-002 ;etc.)

Cette opération avait pour but de faire en sorte d'isoler chacun des entretiens pour nécessité d'analyse. Puis nous avons entamé une lecture minutieuse entretien par entretien afin d'identifier les thèmes récurrents, mettant l'accent dans chaque entretien sur les données particulière du discours de l'enquêté pouvant nous aider à la confrontation à l'hypothèse de recherche et à atteindre les objectifs visés par l'étude. Afin de garder l'anonymat des personnes citées à titre illustratif, nous avons aussi utilisé des lettres alphabétiques (Par exemple M .O.; M.R. ;M.B. ;M.Y. ;M.N. ;etc.)

Le dépouillement manuel n'a été qu'une opération préliminaire du traitement des données puisque après le dépouillement manuel nous avons procédé à une analyse du contenu des discours.

· L'analyse de contenu

L'analyse de contenu apparaît en sciences sociales et humaines comme technique de recherche primordiale et généralement beaucoup utilisé pour sa qualité.

En ce qui concerne notre mémoire, nous l'avons utilisé en ce sens qu'elle est un instrument puissant de recherche du sens latent des discours des acteurs inscrits dans le champ social.

Ainsi, nous permettra-t-elle selon Aktouf Oumar, de « dégager le contenu non directement perceptible, le latent qui se cache derrière le manifeste ou le littéraire ».Cette technique nous a permis de mettre en évidence les représentations que les acteurs, c'est-à-dire les membres de la coopérative

" COPHES " associent au phénomène coopératif ; et dans une large mesure au système de prêts sociaux instauré. Pour ce faire, en vue d'atteindre nos objectifs, nous avons procédé à une lecture sélective et orientée des discours des acteurs, ce faisant c'est l'analyse thématique que nous avons choisie. Ainsi, s'agit-il pour nous d'identifier dans les entretiens, les différents thèmes récurrents et pertinents qui feront objet d'analyse. Ce choix ce justifie par le fait que l'analyse de contenu thématique permet de ressortir les unités de sens autour desquelles se structurent les discours des acteurs sociaux.

8- Les conditions sociales de déroulement de l'enquête

Les relations d'enquête entre l'enquêteur ou le chercheur et son terrain, aux interviewés est une étape charnière dans le processus de la recherche scientifique. Ainsi, dans sa quête d'informations, le chercheur est forcement soumis aux réalités de son terrain qui déterminent le plus souvent la faisabilité ou non de son étude. Mais face à cette situation, il appartient au chercheur de faire preuve de la maîtrise de l'environnement de l'enquête tout en mettant à l'épreuve sa compétence, et c'est tout cela qui donne un sens à la recherche scientifique.

En ce qui concerne notre travail, nous avons été également confrontés à nombre de difficultés .D'abord, nous avons été mis à l'épreuve face à la réticence de certains enquêtés qui ont refusé de se soumettre à notre interrogatoire, malgré le fait que nous nous soyons évertués à leur expliquer le bien fondé de cette recherche.

Ensuite, l'indisponibilité permanente des coopérateurs a constitué en quelque sorte une autre dimension des difficultés de l'enquête. Pour remédier à cette situation, qui tendait à freiner l'évolution de notre enquête, nous avons été amenés à prendre rendez-vous avec eux à l'heure qu'ils trouvaient raisonnable. Et cette situation a fortement eu un impact sur la durée de notre enquête qui s'est effectuée en deux semaines et demi.

Sous ce rapport, nous avons eu à interroger au total une trentaine de membres (30) répartis comme suit :

· 15 membres selon leur ancienneté au sein de la coopérative.

· 15 autres membres en fonction de leur récente adhésion à la coopérative.

Cette classification s'est faite sans toutefois prendre en compte le president de la coopérative et son vice-président que nous avons également interrogés.

DEUXIEME PARTIE

PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE

CHAPITRE I

PRESENTATION DE LA COPHES

1- HISTORIQUE

C'est en se référant aux lois sur les coopératives en vigueur en Côte d'Ivoire, c'est-à-dire la première loi n°66-251 du 5 Août 1966 qui initie le G.V.C, à la loi n°97-721 du 23 Décembre 1997 et le décret n°98-257 du 3 juin 1998, que s'est tenue dans le village de Songon-M'Brathé le 29 juin 2003 à quinze heures (15h) l'assemblée constitutive de la coopérative dudit village.

C'est donc au cours de cette assemblée constitutive qu'est née la coopérative des planteurs d'hévéa de Songon M'Brathé (Communément appelée COPHES).

Ainsi, pour son fonctionnement, la coopérative des planteurs de Songon-M'Brathé s'étend géographiquement à tous les villages de Songon. C'est-à-dire que l'adhésion à cette coopérative n'est pas que du ressort des membres de m'Brathé. Cependant, la dénomination de Songon -M'Brathé résulte du fait que c'est le village de Songon -M'Brathé qui en est l'instigatrice et aussi, qui abrite la coopérative ; c'est en fait le siège de la cophes. C'est pourquoi, parmi les membres de la cophes se trouvent des ressortissants des villages voisins qui y ont adhéré librement.

2- Les membres de la cophes

En ce qui concerne les membres de la cophes, il y a lieu de mentionner qu'ils sont en majorité ressortissants de M'Brathé. Ils sont composés de fonctionnaires, de salariés du privé à la retraite, de libéraux du secteur informel et des paysans dans l'ensemble.

Ce qui fait que l'on estime les membres de la cophes à plus de 120 (chiffres variable) en raison des démissions et de nouvelles adhésions.

3- Les objectifs de la cophes

Comme toute organisation soucieuse de son fonctionnement, la cophes s'est fixée également des objectifs que sont :

· La production et la commercialisation des produits agricoles tel l'hévéa

· L'acquisition pour le compte de ses adhérents d'équipements matériels, véhicules et autres objets nécessaires à l'exercice de leurs activités.

· Le regroupement dans une même enceinte des produits appartenant à ses adhérents, ou faire des livraisons au lieu d'achat au non de la coopérative ; les ventes individuelles étant interdites.

· La construction, l'acquisition ou la location des locaux nécessaires à ses activités.

4- Les acquis de la cophes

Nous entendons par « acquis », évoquer tout ce que la coopérative a pu réaliser, faire pour son fonctionnement harmonieux.

Ainsi parmi ces acquis, nous notons :

· La coopérative des planteurs d'hévéa de songon-M'Brathé à pu se doter d'un camion de collecte des produits de ses membres.

· L'acquisition d'un siège

· L'ouverture d'un compte bancaire au nom de la coopérative à la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de Songon (C.M.E.C) depuis l'an 2003

· L'acquisition d'un magasin agricole ( cf statut de la coopérative)

5- Les actions de la cophes à l'endroit de ses membres

Toute entreprise ou organisation, dans le but de créer la motivation chez ses sociétaires ou membres, met en place une politique sociale. La cophes étant une organisation, n'a pas échappé à cette logique.

Ainsi, a-t-elle initié un système de récompense de ses membres à la fin de chaque année civile précisément en décembre. Ce système qu'il est admis d'appeler « ristournes » dans le jargon des coopératives, consiste à faire des prélèvements sur la production des coopérateurs (sur le kilogramme) ; et ce sur une période d'un an. Ce prélèvement fait sera redistribué sous forme de récompense aux membres de la coopérative comme pour leur signifier la reconnaissance par la coopérative de leur fidélité aux idéaux et aux normes institutionnelles du champ coopératif. Ainsi, à la fin de chaque année, une part est versée à chaque membre et selon un critère d'équité et non discriminatoire consistant à bénéficier des fonds selon le tonnage annuel individuel.

Aussi, en ce qui est de la compagnie du Caoutchouc du PAKIDIE de Dabou (compagnie à laquelle la cophes livre toutes ses productions avec la complicité de la coopérative bien entendu octroie également des fonds dits « primes de fidélité aux membre de la cophes à la fin de chaque année comme pour sceller durablement leur coopération.

6- L'organisation De La Cophes

L'esprit sociologique dans lequel nous comptons inscrit l'organisation et l'organigramme de la cophes, n'a rien de la façon communément admise par plusieurs autres disciplines quand il s'agit de présenter une structure ou une entité organisationnelle. En ce qui nous concerne, en présentant l'organisation et l'organigramme de la cophes, nous avons à l'esprit de mettre en évidence les composantes d'une entité organisationnelle avec ses agents sociaux ayant chacun une tache, un statut, un rôle selon un même objectif et qui sont en interaction mutuelle et quotidienne ; dont la somme des interactions participe à la dynamique et au fonctionnement de l'organisation, c'est-à-dire la coopérative. Car,il serait sociologiquement incorrect d'étudier un champ social sans songer à l'inscrire dans une dynamique relationnelle.

La cophes est organisée de la façon suivante :

· L'Assemblée Générale (instance- mère)

· Le bureau exécutif

· Un président

· Un vice président

· Un secrétaire général

· Un secrétaire général adjoint

· Un trésorier

· Un trésorier adjoint

· Un commissaire aux comptes

Il serait intéressant de mentionner que le commissaire aux comptes dépend directement de l'Assemblée Générale. Le commissaire aux comptes ne fait pas partie des membres de la coopérative

7- Organigramme

Assemblée Générale Commissariat aux comptes

Conseil d'administration

Bureau exécutif

CHAPITRE II

COMMENTAIRE DE L'ORGANISATION ET DE L'ORGANIGRAMME DE LA COPHES

1- Commentaire de l'organisation

· Le président : Le symbole de la coopérative

Le président est élu par les membres du conseil d'administration conformément aux statuts de la coopérative ; il représente la coopérative dans tous les actes de la vie civile et auprès des autorités publiques. Il agit dans le cadre des décisions prises par le conseil d'administration. Le président convoque les réunions d'assemblée générale et du conseil d'administration et les préside.

· Le vice- président

Il a les mêmes attributions que le président de la coopérative. Son intervention n'est nécessaire qu'en cas d'absence ou d'empêchement du président. Aussi, il est susceptible de remplacer le président de la coopérative dans ses fonctions ou à défaut un administrateur ou encore à défaut un membre élu par l'assemblée générale.

· Le secrétaire général : intermédiaire entre le président et les membres de la coopérative

Le secrétaire général a pour fonction d'aider le président dans ses tâches. Par exemple, les procès-verbaux sont constatés et signés par le président et le secrétaire .Lors des séances en assemblée générale ordinaire ou extraordinaire,c'est le secrétaire qui est chargé de lire et de présenter l'ordre du jour à l'assemblée ;après quoi, le président procède à l'exposé. Il est donc l'intermédiaire entre le président et les membres de la coopérative.

· Le secrétaire général adjoint

Il exerce les mêmes fonctions que le secrétaire général. Mais, il intervient qu'en cas d'indisponibilité du secrétaire général, en cas de son absence.

· Le trésorier : la construction sociale du rapport à l'économie

Il est celui même qui représente le « coffre-fort » de la coopérative. Le trésorier est désigné par le conseil d'administration en référence au critère de moralité et aussi le critère de la compétence. Le trésorier est cette personne qui est chargée de veiller sur les fonds, les avoirs de la coopérative. Lorsque la coopérative s'engage à faire des dépenses, c'est le trésorier qui est immédiatement contacté pour le décaissement de ses fonds .C'est en fait le gestionnaire financier. Son Adjoint, c'est-à-dire le trésorier adjoint a les mêmes attributions que lui. Il n'intervient également qu'en cas d'empêchement, d'absence ou d'indisponibilité du trésorier général.

2- Commentaire de l'organigramme de la cophes

· L'Assemblée générale : une idéologie d'instance-mère

C'est l'organe suprême. Elle est composée de l'ensemble des coopérateurs ayant libéré leur part social ou leurs délégués. Elle a pouvoir de décision.Les décisions sont prises au cours des Assemblées générales ordinaires ( A.G.O) en Assemblée générale extraordinaire (A.G.E).

· Le conseil d'administration : la construction sociale d'une gestion

C'est l'organe de gestion et d'administration de la coopérative. Il est composé au moins de trois membres élus au cours de l'assemblée générale. Les fonctions d'administrateur sont gratuites. Le conseil d'administration a pour rôle de :

Ø Définir les grandes orientations de la coopérative

Ø Approuver les budgets

Ø Adopter les programmes d'activités annuelles

Ø Nommer et révoquer le gérant

Ø Rendre compte à l'Assemblée générale

Ø Décider à titre provisoire l'admission ou l'exclusion des membres

Ø Convoquer l'Assemblée générale annuelle

Ø Prendre toutes mesures nécessaires à la sauvegarde des biens de la coopérative 

Ø Assurer la représentation de la coopérative

Ø Evaluer le gérant en fin d'exercice

D'une manière générale, le conseil d'administration exécute les décisions de l'Assemblée générale.

· Le commissaire aux comptes : un acteur social construit comme "neutre"

Il répond aux dispositions de l'article 22 de la loi 97-721.Il a pour rôle d'assurer le contrôle, la sincérité et la régularité des différentes valeurs et les livres de la coopérative. Il est élu pour une période de trois ans non renouvelables en dehors des membres de la coopérative. Il rend compte à l'Assemblée générale ;la délibération est nulle si elle n'a pas été précédée par la lecture du rapport du commissaire aux comptes. Les commissaires aux comptes ne peuvent être ni des membres de la coopérative, ni des parents, alliés,salariés ou associés des administrateurs, du directeur et du gérant de la coopérative, ni des salariés de la coopérative,ni des personnes ayant exercé des fonctions d'administrateurs ou directeurs de la coopérative depuis moins de deux ans.

Conclusion Partielle

Au terme de la présentation de l'organisation et de l'organigramme de la cophes, nous pourrons retenir que « parler globalement d'organisations serait insuffisant si l'on ne cherchait pas à comprendre les comportements des individus et des groupes qui en font partie et les façonnent »22(*). Ainsi, présenter la coopérative des planteurs d'hévéa de songon, ne saurait faire l'économie de montrer à travers son organisation et son organigramme sans toute fois avoir le flair sociologique de mettre en évidence les différentes interactions entre les agents sociaux inscrits au sein de ladite organisation ; dans leurs rôles, leurs statuts, leurs responsabilités et dont la somme a une influence sur son fonctionnement et sa dynamique. Ainsi, nous pouvons dire qu'une organisation se lit au-delà de sa dimension figée, c'est-à-dire qu'il est donné de voir immédiatement. En clair, ce sont les actions, les relations latentes entre les membres, qu'il faille ressortir pour comprendre les modalités de structuration et de fonctionnement et dont dépend la dynamique.

TROISIEME PARTIE

TERRAIN ET ANALYSES

Les deux premières parties de notre analyse et interprétation des données seront consacrées à l'analyse des logiques relatives à l'adhésion des paysans à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes). En effet, ces logiques, sont en fait des matrices qui traduisent leurs représentations du phénomène.

Car, les représentations sociales sont un domaine en expansion dans toutes les sciences sociales et humaines (psychologie, psychologie sociale, sociologie, linguistique, économie, sciences des religions, qui les conceptualisent à leur manière. Dans la mesure où les humains partagent l'existence avec leurs semblables, les représentations sociales sont importantes et offrent des éléments pour nommer et définir ensemble des différents aspects de la réalité quotidienne afin de les interpréter et de les ratifier.

Elles peuvent créer des convergences et des conflits .C'est pourquoi, on peut les concevoir comme « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourent à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989 :36). Cette définition englobante montre que l'on est en présence des phénomènes activés et agissants de la vie sociale.

Cette perspective fait ressortir les représentations sociales du champ coopératif comme système d'interprétation qui régit les relations des acteurs au monde et aux autres, oriente et justifie, organise les conduites, les motivations et les stratégies. On peut retenir que, se représenter la coopérative, c'est créer un acte de pensée par lequel les acteurs sociaux se rapportent aux activités qu'ils développent. Les représentations sociales du champ coopératif au sein d'une société paysanne apparaissent comme une totalité signifiante en rapport avec leur quotidien.

SECTION 1 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AU PHENOMENE COOPERATIF.

CHAPITRE I

ESPACE COOPERATIF COMME UNE CURIOSITE POUR LES ADHERENTS

A la question de savoir s'ils ont une expérience coopérative c'est-à-dire s'ils sont dotés d'un habitus coopératif, les membres de la cophes ont répondu dans leur majorité qu'ils sont à leurs premières expériences, aussi, disent-ils voir se développer des coopératives, mais qu'ils n'y avaient jamais adhéré. Car en réalité, les agents sociaux que représentent les coopérateurs sont extérieur au champ coopératif qui lui-même est un modèle de groupement qui est conçu hors du contexte africain (c'est-à-dire en occident) et importé de facto en Afrique en général lors de la colonisation avec l'avènement des sociétés dites indigènes. Même si de nos jours c'est-à-dire avec l'indépendance, les Etats modernes africanistes ont réorienté la formule coopérative dans une optique dévelopementaliste. Il est clair à cet effet que les agents sociaux (membres de la cophes) étant étrangers à ce nouveau champ qu'est l'espace coopératif, sont des acteurs désarmés « outillement », c'est-à-dire qu'ils ne sont nullement dotés d'habitus coopératif. Car selon Pierre Bourdieu, « le principe de l'action historique, celle de l'artiste, du savant ou du gouvernement comme celle de l'ouvrier ou du petit fonctionnaire, n'est pas un sujet qui s'affronterait à la société comme un objet constitué dans l'extériorité. Il ne réside pas ni dans la conscience ni dans les choses mais dans la relation entre deux états du social, c'est-à-dire l'histoire objectivée dans les choses, sous forme d'institution et l'histoire incarnée dans les corps, sous forme de ce système de disposition durable que j'appelle habitus.

L'habitus, ce sont en quelque sorte les structures sociales de notre subjectivité, ce qui se constitue d'abord au travers de nos premières expériences (habitus primaire), puis de notre vie d'adulte (habitus secondaires. C'est la façon dont les structures sociales s'impriment dans nos têtes et nos corps par intériorisation de l'extériorité.

Elles sont à notre sens chargées d'idéologies et de représentations qui structurent ce comportement. Car, étant des nouveaux arrivants dans un champ auquel ils ne sont guère habitués, un champ qu'ils découvrent, y intègrent avec leurs façons de faire et leur habitus hérités de leur vécu quotidien.

C'est pourquoi, les propos de M.O sont révélateurs : « j'ai entendu parler des coopératives, mais je n'y avais jamais adhéré ! C'est pourquoi, cette fois-ci je suis venu voir ce qu'il y a dedans »

Comme il est donné de constater, le besoin de découvrir l'espace coopératif se fait avec un arrière-plan ; celui de venir confronter ce qu'il a entendu dire des coopératives à l'empirisme, c'est-à-dire à l'observable, la réalité. Aussi, à travers ces propos, l'on comprend aisément le désir pour les membres de passer en comparaison leur vécu quotidien, au sein de l'espace villageois avec le nouveau champ d'intégration qu'est la coopérative. Sous ce rapport, le désir de découvrir le champ associatif symbolisé par la coopérative se trouve être justifié dans la mesure où en même temps que les acteurs se présentent comme des « curieux sociaux », ils protègent solidement le motif de leur curiosité qui n'aura une réponse qu'avec ce que l'espace coopératif pourrait leur apporter de nouveau.

CHAPITRE II

L'ESPACE COOPERATIF COMME LIEU DE REPONSE AU MANQUE SOCIAL DES MEMBRES

1- Logique économique

Tout acteur social qui intègre un champ est d'abord guidé par un souci de rationalité. Car le mobile essentiel à toute activité humaine est l'intérêt personnel. On voit apparaître un principe affectif voire psychologique qui définit l'unique finalité de l'activité économique, l'homme n'obéit qu'à la raison qui donne corps à la rationalité.

Ce postulat renvoie à l'utilisation de la causalité formelle de Descartes, le sujet réfléchit sur ses choix ; ce sujet est universel, l'intérêt personnel et la rationalité, sont des régularités permanentes en tout temps et en tout lieu ; il est parfaitement informé, ayant connaissance des conséquences de toutes les opportunités d'action qui lui sont offertes (Gabriel Gbénou, 2000,72)23(*).

Rapportant ce principe à notre contexte, il est important de mentionner que cela tend à se vérifier. Car, les interrogeant sur les raisons de leur adhésion à la cophes, la plupart de nos enquêtés nous ont révélé que c'est pour bénéficier des avantages que procure l'appartenance à un groupe social. Et à ce titre, les propos de M.R se font de plus en plus précis : « En ce qui me concerne, j'ai décidé d'adhérer à la cophes parce qu'étant seul, je souffrais beaucoup pour écouler mes productions, car cela me revenait vraiment cher. Or, lorsqu'on est en groupe, c'est plus facile et très intéressant, car on bénéficie de beaucoup d'avantages ».

Ces propos nous donnent de percevoir que même si les coopérateurs sont en quelques sorte de « vrais touristes » dans un champ qu'ils découvrent ou qu'ils comptent découvrir véritablement, ils n'en sont pas moins dépourvus de rationalité. Car, en réalité, le désir d'intégrer le champ coopératif répond à une logique utilitaire ou économique. Les acteurs intègrent ainsi la structure coopérative, espèrent avoir trouvé une stratégie pour souffler économiquement. Etant donc conscients du fait que l'écoulement individualisant des productions nécessite un coût onéreux qu'ils ne sont plus prêts à assumer même si cela relève d'un bien individuel. Ce faisant, les membres de la cophes construisent leur adhésion à l'entreprise par le capital économique. Car, pensent-ils qu'en procédant ainsi, ils pourraient supporter les dépenses du transport car se faisant collectivement. C'est alors à cette condition qu'ils pourront maximiser leur capital économique en minimisant le coût du transport.

Les propos de M.R bien que nous révélant la dimension économique guidant l'adhésion des membres à ladite coopérative, nous montrent une autre face cachée de la réalité : La logique symbolique et idéologique.

2 - La logique symbolique et idéologique

Adhérer à la cophes, représente beaucoup pour les membres de l'entité coopérative. Car, en réalité, le faisant, ils comptent ainsi trouver une réponse satisfaisante à leur « angoisse sociale », à leur « manque social ». Ce qui veut dire sociologiquement que l'adhésion des membres de la cophes à leur structure a été motivée par ces derniers à trouver en la coopérative un cadre de liens sociaux forts. De ce fait, la structure coopérative apparaît pour les coopérateurs comme un tuteur auprès duquel, ils pourront se sentir en sécurité pas de façon structurelle ou physique ou perceptible empiriquement, mais une sécurité morale, psychologique, idéologique et symbolique à la fois.

Cette sécurité elle-même se caractérisant par la capacité pour la coopérative d'apporter assistance de tous ordres à ses membres (assistance financière, matérielle, immatérielle...)

Les expériences de M.Y viennent aussi renforcer cet état de fait : « Lorsque tu appartiens à un groupe, en cas de difficulté, ce groupe ne peut pas t'abandonner ; il te vient toujours en aide. C'est la raison pour laquelle j'ai adhéré à la cophes » Ces propos traduisent sociologiquement le fait que les paysans adhèrent à la coopérative plus pour lui en retirer quelque chose qu'en lui en apporter. Ainsi, le besoin d'appartenance à un groupe, le confiage de son sort à un groupe, le besoin d'assistance mutuelle et la quête de la solidarité quelle qu'en soit sa forme (structurelle, idéologique, symbolique) sont ce à quoi les coopérateurs s'attendent en adhérant à cette entreprise.

Vu sous cet angle, il est donné de constater aisément que c'est la recherche effrénée de paternalisme qui les amène à la coopérative même si le facteur utilitariste ou économique n'est pas à négliger dans ces circonstances.

Cet état de fait place du coup les coopérateurs sous « protectorat » de la coopérative ; ladite coopérative qui, au demeurant devient à part entière l'interlocutrice de ces acteurs sociaux (coopérateurs). Car, les liens sociaux sont des formes qui tiennent l'individu à des groupes sociaux et à la société.

Conclusion partielle

A travers cette partie de l'analyse des données du terrain, nous avons tenté d'appréhender une vision globalisante des représentations sociales associées par les coopérateurs au phénomène coopératif voire de la coopération. Ainsi, par l'entremise de ces représentations, nous avons pu avoir une orientation de ce qui motive leur adhésion, leur entrée dans ce champ social qu'est la coopérative (cophes).

SECTION 2 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AUX PRETS SOCIAUX OCTROYES PAR LA COPHES

Cette deuxième partie de l'analyse et l'interprétation des données sera elle aussi consacrée comme la première à l'analyse des représentations que les acteurs sociaux, c'est-à-dire les membres de la cophes ont, ou se font du système de prêts instauré au sein de la dite coopérative ; Ces prêts qui dans leur forme sont la manifestation de la solidarité structurelle. Evaluer les représentations sociales associées aux prêts octroyés sera d'une grande importance dans la mesure où elle nous permettra de saisir à travers ces représentations, comment le rapport à la coopérative est construit socialement.

CHAPITRE I

LES PRETS COMME SOURCE DE MAINTIEN DES ADHERENTS DANS LA COOPERATIVE.

La cophes comme toute organisation soucieuse du bien- être de ses membres, a instauré un système de prêts sociaux aux coopérateurs en difficultés sociales (évènements malheureux, évènements heureux ou autres besoins...) Cet acte s'inscrit dans une sorte de politique sociale de ladite coopérative. Quant aux coopérateurs, les premiers bénéficiaires, le sens qu'ils donnent à cette action est aux antipodes de la visée de la logique coopérative.

Lors de nos enquêtes, quand nous avons cherché à savoir le sens ou la représentation que ces acteurs sociaux donnent à l'instauration des prêts au sein de la structure coopérative, nous leur avons posé la question de savoir : « le fait que la cophes ait instauré un système d'entraide à ses membres en difficultés sociales, qu'est-ce qu'ils en pensent ? ». Nos enquêtés dans leur majorité ont révélé que ce fait est une chose à encourager et à pérenniser.

Cette dimension de leur avis, n'est pas alarmante et ne suscite pas des interrogations dans la mesure où tout acteur social quel qu'il soit, quelque soit son statut social, ses responsabilités sociales, ne peut qu'encourager une action menée en sa faveur. C'est donc de la façon la plus simple qu'ils ont répondu à cette question.

Ainsi, quant à la question de savoir, « Quelle serait leur réaction si les prêts n'avaient pas été instaurés au sein de la coopérative », les membres de la cophes (les personnes interrogées bien entendu), ont marqué leur désapprobation.

Et ils se font plus clairs à travers ces propos « vraiment, si on faisait pas de prêts, ce serait réellement difficile pour nous ! Car, en réalité, les prêts sont quand même importants pour attirer et maintenir les gens dans la coopérative ». A la lumière donc de ces propos qui en eux-mêmes revêtent un intérêt sociologique, la représentation ou le sens que les membres de la cophes donnent à ces actions sociales (prêts), signifie que leur adhésion, leur attachement à leur entreprise ne peut pas être seulement lu sous l'angle de la fidélité aux idéaux du champ coopératif, mais aussi et surtout sous l'angle des individus qui structurent leur rapport à la coopérative en référence à un besoin, une utilité, incarnée par les prêts en cours au sein de leur structure.

Ainsi, vouloir construire leur survie dans la coopérative en rapport à la politique sociale que leur offre la cophes, voudrait-il dire que ces acteurs sociaux (les membres de la cophes), venant dans la coopérative, étaient dans une logique de recomposition du lien social, du manque social en dehors du corps social et symbolisé par la structure familiale.

Sous ce rapport donc, la logique d'adhésion aux coopératives est une logique intéressée où les membres sont engagés dans une lutte symbolique qui leur fournirait l'essentiel de ce qu'ils pourraient avoir de la structure et non dans une lutte pour apporter quelque chose à la coopérative en tant que tel.

Au travers donc du discours de ces entités sociales, l'on perçoit inéluctablement l'intérêt que ces derniers accorderaient à leur structure s'il arrivait que tous ces avantages octroyés par la coopérative à ses adhérents venaient à s'estomper. Il est clair qu'un tel schéma contribuerait à n'en point douter au rétrécissement de l'effectif de la coopérative.

L'intérêt sociologique de ces discours nous permet de lire la représentation que les coopérateurs ont du système de prêt en vigueur dans leur structure sous un autre angle.

C'est que, pour les membres de la cophes, octroyer les fonds aux coopérateurs en difficultés sociales est loin d'être une nécessité mais une obligation. Car, disent-ils plus loin, à notre question de savoir si cela apparaît comme une obligation pour une coopérative que d'octroyer des prêts à ses membres ou si cela relève-t-il de la volonté du libre choix des coopératives, la majorité de nos interlocuteurs nous ont révélé que cela relève plutôt d'une obligation. Et leurs propos sont révélateurs en la matière : «  c'est même un devoir pour une coopérative que de donner des prêts à ses membres ; parce que lorsqu'on est dans une association l'on doit prévoir les cas de difficultés des membres ».

Le fait que les coopérateurs appréhendent les prêts comme un devoir pour la coopérative, revient donc à dire que ces acteurs mettent la solidarité d'ordre structurel (symbolisé par les prêts) dans l'essence même et le fondement d'une coopérative. Or, la pratique de la solidarité ne se lit pas seulement que sous cet aspect ; Car, en réalité parler de solidarité revient à l'appréhender non pas comme quelque chose de perceptible empiriquement seulement, mais aussi et surtout sous l'angle symbolique et idéologique bien évidemment.

CHAPITRE II

LES PRETS COMME SUBSTITUTION A LA SOLIDARITE FAMILIALE

II-1- Comparaison des prêts octroyés au rôle de la structure familiale.

La famille représente un microcosme social où se réalise la socialisation des enfants, travailleurs et citoyens de demain (Dedy Seri F. 1995 :13)24(*). C'est dire que la socialisation en tant que processus social par lequel et grâce auquel les aînés sociaux transmettent symboliquement et idéologiquement des valeurs, des normes, des façons de se conduire en société dans une visée de pérennisation de la société, dans un souci également de reproduction sociale.

Car comme le disait Seydou Badian, « l'enfant naît dans une famille, et c'est dans cette famille qu'il grandit, qu'il apprend à être un être social, sociable et un être utile à la société ». Tous ces exemples pour montrer l'extrême importance de la socialisation dans le processus de formation du citoyen, de l'enfant et voire de l'aîné social. Sous ce rapport donc, l'homme malgré son statut social, ses rôles sociaux, lorsqu'il agit ou lorsqu'il parle, prend appui ou référence dans sa famille comme ce lien fort duquel il ne pourrait se défaire résolument.

Ce constat, rapporté à notre contexte, c'est-à-dire à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) en dit long. Car, la représentation que les agents (c'est-à-dire les coopérateurs) ont des prêts octroyés au sein de leur structure coopérative est d'une clairvoyance sociologique pour ne pas dire un intérêt sociologique. Ainsi, à la question de savoir le sens qu'ils accordent aux prêts instaurés par la coopérative, nos enquêtes révèlent pertinemment que les enquêtés, c'est-à-dire les membres de la cophes parlent de ces prêts en référence à leur structure familiale.

Et c'est à juste titre que les propos suivants sont révélateurs d'une réelle sémantique ; M.B : «  Les prêts qu'on donne au sein de la cophes sont comparables à la solidarité familiale ».Fort de ce constat, il y a lieu de dire qu'en toute circonstance de lieux, l'africain en général et le paysan vivant surtout en milieu rural fait forcement référence à son cercle familial, à ce lien familial, cette solidarité familiale qui a caractérisé le continent africain à l'époque traditionnelle.

A l'analyse donc de ces propos, il ressort que la réalité familiale, ses normes, ses vertus sont solidement intériorisées par ces acteurs sociaux que constituent les coopérateurs de la cophes puisque étant eux-mêmes les produits de cette socialisation, les héritiers de cette socialisation .

C'est pourquoi, chez ces agents sociaux, évoquer la question des prêts, c'est faire directement allusion à l'enveloppe familiale qui n'est ni plus ni moins qu'une manière de revivifier ou de maintenir en survivance ce qui fait la particularité de l'Afrique : la solidarité sous toutes ces formes (structurelles, idéologiques ou symbolique).

Car, en société coutumière, la vie en communauté équivaut à un constant « rendez-vous du donner et du recevoir », plus puissante que toute loi écrite, la solidarité enveloppe d'emblée chaque vie personnelle, donnant à celle-ci un lien où elle s'élabore et se saisit comme immédiate coexistence avec autrui dans une même communauté .Une telle solidarité demeure le bien le plus précieux tant que la dépendance mutuelle des personnes ne se résout pas en contraintes plus ou moins ressenties (Pairault ;1973 :152)25(*).

1- Vers la mise à « nue » de l'effritement du lien familial

La solidarité traditionnelle se présentait comme une discipline en dehors de laquelle la vie n'a plus de sens (n'ayant plus de corps).Si d'aventure, un contingent d'individus est amené à connaître d'autres disciplines, à pressentir que celles-ci mettent en cause un mode de vie établi, à compter plus ou moins magiquement sur elles pour d'heureuses métamorphoses, l'équilibre jusque-là maintenu risque de se révéler fragile. Fort en climat d'autosubsistance (au sens le plus général du terme), l'esprit communautaire d'autrefois enveloppait efficacement l'autonomie individuelle ; là où cette autonomie, devenant critique, tend à rompre l'enveloppe, l'autorité du vieux système social commence à être compromise. (Pairault, 1973 :153).

Cet état des lieux relaté de façon sommaire, achève de nous convaincre de la solidarité que constitue le lien de solidarité familiale en milieu traditionnel africain.

Contrairement à cette vision de la solidarité optimiste, sécurisant l'individu ou le collectif social, s'oppose un nouvel ordre social qui est aux antipodes de la première catégorie. Car, en réalité, la solidarité sociale ou familiale dont étaient dotées les sociétés traditionnelles, s'est au fil des années estompée voire sur la voie de l'effritement. Et, c'est même ce que traduisent ici les propos des membres de la cophes : «  les prêts que la coopérative nous donne, c'est une très bonne chose. Tu sais, de nos jours, qui est prêt à aider ? Même la famille n'aide plus comme avant »A la lecture de ces assertions véhiculées par les coopérateurs de la cophes, l'on peut retenir en substance et sociologiquement que ces acteurs sociaux, ayant conscience de la faiblesse du lien social dans nos sociétés modernes, et de nos sociétés rurales non urbanisées, sont en fait en quête des espaces qui tendraient à reproduire cet habitus qu'ils ont maintenant intériorisé au cours de leur socialisation. En clair, les membres de la cophes, en trouvant un intérêt grandissant aux prêts octroyés par la coopérative, perçoivent celle-ci comme étant le cadre par excellence de recomposition de ces liens ; c'est donc leur volonté de reconstruire cette réalité dans ce champ coopératif. Ainsi, à travers les prêts en cours au sein de l'entreprise, ces acteurs sociaux sont en quelque sorte dans une logique de reconstruction de ce passé qui caractérisait les sociétés traditionnelles (la solidarité, l'efficacité symbolique, idéologique et structurelle du lien social). A ce titre, ce n'est donc pas de façon péremptoire ou innocente qu'ils ne voient plus en la structure familiale, le cadre, l'espace indiqué pour maintenir en survivance ces actes de sociabilité. Cela traduit le fait que les membres de la cophes en tant qu'acteurs sociaux sont inscrits dans une logique de dépossession au système familial de cette fonction qu'il remplissait autrefois, pour l'attribuer à l'espace coopératif. En effet, le dépérissement des liens de sociabilité familiale peut s'expliquer aussi par la nucléarisation de cette entité sociale. S'imposant comme « la mère de la société » ; puisque la société en est sa fille. Aussi, en se fondant sur des études désormais classiques en anthropologie politique, économique et sociale (Bouthillier, M. Augé, C. Meillassoux, H. Mémel FÖTË) et en tenant compte des conclusions d'autres recherches plus récentes portant sur les dynamiques familiales en Côte d'Ivoire, on peut affirmer que l'économie de marché est l'une des principales causes de perturbation familiale. Il faut rappeler ici, qu'autrefois, le lignage, unité de production, était en même temps une entité de consommation, cette caractéristique en grandissait la cohésion et la solidarité ; or l'économie de marché a introduit une nouvelle conception de la propriété ; autrefois, bien collectif et inaliénable parce que sacré, la terre se transforme aujourd'hui en un bien individuel et acquiert un statut de marchandise ; ce faisant, elle devient une pomme de discorde tant entre les membres d'un lignage qu'entre des communautés villageoises toutes entières. (Dedy, Seri, Tapé Goze, 1995 :62).

CHAPITRE III 

LECTURE DE LA SEMANTIQUE DES PRETS SOCIAUX DANS L'IMAGINAIRE COLLECTIF DESCOOPERATEURS

1- Des comportements aux effets de déconstruction de la sémantique des prêts sociaux octroyés par la cophes

Rappelons brièvement que qu'il est revenu de récurrente des propos des enquêtes, c'est-à-dire des membres de la coopérative des planteurs de songon (cophes) que lorsqu'un membre leur structure sait qu'il doit de l'argent à la coopérative et qu'il est encaissé de façon quotidienne, alors il s'en suit le comportement suivant : soit il rembourse et le plus souvent, il reconstruit autrement son rapport à sa structure. En clair, lorsque l'un des membres de la cophes se trouve dans une posture de débiteur et que cet acteur social est interpellé régulièrement afin de se mettre à jour vis-à-vis de son engagement, alors soit il rembourse sa dette et il démissionne après ;ou il ne rembourse pas, et il démissionne par la suite de la coopérative.

En clair, la démission dont nous parlons n'est pas une démission contractée ouvertement avec l'accord des autres membres de la coopérative, mais c'est en fait une démission qui est perceptible sous l'angle structurel ; c'est-à-dire que le débiteur chronique, rompt ses rapports aux autres membres,ses rapports à la coopérative. Or, un individu qui déconstruit ses rapports à un champ social par la rupture des liens qu'il entretenait jusque-là avec celui là, illustre symboliquement d'une sorte de démission.

L'analyse sociologique que nous faisons de cet état de fait,est que les comportements qui sont développés par ces acteurs sociaux quand ils doivent à leur coopérative, trouve son explication dans la conception ou la perception qu'ils ont de l'idée des prêts sociaux.

Car, pour ces derniers, les encaisser quotidiennement renvoie dans leur imaginaire collectif comme des acteurs sociaux extérieurs à un champ. Ainsi,les rappeler à l'ordre,renvoierai à une sorte de « négation »de leur appartenance au groupe social qu'est la coopérative ;c'est en quelque sorte « dissiper »la confiance qui les lie à la coopérative,qui, du coup est devenue leur « tutrice » en quelque sorte. Tous ces comportements et toutes ces stratégies mobilisées par ces acteurs sociaux peut trouver aussi une autre explication sociologique encore plus pertinente ;et cela est certainement perceptible dans la représentation que ces acteurs sociaux se font de ces prêts. Car, «les institutions,les actes ou les croyances collectives ne sont intelligibles et explicables que pour autant que l'on montre comment elles découlent de décisions,ou de l'entrecroisement de décisions prises par les individus ;et pour autant que ces décisions procèdent des calculs rationnels de ces individus ; ces sujets sociaux sont d'abord des sujets économiques... » (Caillé, 1995 :52-53)26(*).

2- Des prêts sociaux à valeur de « don » pour les coopérateurs.

Le point de mire reste les sociabilités paysannes qui, concernent les formes d'organisations, les associations de secours et de solidarité, qui construisent des réseaux et arrangements sociaux. En présence donc de ces initiatives de soutien et de secours mutuels dans presque toutes les aires culturelles africaines, « le phénomène communautaire et mutualiste fait partie des modes de vie africain et de la tradition africaine (...). L'Afrique conserve une mentalité collective et le culte de la solidarité » (Marsan,1964 :4)27(*). C'est dans cette idéologie d'une Afrique solidaire que nous inscrivons notre regard sociologique sur la solidarité qui découle des systèmes de prêts sociaux octroyé par la cophes à ses membres et les représentations que ces coopérateurs associent aux prêts sociaux. Car, si nous analysons les comportements des acteurs sociaux,c'est-à-dire les membres débiteurs, cela revient à s'interroger sur la façon dont ces argents sociaux construisent un sens à ces prêts sociaux. A la lumière de ce qui a été dit plus haut,nous pouvons ressortir comme dimension sociologique du comportement de ces acteurs, le fait que dans leur imaginaire, les prêts sociaux octroyés renvoient à autre chose que ce à quoi renvoie l'esprit de ces prêts. En clair, l'idéologie qui sous-tend des prêts postule l'idée explicite et implicite selon laquelle,le demandeur de prêts est défini comme un acteur social en quête d'assistance, d'aide ;ceci étant, appartenant à un groupe social inscrivant son action et dont la morphologie et les caractéristiques laissent transparaître le caractère sociable mais aussi social,il est clair que la coopérative dans cette posture, ne peut que répondre aux besoins sociaux de ses membres. En retour donc, le demandeur de prêt devra être en mesure de rembourser au prêteur (la coopérative) afin que ces fonds servent à jouer pleinement ses fonctions quand il s'agira des autres membres de la coopérative en difficultés sociales. Sous ce rapport, il est donc clair que l'octroi de ces prêts obéit à une logique de « retour » ; c'est-à-dire que le demandeur ne peut que rembourser les fonds par l'entremise de la même nature (ce qui veut dire qu'un prêt économique est égal à un remboursement économique et non autre chose) . Du coup, les prêts mettent le demandeur dans une situation d' « endetté social ».

Or, à la lecture des comportements des membres de la cophes, il est clair que leur tendance à reconstruire autrement leur rapport à leur coopérative quand ils lui doivent de l'argent, ressort l'idée implicite selon laquelle, dans leur imaginaire, l'idée de prêts renvoie au « don » ; car en réalité, en science sociales en général et en Anthropologie en particulier, « depuis le texte fondateur de Mauss intitulé Essai sur le don, paru en 1925, le « don » apparaît comme un échange, et plus spécifiquement comme un échange différé de biens mais aussi d'autres choses :politesse, festins, rites, femmes,etc. ;entre des groupes qui s' « obligent entre eux » ; tout se passe comme s'il y avait un « contrat » qui lie le groupe qui donne et celui qui reçoit. Il y a donc obligation de donner, de recevoir et enfin de rendre. Entre les deux groupes, s'instaure un double rapport : un rapport de solidarité-l'un partage-et un rapport de supériorité- l'autre se met en dette. Celui qui reçoit doit donc rendre ; c'est-à-dire, faire un contre don ; et cette dernière obligation tient, selon Mauss, à « l'esprit de la chose »28(*).

Ramenant ce constat général à notre contexte, cela revient à positionner les demandeurs de prêts ou débiteurs de la cophes et la coopérative dans un échange ; et dans cet échange,le groupe qui donne, c'est la coopérative (la direction), et le groupe qui reçoit,est symbolisé par les coopérateurs. Dans le contexte de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon, il « se construit la théorie générale de l'échange prenant sa source à la « théorie générale de l'obligation » qui comprend : donner, rendre, recevoir (Mauss,1968 :160)29(*).Car, l'interdépendance des acteurs fait de l'échange, une pratique centrale dans tout système social. Cette perspective « d'interdépendance collective » (Padioleau, 1986 :11) fait des individus dans leurs rapports multiples non pas des individus mais des « collectivités qui obligent mutuellement, échangent et contractent, les personnes présentes au contrat sont des personnes morales : clans, tribus, qui s'affrontent et s'opposent » (Mauss, 1968 :150-151).Sous ce rapport, l'échange met en relations des acteurs sociaux qui s'ajustent mutuellement.

Fort de ce constat anthropologique, nous disons que cela peut être la même façon de construire leur rapport à la coopérative tout en convoquant leur passé ; passé qui est chargé d'idéologies, de façon de penser, de faire, d'agir ; c'est donc en réactivant donc leur passé, en l'actualisant que ces membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) se comportent ainsi quant au remboursement des prêts sociaux .Et aussi, cela trouve son sens dans la mesure où nous sommes dans ce cas d'espèce en présence d'une paysannerie, milieu social où la plupart du temps,il y a des foyers de résistance au changement social, et où le culte de la tradition africaine est encore en survivance. Ainsi, les membres de la coopérative, en démissionnant et déliant leur rapport à leur organisation quand il s'agit de rembourser les prêts, résulte du fait que ces acteurs tendent à rompre d'avec « l'esprit de retour » qui caractérise les prêts sociaux. Car, pour eux, le délai de remboursement de ces prêts sociaux ne saurait exister en tant que tel.

Car, étant engagés dans un système d'échanges, ces acteurs sociaux ne perçoivent pas réellement le remboursement des prêts comme une contrainte, mais dans leur imaginaire, c'est que ces prêts économiques peuvent être remboursés autrement ; c'est-à-dire dans des réseaux de relations, dans les rapports sociaux quotidiens qu'ils entretiennent avec la coopérative et autres membres. Alors il « s'établit une situation que Jacques Godbout qualifie d'endettement mutuel positif ; non pas la réciprocité simple du donnant-donnant, mais cet état dans lequel chacun a le sentiment de recevoir plus qu'il ne donne et où c'est d'ailleurs effectivement le cas puis qu'en état de confiance mutuelle »30(*)

Conclusion Partielle

Nous pouvons retenir au terme de cette partie qu'a travers le système de prêt en vigueur au sein de leur structure, les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), reconstruisent et revivifient leur rapport à leurs familles qui dans les sociétés traditionnelles étaient enclin à une solidarité légendaire. Sous ce rapport, leur rapport à la cophes est un rapport reconstruit et en référence à un enjeu : la quête d'un paternalisme.

SECTION 3 : LES MECANISMES SOCIAUX LIES A L'OCTROI DE PRETS A LA COPHES

Etudier les mécanismes sociaux liés à l'octroi de prêts ne saurait se passer de faire la lumière sur l'origine où la nature de ces fonds sociaux.

En effet, les fonds soumis aux prêts des membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) sont en réalité le fruit de la collaboration, de la coopération et de la coordination des efforts de tous les membres de ladite coopérative. Ces fonds sont nés des prélèvements faits par la coopérative sur la production de ses membres ; prélèvement fait au kilogramme.Sous ce rapport, il est à mentionner que c'est avec l'accord de toutes les composantes de la coopérative que ce prélèvement se fait. A la lumière donc de ce constat, nous pouvons affirmer que c'est dans un souci de renforcer l'esprit de solidarité, de renforcer ce lien social fort entre les membres de la cophes que ce fonds a été pensé et entretenu.

CHAPITRE I

L'OCTROI DE PRETS : UN EXERCICE REGLEMENTE

1- Les conditionnalités d'octroi de prêts à la cophes

A la cophes, se présenter, comme candidat à la demande de prêts relève dores et déjà du fait que les membres en instance de demande de ces prêts ont rempli deux conditions minimales. Ce sont :

1. Demander des prêts voudrait dire qu'on est membre de la cophes

2. Demander des prêts voudrait également dire qu'on est membre actif de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) ; c'est- à dire qu'il faille être reconnu comme un membre qui livre régulièrement ses productions à la coopérative. Ces deux dimensions des conditionnalités de l'octroi de prêts est un fait qui s'est traduit de façon régulière dans les discours de nos enquêtés.

A la lumière de cette réalité, deux constats polarisent notre attention. C'est que la coopérative des planteurs d'hévéa de songon en créant ces fonds d'aide aux membres en difficultés sociales, a donc eu le souci de répondre aux besoins sociaux de ses membres. En clair, cette solidarité que constitue l'inclination à offrir des prêts à ses membres est une solidarité « exclusionniste » dans la mesure où les règles du jeu des prêts le définit ainsi. Ce qui voudrait dire clairement que la cophes est portée vers une solidarité « choisie » ou orientée. Ainsi, le faisant, la cophes croit-elle pouvoir mobiliser de cette façon des potentiels candidats à l'adhésion à leur coopérative qui ferait d'eux des ayants droits aux prêts. Les prêts ici à la cophes constituent en quelque sorte un capital que les membres de la coopérative mobilisent ou brandissent pour attirer les nouveaux candidats à l'adhésion.

A cet effet, les propos de M.M et de M.A sont révélateurs : « Si tu veux bénéficier des prêts, tu n'as qu'à adhérer à la cophes » ; et M.A : « Les prêts ne sont octroyés et acceptés qu'aux membres de notre coopérative »

Sous ce rapport, il est clair que les acteurs sociaux c'est-à-dire les membres de la cophes en bénéficiant des prêts octroyés par leur coopérative affirment et brandissent leur identité de membre de la cophes ; cela crée en réalité un sentiment d'appartenance au groupe, la conscience d'appartenir au groupe et l'esprit de solidarité' entre les membres.

En ce qui concerne la deuxième conditionnalité d'octroi de prêts, c'est-à-dire la livraison régulière de ses productions à la coopérative ; à ce niveau des conditionnalités, l'on peut retenir que pour bénéficier des prêts octroyés par ladite coopérative, les membres devront manifester leur solidarité eux-aussi à leur structure, solidarité qui elle se traduit par la fidélité à son entreprise. Car, livrer régulièrement ses productions à la coopérative relève pour les coopérateurs d'un sacrifice pour montrer sa fidélité, son attachement à leur structure, en lui offrant donc ce qui est nécessaire à sa survie afin de bénéficier continuellement de sa solidarité : lui assurer inéluctablement les ressources nécessaires à sa pérennisation, à sa viabilité.

Cet exercice qui consiste pour les coopérateurs de marquer leur adhésion à la cophes par la fidélité qu'ils doivent à leur structure en lui donnant tout ce dont elle a besoin et la récompense que la coopérative leur réserve, positionne la relation « coopérative-adhérents » dans un champ du « donner et du recevoir ».

C'est donc ce rapport d'interdépendance entre la coopérative et ses membres qui caractérise l'esprit de solidarité voire les pratiques de solidarité en cours dans ce champ que constitue l'espace coopératif même si la coopérative n'est qu'un champ fictif ou réel de liens sociaux.

2- L'Itinéraire social des coopérateurs pour l'accès aux prêts

Comme toute organisation, la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes), dans le souci de réguler l'octroi des prêts à ses membres, a défini un « parcours social » auquel chaque membre demandeur de prêts devra résolument passer ou se soumettre pour le bon fonctionnement de cette solidarité.

Ainsi, à la question de savoir, quelles sont les démarches à mener pour bénéficier des prêts, la plupart de nos enquêtés nous ont révélé cet aspect des choses : « Pour bénéficier des prêts, on s'adresse d'abord au président de la coopérative, puis lui, il contacte le comité de prêts dont le trésorier, après quoi les prêts octroyés ou pas ».

Comme nous le constatons, l'octroi de prêts à la cophes est un exercice assez régulé. A travers « le parcours social » des coopérateurs pour l'acquisition des prêts, nous pouvons retenir une chose : c'est qu'en procédant ainsi, la coopérative des planteurs d'hévéa de songon entend procéder à un contrôle du comportement de ses sociétaires. Le faisant, la cophes entend socialiser ses membres aux exigences des biens communautaires ou collectifs. Par ce processus donc de régulation des demandes de prêts, aucun membre déjà débiteur ne peut passer outre la vigilance des membres du comité de prêts pour en faire une autre demande ; à moins que ce dernier ce soit acquitté de ses dettes antérieures.

3 - Les conditionnalités de remboursement des fonds : un jeu dit « démocratique »

Une fois les fonds accordés aux demandeurs, il est ainsi défini un délai de remboursement. Ainsi, en ce qui concerne le remboursement des fonds ou de la somme prêtée, il est à mentionner que dès l'instant où le demandeur c'est -à-dire le coopérateur sollicitant de l'aide, entre en possession de ce dû, il est engagé du coup un échange entre le comité de prêts et lui (le prêteur) afin de déterminer la date de remboursement. C'est en cela que les membres de la cophes qualifient le mécanisme de remboursement de ces fonds de « démocratique », comme pour reprendre leurs propres propos. A ce effet, les assertions de M.L et de M.G sont révélatrices de cet état de fait : selon M.L : «  Ici à la cophes, la façon dont on donne les prêts et aussi les conditions pour les rembourser sont vraiment acceptables ».pour M.G « Ce qui est bien dans notre coopérative au niveau du remboursement des prêts c'est qu'on ne t'impose pas la date ; mais au contraire, celui qui demande des prêts discute avec le comité de crédit pour fixer ensemble un délai précis et raisonnable que les deux parties acceptent »

Au regard de ces propos, il y a lieu d'affirmer que les membres de la cophes pour leur part traduisent par ces propos leurs satisfactions quant à la façon dont les prêts leur sont octroyés. La satisfaction des coopérateurs quant aux modalités de remboursement des fonds que leur structure leur prête cache en réalité le sens que les dirigeants ou la direction de la coopérative donnent à ces conditionnalités.

