WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

( Télécharger le fichier original )
par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2 -Ni l'Un ni l'Autre : la neutralité positive.

La stabilité intérieure durant le mandat Chéhab ne peut être dissociée du courant arabe nassériste, alors prédominant dans le monde arabe. Le président Chéhab ayant commencé son mandat par sa célèbre rencontre « sous la tente » le 25 mars 1959 avec le président égyptien Nasser. Il a été rapporté que le président Chéhab a dit après cette rencontre : « nous devons savoir comment vivre sous l'ombre de cet grand homme209(*). » Ainsi, il a compris dès le début que le Liban ne peut être étranger à l'opinion arabe générale. Le souci primordial de Fouad Chéhab était, encore une fois la neutralité du Liban. Mais dans un Moyen-Orient en ébullition constante, ce ne fut pas chose facile. D'ailleurs au début de l'année 1959, le quotidien francophone l'Orient, publia dans son éditorial intitulé « les faits du jour » cette fameuse phrase : « le monde arabe se trouve à un tournant décisif de son histoire210(*). » 

Après son élection le président Chéhab remania la politique étrangère du pays. Ce tournant était un des principaux slogans de la « Saoura » de 1958211(*). Cette politique étrangère va permettre au chéhabisme de respecter l'équilibre confessionnel et de renforcer l'unité nationale212(*).

Dans son analyse du chéhabisme, Georges Naccache décrit : « La grande règle qui doit commander la politique étrangère libanaise est celle du non-alignement (...). Notre politique étrangère doit refléter, sur le plan arabe comme sur le plan international, le dualisme même du Liban. Nous n'avons ni le droit, ni d'ailleurs le pouvoir, de prononcer des options ou de prendre des engagements qui, en risquant de faire éclater l'unité libanaise, desservent la cause même que nous prétendrions servir213(*) ».

A ceux qui estiment que l'insurrection de 1958 et d'autres troubles « devaient survenir », Georges Naccache répond qu'on ne peut « réécrire l'histoire avec des si .Quand vous me dites : la chose était inévitable, je vous dis : C'est une hypothèse. Mais ce qui est certain, c'est que vous avez fait tout ce qu'il fallait pour ne pas l'éviter214(*). »

Chéhab était conscient de la nécessité de procéder à un rééquilibrage politique, de rétablir des relations cordiales avec les voisins arabes du Liban, tout en maintenant les liens traditionnels avec l'Occident, aux valeurs duquel il était fermement attachée; de régler les conflits qui avaient valu tant de difficultés au pays durant les années précédentes, de tenir compte du phénomène de masse que représentait le nassérisme, sans pour autant s'écarter de la politique de stricte neutralité érigée en dogme du temps de Béchara El-Khoury.

En effet, tout au long du mandat du président Béchara El-Khoury (1943-1952), le Liban a méticuleusement poursuivi une politique de neutralité et demeura hors des querelles interarabes. Cette politique étrangère résulte de l'esprit du Pacte National.

Cette politique de neutralité positive, il appartiendra à Hussein Aoueini de la mener à bien. « En cette phase bien particulière de l'histoire du Liban, il était sans doute l'un des hommes les plus indiqués pour diriger la politique étrangère du pays. Par rapport à sa fidélité aux causes arabes, à sa solidarité avec les Etats de la Ligue, nul ne pouvait se livrer à des surenchères, tout comme personne ne pouvait relever la moindre lacune dans sa loyauté à l'égard du Liban et dans sa probité. L'avènement de Aoueini à la tête de la diplomatie libanaise était l'aboutissement de l'action résolue que le président Chéhab n'avait cessé de mener pour assurer une plus grande participation des musulmans au pouvoir de décision, leur ouvrir l'accès aux centres névralgiques de l'Etat, leur faire partager à égalité avec les chrétiens les responsabilités nationales. Avant lui, aucun mahométan n'avait été en charge des Affaires étrangères.»215(*)

« Nous ne voulons pas être impliqués dans les problèmes qui opposent les grandes puissances, explique Aoueini. Nous sommes déterminés à bâtir les relations de notre pays conformément à l'esprit du Pacte national de 1943 qui prévoit que le Liban n'abritera pas de bases étrangères et n'accordera de privilège à aucun Etat étranger. Nous ne voulons pas d'alliances étrangères ni de pactes militaires. Pour ce qui est des pays arabes, nous sommes venus afin d'effacer les traces fâcheuses du passé. Nous voulons que nos relations avec les Etats arabes soient placées sous le signe de l'amitié et de la coopération les plus étroites. Nous ne tolérerons pas que notre pays se transforme en foyer de l'impérialisme ou de complots contre n'importe quel autre pays arabe216(*). » C'est en ces termes que Aoueini définit les grandes lignes de la politique qu'il compte suivre.

Le premier pas dans la régulation de la politique étrangère fut le retrait des troupes américaines débarquées à Beyrouth le 15 juillet 1958. Encore fallait-il, pour mettre fin à la brouille avec la République Arabe Unie, trouver une issue à la procédure engagée contre cette dernière au Conseil de Sécurité et qui était toujours pendante. L'affaire était délicate à mener, car il était nécessaire de ne pas paraître désavouer le précédent gouvernement auteur de la plainte217(*) ou donner à croire qu'on la jugeait injustifiée, au risque de provoquer un tollé dans le camp chrétien et de mettre en danger l'existence du cabinet qu'on avait eu tant de mal à former ; en même temps, il était indispensable d'élaborer une argumentation susceptible d'être admise au Conseil de Sécurité, où l'usage veut que toute plainte dont l'examen a été entamé suive son cours jusqu'à son aboutissement normal.

« En fait, les protestations d'amitié à l'égard de la R.A.U., et les grands principes de solidarité et de fraternité interarabes invoqués pour expliquer la nouvelle politique du Liban, étaient doublés d'un souci bien prosaïque, d'ordre strictement matériel : le gouvernement était pressé d'obtenir la réouverture de la frontière syrienne afin de permettre la reprise du mouvement de transit à partir du port de Beyrouth, à travers le territoire syrien, vers la Jordanie et l'Irak, et d'insuffler ainsi une bouffée d'oxygène à une économie libanaise sérieusement affectée par une paralysie de près de six mois218(*). »

Le chéhabisme considère que la préservation de la souveraineté du Liban exige une politique fraternelle avec son entourage arabe basée sur la coopération fidèle, et son appui à toute politique arabe commune. Cependant, si les pays arabes se divisent sur la politique interarabe ou internationale, le Liban devrait pratiquer une position de neutralité vis-à-vis d'eux. Comme il considère que la coopération étroite entre le Liban et les pays arabes n'annule point l'ouverture du Liban sur l'Occident et sur le monde, une ouverture « pratiquée depuis longtemps » et vue par les chrétiens comme une sorte de protection et d'assurance. L'ouverture sur l'Occident ne s'accompagne pas nécessairement d'une fermeture sur l'Union soviétique, mais d'une politique de neutralité envers ce dernier et les Etats-Unis, et d'une ouverture économique et culturelle avec l'Occident et la France219(*).

* 209 - Al Marounia Al Siasiah, sira zatiah, kitab Al safir, s.d. ( centre informatique de Al Safir) p. 58

* 210- L'Orient, 28 novembre 1959, p.2.

* 211 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. p. 71

* 212 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision (en arabe) s.d. Beyrouth 1980. p. 227 (423 pages)

* 213 - Georges NACCACHE, , « Un nouveau style: le chéhabisme »,op.cit. p. 395

* 214 - Idem

* 215 - Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini, un demi siecle d'histoire du Liban et du Moyen-Orient, 1920-1970, F.M.A, Mars 2000. pp 354-355

* 216 - Une interview donnée à 1'agence de presse égyptienne MENA (Middle East News Agency), reprise par la presse Libanaise le 21 octobre 1958. Cité par Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini.... op. cit.

* 217 - Le gouvernement du président Chamoun avait déposé une plainte au Conseil de Sécurité contre la RAU, pour son ingérence dans les affaires intérieures du pays à travers son appui politique et matériel aux insurgés.

* 218- Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini...op.cit. p.350

* 219 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. p. 37

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault