TABLE DES MATIERES
Table des
matières.............................................................................1
Introduction....................................................................................2
Première partie : Le
génocide..............................................................6
Chapitre I : Le
contexte.....................................................................7
1-1 Approche
socio-historique..............................................................7
1-2 Rappel
chronologique...................................................................9
Chapitre 2 : Le
déroulement..............................................................12
2-1 Pendant le
génocide.....................................................................12
2-2 Deux ans après le
génocide............................................................19
Deuxième partie : Devoir de
mémoire, pardon, justice et responsabilités..........24
Chapitre 1 : Témoigner sur un drame
et la complicité de ses implications.........25
1-1 Rwanda, écrire par devoir de
mémoire..............................................25
1-2 Génocide : pardon et
justice.........................................................
Chapitre 2 : Responsabilités
nationales et internationales..............................40
2-1 Responsabilités
nationales...............................................................40
2-2 Responsabilités
internationales..........................................................41
Conclusion.....................................................................................44
Bibliographie..................................................................................46
INTRODUCTION
De 1850 à 2000, la littérature africaine
francophone a largement évolué. Mohamedou Kane, critique
littéraire sénégalais, dans son article paru dans
Notre librairie consacrée à la littérature
sénégalaise1(*) affirmait que : « Les
précurseurs de la littérature africaine sont à chercher
parmi les métis du Sénégal » qui, à
la deuxième moitie du XIXe siècle, ont publié
un ensemble de textes de vulgarisation sur les réalités
sociologiques du Sénégal.2(*)
D'autres critiques, au contraire, font remonter le
début de cette littérature avec la publication intempestive de
Batouala de René Maran.3(*) Premier signe avant -coureur de la négritude,
Batouala nous intéresse à la fois par son contenu et par
l'entreprise qui le fonde. Il ne tâche même pas d'expliquer :
il constate. Témoin de la vie quotidienne dans un village de
l'Oubangui-Chari, Maran nous fait découvrir les joies et les pleurs des
habitants de cette contrée de l'Afrique en prise avec le système
colonial. L'originalité de son texte tient au faite que l'auteur ait
osé, pour la première, donner la parole aux opprimés pour
qu'ils dénoncent le système raciste auquel ils sont
quotidiennement confrontés. Dans son hommage à René Maran
en 1965, Léopold Sédar Senghor déclarait : «
Après René Maran, on ne pourra plus faire vivre, travailler,
aimer, pleurer, rire, parler les Nègres »4(*)
1932. Un groupe d'étudiants antillais se réunit
autour d'une revue pour combattre ce qu'ils appellent « la
littérature antillaise de calque » faite à l'image
de la littérature française, et à libérer le
tempérament du poète antillais. Cette revue n'a durée que
deux ans. Elle se nommait Légitime défense.
1934. Le groupe de Légitime
défense se retrouve dans une autre revue dénommait
Journal, l'étudiant noir. Dans son premier
numéro, elle nous avertissait déjà en ces termes :
« Cette revue (Légitime défense),
s'il casse, nous saurons trouver d'autres instruments 5(*)». En effet, le grain a
été semé et les résultats n'ont pas tardé.
Les poètes comme Senghor, Césaire et Damas se sont joints au
groupe et le combat a continué des plus belles contre la colonisation
étrangère jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale
et la mobilisation de Senghor au front. Ces deux revues ont eu le mérite
de donner le coup d'envoie au mouvement de la négritude
dans les années 1930 à Paris où il y avait un
bouillonnement culturel et civilisationnel qui allait crescendo, et dont les
objectifs furent clairement précisés au lendemain du
deuxième conflit mondial.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, un groupe
d'étudiants se sont retrouvés aux côtes de Senghor, de
Césaire et de Damas à Paris, au Quartier latin, pour lancer
le mouvement de la négritude. Ce grand mouvement
littéraire avait entre autres pour but de revaloriser les civilisations
et les cultures des Africains longtemps reniées par les colonisateurs
blancs qui considéraient le continent noir comme une terre sans
passé culturel. Les textes issus de ce mouvement ont fortement
contribué à « la libération politique et
culturel » de l'Afrique au sud du Sahara.
Les années soixante ont donné raison aux
sceptiques qui pensaient que les indépendances ne sont pas
nécessairement synonymes de bonheur et de paix pour les peuples
décolonisés. A l'euphorie des indépendances,
succéda la désillusion. Face à la déception des
populations, les écrivains comme Kourouma et Yambo Oulogem vont ouvrir
la voie à une nouvelle génération d'écrivains noirs
francophones dont les oeuvres constituent une dénonciation
systématique des pouvoirs dictatoriaux mis en place après le
départ du colonisateur. Nous avons ainsi assisté à la
naissance d'une nouvelle thématique : celle du
désenchantement. Les textes publiés durant cette période
se montrent en général très critiques vis-à-vis des
régimes issus des indépendances. Le sentiment qui domine est
celui du désespoir. C'est donc à un véritable
procès du néo-colonialisme que se livrent les écrivains
qui dénoncent tour à tour l'adoption inconditionnelle
d'idéologies étrangères à l'Afrique et des abus
auxquels elles peuvent conduire, la trahison des élites, l'affairisme de
la classe dirigeante. Toutes les conditions sont réunies pour
créer une Afrique de malaise. De tous ces romans, l'un des plus
représentatifs est celui d'Ahmadou Kourouma. Les soleils des
indépendances,6(*)
en plus de sa critique des régimes autoritaires, est une oeuvre
capitale pour la littérature africaine francophone du fait du changement
d'écriture dont Kourouma a fait preuve. En effet, dans ce texte
l'auteur, pour la première fois, émaille son récit
d'expressions malinkés. Rompant volontairement avec « la
littérature d'instituteurs » de la
génération précédente, Kourouma bouscule la langue
de Molière et essaie d'y « trouver le style
malinké » comme il le dit lui-même. Ce recours aux
tournures syntaxiques malinkés permet à l'écrivain de
mieux faire passer les réalités africaines, car en
« langues africaines, disait Senghor, les mots sont enceints
d'images ». On signalera par ailleurs la même
interférence linguistique chez Labou Tansi. Ceci s'explique par le fait
que les auteurs africains ont du mal à rendre la couleur locale ou
qu'ils ne trouvent pas en français des termes correspondant à des
concepts ou des objets africains. Ouolguem, de son côté, se
distingue par la distance qu'il a prise par rapport à la conception
senghorienne de la négritude qui consiste à une sorte de
mystification du passé du continent noir. Dans son Devoir de
violence7(*),
il nous montre en effet que tout n'était pas paradisiaque dans
l'Afrique précoloniale.
Les décennies soixante-dix et quatre-vingts sont
particulièrement marquées par un durcissement du ton contre les
chaos des dictatures, de la corruption et du favoritisme ethnique que les
« Guides providentiels » ont instaurés. Les quelques
oeuvres marquantes de ces périodes sont : La vie et demi
(1979) de Sony Labou Tansi, Le cercle des tropique (1972) d'Aliou
Fantoué, Les crapauds -brousse (1979) de Thierno Monenembo...
Le sentiment qui prévaut à l'examen des oeuvres
publiées durant la période de 1980-1987 est celui d'un malaise.
La vie et demie égrène la sinistre litanie des
dictateurs dont la succession n'engendre que mort et destruction. Les victimes
n'en finissent pas d'accomplir leur martyr sous l'oeil de leurs bourreaux. Ces
décennie furent aussi marquées par un fait important :
celui de l'avènement des romancières africaines
francophones sur le paysage littéraire. Ces femmes avaient
voulu lancer leur cri de désespoir face à un monde
méprisant qui leur refusait leurs droits les plus fondamentaux. Parmi
les textes importants de ces femmes écrivains, nous pouvons entre autres
citer : Une si longue lettre (1979) de Mariam Bâ, La
parole aux négresses (1978) de Hawa Thiam, Elle sera de Jaspe
et Corail (1984) de Calixte Beyala...Les thèmes le plus souvent
abordés par ces romancières sont : le mariage
forcé, l'excision, la contestation du pouvoir de l'homme.
La décennie 1990-2000 fut surtout marquée par
deux thématiques majeures : celles de la migration et des guerres
civiles. Alain Mabankou8(*)
, J.R. Essomba 9(*) et
Daniel Biyaoula10(*) ont
publié des textes remarquables mettant l'accent sur la situation des
Africains en France ; tandis que Kourouma11(*), lui, aborde le thème des enfants soldats au
Liberia et en Sierra Leone.
En outre, la thématique de génocide, l'objet du
présent travail de mémoire, s'inscrit dans un projet :
Rwanda, écrire par devoir de mémoire. Elle est
annoncée par une dizaine d'écrivains africains de langue
française ayant pris part aux manifestations de
« Fest'Africa » qui les a invités
à aller au pays des Mille et une fosse communes en 1998 afin de
témoigner de l'horreur : un génocide.
Murunbi, le livre des ossements de Boubacar Boris
Diop s'inscrit pleinement dans ce cadre. Nous envisagerons, dans un premier
temps, de donner quelques indications sur le contexte socio-historique qui
constitue l'arrière fond de la tragédie rwandaise, avant de
passer à l'étude tant structurale que thématique de
Murumbi tout en le comparant aux textes traitant du même sujet.
Mais aussi l'accent sera mis sur les implications de ce drame,
c'est-à-dire sur les responsabilités nationales et
internationales, de même que sur la vie de l'après génocide
(difficile pardon, justice et réconciliation)
PREMIERE PARTIE : LE GENOCIDE
Chapitre I : le contexte
Camper le décor dans lequel l'un des crimes les plus
inhumains du XXeme siècle s'est déroulé dans
une indifférence sans précédent, revient à donner
quelques indications socio-historiques permettant d'avoir une idée plus
ou moins exhaustive de ce qui est arrivé aux Tutsi du Rwanda en 1994
entre le 6 avril le 4 juillet de la même année.
1-1 Approche socio-historique
Le Rwanda est l'un des pays de l'Afrique des Grands Lacs. Il
fut d'abord colonisé par l'Allemagne, avant de passer sous mandat belge
après la Première Guerre mondiale. Ce pays des Mille Collines est
composé de trois groupes socio-ethniques :
v Les Hutu ;
v Les Tutsi ;
v Les Twa.
Les principales langues parlées du pays sont :
v Le Kinyarwanda (apparenté aux langues
bantoues) ;
v Le Français ;
v Le Swahili (la langue vernaculaire d'Afrique
centrale) ;
v L'Anglais.
Le Rwanda est victime d'une instrumentalisation ethnique
entamée par les Belges, poursuivie par les différents pouvoirs
successifs, et dont les conséquences furent les massacres
répétés des Tutsi par leurs compatriotes Hutu. En effet,
les tueries des Tutsi ont réellement commencé au Rwanda en
1959 ; mais personne n'y prêtait attention. Elles n'ont atteint le
point culminant qu'en 1994 avec le génocide qui aura coûté
la vie, en trois mois seulement, à un million de Tutsi sans
défense, et quelques Hutu modérés.
Le six avril 1994 à vingt heures l'avion qui
transportant les Présidents rwandais, Juvénal Habyarimana, et
burundais, Cyprien Ntavyamina est abattu à son atterrissage par deux
missiles venant des collines avoisinantes. Tous les deux Présidents sont
morts sur le coup. Les accusations vont bon train. Certains pointent du
doigt l'Akazu, un clan extrémiste hutu proche du
pouvoir du défunt président, qui n'aurait pas accepté la
signature d'un traité de paix avec le FPR12(*),
formé essentiellement des rebelles tutsi basés en Ouganda voisin.
En effet, il s'agissait du traité d'Arusha en Tanzanie en août
1993. Ce traité prévoyait le partage des pouvoirs militaires,
politiques et civils avec les hommes de Kagamé. Ce clan aurait donc pu
tuer le Président Habyarimana, et faire peser les responsabilités
sur le FPR afin de régler le problème
tutsi ; enfin, d'autres avançaient la thèse d'un attenta
commandité par les rebelles tutsi, car étant minoritaires, ils
auraient pu penser prendre le pouvoir par un coup de force en éliminant
physiquement le Président de la République. Cette dernière
thèse a été démentie par Paul Kagamé. En
effet, en réponse aux accusations du juge ant-térroriste
français, Jean Louis Bruguière, qui soutenait la thèse de
l'attentat contre l'avion présidentiel orchestré par le
FPR, il ( Kagamé) affirmait que des telles accusations
ne sont nullement fondées13(*). En outre, en guise de réponse aux mêmes
accusations, Corneille, un défenseur de Kagamé, qui est dirigeant
d'une grande société d'entreprise à Kigali,
scande :
« Cela ne tient pas une seconde. Tout ceux qui
ont suivi l'actualité de l'époque et qui connaissent bien la
ville de Kigali savent bien qu'une telle opération était
impossible à organiser sans la complicité française. La
zone d'où les missiles sont partis était sous le contrôle
de son armée 14(*)».
Quoiqu'il en fût, quelques minutes après le crash
de l'avion de Habyarimana, la garde présidentiel et
l'Interahamw15(*) ont commencé à dresser des barrages
pour ainsi limiter les mouvements de populations, et à tuer les Tutsi et
les Hutu modérés, dont le le Premier ministre de l'époque,
Aghthe Uwilingiyimana, et les dix casques bleus belges chargés de sa
sécurité. Les Tutsi, pour sauver leur vie, se sont
réfugiés dans les édifices publics : écoles,
églises...où ils seront systématiquement
éliminés.
Le 4 juillet 2004. Le FPR prend Kigali, et
met fin au drame le plus cruel du XXeme siècle. Les
génocidaires hutu prennent la fuite vers le Zaïre voisin avec la
complicité de l'opération Turquoise de
l'armée française.
1-1Rappel chronologique16(*)
§ 1898. Les Allemands colonisent le Rwanda, petit royaume
composé de deux groupes socio-ethniques, les Hutu (agriculteurs,
majoritaire) et les Tutsi (pasteurs, minoritaires), et dirigé par un roi
(tutsi).
§ 1916. Mandat belge. Lors de la
Première Guerre mondiale, la Belgique chasse l'Allemagne, puis obtient
un mandat de la Société des nations pour administrer pays. Elle
classe systématiquement la population entre Hutu et Tutsi et s'appuie
sur ces derniers, jugés « supérieurs » pour
diriger.
§ 1959. Révolte des Hutu. Alors
que l'élite tutsie réclame l'indépendance, la Belgique
encourage en sous-main la « révolution sociale »,
présentée comme la revanche des masses hutues contre
« les féodaux tutsi ». Des dizaines de milliers de
Tutsi sont massacrés ou chassés vers les pays voisins (Ouganda,
Burundi, Congo).
§ 1961. Indépendance. La
monarchie est renversée ; la république est
proclamée. Le premier Président, Grégoire Kayibanda,
légitime le règne des Hutu par le « gouvernement
de la majorité ». De nouveaux massacres de Tutsi se produisent
en 1963 et en 1973.
§ 1973. Coup d'Etat. Le
général Juvénal Habyarimana, un Hutu du Nord, renverse le
président Grégoire Kayibanda. Les persécutions antitutsies
se calment, mais la discrimination institutionnelle, à l'école et
dans l'administration, reste en vigueur.
§ 1990. Guerre civile. Alors que le
régime Habyarimana vient d'autoriser le multipartisme, le Front
patriotique rwandais, formé d'exilés tutsi en Ouganda,
envahit le nord du pays. Une intervention militaire de la France le stoppe
provisoirement. Aux yeux du pouvoir, opposants hutu et politiciens tutsi sont
des « traîtres » et des alliés du FPR.
1993. Les accords de paix d'Arusha
prévoient, sous la pression militaire du FPR aux portes de Kigali, un
partage du pouvoir. Mais le camp extrémiste hutu fourbit ses armes.
La Radio Mille Collines et
l'hebdomadaire Kangura diffusent une propagande appelant au
génocide des Tutsi.
§ 1994. Début du génocide.
L'avion transportant le président Habyarimana est abattu par des tireurs
non identifiés peu avant son atterrissage à Kigali. Dans la nuit
et à l'aube, tous les responsables de l'opposition sont tués par
des militaires. Très vite, les massacres se généralisent
aux tutsi et aux opposants hutus. Le FPR passe à l'offensive deux jours
plus tard. La guerre civile reprend.
§ 4 juillet 1994. Le FPR prend Kigali et
met fin au génocide qui a causé la mort de 800000 personnes en
cent jours. Un million de Hutu prennent la fuite vers le Zaïre, notamment
via la « zone humanitaire sûre installée par
l'armée française dans le sud-est du Rwanda
(opération Turquoise) ».
§ 1996. Retour des
réfugiés. Un demi-million de Hutu rentrent au Rwanda après
l'assaut de l'Armée patriotique rwandaise contre leurs camps au
Zaïre, dans lesquels le nouveau régime de Kigali voit une menace.
Quelque 200000 réfugiés sont tués ou portés
disparus.
§ 2000. Paul Kagamé, l'homme fort
du FPR, est élu président par un Parlement à ses ordres,
après la démission du Pasteur Bizimungu, un Hutu passé
à l'opposition.
§ 2003. Premières
élections. En août, Kagamé est réélu par les
Rwandais à 95% des voix, contre 3,5 % à Faustin Twagiramungu, un
Hutu modéré. Un mois après, le FPR (devenu parti
politique) remporte haut la main les législatives. L'Europe et les
Etats-Unis critiquent le scrutin pour « fraude ».
Boubacar Boris Diop, dans ce texte de Murumbi, le livre
des ossements s'applique avec autant de clarté à constituer
la mémoire des victimes tutsi, et à faire ressort les
atrocités des tueries de 1994 à travers une multiplication de
voix narratives, seul moyen permettant d'évoquer les cent jours
apocalyptiques qui ont plongé le Rwanda dans le chao. Ce
procédé narratif démarque Murumbi, le livre des
ossements des autres textes de Boris Diop. A propos de ce changement de
style, l'auteur déclare :
« Le Cavalier et son
ombre17(*)a
été écrit à partir de clichés : la seul
chose que peut faire les Africains est de se battre ; au Rwanda, une haine
tribale divise Tutsi et Hutu (...). Dans cet « essai de
lamentation », je n'ai pas essayé de démontrer les
mécanismes de la culture entrée en oeuvre au Rwanda (...). J'ai
parlé du Rwanda sans rien en savoir et sans même me rendre compte
qu'il était nécessaire de m'informer davantage. Je me suis laisse
entraîner dans une sorte de mystification (...). Avec Le cavalier
et son ombre, j'étais content d'avoir parlé du
Rwanda...J'ai versé ma petite larme et évidemment, j'ai
passé à autre chose. C'est de ce point de vue que je renie ce
roman ».
Après le voyage de l'écrivain au Rwanda dans le
cadre du projet : Rwanda, écrire par devoir de
mémoire, il s'avère donc clair qu'un changement sans
précédent s'est opéré dans sa façon
même d'interpréter les choses. Murambi est le seul texte
de Boris Diop où le lecteur n'est pas confronté à une pure
acrobatie stylistique. Ceci s'explique par le souci de l'auteur de mieux
exposer la souffrance des victimes : « Le Rwanda, dit-il,
m'a appris à appeler les montres par leur nom »18(*). « J'ai écrit
mon roman le plus simple, en me méfiant cette fois des acrobaties
formelles, de l'esthétique, de petits trucs
narratifs »19(*). Toujours dans le même sens, il affirmait dans
un Quotidien sénégalais, le Soleil : « Avant
le Rwanda, j'avais tendance à considérer l'écriture comme
un [simple] exercice plus ou moins gratuit. Il s'agissait [pour moi] d'agencer
des images, de faire de belles phrases »20(*)
Nous pouvons diviser Murambi, le livre des ossements
en deux parties, selon une classification favorable à l'auteur
lui-même : « C'est un récit qui se
déroule en deux temps : pendant le génocide et deux ans
près le génocide »21(*)
Chapitre 2 : Le déroulement
Le génocide rwandais de 1994 a duré trois mois.
Dans trois mois, il y a quatre-vingts jours. Si nous voulons avoir un chiffre
rond, nous aurons cent jours. Cent jours de terreur. D'acharnement des Rwandais
contre d'autres Rwandais. La raison : ils ont tout simplement la mal
chance d'être nés Tutsi.
2-1 Pendant le génocide
Nous choisissons cet ordre de chapitres, car il nous semble le
mieux représenter la logique de l'histoire.
Tableau récapitulatif des
chapitres
Chapitre : I la peur et la colère
|
Chapitre III : le génocide
|
Chapitre II : le retour de Corneluis
|
Chapitre IV : Murumbi
|
Personnages
|
Récit
|
Personnages
|
Récit
|
Personnages
|
Récit
|
Person-
nages
|
récit
|
Michel
Serunmundo, vidéeothécaire tutsi
Faustin Gassama, organisateur hutu des massacres
Jessica, agent secret du FPR à Kigali
|
La chute de l'avion du Président Habyarimana.
Résultat : deux situations se présentent. La peur dans le
camp tutsi, la colère et la préparation du génocide dans
le camp hutu. P11-47
|
-Aloy Ndasingw
-Marina
Nkusi
-Jessica
-Rosa
Karemera
-Docteur Joseph Karekezi
-Musoni
-Colonel Etienne Perrin
|
Evocation du massacre de Nyamata. P107-111.
Exposition de toutes les formes de massacres dans les
différentes villes du pays par divers personnages : témoins,
bourreaux...Fuite des organisateurs du génocide au Zaire voisin.
|
-Corneluis
-Jessica
-Stanley
-Siméon
-Habineza
|
Retour d'exil et accueil à l'aéroport de Kigali.
Corneluis rencontre ses amis d'enfance et Siméon son oncle. Evocation
des jours de terreurs. Analepse sur l'enfance de Corneluis et de ses amis.
Evocation des premiers massacres (1953-1973.).
|
- Cor-
Neluis
-Siméon
-Jessica
|
Triste rentrée d'exil. Rappel de la vie de Corneluis et
de ses amis à Bujumbura.
Visite de l'école technique de Murumbi.
Rappel de la colonisation du Rwanda.
|
Nous avons volontairement choisi cette classification,
même si elle ne respecte aucunement l'ordre des chapitres, dans la mesure
où elle nous semble le mieux correspondre à la narration de
l'histoire fatale du génocide des tutsi rwandais en 1994 par leurs
compatriotes hutu, dans une indifférence totale de l'OUA et de la
communauté internationale. En effet, cette passivité de l'ONU a
été très vivement critiquée par le
Général canadien, Roméo Dallaire, qui était
chargé de la responsabilité de la mission de maintien de la paix
des Nations Unis au Rwanda au moment du génocide. Dans son ouvrage,
J'ai serré la main du diable, 22(*)qu'il a publié sept ans après la
tragédie rwandaise, il raconte l'enfer qu'il a vécu dans ce pays,
et il n'hésite pas à reconstituer les terribles
évènements auxquels la Communauté
internationale a volontairement tourné le dos. Son
témoignage est ainsi un compte rendu on ne peut plus clair voire sans
concession de la faillite de l'humanité à mettre fin à in
drame pourtant maintes fois dénoncé.
« Quand le général Roméo
Dallaire a été appelé à assurer le commandement de
la force internationale de maintien de la paix des Nations Unis, il croyait
être dépêché en Afrique pour aider deux
belligérants à trouver un terrain d'entente. Une fois au Rwanda,
il découvrit une toute autre réalité. Pris entre une
guerre civile sanglante et un génocide impitoyable, le
général et ses hommes -une petite troupe- furent [...]
abandonnés, sans aucune ressource, par leurs patries respectives [et
l'ONU].
Le chapitre I de Murambi, le livre des ossements
intitulé « La peur et la
colère » s'ouvre sur une situation de calme
inquiétant qui régnait sur Kigali, capitale du Rwanda, quelques
minutes seulement après le crash de l'avion présidentiel. Sa
narration est respectivement assurée par : Michel Serumundo,
vidéothecaire hutu, Faustin Gasama, organisateur hutu des massacres et
Jessica, espionne du FPR à Kigali.
Dans cette partie du texte, Serumundo raconte le climat de
peur qui avait envahi la ville de Kigali après la chute de l'avion du
major Habyarimana ; tandis que Faustin Gasama, comme emporté par on
ne sait quel démon, circule avec son chauffeur dans la ville de Kibungo,
à quelques kilomètres de Kigali où il était
question de planification des massacres : « J'ai
étudié l'histoire de mon et je sais que les Tutsi et nous, nous
pourrons jamais vivre ensemble, a-t-il déclaré23(*) ». Il
s'agissait donc pour lui, tout comme pour son père, de liquider tous les
Tutsi, sans laisser la possibilité à personne de
s'échapper comme dans les années
précédentes :
« Commencer par un côté. Quartier
par quartier. Maison par maison. Ne dispersez pas vos forces dans des tueries
désordonnées. Ils [les Tutsi] doivent tous mourir. Des listes
avaient été préparées. Le Premier ministre Agathe
Uwlingiyimana et des centaines d'autres politiciens hutus modérés
sont déjà tombés sous les balles de la garde
présidentielle [...]. Après ce qu'ils appellent complice, se sera
le tour des Tutsi. Eux, ils sont coupables d'être
eux-mêmes...24(*) ».
Jessica, quant à elle, travaillait pour le compte du
FPR au plus fort du des massacres. Dans son récit, elle nous raconte les
premières tueries à Kigali, en même temps qu'elle recevait
des nouvelles des autres villes, théâtres de violents massacres
anti-tutsi. Ces informations lui parvenaient par le biais d'une lettre que
Stéphane Nkubito lui envoyait. Dans cette lettre, il lui renseignait sur
les scènes des horreurs à Bisesero. Cette missive, il l'a
écrite quelques minutes savant d'être découvert et abattu
par les miliciens :
« Stéphane m'apprend [...] que le jeudi
le 7 avril 1994, Abdel Myjawarya, un homme d'affaires de Kigali, est
arrivé à Gisovu avec deux camions [...] remplis de machettes. Il
a fait décharger les armes au domicile de d'Olivier Bishiarandora. Ce
dernier, qui une forge dans son atelier, a aussitôt commencé
à aiguiser les machettes [...] [il] a ensuite organisé une
réunion au cours [de la quelle] il a distribué les machettes et
les grenades. Les Interahamw ont alors commencé à terroriser les
Tutsi en les accusant d'avoir assassiné leur président bien
aimé, Juvénal Hayarimana. 25(*) »
Ce qui frappe dans ce chapitre, c'est la méthode
quelque peu particulière que Boubacar Boris Diop a choisie pour dire
l'indicible. Elle consiste à multiplier les voix narratives afin de
donner tour à tour la parole aux bourreaux et aux victimes.
Le chapitre III, intitulé « Le
génocide », confie la parole aux génocidaires,
aux rescapés et autres témoins oculaires des massacres. Comme
nous l'avons dit ci-dessus, cette diversification de témoignages
s'explique par le souci de l'auteur de respecter la mémoire des victimes
du drame le plus cruel de l'histoire du continent africain et de
l'humanité. Tandis que certains tuent par simple avidité de
s'emparer des biens des Tutsi éliminés, d'autres, au contraire,
massacrent ou font massacrer par simple règlement de compte.
Le Docteur Karekezi, le père de Corneluis, est l'un des
personnages clés à qui la parole est donnée pour raconter
des faits dont il est le responsable. Ici, nous sommes au coeur de la
tragédie rwandaise. L'auteur montre à travers ce personnage hors
norme à quel point l'homme, poussé par des idées
haineuses, extrémistes, pourrait être amener à commettre
des actes qui dépasseraient la raison. Dans cette partie de Murumbi,
le livre des ossements, Karekezi démontre point par point comment
il a « lâché » les tueurs sur des
réfugiés qu'il prétendait protéger dans
l'école technique de Murumbi, dans laquelle se trouvait sa femme (tutsi)
et ses propres enfants.
L'une des caractéristiques du génocide des Tutsi
du Rwanda, c'est qu'il est un génocide de proximité :
« Il n'y a pas ici [Rwanda] de différence entre le
bourreau et la victime, comme en Afrique du Sud. Nous habitons
ensemble26(*) », disait Madame Gasama, rescapée.
Dans le même d'ordre d'idée, nous pouvons citer le texte du
journaliste de Libération, Jean Hatzfeld, intitulé Une saison
de machettes27(*).
Le chapitre XI de son ouvrage, qui porte le titre de
« Génocide de proximité », nous renseigne
qu'au pays de Kagamé Tutsi et Hutu vivent ensemble depuis
toujours :
« Après le génocide, beaucoup
d'étrangers se sont demandés comment les tueurs [...]
reconnaissent leurs victimes dans le chambardement des massacres, puisque les
Rwandais des deux ethnies parlent la même langue sans aucun
particularisme, habitent les endroits, et que leurs distinctions physiques,
bien que repérables parfois, sont très aléatoires. La
réponse est simple : les tueurs n'avaient pas à
reconnaître leurs victimes puisqu'ils les connaissent. Car d'un village
tout se sait28(*) ».
Cette proximité a joué un rôle essentiel
dans les massacres des plusieurs centaines de Tutsi. Les récits des
certains personnages, comme le Docteur Karekezi, nous font savoir ce qu'ils ont
vu ou fait au plus fort des évènements. Ainsi, Nkusi, une jeune
fille hutu, nous fait-elle partager la scène à la quelle elle a
assisté, et où son père, contraint par son oncle, s'est
décidé à tremper sa main dans le sang rwandais. Nous
sentons à travers son récit combien, de craint de
représailles de la part du gouvernement ou des miliciens, tout le monde
était comme obligé à contribuer à la
« solution finale » comme le concevaient les commanditaires
du génocide. Ainsi toute personne qui refuse de participer se voit
sanctionné par une amende ou par le massacre des membres de sa
famille.
Dans ce chapitre, nous sont racontés les
différentes étapes du génocide des Tutsi avec une
précision sans faille. Cependant, de toutes les voix narratives, celle
du Docteur Karekezi semble bien retenir notre attention du fait de l'ampleur de
son acte.
Murumbi, le livre des ossements est une oeuvre
singulière en son genre, en ce sens qu'il essaie tant bien que mal de
nous rapprocher le mieux possible de la réalité de la
tragédie rwandaise de 1994. L'auteur voulait sans doute que les lecteurs
sachent que le génocide a vraiment eu lieu, barrant ainsi la route
à toute forme de négationnisme qui consisterait à rejeter
catégoriquement l'existence du plus grand crime de notre siècle.
Rejeter la réalité de ce génocide est un attentat contre
la mèmoire des victimes, d'autant plus qu'il a été
organisé, programmé à la fois par les différents
pouvoirs successifs au Rwanda et les intellectuels hutu
extrémistes.
Le fait que l'écrivain donne la parole à des
criminels comme le Docteur Karekezi est une méthode on ne peut plus
utile. Dans la mesure où, Karekezi, en acceptant d'avouer son crime,
découragerait les négationnistes de leur combat de faire
prévaloir la thèse du double génocide, quand il ne s'agit
pas de renier celui de 1994. Karekezi donc non seulement nous convainc que ce
drame a eu lieu, mais aussi nous fait savoir qu'il a lui-même
gagné la confiance de l'Interahamw pour accomplir sa sale
besogne : le massacre des réfugiés de l'école
technique de Murumbi. A la veille de ce massacre, il avait pris contacte avec
les différents responsables de l'Interahamw et un colonel
français, qui a accepté de reprendre l'uniforme en vue de former
les forces régulières rwandaises.
Il n'y a pas que le Docteur qui nous entraîne au coeur
des ténèbres. Jessica, à sa manière, relaye le
récit. A travers sa narration, beaucoup d'interrogations surgissent.
L'Eglise catholique est l'un des objets de ce questionnement. En effet, au
moment du génocide certains de ses membres ont d'une manière ou
d'une autre participé ou soutenu voire encouragé
l'élimination des victimes. Mais Jessica nuance son récit en nous
faisant connaître la bonne volonté de certaines religieuses. Cela
montre que même dans une situation de folie
généralisée, certaines âmes ne perdent jamais le
sens de l'humanité. Parmi ces âmes qui ont su dépasser leur
propre bassesse pour écouter la voix de la raison, il y a celle de
Nyitegeka, une religieuse hutue qui, au prix de sa vie, avait choisi de faire
passer à la frontière zaïroise un nombre important de Tutsi
menacés de mort certaine. Elle sera par la suite découverte et
tuée par les miliciens. Il y a des sacrifices que seuls les âmes
généreuses peuvent faire, quand bien même au prix de leur
vie. Ce fut le cas de cette dame qui aurait pourtant pu se ranger du côte
des tueurs, car étant elle-même hutu. Elle avait pourtant la
possibilité de le faire. Car de son église elle avait reçu
une lettre de son frère qui la suppliait de cesser ce qu'elle
était entrain de faire. Comme toute réponse, elle
déclarait : « Je faire tout ce que je peux pour
sauver des vies humaines.29(*)»
Dans ce roman, nous sommes comme plongés dans
l'absurde. Murumbi, le livre des ossements est d'autant plus absurde
que les mots manquent, souffrent de la difficulté d'exprimer la bonne
volonté des uns d'une part et la barbarie des autres d'autre part.
Boubacar Boris Diop lui-même ne cache pas la difficulté qu'il
avait rencontrée quand il s'agissait d'extérioriser via les mots
les atrocités dont furent victimes les Tutsi du Rwanda entre le 6 avril
2004 et le 4 juillet de la même année, dont les
conséquences furent les massacres sans aucun état d'âme des
vieillards, des enfants à l'état embryonnaire, des femmes, des
nourrissons. Cependant, le fait de donner la parole aux bourreaux et aux
victimes donne un grain d'espoir d'approcher le vrai visage des souffrances des
suppliciés. Cette méthode est d'autant plus nécessaire que
l'auteur ne passe pas par quatre chemins pour nous exposer son
témoignage. Le langage des personnages est direct, clair et
précis. Il va tout droit au coeur du lecteur, le sensibilise,
l'intéresse.
Ce chapitre est aussi celui du désespoir. L'Interahamw
et les planificateurs du génocide désespèrent de leurs
efforts face à l'avance et la prochaine victoire du FPR. Ils prennent la
fuite vers le Zare. Le chapitre termine par le récit du colonel Etienne
Perrin de l'opération Turquoise chargée de
l'évacuation des responsables du génocide avant qu'ils ne soient
surpris et massacrés par les hommes de Kagamé.
Murumbi, le livre de ossements est plus qu'un simple
témoignage sur un drame sans nom. Il est historique. L'auteur, sans
aucune forme d'académisme comme il a l'habitude de le faire, choisit la
simplicité dans l'expression, et nous retrace l'historique de tous les
génocides du pays des Mille collines.
Le chapitre est clos sur la victoire du FPR. Mais la France
non content de digérer la défaite de ses allés, souhaite
que les responsabilités soient partagées. Une telle conception de
la victoire est mal perçue par Kagame. Car il ne pouvait pas accepter la
proposition d'un partage des pouvoirs avec ceux qui ont trempé sans
scrupule leurs mains dans le sang rwandais. Surtout quand cette proposition
venait d'un pays qui n'a volé au secours des victimes qu'une fois les
massacres achevés, et qui a facilité la fuite
des génocidaires au pays de Mubutu. Cette fuite s'inscrit dans le cadre
de « l'opération Turquoise ». Celle-ci
prétendait venir sauver les Tutsi « menacés »
de génocide. Jessica, en ces termes, ironise sur les intentions d'une
telle intervention :
« Deux mille cinq cents [...] soldats
lourdement équipés sont entrain de prendre position à Goma
et à Bukavu au Zare. Ils appellent cette affaire l'opération
Turquoise. Il s'agit, paraît-il, de se porter au secours des Tutsi
menacés de génocide. On verra comment ils vont s'y prendre pour
sauver la vie à des gens morts depuis longtemps. C'est une farce
sinistre.30(*) »
2-1 Deux ans après le
génocide
Le chapitre II, qui constitue le début de cette
subdivision du texte de Murambi, le livre des ossements, s'ouvre sur
un retour d'exil de plusieurs années : celui de Corneluis, le fils
du Docteur Karekezi, le « boucher » de Murambi. Au moment
du génocide, Corneluis vivait à Djibouti où il enseignait
l'histoire dans un collège.
Deux ans près le drame, il décide de rentrer au
pays des Mille et une fosses communes. Il débarque à Kigali, puis
à Murumbi, sa ville natale où il rencontre ses amis d'enfance,
Jessica et Stanley et son oncle philosophe, Siméon Habineza qui lui fait
revivre les évènements avec un ton triste voire tragique.
L''originalité de cette partie de Murambi, le livre
des ossements tient au fait qu'elle est riche en analepse31(*). Corneluis, comme
obsédé par on ne sait quelle détermination,
s'intéresse davantage à son passé, seul moyen pour lui de
renouer son destin brisé par le massacre de toute sa famille à
l'exception de Siméon. Il est aussi question de souvenir de l'exclusion
de ses amis d'enfance, Jessica et Stanley, de l'école par qu'ils sont
tutsi. Il est également raconté leur à Bujumbura au
Burundi en 1973, pour échapper aux massacres.
Nous sentons aisément le recours à l'histoire
dans ce texte plus proche de la réalité que de la fiction. Boris
Diop nous plonge dans une longue tradition de violence qui nous fait comprendre
qu'il n'y a pas eu qu'un génocide au Rwanda, mais des génocides.
« Le génocide n'a pas commencé le 6 avril 1994 mais
en 1959 par des petits massacres auxquels personne ne faisait
attention32(*) ».
Aussitôt rentré au pays, Corneluis voulait tout
comprendre. Il voulait à la fois savoir ce que faisait ses amis, comment
ils ont survécu, et sur l'extermination de sa famille par son propre
père. Ce retour n'a rien de triomphal. Car ses amis, compte tenu du
rôle joué par son père durant les évènement,
se méfient de lui afin de voir la manière dont il apprécie
le génocide de 1994. Cette méfiance tintée de
mépris voire de haine s'explosa quand Corneluis dévoila son
intention d'écrire une pièce de théâtre sur la
souffrance des victimes. La réaction de Roger ne s'est pas fait
attendre. Corneluis s'en est vite rendu compte : « Il
[Roger] a l'air d'insinuer que je n'étais pas là quand on tuait
les gens [...] Maintenant je viens emmerder le monde avec ma douleur33(*) ». Ce qui
frappe dans cette partie du texte, c'est la manière dont l'auteur a su
intégrer une histoire [pièce de théâtre] dans une
autre. Cette « mise en abyme » est quelque peu
intéressante. La philosophie qui se dégage du thème de la
pièce est que la vie humaine a beaucoup moins de valeur que celle d'un
chat. Car au moment où on était entrain de
« couper » les Tutsi avec des machettes, le
général Perrichon s'occupait à s'assurer que la vie de son
chat n'était pas mise en danger.
La plus grande partie de ce chapitre est consacrée au
dialogue entre Corneluis et Jessica. Mais aussi à leur visite des sites
massacres, véritables musées des ossements, de Kigali et de
Nyamata où sont exposés le reste des victimes. Pour la
première fois, Corneluis prend acte de l'ampleur des massacres.
L'un des objectifs de l'auteur, on le sent à travers le
personnage de Corneluis, est de détromper l'opinion des étrangers
sur le drame du Rwanda : « Ils [les étrangers]
pensent que les Hutu tuent les Tutsi et que les Tutsi tuent le
Hutu ». Corneluis et Jessica étaient accompagnés
des guides dont certains sont rescapés. Ces guides leur expliquaient
l'arrivée de l'Interahamw et le processus des massacres en masse des
milliers de personnes réfugiés dans des bâtiments publics.
Le ton de leur récit est on ne peut plus tragique :
« Pendant que ses collègues égorgent leurs victimes
ou les découpent avec leurs machettes tout près de la
barrière, un milicien interahamw vérifie les pièces
d'identité... 34(*)». Exprimer tant de cruautés avec les mots
pose d'énormes problèmes à l'auteur. Cependant il a pu
mettre à nu la barbarie dont est capable l'homme. Corneluis, devant
cette incompréhension de la folie humaine, s'est souvenu d'une phrase
d'un intellectuel afro-américain qui, de retour de Nyamata,
déclare : «Voilà, je me suis trompé toute ma
vie. Après ce que j'ai vu au Rwanda, je pense que les Nègres sont
des sauvages35(*) ».
Le texte de Boris Diop est une simplicité flagrante.
Mais ce qu'il révèle dérange, choque la conscience du
lecteur qui n'est pas habitué de ce genre de récits.
L'absurdité des tueries, l'impacte sur les survivants sont si
traumatisants que personne ne pourrait refermer Murambi, le livre des
ossements sans compatir au martyre des victimes.
Par ailleurs, par une prolepse Jessica annonce la visite de la
ville de Murambi où, comme nous l'avons dit plus haut, le père de
Corneluis, le Docteur Karekezi, avait fait tuer entre cinquante et soixante
mille personnes parmi lesquelles se trouvait sa propre famille. Ceci approuve
combien Murambi, le livre des ossements est l'expression ultime de la
barbarie sous toutes ses formes. L'homme est décrit sous son aspect le
plus abject. Sa bestialité est démontrée d'une
manière on ne peut plus claire. Corneluis n'est pas sans savoir de cet
aspect de l'homme. Il savait qu'il n'y aurait plus de repos pour lui, puis
qu'il se savait désormais le fils du diable de l'école technique
de Murambi. Tout autour de lui, il n'entendait que des paroles qui le plongeait
davantage dans un atroce examen de conscience : « Tu vas
demain à Murumbi, lui dit Jessica, et tu dois savoir que ton père
y a organisé le massacre de plusieurs personnes. Le carnage de
l'école technique de Murumbi, c'était lui... 36(*)». Ces mots de son amie
d'enfance le mettent d'avance dans la situation qui l'attend à sa ville
natale, Murambi, où il va voir de très près le
résultat de la bêtise de son père.
Le chapitre IV du texte s'ouvre sur l'arrivée de
Corneluis à Murumbi. Après une absence de vingt-cinq ans d'exil
à Djibouti, il rentre d'une rentrée triste, qui n'a rien de
triomphal. Il pèse déjà sur sa mémoire le massacre
de sa mère et de ses frères par son propre père. Il
essayait, Siméon aidant, de reconstituer en vain son passé, dans
l'espoir de trouver un élément qui puisse l'égayer.
L'essentiel de ce chapitre se passe entre Corneluis et
Siméon Habineza. Le lecteur a comme impression d'être dans un
univers où le ton dominant est le ton tragique : « Tu
es revenu et des moments difficiles t'attendent37(*) » de son oncle confirme le tragique de
ce passage. Un autre fait qui marque la conscience du lecteur que celui de la
fréquence des analepses. Ce procédé narratif aide, devant
un présent absurde, surréel, à retrouver les
repères brisés de la vie par une sorte de remémoration du
passé. Car le génocide a tout brouillé dans la conscience
individuelle et collective des Rwandais.
Murumbi, le livre des ossements, c'est aussi
la visite de l'école technique de Murambi, qui est
transformée en site macabre des ossements des
victimes. Corneluis s'y est rendu afin de voir de près l'ignoble
résultat « du travail » de son père.
Murambi, la ville natale de Corneluis, c'était
également le lieu où les étrangers de toutes
nationalités confondues venaient voir les preuves du plus grand crime
de l'histoire du continent africain : « Des gens importants
venaient en délégation de pays lointains visiter l'école
technique de Murambi38(*) ». Le guide qui accompagnait Corneluis
faisait de son mieux pour lui expliquer l'inexplicable.
D'un ton triste, son oncle Siméon conclut le chapitre.
Il faisait comprendre que ce qui est arrivé aux Tutsi du Rwanda quelques
mois plutôt était déjà programmé de longue
date. Nous prenons conscience à travers son récit qu'aussi
quelques hutu de bonne volonté furent victimes de la folie qui
dévasta le pays de Kagamé.
Murambi, c'était aussi la visite de la maison du
Docteur Karekezi. De ces visites, Corneluis sort complètement meurtri.
L'auteur nous montre un personnage dépassé par la force des
choses. Sa raison n'arrivait pas à appréhender comment l'homme
pouvait-il arriver à un degré de rejet de l'autre au point de
s'acharner à sa destruction physique ; d'autant plus que les
paroles de son oncle le mettaient davantage dans une situation où il
semblait ne plus rien comprendre.
Boubacar Boris Diop met encore en évidence, comme pour
appuyer la thèse de Siméon, que le génocide au Rwanda n'a
jamais débuté le 6 avril 1994. Il a essayé tout au long de
son texte, à travers les témoignages des personnages, de faire
une sorte d'historique de ce drame sans précédent dans l'histoire
de l'humanité. Il a montré le processus qui, de 1953 à
1994, a conduit aux massacres des plusieurs milliers des Tutsi du Rwanda.
L'ampleur de ce génocide dépasse largement
toutes les consciences : « Le quatrième
génocide du siècle restait une énigme et peut-être
fallait-il en chercher la clé dans la tête d'un fou ou dans les
mystérieux mouvements des planètes. Cette orgie de haine allait
très loin au-delà de la lutte pour le pouvoir dans un petit pays
[...] 39(*)». Cette réflexion de Siméon est
riche de philosophie. Elle nous appelle en effet à méditer sur
l'incompréhension qui avait entouré et qui entoure encore le
génocide rwandais qui coûta la vie à un million de
personnes, dans une indifférence injustifiable du monde entier.
« L'ONU et ses membres ont tergiversé alors même
que les télévisions montraient chaque jour les images du
génocide 40(*)».
DEUXIEME PARTIE : DEVOIR DE MEMOIRE, PARDON, JUSTICE
ET RESPONSABILITES
CHAPITRE I : TEMOIGNAGE SUR UN DRAME ET LA
COMPLEXITE DE SES IMPLICATIONS
Engagés, les écrivains africains francophones le
sont sans doute depuis la naissance de ce qu'il est convenu d'appeler
désormais la littérature africaine de langue française.
Aussi, malgré leur long silence sur le génocide rwandais de 1994,
ont-ils décidé de porter leur témoignage afin
d'éviter aux victimes une deuxième mort : l'oublie.
1-1 Rwanda, écrire par devoir de mémoire
Littérature de génocide et de témoignage,
Murambi, le livre des ossements de Boubacar Boris Diop est le fruit
immédiat d'un projet d'écriture : Rwanda,
écrire par devoir de mémoire. A la demande de Nocky
Djedanoum et Mamouna Koulibali, organisateurs de Fest'Africa, un festival
littéraire qui a lieu chaque année à Lille, en France, une
dizaine d'écrivains africains francophones est partie au Rwanda en 1998
pour voir de près ce qui s'est réellement passé
là-bas entre le 6 avril 1994 et le 4 juillet de la même
année dont le résultat, faudrait-il le répéter, fut
le massacre atroce d'un millier de personnes.
Ont participé à ce projet : Koulsi Lamko
(Tchad), Monique IIboudo (B. Fasso), Véronique Tadjo (C. D'Ivoire),
Moussa Konaté (Mali), Boubacar Boris Diop ( Sénégal),
Thierno Monenembo (Guinée), Abderrahmane Waberi (Djibouti), Jean -Marie
Vianney, (Rwanda), Nocky Djedanoum ( Tchad), et Mamouna Koulibali. Ces auteurs
avaient effectivement un objectif bien déterminé. Ils se
sentaient d'une façon ou d'une autre responsables devant le drame
rwandais vis-à- avis duquel on n'avait, à l'exception de Wole
Soyinka, recensé aucune réaction de leur part au moment de la
tragédie. De ce projet donc est sortie une dizaine de textes constituant
ainsi la thématique de génocide dans le paysage littéraire
africain de langue française : « Nous, disait Nocky
Djedanoum, intellectuels africains, nous sommes restés muets au moment
du génocide. Mais c'est à nous de réagir. Par rapport
à ce qui s'est passé en 1994 [...]. C'est notre
responsabilité de faire en sorte qu'on oublie pas les victimes41(*) ». Cette
citation de l'auteur tchadien renferme d'une manière quelque peu concise
l'objectif de ces écrivains qui ont décidé de se porter
comme porte parole de la souffrance des centaines de Tutsi tombés sous
les coups des machettes. Huit ans après le génocide, ces auteurs
ont jugé indispensable de sortir de leur silence et de s'investir dans
la littérature afin d'exposer au public des lecteurs l'ampleur du chao
rwandais de 1994. Pendant leur séjour au pays de Kagamé, ils ont
visité les différents sites macabres où sont
exposés des restes humains (ossements), et ils ont pris de très
près la mesure de ce qu'ils ont suivi à la
télévision quelques années plutôt : un
génocide. Leurs oeuvres ne sont donc rien d'autre qu'une
reconstitution de ce drame inhumain.
Murumbi, le livre des ossements, à l'instar
de tous les textes d'auteurs africains francophones publiés sur la
tragédie rwandaise de 1994, constitue un devoir de témoignage, de
souvenir afin de perpétuer la mémoire des victimes contre toute
forme de négationnisme.
La nouveauté de ce texte, c'est qu'il a, après
le thème de la migration des Africains vers la France avec les Congolais
Daniel Biyaoula et Alain Mabanckou, et le thème des guerres civiles avec
Ahmadou Kourouma, donné le coup d'envoie à celui du
génocide.
Cette littérature de génocide ou de crise est
un témoignage on ne peut plus clair sur l'extermination
programmée des Tutsi et quelques Hutu modérés du pays des
Mille Collines. Elle a pour tâche d'empêcher de tomber dans les
tiroirs des oubliettes l'une des plus grandes horreurs de l'époque
moderne. Boubacar Boris Diop, tout comme d'ailleurs tous les autres auteurs
ayant participé au projet de souvenir : Rwanda,
écrire par devoir de mémoire, se porte comme le
porte-parole de l'indicible barbarie afin de mettre à nu les souffrances
des massacrés et des rescapés. Dans son ouvrage, le lecteur est
comme entraîné dans une sorte de fleuve de témoignages de
tous niveaux, qui racontent avec une précision on ne peut plus claire ce
que l'auteur lui-même n'a pu raconter dans Le Cavalier et son ombre
dont nous avons parlé plus haut. C'est donc grâce à la
complicité de ces divers témoignages que Boris Diop avait pu
surmonter les multiples difficultés qui lui sont posées. Car il
n'est jamais du tout facile de dire avec les mots toutes les horreurs de la
tragédie rwandaise de 1994.
Des tous les témoignages, seuls ceux des
rescapés nous semblent être les plus frappants du fait sans doute
de la souffrance qu'ils ont subie. Murambi, le livre des ossements est
donc l'expression de leurs douleurs. Ces victimes ne sont pas du reste sans
savoir de l'importance d'une telle mission de l'écrivain. Cependant, ce
qu'elles demandaient, c'est qu'on écrive pas de fiction sur leur
malheur. Autrement dit, elles ne voulaient pas que leurs douleurs soient
réduites, par le lecteur, à l'irréalité.
« Les Rwandais ne voulaient pas qu'on
écrive de la fiction mais qu'on fasse des essais ou de l'histoire. Dans
l'esprit de [ces derniers] la fiction est un genre, peut être pas mineur
mais pour le moins peu fréquentable et dans l'échelle des
valeurs, elle arrive bien derrière l'histoire ou l'essai qui sont des
genres séreux, nobles. Il y a donc l'idée de
fiction/falsification.42(*) »
Le recours à l'imaginaire, pour les rescapés,
n'exprimerait pas mieux voire ne ferrait pas comprendre la
réalité du génocide. La fiction se voit par
conséquent fixée dans des limites. Il faut que le monde entier
sache la volonté des Hutu à éliminer jusqu'au dernier tous
les Tutsi du Rwanda. Boris Diop a, en conséquence, pris acte de leur
revendication. Il leur avait fait comprendre qu'il allait, à travers
Murambi, le livre des ossements, respecter autant que faire se peut
à mieux faire entendre leurs supplices.
Roman de témoignage, Murambi, le livre des
ossements fait ressortir, sentir toutes les atrocités du
génocide rwandais de 1994 d'une manière précise et
objective. Ce texte devrait être lu sous l'angle de
reportage-témoignage sur les cent jours d'horreur et de folie collective
dont ont été victimes les Tutsi, littéralement tués
à coups de machettes, de gourdins, de coupe-coupe, de haches, de serpes,
de verges...
Comment représenter la violence d'un
génocide ? Telle était entre autres questions celle que se
posait l'auteur au moment de la rédaction de son oeuvre. Car il n'est
jamais facile d'écrire sur un drame d'une telle gravité.
A l'instar de Boubacar Boris Diop, le Guinéen Thierno
Monenembo, dans son ouvrage intitulé L'Aîné des
orphelins43(*)
retient l'attention des lecteurs par la simplicité de son
écriture et le thème qu'il développe. En effet, ce texte
raconte la vie malheureuse d'un jeune enfant du nom de Faustin Nsenghimana
-hutu par son père, tutsi par sa mère- rescapé miraculeux
d'une tragique et fatale fusillade publique dans une église à
Nyamata. A Kigali où il séjourne après avoir
échappé au massacre planifié, Faustin mène une vie
errante et s'installe dans un abri de fortune dénommée QG par
ses habitants. Rentrant à l'improviste au QG après une longue
absence, il surprend sa soeur avec un des habitants, Musinkoro, son voisin
d'infortune. Il l'exécute à bout portant avec un révolver.
Au procès, Faustin se défend mal, il se montre insolent : il
est condamné à mort. Monenembo, dans son ouvrage, met surtout
l'accent sur les conséquences du génocide sur les survivants qui,
par la force des choses, se muent en cyniques. C'est tout le contraire de
Murambi, le livre des ossements où Boris Diop a frontalement
abordé le sujet sans aucune forme de détour.
Thierno Monenembo, tout comme Boris Diop, s'engage dans un
travail de sensibilisation de l'opinion publique africaine et internationale
sur le danger que pourrait constituer pour toute nation l'instrumentalisation
ethnique dont celle du pays des Mille Collines avait entraîné la
mort des plusieurs centaines de Tutsi du fait seulement de leur
différence.
La littérature prend la couleur de l'engagement et
descend aux enfers pour monter l'homme dans toute sa bestialité. Au
Rwanda, elle a assisté à sa propre honte par le biais du
manifeste des Bahutu dans lequel les idéologues extrémistes hutu
réduisaient les Tutsi au rang de l'animalité. C'est aussi
à travers la conséquence de ce manifeste (génocide) que la
littérature doit encore renaître en témoignant et en
dénonçant la barbarie sous toutes es formes. Cette
dénonciation trouve son illustration dans le texte de Monique IIboudo
intitulé Murekatete44(*) :
« Ce jour-là [le jour où avait
commencé le génocide], le soleil ne se leva pas [...] tout un
pays venait de sombrer dans les ténèbres [...] tout ce qui vit
meurt un jour. Mourir est donc naturel, et nous l'acceptons en naissant. La
mort anormale est celle qui fauche des êtres sains, dans la force de
l'âge, des enfants en pleine croissance, des foetus à l'abri dans
le sein maternel. La mort n'est pas normale lorsqu'elle frappe collectivement
des êtres qui n'aspirent qu'à vivre. Des êtres dont le seul
tort est d'être nés d'un bord et pas de l'autre. 45(*)».
Muraketete, c'est le nom d'une jeune femme qui veut
dire « laisse-la vivre ! ». Nom donné par son
père parce qu'elle a manqué de mourir à la naissance
« première résurrection ». Elle a
manqué de mourir pendant le génocide « deuxième
résurrection ». Récupérée par un soldat
du FPR, elle s'est finalement sauvée.
Dans la même lancée, l'on signalera l'ouvrage de
Koulsy Lamko, Phalène des collines. Dans ce texte, Lamko nous
relate l'histoire mythique une reine qui, non contente de la situation qu'on
lui a réservée (elle était exposée dans l'un des
sites macabres du génocide où les ossements des victimes sont
entassés, constituant ainsi la preuve matérielle de la barbarie
rwandaise), décide de s'incarner dans un papillon et vogue à
travers le pays en attendant qu'on lui fasse des funérailles digne de ce
nom. Cette oeuvre, en d'autres termes, soulève la question de
l'importance que l'on accorde au deuil au Rwanda et, d'une manière
générale, en Afrique au Sud du Sahara. Il y est tout aussi
question de la responsabilité de l'Eglise dans les massacres de 1994.
Il faut en outre constater dans le même registre de
cette littérature de génocide ou de crise l'apport sans
égal des témoignages des rescapés, c'est-à-dire
ceux qui ont miraculeusement échappé à leur propre mort.
Un (e) rescapé (e) ne témoigne certes pas comme un
écrivain qui n' pas directement vécu l'horreur indicible. Le
rescapé donc, ayant vécu le drame en son âme et corps, est
le mieux placé pour nous rendre compte de la gravité des
scènes des tueries où les Hutu ont manifesté leur
bestialité en tentant d'exterminer leurs compatriotes tutsi. Ainsi, le
texte de Yolande Mukagasama, rescapée, intitulé N'aie pas
peur de savoir46(*)
constitue un exemple on ne peut plus précis sur la prise de parole des
survivants.
Tous ces textes, qu'ils soient produits par les
rescapés du génocide rwandais de 1994 ou par les écrivains
ayant participé au projet d'écriture dont nous avons parlé
plus haut, avaient un objectif manifeste et incontestable que celui de briser
le silence des survivants, de partager leurs douleurs afin d'empêcher
l'oubli de ceux qui sont tombés sous les coups des machettes, des
gourdins, des serpettes...
Mais témoigner sur une tragédie de l'ampleur de
celle du Rwanda n'est pas une tâche aisée. Le Djiboutien,
Abdourrahmane Waberi, dans la préface de son ouvrage intitulé
Moisson des crânes, textes pour le Rwanda47(*) nous fait par de la
difficulté de raconter avec les mots les atrocités de la barbarie
du pays des milles et une fosses communes : « Cet ouvrage
s'excuse presque d'exister. Sa rédaction a été hardie, sa
mise en chantier différée pendant des semaines, des
mois.48(*) ». Ce texte est le résultat de
deux mois de séjour au pays des Mille Collines. Voilà donc qui
rappelle à l'écrivain la difficulté de témoigner
sur les massacres organisés d'un millier de Tutsi et quelques hutu dits
modérés qui n'ont pas accepté de se salir la main dans
cette triste histoire de haine séculaire. Cette difficulté
expressive est surtout liée à la violence avec laquelle
l'Interahamw « découpait » les victimes. Certains
passages des textes publiés sur ce génocide ne sont pas faciles
à exposer, comme en témoigner cet extrait de Murumbi, le
livre des ossements : «Tout cela est absolument incroyable.
Même les mots n'en peuvent plus. Même les mots ne savent plus quoi
dire49(*) ».
En plus du thème de génocide, celui du viol
occupe une place non négligeable dans les textes issus du projet
d'écriture. Ainsi, Boubacar Boris Diop, dans son oeuvre au ton tragique
et absurde, nous en parle d'une manière surnaturelle, presque
inexprimable du fait de la violence infligée aux femmes au moment des
massacres, avant de les achever : « Une jeune femme, parfois
juste une fêle gamine, est étendue contre un mur, jambes
écartées, totalement inconsciente [...] .Quand ils [les tueurs]
ont fini [de violer], ils versent de l'acide dans le vagin ou [...] enfoncent
dedans des tessons de bouteilles ou des morceaux de fer... 50(*)». Les scènes de
violence corporelle voire sexuelle ainsi relatées par les auteurs
africains francophones de génocide sont indignes, dénaturants,
antimorales. L'auteur de Murumbi, le livre des ossements voulait
surtout attirer l'attention sur le viol collectif des femmes par des miliciens
sans aucun scrupule. Tandis que Lamko, lui, braquait le proviseur beaucoup plus
largement sur le viol commis par un membre de l'Eglise, un prêtre. La
reine, personnage mythique de Phalène des collines, nous
raconte comment elle a été violée par le prêtre de
l'église où elle était partie chercher refuge :
« Lors que je reviens à mois, je
réalise que je suis solidement amarrée à de grosses
pierres disposées en croix, pieds et poings liés. Je sens une
lancinante douleur au ventre et comme un énorme sac de plomb entre les
jambes [...] IL [après avoir terminé de la violer] saisit une
bouteille d'acide qui traîne par-là et déverse tout le
contenu dans mon sexe. Je sens la corruption s'emparée de mes viandes
internes [...]. L'acide dévore comme un feu de saison sèche
lâché sur la savane51(*) ».
Ces cas de viol ne sont qu'une infime part si nous prenons la
peine de considérer ce phénomène dans sa
généralité. Dans d'autres cas, les miliciens interahamw
violaient sciemment leurs victimes afin de les contaminer du virus du sida.
Le texte de Lamko ne traite pas que du viol atroce et
humiliant de la femme rwandaise. Il fait lui aussi à sa manière,
avec un style quelque peu académique, sa part de témoignage sur
le génocide de 1994, dans un contexte d'indifférence où le
monde avait les yeux braqués sur la télévision pour
regarder les matches de la coupe du monde de football se déroulant au
pays de l'oncle Sam. Ceci montre en effet le peu d'importance qu'on accordait
à la vie des victimes tutsi qui tombaient sous les coups infernaux des
bourreaux qui les qualifiaient de « cancrelats.52(*)». Pour les
génocidaires, ces Tutsi sont indésirables à la vie, et
donc il faudrait les éliminer jusqu'au dernier. L'ouvrage de Lamko, vu
sous cet angle, est un véritable donné à voir, à
réfléchir sur l'animalité de l'homme et surtout sur sa
capacité d'autodestruction. Car tuer un Tutsi du Rwanda
équivaudrait à assassiner tous les Rwandais. Dans la mesure aussi
où au pays de Kagamé, malgré la division ethnique
instaurée par le colonisateur pour mieux régner, tout le monde
partage la même religion, la même langue vernacukaire [le
Kinyarwanda]. C'est donc une faillite de l'humanité qu'avait
assisté pendant les évènements de 1994.
Les romanciers ayant pris part au projet d'écriture ont
introduit, après Kourouma, une nouvelle méthode
d'écriture, de narration dans le paysage littéraire
négro-africain francophone. Ainsi, Boris Diop opte pour la
multiplication de vox narratives, seul moyen d'expression fiable permettant
d'exposer les souffrances des suppliciés. Abdourrahmane Waberi, lui,
émaille son texte, Moisson des crânes, textes pour le
Rwanda, de citations de l'un des pères fondateurs de la
négritude, Aimé Césaire, et du prix Nobel de
littérature, Wole Soyinka. Tandis que Lamko, de son côté,
fait preuve d'une compilation d'un certain nombre de textes des auteurs qui ont
participé aux manifestations de Fest'Africa pour en faire une
pièce de théâtre. Toutes ces oeuvres avaient un seul
objectif que de monter toute la vérité sur la tragédie
rwandaise de 1994, afin que le « plus jamais
ça » se concrétise en fin dans monde
où la moindre dérive pourrait conduire à un
génocide. Ceci est surtout vrai quand il s'agit de l'Afrique des Grands
Lacs, théâtre depuis plusieurs années des conflits
ethniques d'une violence incommensurable, et dont les victimes sont toujours
les populations civiles sans défense.
Murambi, le livre des ossements, ainsi que tous les
autres textes du même, s'efforcent autant que faire se peut à
faire remonter à la surface la vérité, dans sa
nudité, des massacres collectifs et planifiés des Tutsi par leurs
compatriotes hutu. Ceci afin de donner un visage aux victimes malgré la
difficulté d'expression que cela implique. Cette difficulté, nous
l'avons dit, est liée à la violence des massacres. Boubacar Boris
Diop explique cela dans l'ouvrage de Boniface Mongo MBoussa, Désir
d'Afrique, par le fait : « Dans tous les récits
sur le génocide du Rwanda, il question de maris qui ont tué leurs
femmes et de soeurs qui ont tué leurs frères...53(*) » Dès lors
nous sentons la peine à trouver des mots précis pour dire
l'indicible, rendre compte de la folie collective des hutu.
Nous sommes de ce fait devant l'expression la plus absurde
voire inhumaine de la bestialité de l'homme face à son prochain.
Seul « l'investissement » dans l'écriture-fiction
pourrait, à notre avis, mieux faire ressortir, partager, compatir
à la souffrance des rescapés. Ainsi, de justesse, les victimes
éviteraient de mourir une deuxième mort que celle de l'oublie.
Les écrits des auteurs africains francophones qui ont
séjourné au Rwanda pourraient constituer une sorte de
mémorial. Ces écrivains ont voulu mettre leur talent au service
des victimes tutsi. Dans ce sens toutes les oeuvres issues de ce projet, de
même que toutes les autres oeuvres entrant dans le même cadre,
devraient être abordé sous la grille de littérature de
témoignage.
Une fois de plus, les écrivains africains de langue
française reviennent sur le terrain de la littérature pour
continuer le combat commencé par Kourouma, et continué par Sony
Labou Tansi, pour ce qui concerne la période postcoloniale. Ce combat
est celui de la dénonciation des dictatures, à la seule
différence près qu'ici nous avons affaire un à drame qui
dépasse de très loin toutes les dictatures que le continent
africain ait connues depuis les indépendances : un
génocide.
Dès lors les écrivains ayant participé
à ce projet d'écriture entendaient faire de la fiction leur
seule « arme miraculeuse » selon la fameuse expression
d'Aimé Césaire. Cette arme de combat leur permettrait ainsi de
réagir contre l'oubli, mais aussi et surtout contre la banalisation de
la cruauté des bourreaux. L'expression de cette cruauté
apparaît dans ce passage de Moisson des crânes, textes pour le
Rwanda de Waberi, qui montre combien ces bourreaux étaient sans
état d'âme :
« Tous les hommes et toutes les femmes [...]
foetus compris sont recherchés sans relâche [...] Même
écrasés ou écartelés, on arrive pas à les
[les Tutsi] croire morts. Alors on reviens les achever à coup de
n'importe quoi, machette, coupe-coupe, gourdin, massue, kalache, serpe, crosse,
gros bâton, tronc d'arbre, barre de fer, baonnette, verge, pieu, balle,
crosse de fusil, pneu enflammé [et] on rebrousse chemin en
chantant.54(*) »
Roman -reportage, Murumbi, le livre des ossements
renvoie naturellement aux souffrances des victimes. Par le passé, toute
une littérature s'est proliférée sur le génocide
des Juifs d'Allemagne. Mais jamais une littérature semblable ne s'est
produite en Afrique. C'est la première fois qu'un génocide s'y
produit. C'est par conséquent la première fois qu'une
littérature de génocide fait son entrée dans le champ
littérature africain francophone, depuis sa naissance.
Ce génocide aux conséquences incalculable a
placé l'intellectuel africain face à ses responsabilités.
Car, si les politiques ont échoué dans leur politique de
règlement de différends du continent par le dialogue, lui,
l'intellectuel, se sentait coupable de n'avoir rien fait pour empêcher le
génocide de 1994. Ce dont il se reprochait surtout c'est son inaction
après le drame. Car il lui a fallu quatre ans après le
génocide pour qu'il [sur invitation !] se mette à parler.
Cependant, sa prise de position si tardive qu'elle soit, est de taille. Car
elle avait permis la prolifération de tout un ensemble d'oeuvres qui
constituent désormais le corpus de la littérature africaine
francophone de génocide.
Le génocide des Tutsi n'était pas que le
problème d'intellectuels africains ayant participé au
projet : Rwanda, écrire par devoir de
mémoire. Au de-là de Murumbi, le livre des
ossements et de tous les autres textes du même genre tout un
ensemble d'écrits d'auteurs non africains a vu le jour traitant du
dernier génocide de la fin du siècle dernier.
Ces ouvrages constituent un prolongement du travail de
témoignage s'inscrivant dans le même registre que Murumbi, le
livre des ossements de Boris Diop. A titre d'exemple, nous pouvons citer
le texte du journaliste québécois Gil Courtemanche, Un
dimanche à la piscine à Kigali55(*). Dans cette oeuvre,
Courtemanche rend compte de son expérience de journaliste au pays des
Mille Collines au moment du génocide. Il y montre avec on ne peut plus
de clarté le mécanisme qui a conduit aux massacres de 1994 des
Tutsi dans les marais au moyen des armes blanches, avec la complicité du
gouvernement rwandais, de la France et de la communauté internationale.
Il y est également question de la critique des curés belges, des
canadiens, parce qu'ayant préféré la neutralité,
l'ONU, qui n'a pas pu empêcher le génocide. Courtemanche, comme
Boris Diop, essayait de démontrer que toutes les scènes de
violence se sont réellement déroulées au Rwanda en
1994.
Dans le même sens toujours, l'Américain Philip
Gourvtch publie un ouvrage, Nous avons le plaisir de vous informer que
demain nous serons tués avec nos familles56(*), très parlant sur la
tragedie rwandaise. Ce texte est en quelque sorte un cri de désespoir,
comme l'indique son titre. Ce cri de désolation est celui des
prêtres tutsi rwandais adressé à leurs supérieurs
pour les avertir en vain de l'imminence de leur mort programmée. Ainsi,
l'auteur se porte comme le porte-voix de leur déception face à un
monde hostile et assassin. Avec ce livre au titre ironique, Gourvitch
témoigne à sa façon des cent jours du drame rwandais de
19943.
En outre, la littérature de génocide
écrite par les rescapes tutsi du génocide est à bien des
égards différente de la littérature de témoignage
produite par les auteurs africains francophones ayant participé au
projet d'écriture de 1998, et celle des écrivains occidentaux
ayant apporté leur contribution au devoir de mémoire. Boubacar
Boris Diop, Véronique Tadjio, Abdourrahmane Waberi, Courtemanche ou
Gourvitch ne pouvaient sans doute pas ressentir le même sentiment de
douleur au moment de la rédaction de leur texte que la Rwandaise
rescapée, Yolande Mukagasama, qui avait échappe miraculeusement
aux massacres. Nous avons ainsi deux types de témoignages traitant
certes le même fait [le génocide] mais avec deux visions
différentes, pour ne pas dire opposées. Daniel Delas, dans son
article57(*) faisait
déjà la différence entre ces deux types d'approche quand
il déclarait : « La situation d'écriture de ces
écrivains est différente des rescapes des massacres : il ne
s'agit pas pour eux [les rescapés] [...] de revivre par le souvenir les
évènements traumatisants qu'ils ont vécus [...] mais de
hisser leur écriture à la hauteur de leur
souffrance... ». Cette différence d'écriture
s'explique par le fait que le rescapé, ayant vécu le drame en son
chair et âme, est à même le mieux placé pour exposer
tous les détails des tueries. Dans Désir d'Afrique58(*), Boniface Mongo MBoussa
signalait ce décalage en rapprochant le texte de Jean Hatzfeld, Dans
le nu de la vie59(*)
et celui de Yolande Mukagasama, La mort ne veut pas de moi60(*) en ces termes :
« L a différence entre [ces] deux ouvrages est de taille.
Tout d'abord, La mort ne veut pas de moi retrace l'expérience
individuelle de l'auteur en tant que rescapé du génocide, le
livre de Hatzfeld, lui, est un ensemble de témoignages...61(*) ». Etre à
l'écoute de témoignages des bourreaux ou des rescapés n'a
sans doute pas la même portée affective que raconter
soi-même ses propres souffrances. Cependant, ceci ne saurait aucunement
déposséder Hatzfeld de sa volonté de porter sa
pierre à l'édifice du génocide rwandais de 1994.
En journaliste spécialiste, Hatzfeld avait su donner
des informations claires et précises permettant une meilleure
compréhension de la tragédie rwandaise, en la comparant surtout
à celle des Juifs. Murumbi, le livre des ossements fait, par
ricochet, écho aux deux textes phares, Dans le nu de la vie et
Une saison des machettes, du journaliste de Libération. Tandis
que le premier nous donne à lire les récits des rescapés
du génocide de 1994, le second, lui, nous entraîne dans une
lecture douloureuse de paroles des génocidaires sans scrupules, qui
n'éprouvaient aucune peine à relater les scènes des
massacres et la chasse macabre des Tutsi dans les marais. Ces tueurs et
rescapes, Hatzfeld les a rencontrés soit sur les collines soit en
prison. Et ils n'ont pas hésité à lui confier les moments
difficiles de l'histoire récente du Rwanda dont les conséquences
furent l'extermination de plusieurs milliers de personnes ; soit dix
mille personnes par jour ou, pour être précis, mille personnes par
minute comme l'avaient justement prévu les planificateurs du
génocide ou la faillite de l'humanité au Rwanda entre le 6 avril
et le 4 juillet 1994. Ce passage extrait de Une saison des machettes
fait ressortir d'une manière ou d'une autre la dureté de ton de
certains témoignages :
« Le gourdin, c'est plus cassant, mais la machette
est plus naturelle. Le Rwandais est familiarisé avec la machette depuis
l'enfance. Attraper une machette à la main, c'est ce qu'on fait chaque
matin. On coupe les sorghos [...] on défriche les lianes, on tue les
poulets [...] Au fond un homme, c'est comme un animal. Tu le tranches sur
la tête ou sur le cou, il s'abat de soi. Dans les premiers jours, celui
qui avait déjà abattu des poulets, et surtout des chèvres,
se trouvait avantagé [...]. Par la suite, tout le monde s'est
accoutumé à cette activité et a attrapé son
retard. »62(*)
Le témoignage de bourreaux montre combien ces tueurs
barbares étaient sans aucune humanité au moment où ils
accomplissaient leur « travail ». Murumbi, le livre des
ossements, à l'instar de textes issus du projet de mémoire
et des autres ouvrages sur le drame rwandais, est une véritable
réflexion sur la condition humaine. Il est un exposé complet de
la marche de l'humanité vers les ténèbres de la barbarie.
La philosophie que le lecteur retiendrait de cet ouvrage est que nous
évoluons dans un système où le pouvoir, manipulé
par des mains externes, est capable du pire : un génocide.
Le Rwanda, c'est la honte du monde contemporain. Son
incapacité à prévenir ou à empêcher une
tragédie qui est pourtant programme au su et au vu de tout le monde. Vu
sous cet angle, Murumbi, le livre des ossements est une mise en garde.
Il met en garde tous les dirigeant africains que ce qui est arrivé aux
Tutsi du Rwanda pourrait un jour ou un autre se produire dans n'importe quel
pays du continent. Surtout que la communauté internationale et l'OUA
sont entrain de fermer les yeux sur ce qui se passe actuellement en Côte
d'Ivoire où des « jeunes patriotes » et les forces
de l'ordre sont entrain de commettre des assassinats restés impunis
jusqu'à ce jour. Cette situation ainsi que celle du Burundi constituent
un miroir pour ce qui s'est passé au Rwanda dix ans plutôt. Ce
rapprochement a été mis en exergue dans le Moisson des
crânes, textes pour le Rwanda de Waberi. En effet, Waberi est le
seul auteur de tous les auteurs qui ont participé au projet
d'écriture à avoir prolongé son récit jusqu'au
Burundi voisin. Il y fait une sorte de parallélisme entre le Rwanda
d'avant génocide et le Burundi. Dans ce pays
« jumeau », on a la même stratification sociale. A la
seule différence près qu'au Burundi c'est la minorité
tutsi qui domine l'armée. Ce passage de Moisson des
crânes illustre parfaitement cette comparaison :
« Une situation [celle du Burundi actuel] qui rappelle en miroir,
ou en négatif si l'on préfère, l'impasse rwandaise qui a
conduit au génocide que l'on sait désormais.63(*) » Cette même
situation, à notre sens, évoque celle en cours actuellement entre
le Rwanda et le RDC.
Le 3 mai 2004 sur RFI, le président rwandais, Paul
Kagamé, menaçait d'envoyer ses troupes en RDC, près de la
frontière rwandaise, si les ex-génocidaires ne mettaient fin
à leurs attaques régulières contre son pays. Ceci donne
raison, avons-nous envie de dire, à Murumbi, le livre des
ossements. Car la région, n'étant pas toujours
sécurisée, pourrait à tout moment basculer dans un second
génocide. Mais le texte de Boris Diop ainsi les autres textes du
même genre publiés sur les souffrances des Tutsi pourraient
permettre, souhaitons-le, d'éviter la répétition des
mêmes bêtises des Hutu, avide de sang et de pouvoir.
Murumbi, le livre des ossements reste plus que
jamais d'actualité. Car le Rwanda existe potentiellement partout dans
le continent africain où le moindre problème ethnique pourrait
entraîner des conséquences néfastes. Ce texte de Marcus
Bonis Teiga surgi au lendemain du dixième anniversaire du
génocide des Tutsi du Rwanda est fort parlent. Nous y lisons :
« Pour beaucoup d'Africains, le cas du pays
Houphouët Boigny ressemble étrangement à celui du Rwanda
d'avant le génocide, toutes les proportions gardées. Les
ingrédients sont réunis pour qu'à la moindre explosion la
situation devienne incontrôlable. La haine ethnique qui s'installe
lentement mais sûrement, il faut ajouter un sentiment
anti-français [ à quoi nous ajoutons qu'au Rwanda aussi le
torchon n'a jamais brillé entre la France et le FPR de Kagamé]
qui va croissant et une xénophobie aveugle.64(*) »
Ce passage devrait être interprété comme
une mise en garde contre les grands maux dont souffre le continent africain
dont nous pouvons entre autres citer : la xénophobie,
l'excès de dictatures, l'instrumentalisation de la question ethnique.
1-2 Génocide : pardon et justice
Après un génocide, il y a toujours un besoin
pressant de réconciliation entre bourreaux et victimes. Or ce besoin de
surmonter le drame rwandais de 1994 nous semble d'autant plus compliqué
que les efforts fournis par le nouveau gouvernement de Kigali semblent vouer
à l'échec.
Murambi, le livre des ossements de Boubacar Boris
Diop n'est pas en reste de ce constat triste voire douloureux auquel sont
quotidiennement confrontés tous les Rwandais, particulièrement
les Tutsi à jamais marqués par les massacres de 1994. il suffit
de lire ce passage de Murumbi pour mesurer la complexité qu'un
pardon au forceps exige :
« Il est facile de mesure la détresse de
celui qui dit : que voulez-vous que je pardonne, mais savez-vous que sur
la colline de Nyanja, mes sept enfants ont été jetés
vivants dans une fosse d'aisance ? [...]. Pensez aux quelques secondes
où ces petits ont été étouffés par des
masses d'excréments avant de mourir. Pensez juste à ces quelques
secondes et à rien d'autres65(*) ».
Dans le même ordre d'idées, dans Une saison
des machettes de Hatzfeld nous pouvons lire ce témoignage :
« Demander pardons, c'est premièrement dire une
vérité valable [ce qui est fort difficile] à une personne
éprouvée. Deuxièment, lui demander d'oublier le mal que
vous [lui] avait fait, à lui et à sa famille. Troisièment,
lui proposer de considérer [son tortionnaire ou l'assassin de sa
famille] sans arrière pensée66(*) ». Or demander à quelqu'un qui avait
vu mourir d'une manière atroce, inhumaine ses parents, ses enfants de
pardonner voire d'oublier d'un coup toutes les souffrances qu'on avait faites
subir à ses proches, c'est comme si on demandait à un orphelin
d'enfanter ses parents. Les victimes pouvaient peut être pardonner, mais
ils ne pourraient oublier les jours fatals des mois d'avril, mais et juin.
Trois mois de chasse - poursuite dans les marais, dont les seuls but
était de les supprimer parce qu'ils sont tout simplement
indésirables. Les Impuzamugambi67(*) ne voulaient pas d'un Rwanda où coexisteraient
Hutu et Tutsi.
Après un génocide, se pose toujours la question
de la justice après celle du pardon. Certains bourreaux acceptent
d'avouer leur crime afin qu'ils soient pardonnés, d'autres au contraire
refuse mordicus de se culpabiliser. Or comment peut-on pardonner à
quelqu'un qui refuse de reconnaître son crime ? Qui regrette de
n'avoir pas atteint son objectif ? Comment peut-on avoir le pardon d'un
(e) rescapé (e) qui ne se sent pas sécurisé (e) de la
menace de ses anciens tortionnaires ? Nous savons, psychologiquement,
l'effet que la reconnaissance du crime par le bourreau fait sur la victime.
Dans ce sens, Anne-Cécile Robert, dans l'Afrique au secours de
l'Occident déclare : « Il arrive que [...] lors
d'un procès, la victime ou ses ayant droits refusent les dommages et
intérêts infligés par le jugement et se
« contentent » de la reconnaissance [c'est nous qui
soulignons] du préjudice subi même lors qu'il est
grave68(*) ».
Le Rwanda travaille d'arrache-pied depuis l'arrivée du
FPR au pouvoir pour mettre en place une juridiction traditionnelle
dénommée « Gacaca ». Ceci afin que bourreaux
et rescapés se rencontrent, se parlent, surmontent le tabou, le silence.
Les « Gacaca » sont des « cours de justice
populaire auxquelles le gouvernement actuel a décidé de renvoyer
le règlement d'une partie des crimes et les délits liés au
génocide...69(*) ». L'autre partie des crimes étant
confiée au TAPIR (Tribunal pénal international pour le
Rwanda). Cette instance juridique est crée le huit novembre
1994 par la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU
chargé de poursuivre les personnes responsables ou complices d'acte de
génocide et d'autres violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur
le territoire des Etats voisins entre le janvier et le 31 décembre
1994. Le TAPIR siège à Arusha (Tanzanie) où il dispose
d'une prison (pour détention préventive). Son parquet est
installé à Kigali. Depuis sa création, le TAPIR est
confronté à de nombreuses difficultés dont entres autres
celle de témoignage et de prison. Le 4/4/2004 une
délégation du TAPIR s'est rendue à Kigali afin de voir
l'état des geôles rwandaises. Certains pays comme la France ont
accepté d'accueillir des prisonniers du TAPIR.
Chapitre 2 : Responsabilités nationales et
internationales
Un génocide n'est jamais un crime gratuit, sans
idéologie interne ou externe. Le cas du pays des Milles et une fosse
communes ne fait pas exception à la règle.
2-1 Les responsabilités internes
Après un génocide, se pose toujours le
problème de responsabilités. Qui a fait quoi ? Qu'elles sont
les responsables internes et externes ? Le cas du Rwanda n'est pas en
reste de ce genre de questions. La responsabilité des autorités
rwandaises dans les massacres des Tutsi, dont le point culminant fut le
génocide de 1994, ne fait pas l'ombre d'un doute.
Depuis 1959, date de la « révolution
sociale », les différents pouvoirs successifs ont toujours
soutenu l'extermination des Tutsi. On se rappelle que la première fuite
des réfugiés tutsi vers les pays voisins (Burundi, l'Ouganda...)
avait pour cause les exactions dont ces derniers furent victimes dans une
impunité totale. A la veille du génocide de 1994, personne
n'ignorait les préparations des massacres en cours. Tout le monde savait
que des « listes noires » ont été
établies :
«Tout était près[sic] : des
listes, les milices, un système fasciste entraînant une partie
importante de l'administration rwandaise [...], la montée visible des
exactions terroristes, et un instrument performant de propagande, chauffant un
mélange de haine et de peur [...]. Début avril, chacun - du chef
d'état-major aux paysans de Myganza - est persuadé que le
déclenchement des massacres est imminent. Dans ce contexte, l'assassinat
du président Habyarimana est le signal attendu par les tueurs aux
« listes noires ».70(*)
Les autorités rwandaises d'avant génocide
étaient impliqués dans toutes les phases, de la
préméditation à la mise en marche de la machine infernale
du génocide. Il n'est pas facile dans ce contexte d'exclure la
thèse de la préparation de longue date des massacres de
1994 : « Les flambées de haine sauvage s'inscrivent
dans une programmation technique qui ne peut être inconsciente et
spontanée71(*) ».
Les médias rwandais de la haine ont eux aussi
joué un rôle déterminant dans l'accélération
des massacres. En effet, le 10 décembre 1990 le journal Kangura, une
publication extrémiste ethniste financée par les proches
d'Habyarimana, publiait les « Les dix commandements du
Hutu ». Ce texte raciste légitimait
« l'autodéfense contre la minorité
tutsi ». Dans les campagnes, on constitue et on arme des
milices paysannes, qui allaient jouer un rôle important dans les tueries
de 1994. A la fin de 1993 et au début de 1994 la Garde
présidentielle entraîne 200 à 300 hommes par
préfecture au maniement du fusil et de la grenade72(*).
Du début à la fin du génocide de 1994,
la responsabilité du pouvoir hutu extrémiste était
déterminante. De la préméditation, on passa vite à
l'accomplissement du drame : « Dès le début du
7 avril, ordre a été donné aux milices des partis MRND et
CDR de travailler. C'est-à-dire de tuer les Tutsi et les
« complices du FPR ». «Entendez par complice«
tout hutu non originaire de Gisenyi et Ruhengeri qui ne soutenait pas le
régime du président Habyarimana »73(*).
2-2 Responsabilités internationales
Dans son article intitulé Les
responsabilités internationales dans la tragédie rwandaise,
Christophe Ayad déclare :
« A la différence de la France, le
génocide au Rwanda a été vécu comme un
véritable traumatisme national en Belgique. Pour au moins deux
raisons : la première est historique : après la
première guerre mondiale, Bruxelles s'est vu confier par la
Société des nations [...] la tutelle du pays des milles collines.
[...]. Après avoir administré le territoire en s'appuyant sur
l'élite tutsi, le colonisateur finit par se tourner vers la
majorité hutu pour tenter de conserver son influence. En 1959 [...] les
Hutu se livrent à une série de massacres contre les Tutsi [...].
Bruxelles ne pipe mot [...]. La seconde raison est liée à la
crise : le 7 avril 1994, au lendemain du crash de l'avion du
président Habyarimana, dix casques bleus belges sont assassinés
[...] par des soldats hutu persuadés que Bruxelles est à
l'origine de l'attentat 74(*)».
Nous pensons que la deuxième raison a plus de
crédibilité que la première. Car ce sont les Belges qui
ont ancré dans l'esprit des Rwandais la notion d'ethnie, qui a conduit
aux différents massacres au Rwanda.
De même que la Belgique, la France a joué un
rôle on ne peut plus déterminant dans la catastrophe rwandaise.
Ici, nous ne nous contenterons que de quelques exemples illustratifs pour
justifier la présence de la France aux côtes du gouvernement
rwandais génocidaire. Dans son ouvrage intitulé L'Inavouable,
la France au Rwanda Patrick de Saint Expery scande :
« Des soldats de notre pays ont formé, sur ordre, les
tueurs du troisième génocide du XXème
siècle. Nous leur avons donné des armes, une doctrine, un
blanc-seing75(*) ».
Dans le même sens, François Xavier Verschave
déclare :
« Pendant trois ans (1990-1993), l'armée
française a tenu à bout de bras les troupes d'un régime
rwandais - ou plutôt d'un clan - s'enfonçant dans le
génocide, le racisme et la corruption. Engagée dans le combat
contre le FPR, « l'ennemi diabolisé en khmer noir »,
la France a massivement équipé les Forces armées
rwandaises [FAR] ; elle les a instruites dans des camps où se
pratiquaient la torture et le massacre de civiles76(*) ».
L'ONU, tout comme la France et la Belgique, a assumé
une part de responsabilité fort importante dans l'extermination de
près d'un million de Tutsi du Rwanda en 1994. Dans son
télégramme daté du 11 janvier 1994, le
Général canadien Roméo Dallaire, alors responsable de la
mission du maintien de la paix de l'ONU au Rwanda, avertissait la
communauté internationale d'un complot d'extermination des Tutsi qui
prévoit la mise à mort possible de « mille
personnes en vingt minutes », de l'entraînement des
miliciens Interahamw et de diverses manifestations organisées par des
militaires et des gendarmes contre des opposants hutu et des casques bleus en
vue de provoquer le FPR et de lancer la guerre civile. En réponse, le
chef de la Direction des opérations de maintien de la paix des Nation
Unies, Kofi Annan, lui rappelle les limites de son mandat. Ce qui voudrait dire
que cela n'était pas son problème. Voilà qui résume
en quelques lignes la part de responsabilité de l'ONU dans la
tragédie rwandaise.
Les drames en Afrique sont le plus souvent liés
à des causes externes. Les puissances étrangères
provoquent toujours des différends afin de promouvoir leurs
intérêts ou tout simplement laissent mourir les populations parce
qu'elles n'ont rien à tirer comme avantage, comme ce fut le cas du
Rwanda77(*). Longtemps encore, nous nous souviendrons de
cette phrase d'un responsable français : « Un
génocide dans ces pays-là n'est pas trop
important ». En outre, dans le même contexte, Charles
Pasque pendant un journal télévisé en juin 1994
scande : « Monsieur, en réponse à une question
d'un téléspectateur, il ne faut pas croire que le
caractère horrible de ce qui s'est passé là-bas [Rwanda] a
la même valeur pour eux [les Rwandais] et nous [les
Français] ».
CONCLUSION
Murumbi, le livre des ossements de Boubacar Boris
Diop est le récit des cents jours atroces de la tragédie
rwandaise de 1994. Entre le 6 avril et le 4 juillet, près d'un million
de Tutsi sont tombés sous les coups fatals des machettes, des fusils,
des gourdins de leurs compatriotes hutus extrémistes et haineux.
A travers un procédé de narration sans
précédent dans le parcours d'écrivain de l'auteur
sénégalais Boris Diop, il nous est restitué au moyen de
différents récits des rescapés et des bourreaux les divers
moments surréalistes des massacres des femmes, des hommes, des
vieillards, des enfants du Rwanda.
Chacune des parties du texte se distingue par son
originalité et sa capacité d'objectivité voire de
clarté. Dans cet ouvrage de témoignage, de mémoire d'un
génocide programmé, l'auteur nous dit sa stupéfaction
devant la capacité de l'homme à détruire, à honnir,
une haine qui, finalement, tourne au drame que l'on sait.
Murumbi, le livre des ossements nous plonge dans la
philosophie de l'absurde. Les scènes des tueries qu'on y raconte sont
impensables. Un père de famille massacre sans aucun état
d'âme tous les siens, un voisin élimine sans pitié son
avoisinant. Personne ne peut comprendre une telle tournure de la haine.
Murumbi doit être lu avec beaucoup de recueillement, une
façon de compatir aux souffrances des victimes de la folie collective
humaine. Murumbi, le livre des ossements devrait nous amener à
nous interroger : pourquoi et comment en est-on arrivé à ce
stade de la haine ethnique ?
Ce texte est plus que qu'un simple récit des
massacres. Du point de vue littéraire, il est une révolution
narratologique et thématique dans le paysage littéraire
négro-africain francophone. Boris Diop, à l'instar des auteurs
ayant participé au projet d'écriture : Rwanda,
écrire par devoir de mémoire en 1998, a ouvert la voie
à la littérature africaine de génocide, de crise et des
crimes organisés.
Murumbi, le livre des ossements est aussi, enfin, un
écho aux textes de littérature de génocide des
écrivains non africains qui ont, de bonne volonté, apporté
leur pierre à l'édifice du génocide rwandais de 1994,
planifié par les intellectuels hutu extrémistes, et mis en
application par les miliciens Interahamw les Forces armées rwandaises
[FAR].
BIBLIOGRAPHIE
Ø TEXTES DE BOUBACAR BORIS DIOP :
ü Le Temps de tamango, Paris, l'Harmattan, 1981
ü Les Tambours de la mémoire, Paris,
l'Harmattan, 1990
ü Le Cavalier et son ombre, Paris, Stock, 1997
ü Murumbi, le livre des ossements, Paris, Stock,
2000
Ø OUVRAGES PUBLIES DANS LE CADRE DU PROJET :
RWANDA, ECRIRE PAR DEVOIR DE MEMOIRE
ü IIBOUDO, Monique, Muraketete, Paris, Le Figuier,
2000
ü LAMKO, Koulsi, Phalène des collines,
Kigali, Kuljaama, 2000
ü MONENEMBO, Thierno, L'Aîné des
orphelins, Paris, Seuil, 2000
ü DJEDANOUM, Monique, Nyamiambo, Paris, Le Figuier,
2000
ü RURANGWA, Jean-Marie, Le Génocide des Tutsi
expliqué à un étranger, Paris, Le Figuier, 2000
ü TADJIO, Véronique, L'Ombre d'imana, Paris,
Actes sud, 2000
ü WABERI, Abdourrahmane, Moisson des crânes,
textes pour le Rwanda, Paris, Serpent à plumes, 2000
Ø AUTRES TEXTES SUR LE GENOCIDE DES TUTSI DU
RWANDA
ü BRAECKMAN, Colette, Rwanda, histoire d'un
génocide, Paris, Fayard, 1994
ü COUTEMANCHE, Gil, Un dimanche à la piscine
à Kigali, Bréal, 2000, 284p
ü DESTX H. Alain, Rwanda : essai sur le
génocide, Bruxelles, Ed. Complexe, 1994
ü GOUVITCH, Philip, Nous avons le plaisir de vous
informer que demain nous serons tués avec nos familles. Chroniques
rwandaises. Paris, Denoël, 1999, 398 p
ü HATEZFELD, Jean, Dans le nu de la vie. Récits
des marais rwandais, Paris, Seuil, 2002
ü Une saison des machettes, Paris, Seuil, 2003, 312
p
ü MUKAGASAMA, Yolande, La mort ne veut pas de moi,
Paris, Fistot, 1997, 267 p
ü N'aie pas peur de savoir : Rwanda ; un
million de morts. Une rescapée raconte, Paris, Robert Laffont,
1997
Ø REVUES
ü Africultures n° 34, janvier 2001
ü Notre Librairie n° 142, octobre - décembre
2000
Ø OUVRAGE CRITIQUE
ü MONGO, Boniface, MBoussas, Désir
d'Afrique, Paris, Gallimard, 2000, p 184-189
Ø ARTICLES DE JOURNAUX
ü AYAD, Christophe « Dix ans après,
vivre avec ses bourreaux » in Libération du 6 avril
2004
ü DIOP, Boubacar Boris « Dans ce
pays-là un génocide n'est pas important » in
Courrier international n° 701 du 8 au 14 avril 2004
ü FAES, Gérard « Rwanda, aux sources de
la tragédie » in Jeune Afrique l'Intelligent n° 2256
du 4 au 24 août 2004
ü OUAGANI, Chérif « Entre rancune et
recueillemne » in Jeune Afrique l'Intelligent n° 2256 du 4
au 24 avril 2004
ü THORIN, Valeri « La mémoire en
partage » in Jeune Afrique l'Intelligent n° 2059 du 27 juin
au 3 juillet 2000
Ø ARTICLES SUR LE SITE WEB DE RFI :
www.rfi.fr
ü DELAFIN, Antoinette « Roméo Dallaire
raconte le jour où le génocide commence » le
4/4/2004
ü MAS, Monique « Le diable se cache dans les
détails » le 3/4/2004
ü MAS, Monique « Paroles de
génocidaires » le 7/4/2004
Ø AUTRES SITES
ü ROBERT, Anne-Cécile « Rwanda, vivre
avec le génocide » in www. Monde-diplomatique.fr
ü DIOP, Boubacar Boris « Ecrire pour les
morts » in
www.sos faim.fr
* 1M. Kane
« Saint-Louis ou le début de la littérature
africaine au Sénégal 1850-1930 » in Notre
librairie, littérature sénégalaise no81
décembre 1985.
* 2Il s'agit de :
Léopold Panet, Labbé Boilat...
* 3René Maran,
Batouala, Paris, Albin Michel, 1921
* 4
« Avertissement » in Légitime
défense, Paris, 1932
* 5 Idem
* 6 -Ed. Seuil, 1970
* 7 -Devoir de violence, Paris,
Ed. Seuil, 1968
* 8- Bleu Blanc Rouge Paris,
Présence Africaine, 1998
* 9- Paris, Paradis du Nord,
Présence Africaine, 1996
* 10-L'impasse, Paris,
Présence Africaine, 1996
* 11- Allah n'est pas
obligé, Paris, Seuil, 2000
* 12 -Front patriotique
rwandais
* 13 -Entretien entre Paul
Kagamé et David Servenay sur RFI, le 16 mars 2004
* 14 -Ouazani Chérif
« Entre rancune et recueillement » in Jeune Afrique
L'intelligent » n0 2256 DU 4 AU 10 avril 2004
* 15 -Interahamw signifie en
Kinyarwanda ceux qui tuent ensemble.
* 16 -Source :
Libération du mardi 6 avril 2004 ;
* 17 -Paris, Stock, 1997
* 18 -Africultures n° 34,
janvier 2001
* 19 -Entretien in
« Sans papiers », novembre 1999
* 20 -Le Soleil, février
2001
* 21 - « Les
Africains ont droit à l'innocence » in Sans papier, novembre
1999
* 22 -Paris, Libre expression,
2003, 685 p.
* 23 -Murambi, p 31
* 24 -Murambi, p 42
* 25 -Ibid, 38
* 26 - Yolande Mukagama in Le
Monde diplomatique, juillet 2000.
* 27 -Paris, Seuil, 2003
* 28 -Ibid, p79
* 29 -Murambi, p141
* 30 -Ibid, p 170
* 31 -Retour en arrière
* 32 -Murumbi, p 66
* 33 -Ibid, pp 74-75
* 34 -Ibid, 46
* 35 -Ibid, 96
* 36 -Ibid, p 101
* 37 -Ibid, p 182
* 38 -Ibid, p 183
* 39 -Ibid, p225
* 40 - Pierre-Édouard
Deldique « Le Rwanda est l'échec le plus cinglant de
l'ONU » in
www.rfi.fr,
* 41 -« Rwanda,
littérature africaine » in
www.republique des Lettres.com
* 42 Eloise B. «Notes sur
moisson des crânes » in www.orees.com
* 43 Paris, Seuil, 2000
* 44 -Paris, Le Figuier et
Fest'Africa, 2000
* 45 -Ibid, p 19
* 46 -Paris, Robert Laffont,
1999
* 47 - Paris, Le serpent
à plumes, 2000
* 48 -Ibid, p 11
* 49 - Murumbi, p 124
* 50 -Ibid, p 112
* 51 - Phalène des
collines, pp32-37
* 52 - Ce terme a
été utilisé avant et pendant le génocide pour
qualifier les Tutsi
* 53 -Paris, Gallimard, 2002,
pp 184-189
* 54 -Moisson des crânes,
pp 36-37
* 55 -Paris, Bréal,
2000
* 56 - Paris, Denoël, 1999
* 57 Daniel Delas
« Ecrits du génocide rwandais » in Notre librairie
n° 142, octobre-décembre 2000
* 58 - Paris, Gallimard,
2000
* 59 -Paris, Seuil, 2002,
235p
* 60 -Paris, Fixot, 1997,
266p
* 61 -Désir d'Afrique, p
161
* 62-Une saison des machettes,
p 44
* 63 - Moisson des
crânes, p 105
* 64 -Ibid
* 65 -Murumbi, p 143
* 66 -Une saison des machettes,
p 246
* 67 - Ceux qui n'ont qu'un
seul objectif
* 68 - Paris, Les
éditions de l'Atelier, 2004, p79
* 69 -Monique Mas,
« Lexique pour mieux comprendre le Rwanda » in
www.rfi.fr du 1/4/2004
* 70 -François-Xavier
Verschave, Complicité de génocide ? La politique de la
France au Rwanda, Paris, la Découverte, 1994, p 98
* 71 -Verschave, Ibid, p 99
* 72 - Ibid, p 30
* 73 -Ibid, p 100
* 74 -C. Ayade « Les
responsabilités internationales dans la tragédie
rwandais » in Libération du 6/4/2004
* 75 -Paris, Les Arènes,
2004
* 76 -F.X. Verschave,
Complicité de génocide ? La politique de la France au
Rwanda, Paris, La Découverte, 1994
* 77 - Pour en savoir plus sur
l'implication des puissances étrangères dans les conflits
africains, nous conseillons les oeuvres de François-Xavier Verschave.
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