THEME DE MEMOIRE : La
problématique de la gouvernance en
République de Guinée et l'appui
de la
Banque mondiale
INTRODUCTION
I. NOTION DE GOUVERNANCE
1. Historique
2. Principes de bonne gouvernance
II. SITUATION DE LA GOUVERNANCE EN REPUBLIQUE DE
GUINEE
1. Situation démocratique et politique
2. Situation économique et sociale
III. DIFFICULTES D'INSTAURATION D'UNE BONNE
GOUVERNANCE
1. Dans le processus de démocratisation de la vie
politique
2. Au niveau de la justice et des droits de l'homme
3. Au niveau des ressources
IV. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE A LA GUINEE
1. Différentes Stratégies
2. Limites et Perspectives
CONCLUSION
INTRODUCTION
La Guinée est une
République
avec comme chef de l'État le
président,
parfois appelée Guinée Conakry, du nom de sa
capitale
Conakry, pour la
différencier de la
Guinée-Bissau,
de la
Guinée
équatoriale et de la
Nouvelle-Guinée.
Elle se trouve sur la côte atlantique de l'Afrique de l'Ouest et est
entourée de la
Guinée-Bissau
(386 km de frontières à l'ouest), du
Sénégal
(330 km au nord-ouest), du
Mali (858 km au nord-est),
de la
Côte
d'Ivoire (610 km à l'est) du
Libéria
(563 km au sud-est) et de la
Sierra Leone
(652 km au sud) et de l'
océan
Atlantique 1.
De grands fleuves comme le
Niger, le
Sénégal,
la
Gambie et leurs
affluents prennent source en Guinée, faisant du pays le
« château d'eau » de l'Afrique de l'Ouest. Quant au
climat, il est tropical à deux saisons : la saison des pluies et
la saison sèche. La durée de ces deux saisons varie en fonction
des régions naturelles. L'environnement en Guinée semble
préservé grâce à la faible densité de
population et l'industrialisation limitée.
La Guinée partage avec le Mali, au
XIIIe siècle,
le légendaire
Sundjata
Keïta qui forma un immense empire ayant pour capitale
Niani (aujourd'hui petit
village guinéen). La zone côtière fut occupée au
préalable par les Portugais, qui furent évincés par
l'armée française, parce que affaiblis par l'occupation de la
Guinée-Bissau. La Guinée est proclamée colonie
française en
1891, indépendamment du
Sénégal,
auquel elle était précédemment rattachée. Cette
nouvelle appellation remplace celle qu'elle portait, jusque-là: les
Rivières du Sud. En
1901, la Guinée devient
une partie intégrante de l'
Afrique
occidentale française (AOF), administrée par un gouvernorat
général1(*).
En rejetant la proposition de la France concernant
l'intégration des colonies de l'AOF au sein d'une Communauté
française après la seconde guerre mondiale, la République
de Guinée est proclamée le 02 octobre 1958 ; ce qui, du
coup, rompt toutes relations politiques et économiques avec la France.
Deux ans après, la machine des indépendances était en
branle dans le monde francophone africain, suivant ainsi l'exemple
guinéen. Près de cinquante après, ces pays et au
delà (du sud du Sahara) sont confrontés à d'énormes
difficultés politiques, économiques et sociales liées
à la gestion des Etats ; donc des problèmes de
gouvernance.
Il convient de rappeler que durant tout notre cursus
universitaire cette notion de bonne gouvernance est tellement revenue dans les
cours, comme si forcément le développement d'une nation ne peut
passer que par ce principe, que nous nous sommes décidés à
l'accorder plus d'attention. Mais si la communauté internationale,
l'Afrique en particulier, principale cible de cette bonne gouvernance, attache
une importance toute singulière à ce processus, pourquoi depuis
des décennies, plusieurs obstacles freinent son application?
La République de Guinée, cet autre Etat de
l'Afrique francophone n'échappe guère à cette logique pour
des raisons : géographique, historique et surtout celle liée
à la mondialisation. La Guinée-Conakry, bien que possédant
les critères assez semblables aux autres Etats du Sud du Sahara dans ce
sens, présente des caractéristiques toutes
particulières ; ce qui est évidemment l'une des multiples
raisons du choix de notre thème.
Après avoir connu un régime socialiste pendant
vingt six ans, caractérisé par un parti unique au pouvoir, le
libéralisme économique naîtra du coup d'Etat militaire de
1984. Les guinéens connaîtront une période d'exception
avant de se lancer comme les autres dans le multipartisme en 1990. Une nouvelle
constitution dite `'LOI FONDAMENTALE'' est adoptée avec son
régime présidentiel. Le principe de séparation du pouvoir,
l'Etat de droit, les libertés civiques, et bien d'autres sont
préconisés. De cette date à nos jours, la
République de Guinée a connu une période très
mouvementée : des élections, des crises de tout genre...
C'est dans ce contexte que nous nous sommes posés certaines questions
liées à la gouvernance dans ce pays de l'Afrique de l'ouest,
où l'on rencontre une population plus que pauvre en dépit des
richesses que regorge le pays tout comme les aides (dons, dettes, appuis
techniques...) que nous accordent nos partenaires au développement en
occurrence la Banque mondiale. Le retard de la Guinée serait-il
lié donc à un facteur historique ? Ou serait-il une
conséquence logique d'un demi-siècle de mauvaise gestion de nos
ressources ? Et qui dit mauvaise gestion parle directement de mal
gouvernance et de propension de la corruption; ce qui sous-entend tout
naturellement une problématique de gouvernance.
A travers donc des analyses personnelles et celles des
spécialistes, des interview, des documents liés à ce
thème traités par des chercheurs expérimentés, nous
essayerons d'aborder une étude complexe et délicate en
espérant apporter, non des solutions, mais des éclaircissements
tout au moins pour la compréhension de l'un des problèmes majeurs
de ce pays, indépendant depuis cinquante ans et qui a du mal à se
hisser au rang des nations véritablement engagé sur le chemin de
développement.
D'où notre thème de recherche
intitulé : « la problématique de
gouvernance en République de Guinée et l'appui de la Banque
mondiale »
Etant considéré comme l'un des pays les plus
riches du continent par son sous-sol et son climat, les Guinéens eux
sont des plus misérables de la planète selon l'indicateur de
pauvreté humaine (IPH) fait par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) en 2006. Ce contraste amène tout observateur
de la réalité nationale à se poser une série de
questions liées à l'épanouissement du guinéen
moyen. Après avoir clarifier la notion de gouvernance
(Chapitre I) à travers son historique et ses
principes, nous tacherons de faire une description de la situation de
Gouvernance en Guinée (Chapitre II) ; ceci ne
peut être possible, à notre humble avis, que si dans ce chapitre
nous analysons la situation politique et démocratique du pays,
car nous pensons que cette approche nous édifiera dans
l'étude des réels problèmes de la gouvernance en
Guinée. Comme nous le disions tantôt, la gouvernance étant
étroitement liée à la démocratie, c'est pourquoi
revoir cette situation sur l'angle politique est une nécessité en
vue de mette en lumière les obstacles à une véritable
démocratisation, condition nécessaire d'une bonne
gouvernance ; ou en d'autres termes cerner les difficultés
qui s'opposent à l'instauration des principes d'une bonne gouvernance en
Guinée (chapitre III).
Puis dans un autre chapitre, nous aborderons les
appuis de la Banque mondiale à la République de Guinée
(chapitre IV) pour l'instauration d'une gouvernance efficace
capable de sortir les guinéens de la pauvreté.
Pour aborder le sujet, d'aucuns se poseront certes la
question, pourquoi la Banque mondiale ? Il n'est pas exagéré
de noter que la Banque mondiale est l'une des plus grandes institutions qui
s'intéresse aux questions de développement des pays
pauvres ; et pour le cas de la Guinée, elle a toujours
apporté son aide à travers des programmes à court, moyen
et long terme dont l'achèvement a souvent posé des
problèmes. Mais l'on peut justement se demander jusqu'où se
limite cet appui ? Et à la lumière de ce questionnement et
sur la base des réponses, les perspectives pourront être
perçues, nous l'espérons, pour l'amélioration de la
Gouvernance en Guinée; aspiration majeure des guinéens de nos
jours, car nous estimons que cette amélioration mettra les populations
à l'abri de la pauvreté extrême qu'elle vit à
présent.
Face à cette situation alarmante de pauvreté
donc, nous nous sommes attachés à mettre en lumière la
réelle problématique de cette gouvernance. C'est l'objet
même de ce mémoire qui se veut un apport, si peu soit-il, à
la connaissance de nos difficultés ; et qui sera certainement au
service des étudiants, des institutions concernées, des
décideurs politiques et d'autres chercheurs pour booster le
développement.
CHAPITRE I
NOTION DE GOUVERNANCE
1 - Historique du concept, contextes et
définitions
Gouvernances urbaine, mondiale ou globale, bonne gouvernance,
corporate governance... On le voit, le terme fait l'objet d'une
multitude d'usages. Des différences notables existent de part et d'autre
de l'Atlantique et outre-Manche, comme d'une discipline à l'autre, au
point que l'on peut parler de gouvernances au pluriel, comme le suggère
un numéro récent des Annales de la recherche urbaine.
Cette polysémie ne serait pas problématique si ces usages
n'étaient par trop contradictoires.
Tandis qu'en économie institutionnelle, la gouvernance
traduit un effort d'intégration et de simplification (de
l'échange), dans le contexte urbain, elle sert souvent à
désigner une complexité croissante de l'organisation du pouvoir
local du fait des coûts de transaction et de coordination
entraînés par la sollicitation d'une multiplicité
d'acteurs, privés ou associatifs.
Pour les uns, la gouvernance participe d'une
démocratisation du fonctionnement étatique, et ouvre donc le
champ aux initiatives et à de nouvelles mobilisations civiques. Pour
d'autres, elle signifie, d'abord, une revalorisation du rôle des acteurs
économiques et la remise en cause de l'interventionnisme
étatique.
Reste que par-delà ces différences de
signification, la gouvernance permet de décrire un changement de style
dans le mode de gouvernement ou de gestion, à quelque niveau où
on se situe. En cela, elle mérite d'être considérée
avec attention.
Parallèlement aux réformes de l'administration
publique, la notion de gouvernance a aussi servi à rendre compte des
transformations du pouvoir local et de ses rapports avec le pouvoir central.
A l'origine de cet usage, il y a les réformes
entreprises en Angleterre à partir de l'arrivée des conservateurs
en 1979. Dans ce contexte, la gouvernance traduit une réforme des
pouvoirs locaux à l'initiative du pouvoir central. Elle sert alors
à promouvoir l'idée de partager, de mettre en commun les
compétences, les ressources de l'Etat et des acteurs publics et
privés, institutionnels ou associatifs. Comme la bonne gouvernance,
l'urban governance implique l'effacement des frontières entre
les secteurs public et privé. Dans les années 80, le lancement
d'un vaste programme de recherche devait assurer sa diffusion dans les sciences
sociales anglo-saxonnes.
En France, il faut attendre le programme interdisciplinaire
lancé dans les années 80 par le CNRS2(*) (programme Pir-Villes3(*)), dans le contexte de la
politique de la ville, pour assister non sans quelques altérations de
sens à l'usage de la notion chez les spécialistes de politiques
urbaines. Elle sert alors à rendre compte du « passage
d'un système d'administration, centré sur l'Etat et des
institutions locales, à un système de gouvernement municipal
centré sur les élus locaux (en particuliers les élus des
grandes villes) faisant un plus large recours au marché, à la
délégation, etc. ». Concrètement, la mise
en place des contrats de développement social de quartier, puis des
contrats de ville, a pour effet d'élargir la négociation entre
l'Etat et les collectivités locales aux associations et aux entreprises.
Mais plusieurs autres formes de gouvernance peuvent être
imaginées : un conseil urbain en charge par exemple du recyclage
des déchets, une instance intercommunale qui assure un système de
transport avec les associations d'usagers, etc.
La notion a également été
transplantée dans les pays en développement, à la faveur
des programmes internationaux. Au Brésil sont par exemple menées
des expériences de « budget participatif »,
consistant à faire participer la population locale aux arbitrages dans
les choix d'investissement des villes. Ce n'est qu'à la fin des
années 90, à la faveur de la fin de la guerre froide et du monde
bipolaire, que la notion fait irruption dans les théories des relations
internationales.
Le premier, l'Américain James Rosenau en fournit en
1992 une définition dans un ouvrage devenu depuis un classique :
Governance without Government (gouvernance sans gouvernement). Il
définit la gouvernance comme un ensemble de règles, de
procédures, de conventions, de principes élaborés de
manière implicite par des acteurs relevant de logiques
différentes, en l'absence d'autorité officielle et sans recours
systématique à la force militaire. Une définition que
J. Rosenau complètera par la suite, dans ses contributions à une
nouvelle revue trimestrielle, créée en 1995 et consacrée
à ce thème (Global Governance).
Du point de vue des sciences sociales, la gouvernance offre,
comme l'explique le sociologue anglais Bob Jessop, le mérite de
dépasser plusieurs dichotomies qui n'apparaissent plus
opératoires pour comprendre le fonctionnement réel des
sociétés, de l'économie, de l'action publique, de l'ordre
international d'aujourd'hui. A savoir : marché et
hiérarchie, en économie ; marché et plan, dans les
analyses de l'action publique ; privé et public, en politique ; anarchie
et souveraineté, en relations internationales. Elle revient aussi
à promouvoir une autre forme de rationalité distincte de la
rationalité procédurale (définie en fonction des moyens),
substantielle (orientée vers des buts) ou limitée. La gouvernance
implique une rationalité
« réflexive » : les acteurs agissent
en réagissant en permanence aux effets de leur action collective. En
tirant les leçons des précédents et des échecs, ils
avancent dans un dialogue permanent, en vue d'un consensus.
S'agissant des relations internationales, Pierre de
Senarclens4(*)
considère que les débats sur la gouvernance ne font que
réactiver l'analyse en terme de système politique, conçue
à partir des années 60. S'agissant enfin de la corporate
governance, des spécialistes font observer qu'elle est
déjà prévue dans certains de ses principes par le droit
des sociétés français, lequel sanctionne les abus de biens
sociaux et prévoit une majorité d'administrateurs non
exécutifs au sein du conseil d'administration.
En ce qui concerne l'Afrique subsaharienne, un constat est
visible : deux décennies seulement après leur triomphale
accession à la souveraineté nationale généralement
survenue aux environs de l'année 1960, la plupart des pays d'Afrique
subsaharienne, surtout ceux francophones, se sont trouvés
confrontés à des difficultés économiques d'une
acuité telle que, à partir de 1980, la BM et le FMI ont
commencé à leur appliquer les fameux programmes d'ajustement
structurel (PAS).
Le but visé à travers ces PAS, outre celui
premier mais non avoué de mettre ces pays en mesure de rembourser la
dette extérieure, était de les sortir de la crise pour les
engager sur la voie de la croissance et du développement
économiques. Mais, à la fin de ces mêmes années
1980, les résultats des PAS se sont révélés
tellement catastrophiques que l'on a parlé de décennie perdue
pour le développement économique de l'Afrique.
En effet, la croissance et le développement
économiques escomptés n'ont pas suivi, mais les PAS se sont
traduits par des coûts sociaux très exorbitants. C'est dans ce
contexte que, en 1989, la BM, dans une étude intitulée «
L'Afrique subsaharienne : de la crise au développement durable, une
perspective à long terme », lança, pour la
première fois, la notion de bonne gouvernance (BG), notion qu'elle
reprendra du reste avec plus de force dans un document de 1992 intitulé
« Gouvernance et développement ». Dans l'entendement des
experts de la BM qui avaient conçu ces deux documents, la BG
apparaît comme la condition du développement, et cela
particulièrement dans les pays africains sous ajustement structurel.
Depuis, la notion de gouvernance, en relation avec le développement, est
devenue récurrente dans les discours et débats
politico-économiques en cours en Afrique. Mais toute réflexion
sérieuse sur la BG dans son rapport avec le développement qui
constitue l'aspiration de tous les peuples suppose un préalable à
savoir :
La définition du concept de bonne
gouvernance
Ainsi, l'expression BG comprend deux termes : l'adjectif
qualificatif « bonne » et le substantif « gouvernance ». Ce
substantif vient de l'anglais « governance » et désigne le
mode de gestion des affaires publiques. En d'autres termes, la gouvernance
désigne l'ensemble des mesures, des règles, des organes de
décisions, d'informations et de surveillance qui permettent d'assurer le
bon fonctionnement d'une organisation qu'elle soit publique ou privée,
régionale, nationale ou internationale.
Pour ce qui est du contenu concret de cette bonne gestion et
des affaires publiques en question, c'est-à-dire donc de la notion de BG
elle-même, il fait l'objet de deux conceptions. La première
conception est le fait de l'institution même qui a conçu,
enfanté, et promu la notion de BG : la BM, cette autre institution de
Bretton Woods, peut-être par souci de fidélité à ses
statuts dont l'article 45(*)
(section 10) l'enjoint de ne pas s'immiscer dans les affaires politiques de ses
membres et de s'en tenir aux seules considérations économiques,
revendique une conception purement économiciste de la BG6(*). Dans son entendement, celle-ci
se ramène tout simplement à une gestion économiquement
saine, transparente, et efficace des deniers publics. Cette conception dite
technico-gestionnaire, parce que mettant en avant le seul critère
d'efficacité des modes de gestion économique sans
considération aucune de l'environnement socio-politique dans lequel
s'inscrivent ces modes de gestion, se réduit ainsi à une approche
exclusivement financière et comptable de la BG (gérés
d'une façon économiquement saine, transparente, et efficace,
l'argent public et celui mis à la disposition des Etats par les
bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux). Cette conception
économique de la Bonne Gouvernance devrait déclencher une
dynamique de croissance et de développement. L'ajustement que la BM
prône dans ce cadre est, par conséquent, un ajustement purement
économique ; Mais les questions économiques, en tant qu'elles
sont culturellement, socialement et, surtout, politiquement liées et ne
peuvent pas être traitées ex nihilo, c'est-à-dire sans
considération du contexte et de l'environnement dans lesquels elles
baignent et avec lesquels elles entretiennent des rapports dialectiques
positifs ou négatifs.
C'est pour l'avoir compris que, au début des
années 1990, les bailleurs de fonds bilatéraux et les dirigeants
des mouvements subsahariens de revendications démocratiques ont repris
à leur compte et popularisé la notion de BG dans le cadre d'une
conception nouvelle, qui transcende celle de la BM.
Selon cette deuxième conception, la BG, n'est plus
considérée comme une question de gestion économique
rigoureuse mais plutôt postule un régime politique fondé
sur la démocratie libérale et l'Etat de droit. En d'autres
termes, elle suppose le pluralisme idéologique, le multipartisme, la
séparation des pouvoirs, le suffrage universel, l'égalité
juridique des citoyens, le respect des droits de l'homme, une justice
indépendante, la possibilité juridique pour les citoyens
d'attaquer l'Etat et ses démembrements en justice, la transparence dans
la gestion des affaires publiques, l'association des populations et des medias
à cette gestion (notamment par le moyen de leur consultation et de la
déconcentration administrative), la responsabilité (dans le sens
anglais de « accountability », c'est-à-dire de l'obligation de
rendre des comptes), la lutte contre la corruption. Cette deuxième
conception consacre ainsi un élargissement de la notion de BG, et cet
élargissement va dans le sens de la politisation du concept. La BG
recherchée ici, c'est la BG démocratique, laquelle se situe au
plan politique. Avec cette conception, l'ajustement politique vient s'ajouter
à l'ajustement économique et social pour le compléter et
en assurer la réussite. Tel est aujourd'hui le contenu
généralement conféré à la notion de BG et
qui sera retenu dans le cadre de cette étude. Paradoxalement, la BM,
même si elle s'en défend au nom des interdits posés par
l'article 4 (section 10) précité de ses statuts, semble quelque
peu adhérer, dans la pratique, à cette conception, et cela
à travers certaines conditionnalités insérées dans
les PAS, exprimées dans certains de ses documents, et tournant autour de
l'Etat de droit et de la participation populaire.
C'est ce qui explique que beaucoup d'études
menées sur la BG parlent de conditionnalités démocratiques
posées par les Institutions internationales; de même, beaucoup de
chercheurs n'ont pas hésité à parler de
conditionnalités démocratiques avancées par la BM comme
facteurs externes explicatifs des mouvements africains de revendications
démocratiques du début des années 1990. Pour les
Institutions de Breton woods, une bonne gouvernance et l'élimination de
la corruption sont essentielles à la mission qu'elles entreprennent en
vue de faire reculer la pauvreté en Afrique et d'arriver à
atteindre les objectifs fixés dans les projets qu'elles
financent.
Ces clarifications sémantiques étant faites, il
importe de souligner que l'étude de la BG dans son rapport avec le
développement est triplement intéressante : économiquement
d'abord, en ce qu'elle permet d'examiner les aspects économiques de la
BG, du développement, et de leurs rapports ; politiquement ensuite, en
ce qu'elle pose le problème des conditions politiques d'une BG ;
juridiquement enfin, en ce qu'elle permet de réfléchir sur
l'environnement juridique et judiciaire nécessaire à la BG. Il
s'agira, pour une telle étude, de démontrer que si le
développement économique est un phénomène possible
sans la BG, celle-ci demeure la condition sine qua non du développement
global et durable. Cette démarche analytique se justifie par le fait
qu'elle permet d'envisager, sous leurs divers aspects, les rapports qu'il y a
entre la BG et le développement.
2 - Les principes de bonne gouvernance
La problématique de la bonne gouvernance renvoie
à un ensemble de questions qui sont intimement liées les unes aux
autres dans un pays :
· La légitimité du gouvernement, qui
dépend de l'existence de mécanismes de participation et de
l'adhésion des gouvernés ;
· L'obligation pour les organes publics et politiques de
rendre compte de leurs actes ;
· L'existence de mécanismes qui permettent de
demander aux individus et aux institutions de justifier de leur conduite ;
· L'accès à l'information et le
degré de liberté des medias ;
· L'aptitude du gouvernement à définir des
politiques appropriées, à prendre des décisions en temps
voulu, à les mettre en oeuvre efficacement, à assurer des
services ;
· Le respect des droits de l'homme et de la
légalité pour garantir les droits individuels et collectifs et la
sécurité de chacun et de tous7(*);
La création d'un cadre viable pour l'activité
économique et sociale ainsi que la promotion de la participation des
individus.
Ces thèmes généraux touchent à des
valeurs qui sont essentielles et dont le respect est maintenant pleinement
reconnu comme indispensable au développement durable d'un pays.
Certains de ces thèmes, comme le respect des droits de
la personne humaine et la participation, constituent en soi des valeurs
fondamentales, tandis que d'autres, tels que l'obligation de rendre des
comptes, la transparence et la qualité de la gestion du secteur public,
correspondent aussi à des moyens de servir le développement.
Certains des buts visés, comme le respect de la légalité,
doivent être considérés à la fois comme une fin en
soi et comme une condition de la durabilité du développement. Les
actions à mener recouvrent un éventail de mesures qui peuvent
soit viser un objectif précis, soit donner lieu à des initiatives
diverses. Un programme de bonne gouvernance vise donc une grande
variété de cibles intermédiaires dans les principaux
domaines suivants :
· La démocratisation ;
· La primauté du droit et les droits de l'homme
;
· La gestion du secteur public ;
· La lutte contre la corruption ;
· La participation de la société civile
;
· La sécurité et la paix.
Afin de donner un contenu opérationnel à cette
définition générale de la bonne gouvernance, les
principales caractéristiques de chacune de ces dimensions et les actions
généralement envisagées pour les promouvoir doivent
être précisées.
a) La démocratisation
La démocratie recouvre les notions de consentement, de
légitimité et de responsabilité devant le peuple. Ces
notions sous-tendent à leur tour l'existence de mécanismes de
participation et le fait que les gouvernants exercent le pouvoir avec le
consentement des gouvernés ; ces derniers disposant ainsi d'un
réel droit de regard sur les actes des gouvernants ainsi que la
possibilité de retirer leur consentement et de participer à la
mise en place, selon un processus pacifique, de nouveaux gouvernants. En tant
que processus, la démocratie ne présente pas
nécessairement les mêmes caractéristiques que lorsqu'elle
est parvenue à maturité. Mais les principes de bases
énoncés ci-dessus doivent se retrouver dans l'une et l'autre
phase.
Le propre d'un pouvoir démocratique est d'être le
plus exposé à l'expression des aspirations et critiques des
partis politiques adverses, des partenaires sociaux et de la
société civile. En second lieu, il procède de la
compétition électorale et doit par conséquent assurer sa
survie uniquement par le biais de la confiance et de l'adhésion qu'il
doit susciter auprès de l'opinion publique. En troisième lieu, le
fonctionnement des organes publics, politiques et administratifs ainsi que le
maintien de l'ordre public doivent se dérouler dans le respect du droit,
pour être irréprochables. La tenue périodique
d'élections libres et loyales est donc l'un des traits essentiels d'une
véritable démocratie. L'obligation de faire face à des
aspirations aussi importantes, complexes, la recherche constante de
l'adhésion populaire et le respect du droit sont des
préoccupations essentielles qui exigent des règles du jeu
politique claires, des institutions politiques et des structures de
participation souveraines et opérationnelles et un appareil
administratif efficace. La valorisation des ressources humaines est
également capitale pour la continuité du processus de
démocratisation et l'instauration d'un développement durable ;
l'une et l'autre exigeant que les individus soient capables de faire des choix
éclairés.
De même, l'émergence d'une société
civile pluraliste comprenant tout un éventail d'institutions et
d'associations représentant des intérêts divers et faisant
contrepoids au pouvoir des gouvernants est nécessaire pour
l'instauration de la démocratie.
Le lien entre système économique et
démocratisation est controversé, et la relation de cause à
effet entre les deux phénomènes n'est certainement ni
prévisible ni univoque. On a pu observer cependant qu'au fil du temps un
mode de développement orienté par le marché conduit bien
souvent à la mise en place de gouvernements qui savent être
à l'écoute des populations et débouche sur un plus grand
pluralisme. Un développement économique soutenu peut dès
lors faire beaucoup pour l'instauration d'une véritable
démocratie. D'un autre côté, l'oppression politique et
l'existence de gouvernements pillards bloquent le développement
économique.
Mais, dans la sous région, ces arguments ne sont
généralement pas très convaincants. En effet, les
expériences démocratiques ont été engagées
dans la plupart des pays dans un contexte où les Etats se trouvaient
dans une trop grande dépendance économique et financière
vis-à-vis de l'extérieur. De sorte que, à l'épreuve
des difficultés financières insurmontables et des contraintes des
programmes de réforme économique qui ont été
à l'origine de grèves et de troubles sociaux, d'aucuns en sont
venus à se demander si réellement ce n'est pas la
démocratie qui rime mal avec les impératifs du
développement. Cependant, une analyse approfondie des situations montre
aisément qu'il n'y a pas incompatibilité entre démocratie
et développement. Les difficultés des Etats, concomitantes avec
le démarrage des processus démocratiques, s'expliquent par des
phénomènes dus pour la plupart à l'absence de
démocratie :
o la mauvaise délimitation du rôle de l'Etat, qui
s'encombre de la gestion inefficace d'entreprises industrielles et commerciales
;
o La non stimulation des capacités et des initiatives
privées ;
o L'absence de politique globale cohérente et
transparente apte à décourager les revendication fantaisistes en
informant totalement sur les contraintes de l'Etat.
Dans la phase de démarrage du processus
démocratique, ce sont les déficiences dans la
compréhension de l'essence de la démocratie, tant au niveau des
militants ou sympathisants des partis politiques que des élites, qui
sont particulièrement nuisibles. Pour les premiers, c'est la porte
ouverte à la résolution des problèmes de leur vécu
quotidien et l'obtention de faveurs, même si c'est au prix d'injustices
à l'égard des groupes politiquement adverses. Pour les seconds,
c'est la voie d'une rapide promotion sociale à travers les fonctions
politiques et administratives ou des marchés publics. Dans un cas comme
dans l'autre, ce sont les intérêts privés qui prennent le
pas sur la mobilisation autour d'un programme politique, économique et
social de gouvernement. Un tel état d'esprit génère
inévitablement les tares que sont le copinage, le favoritisme, le
prébendisme, l'exclusion et l'absence de débat constructif entre
la majorité et l'opposition.
Il faut souligner que tous les ingrédients de la
démocratie sont absolument indissociables. Les stratégies
à mettre en oeuvre pour promouvoir la démocratie doivent donc
être éclectiques et viser bien souvent des cibles indirectes.
b) La suprématie du droit
La primauté du droit est un aspect important de la
« gestion des affaires publiques » que la
Banque mondiale définie comme l'exercice du pouvoir
politique et d'un contrôle dans le cadre de l'administration des
ressources de la société aux fins du développement
économique et social8(*). Dans cette définition, l'accent est ainsi mis
d'une part sur le rôle que jouent les pouvoirs publics dans la
création du cadre de l'activité des agents économiques et
dans la décision en matière de répartition et, d'autre
part, sur la nature des rapports entre gouvernants et gouvernés.
Les caractéristiques et les
principes
Il est unanimement reconnu que l'existence d'un cadre
juridique stable dans lequel s'insère un appareil judiciaire, objectif
fiable et indépendant est une condition essentielle de la
démocratisation, de la bonne gestion des affaires publiques et du
respect des droits de l'homme. Pour cela, le système juridique doit
répondre aux exigences fondamentales suivantes :
· L'exercice du pouvoir par les gouvernants en
conformité avec la loi ;
· L'existence de tribunaux indépendants ;
· L'existence de dispositions constitutionnelles
prévoyant le plein exercice du contrôle des pouvoirs
exécutifs et administratifs ;
· L'égalité devant la loi traduite par le
fait que tous les citoyens ont la même faculté de saisir les
tribunaux et de bénéficier des mêmes traitements quelles
que soient leurs conditions sociales.
Le respect de la légalité nécessite que
des organismes intègres soient chargés d'appliquer la loi, de
veiller à l'exécution effective des décisions de justice
et que l'administration judiciaire soit soucieuse et dispose des moyens de
faire en sorte que les affaires soient jugées rapidement sans que le
plaignant ait à supporter des coûts excessifs. Mais, pour qu'un
appareil judiciaire indépendant puisse facilement voir le jour, il doit
exister un corps législatif vigilant avec une opposition active, des
droits garantis sans équivoque et un cadre constitutionnel qui
délimite clairement les pouvoirs des organes exécutifs,
législatifs et judiciaires, une garantie de l'inamovibilité des
magistrats, ainsi qu'une presse libre.
c) Le respect des droits de l'homme
La Charte des Nations Unies et la Déclaration de
Vienne sur les droits de l'homme de 1993 affirment le caractère
universel et indissociable de tous les droits de la personne humaine. Ces
documents stipulent qu'il incombe à tous les Etats et qu'il est de leur
devoir de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et les
libertés fondamentales. Tout le monde adhère sans
difficulté à ces grands principes. Mais il est encore
fréquent que des comportements socioculturels et des règles
prescrites par la coutume entrent en conflit avec diverses conventions
internationales consacrées à des formes particulières de
violation des droits de l'homme, telles que la torture, la discrimination
à l'égard des femmes, la protection de certaines fractions de la
population comme les enfants, les droits en matière de syndicalisme et
autres associations.
Les caractéristiques et les
principes
L'importance de la question des droits de l'homme en tant que
dimension de la bonne gouvernance n'est pas seulement d'ordre moral, elle tient
également à divers aspects qui ont une incidence
particulière sur le développement. Une situation de
pauvreté empêche ceux qui en sont victimes de jouir pleinement de
leurs droits de personne humaine. De même, le respect des droits de
l'homme permet aux individus de donner libre court à leur
créativité. Les libertés fondamentales, comme la
liberté d'expression, de réunion et d'association donnent aux
individus les moyens de lutter pour améliorer leurs conditions de vie et
permettent à la société civile de critiquer et de faire
reformer l'action des pouvoirs publics lorsqu'elle est injuste ou inefficace.
L'existence d'une presse libre facilite considérablement ces efforts.
Le caractère quelque peu philosophique de la dimension
« droit de l'homme » de la bonne gouvernance complique le ciblage des
actions à mener. Sans prétendre à l'exhaustivité,
la promotion des droits de l'homme, généralement couplés
avec celle de la primauté du droit, vise à :
· Renforcer le rôle des avocats et des association
et institution de défense des droits de l'homme;
· intensifier les actions de sensibilisation aux
problèmes des droits de l'homme à l'intention d'un large public
ou de groupes spécialisés tels que les forces de police, de
gendarmerie, les membres du personnel judiciaire, les militaires, le personnel
médical ;
· Offrir aux femmes des programmes d'initiation aux
principes du droit ;
· Assurer aux filles l'égalité de droit
à l'enseignement ;
· Garantir légalité des sexes devant la
loi, notamment en ce qui concerne les droits de propriété et les
conditions de travail ;
· Renforcer la protection sociale des personnes en
situation de vulnérabilité (réfugiés,
handicapés...), les aider à exprimer leur
préférence et leurs intérêts, à
appréhender de manière structurée et à
défendre leurs droits ;
· Aider les associations de défense des droits de
l'homme à nouer des relations de réseau avec les associations de
défense des droits de l'homme qui oeuvrent au niveau international ;
· Soutenir l'émergence d'organes d'information
libre.
d) La gestion du secteur public et la lutte contre la
corruption
Les caractéristiques et les
principes
L'Etat et ses démembrements ont pour vocation de servir
les personnes en veillant au maintien de l'ordre, en définissant
l'action, en faisant appliquer les réglementations, en garantissant le
respect des droits de propriété et d'autres droits, et en
créant un cadre propice à l'investissement et à une
croissance génératrice d'emplois. Ils jouent un rôle
prépondérant en assurant la création ou en garantissant
l'existence des conditions nécessaires à l'exercice des
activités essentielles comme l'enseignement, la protection de la
santé et la construction d'infrastructures. Pour offrir tous ces
services d'intérêt public, l'Etat a besoin d'administrations
fonctionnelles et efficaces et de ressources financières. Une meilleure
gestion du secteur public peut être sources de nombreux avantages :
réduction des coûts, efficacité plus grande des organismes
publics dans la production et la fourniture des biens et services,
élaboration de budgets plus réalistes, amélioration de la
définition et de la mise en oeuvre des politiques et création
d'un environnement plus favorable pour le secteur privé.
Pour que ces conditions soient remplies en permanence, l'Etat
doit posséder des dispositifs de contrôle et d'investigation
permettant d'assurer la transparence, la qualité de la gestion et
l'information des organes chargés de contrôler l'action du
gouvernement. De même, une implication effective et
éclairée du public dans l'appréciation des actions de
l'Etat permet d'améliorer l'efficacité des efforts de
développement et de renforcer le respect de l'obligation de rendre des
comptes.
Selon Jean F. F9(*). « L'obligation de rendre des comptes
est nécessaire à plusieurs niveaux pour qu'un contrôle
efficace puisse être exercé sur les ressources publiques. De
même, le cadre juridique et l'appareil judiciaire sont des composantes
essentielles de l'Etat de droit, notamment pour la stabilité de
l'environnement économique. Ainsi, en vertu de la suprématie du
droit, il est possible de se défendre contre l'expropriation arbitraire
et les ingérences. Les agents économiques peuvent prendre des
engagements en ayant la certitude que le respect des droits de chacun sera
assuré avec un souci de rigueur et
d'équité » .
D'un autre côté, un Etat ne peut se rendre
crédible et exercer son autorité que lorsque les ressources
publiques sont utilisées de manière transparente, responsable et
honnête. Une corruption omniprésente a donc pour effet de nuire
à la crédibilité des institutions démocratiques et
de faire obstacle à la bonne gestion des affaires publiques. Elle se
traduit également par une mauvaise allocation des ressources publiques
et privées. Lorsque la corruption touche des domaines et des
activités qui bénéficient d'apport d'aide
extérieure, elle peut compromettre la réputation des organismes
d'aide et déprécier leurs efforts.
La corruption est suscitée et nourrie par un ensemble
complexe de phénomènes liés à la nature des
systèmes social, politique, économique et administratif,
notamment au rôle souvent excessif de l'Etat, aux méthodes
bureaucratiques d'affectation des ressources, au manque de transparence et
à l'insuffisance des efforts déployés pour faire respecter
les lois. La lutte contre la corruption nécessite de s'attaquer à
elle à tous les niveaux de l'administration et de l'activité
économique. Elle exige aussi la mise en place de mécanismes
efficaces de contrôle.
Au niveau de la gestion des affaires publiques, les principes
et caractéristiques sont entre autres :
· · L'amélioration de la
comptabilité. Elle passe essentiellement par :
· La formation des comptables et des commissaires aux
comptes ;
· La création d'un code de déontologie
et la définition des règles de conduite ;
· La modernisation des méthodes comptables des
secteurs publics et privés ;
· Le financement de l'avancement professionnel, la
formation des enseignants de finances publiques et l'amélioration des
programmes de formation.
· L'amélioration de l'élaboration des
budgets et de la gestion des finances publiques.
· La reforme de la fonction publique
· Au niveau de la lutte contre la corruption :
· L'adoption ou l'application de façon plus
efficace des procédés propres à réduire les
possibilités de corruption (appels à concurrence, affectation des
devises selon le principe des enchères périodiques...) ;
· Le renforcement des moyens humains et
institutionnels nécessaires pour définir et appliquer des normes
en matière de transparence et de responsabilité dans les
initiatives de lutte contre la corruption ;
· L'évaluation et le renforcement des
mécanismes de contrôle ;
· Le soutien et encouragement de toutes les
structures qui s'emploient à dénoncer la corruption, notamment
les medias10(*).
e) Le développement participatif et la
décentralisation
Les caractéristiques et les
principes
Le développement participatif peut être
défini comme un processus qui consiste pour les individus à jouer
un rôle actif majeur dans l'élaboration des décisions qui
doivent influer sur leur vie. En d'autres termes, il s'agit de mettre à
contribution les compétences locales pour la réalisation
d'activités dont les résultats auront ainsi davantage de chance
de coïncider avec les besoins des populations concernés. Il peut y
avoir participation à plusieurs niveaux :
Participation au niveau local à une activité
d'intérêt commun, appartenance à des groupements et des
mouvements qui jouent un rôle d'intermédiaire entre l'individu et
l'Etat, participation à la vie politique du pays. On estime que la
décentralisation et la création de structures locales
d'administration réceptives et efficaces sont des facteurs essentiels de
participation.
La décentralisation est une dimension cruciale de la
gouvernance. Elle concerne le rôle que des gouvernements infra nationaux
peuvent et doivent jouer dans la vie économique et politique d'un pays.
On peut distinguer, à la suite de Rémy
Prud'homme11(*), quatre objectifs qui sont autant de
critères pour juger un système de décentralisation :
· L'efficacité politique à travers
l'augmentation de la participation populaire dans la prise de décision
;
· L'efficacité économique qui a deux
composantes principales : l'efficacité allocative et l'efficacité
productive ;
· la stabilité macro-économique. La gestion
macro-économique d'un pays, en termes de croissance et d'inflation, est
une responsabilité majeure du secteur public. L'importance et les
modalités de la décentralisation ont un impact profond sur cette
stabilité.
· la redistribution -- Il y a généralement
un large consensus sur le fait que la redistribution entre personnes ou entre
zones géographiques est un objectif majeur de la politique publique.
L'impact de la décentralisation sur cet objectif, qui
est considérable, doit également être pris en
considération.
Les principaux instruments identifiés pour atteindre
ces objectifs sont :
· les règles électorales locales, qui
précisent le mode des responsables locaux, la durée des mandats,
la possibilité de se représenter etc., mais également des
règles d'administration (comment les fonctionnaires locaux sont
recrutés, promus, révoqués,
rémunérés) ;
· l'allocation des responsabilités de la
production des biens et services publics ;
· l'allocation des impôts - Les biens et
services publics doivent, au moins en partie, être fournis gratuitement,
c'est-à-dire financés par l'impôt ;
· les systèmes de transferts des
responsabilités et des impôts ;
· les contrôles du gouvernement central dans un
contexte où le transfert de pouvoir du gouvernement central aux
collectivités territoriales n'est jamais total ni complet12(*).
Il n'y a pas un modèle idéal de
décentralisation. On peut même démontrer un
"théorème d'impossibilité": il n'est pas possible d'avoir
simultanément un ratio de décentralisation fiscale optimal (qui
est bas), un ratio de décentralisation des dépenses optimal (qui
est élevé) et un ratio de transferts optimal (qui est assez
bas).
Une approche graduelle est généralement
recommandée. La décentralisation prend du temps.
Parce que des réformes décentralisatrices
impliquent des changements profonds dans les pouvoirs et les habitudes, elles
ne peuvent pas être entreprises toutes du jour au lendemain.
f) La sécurité et la paix
Les fonctions sécuritaires et de paix sont d'une
extrême sensibilité. Elles sont exercées par tous les Etats
en tant qu'obligation constitutionnelle et un acte de souveraineté. Mais
elles engendrent des coûts que la plupart des partenaires au
développement trouvent bien souvent excessifs et susceptibles «
d'engendrer des conflits et des actes de répression, de favoriser
l'existence d'un climat d'instabilité dans la région et
d'entraîner une réorientation des ressources déjà
peu abondantes au détriment des besoins du développement ».
Il est important de bien comprendre que cette appréciation ne remet pas
en cause l'importance que revêtent la sécurité et la paix
pour tout pays mais elle pause en fait un problème de bonne gouvernance
dans la gestion de ces fonctions dont le contenu dépend
étroitement des contextes socio-politiques interne et externe de leur
exercice ; ce qui invite à relativiser la notion de «
dépenses excessives ». A cet égard, la situation de la
Guinée est symptomatique et elle a besoin d'un plaidoyer qui ne
l'affranchit toutefois pas des exigences de bonne gouvernance dans l'exercice
légitime de ses fonctions de sécurité et de paix.
Le concept de sécurité doit être
appréhendé au sens large. La sécurité d'une nation
doit être construite en termes de sécurité de l'individu
citoyen à vivre en paix et à participer pleinement aux affaires
de sa société dans la liberté et la jouissance de tous ses
droits humains fondamentaux. Toutefois, dans la démarche pour instaurer
un climat qui rassure sur le caractère irréversible de l'ensemble
des résultats obtenus en matière de sécurité et de
paix, la situation qui prévaut dans les pays voisins doit être
considérée comme une donnée essentielle.
La dégradation des conditions de sécurité
et de stabilité d'un nombre croissant de pays dans la sous-région
est considérée comme l'une des causes majeures des crises
interminables et l'un des principaux obstacles à l'émergence
d'économies nationales solides, à la gestion saine des affaires
publiques et au développement de coopération effective entre les
Etats ; les répercussions des guerres civiles du Liberia, de la Sierra
Leone, de la Guinée Bissau et de la Côte d'Ivoire sur la
République de Guinée ayant contribué à mettre en
évidence le fait que la sécurité, la stabilité et
le développement économique de chacun des pays de la
sous-région sont interdépendants.
A ce niveau, l'armée est incontestablement le principal
acteur et elle doit disposer des moyens adéquats, non pas pour s'en
servir effectivement mais pour dissuader à l'intérieur tout comme
à l'extérieur. Malheureusement, l'armée a
généralement contourné, voire violé les
règles démocratiques dans la plupart des pays en exerçant
unilatéralement le pouvoir et en accaparent les ressources
financières publiques. Dans ces cas, le retour à l'exercice
bénéfique des fonctions de sécurité et de paix
nécessite des reformes profondes qui passent par l'intégration de
l'armée dans le processus démocratique, conformément aux
lois, et l'ouverture d'un dialogue constructif entre l'armée et les
autorités civiles dans le but d'effacer l'image diabolique du soldat et
de déterminer ce que doit être le rôle de l'armée
dans une société démocratique.
En conclusion, on observe que l'application des principes de
bonne gouvernance conduit à des dilemmes aux aspects multiples. Les
gouvernements sont soumis à des pressions très variées,
généralement divergentes qui s'exercent tant de
l'intérieur que de l'extérieur. Les phénomènes
politiques mettent en mouvement diverses forces dont le sens global est
rarement cohérent et propice à la définition d'un ensemble
harmonieux de politiques économique et sociale. S'il est admis que la
réalisation des objectifs de bonne gouvernance est essentielle et
urgente pour la plupart d'entre eux, il est reconnu en même temps que
dans toute société, elle passe par un processus long et complexe
qui ne va pas sans heurt et qu'aucune société ne peut atteindre
la perfection. Il est également évident que s'il existe des
règles universelles sur lesquelles on ne peut transiger,
l'évolution des besoins et la spécificité de la situation
de chaque pays déterminent sensiblement la façon dont les
progrès se réalisent. Perdre de vue ces aspects, c'est aller tout
droit à l'échec, à l'affrontement stérile entre les
partenaires, l'une des principales conditionnalités de l'assistance est
devenue la pratique de la bonne gouvernance, et les autorités politiques
des pays qui sollicitent cette assistance. Mais, d'un autre côté,
il ne faut pas se donner facilement bonne conscience en arguant abusivement des
particularités de sa culture et de son histoire pour leur inertie en
matière de bonne gouvernance. Autant un progrès lent, mais
continu est louable, autant des violations graves des principes de la bonne
gouvernance dans ses dimensions essentielles telles que la
démocratisation, la lutte contre la corruption et la participation de la
société civile susciteront des mesures de rétorsions de la
part des bailleurs de fonds.
Des efforts importants et harmonisés s'imposent
donc à tous les acteurs pour améliorer la cohérence et
l'efficacité des programmes de bonne gouvernance. Une note aussi
synthétique sur les principaux concepts de bonne gouvernance comporte
nécessairement des omissions, que la contribution de tous les
protagonistes permettra de corriger, et des insuffisances que des études
plus approfondies devront permettre de combler. Ces études pourront
porter sur les thèmes suivants : liens entre développement
économique et système politique, caractéristiques
culturelles et bonne gouvernance, histoire et bonne gouvernance en
Guinée.
CHAPITRE III :
DIFFICULTES D'INSTAURATION D'UNE BONNE GOUVERNANCE
La gouvernance, tant politique qu'économique, est
aujourd'hui au coeur de la problématique du développement en
Guinée. En dépit de ses potentialités naturelles immenses,
le pays traverse une crise économique et sociale des plus
sévères. Depuis 2000, année de lancement du processus de
formulation et de mise en oeuvre d'une stratégie nationale de
réduction de la pauvreté, la dynamique de croissance a
baissé et l'inflation s'est fortement accélérée,
pour atteindre 31,5% (moyenne annuelle) en Janvier 200613(*).
De nombreux diagnostics élaborés à
diverses occasions ont permis d'identifier les principales causes du
dysfonctionnement des administrations publiques et de la faiblesse des
recettes:
· L'absence de distinction nette entre ressources
publiques et ressources privées, et entre droits de
propriété publics et droits de propriété
privés ;
· L'instabilité, l'incohérence et le manque
de rigueur du cadre juridique et du code de conduite favorisant les
dispositions arbitraires ;
· Des réglementations qui empêchent
l'affectation optimale des ressources et suscitent la recherche de rente qui
encourage la corruption ;
· Les traitements et les avantages des fonctionnaires
sans rapport avec la réalité ;
· Le contrôle insuffisant de l'activité des
fonctionnaires, l'existence de travailleurs « fantômes », le
népotisme et l'incompétence ;
· Le gaspillage et la corruption ;
· L'absence de système de comptabilité
publique fiable et faible compétence des cadres de ce secteur.
Tableau :Les perceptions de la gouvernance en Afrique
et en Guinée14(*)
Niveaux d'appréciation: 0 = pas de tout satisfaisant, 100
= très satisfaisant
Aspect de la gouvernance
|
Afrique
|
Guinée
|
% écart
|
Système politique
|
73
|
31
|
-58%
|
Liberté / sécurités des parties
politiques
|
68
|
19
|
-72%
|
Equilibre des pouvoirs
|
66
|
9
|
-86%
|
Indépendance / crédibilité du processus
électoral
|
61
|
9
|
-85%
|
Pouvoir incitatif des politiques d'investissements
|
59
|
16
|
-73%
|
Indépendance des organisations de la société
civile
|
55
|
42
|
-24%
|
Indépendance des médias
|
55
|
45
|
-18%
|
Efficacité du pouvoir législatif
|
52
|
18
|
-65%
|
Efficacité du pouvoir judiciaire
|
52
|
12
|
-77%
|
Politique fiscale en faveurs de l'investissement
|
51
|
20
|
-61%
|
Efficacité du système anti-corruption
|
50
|
6
|
-88%
|
Organes chargés de l'application des lois
|
49
|
13
|
-73%
|
Droits de l'homme
|
48
|
27
|
-44%
|
Respect de l'Etat de droit
|
48
|
15
|
-69%
|
Efficacité de la gestion des structures
étatiques
|
44
|
13
|
-70%
|
Transparence / responsabilité de la fonction publique
|
43
|
11
|
-74%
|
Efficacité / transparence du système fiscal
|
43
|
14
|
-67%
|
Efficacité des services publics
|
40
|
13
|
-68%
|
Décentralisation des structures
|
38
|
33
|
-13%
|
Accès à la justice
|
-
|
15
|
-
|
Sources:
· Pour l'Afrique: UNECA, L'Afrique sur la voie de la bonne
gouvernance, Synthèse du Rapport sur la gouvernance en Afrique de
2005.
· Pour la Guinée: Propre sondage et calcul
(déc. 2006)
En Guinée, l'aspect le mieux
apprécié est l'indépendance des médias (45/100),
suivi par l'indépendance des organisations de la société
civile, OSC (42/100). Les aspects les moins appréciés sont
l'efficacité du système anti-corruption (6/100),
l'équilibre des pouvoirs et l'indépendance /
crédibilité du processus électoral (chacun
9/100).
Prenant en compte les acquis et les insuffisances des
politiques passées, les autorités guinéennes ont
élaboré une nouvelle stratégie de développement
socio-économique plus complète et plus ambitieuse
intitulée Stratégie de Réduction de la Pauvreté
(SRP). Tous les partenaires au développement de la Guinée
ont adhéré à l'idée et à la substance de la
SRP. Malheureusement, le caractère discontinu des efforts
enregistrés au cours des dernières années en
matière de gouvernance a engendré chez la plupart de ces
partenaires un scepticisme accru sur la force des engagements du gouvernement
au tour des objectifs de développement socioéconomiques
définis dans les stratégies précédentes et
reconduits dans la SRP. On estime que ce sentiment explique actuellement, dans
une large mesure, la faible mobilisation des ressources financières
extérieures.
Pour faire face à ces difficultés, le
gouvernement élabore un Document de Stratégie de Réduction
de la Pauvreté (DSRP), obtient son admission à l'initiative PPTE
(Pays Pauvres Très Endettés) en Décembre 2000 et conclut
avec le FMI un programme au titre de la Facilité pour la
Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC).
Malheureusement, en raison de la prolifération
des marchés de gré à gré, en violation du
code des marchés publics, du laxisme dans la gestion
monétaire, de la persistance des dérapages
budgétaires favorisés notamment par les exonérations
abusives et les dépenses extra budgétaires, ce programme
n'a jamais pu être mené à son terme.
En conséquence, le point d'achèvement de
l'initiative PPTE n'est toujours pas atteint. Ce qui prive la Guinée
d'obtenir l'annulation des 2/3 de sa dette extérieure soit
l'équivalent de 2 milliards de USD à raison de 1.2
milliards au titre de la dette multilatérale et 800 millions de la part
des créanciers du Club de Paris. Une telle annulation
aurait permis à la Guinée de ramener le service annuel de
sa dette extérieure à moins de 60millions d'USD contre 185
millions actuellement15(*).
Sous l'effet conjugué de tous ces facteurs
résultant de la détérioration de la qualité de la
gouvernance, le taux de croissance décline pour n'être que de 1,2%
en 2003, soit largement en dessous du taux d'accroissement de la population.
L'inflation repart pour se hisser à 20,4% en 2004 ; à
28% en 2005 et 34% en 2006. C'est également la descente aux enfers pour
le franc guinéen. S'il fallait 2000GNF pour 1$USD en 2003, il en faut
7000 en 200616(*).
Depuis lors, le niveau de la pauvreté de la population
guinéenne devient de plus en plus préoccupant :
près de la moitié de population (49,2%) vit en dessous du
seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec 387.692 GNF (196 USD) par
personne et par an, soit moins d'un demi dollar par jour. Parmi ces individus
pauvres, 19,1% vivent en situation de pauvreté extrême,
c'est-à-dire d'un revenu au dessous de 228.900 GNF (116 USD) par
personne et par an, soit moins de 0,32 UDD par jour.
Depuis 2003, la pauvreté s'est fortement
aggravée. Les estimations réalisées par la Banque mondiale
et Direction Nationale de la Statistique (DNS - Ministère du Plan)
indiquent que l'incidence de la pauvreté atteint 50% en 2003, 50,1% en
2004 et 53,6% en 2005. Cette dégradation du niveau de vie des
guinéens est consécutive à la forte
détérioration de la situation économique du pays à
partir de 2003.
En effet, en l'absence d'un programme performant, toutes les
aides budgétaires qui devaient accompagner les efforts d'ajustement du
gouvernement ont été suspendues ou annulées par les
donateurs. Plus grave, la plupart des créanciers bilatéraux et
multilatéraux ont été emmenés à suspendre
les décaissements en faveur des projets et programmes en cours
d'exécution parce que la Guinée n'était pas à
jour dans le règlement des échéances de sa dette
extérieure. Ainsi, beaucoup de projets vitaux identifiés et
mis en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté furent-ils
suspendus ou arrêtés. En outre, à cause du déficit
démocratique, d'autres bailleurs de fonds comme le FED ont suspendu ou
réduit leur coopération financière.
Ces contre-performances s'expliquent par des facteurs externes
(poursuite de l'insécurité dans la sous-région, hausse des
cours des produits pétroliers etc.), mais également par la
crispation du climat politique au niveau national et les dérapages dans
la gestion des ressources publiques
Compte tenu de la difficulté soulignée
précédemment de faire des bilans individuels par projet et
programme, l'inventaire des progrès réalisés et des
faiblesses qui persistent dans le domaine de la bonne gouvernance s'appuie sur
des bilans globaux, notamment ceux de la SRP et du Programme Cadre de
Renforcement de Capacités et de Bonne Gouvernance , ainsi que des
éléments d'analyse contenus dans le Rapport National sur le
Développement Humain et d'autres évaluations de diverses
sources
§ Dans le processus de démocratisation de
la vie politique
Dans le cadre des changements politiques qui ont
commencé en 1984, le passage du régime politique monolithique et
personnalisé vers un régime démocratique a
été amorcé par la mise en place de la Loi fondamentale et
des lois organiques qui constituent aujourd'hui le cadre institutionnel de
gestion du processus démocratique et du développement
économique et social.
Les dispositions de la Loi fondamentale et des lois organiques
instituent un régime présidentiel organisé selon le
principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir exécutif est
détenu par le Président de la République, élu au
suffrage universel direct avec un mandat de sept ans. Le pouvoir
législatif est assuré par une Assemblée Nationale
composée de députés élus au suffrage universel
direct avec un mandat de sept ans. Le pouvoir judiciaire est exercé
exclusivement par les Cours et Tribunaux. Dans ses dispositions autres que
celles qui sont relatives à la forme républicaine de l'Etat, au
principe de la laïcité et à la séparation des
pouvoirs, la Loi fondamentale peut être révisée par
référendum à l'initiative du Président de la
République ou des Députés.
Le Conseil Economique et Social est le cadre consultatif de la
représentation des syndicats, opérateurs privés,
professions libérales, associations à caractère social et
universitaires. Il est obligatoirement consulté sur les projets de lois
de plan et les lois de programme à caractère économique et
social. Ses membres sont choisis parmi les personnalités qui, par leurs
compétences ou leurs activités, concourent efficacement au
développement économique et social du pays. Depuis sa mise en
place, le Conseil s'est saisi de questions d'intérêt national qui
ont fait l'objet de rapports au Président de la République et il
a organisé récemment un « forum national sur la
société civile guinéenne ». Le Conseil National de la
Communication est chargé de veiller au respect des lois et
règlements qui organisent la liberté de la presse17(*).
La Loi fondamentale opte pour un multipartisme
intégral. La Charte des partis politiques (promulguée le 23
décembre 1991) et de nombreuses lois organiques précisent les
modalités de création et de vie de tout parti politique sur le
territoire national. Selon la législation sur les partis politiques, la
création de ces derniers n'est pas soumise à une limitation de
nombre.
Elle nécessite en revanche que les membres fondateurs
soient originaires des quatre régions naturelles du pays. L'autorisation
de créer un parti politique ne peut être refusée par le
ministre chargé des affaires intérieures que par une
décision motivée qui peut faire l'objet d'un recours
auprès des juridictions compétentes pour excès de pouvoir.
L'institution du multipartisme intégral a permis la constitution de 45
partis politiques depuis 1991.
Depuis le référendum constitutionnel de 1990,
les autorités guinéennes ont organisé de nombreux scrutins
pour les élections nationales. Les élections locales et
municipales de décembre 1991 ont permis de désigner les maires
des communes et les présidents des communautés rurales de
développement.
Au niveau du législatif, on estime que, dans la
pratique, le rôle du Parlement est affaibli par le système du
parti majoritaire et qu'aucun mécanisme de contrôle ne fonctionne
de façon satisfaisante. De plus, la conscience d'un écart entre
le parlement et la société civile est claire et on n'observe pas
de tendance au renforcement du positionnement de l'Assemblée en tant que
pouvoir distinct de l'exécutif pour consolider l'enracinement des
institutions républicaines dans le contexte socio-économique du
pays. La parution du bulletin de l'Assemblée est intermittente et le
développement des programmes de vulgarisation sur le fonctionnement et
les rôles des institutions est laissé aux rares initiatives des
ONG et de quelques bailleurs de fonds.
Au niveau du processus électoral, la
démocratisation de la vie politique du pays marque le pas depuis
quelques années, Les dernières élections ont de nouveau
suscité des débats houleux sur la transparence et
l'indépendance de l'administration électorale et renforcé
le doute sur la volonté du pouvoir exécutif à instituer
une véritable compétition électorale. La forte
adhésion initiale au Haut Conseil aux Affaires Electorales s'est
progressivement relâchée. Une partie importante de l'opposition a
estimé que le fonctionnement de cette structure a favorisé la
manipulation des résultats sortis des urnes et réclamé son
remplacement par un Conseil Electoral Indépendant (CEI). Ce que le
gouvernement a toujours refusé ; une telle structure étant
jugée non conforme à la constitution.
Aux élections communales du 25 juin 2000, le Parti de
l'Unité et du Progrès (PUP) a gagné la
quasi-totalité des communes du pays. L'impartialité de
l'administration a été mise en cause de nouveau. Le 11 novembre
2001, le gouvernement a organisé un référendum sur la
modification de certains articles de la Loi fondamentale, portant notamment sur
les dispositions relatives au mandat présidentiel et à
l'âge des postulants. Le référendum s'est
déroulé dans un climat de crainte de graves violences, avec le
boycott actif prôné par le Mouvement contre le
Référendum et pour l'Alternance Démocratique. Ses
résultats ont été sujets à des vives controverses :
le gouvernement et les partis de la mouvance présidentielle situent le
taux de participation à 96% et les votes favorables au
référendum à 98%. Ces résultats sont bien
évidemment contestés par l'opposition, une partie de l'opinion
nationale, certaines chancelleries, les medias internationaux et les ONG
étrangères en Guinée qui estiment le taux de participation
à environ 10%.
C'est dans ce contexte délétère,
où le dialogue entre les principaux acteurs de la vie politique du pays
était rompu que les deuxièmes élections
législatives ont été organisées en juin 2002. Le
scrutin s'est déroulé sans aucune manifestation de violence. Mais
selon plusieurs observateurs « indépendants », l'absence de
neutralité de l'administration et plusieurs irrégularités
ont jeté le doute sur les résultats proclamés le 8 juillet
2002 (72% de taux de participation et 85 sièges au PUP)18(*). Le boycott des
dernières élections par plusieurs partis de l'opposition, le
refus de certains députés de siéger à
l'assemblée et la radicalisation de toutes les positions traduisent une
rupture profonde du dialogue politique en Guinée et un recul
incontestable du processus démocratique. Les raisons sont diverses :
· La faible capacité des partis politiques
à promouvoir la culture démocratique, la prise
· de conscience insuffisante des impératifs de
l'unité nationale et du développement et de la
nécessité de la sélection qualitative des élites
devant conduire les affaires publiques et l'éducation positive des
militants ;
· Le caractère embryonnaire des composantes de la
société civile, qui fait que la plupart des associations ou ONG
peuvent se créer davantage dans le but de capter des financements
extérieurs que pour leur objet social officiel ;
· Le manque de moyen et d'expertise de la
société civile. Ce qui ne lui permet pas de jouer pleinement son
rôle de contre-pouvoir et de servir de rempart contre toute
velléité de résurgence autoritaire.
· Ces causes ont à leur tour engendré les
comportements ou les situations suivants :
· La prépondérance des
intérêts des partis politiques au sein de l'Assemblée
Nationale dans le sens d'un détournement du mandat parlementaire. Un
député se trouve davantage mû par les intérêt
de l'appareil de son parti, voire même les intérêts
personnels qui s'y cachent, que par le souci de défendre
l'intérêt général par le contrôle de l'action
gouvernementale et la promulgation des lois utiles ;
· Le manque de consensus autour de la structure en charge
de l'organisation des scrutins électoraux ;
· Les désaccords profonds sur la confection des
listes électorales imputables aux difficultés de constitution
d'un état-civil fiable comportant une bonne identification de tous les
citoyens, leurs âges et lieu de résidence, avec pour principales
conséquences de nombreuses omissions, ou au contraire des doubles
inscriptions ;
· L'effectivité de la participation dont le taux
est souvent sujet à polémique;
· L'absence d'un statut de l'opposition et d'un modus
vivendi clairs au niveau des rapports entre la majorité parlementaire et
l'opposition. Tout est laissé à la merci des rapports de force, y
compris le mode de répartition des postes de responsabilité au
sein de l'Assemblée ;
· La tendance à l'exagération non
constructive qui marque encore le comportement de l'opposition politique ;
· L'absence de dispositions légales sur les
conditions de mise en jeu de la responsabilité du Président de la
République en vue d'une destitution éventuelle pour
incapacité19(*)
;
Il existe des raisons objectives qui permettent de soutenir
que les taux de participation effective sont encore faibles. On pense notamment
aux nombreux cas de vote nuls dus à l'ignorance, la marginalisation des
jeunes et, dans une certaine mesure, des femmes au niveaux de la vie publique
et les consignes de boycott de certains partis politique de l'opposition.
§ Au niveau de la justice et des droits de
l'homme
On estime qu'en 1984 le système judiciaire
guinéen était totalement sinistré. L'Etat de droit inscrit
dans la loi fondamentale du 23 décembre 1990 ne pouvait manifestement
pas être garanti par ce système où exerçaient des
« juges populaires » non professionnels et démunis de moyens
de fonctionnement. Les reformes entreprises dans le domaine de la justice ont
reposé, formellement, sur la conviction que l'épanouissement d'un
Etat de droit et d'une bonne gouvernance est largement tributaire de
l'existence et du bon fonctionnement des organes en charge du contrôle
juridictionnel.
Un effort important d'organisation et de mise en place des
structures a été déployé. La structure pyramidale
classique du système judiciaire est en place : une Cour suprême,
deux Cours d'appel (Conakry et Kankan), dix Tribunaux de première
instance et vingt-six Justices de paix. Les juridictions
spécialisées (en matière sociale et pour les mineurs) sont
constituées en chambres ou sections des tribunaux de première
instance et une juridiction arbitrale a été créée
en août 1998.
Dans les faits, le système judiciaire souffre de
nombreuses faiblesses et des dysfonctionnements tant au niveau des structures
elles-mêmes qu'à celui de leurs conditions de gestion. De
même, l'indépendance et l'intégrité de la
magistrature sont limitées par le poids du passé, qui a
façonné profondément le fonctionnement du système,
et les contraintes du moment qui engendrent ou renforcent des comportements
délictueux. Sur ce dernier point, on relève que l'insuffisance
notoire des crédits de fonctionnement pousse les greffiers à
recourir à des facturations non réglementaires des frais de
justice ; comportements qui favorisent la corruption et a tendance à se
généraliser au niveau des auxiliaires de la justice. De sorte
que, perçu par le justiciable, le juge traduit
généralement de la crainte et des soupçons de corruption.
On peut résumer les principales faiblesses du système, en rapport
avec les problèmes de gouvernance dans les points suivants :
· Faiblesse des rémunérations qui
prédispose à la corruption dans un métier directement
impliqué dans des enjeux financiers élevés ;
· Persistance des séquelles de la
coopération avec les pays du bloc socialiste qui ne favorise pas
l'émergence d'une culture juridique bénéficiant de la
séparation des pouvoirs ;
· Forte concentration des auxiliaires de justice, des
avocats et des huissiers dans la capitale ;
· Non-conformité de l'organisation du registre du
Commerce avec les règles de l'OHADA;
· Inscriptions effectuées dans le registre du
Commerce sans contrôle des incompatibilités d'exercice;
· Caractère non effectif du Conseil
Supérieur de la Magistrature et du statut des magistrats ;
· Interférences fréquentes dans
l'exécutif ;
· Non opérationnalité de la Chambre des
comptes pour diverses raisons : elle ne reçoit pas les comptes, elle
n'est pas outillée pour en faire un contrôle exhaustif et
indépendant, les textes qui la structurent ne permettent pas de
distinguer ses responsabilités propres de celles du Président de
la Cour Suprême, les lois de règlement ne sont pas soumises au
vote de l'Assemblée Nationale ;
· Faible fréquence du recours au juge pour le
règlement du contentieux administratif, imputable à une
perception négative de l'Etat et de ses pouvoirs héritée
de la Première République et à la faiblesse des
juridictions de base en matière de recours pour abus de pouvoir.
L'ouverture du Centre de Formation Judiciaire devrait
permettre de structurer des programmes de formation initiale et de formation
continue en direction des magistrats et des auxiliaires de justice.
L'acte uniforme de l'OHADA sur le droit commercial
général prévoit la tenue du Registre du Commerce par les
Greffes des juridictions. Le registre des activités économiques
guinéen est tenu au seul guichet du Centre de Formalités de
l'OPIP, organisme placé sous la tutelle du Ministère du
Commerce.
Plusieurs catégories définies (fonctionnaires et
personnels des collectivités publiques et des entreprises à
participation publique, officiers ministériels et auxiliaires de
justice, experts comptables et comptables agréés, ...) ne peuvent
s'inscrire au Registre du Commerce.
§ AU NIVEAU DES RESSOURCES
v La fonction publique
L'administration publique guinéenne a connu une
évolution quelque peu tourmentée. Le choc brutal intervenu en
1958, qui s'est traduit entre autres conséquences par la
réduction sévère des ressources financières, le
départ massif des cadres et la perte des archives, a marqué
profondément la mise en place d'une nouvelle administration nationale.
Les efforts entrepris au cours de la Première République pour
construire une administration moderne n'ont pas donné les
résultats escomptés. Le système administratif a
été marqué par un centralisme excessif des ressources
humaines et matérielles, des rendements faibles, un manque de
transparence et une mauvaise circulation de l'information. Les
réminiscences de ce système marquent encore profondément
les mentalités des administrateurs, des administrés et de la
société civile de manière générale. Elles
ralentissent les efforts de modernisation de l'administration qui sont des
facteurs potentiels de réversibilité au niveau des progrès
obtenus.
Les efforts déployés depuis 1985 ont certes
produit quelques résultats en matière de rationalisation des
cadres formels de l'administration, mais ils n'ont pas fondamentalement
contribué à améliorer son fonctionnement interne.
L'administration demeure inefficace à servir le développement et
ne permet pas à l'Etat d'assurer sa mission d'orientation et de
maîtriser les effectifs de la fonction publique. La qualité des
services publics offerts est mauvaise à pratiquement tous les niveaux et
la relation entre l'administration et les usagers est souvent exécrable;
la perception dominante étant que la mauvaise gouvernance est
érigée en méthode de gestion dans l'administration
guinéenne; situation considérée comme l'une des
principales causes des contre-performances enregistrées depuis quelques
années en matière de mobilisation des ressources
financières.
Les principales leçons à tirer de cette
situation sont de deux ordres. Premièrement, on observe que la
réforme administrative ne peut se réaliser uniquement sur la base
de réponses techniques. Elle nécessite une volonté
politique traduite par l'analyse rigoureuse des faits et la correction
systématique des dysfonctionnements. En second lieu, la réforme
administrative nécessite des moyens importants. En effet, si depuis 1990
des programmes pertinents de réforme ont bien été
élaborés, ils n'ont pratiquement jamais trouvé les
ressources nécessaires pour le financement de toutes leurs actions. Ces
deux considérations renvoient respectivement à un déficit
de gouvernance et à la prise en compte insuffisante des contraintes.
v Les ressources humaines :
- Les pratiques de gestion du personnel (recrutement,
rémunération, affectation, promotion) se font souvent en marge
des dispositions statutaires et réglementaires et n'incitent pas
à l'amélioration de la productivité car elles sont peu
liées au mérite et au rendement ;
- La persistance de comportements rétrogrades nuisibles
à l'émergence de savoir-faire et d'attitudes nouvelles au sein
d'une administration vieillissante pour cause de gel des recrutements20(*) ;
- L'absence de coordination globale des programmes de
formation et de gestion prévisionnelle des ressources humaines21(*) ;
- Les faibles niveaux de rémunération des
fonctionnaires et l'absence d'indexation des salaires au coût de la vie,
aux spécificités des zones géographiques et aux
priorités sectorielles.
v Les moyens d'intervention :
- Les défaillances enregistrées au niveau de la
gestion et du contrôle des dépenses publiques qui se traduisent
par les usages détournés des moyens de fonctionnement et le
désoeuvrement dans les services publics ;
- L'acquisition des équipements, sans aucune
planification globale et sans évaluation des charges récurrentes,
notamment dans le cadre des projets ;
- L'absence de politique globale de maintenance des
équipements des services publics et de comptabilité
matière constatant leur appartenance aux services.
v L'organisation et les méthodes :
- La méconnaissance et la non application des nombreux
textes, élaborés depuis 1985, qui fixent le cadre des missions et
de l'organisation des services publics ;
- Le caractère non opérationnel des
mécanismes de contrôle et la non application des sanctions qui est
devenue pratiquement la règle dans l'administration ;
- Les graves manquements dans les pratiques actuelles des
services publics en matière d'accueil, d'information et de communication
à l'égard des administrés.
v La gestion des finances publiques
La gestion des finances publiques est au coeur des
problèmes de gouvernance économique en Guinée. En effet,
elle recouvre des domaines à la fois variés et complexes :
fiscalité, budget, comptabilité de l'Etat et trésorerie.
Certains aspects importants de ces fonctions ne sont pas encore suffisamment
couverts dans les diagnostics actuellement disponibles.
Au niveau du système global de gestion de
l'économie qui implique directement des directions et services des
ministères chargés respectivement du plan et des finances
publiques, l'instabilité organisationnelle de ces deux
départements induit des réorganisations qui ne sont pas toujours
sous-tendues par une analyse systématique des causes des
dysfonctionnements des structures préexistantes. La principale
leçon de cette instabilité est qu'avant toute restructuration par
le haut, il faut nécessairement créer une dynamique par le bas
à travers une mise en adéquation de l'organisation interne des
directions et services avec les missions qui leur sont assignées.
Dans le même ordre d'idées, on relève un manque d'harmonie
entre le cadrage macroéconomique et la gestion budgétaire et une
absence de vision macroéconomique de la fiscalité. Il en
résulte entre autres conséquences une absence de système
rationnel de régulation des flux de dépenses par rapport à
l'évolution réelle des recettes. Et c'est l'inefficacité
relative du système imputable en partie à ces facteurs qui pose
un vrai un problème de gouvernance économique.
Mais, au-delà de ces considérations, qui sont
davantage techniques et d'ordre organisationnel, il ressort de plusieurs
analyses que la corruption constitue l'une des principales causes (voire la
principale cause) des contre-performances enregistrées dans la gestion
des affaires publiques d'une part et, d'autre part, du manque d'égard
des citoyens pour leur administration.
En d'autres termes, la corruption est perçue comme
l'obstacle majeur à la bonne gouvernance en Guinée. Elle a
pénétré systématiquement au cours des
dernières années tous les espaces de liberté qui auraient
permis à la Guinée d'améliorer sensiblement la gestion des
affaires publiques ; réduisant ainsi pratiquement à néant
les effets positifs attendus des diverses réformes et des efforts
déployés pour améliorer le capital humain et les outils de
travail.
D'après les résultats d'une étude
d'opinion récente faite par le PNUD dans son « Rapport
National sur le Développement Humain de l'Edition 2002 »,
les administrations publiques les plus touchées par la corruption
seraient celles des impôts, des marchés publics de la douane et de
la justice; avec comme principales causes, par ordre d'importance :
- l'impunité et le manque de sanction ;
- les bas salaires de la fonction publique ;
- la pauvreté ;
- la rareté, voire l'absence de contrôles ;
- l'ambition des cadres ;
- la vénalité comme fond de caractère.
Les rapports de toutes les chancelleries et les organisations
internationales présentes en Guinée convergent sur ce point au
cours des dernières années. Cette perception est confirmée
dans le « Rapport d'enquête sur la Gouvernance et la lutte
contre la corruption » de l'Agence Nationale de Lutte contre la
Corruption (ANLC) réalisé en 2005
Les facteurs permissifs sont dans la plupart des cas le
dysfonctionnement des structures d'organisation et de gestion, les zones
d'ombres dans les textes de réglementation, de procédures et de
sanction, mais aussi la complicité de l'entourage par le silence
(justifié du reste par le fait que les dénonciations ne
déclenchent aucune enquête ni procédure disciplinaire et de
sanction).
Les problèmes spécifiques suivants de
gouvernance sont relevés :
- déformation, dans la pratique, des procédures
selon lesquelles doivent se dérouler les dépenses. Ce qui
altère le système d'information et de suivi et les
capacités de réaction aux dysfonctionnements;
- contournement de la procédure des marchés
publics par le morcellement des commandes ;
- difficultés de paiement du Trésor engendrant
des pertes de changes et des charges supplémentaires
d'intérêt dues au retard apporté aux ordres de paiement et
des surfacturations de la part des fournisseurs ;
- faible tradition de contribution fiscale des Guinéens
(incivisme), qui s'explique dans une large mesure par la perception que ces
derniers ont de l'administration fiscale (qui serait foncièrement
corrompue).
v Le système douanier
On relève :
- longs délais de dédouanement qui offrent aux
agents indélicats l'occasion de multiplier les tracasseries ou de
négocier frauduleusement avec les opérateurs économiques;
une sorte de `'banditisme étatique'' ;
- droits de douane jugés trop élevés. Ce
qui favorise la fraude ou la recherche systématique d'exonération
;
§ La décentralisation et le
développement participatif
Environ trois décennies de centralisme ont
caractérisé l'administration guinéenne sous la
Première République. Cependant, selon les
principes du « centralisme démocratique », la structuration
des organes dirigeants s'étendait jusqu'au niveau des entités
villageoises. De sorte que, même si cette forme de
décentralisation limitait considérablement les initiatives
locales, elle a laissé place à une capacité et un
goût d'auto-organisation à la base. A l'avènement de la
Deuxième République, l'option prise par les nouvelles
autorités est nettement différente. Elle vise une participation
effective des populations au développement local et
l'épanouissement des initiatives privées.
Malgré l'unanimité sur le choix de la
décentralisation et les efforts déployés depuis plus d'une
décennie pour la promouvoir , force est de constater que le bilan, en
matière de développement et de gouvernance locale, de la
société civile et de la presse est faible. De sorte que toute
cette architecture semble être encore, à certains égards,
purement formelle. Les raisons sont multiples à cause de la
complexité du processus et de la gestion des interventions
extérieures. Et c'est essentiellement dans la collecte et la gestion des
ressources financières, le respect des mandats électifs dans les
collectivités d'une part et, d'autre part, l'absence de vision
consensuelle de tous les acteurs sur le rôle de la société
civile que se posent encore quelques problèmes de gouvernance.
Préfets, sous-préfets et gouverneurs,
représentant de l'Exécutif, ont la réputation de disposer
d'un pouvoir excessif. Et leur difficile cohabitation avec les élus
locaux n'arrange généralement pas les choses. Jusque dans la
capitale. A Matam, une commune urbaine de Conakry, la municipalité a eu
à voir le gouverneur de la ville faire main basse sur ses recettes
fiscales. Les pressions de la Direction nationale des impôts,
gênée par l'abus d'autorité, n'y ont rien fait. Le maire
d'alors, analphabète et peu imbu de ses droits, avoue qu'il
n'était « pas prêt à l'affrontement avec une
tutelle qui aurait pu le révoquer ». Il en est jusqu'au
représentant-résident de la Banque mondiale qui a eu à se
plaindre du même gouverneur, auquel il a reproché de puiser dans
les fonds du Programme de développement urbain n°3 dont la gestion
revient aux collectivités locales22(*).
Autre type de conflit, nous avons vu, à Fria, la mairie
et l'administration du marché de la ville à couteaux tirés
pour le contrôle des recettes. Les marchands qui, souhaitant que ces
fonds servent à l'évacuation des ordures, les ont vu affecter
à d'autres priorités. L'arbitrage de la préfecture n'a
rien donné. A Boffa, c'est la commune urbaine et le syndicat des
transporteurs qui ont eu à s'affronter pour le contrôle de la gare
routière de la ville. Pour en rajouter à ce tableau, le dernier
référendum constitutionnel tenu en novembre 2001 a
consacré une modification du mode de désignation des responsables
de quartier. Au lieu d'être élus, ceux-ci sont désormais
nommés par le pouvoir central. De quoi démotiver ceux qui
croyaient encore à la décentralisation en Guinée. A la
DND, on ne cache pas les difficultés rencontrées.
« La résistance de certaines structures de
l'administration au changement, la faible capacité des structures
déconcentrées à concevoir, à élaborer,
à gérer et à évaluer les actions de
développement, la faiblesse des ressources humaines et
financières, l'absence d'instance de concertation et de planification au
niveau préfectoral et régional, et le défaut de
renouvellement régulier des conseils communautaires sont nos
handicaps », confie M. Cheick Souleymane Diaby23(*) de la DND.
Ainsi pour dire aussi que le Les conflits de compétence minent le
système de gouvernance guinéen24(*).
La déconcentration
Dans les faits, les démembrements de l'Etat au niveau
décentralisé ne sont pas en mesure de jouer pleinement leur
rôle d'interface entre le niveau central et le niveau local de
l'administration publique et leurs capacités d'intervention sont
réduites pour plusieurs raisons dont la plupart tiennent à un
déficit de bonne gouvernance. La décentralisation a remis en
question certains « contrats sociaux » ; cessez de décider
à la place des populations et les laisser décider est un
processus qui demande du temps. Parmi les difficultés, on relève
notamment :
Ø au niveau des régions administratives, les
organes consultatifs ne sont pas tous opérationnels;
Ø au niveau de l'administration préfectorale on
dénote : l'absence de textes d'application et de procédures pour
les Services Préfectoraux de Développement (SPD), non respect des
procédures et absence également de textes d'application pour les
Comités Préfectoraux de Développement;
Ø au niveau de l'Administration
sous-préfectorale : déficit de représentation technique
(présence des services techniques théorique dans certaines
sous-préfectures), surtout dans les régions les plus pauvres ;
Ø le transfert de ressources financières vers
les collectivités s'est traduit par une baisse ressources des
préfectures et sous-préfectures qui devrait être
compensée par des subventions d'équilibre. L'absence de ces
subventions aggrave les difficultés financières des structures
déconcentrées, notamment les préfectures en butent
à des problèmes particuliers tels que la sécurisation des
frontières et l'accueil de nombreuses missions officielles. Cet
appauvrissement relatif des structures concernées constitue un facteur
incitatif à la corruption et abus de pouvoir de la part des cadres de
la tutelle qui ne peuvent ainsi exercer en toute quiétude leur
mission.
Au niveau de la décentralisation
v Viabilité financière et
difficultés matérielles :
§ dysfonctionnement et centralisation d'une partie
importante de la gestion des finances publiques pénalisant la
réalisation des dépenses budgétaires allouées aux
services déconcentrés et décentralisés25(*) ;
§ faible mobilisation des ressources financières
imputable à la méconnaissance des potentiels fiscaux et l'absence
d'un système de recouvrement spécifique géré par
les collectivités locales et à l'impopularité de certains
impôts locaux;
§ manque de transparence dans la gestion des fonds
dû notamment à la perception à la source de certaines
recettes par les élus ; situation favorisée par la rareté
des missions de contrôle des cadres de la tutelle.
v § Programmation et pilotage du processus
:
§ coordination encore insuffisante entre les
départements ministériels et la persistance de conflits de
compétence dans la mise en oeuvre de la politique de
décentralisation;
§ harmonisation insuffisante des approches de la
multitude d'intervenants et disparités dans la définition des
critères de priorité régionale en matière de
développement local et d'appuis aux communautés ;
§ persistance de conflits d'attributions entre les
élus locaux, préfets et sous-préfets ;
§ illettrisme et grand âge de certains
présidents de CRD, notamment en Haute Guinée ;
§ non tenue régulière des élections
locales pour le renouvellement des présidents des CRD. Ce qui ne
favorise pas la gestion des collectivités sur la base de l'obligation de
résultats, ni l'amélioration des critères de choix des
dirigeants ;
§ imposition, de facto, de dirigeants de la mouvance
présidentielle dans les localités où les partis politiques
de l'opposition ont une certaine présence. Ce qui altère la
position de principe selon laquelle « la politique d'une
collectivité doit être exclusivement la politique de son
développement ».
La participation de la société
civile
En dépit des progrès réalisés, il
ressort de l'observation du vécu quotidien du guinéen que les
relations entre l'administration et la société civile sont encore
lourdement chargées de suspicion, de méfiance et de rejet. Le
soutien politique des autorités à la structuration et au
renforcement du pouvoir de la société civile demeure timide et
parfois ambigu ; des tentatives d'infiltration des organes d'animation ont
été relevées un peu partout. Cette difficulté est
palpable sur toute l'étendue de l'Administration guinéenne. Ce
qui dénote soit le caractère superficiel des concertations
populaires qui sous-tendent, officiellement, toutes les stratégies
nationales, soit un déphasage des comportements des cadres de
l'administration par rapport aux grands principes exposés dans les
discours.
Au niveau des ONG, les problèmes de gouvernance qui
entravent l'accomplissement des missions qu'elles se sont définies sont
relatifs :
§ au manque de professionnalisme ;
§ au caractère inadapté du cadre
légal en vigueur;
§ au détournement de missions (glissement vers une
logique de marché au détriment de l'objectif social) ;
§ à l'inefficacité relative des structures
de suivi et d'encadrement des ONG.
Au niveau du mouvement syndical, ce sont les entraves à
l'accès à l'information et les rivalités
orchestrées entre les centrales qui réduisent
considérablement la portée de l'action syndicale dans le pays.
La presse écrite survit difficilement compte tenu des
nombreuses difficultés liées notamment au manque de
professionnalisme qui lui impose parfois des coûts élevés
de procès. Il n'existe qu'une radio nationale. De même, il
n'existe qu'une seule chaîne nationale (publique) de
télévision26(*).
Comme on l'a vu, il serait impossible d'évaluer
le coût économique et social de la mauvaise gouvernance qui s'est
instaurée en Guinée depuis le début des années
2000. Cette mauvaise gouvernance a certes empêché le pays
d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative PPTE27(*), mais, en plus,
elle a privé le pays de beaucoup d'autres
opportunités de développement et l'expose à des
risques de plusieurs natures y compris les risques de violence et
d'instabilité politique.
Donc, La crise que traverse actuellement la Guinée est
d'ordre économique, juridique, économique et social. Elle se
manifeste par une baisse des indicateurs de performance économique, un
appauvrissement des populations. Il ressort en effet de nombreuses
réflexions et des fondements de nombreux programmes de politique
économique et social que les causes de la crise vont largement
au-delà des défaillances des fonctions directes de gestion de
l'économie28(*).
On constate ainsi que, pour une large part, la crise provient
d'une insuffisance des pratiques et capacités gouvernementales à
gérer de manière transparente, rationnelle et efficace les
affaires publiques du pays. Et le constat est quasiment unanime chez les
partenaires que si les structures et certaines méthodes de gestion du
développement socio-économique et politique du pays ne sont pas
modifiées de façon judicieuse, la crise persistera et aucune
amélioration notable et durable des conditions de vie des populations ne
sera réalisée.
CHAPITRE IV : L'APPUI DE LA BANQUE MONDIALE
La Banque mondiale, désigne deux
institutions internationales : la
banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) et
l'
Association
Internationale de Développement (IDA), créées pour
lutter contre la
pauvreté en
apportant des aides, des financements, des conseils, aux
États en
difficulté.
Elle fut créée sous le nom de Banque
internationale pour la reconstruction et le développement
après signature de l'accord
Bretton
Woods dans le New Hampshire (Etats-Unis) du
1er au
22
juillet
1944 en même temps que le
FMI29(*). Les participants
à cette conférence avaient pour ambition d'établir un
cadre de coopération et de développement économiques qui
jetterait les bases d'une économie mondiale plus stable et plus
prospère. Bien que cet objectif demeure fondamental pour les deux
institutions, leurs activités ont évolué en réponse
à la mutation et aux nouveaux enjeux de l'économie mondiale. Le
25
juin
1946, elle approuva son premier
prêt, qui fut accordé à la
France pour un montant de 250
millions de
dollars (en
valeur actualisée, il s'agit du plus gros prêt consenti par la
Banque)
.
La Banque mondiale a été créée
principalement pour aider l'
Europe et le
Japon dans leur
reconstruction, au lendemain de la
Seconde Guerre
mondiale, mais avec le mouvement de décolonisation des années
soixante, elle se fixa un objectif supplémentaire, celui d'encourager la
croissance économique des pays en voie de développement
africains, asiatiques et latino-américains. Au départ, la
Banque mondiale a principalement financé de grands projets
d'infrastructures (centrales électriques, autoroutes,
aéroports...). Avec le rattrapage économique du Japon et de
l'Europe, la Banque mondiale s'est intéressée exclusivement aux
pays en développement. Depuis les
années 1990,
elle finance aussi les pays post-communistes.
La Banque mondiale et le FMI sont des institutions jumelles
qui font partie du système des Nations Unies. Elles poursuivent un
même but : relever le niveau de vie des pays membres. Leurs approches
à cet égard sont complémentaires : le FMI s'efforce
d'assurer la stabilité du système financier international et la
Banque mondiale se consacre au développement économique à
long terme et à la lutte contre la pauvreté.
La Banque mondiale favorise le développement
économique à long terme et la réduction de la
pauvreté en accordant aux pays des concours techniques et financiers
pour les aider à conduire des réformes sectorielles ou à
réaliser des projets spécifiques -- construction d'écoles
et de centres sanitaires, alimentation en eau et en électricité,
lutte contre les maladies, protection de l'environnement, par exemple. L'aide
qu'elle consent s'inscrit généralement dans la durée; elle
est financée à la fois par les contributions des pays membres et
par l'émission d'obligations. Les services de la Banque mondiale sont
souvent spécialisés dans des domaines, des techniques ou des
secteurs déterminés.
Elle est une source essentielle d'appui financier et technique
pour l'ensemble des pays en développement. Ce n'est pas une banque au
sens ordinaire du terme. Notre organisation se compose de deux organismes de
développement distincts, la
Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement
(BIRD) et l'
Association
Internationale de Développement (IDA), et est sous le contrôle
de ses 185 pays membres. La BIRD et l'IDA contribuent chacune d'une
manière différente mais complémentaire à la
mission, qui est de réduire la pauvreté et d'améliorer le
niveau de vie des populations à travers le monde. La BIRD s'occupe des
pays à revenu intermédiaire et des pays pauvres solvables, alors
que l'IDA se consacre aux pays les plus pauvres de la planète. Par leur
intermédiaire, il est accordé aux pays en développement
des prêts à faible intérêt, des crédits ne
portant pas intérêt et des dons dans des domaines très
divers -- éducation, santé, infrastructure, communications et
autres.
L'appellation Groupe de la Banque mondiale
désigne depuis juin 2007 cinq institutions :
· la plus importante est la
Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement
(BIRD), son fonctionnement est assuré par le versement d'une cotisation
réglée par les États membres,
· l'
Association
Internationale de Développement (AID), fondée en
1960, ses prêts sont
réservés aux pays les moins développés ;
· la
Société
Financière Internationale (SFI), fondée en
1956, pour financer les
entreprises privées ;
· le
Centre
International pour le Règlement des Différends relatifs aux
Investissements (CIRDI), fondé en
1966,
· l'
Agence
Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI),
fondée en
198830(*).
Les objectifs de la Banque mondiale ont évolué
au cours des années. Elle a récemment mis l'accent sur la
réduction de la pauvreté, en délaissant l'objectif unique
de
croissance
économique. Elle favorise aussi la création des très
petites entreprises. Elle a soutenu l'idée que l'eau potable,
l'éducation et le développement durable sont des facteurs
essentiels à la croissance économique, et a commencé
à investir massivement dans de tels projets. En dépit de ces
politiques, les projets de la Banque mondiale sont souvent critiqués par
les
organisations
non gouvernementales (ONG) qui l'accusent de ne pas lutter efficacement
contre la pauvreté, et négliger les aspects sociaux et
environnementaux.
En réponse aux critiques, la Banque mondiale a
adopté une série de politiques en faveurs de la sauvegarde de
l'environnement et du social, visant à s'assurer que leurs projets
n'aggravaient pas le sort des populations des pays aidés. Lors de son
Assemblée annuelle en septembre 2006, la Banque mondiale --
encouragée en cela par ses pays actionnaires -- s'est engagée
à continuer d'améliorer les services qu'elle fournit à ses
membres. Pour répondre aux besoins de plus en plus complexes des
pays
à revenu intermédiaire, la BIRD a entrepris de revoir la
conception de ses produits financiers et de ses instruments de gestion des
risques et de faciliter les transactions entre ses clients et la Banque.
Outre sa mission de développement qui consiste à
réduire la pauvreté, aux fins de laquelle la gouvernance et la
lutte contre la corruption revêtent une importance cruciale, la Banque a
une obligation fiduciaire énoncée dans ses statuts, qui est de
veiller à ce que les ressources de l'institution soient utilisées
aux fins prévues. Les ressources fournies à titre d'aide sont
exposées aux risques engendrés par la corruption et une
piètre gouvernance. Et, les bailleurs de fonds comme les
bénéficiaires veulent avoir l'assurance que cette aide sera
protégée.
Conformément au cadre de responsabilité
partagée du Consensus de Monterrey31(*), les pays qui améliorent leur gouvernance
et réduisent la corruption méritent de bénéficier
d'une aide accrue pour atteindre les ODM ( La Banque et la communauté de
développement au sens large sont loin d'être les seules à
constater les conséquences désastreuses d'une mauvaise
gouvernance et de la corruption. Les dirigeants de plusieurs pays en
développement jouent un rôle de premier plan pour promouvoir
l'élimination de la corruption. Dans le monde entier, un mouvement en
faveur de gouvernements plus responsabilisés et plus transparents se
développe.
Les travaux consacrés par le Groupe de la Banque
à la gouvernance ont principalement pour objet de faciliter la mise en
place d'appareils étatiques et d'institutions capables et responsables,
en mesure de concevoir et d'appliquer des politiques judicieuses, de fournir
des services publics, de définir les règles régissant des
marchés et de maîtriser la corruption et, ce faisant de contribuer
à la réduction de la pauvreté. Le comportement de l'Etat,
et d'autres parties prenantes essentielles comme le secteur privé et le
secteur financier, détermine la qualité de la gouvernance et a un
impact sur les réalisations au plan du développement.
L'imposition de réglementations excessives, par exemple, accroît
le coût des opérations et offre des opportunités de
corruption. En revanche, les réformes qui rationalisent le rôle de
l'Etat, réduisent les tracasseries bureaucratiques et stimulent la
concurrence, peuvent contribuer à conforter la position des entreprises,
créer des emplois et accroître la qualité des services.
Dans le monde entier, les pouvoirs publics s'efforcent d'améliorer la
gouvernance et de s'attaquer à la corruption ; ils cherchent à
obtenir un appui et à profiter de l'expérience internationale
pour concevoir et exécuter des programmes de réformes complexes,
forger des coalitions à l'appui de leurs efforts, et suivre l'impact de
ces derniers.
LES LEÇONS DE L'EXPERIENCE
La stratégie renforcée de la Banque en
matière de gouvernance et de lutte contre la corruption s'appuie sur
l'expérience qu'elle a acquise dans le monde entier au cours des dix
dernières années dans le cadre des travaux qu'elle a menés
avec les pays, les bailleurs de fonds et les partenaires de la
société civile. Les principaux enseignements sont indiqués
ci-après :
Un grand nombre d'études montre que, à long
terme, la poursuite d'une bonne gouvernance et la maîtrise de la
corruption produisent d'importants dividendes pour le développement ;
ces deux facteurs vont de pair avec une croissance robuste, une moindre
inégalité des revenus, une mortalité infantile et un taux
d'analphabétisme plus faibles, une plus grande
compétitivité, un meilleur climat de l'investissement et une plus
grande solidité du secteur financier du pays. Les études montrent
aussi que les projets d'aide donnent de meilleurs résultats lorsque les
contextes dans lesquels ils se déroulent sont bien
gouvernés32(*).
Les réformes institutionnelles peuvent donner de bons
résultats, surtout lorsque les dirigeants du pays sont
déterminés à les poursuivre et qu'elles
bénéficient de l'appui des réformateurs locaux. Les
programmes de la Banque doivent donc être exécutés en
étroite coopération avec les champions de la réforme au
sein du gouvernement et en collaboration avec une large gamme de parties
prenantes.
Les problèmes associés à la gouvernance
sont loin d'être les mêmes dans tous les pays; les
stratégies retenues doivent donc être elles aussi
différentes, et leur formulation doit être l'aboutissement d'une
solide connaissance du contexte local, d'innovations sur le terrain et d'une
collaboration étroite avec les groupes locaux
intéressés.
· Même lorsque les possibilités de
réforme de la gouvernance sont limitées au niveau national, il
peut exister des points d'ancrage à l'échelon local. Dans
certains contextes, il pourra s'agir d'une réforme axée sur la
participation de bas en haut, sur le modèle du développement de
proximité, surtout si la réforme appuie également le
renforcement des capacités et la responsabilisation des administrations
locales.
· Même si certains progrès ont
été accomplis dans la lutte contre la corruption administrative,
les problèmes de gouvernance qui ont des origines politiques ou
systémiques profondes - comme le lien entre l'argent et la politique et
la mainmise de certains groupes d'intérêt puissants sur les
institutions publiques - sont plus difficiles à résoudre. Dans ce
cas, les interventions habituelles dans le domaine de la gestion du secteur
public doivent être complétées par des réformes
axées sur la transparence et autres facteurs connexes, et donner lieu
à l'implication dans une plus large mesure des sociétés
multinationales, du secteur privé intérieur et du secteur
financier.
· Des tracasseries réglementaires et des
entreprises du secteur public difficiles à contrôler vont de pair
avec une piètre gouvernance et la corruption. Un secteur privé
dynamique, ouvert et compétitif peut être très bien
placé pour demander que s'améliore la gouvernance.
· Il est crucial de renforcer la responsabilisation,
en particulier des pouvoirs publics envers les citoyens, et la Banque peut
contribuer à la réalisation de cet objectif en complétant
ses activités de renforcement des capacités de l'Etat par la
fourniture d'un appui à des institutions opérant en dehors de la
sphère gouvernementale comme le parlement, la société
civile, les organisations non gouvernementales (ONG), les médias, et les
communautés locales, en collaboration avec d'autres bailleurs. Ces
leçons montrent aussi que les membres des services de la Banque sur le
terrain doivent travailler en étroite collaboration avec les
autorités nationales, en échangeant des informations sur les
meilleures pratiques et en suscitant un appui plus large de parties prenantes
ayant l'expérience requise pour fournir un soutien aux solutions
novatrices qui peuvent être retenues pour s'attaquer aux problèmes
de gouvernance.
Ces diverses leçons suggèrent l'importance
d'interactions importantes de la Banque sur le terrain ainsi que la
nécessité d'adopter une perspective à long terme sachant
que la réforme de la gouvernance exige un effort permanent et que la
situation évoluera de manière très différente d'un
pays à un autre. L'important - et c'est sur cette base que toute
évaluation doit être faite - c'est que les résultats
témoignent d'une amélioration systématique dans le
temps.
Les initiatives de la Banque.
Au cours des dernières années, le Groupe de la
Banque a lancé des opérations pilotes au niveau des pays, des
secteurs et des projets dans la plupart des domaines examinés,
fréquemment à partir d'innovations sur le terrain. Si nombre de
ces initiatives ont donné de bons résultats, certaines ont
été infructueuses et, de manière générale,
leur mise en oeuvre et les résultats obtenus sur le terrain ont
été différents d'un pays à un autre.
Les efforts déployés par les bailleurs de fonds
n'ont pas non plus été uniformes, et ont donc envoyé des
signaux ambigus qui ont réduit leur efficacité. Certains pays
commencent à afficher des progrès dans le domaine de la
gouvernance et de la lutte contre la corruption alors que la situation s'est
dégradée dans d'autres pays dans l'ensemble, toutefois, le monde
n'a pas fait de progrès suffisants.
LA STRATEGIE DU GROUPE DE LA BANQUE.
De nombreux gouvernements pilotent des programmes de
gouvernance et de lutte contre la corruption qui ont leur adhésion ;
d'autres accordent à ces questions une moindre priorité. Le
Groupe de la banque a pour stratégie d'aider les gouvernements des pays
en développement, eu égard aux problèmes particuliers
auxquels ils sont confrontés, à identifier leurs propres
priorités en vue d'améliorer la gouvernance et de formuler et
d'exécuter des programmes sur la base de ces priorités, de
manière efficace et en les inscrivant dans la durée. La
stratégie suit une démarche globale, qui implique la poursuite
d'efforts au niveau national, opérationnel et mondial pour renforcer et
intégrer les mesures axées sur la gouvernance et la lutte contre
la corruption en recourant à toute la gamme des activités du
Groupe de la Banque afin d'aider les pays partenaires à obtenir des
résultats tangibles permettant de réduire durablement la
pauvreté. Les composantes essentielles de l'appui de la Banque devant
continuer de concerner les secteurs, la stratégie prévoit de
mieux intégrer les préoccupations suscitées par la
gouvernance et la corruption dans les programmes sectoriels de l'institution,
notamment ceux qui sont axés sur le secteur privé et le secteur
financier. La stratégie vise également à assurer le
respect des normes fiduciaires les plus rigoureuses dans le cadre des
opérations de la Banque et d'étendre les interactions de la
Banque à une gamme plus large de groupes d'intérêts et
d'institutions ne relevant pas du pouvoir exécutif, notamment en
intensifiant les actions avec le secteur privé pour appuyer la
réduction de la corruption.
Au niveau des pays.
L'un des objectifs principaux des activités de la
Banque consiste à appuyer la constitution d'États plus efficaces
et responsables en partenariat avec d'autres organismes multilatéraux et
bilatéraux. Les réformes visant à mieux responsabiliser
les institutions de l'État et à accroître la transparence
de leurs actions recevant de plus en plus d'attention dans les pays
partenaires. Il importe que la Banque fournisse à ces derniers un appui
plus cohérent, systématique et continu aux programmes
gouvernementaux axés sur la gouvernance et la lutte contre la
corruption. Pour promouvoir l'adhésion des pays, la Banque doit
collaborer avec un large nombre d'institutions publiques à la conception
d'interventions efficaces, fondées sur les meilleures pratiques
identifiées dans le cadre d'études empiriques de qualité.
Pour les pays qui empruntent à l'IDA, les allocations de financement
continueront de reposer sur le système d'allocations sur la base des
performances ; pour les emprunteurs de la BIRD, ces allocations resteront
fonction de la solvabilité du pays ainsi que des questions de
performance et de gouvernance. Dans tous les cas, il s'agira, fondamentalement,
de fournir un appui cohérent aux pays.
Au niveau national, en particulier, la stratégie
propose des interventions de plus vaste portée et plus poussées,
axées sur la gouvernance et la lutte contre la corruption:
· Une démarche systématique et
rigoureuse sera suivie pour assurer la prise en compte des questions de
gouvernance et de corruption dans les CAS, qui permettra de s'assurer que la
stratégie sera adaptée aux risques et aux problèmes que
ces questions posent pour la croissance et la réduction de la
pauvreté dans chaque pays.
· Dans les pays où la gouvernance est
relativement bonne et s'améliore, les stratégies formulées
par la Banque continueront de mettre l'accent sur une plus grande souplesse et
un plus grand degré d'adaptation.
· Dans les pays à fort potentiel, où
les autorités nationales entreprennent d'importantes réformes de
la gouvernance et luttent contre la corruption, la Banque appuiera le programme
résolu de l'État en augmentant rapidement l'ampleur de son
assistance technique et financière sur le terrain et aussi en rendant
publiquement hommage au pays pour cette évolution très
positive.
· Dans les pays où les problèmes de
gouvernance et de corruption sont des obstacles majeurs à la
réduction de la pauvreté et comptent au nombre des
priorités des pouvoirs publics, la stratégie de la Banque fera de
la gouvernance son objet principal ; elle fera appel à des
équipes de lutte contre la corruption et à des conseillers en
matière de gouvernance qui seront basés sur le terrain et inclura
des plans d'action de lutte contre la corruption dans les projets, si
nécessaire. Lorsque les progrès d'un pays sont tributaires de
l'amélioration de la gouvernance et des avancées de la lutte
contre la corruption, la formulation et l'exécution de la
stratégie s'appuieront sur des études approfondies de diagnostic
et de suivi de la gouvernance, et notamment des indicateurs de
réalisation et d'actions concrètes.
· Dans les pays où la gouvernance risque fort
de se détériorer ou dans lesquels les carences de la gouvernance
et une corruption générale font obstacle au développement,
où les dirigeants ne sont pas déterminés à
poursuivre des réformes et où il est impossible pour la Banque et
les pouvoirs publics de convenir des priorités, la Banque ciblera ses
activités sur des domaines et des secteurs dans lesquels il sera
possible de prendre des dispositions adéquates dans le domaine de la
gouvernance : elle privilégiera donc probablement le renforcement des
capacités, la satisfaction des besoins des pauvres et la collaboration
avec des institutions ne faisant pas partie de l'administration centrale, dans
les limites de ses obligations juridiques. Elle inclura aussi un
scénario pessimiste pouvant déboucher sur une forte
réduction des volumes de financement, la réorientation des
programmes au profit d'interventions hors financement, et dans de très
rares cas, la suspension de l'appui financier. Dans ces conditions, La SFI et
la MIGA (Société Financière Internationale et l'Agence
Multilatérale de Garantie des Investissements) pourront continuer
de jouer des rôles essentiels en tant que partenaires en appuyant une
politique d'investissement responsable sur le plan social, la poursuite
d'interventions stratégiques avec le secteur privé continuant
d'être un important facteur de changement dans les contextes
présentant des risques élevés.
· Dans tous les pays où la gouvernance pose
problème, l'attention continuera de porter sur la gestion des finances
publiques, la passation des marchés, les audits, la réforme de
l'appareil judiciaire et du cadre juridique, et une importance
renouvelée sera accordée aux interventions poursuivies avec les
pouvoirs publics aux fins de la réforme de la fonction publique, des
institutions et de la transparence. Des efforts accrus seront par ailleurs
systématiquement déployés en vue de s'attaquer au
problème de la gouvernance dans des secteurs clés, de conforter
les administrations locales, d'accroître la participation des
communautés et de renforcer les capacités de l'appareil
judiciaire, des institutions supérieures de contrôle des finances
publiques et d `autres institutions officielles de supervision.
· La Banque adaptera ses interventions en fonction de
l'évolution des conditions régnant dans les pays et ajustera,
notamment, sa stratégie en cours d'application pour prendre en compte
l'amélioration ou la dégradation de la gouvernance.
Les institutions du Groupe de la Banque, y compris la SFI et
la MIGA, collaboreront plus étroitement avec le secteur privé
pour s'attaquer à la corruption, et continueront d'accroître leur
appui en vue d'améliorer le climat de l'investissement, de soutenir la
réforme du cadre réglementaire et la réduction des
tracasseries bureaucratiques, et de promouvoir un secteur privé
compétitif ainsi qu'une plus grande participation de ce dernier dans
tous les secteurs de l'économie, y compris le secteur financier.
· La Banque, dans le cadre défini par sa
mission et en collaboration avec d'autres organisations multilatérales
et bilatérales, appuiera également des initiatives axées
sur la participation et la transparence pour permettre aux citoyens d'avoir
accès à des informations et à participer à la
formulation des politiques, des priorités en matière de
dépenses, et des services ; pour promouvoir la participation des
communautés à l'amélioration de la gouvernance locale ;
pour renforcer les capacités des médias et pour étendre le
champ des activités de supervision à la passation des
marchés publics, la déclaration des actifs et d'autres aspects
importants de la performance des administrations publiques. La Banque
réexaminera aussi sa politique de l'information en vue d'accroître
la transparence de ses propres activités.
Au niveau des projets.
Au niveau des projets, la stratégie de la Banque vise
à renforcer l'intégrité des projets qu'elle finance et
leur impact au plan du développement :
§ en incorporant des objectifs concrets
d'amélioration de la gouvernance et de lutte contre la corruption dans
les programmes sectoriels, compte tenu des caractéristiques et des
risques propres à chaque secteur ;
§ en collaborant avec les autorités nationales
pour repérer les opérations à risque et pour s'efforcer
d'atténuer les risques en amont en préparant des plans de lutte
contre la corruption faisant partie intégrante desdites
opérations à risque ;
§ en veillant à la qualité des arrangements
fiduciaires dans le cadre des examens du portefeuille de financements et de la
réserve de projets de la Banque réalisés conjointement
avec les autorités nationales ; et en focalisant les ressources et
l'attention sur les projets jugés les plus risqués, en
particulier durant la phase de supervision ;
§ en constituant des équipes anticorruption, en
particulier sur le terrain, qui seraient chargées d'examiner la
conception du projet, d'évaluer les risques et d'établir des
plans de lutte contre la corruption. et qui serviraient par ailleurs, avec les
conseillers en matière de gouvernance, de points de contacts
privilégiés dans le dialogue sur les questions de gouvernance et
de lutte contre la corruption ;
§ en perfectionnant les méthodes de conception et
de supervision et en renforçant la surveillance et le suivi des projets
financés par la Banque via la divulgation transparente des informations
concernant le projet, en particulier les plans de lutte contre la
corruption ;
§ en dotant le Service de déontologie
institutionnelle (INT) de la Banque de moyens renforcés pour
enquêter sur les projets financés par l'institution et, si des
faits de corruption sont détectés, en sanctionnant publiquement
les entreprises coupables et en encourageant les gouvernements et la Banque
à rendre compte de leurs activités ;
§ en appuyant les efforts déployés par les
pays pour se doter des moyens d'enquêter et d'engager des poursuites dans
les cas de corruption, via une collaboration plus étroite entre
l'équipe d'enquêteurs de la Banque et les institutions nationales
chargées de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion.
De nos jours, le portefeuille de la Banque en Guinée
comprend neuf Projets en cours d'exécution représentant un
engagement de plus de 130 millions de dollars EU. (Ci-dessous le tableau
récapitulatif)
Les projets de la Banque mondiale en cours en
Guinée
N° du crédit
|
Intitulé du Projet
|
Montant du Projet
|
Date d'entrée en vigueur
|
Date de clôture
|
IDAQ3990
|
Projet d'appui au secteur de la Santé
|
25 millions de U$
|
28/06/06
|
30/09/11
|
TF056981GUI
|
Projet de gestion côtière et marine et de la
biodiversité
|
5 millions U$
|
31/03/07
|
31/12/11
|
TF056982 GUI
|
Projet de gestion communautaire des terres
|
7 millions U$
|
31/03/07
|
30/06/11
|
IDA
H 310
|
Projet de mise en valeur intégrée des ressources
en eau et développement des usages multiples du bassin du fleuve
Sénégal
|
18 millions de U$
|
12/12/06
|
08/09/11
|
IDA
H 2150
|
Projet de sécurité et de sûreté
aérien en Afrique de l'Ouest
|
7,10 millions de U$
|
24/08/06
|
31/12/09
|
IDA
H 2400
|
Projet d'amélioration de l'efficacité de secteur
de l'énergie
|
7,5 millions de U$
|
28/06/07
|
31/12/09
|
IDA H3300
|
Projet de développement Urbain III, PHASE II
|
15 millions de U$
|
10/12/07
|
31/12/11
|
IDA 39720
|
Projet national d'infrastructures rurales II
|
30,3 millions de U$
|
04/10/05
|
30/12/09
|
IDA H3290
|
Projet d'Appui aux communautés villageoises (PACV)
PHASE II
|
17 millions de U£
|
26/03/08
|
30/06/12
|
Source : communiqué de presse N° 5/2008,
Banque mondiale, Conakry - Guinée
En outre, il faut noter le niveau de décaissement des
fonds alloués n'est pas souvent proportionnel au niveau des
réalisations sur le terrain. Par exemple, le PEPT, pour un engagement de
la banque à hauteur de 70.000.000 millions USD, le montant
décaissé a atteint 83.963.210 USD ; soit 93,45% du montant
alloué. Alors que le résultat escompté est loin
d'être atteint. Tandis que, avec le PACV 2, pour seulement un montant de
17.000.000 USD, 3.414.391 USD sont décaissés (18,41% du montant
total) et ce, pour de résultats brillants que nous connaissons.
A titre d'exemples, il faut noter des projets importants qui
ont plus ou moins réussi ; c'est le cas du :
Programme d'appui aux communautés villageoises -
PACV
Principes du Programme : Faire des
communautés rurales les
maîtres
d'ouvrages du développement local
Présentation générale du Programme
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté,
principalement en milieu rural, le Gouvernement Guinéen met en oeuvre le
PACV qui utilise une stratégie de développement
décentralisé et participatif. L'objectif Global est de renforcer
l'exercice des pouvoirs locaux (Communautés Rurales de
Développement - CRD -) et de promouvoir l'habilitation économique
et sociale de la population rural.
« Le processus participatif mis en place avec
succès dans les CRD a permis d'y enclencher une véritable
dynamique de développement. Dans le cadre des Plans annuels
d'investissement et Plans de développement local, élaborés
par les communautés elles-mêmes, plus de 700 microprojets ont
donné lieu à des contrats passés avec des PME du
cru » note Madame FARO33(*). Au sein des communautés, cela a
contribué à la création de richesse et d'emploi (pour les
jeunes en particulier), à travers la main d'oeuvre
rémunérée par les entrepreneurs, le petit commerce, les
services, etc.
« En fait, le PACV est mis en oeuvre pour rendre
effective la volonté des autorités guinéennes et de ses
partenaires au développement à mener une politique de
décentralisation visant un renforcement progressif des capacités
des CRD à gérer le développement local et assurer la mise
en place d'infrastructures à caractère
communautaires », Précise Monsieur Tidiane du
DSRP34(*). Le
programme est conçu pour une durée de 12 ans, repartie en
trois phases de quatre
années chacune. Il s'appuie sur une stratégie de
développement qui s'articule autour de deux axes :
· l'établissement d'un système
décentralisé fonctionnant de manière appropriée et
efficace pour assurer le développement local et,
· le meilleur accès de la population rurale aux
infrastructures de base.
La première phase du PACV a démarré en
2000, avec les objectifs spécifiques suivants :
· améliorer le cadre réglementaire,
institutionnel et fiscal et développer les capacités de
développement rural décentralisé ;
· établir un mécanisme adéquat et
efficace de transfert des fonds publics aux communautés locales dans le
but de financer l'infrastructure communautaire rurale prioritaire et promouvoir
l'entretien régulier des infrastructures publiques au niveau local et
des pistes rurales.
Le Coût de cette phase s'élève à
quelques 38,7 Millions u$ financé conjointement par :
· la Banque Mondiale (IDA),
· le Fonds International pour le Développement
Agricole (FIDA),
· l'Agence Française de Développement
(AFD)
· la Fondation Américaine pour le
Développement en Afrique (ADF)
· le Gouvernement guinéen
· les bénéficiaires35(*).
Mais le fonctionnement de ces structures n'a pas pleinement
répondu aux attentes. La faible participation des communautés
villageoises dans le processus de prise de décision, de planification et
d'exécution des Programmes de Développement Communautaire (PDC)
est notamment en cause. Elus par le peuple, les représentants de ces
institutions décentralisées semblent aujourd'hui n'avoir aucun
lien avec la société civile. L'enjeu est, à travers des
actions de développement local, le rapprochement des élus et des
populations pour et avec lesquelles ils doivent travailler.
Le PACV vise
tout d'abord le renforcement du processus de décentralisation au niveau
politique, administratif et fiscal à travers un appui aux CRD et aux
autres acteurs concernés dans la mise en place des PDC
(préfectures et sous-préfectures, Ministère de
l'Intérieur). Son second objectif est le renforcement des
capacités des CRD vis-à-vis des PDC, dont la conception devrait
partir d'une concertation avec la population des différents
districts. L'objectif, à terme, est de faire de la
décentralisation le levier du développement, d'encourager la
bonne gouvernance et de favoriser ainsi un développement
socio-économique durable.
Conclusion
Le vaste thème de la gouvernance que nous avons
essayé de cerner sur certains aspects (politique, démocratique,
économique et social) est surtout devenu sujet pertinent qu'à
partir de 1989 par la Banque mondiale, dans son rapport sur l'Afrique, à
la suite de la fondation Carter. La World Bank évoqua donc la
bonne gouvernance comme moyen de sortir le continent du
sous-développement et d'impulser un nouveau départ. Un discours
largement soutenu par l'administration américaine, des organisations
internationales comme l'OCDE et l'Union européenne. Nous estimons ainsi
que durant tout notre travail avoir été convaincu à
travers toutes nos recherches que la bonne gouvernance est un passage
obligé, une condition obligatoire pour tout Etat voulant sortir de
l'ornière de pauvreté.
Par ailleurs, malgré tous les efforts consentis par la
Banque mondiale afin d'utiliser les fonds alloués dans la
réalisation des Projets pour le développement de Guinée,
nous remarquons que la malgourvernance, la corruption, les
détournements, la gabegie, l'irresponsabilité .... Ont
réussi par maintenir la Guinée dans le cercle vicieux de la
pauvreté.
Or, il est unanimement admis que la bonne gouvernance devrait
inclure les éléments suivants :
§ Un Etat effectif et responsable ;
§ Une société civile
mobilisée ;
§ Et un secteur privé efficace, toutes choses qui
sont nécessaires pour un développement durable.
En effet, un Etat crée un environnement politique et
juridique propice à une croissance économique
équitablement répartie. De même, une société
civile active et dynamique mobilise les individus, les groupes et les
communautés, facilite l'interaction politique et sociale, aide à
générer le capital social et encourage la cohésion et la
stabilité au sein de la société. Enfin, le secteur
privé productif génère des emplois et les revenus.
Cependant, en Guinée, nous notons une faiblesse notoire dans ces trois
domaines primordiaux.
Par ailleurs, les éléments clés d'une
bonne gouvernance sont absents ou presque en République de
Guinée : l'obligation de rendre compte, la transparence, la lutte
contre la corruption, la gouvernance participative et le cadre juridique et
judiciaire favorable. Des éléments qui, il faut l'insister,
dénotent la nature complexe du concept de la bonne gouvernance.
C'est le lieu de noter que toutes ces recherches, toutes ces
études approfondies ont un seul objectif principal : combattre le
sous-développement dans toute l'Afrique et plus particulièrement
en République de Guinée. Comme nous le savons, plusieurs facteurs
expliquent le sous-développement de la Guinée. Certains remontent
aussi loin que l'époque coloniale, d'autres au premier régime.
Pour nous, La question à poser dans les circonstances actuelles est de
savoir s'il y a de l'espoir pour ce pays. Le présent mémoire
soutient qu'il y a une lueur d'espoir au bout du tunnel. Même si nous
savons qu'une attitude malheureuse des guinéens pose
problème : La sacralisation du pouvoir politique ; très
souvent, les abus de pouvoir en Guinée, comme ailleurs en Afrique,
demeurent impunis ; en grande partie parce que les africains ont tendance
à vénérer les dirigeants politiques. Cette attitude est
ancrée dans la culture.
A la lumière de toutes ces observations, il en
résulte que la situation économique, politique et
démocratique était très critique quand le monde apprend
officiellement le décès du président Lansana Conté,
le 22 décembre 2008, au pouvoir comme nous l'avons noté plus
haut pendant 24 ans.
L'avènement du Conseil National pour la
Démocratie et le Développement (CNDD) au pouvoir en violation de
la constitution ne fut pas une grande surprise pour qui connaît les
réalités guinéennes. Et du coup, il suspend la
constitution, dissout le gouvernement et l'Assemblée Nationale. Le CNDD
promet d'instaurer l'autorité de l'Etat, de lutter la corruption, les
détournements de deniers publics, d'assainir les finances publiques, de
traquer les narcotrafiquants et le retour à l'ordre constitutionnel en
vue de l'établissement d'un Etat de droit pour une bonne gouvernance,
gage de tout développement.
Mais, très souvent, l'absence d'un engagement solide de
la part des intervenants politiques, qui parlent souvent de la
nécessité d'avoir à rendre des comptes et de
l'intégrité et ne passent guère du stade des promesses
à celui d'efforts réels pour découvrir et pénaliser
les conduites corrompues, a contribué à l'institutionnalisation
de la corruption et de l'affairisme. Même après la création
d'agences anti-corruption, celles-ci n'ont souvent pas les ressources et
l'indépendance nécessaires pour mener à bien leur mission.
C'est le cas de l'Agence Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC),
autrefois rattachée à la Présidence mais qui, de nos
jours, est ballotté entre les ministères. Ainsi, on a souvent
tenté de réduire l'impact de la corruption en Guinée.
Malheureusement, de nombreuses approches n'ont pas été
systématiques mais de simples manoeuvres politiques pour assagir un
public mécontent et une communauté internationale de bailleurs de
fonds. D'autre part, il est difficile de mettre au point une stratégie
anti-corruption parce que le succès de tout programme dépend en
grande partie d'un engagement solide de la part du président du pays,
des membres du cabinet et des responsables les plus haut placés, ceux
là même qui sont parfois corrompus. Sans leur coopération
ou du moins le dévouement du président et des personnes qui
occupent des postes clefs, les malversations deviennent cycliques et resteront
ainsi.
Dans cette optique, le CNDD, à travers son
Président, présente un discours programme en janvier 2009 et qui
reprend l'ensemble de ces préoccupations et insiste de mener à
terme la période transitoire ce, malgré, la condamnation de toute
la Communauté internationale.
Pour parvenir à un succès politique et
économique considérable, les guinéens doivent
réfléchir et trouver un modus operandi efficace. Nous ne
pouvons pas nous permettre de tergiverser, car les tergiversations sont une
perte de temps en ce moment critique que nous vivons.
« A ce jour, la participation de toutes les
forces vives de la nation et un processus de mise en place des organes de la
transition est en cours. Toutefois, le chronogramme de cette transition n'est
pas très précis, ce qui porte à croire que des efforts
louables de tous les guinéens et de nos partenaires doivent soutenir ce
processus en vue de la tenue des élections libres, transparentes et
apaisées, condition sine qua non d'une bonne gouvernance politique et
démocratique»36(*). Reconnaît Monsieur FALCONE de l'ANLC
Mais, ce jeu démocratique est-il très souvent
faussé par le tribalisme, la manipulation, la corruption et
l'instrumentalisation des forces vives et des velléités
nationalistes et patriotiques. Ainsi, l'Etat existe dans nos pays d'Afrique,
sous diverses formes, bien entendu, mais la nation, où est-elle ? La
misère et les antagonismes intra et extra ethniques ne favorisent-elles
pas la manipulation et la corruption qui restent des virus mortels pour la
démocratie ?
Quoiqu'il en soit, il est important de souligner que les
guinéens, en grande partie, sont conscients des problèmes de
corruption, de malgouvernance, d'ethnicisme et d'abus qui ont
caractérisé les régimes autoritaires et croient que ces
questions exigent notre attention immédiate. Beaucoup prennent une
position courageuse en promouvant la démocratisation et la gestion
politique démocratique pour réduire ces abus. Mais puisque le
processus de démocratisation est généralement long,
difficile et complexe, il peut non pas alléger les problèmes dans
l'immédiat mais les intensifier. Le défi consiste à
survivre à la période de transition et non à
l'éviter ou la combattre.
Sachant que cette notion de bonne gouvernance est sujet
d'actualité ; mieux, rassurés que nous n'avons pas
touché tous ses aspects pertinents, une prétention que nous
n'avions jamais eu d'ailleurs, une étude plus élargie et
approfondie est encore possible en se posant la question : Après ce
constat alarmant, quel avenir politique et économique pour la
Guinée pour éviter tout dysfonctionnement des
structures ?
* 1
Source : Ministère de
l'Administration du Territoire et des Affaires politiques (MATAP) Conakry,
Guinée
* 2 Centre National de Recherche
Scientifique,
organisme
public français de
recherche
scientifique, placé sous la
tutelle
administrative du
ministère
de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
* 3 Programme interdisciplinaire
français de recherche Ville et Environnement, Créé en
novembre 2006
* 4 Pierre de
Senarclens, professeur à l'
université
de Lausanne en Relations Internationales, a écrit d'importants
ouvrages d'Histoire et de Relations Internationales.
* 5
L'art. IV section 10 stipule : «La Banque et ses
responsables n'interféreront pas dans les affaires politiques d'un
quelconque membre et il leur est interdit de se laisser influencer dans leurs
décisions par le caractère politique du membre ou des membres
concernés. Seules des considérations économiques peuvent
influer sur leurs décisions et ces considérations seront
soupesées sans parti pris, en vue d'atteindre les objectifs
(fixés par la Banque) stipulés dans l'art. I
* 6
Agence Nationale de Lutte contre la Corruption, «
Gouvernance et Institutions, Comment Reconstruire un Etat de Droit en GUINEE et
Mettre Fin à la Corruption? », Hôtel MARIADOR (Conakry),
23 et 24 Mai 2007, 17P
* 7 Cf. Mark Malloch Browm,
« Gouvernance : l'assise du développement », Atelier sur la
gouvernance à
l'intention des journalistes maghrébins, Nouakchott, mai
2000.
* 8 Comité du
Développement de la Banque Mondiale, « Renforcement de
l'Action du Groupe de la Banque pour Promouvoir la Gouvernance et Lutter contre
la Corruption », Conakry, Année ? , 46P
* 9
Jean François FALCONE, Secrétaire
Exécutif de l'Agence Nationale de lutte contre la Corruption (ANLC),
Conakry, Guinée.
* 10 Docteur Nassirou BAKO
Arifari, « Corruption et Bonne Gouvernance : Quelles relations
pour quelle Finalité? », Université de Kankan, du 20 au
22 Décembre 2002, 15P
* 11 Professeur
émérite à l'Université de Paris XII, Docteur
ès sciences économiques en 1963
* 12 Communication à
l'Atelier du FENU sur la décentralisation et la gouvernance locale en
Afrique, Le Cap, Mars 2001.
* 13 Docteur Nassirou BAKO
Arifari, « Corruption et Bonne Gouvernance : Quelles relations
pour quelle Finalité? », Université de Kankan, du 20 au
22 Décembre 2002, 15P
* 14 Atelier de travail
à Dalaba, Guinée, Ministère du
Plan/Coopération technique allemande « La
contribution des sciences économiques et sociales à la bonne
gouvernance en Afrique » du 5 au 7 décembre
2006
* 15 El Hadj Saidou Diallo,
« Présentation de l'état de la gouvernance en
GUINEE », Bel Air /GUINEE, Mai 2007, 7P
* 16 Ministère de
l'Economie, des Finances et du Plan, « Document de Stratégie
de Réduction de la Pauvreté DSRP (2007-2010), Conakry,
Août 2007, 142P
* 17 Décret n°
197/PRG/SGG, du 2 septembre 1998.
* 18 Archives Ministère
de l'Administration du Territoire et des Affaire Politiques, Conakry,
Rép. de Guinée, septembre 2005.
* 19 Cf. Programme National
de Renforcement des Capacités et de Gouvernance, « l'Etat, les
services publics et les institutions républicaines »
* 20 Enquête sur le
Questionnaire des Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB),
Ministère du Plan, 2002-2003.
* 21 Rapport à
l'Assemblée Nationale du Ministre de l'Enseignement Technique et de la
Formation professionnelle lors de la session budgétaire 2005.
* 22 Comité du
Développement de la Banque Mondiale, « Renforcement de
l'Action du Groupe de la Banque pour Promouvoir la Gouvernance et Lutter
contre la Corruption », Conakry, S.D , 46 P
* 23 Chef de la Section
coopération décentralisée à la Direction nationale
de la décentralisation (DND),
* 24 Cf.
Guinée, Rep. de.
Ministère chargé de l'économie, des finances
et du plan
« Guinée, vision 2010 », vol. 1 :
Stratégie globale, Conakry, novembre 1996, p. 32.
* 25 PNUD/Ministère du
Plan : Etude sur les projets et programmes de gouvernance en Guinée,
janvier 2004
* 26 Défini par
l'ordonnance n°072/PRG/86
* 27 Pays pauvres Très
Endettés
* 28 Deuxième rapport
national sur le suivi des objectifs du millénaire pour le
développement (OMD), Conakry-Guinée, février 2005
* 29 Site de la Banque
mondiale,
www.banquemondiale.org/guinee
* 30 Site du Groupe de la
Banque mondiale :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_internationale_pour_la_reconstruction_et_le_d%C3%A9veloppement
* 31 Conférence
internationale sur le financement du développement, MEXICO, Monterrey,
NL, Mexique 18-22 mars 2002
* 32 Comité du
Développement de la Banque Mondiale, « Renforcement de
l'Action du Groupe de la Banque pour Promouvoir la Gouvernance et Lutter contre
la Corruption », Conakry, Année ? , 46 P
* 33 Mme Conté Nagnouma FARO, Directrice
Nationale de l'Economie, Membre du Groupe Suivi - Evaluation Présidente
du Sous groupe Accélération de la croissance
* 34 Cheik Ahmed
Tidiane DIALLO, Journaliste, Coordonnateur de la Cellule de
Communication de la SRP, Directeur de la Publication du "Magazine de l'Economie
Guinéenne".
* 35
Source : Ministère de l'Economie, des
Finances et du Plan, « Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté DSRP (2007-2010), Conakry, Août
2007, 142P
* 36 Monsieur Jean
François FALCONE, Secrétaire Général de
l'Agence Nationale de lutte contre la Corruption (ANLC), Conakry,
Guinée
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