En clair, en soumettant le remboursement des fonds prêtés à un membre ou à un sociétaire en difficultés sociales à une séance de discussion et d'acceptabilité d'un délai raisonnable pour le remboursement, n'est ni plus ni moins qu'une « fausse démocratie »  en réalité ; car le faisant, la représentation qui sous-tend l'action de la direction est plutôt une stratégie pour emmener les demandeurs de prêts à ne pas vivre les conditions de remboursement de ces prêts et par ricochet, le délai de remboursement comme imposture, car l'idéologie de la coopérative étant la promotion de la solidarité (idéologie, structurelle, symbolique) mais l'arrière-plan de la direction ou l'enjeu de cet exercice est d'amener le débiteur à respecter son engagement de rembourser la somme qui lui a été prêtée.

Aussi, lorsqu' un sociétaire, c'est-à-dire un coopérateur se pose comme demandeur de prêt à sa structure, la somme qu'il demande ne devra donc pas être disproportionnelle à ce qu'il est censé avoir mensuellement c'est-à-dire selon sa livraison mensuelle. Ce qui voudrait dire que le coopérateur ne peut demander plus que ce qu'il est censé avoir ou produire. Toutes ces stratégies régulatrices de ces prêts obéissent à une logique d'amener les solliciteurs des prêts à s'accorder à rembourser résolument leurs créances sans contrainte physique, mais symbolique et idéologique. Et selon les membres de la coopérative, les délais de remboursement dans leur variation ne devraient pas excéder neuf mois (09) pour les sommes d'un intérêt appréciable, c'est-à-dire les sommes d'une certaine ampleur ; mais en ce qui concerne les petites sommes, leur remboursement s'étend à trois mois au plus.

4 - Les sanctions liées au non-remboursement des prêts

La fonction institutionnelle de la coopérative ne se résume pas qu'à sa fonction idéologique et de socialisation, mais aussi et surtout à sa capacité à définir clairement des sanctions, car en réalité, quand nous parlons de sanctions en sociologie, ce n'est pas sa dimension physique ou sociale à laquelle nous faisons référence mais aussi et surtout ses dimensions idéologiques,symboliques... C'est donc cette capacité pour toute institution à définir des sanctions, qui est source de socialisation des acteurs aux normes institutionnelles.

Ainsi, à la cophes, en ce qui concerne les sanctions régissant l'octroi des prêts, il faut souligner que ces mécanismes sanctionnels se résument à deux réalités que tous les membres de la cophes s'accordent à reconnaître et à relater. Premièrement, des résultats de notre enquêtes, il ressort aisément qu'il est admis que le débiteur « chronique », c'est-à-dire le coopérateur ayant demandé des prêts et qui ne les rembourse pas, s'expose à des sanctions comme sa traduction devant le chef du village, ensuite, son expulsion de la coopérative si celui-ci s'entête à ne pas rembourser à la coopérative et enfin, la saisie immédiate de ses produits et de retirer la part de la coopérative. Le cas extrême de ces sanctions étant l'expulsion ou l'exclusion du débiteur « chronique » de champ coopératif.

SECTION 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE DES NORMES

INSTITUTIONNELLES A LA COPHES

L'analyse sociologique que nous comptons donner à cette partie de notre analyse et interprétation des données, consiste à mettre en évidence la façon dont les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon dénommée « cophes » récupèrent ou s'approprient la perméabilité des normes développée par la direction pour à leur tour le traduire dans ce qu'on appelle le non-remboursement des prêts. C'est donc un tableau qui renvoie à l'image de l'acteur et le système. C'est-à-dire montrer comment ou la stratégie que les membres de la cophes mobilisent pour passer outre les normes institutionnelles de leur structure commune qu'est l'entité coopérative.

CHAPITRE  I

UNE ORGANISATION FAIBLEMENT LEGITIMEE

· La cophes : Un champ social informel

Si la coopérative des planteurs d'hévéa de Songon représente presque tout, c'est-à-dire une famille, un soutien et un tuteur auquel les coopérateurs se reconnaissent et s'identifient, au plan institutionnel, c'est-à-dire au niveau Etatique, cette coopérative n'a pas de légitimité. En clair, la coopérative des planteurs d'hévéa de songon (cophes) n'est pas jusqu'à présent reconnu par le ministère de l'intérieur en tant que coopérative car n'étant pas encore entrée en possession de son agrément.

Sous ce rapport donc, la cophes est une coopérative connue dans l'aire géographique de songon et au sein de l'espace villageois de Songon-M'Brathé. Au-delà de cette sphère sociale, cette coopérative n'a pas de légitimité institutionnelle. Et cette réalité est formellement traduite de façon récurrente dans les discours des acteurs sociaux, c'est -à-dire les membres de la coopérative.

Par exemple, M.A et M.N traduisent clairement cet état de fait. Ainsi, M.A s'est exprimé en ces termes : «  nous sommes bien à la cophes, mais ce que nous déplorons c'est qu'on n'a pas encore eu d'agrément »quant à M.N, il attribue certaines difficultés de la coopérative au manque d'agrément : «  le manque d'agrément de la cophes, nous empêche de demander de l'aide à l'Etat. Mais nous sommes sur la bonne voie pour avoir notre agrément » A l'analyse ces propos, l'on se rend compte réellement de cette situation de non légitimité institutionnelle de la cophes et cela est vécu par les coopérateurs comme un obstacle à leur promotion sociale.

Les sociétaires de la cophes ayant conscience du fait que leur structure n'a de légitimité que dans la région et qu'au-delà, n'a aucune reconnaissance institutionnelle, et c'est ce qui légitime le fait que les membres de la cophes appréhendent leur structure comme une association villageoise. Il est certes vrai que la coopérative réunissant en son sein des membres d'un même champ villageois, mais au-delà, les coopératives transcendent cette seule délimitation spatiale. C'est ce qui se vérifie à travers le discours de M.B : « I ci, nous sommes en famille ; la coopérative est notre seconde famille ».Or, percevoir la coopérative comme une entreprise familiale, c'est implicitement, dépouiller cette structure de ses normes, de ses contraintes ou de son pouvoir ou sa fonction « sanctionnelle ». C'est donc cette réalité que les acteurs sociaux que constituent les membres de la cophes, mobilisent et reconstruisent, et réinvestissent dans le champ coopératif et qui se traduit par le non-remboursement des prêts.

Sous cet angle, il est clair que les membres de la cophes vont jouer sur le jeu familial qui lui, est caractérisé ordinairement par des relations de courtoisie, des liens de fraternité ; cet état de fait s'apparente à une déconstruction des autres propriétés de la structure coopérative pour le reconstruire en lui donnant une éthique familiale.

Conclusion partielle

Sous le couvert des mécanismes sociaux d'octroi de prêts à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon ( cophes), chapitre qui a englobé "les conditionnalités d'octroi de prêts sociaux, l'itinéraire social des coopérateurs pour l'accès aux prêts sociaux, les conditionnalités de remboursement des fonds prêtés jusqu'aux sanctions liés aux non-remboursement de ces prêts", nous pouvons retenir que l'accès aux prêts sociaux à la cophes est un exercice réellement régulé. Ce chapitre nous a permis de voir ce qui implique la demande des prêts sociaux par un coopérateur (c'est-à-dire ce que cet exercice implique en terme de démarches à effectuer et aussi ce à quoi il devra s'entendre ;c'est-à-dire le délai de remboursement

CHAPITRE II

DES COOPERATEURS AUX COMPORTEMEMENTS DE DEFIANCE DES NORMES INSTITUTIONNELLES

1- Le non- remboursement des prêts à la cophes

L'objectif avoué et implicite de la cophes en instaurant les prêts au sein de leur structure était de répondre aux besoin sociaux de ses adhérents tout en cultivant un esprit d'assistance mutuelle, de coopération et de dépendance mutuelle afin d'assurer la pérennité de ladite coopérative.

Au regard donc des faits significatifs, c'est-à-dire le non-remboursement de ces prêts, il est donné de mentionner que cet état de fait apparaît comme une antinomie aux objectifs de départ de cette structure en octroyant ces prêts à ses membres ; cela laisse à lire cette situation comme l'existence de deux logiques différentes : c'est-à-dire la logique des promoteurs (dirigeants de la coopérative) et les membres ou bénéficiaires. Car, le phénomène de non-remboursement des prêts est une réalité partagée par un certain nombre de personnes à la cophes.

Il n'y qu'a interroger M.D et M .K pour légitimer l'ampleur de cet état de fait .Ainsi, leurs propos viennent comme des illustrations de cette réalité en cours au sein de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon. Selon M.D : « Au sein de notre coopérative, il y a sincèrement des cas de no- remboursement des prêts ; cela est déplorable » et M.K de dire « des personnes mal intentionnées s'adonnent à coeur joie à la pratique du non-remboursement des prêts, ils ne sont pas du tout gentils, même à l'église ils ne payent pas souvent leur dette ».

A la lecture donc de ces propos, l'on mesure aisément que le non-remboursement des prêts est un phénomène su de tous les acteurs ou les agents sociaux, c'est-à-dire les membres de la cophes. Et cela paraît comme un fait communément dénoncé.

2 - Non-remboursement de prêts et production d'un autre type de pratique par les membres.

A la cophes, le non-remboursement des prêts est perçu comme une pratique antinomique au fonctionnement de la solidarité, ne s'exprime pas seule, car, en réalité elle engendrera un autre type de comportement chez les membres débiteurs.

De nos enquêtés, nous retenons que lorsque les membres doivent de l'argent à leur coopérative, ils déconstruisent autrement leur rapport à leur structure ; tout en le reconstruisant autrement. En effet, il est apparu de façon récurrente dans les discours des acteurs sociaux (les membres) que lorsque les débiteurs s'obstinent à ne pas rembourser les prêts, ils sont enclins à développer une autre pratique. Et cette pratique consiste pour les membres débiteurs à livrer désormais leurs productions de façon clandestine à une coopérative autre que la cophes, leur coopérative initiale. Et, ces coopératives auxquelles ces acteurs vendent leurs productions, sont en général des coopératives éloignées de la zone de couverture de la coopérative des planteurs de songon. Ainsi, ces débiteurs redéfinissent leur nouvel itinéraire commercial. Le faisant, ils sont dans une logique de déconstruction de leur appartenance ou de leur rapport à la cophes. A la lumière de ce fait, nous notons comment des acteurs sociaux sont enclin à se délier de leur groupe d'appartenance pour reconstruire d'autres rapports fictifs en dehors de leur sphère sociale d'origine.

A la question de savoir pourquoi ces « débiteurs sociaux » s'adonnent-ils à une telle pratique alors que la structure à laquelle ils appartiennent n'a pas encore prononcé la rupture ; nos enquêtés nous ont révélé dans leur majorité que c'est sans doute pour échapper au contrôle de la coopérative. Et à cet effet, les termes suivants paraissent de plus en plus édifiants sociologiquement. : «  Lorsqu'ils savent qu'ils doivent de l'argent à la coopérative, vous ne les voyez plus livrer à la coopérative leurs productions ; ils les livrent clandestinement ailleurs pour ne pas que la coopérative retire r son dû » Ce comportement élaboré, construit et alimenté par les coopérateurs de la cophes se lit comme une stratégie qu'ils ont élaborée de toutes pièces pour enfreindre aux normes institutionnelles. Car, pour des acteurs sociaux (les coopérateurs) ayant contracté une dette et qui développent ainsi des stratégies pour déconstruire les normes de leur champ social d'appartenance, relève simplement du schéma de l'acteur et le système. Ici, l'acteur étant les membres débiteurs, les systèmes étant les normes qui structurent le fonctionnement ; et le protecteur de ce système est la coopérative avec à sa hiérarchie les dirigeants. Ainsi, les membres de la coopérative engagés dans le non-remboursement des prêts déconstruisent leur rapport à la coopérative en livrant clandestinement c'est-à-dire à l'insu de l'ensemble de la coopérative, répond inéluctablement d'une stratégie développée par ces agents sociaux pour contourner le système dressé par leur structure. Cette situation positionne donc les deux entités sociales que sont la coopérative et les membres débiteurs dans un  combat «idéologique » et « symbolique » à la fois.

3- De la livraison clandestine des productions à la démission volontaire des membres débiteurs

Il est revenu de façon récurrente de notre enquête du discours des membres de la coopérative ainsi que du Président de la coopérative que lorsque les membres doivent de l'argent à la cophes, et que les encaissements sont faits, alors, il est donné de constater souvent la démission du membre débiteur de l'entreprise coopérative. En clair, il serait intéressant de mentionner que la démission des membres débiteurs est leur dernier recours après la livraison de leurs productions ailleurs. A cet effet, la plus part des personnes interrogées nous ont ressorti ces propos : « souvent lorsque quelqu'un doit de l'argent à la coopérative, et que la cophes l'encaisse régulièrement, alors soit il paye, après, soit il ne paye pas et il disparaît de la coopérative »

Sous ce rapport, il y a lieu de remarquer que l'ultime alternative que mobilisent les débiteurs de la cophes est la déstructuration de leur rapport à leur structure par son abandon. Il serait aussi loisible de mentionner que la rupture des coopérateurs d'avec leur structure n'est pas ouvertement prononcée par le débiteur, mais cela transparaît tout au moins par son absence prolongée et sa vie éloignée de l'activité coopérative.

CHAPITRE III 

A PROPOS DE L'USAGE DES NORMES INSTITUTIONNELLES A LA COPHES

A travers ce sous-titre, nous comptons mettre en évidence le rapport que la coopérative des planteurs d'hévéa de songon entretient parallèlement avec les normes qu'elle s'est elle-même prescrites et leur applicabilité. Sous, ce rapport, nous percevons comment l'applicabilité des normes institutionnelles ou leur non applicabilité pourrait être récupérée par les membres de la coopérative à l'effet de développer d'autres pratiques antinomiques au fonctionnement de la solidarité au sein de leur entreprise. Nous mentionnons que lorsque nous parlons de « normes institutionnelles » nous faisons référence du coup aux « préceptes » établis par la coopérative elle-même et qui est censé structurer son fonctionnement. En clair, à travers le concept de « normes institutionnelles » nous entendons parler des règles établies par ladite structure, qui légitiment cette institution et qui apparaît comme un instrument de resocialisation des membres ; cela peut être les sanctions positives comme négatives, l'application des normes assurant la pérennité d'une institution.

1- La cophes, les normes et leur applicabilité

A la question de savoir quelles sanctions la coopérative applique-t-elle aux « débiteurs chroniques », c'est-à-dire aux membres débiteurs refusant de rembourser les prêts, nos enquêtés nous ont révélé que les moyens dont leur structure s'est dotée sont l'encaissement régulier du débiteur, la saisie de sa production ou sa traduction devant le chef du village ; et que c'est assez souvent que la coopérative n'arrive pas à cette fin.

Et cette pensée collective transparaît clairement dans les discours suivants, pour M.H : « Lorsque les gens doivent à la coopérative, elle les encaisse ; cela fait que souvent, ils remboursent, souvent aussi ils ne remboursent pas »en ce qui concerne M.S : « Mon cher, je ne sais pas comment quelqu'un peut ne pas rembourser de l'argent qu'il doit et qu'on ne puisse pas sanctionner comme il faut »

Ces propos sont d'une importance sociologique dans la mesure où ils mettent en lumière un penchant de cette réalité sociale. En clair, à travers ces discours l'on perçoit une sorte de remise en cause de la gestion de la coopérative par la direction. Car, lorsque certains membres eux-mêmes s'interrogent sur l'applicabilité des sanctions, cela voudrait dire clairement que lorsqu'il s'agit d'appliquer les sanctions visant à contraindre les débiteurs à rembourser leur dette, la cophes se montre hésitante.

Toutefois, il ressort aussi de notre enquête que par moment,la coopérative des planteurs d'hévéa de songon arrive à saisir les productions de leurs débiteurs. Mais, comme l'ont révélé nos enquêtés, ces cas sont minimes. Et, M.L d'ajouter que « si la coopérative est arrivée à contraindre les membres à rembourser les prêts, cela ne peut pas atteindre dix cas ; car les membres, lorsqu'ils doivent de l'argent à la coopérative, ils se cachent désormais pour livrer leurs productions clandestinement dans d'autres coins »

Comme nous le constatons, au niveau de la cophes, ce qui semble poser problème ce n'est pas le non-remboursement à première vue mais et surtout les mécanismes sociaux mis en exergue pour amener le débiteur à rembourser sa dette qui devient un véritable problème.

Il se pose du coup comme un écart entre la coopérative, ses normes et leur fonctionnement à travers leur application. Et lorsque nous avons interrogé le premier responsable de ladite structure, c'est-à-dire, leur Président en personne de M. Sagou Ago Albert, à propos des mécanismes mis en place par la coopérative pour inciter au remboursement de ces prêts,cette autorité, nous a révélé ce qui suit : « Mon fils, on fait tout ce qu'on peut afin qu'ils remboursent, mais ils ne le font pas, souvent, nous les surprenons en pleine période de ramassage des produits ; nous saisissons de force leurs productions que nous vendons afin de soutirer notre argent ;souvent ;on n'arrive vraiment pas à les maîtriser car livrant eux-mêmes leurs productions clandestinement à d'autres structures ».

A travers donc les propos du Président de la cophes, nous pouvons lire implicitement que même la Direction de cette organisation présente les signes de son impuissance face aux comportements des acteurs sociaux que sont les coopérateurs.

2- Le non-remboursement des prêts à la cophes : résultat du collectivisme de faits par les membres.

Comme nous l'avons montré ci-dessus à savoir l'écart entre la coopérative, ses normes et leur applicabilité, cela voudrait dire que le comportement du non-remboursement peut-être désormais lu sous l'angle du collectivisme de faits reconstruits par les coopérateurs en ce sens que les membres de la cophes étant des acteurs intégrés et insérés dans la vie quotidienne de leur organisation, sont des agents sociaux auxquels le non-remboursement des prêts et le comportement de la coopérative envers ces débiteurs sont devenus un habitus, ont sans doute reproduit les comportements individuels des acteurs sociaux pour les transformer en comportements collectifs. Car comme écrit Claude Dubar31(*) (2000) : « Chaque acteur social a une histoire, un passé qui pèse sur ces identités d'acteurs. Il ne se définit pas seulement en fonction de ses partenaires actuels, de ces interactions face-à-face dans un champ déterminé de pratique, il se définit aussi en fonction de sa trajectoire sociale ». Cette citation appliquée au contexte de la cophes à travers le non-remboursement des prêts ressort l'idée implicite selon laquelle les membres de la cophes étant des membres d'une société et ayant intégré un champ qu'est la coopérative, y sont entrés avec leur habitus, leur vécu quotidien acquis au cours du processus de socialisation, tendent à les revivifier ou maintenir en survivance dans un champ qui paraît leur offrir les conditions d'extériorisation de leur passé d'acteurs sociaux.

SECTION 5 : LA SUPPRESSION DES PRETS INTERNES A LA COPHES COMME TENTATIVE DE LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE DES NORMES INSTITUTIONNELLES

CHAPITRE I

DES PRETS AUTOGERES AUX PRETS BANCAIRES

1- La suppression des prêts internes à la coopérative

Le non-remboursemnt des prêts à la cophes ne sera pas sans impact ou incidence sur le fonctionnement de cette structure. En effet, quand nous avons parcouru les entretiens que nous avons eus avec les membres de la coopérative,il se révèle cette réalité. Nos enquêtés nous ont révélé la suppression des prêts autogérés et internes à la coopérative.

A ce titre, nos entretiens avec le Président de ladite structure nous ont été d'une importance sociologique.

Ainsi, nous a -t-il révélé ce qui suit : «  face au non- remboursement des prêts par les membres de notre coopérative, nous nous sommes vus obligés de mettre fin à ces prêts » Ces propos du premier responsable de cette institution donnent à comprendre l'incapacité de la coopérative à résorber ce phénomène. Nous pouvons donc lire à travers la suppression des prêts autogérés et octroyés par la cophes à ses membres comme le symbole, la reconnaissance implicite de la perméabilité des normes institutionnelles de cette institution.

2- La nouvelle trajectoire sociale des prêts : La caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon (CMEC)

Le phénomène du non-remboursement des prêts ayant conduit leur suppression, la cophes trouvera un autre mécanisme de demande de prêts. Ainsi, a-t-elle trouvé un nouveau « tuteur » à l'ensemble de ses adhérents.

Et depuis l'année 2008, l'octroi des prêts aux membres de la cophes n'est devenu possible qu'auprès d'une institution bancaire dénommée, caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon (CMEC).Ainsi, à la question de savoir pourquoi la coopérative à désormais confié l'octroi des prêts à la caisse mutuelle d'épargne et de crédit, le Président de la coopérative nous a laissé entendre que : « C'est une solution que nous avons trouvée pour mettre fin aux mauvais comportements des membres de la cophes ;comme ça, désormais lorsque tu sais que tu dois de l'argent, tu sais à qui te référer et à qui tu as affaire »

A la lecture de ces propos une chose mérite d'être retenue ; en fait ces propos laissent entrevoir une sorte de déresponsabilisation du président de la cophes de ce qui pourrait advenir à ses membres qui se reconstruiraient dans ce nouvel espace social de prêts comme des débiteurs récidivistes. Or, nos enquêtés nous ont révélé que pour les demandes de prêts à la CMEC ils sont tenus d'informer le président de la coopérative puisque ce n'est à la vue de sa signature que les prêts sont désormais octroyés à tel ou tel autre membre demandeur. En clair, confier les prêts à la CMEC apparaît pour la direction de la cophes comme une stratégie trouvée pour lui confier une partie de ses prérogatives. Ainsi, dans leur imaginaire, le confiage des demandes de prêts à cette institution consisterait à créer chez leurs membres un sentiment de crainte et de respect du délai de remboursement.

3- Les conditionnalités de demande et d'octroi de prêts à la CMEC

Les demandes de prêts à la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé sont à l'instar de celles de la cophes avec le système de prêts internes maintenant supprimé, sont soumises à des exercices auxquels les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon ne sauraient se départir.

En effet, à la CMEC tout demandeur de prêts devra se soumettre à l'exercice suivant :

- les demandes de prêts sont signifiées à la CMEC trois jours avant le jour indiqué pour son obtention.

- Les demandeurs de prêts, c'est-à-dire les membres de ladite coopérative devront retirer une fiche de prêt auprès de la CMEC ; une fois que cette fiche est retirée et remplie, elle devra passer inéluctablement par la signature du président de la cophes après quoi, cette fiche est acheminée de nouveau auprès de l'institution prêteuse pour le décaissement des fonds sollicités.

Et ces conditions d'octroi de prêts semblent ne pas rencontrer l'assentiment de la plupart des membres de la cophes ;et, ils l'ont signifié en ces termes : «  La CMEC nous aide, c'est vrai,mais quand on nous demande de prévenir trois jours avant que nous aurons besoin de prêts,alors ça devient un peu compliqué ;parce que personne ne peut prédire ses problèmes,c'est lorsqu'il y a un problème qu'on peut demander des prêts ». Ces propos nous laisse apprécier la façon donc la demande de prêts à la caisse mutuelle et de crédit de songon M'Brathé est perçue par les adhérents. En réalité, ces propos laissent entrevoir que les membres de la coopérative perçoivent ce modèle de demande de prêts comme une machine rigoureuse.

CHAPITRE II

LES MODALITES DE REMBOURSEMENT DES PRETS A LA CMEC DE SONGON M'BRATHE

1- Le remboursement des prêts sociaux

Selon les résultats que nous avons obtenus de notre enquête, en ce qui concerne les mécanismes sociaux de remboursement des fonds prêtés, les demandeurs de prêts sont tenus de rembourser leurs dettes dans un intervalle de temps compris entre trois (03) et neuf (09) mois selon la nature et l'ampleur de la somme sollicitée. C'est pourquoi, selon les membres de la cophes, en ce qui concerne les prêts scolaires, ils leur est demandé de les rembourser sur une période de neuf (09) mois ; et les autres types de prêts c'est-à-dire les prêts d'autres natures, l'intervalle de remboursement varie selon la somme sollicitée c'est-à-dire de trois à six mois.

2- Les sanctions liées au non-remboursement des prêts

Comme la première forme de prêts c'est-à-dire les prêts octroyés par la cophes elle-même, la deuxième institution prêteuse symbolisée par la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé a elle aussi en sa possession une série de sanctions pour contrôler le déroulement du partenariat entre ces deux institutions c'est-à-dire la coopérative des planteurs d'hévéa de songon M'Brathé et la CMEC.

En effet, comme sanctions en cas de non-remboursement des prêts, la CMEC est en mesure de saisir la plantation du débiteur et ceci avec bien entendu la complicité de la direction de ladite coopérative ; elle a encore une autre possibilité pour entrer en possession de son dû par l'extraction de ses fonds du bulletin de solde de leur débiteur. En clair, lorsqu'un membre rechigne a ne pas rembourser ses dettes la CMEC a en sa possession la capacité de retirer son argent avant de procéder à la paie de ce dernier,car en réalité tous les membres de la cophes sont payés à la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon. Cela voudrait dire que de cette façon, les membres débiteurs sont en posture de pouvoir rembourser toutes leurs dettes parce que leur paie se faisant auprès de cette institution ; à moins que le débiteur ne livre plus sa production à la cophes. Même si ce cas se présentait, la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé est en mesure d'user du dernier recours, c'est à dire la saisie de la plantation du débiteur chronique.

3- Relations entre les membres de la cophes et la CMEC

A travers les relations entre les membres de la cophes et la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé, nous entendons mettre en évidence la nature des rapports sociaux entretenus par ses deux institutions partenaires.

A la question de savoir quelle est la nature des rapports entre la cophes et la CMEC depuis instauration au sein de cette institution du système de prêts, notre interlocuteur c'est-à-dire le président de la cophes nous a confié qu' en sa connaissance il s'y déroulent de bons rapports entre leurs deux institutions dans la mesure où jusqu'au moment où il nous parlait, aucun cas de non-remboursement de prêts ne lui avait été soumis, et qu'il espérait que cela continue afin de pérenniser leur partenariat. Et, ces propos sont d'une grande importance : « La CMEC est une structure qui nous aide énormément ; car, grâce à elle plusieurs membres de la coopérative ont obtenu plusieurs prêts qui leur ont servi à atteindre leurs objectifs respectifs ; donc, si nos relations s'améliorent au fil des jours, je pense que c'est une bonne chose pour nous tous ».

Comme nous le constatons le respect des engagements pris par les membres de la coopérative auprès de la CMEC est ce à quoi le premier responsable de la structure aspire pour le bon fonctionnement pour leurs relations

Conclusion Partielle

Cette dernière partie de notre analyse et interprétation des données qui a débuté avec " de la perméabilité des normes institutionnelles à la cophes " jusqu'à "la nouvelle trajectoire sociale des prêts", nous a permis de mettre en évidence les normes institutionnelles de la cophes, leur applicabilité et la façon dont le non-remboursement des prêts par les membres a un lien avec l'applicabilité de ces normes, à l'effet de voir comment les acteurs sociaux c'est-à-dire les membres de la cophes semblent récupérer cet état de fait pour construire leurs rapports à ladite structure par l'entremise du non-remboursement. L'insertion du chapitre sur la caisse mutuelle d'épargne et de crédit de songon M'Brathé dans l'analyse a pour but de dresser une comparaison des normes institutionnelles, les relations que les membres de la cophes entretiennent avec cette institution (CMEC) en termes de remboursement ou non des prêts.

CONCLUSION GENERALE

Au total, il convient de présenter le bilan de notre réflexion. Mais avant, il est important de rappeler les objectifs que nous nous sommes fixé au départ. En entreprenant d'effectuer cette recherche sur le non-remboursement des prêts à la cophes par l'entremise de l'étude intitulée « Lieux et formes d'expression de la solidarité » nous nous sommes questionnés de savoir les déterminants sociaux du non-remboursement des prêts par les membres de la cophes. Ainsi, avons-nous eu pour objectifs de saisir les représentations que les membres de la coopérative des planteurs d'hévéa de songon M'Brathé associent au phénomène coopératif, appréhender leurs représentations liées au système de prêts, décrire et analyser les mécanismes sociaux d'octroi de prêts.

Comme résultat, nous avons constaté que le non-remboursement des prêts par les membres de la cophes est une réalité construite par ses acteurs sociaux en rapport avec la perméabilité des normes institutionnelles au sein de ladite institution. Ainsi, le non- remboursement des prêts peut être lu sous l'angle d'un processus de prise de conscience de la non rigidité des normes à la cophes pour transposer dans ce champ associatif leurs habitus acquis par l'entremise de la socialisation. Ainsi leurs représentations de la coopérative et des prêts sociaux y sont également des paramètres à ne pas occulter dans ce cas.

Aussi, comme leçon, nous pourrons retenir que l'institutionnalisation des pratiques de solidarité par des groupes sociaux est un exercice qui dans son fonctionnement est confronté à des heurts qui trouvent leurs significations dans le comportement de certains collectifs sociaux eux-mêmes comme c'est le cas ici à la coopérative des planteurs d'hévéa de songon à travers le non-remboursement des prêts. Ainsi, appartient-il aux décideurs en charge des politiques du développement de songer à mener les actions de sensibilisation dans les lieux d'expression de la solidarité afin de dynamiser et de pérenniser ce comportement social (la solidarité), gage d'un développement durable.

TABLE DES MATIERES

Avant-propos

Remerciements

Dédicace

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1- Problématique.....................................................................................9

2- La revue critique de la littérature..........................................................12

- La solidarité dans les entreprises......................................................12

- Les études sur la solidarité dans les organisations communautaires.................15

- Approches théoriques et pratiques de la coopération..............................17

- Les études sur les coopératives agricoles............................................20

3- Objectif général et objectifs spécifiques..................................................22

· Objectif général.....................................................................22

· Objectifs spécifiques...............................................................22

4- Hypothèse de recherche et modèle d'analyse............................................22

· Hypothèse............................................................................22

· Modèle d'analyse...................................................................23

5- Cadre Paradigmatique.......................................................................24

6- Cadre Méthodologique......................................................................26

1- Délimitation du champ de l'étude....................................................26

Ø Le champ géographique............................................................26

Ø Le champ social.....................................................................27

Ø Le champ sociologique.............................................................27

7- Les instruments de collecte des données..................................................27

1-La recherche documentaire..........................................................28

2-Les entretiens..........................................................................28

· Entretiens exploratoires.................................................................28

· Les entretiens de l'enquête.........................................................29

3-Technique d'échantillonnage............................................................29

4- Les techniques de traitement des données............................................30

· Dépouillement......................................................................30

· Analyse de contenu................................................................30

8- Les conditions sociales de déroulement de l'enquête...................................31

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE

Chapitre I : Présentation de la cophes..............................................................34

1- Historique..........................................................................34

2- Les membres de la cophes......................................................34

3- Les objectifs de la cophes..........................................................35

4- Les acquis de la cophes.............................................................35

5- Les actions de la cophes en faveur de ses membres...........................35

6- L'organisation de la cophes....................................................36

7- Organigramme de la cophes....................................................37

Chapitre II : Commentaire de l'organisation et de l'organigramme de la cophes.........38

1- Commentaire de L'organisation.................................................38

· Le président : symbole de la coopérative.............................................38

· Le vice-président........................................................................38

· Le secrétaire général : l'intermédiaire entre le président et les membres.................................................................................39

· Secrétaire général adjoint..............................................................39

· Le trésorier : La construction sociale du rapport à l'économie...................39

2- Commentaire de L'organigramme de la cophes..............................39

· L'Assemblée Générale : une idéologie d'instance « mère ».......................39

· Le conseil d'Administration : la construction sociale d'une gestion................................................................................................................39

· Le commissariat aux comptes : un acteur construit comme « neutre ».................................................................................40

Conclusion Partielle...............................................................41

TROISIEME PARTIE : TERRAIN ET ANALYSES

Section 1 : FABRICATION DES REPRESENTATIONS SOCIALES ASSOCIEES AU PHENOMENE COOPERATIF.....................................................................44

Chapitre I : Espace coopératif comme une curiosité pour les adhérents................................................................................................44

1- La coopérative : fait social nouveau pour les coopérateurs................44

Chapitre II : L'Espace coopératif comme lieu de réponse au manque social des membres................................................................................................45.

1- La logique économique.........................................................46

2- La logique symbolique et idéologique........................................47

Conclusion Partielle..............................................................48

Section 2 : Fabrication des représentations sociales associées aux prêts octroyés par la cophes................................................................................................49

Chapitre I : Les prêts comme source de maintien des adhérents dans la coopérative..............................................................................................49

Chapitre II : Les prêts comme substitution à la solidarité familiale........................52

1- Comparaison des prêts octroyés au rôle de la structure familiale........................................................................52

2- Vers la mise à nue « nue » de l'effritement du lien familial.............................................................................................53

Chapitre III : Lecture de la sémantique des prêts sociaux dans l'imaginaire collectif des coopérateurs..........................................................................................55

1- Des comportements aux effets de déconstruction de la sémantique des prêts sociaux octroyés par la cophes.......................................55

2- Des prêts sociaux à valeur de « don » pour les coopérateurs...................................................................56

Conclusion Partielle...............................................................59

Section 3 : Les mécanismes sociaux liés à l'octroi des prêts à la cophes....................................................................................................60

Chapitre I : L'octroi des prêts : un exercice réglementé....................................60

1- Les conditionnalités d'octroi de prêts à la cophes.........................60

2- L'itinéraire social des coopérateurs pour l'accès aux prêts............62

3- Les prêts conditionnalités de remboursements des fonds : un jeu dit « démocratique ».............................................................62

4- Les sanctions liées au non remboursement des prêts............... .....62

Section 4 : A PROPOS DE LA PERMEABILITE DES NORMES INSTITUTIONNELLES A LA COPHES........................................................64

Chapitre I : Une organisation faiblement légitimée.............................................65

Conclusion Partielle....................................................................67

Chapitre II : Des coopérateurs aux comportements de défiance des normes institutionnelles.......................................................................................68

1- Le non-remboursement des prêts à la cophes..................................................68

2- Non remboursement de prêts et production d'un autre type de pratique par les membres................................................................................................69

3- De la livraison clandestine des productions à la démission volontaire des membres débiteurs................................................................................................70

Chapitre III : A propos de l'usage des normes institutionnelles à la cophes..................71

1- La cophes, les normes et leur applicabilité.....................................................71

2- Le non-remboursement des prêts à la cophes : résultat du collectivisme de faits par les membres................................................................................................73

Section 5 : LA SUPPRESSION DE PRETS SOCIAUX INTERNES A LA COPHES COMME TENTATIVE DU LEGITIMATION DE LA PERMEABILITE DES NORMES INSTITUTIONNELLES...............................................................................................74

Chapitre I : Des prêts autogérés aux prêts bancaires.............................................74

1-La suppression des prêts sociaux internes à la coopérative...................................74

2- La nouvelle trajectoire sociale des prêts sociaux : La caisse mutuelle d'épargne et de crédit( CMEC).........................................................................................74

3- Les conditionnalités de demande et d'octroi de prêts sociaux à la CMEC.................75

Chapitre II : Les modalités de remboursement des prêts sociaux à la CMEC de songon..................................................................................................77

1- le remboursement des prêts sociaux.............................................................77

2- les sanctions liées au non--remboursement des prêts sociaux..............................77

3- Relations entre les membres de la cophes et la CMEC.......................................78

Conclusion Partielle..................................................................................78

CONCLUSION GENERALE.......................................................................80

TABLE DES MATIERES...........................................................................81

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES..........................................................86

1. Ouvrages de méthodologie..................................................................87

2. Les études sur la solidarité..................................................................88

3. Les études sur la coopérative...............................................................89

4. Les ouvrages généraux......................................................................89

5. Les études sur le « don »...................................................................90

ANNEXES

REFERENCES

BIBLIOGRAPHIQUES

1. Ouvrages de Méthodologie

AKTOUF Oumar, Méthodologique des sciences sociales et approches qualitatives des organisations. Une introduction à la démarche classique et une critique, Version électronique2007.site web :http://classiques.Uquac.ca

BEAUD Michel, L'art de la thèse, la découverte, 2006.

BARDIN Laurence, L'analyse de contenu, Paris, PUK « Quadrige »2007

BOIVERTS Danielle, «  La recherche documentaire et l'accès à l'information », dans GAUTHIER Bénoît (dir), Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données. ste Foy,Presses de l'Université de Québec,2006.

GAUTHIER Benoît (dir).Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données. Ste Foy, Presses de l'Université de Québec, 2006,613p.

GAUTHIER Benoît, « La structure de la preuve » dans Gauthier Benoît (dir) Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données. Ste Foy, Presse de l'Université de Québec, 2006.

GRINGAS François Pierre, « La théorie et le sens de la recherche » dans Benoît Gauthier, (dir), Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données.Ste Foy,Presse de l'Université du Quebec,2006.

LAWRENCE Olivier,GUY Bédard, FERRON Julie, L'élaboration de la problématique de recherche , sources, outils et méthode, Paris, l'Harmattan, logiques sociales, 2005.

MACE Gordon, Guide de l'élaboration d'un projet de Recherche, Québec, Presse de l'université de Laval, 1985.

N'DA Paul, Méthodologie de la recherche : De la problématique à la discussion des résultats, comment réaliser un mémoire, une thèse d'un bout à l'autre, Abidjan, EDUCI, 2006 ;

QUIVY, Raymond ; VAN Campenhoudt, Manuel de recherche en Sciences sociales,Paris, Dunod,2001.

2- LES ETUDES SUR LA SOLIDARITE

BAZIN Laurent ; GNABELI Roch Yao, « Les dépenses sociales et le rapport salarial dans les entreprises ivoiriennes », rapport d'enquêtes, Orstom / IRD, 1996.

BROU Kouamé Pacôme, Retraite et Vie associative en milieu urbain : le cas de l'Association des retraités de Cocody, Mémoire de Maîtrise de sociologie, Université de Cocody- Abidjan, IES, 2006-2007

GABRIEL Gagnon, « Nouvelles formes de solidarité : le monde du travail », document produit en version numérique par Jean-Marie.Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au cégep de chicoutimi, courriel : jmt-sociologue videotrom.Ca. (1992).

GNABELI Roch Yao, L'impact de la solidarité et des funérailles sur l'entreprise Moderne : Logiques sociales et logiques économiques, Mémoire de DEA sociologie, Université Abidjan Cocody, 1992.

GNABELI Roch Yao,Les dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes : Logiques sociales et enjeux économiques, thèse de doctorat, troisième cycle, Université de Cocody-Abidjan ,1998.

SARR Fatou ,Etude des pratiques de solidarité des Entreprises issues du secteur informel au Sénégal, quelles perspectives pour les politiques sociales, thèse de doctorat présenté à la faculté des études supérieurs de l'Université Laval,1997.

KOSSI Kenkou Georges, « solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives » GNABELI Roch Yao,1994.

3-Les Etudes sur la coopérative

COULIBALY inza, La coopérative Agricole en Côte d'Ivoire problèmes et perspectives ; Etude à partir de deux cas : La SCAGBO à Agboville, VLLASSIE à Bonoua, Mémoire de maîtrise de sociologie Université d'Abidjan- Cocody, IES, 1993-1994.

DIA Mamadou, Contribution à l'Etude du mouvement coopératif en Afrique Noire, Présence africaine ,1952.

KOSSI Kenkou Georges, « Solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives » l'exemple du Togo et du Burkina -Faso, 1994.

N'KAKA LOKOMBO Leon, Est- ce que la formule coopérative a un avenir au Zaîre ? Essai présenté pour l'obtention de la maitrise en Gestion et Développement des coopératives, à la faculté d'Administration de l'université de Sherbrooke, Avril,1997.

SISSOKO Alain, « Sociologie des groupements à vocation coopérative dans la zone d'Ayamé » (Côte d'Ivoire), in Travaux et documents du centre D'Etude d'Afrique Noire , institut d'études politiques de Bordeaux, domaine Universitaire, n°44 ? 1994

SISSOKO Alain, « Modèle d'organisation et de fonctionnement de G.V.C adapté à l'environnement soco-économique dans la zone de forêt en côte d'ivoire », orstom, IRD, 1995.

4-LES OUVRAGES GENERAUX

CHAZEL, Pierre « Normes » in Pierre Ansart, et André Akoun, Dictionnaire de sociologie, Robert/Seuil, 2000.

DUBAR Claude, La socialisation, Armand Colin, Paris, 2000.

GOZE Tapé ; DEDY Séri ;, Famille et Education en Côte d'Ivoire, 1995.

GBENOU Gabriel, Le revenu paysan entre la logique sociale et la raison utilitaire, Essai de socio-anthropologie de l'Economie paysanne, thèse présentée à la faculté des sciences sociales de l'Université Laval, Québec, Avril, 2000.

JAVEAU Claude, Leçons de sociologie, Armand Colin, Paris, 1997.

JODELET Denise (sous la dir). Les représentations sociales. PUK, Paris, 1994.

PAIRAULT, Claude « Les changements d'aujourd'hui au Sud du Sahara » in Annales de l'Université d'Abidjan, Ethno-sociologie- 1973, Série F. Tome 5.

5- Etudes sur le « don »

CAILLE, Alain. « Don et intérêt  et désintéressement », Bourdieu,Mauss,Platon et quelques uns autres, la découverte/Paris,1995.

CAILLE, Alain, « MARCEL, Mauss et le paradigme du don »,in Erudit,n°2,volume 36, 2004, 176 Pages.

GODBOUT, Jacques.T. « L'état d'endettement mutuel »,in la Revue du M.A.U.S.S,semestrielle n°4,1994.

ANNEXES

ANNEXE 1

GUIDE D'ENTRETIEN D'ENQUETE ADRESSE AUX MEMBRES ETANT DANS LA COOPERATIVE DEPUIS SA CREATION JUSQU'AUJOURD'HUI.

Section 1 : Logique d'adhésion à la coopérative

a) Logique sociale

1) Comment êtes-vous devenus membres de la cophes ?

2) Qu'est-ce qui vous a motivé à adhérer à cette coopérative ?

3) Etiez-vous membre d'une association ou d'une coopérative ?

- Si oui, qu'est ce que l'association ou la coopérative faisait pour vous ses membres ? Et avec la cophes ?

4) Pensez- vous qu'il y a un changement avec la cophes ?

- Si oui, sur quel plan ?

- Si non, pourquoi ?

b) Logique idéologique

1) Votre coopérative sert à quoi ?

2) En ce qui concerne votre coopérative, « COPHES », qu'est ce qu'elle représente pour vous ?

3) Prenons le cas où la cophes n'existait pas ; qu'est-ce que le fait d'être agriculteur représenterait pour vous ?

5) Comment voyiez-vous votre vie avant la création de votre coopérative ?

6) Est-ce qu'avec la cophes vous pouvez affirmer que vous êtes fiers de votre statut de planteurs ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

c) Logique économique

1) Faites- vous des cotisations au sein de la coopérative ?

- Si oui, à quoi servent-elles ?

2) Comment la cophes parvient-elle à vous satisfaire ?

3) Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés lors des cotisations ?

4) Est-ce que la cophes vous vient-elle en aide financièrement dans vos difficultés ?

5) Sur quels plans, vous n'êtes pas satisfaits de votre coopérative ?

d) Logique institutionnelle

1) Est-ce que la coopérative a des rapports avec au moins un organisme chargé de votre encadrement ?

- Si oui, lequel ? Et comment se fait cet encadrement ?

- Si non, pourquoi ?

2) L'intervention de cette structure vous satisfait-elle ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

3) Est-ce qu'avec l'intervention de cette structure, vous pouvez dire que vous êtes en sécurité au sein de la coopérative ?

4) Qu'est ce qu'elle apporte à la coopérative ?

Section 2 : Représentations sociales associées au système de prêts sociaux.

1) Selon vous, les prêts ou crédits que les coopératives octroient à leurs membres, qu'est ce que cela représente pour vous ?

2) Est-ce que les prêts au sein des coopératives font parties de leurs objectifs ?

- Si oui pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

3) Le fait que la coopérative ait instauré les prêts, qu'est ce que cela représente pour vous ?

- Quel sens vous donnez à cette action ?

4) Est-ce que cela peut-être perçu comme une obligation ?

5) Selon vous, pourquoi prêter de l'argent au sein de la coopérative est une importante chose ?

Section 3 : A propos des conditions d'octroi des prêts Sociaux

1. Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier des prêts ?

2. Quelles sont démarches à mener pour entrer en possession de ces prêts ?

3. Y a-t-il une barre à ne pas dépasser au niveau de la démarche de prêts ?

4. Qui est chargé d'octroyer ces prêts au sein de la coopérative ?

5. Une fois les fonds prêtés, de combien de jours dispose le prêteur pour les rembourser ?

Section 4 : A propos du non-remboursement

1) Savez-vous qu'au sein de la coopérative certaines personnes ne remboursent pas les prêts ?

2) Selon vous, qu'est ce qui pourrait expliquer cela ?

3) Certaines personnes pensent généralement que le non-remboursement des prêts est lié au manque des moyens financiers !

- Que pensez- vous d'une telle déclaration ?

4) Lorsque les fonds ne sont pas remboursés, qu'est ce que la cophes met en place comme stratégie pour amener le débiteur à les rembourser ?

5) Arrive-t-elle à atteindre son objectif ?

- Si oui, comment ?

- Si non, pourquoi ?

6) Une fois que les fonds ne sont pas remboursés, existe-t-il des sanctions infligées aux membres débiteurs ?

- Si oui, lesquelles ?

- Si non, pourquoi ?

7) Selon vous la coopérative doit-elle exercer la pression sur un membre qui lui doit de l'argent ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

ANNEXE 2

GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX MEMBRES DE LA COPHES ET AU PRESIDENT (Les membres de la coopérative depuis sa création et les nouveaux membres)

Les conditions de demande de prêts à la CMEC

1) Quels sont les types de prêts que la CMEC accorde aux membres de votre coopérative ?

2) Quelles sont les démarches à mener pour demander ces prêts ?

3) Y a il une certaine somme à ne pas dépasser quand vous demandez ces prêts ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

4) Que pensez-vous de ces prêts ?

5) Quels sont les avantages de ces prêts ?

6) Quels sont les problèmes auxquels vous êtes souvent confrontés lors des demandes de prêts ?

LES CONDITIONS DE REMBOURSEMENT DES PRËTS

1) Une fois que vous entrez en possession de ces prêts, de combien de jours disposez-vous pour les rembourser ?

2) Que pensez-vous de ce délai de remboursement ?

3) Ces délais de remboursement des prêts conviennent-ils ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

Les sanctions en cas de non-remboursement des prêts octroyés par la CMEC

1) Pour quelqu'un (c'est-à-dire un coopérateur) qui a obtenu des prêts et qui ne rembourse pas, quels sont les sanctions qui l'attendant ?

2) Que pensez- vous de ces sanctions ?

3) Pensez-vous qu'avec ces sanctions, un membre est capable de ne pas rembourser ces prêts ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi

4) Depuis que vous demandez des prêts à la CMEC, vous est-il arrivé une fois de ne pas respecter le délai de remboursement ?

- Si oui, pourquoi ?

- Si non, pourquoi ?

5) Avez-vous une fois appris ou entendu qu'un membre de votre coopérative a été saisi pour non-remboursement des prêts ?

6) Que représentent les prêts que la CMEC vous octroie ?

* 1 Dia, Mamadou, Contribution à l'étude du mouvement coopératif en Afrique Noire,Presence Africaine,1952

* 2 Georges Kossi Kenkou,solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives en milieu rural africains, la cas du Togo et du Burkina Faso,1994.

* 3 Roch Yao Gnabely , les dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes : logique sociale et enjeux économique,thèse de troisième cycle de doctorat de sociologie, Université d'Abidjan Cocody, 1998.

* 4 Durkheim E, 1893,De la Division du travail social, PUF-Quatriage,Paris,1991

* 5 Extrait du statut et règlement intérieur de la cophes

* 6 L'impact de la solidarité et des funérailles sur l'entreprise moderne : Logique sociale et logique économique, Mémoire de DEA sociologie, Université de Cocody, 1992.

* 7 Gnabeli Roch Yao, les dépenses funéraires dans les entreprises ivoiriennes : Logiques sociales et enjeux économiques, thèse de doctorat troisième cycle, Université de Cocody-Abidjan, 1998

* 8 Gagnon Gabriel, " Nouvelles formes de solidarité" : Le monde du travail, document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,1992

* 9 Bazin, Laurent ;Gnabeli Yao Roch, Les dépenses sociales et le rapport salarial dans les entreprises ivoiriennes, rapport d'enquête, IRD,1996

* 10 Saar Fatou, Etude des pratiques de solidarité des Entrepreneures issues du secteur informel au Sénégal, thèse de Doctorat présentée à la faculté des études supérieures de l'Université Laval,1997.

* 11 Kossi Kenkou, Georges, Solidarité sociale traditionnelle et promotion des structures coopératives en milieu rural africain, l'exemple du Togo et du Burkina Faso,1994

* 12 A.F.Laidlaw, les coopératives en l'an 2000, ACI,1980,p29

* 13 Lokombo Nkaka Léon, La formule coopérative a-t-elle un avenir au Zaïre ? Essai présenté pour l'obtention de la maîtrise en gestion et developpement des coopératives à l'université de Sherbrooke,1997

* 14 Sissoko Alain, « Modèle d'organisation et de fonctionnement de G.V.C adapté à l'environnement soco-économique dans la zone de forêt en côte -d'ivoire »Travaux et documents, IRD,1996

* 15 Ibidem, sociologie des groupements à vocation coopérative dans la zone d'Ayamé (côte-d'ivoire), documents et travaux,Centre d'Etude d'Afrique Noire,Bordeaux,1994

* 16 Inza, Coulibaly, La coopérative agricole en Côte-d'Ivoire ; problèmes et perspectives ;Etude à partir de deux cas : - La SCAGBO à Agboville, ; - VLASSIE à Bonoua, Mémoire de Maîtrise de sociologie, Université d'Abidjan- Cocody,1993-1994

* 17 Extrait du dictionnaire de sociologie, le robert/ Seuil,Paris,2000

* 18 François Chazel, in dictionnaire de sociologie, le robert/ Seuil,2000,p367

* 19 Bourdieu,Pierre,le sens pratique, édition de Minuit, Paris,1980

* 20 Claude Dubar, la socialisation, Armand Colin, Paris,2000

* 21 Ce terme est utilisé pour qualifier une des nourritures ivoiriennes conçues à base de semoule de manioc

* 22 Yves Frédéric, Introduction à l'Analyse des Organisations, 2eme, gestion poche, 2000.

* 23 Gbénou Gabriel,Le revenu paysan entre la logique sociale et la raison utilitaire,thèse de doctorat en sociologie, Université Laval,2000.

* 24 DEDY Seri,Tapé Gozé, Famille et éducation en Côte d'Ivoire,EDUCI,1995

* 25 Pairault, « Les changements d'aujourd'hui au sud du Sahara » in Annales de l'Université de cocody,Ethno-sociologie, tome 5,1973

* 26 Caillé,Alain. Don et Intérêt et désintéressement. Bourdieu,Mauss,Platon et quelques uns autres. La découverte/ Paris,1995.

* 27 Marsan cf Gabriel Gbénou,2000 P 236.

* 28 Extrait du dictionnaire de sociologie Robert/Seuil,Paris,2000

* 29 Mauss, Marcel cité par Gabriel Gbénou,2000, P 208.

* 30 Godbout,Jacques T. (1994), « L'état d'endettement mutuel », la Revue du Mauss,semestrielle, n°4

* 31 Claude Dubar, la socialisation, Armand Colin, Paris,2000,P.11






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle