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Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

( Télécharger le fichier original )
par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

Disponible en mode multipage

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Université Saint-Joseph

Institut des sciences politiques

LE CHEHABISME OU LES LIMITES D'UNE EXPERIENCE DE MODERNISATION POLITIQUE AU LIBAN

Mémoire préparé par M. Marwan HARB

Sous la direction de Monsieur le professeur Georges Corm

en vue de l'obtention du Master 2 en science politique

Beyrouth - Liban

Novembre 2007

LE CHEHABISME OU LES LIMITES D'UNE EXPERIENCE DE MODERNISATION POLITIQUE AU LIBAN

Université Saint-Joseph

Institut des sciences politiques

LE CHEHABISME OU LES LIMITES D'UNE EXPERIENCE DE MODERNISATION POLITIQUE AU LIBAN

Mémoire préparé par M. Marwan HARB

Sous la direction de Monsieur le professeur Georges Corm

en vue de l'obtention du Master 2 en science politique

Beyrouth - Liban

Novembre 2007

L'Institut des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans le mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

REMERCIEMENTS

 

C'est avec un grand plaisir que je réserve ces lignes en signe de gratitude et de reconnaissance à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce travail.

Tout d'abord, je tiens à témoigner toute ma gratitude au Professeur Georges Corm, directeur de ce mémoire, pour l'aide et le temps qu'il a bien voulu me consacrer et pour l'honneur qu'il m'a accordé en acceptant de juger mon travail.

Je tiens aussi à remercier vivement le Docteur Nawaf Kabbara, pour les conseils qu'il m'a prodigué et pour m'avoir accordé la permission d'accéder à sa thèse avant sa publication.

Je remercie également le journaliste Nicolas Nassif pour ses remarques et son aide.

Par ailleurs, je voudrais exprimer ma reconnaissance au Professeur Amine Aït-Chaalal pour ses encouragements et pour l'intérêt qu'il a porté à mon travail.

Un énorme remerciement à ma famille pour son soutien moral, et tout particulièrement à mes parents qui m'ont apporté une aide prodigieuse dans bien des domaines.

Enfin, j'adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis qui m'ont toujours soutenu et encouragé au cours de la réalisation de ce mémoire

A mes parents

«Le Liban n'est pas une exception,

il est le miroir du monde,

un raccourci de l'aventure

humaine et une préfiguration

de l'avenir commun.»

Amine Maalouf

Laissez-moi vous dire à présent

qui sont les enfants de mon Liban.

Ce sont ceux qui naissent dans

des chaumières mais qui meurent

dans les palais du savoir..."

Gibran Khalil Gibran

La Table des matières :

Introduction.....................................................................................14

Délimitation du champ de la réflexion - De la modernisation et de la modernité - Le chéhabisme et la modernisation - Le champ d'étude : l'histoire et la philosophie politique - Une hypothèse de travail -les travaux concernant le sujet - les sources et les méthodes d'analyse.

PREMIERE PARTIE

Le chéhabisme : une expérience de modernisation 

.............................................................................

Chapitre É :

Les tares historiques du régime politique libanais

Section É - Historique

1,1-L'effondrement et l'héritage de l'Empire Ottoman...............................................30

1,2-La création du « Grand Liban » ou la viabilité au dépend de l'équilibre......................33

Section ÉÉ - Le régime politique libanais

2,1- La Constitution écrite du 23 mai 1926 et le Pacte national de 1943 : pivots de l'équilibre politique et confessionnel statique.......................................................................37

2,2- Le régime politique libanais: une monarchie oligarchique à prédominance féodalo-politique......................................................................................................45

Chapitre ÉÉ

Le chéhabisme ou la construction de l'Etat de l'indépendance.

Section É 

- La naissance, la philosophie et la stratégie nationale du chéhabisme.

1,1 - La naissance du chéhabisme

a- La crise de 1958.......................................................................................53

b- La neutralité de l'Armée..............................................................................59

1,2- La philosophie du chéhabisme..................................................................63

a- Les convictions du président Chéhab...............................................................64

b- Le président Chéhab et le Père Lebret.............................................................66

c- La vision chéhabiste du développement..........................................................70

d- La compréhension chéhabiste du système politique libanais...................................73

1,3- Les principes du chéhabisme...................................................................75

a- L'indépendance et la souveraineté..................................................................76

b- L'union nationale.....................................................................................78

c- La légitimité constitutionnelle.......................................................................79

d- L'équilibre politique et socio-économique.........................................................80

e- Le rôle arabe du Liban et sa politique étrangère....................................................82

Section ÉÉ

-La stabilisation intérieure et le non-alignement.

2,1 -L'élargissement de la représentation est un facteur de stabilisation................86

a- L'élargissement du gouvernement et l'augmentation du nombre des députés............88

b- Une loi électorale plus représentative..........................................................90

2,2- Ni l'Un ni l'Autre : la neutralité positive...............................................92

a- La politique Libano-arabe.......................................................................95

b- La politique envers les pays étrangers........................................................97

Section ÉÉÉ

- Les réformes économiques et administratives

3,1- Le développement économique harmonisé facteur de renforcement de la cohésion nationale

a- Le rétablissement de l'équilibre social et régional.........................................102

b- Le Libanais ne naît pas citoyen...............................................................105

3,2 - La réforme administrative, nerf de l'Etat moderne................................109

a- L'administration : garant de la continuité de l'Etat........................................111

b- La planification..................................................................................112

DEUXIEME PARTIE

Les difficultés de la modernisation politique ou l'Etat inachevé

...................................................................................................

Chapitre É :

Une expérience de modernisation : les causes d'un échec

Section É

-Les obstacles devant le passage d'une politique d'équilibre à une politique de décision.

1,1- La relation dialectique entre la modernisation et le développement politique..........118

1,2- Incompatibilité entre la modernisation et les garanties communautaires................125

1,3- L'enracinement des forces traditionnelles, ou« les impuretés de l'Histoire »...........131

1,4- La crise de l'autorité et le rôle du « Deuxième Bureau »...................................134

Section ÉÉ

- L'essoufflement du projet moderniste-chéhabiste :

2,1- La solitude présidentielle face à la classe des leaders.................................................148

2,2- L'inefficacité de l'administration du développement ......................................151

2,3- « La Révolution démocratique » et la tyrannie du temps....................................157

2,4- La résistance des monopoles économiques et financiers et refus de coopération du secteur privé...........................................................................................162

2,5 - Un projet incapable de s'imposer à long terme : la chute de Nasser et l'irruption de la résistance palestinienne..............................................................................171

Chapitre ÉÉ :

Une seconde tentative de modernisation avortée.

Section É

- l'Accord de Taëf et le chéhabisme :

1,1- La croissance équilibrée et la reconstruction des institutions étatiques................173

1,2- La mise en pratique de Taëf et sa retombée sur la modernisation de l'Etat...........177

Section ÉÉ :

-La persistance de la disparité socio-économique

2,1- Un contexte social difficile...................................................................181

2,2- La concentration des activités économiques au centre de la fracture centre- périphérie...............................................................................................183

Conclusion.....................................................................................186

Annexe 1...............................................................................................193

La Bibliographie....................................................................................195

INTRODUCTION

- Délimitation du champ de la réflexion

Les périodes de crise ont ceci de particulier qu'en exacerbant les tensions, elles mettent à nu les dysfonctionnements d'une société et permettent de mieux interroger ses fondements structurels. « Crise » dérive en fait du grec « krisis », qui signifie « décision », plus précisément, l'impuissance dans laquelle les ruptures et les troubles plongent une société au point de ne plus être à même de prendre une décision ; et la gravité d'une crise ne se mesure pas tant aux troubles qu'elle engendre et qui l'engendrent, mais à l'impouvoir où l'on est réduit de prendre une décision cependant que la conjoncture l'exige.

Des sept crises politiques qu'a connues le Liban, seule celle du renouvellement du mandat de Béchara el-Khoury n'a pas débouché sur une crise identitaire. Les cinq autres : celle de l'Indépendance ; celle de 58; celle de 70/75, au moment de l'irruption de la Résistance palestinienne sur la scène libanaise ; celle de 1982 ponctuée par l'invasion israélienne ; celle enfin de 75/2005 marquée par la tentative de la ghalaba syrienne sur le Liban - ont toutes débouché sur une crise identitaire.

C'est que, à l'occasion de chacune de ces crises, les Libanais se sont retrouvés dans deux camps antagonistes pour ne pas dire ennemis, chaque camp s'alliant avec l'ennemi1(*) de l'autre camp.

Du fond de l'impuissance, qui caractérise chaque crise, celle de 1958 va engendrer un « nouveau style de gouvernement » une stratégie, une démarche et une praxis politique inédite dans l'histoire du Liban contemporain. Ce nouveau style de gouvernement se manifeste dans ce qu'on a appelé le « chéhabisme » : école politique initiée par le général Fouad Chéhab, président de la République de 1958 à 1964. Pour la première fois, la présidence de la République est devenue la source d'une philosophie politique nationale et le terme de chéhabisme fit son entrée dans le lexique politique libanais.

Le mandat du président Fouad Chéhab est étudié avec un grand intérêt par les historiens, les chercheurs en sciences sociales et les hommes politiques. Le motif de notre recherche réside dans cette incitation de Georges Corm : « Il faut que les jeunes faisant des études supérieures, chez eux ou à l'étranger, parviennent à briser le carcan des problématiques stériles autour du communautarisme, plus que jamais hégémoniques, voire dictatorial, dans les études et recherches de ce type académique, comme dans les médias2(*). »

Georges Naccache a écrit que « les règles du chéhabisme pourraient servir d'appendice à la Constitution libanaise sous le titre : « Ecole des chefs d'Etats ». La pensée, la méthode, le style sont pragmatiques : « un réalisme implacable », et « un pessimisme constructeur. »

En effet, nous considérons que le chéhabisme avec des améliorations et des réadaptions nécessaires après toute mise en pratique d'une stratégie ou d'une doctrine politique constitue aujourd'hui un projet adéquat et nécessaire au rétablissement et à la reconstruction d'un Etat fort et moderne au Liban.

L'intérêt scientifique de notre recherche réside dans le prélèvement et l'analyse des limites du chéhabisme qui sont nécessaires pour servir de phare à tout projet de modernisation politique future tout en évitant de renouveler les mêmes erreurs. Antoine Messara pense en effet que « les interrogations du chéhabisme sont celles mêmes du système politique consociatif libanais3(*). » 

De plus, dans la littérature politique qui traite du chéhabisme, il n'existe pas d'analyses et d'études qui exposent profondément et particulièrement les causes de l'échec du chéhabisme en tant que tentative de modernisation et de construction d'un Etat capable de produire de la modernité.

L'Etat libanais actuel prit forme avec le chéhabisme et accéda à la maturité institutionnelle et étatique. Le chéhabisme tenta de construire un Etat moderne doté d'institutions politiques et administratives efficaces et démocratiques. L'essence du chéhabisme est la volonté d'organiser et de mobiliser l'appareil d'Etat autour d'un développement économique conçu comme le premier corollaire de la justice sociale et d'une conscience nationale.

Une tentative unique et particulière de modernisation du système politique libanais ; l'expérience chéhabiste demeure, la tentative de modernisation la plus réaliste et la plus engagée. En effet, la construction d'un Etat central fort qui exerce un pouvoir hiérarchique régulateur se présente comme une étape nécessaire dans la construction d'un Etat capable de produire de la modernité.

De la modernisation et de la modernité.

Dans le célèbre avant-propos du recueil de ses essais de sociologie de la religion, Max Weber expose ce « problème qui relève de l'histoire universelle » et auquel il a consacré l'oeuvre scientifique de toute sa vie : pourquoi « le développement scientifique, artistique, politique, économique » ne s'est-il dirigé, ailleurs qu'en Europe, « sur la voie de la rationalisation qui est le propre de l'Occident4(*). » Pour Max Weber, l'existence d'un lien interne - qui ne saurait donc seulement être contingent - entre la modernité et ce qu'il appelait le rationalisme occidental allait encore de soi. Selon sa description, le processus de désenchantement par suite duquel les conceptions religieuses du monde, en se désintégrant, engendrent une culture profane, est un processus « rationnel ».

Mais ce que Max Weber a décrit du point de vue de la rationalisation, ce n'est pas seulement la laïcisation de la culture occidentale, c'est avant tout le développement des sociétés modernes. Les nouvelles structures sociales sont caractérisées par la différenciation des deux systèmes qui se sont cristallisés autour des centres organisateurs que sont l'entreprise capitaliste et l'appareil bureaucratique de l'Etat, et qui, du point de vue fonctionnel, s'interpénètrent.

En effet, en Occident, le thème central de la philosophie des Lumières fut le triomphe progressif de la raison au détriment des croyances et des formes d'organisation sociale traditionnelles. Ce mouvement s'est traduit par la laïcisation des institutions, mais aussi par le rejet progressif de tout principe transcendant d'intégration et de contrôle de la vie sociale5(*). Il faut donc tenir pour hypothèse l'inévitable caractère historique de la modernité.

On peut définir avec Alain Touraine la modernité en elle-même comme un ensemble d'attributs de l'organisation sociale, sans la confondre avec la modernisation qui est un mouvement, une volonté, une mobilisation à la tête de laquelle se trouve de toute façon placé l'Etat, quels que soient ses soutiens sociaux.

C'est à ce niveau que la distinction entre modernisation et modernité est utile : la modernisation est un processus multiforme tandis que la modernité est le règne des valeurs nouvelles. On peut ainsi distinguer modernité et modernisation, c'est-à-dire la modernité comme un état et la modernisation comme le passage à un niveau supérieur de modernité. La modernité est là où elle est la plus moderne.

Le terme de modernisation qui a été crée dans les années cinquante, désigne depuis une approche théorique qui reprend la question de Max Weber, mais y répond avec les moyens du fonctionnalisme sociologique. « Le concept de modernisation désigne selon Habermas, un ensemble de processus cumulatifs qui se renforcent les uns les autres ; il désigne la capitalisation et la mobilisation des ressources, le développement des forces productives et l'augmentation de la productivité du travail ; il désigne également la mise en place de pouvoirs politiques centralisés et la formation d'identités nationales ; il désigne encore la propagation des droits à la participations politique, des formes de vie urbaine et de l'instruction publique ; il désigne enfin la laïcisation des valeurs et des normes, etc.6(*)»

La modernisation est un processus multiforme. Les voies de la modernisation sont nombreuses, sauf qu'à terme toutes débouchent sur une société moderne et éventuellement démocratique. « Autrement dit, partant d'un modèle, supposé être « aculturel », on rejoint finalement le modèle « culturel » de la modernité occidentale7(*) » Toutefois, il est naïf d'imaginer que le monde et principalement le Liban aura à marcher dans les pas de l'Occident, passer par les mêmes séquences et aller au même rythme. Une telle approche se heurte au fait, largement admis, que la voie occidentale, si tant est que l'Occident ait emprunté une seule voie, fut unique, singulière et impossible à répéter.

Le principe central de ce modèle occidental est donc que la modernisation est endogène, que la société est capable de produire de l'intérieur sa propre transformation, sans que celle-ci soit le résultat d'une pression ou d'une intervention d'origine étrangère8(*). « La théorie de la modernisation détache la modernité de ses origines - l'Europe des temps modernes - et la présente comme un modèle général des processus d'évolution sociale, indifférent au cadre spatio-temporel auquel il s'applique9(*). »

Cette voie de modernisation, qui est aussi appelée individualiste, a connu une vaste diffusion et plusieurs variantes. Le Japon, la Turquie kémaliste, l'Iran des Pahlévi, et le Liban sous le chéhabisme, ont connu sous des formes très diverses, des interventions étatiques se substituant à une modernisation endogène trop faible, l'Etat devenant lui-même le vecteur principal de modernisation et de destruction des anciennes structures sociales et culturelles, ou l'utilisation de certaines d'entre elles dans un but de transformation accélérée de la société. Les modèles non occidentaux se sont souvent soldés par des échecs parce qu'ils ont cru que par le seul volontarisme ils pouvaient créer de la modernité.

Le chéhabisme et la modernisation

Ce travail a choisi un prisme, pour fouiller dans le champ défini ci-dessus. Il s'est donné pour sujet de recherche les limites de l'expérience de modernisation entamée par le chéhabisme. Le chéhabisme a tenté de moderniser le système politique selon une stratégie basée sur trois piliers principaux :

1- Contourner les forces politiques traditionnelles sans pour autant déranger ou troubler le cours normal de la vie politique, en faisant appel à de nouvelles « figures » dans le domaine de l'administration et de l'armée.

2- Entamer une large réforme de l'administration publique jamais entretenue avec un tel succès.

3- Elaborer une doctrine politique dominante qui combattait pour la justice sociale sans pour autant sacrifier le dogme du libéralisme économique et du confessionnalisme politique.  

Lorsque s'achève le mandat de Fouad Chéhab, la République de l'Indépendance née en 1943 a atteint sa majorité. Au moment de l'entrée en fonctions du chef de l'Etat en 1958, elle vivait une très grave crise qui ébranla le Pacte National et faillit remettre en question la coexistence inter-communautaire. Six ans plus tard, l'unité nationale semble rétablie et le pays, placé sur les rails de la modernisation.

Le chéhabisme fut une tentative pour rétablir les bases d'un pouvoir collectif, pour réanimer la démocratie. Ce pouvoir n'est concevable, en raison de son exorbitance même, que s'il est un pouvoir véritablement unanime c'est-à-dire, au Liban, un pouvoir issu du plus large consensus interconfessionnel, fondé sur le plus large respect populaire. Après la « révolution blanche » de 1952 et, encore plus, la double crise de 1958 qui avait ébranlé les assises du Liban, l'idée toute simple d'un partenariat islamo-chrétien fondement du Pacte National était dépassée. Chéhab l'avait compris. Il fallait un nouveau pacte, qui ne soit ni un pacte de personnes ni un pacte d'intérêts ; il devait asseoir leur pouvoir et assurer le développement dans une période historique au cours de laquelle tout le Moyen-Orient passait par un moment de changements dramatiques, de la montée de l'opposition anti-nassériste, à l'invasion israélienne de l'Egypte, de la Syrie et la Jordanie en 1967. II fallait, tout en protégeant le pays des turbulences régionales et internationales, en mettant la cohésion interne à l'abri des convulsions qui agitaient le Moyen-Orient et le monde, définir un programme politique, fixer des objectifs nationaux à atteindre, dont le plus important consisterait à édifier un Etat digne de ce nom. Georges Corm observe dans « Géopolitique du conflit libanais » que « (...) le Général aura effectivement mis en place tout l'appareil d'un Etat moderne, centralisé et fort.10(*)» 

L'expérience chéhabiste, elle-même issue de la tradition du Pacte National de 1943 et du Dastour qu'elle continue avec le souci d'une plus grande efficience et stabilisation, traduit les possibilités, les limites et les contraintes de la société plurale libanaise, avec la déclaration du 4 août 1970 : « Que faire de plus ? » et la réponse : « le pays n'est pas encore prêt ».

La pensée ultime de Chéhab était la suivante : la réforme institutionnelle est impossible si elle ne s'accompagne d'une réforme des esprits et des moeurs. Bâtir un Etat moderne sur les vieilles structures confessionnelles est une entreprise de longue haleine.

En effet, la question capitale est de comprendre si l'échec du chéhabisme fut le produit de ses propres sous-estimations, de ses erreurs, ou bien, le produit de forces objectives qui dépassent le chéhabisme et même le Liban. Et partant, les accords de Taêf ne seront-ils pas neutralisés par les mêmes causes, reflétant par le fait une carence inhérente à l'évolution du système politique libanais ?

A la convergence de ces lignes de réflexion se dégage l'hypothèse de travail. Elle postule que : « les limites de la modernisation politique au Liban pourraient se manifester dans la relation antagoniste entre la création d'une politique publique et son application d'un côté, et la compétition pour les dépouilles du pouvoir d'un autre. » 

Cette recherche s'applique d'abord au domaine politique, mais aussi économique (en analysant l'économique comme étroitement lié au politique) et philosophique (en tant que le chéhabisme constitue une ligne de conduite et une certaine approbation de l'Homme et de la vie). Elle est par conséquent pluridisciplinaire même si la philosophie politique en ait le thème et le guide central.

Ce mémoire n'a pas la prétention de faire une mise au point exhaustive sur le sujet retenu. En préalable on peut énoncer trois points qui conditionnent la réalisation de l'étude proprement dite, à savoir le repérage des travaux et réflexions concernant le sujet, la mise en évidence des sources les plus intéressantes et, attachés à celles-ci, des choix méthodologiques.

Il n'existe pas de mises au point centrées sur le sujet en tant que tel : les écrits qui l'abordent se consacrent parfois entièrement au chéhabisme en tant que tel et non pas aux causes de son échec. Nous pouvons citer des articles et des ouvrages tels :

Roger Owen11(*) note que l'action de Chéhab est très mal ressentie par les politiciens parce qu'elle implique une forte limitation de leur accès aux ressources publiques de patronage politique et qu'elle l'est également par les milieux bancaires et commerciaux qui s'opposent à des politiques qui semblent réclamer des augmentations d'impôts pour les financer, qui donnent l'occasion à un contrôle plus étendu de la part des pouvoirs publics sur leurs affaires et qui risquent de favoriser l'émergence d'un groupe de pression industriel lequel pourrait constituer un défi à l'orientation de base de l'économie. Cette opposition manifestée à Chéhab par l'establishment politique et économique explique son refus de briguer un deuxième mandat.

Kamal Salibi trouve qu'au terme du mandat Chéhab, l'inefficacité administrative, principal problème auquel le Liban fait face depuis son indépendance, est toujours la même. « La situation sociale et économique exigeait une planification et un nouvel ordre ce qui exigeait une administration compétente, malgré tous les efforts, elle est restée inefficace et corrompue. Cependant le régime a réussi à réduire l'abus des postes, mais la pratique de corruption est restée sur plusieurs niveaux, sur des considérations confessionnelles et sectaires12(*). » Par conséquent, cette expérience de modernisation fut inconsistante, fortuite, et largement inefficace.

Michael Johnson13(*) considère que le chéhabisme s'est contenté de manipuler le clientélisme à son avantage et s'est refusé d'aller au-delà de cette politique vers une réforme du système et que c'est en fin de compte cela qui explique les limites du chéhabisme; sa défaite aussi.

Youssef Sayigh évoque entre autres causes de cet échec, le manque de temps : un seul mandat présidentiel.14(*) Le sexennat de Charles Hélou (1965-1970) considéré souvent comme une continuation du chéhabisme est jugé comme étant stérile en développements majeurs dans les domaines économiques, administratifs et sociaux. Ayant débuté son mandat par une grande purge des éléments corrompus de l'Administration, le président Hélou n'aura pas de cesse, par la suite, de regretter son acte. Comparant le président Hélou à son prédécesseur, Sayigh note le tempérament plus contemplatif et moins volontaire du premier15(*).

Bassem Al-Jisr16(*) qui a le plus écrit sur le chéhabisme, rappelle que Chéhab était conscient qu'il devait pousser l'affrontement avec la classe politique traditionnelle au-delà de ce qu'il avait fait pendant son premier mandat, s'il voulait poursuivre ses réformes économiques et sociales et que son refus - sa crainte aussi - de le faire, l'amènent à se désister à deux reprises, en 1964 et en 1970.

Par conséquent, Charles Rizk17(*) voit que le président Chéhab n'a pas été chéhabiste jusqu'au bout.

Georges Corm18(*) considère que les résultats de la politique du Général furent remarquables sur le plan économique, mais, malheureusement beaucoup plus fragile sur le plan politique et considère que les deux limites principales de l'expérience réformiste que le Général ne franchit pas sont : l'absence d'une politique de séparation des communautés d'avec l'ordre public et le maintien de la répartition communautaire des fonctions publiques ; et aucune réforme électorale en profondeur, marginalisant les notabilités communautaires traditionnelles, ne fut introduite. Le système électoral continua d'être régi après une répartition communautaire rigide des sièges parlementaires et des découpages électoraux renforçant l'hégémonie des notabilités traditionalistes.

La thèse de Nawaf Kabbara « Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project » publiée en 1988 est le travail académique qui a le mieux analysé l'échec du chéhabisme en tant que « projet hégémonique ». Par hégémonique, Kabbara comprend l'émergence d'une identité nationale libanaise qui englobe les appartenances communautaires et régionales. Après avoir critiqué l'argumentation de la démocratie consociative avancée par Antoine Messara, Kabbara considère que « l'existence de différents groupes sociaux dans un pays quelconque n'implique pas nécessairement l'existence de conflits et d'antagonismes entre eux, ainsi, toutes les identités sociales sont sujettes à des changements, à des reformulations ; aucune identité n'est fixe, et finalement c'est à travers l'hégémonie que les identités deviennent politisées, que les individus deviennent des sujets politiques et que de nouvelles structures sociales sont construites19(*). » Kabbara considère que le chéhabisme échoua pour trois raisons essentielles : l'incapacité de construire un système politique basé sur la pluralité des partis politiques ; le refus de reconduction du président Chéhab en 1964, et l'abus et le rôle de la bureaucratie et de l'armée dans l'application du projet hégémonique.

La méthodologie de recherche

Je compte m'en tenir à une ligne médiane qui évite les deux écueils guettant toute recherche de ce type : la sublimation du « miracle » chéhabiste ou bien la banalisation de son « génie propre.» Puisque « le chéhabisme, tout comme le Dastour, n'est pas une idéologie, ni une doctrine, mais une praxis. Pour la critiquer ou prouver le contraire, il ne s'agit pas de dire, de proposer ou de souhaiter mieux, mais de faire mieux ou de se référer à une autre praxis20(*). » Cette étude considère le chéhabisme comme un projet visant à créer une identité nationale libanaise en se basant sur certains programmes et stratégies.

Pour préciser notre fil conducteur analytique, il nous est apparu pertinent de recourir aux vertus du systémisme et de son approche globale qui est d'un grand intérêt pour appréhender les phénomènes politiques complexes.

Ainsi le fondement de notre cheminement est-il de considérer l'objet étudié - en l'occurrence le système politique libanais - comme une totalité dont les éléments constitutifs sont liés et interdépendants. Nous entendons par système politique « le mode d'allocation autoritaire des ressources dans la société » ou, pour parler comme David Easton « l'ensemble d'interactions par lesquelles les objets de valeur sont repartis par voie d'autorité dans la société21(*) ». Le système politique est donc constitué non seulement par la structure constitutionnelle des pouvoirs publics mais, plus largement, par l'ensemble des processus qui encadrent la participation politique, conduisant à la conversion d'attentes en exigences, à la transformation de projets ou de programmes d'action en décisions.

Dans cette perspective, il nous est autorisé de représenter schématiquement le système politique libanais comme étant enfermé dans une boîte noire, recevant des « inputs », donnant naissance à des « outputs », l'ensemble étant immergé dans un « environnement » conflictuel, et suscitant des « rétroactions ».

Identifions, plus précisément, chacune des composantes systémiques de notre réflexion :

- « Les inputs modernisateurs » : au titre des variables susceptibles de favoriser la construction d'un Etat moderne nous pouvons ranger : les réformes entreprises par le chéhabisme.

- « Les outputs » : partant, « ces inputs » ont nourri un processus de modernisation dans le domaine administratif et social, sans pour autant amorcer une modernisation politique.

- « L'environnement conflictuel » : ici nous distinguons entre l'environnement interne et l'environnement externe. L'environnement conflictuel interne est favorisé par les structures irrésolues qui intensifient les luttes inter-communautaires et les ingérences étrangères dans les affaires internes du pays d'un côté, et l'environnement externe (l'implantation du foyer juif en Palestine- le conflit israélo-palestinien - les conflits interarabes - les convoitises étrangères dans la région du Moyen-Orient) qui se répercute de façon incontournable sur la scène libanaise interne.

- « La rétroaction » : à notre sens, c'est à ce stade que se manifeste la grande utilité de l'analyse systémique, de ce qu'elle permet de dégager les variables qui auraient freiné une « rétroaction politique modernisatrice ». Les rétroactions des « outputs » auraient dû favoriser des « inputs » agissant sur le système politique le plaçant sur la voie de la modernisation (Blocages). Car la mutation que le développement est susceptible d'opérer dans les structures économiques et sociales implique, sinon une mutation concomitante, du moins une réadaptation des structures et des institutions politiques.

Outputs

Croissance économique; sécurité; développement.

Rétroactions

Environnement conflictuel interne

Environnement conflictuel externe

Le système politique libanais

Expérience de modernisation

Blocages

Inputs modernisateurs

Les réformes introduites par le chéhabisme

- Les vertus de l'analyse systémique

Pour analyser l'échec et les limites politiques de l'expérience chéhabiste au Liban, nous analyserons d'abord les obstacles relatifs au système consociatif libanais, ensuite l'essoufflement du chéhabisme en tant que projet de modernisation.

Cette étude comprend deux grandes parties divisées respectivement en deux sections. La première partie intitulée « le chéhabisme, une expérience de modernisation », retrace dans la première section les étapes essentielles dans l'histoire du Liban qui ont déterminé la nature de son système politique : de l'héritage ottoman, à la proclamation du Grand-Liban, passant par la Constitution de 1926, aboutissant à l'Indépendance et au Pacte national de 1943. La deuxième section expose sous le titre de « le chéhabisme ou la construction de l'Etat de l'indépendance » la naissance, les principes, et la philosophie du chéhabisme qui se manifestent dans le non-alignement et la neutralité positive sur le plan externe, la stabilisation et les réformes économiques et administratives sur le plan interne.

La deuxième partie intitulée « une expérience de modernisation : les causes d'un échec » analyse à la lumière de la première partie les limites de l'expérience modernisatrice du chéhabisme. Nous étudierons dans un premier temps les obstacles qui entravent le passage d'une politique d'équilibre à une politique de décision à travers les limites relatives à la modernisation même et au système politique libanais : nous montrerons que la modernisation et le développement politique entretiennent une relation dialectique et délicate ; qu'il y a incompatibilité entre la modernisation et les garanties communautaires, un enracinement des forces traditionnelles, et une crise de l'autorité dans le système politique consociatif libanais.

Dans un deuxième temps, nous relèverons les limites relatives au chéhabisme en tant que tentative de modernisation en insistant sur la solitude présidentielle face à la classe des leaders ; sur les limites d'une révolution démocratique et la tyrannie du temps; sur l'inefficacité de l'administration du développement ; sur la résistance des monopoles économiques et financiers sur le refus de coopération du secteur privé et enfin sur la disparition de Nasser et l'émergence de la résistance palestinienne.

Quant à la deuxième section nous essayerons de relever l'esprit du chéhabisme dans l'Accord de Taëf en montrant que cet esprit a été trahi dans l'application quoique boiteuse et incomplète de ces accords.

La recherche sur le chéhabisme rencontre quelques difficultés. La plus importante est la proximité temporelle et historique qui le situe comme protagoniste dans la vie politique libanaise d'aujourd'hui. Plusieurs hommes politiques contemporains se définissent comme étant chéhabistes. D'un autre côté, nous n'avons pas trouvé dans la littérature politique des oeuvres générales et complètes sur le chéhabisme politique. La majorité des ouvrages appréhendent le chéhabisme à travers de perspectives précises et séparées.

Et malgré leur importance capitale, elles ne forment pas un ensemble ou une base pour une évaluation objective et générale du chéhabisme ou du « Nahg22(*) » ; encore moins de ses limites.

PREMIERE PARTIE

LE CHEHABISME : UNE EXPERIENCE DE MODERNISATION 

Chapitre 1 :

Les tares historiques et la nature du régime politique libanais

«Le passé est comme la distance.

Notre vue y décroît et s'y perdrait

de même l'histoire et la chronologie

n'eussent placé des flambeaux aux

points les plus obscurs. »

Buffon

« Le problème actuel, vient toujours

de la solution précédente. »

Daniel Descheneaux

Section É - Historique

1,1- L'effondrement et l'héritage de l'Empire Ottoman.

Entre la révolution des Jeunes Turcs de 1908 et l'organisation en 1920 des territoires arabes en Etats relevant des puissances mandataires, un vent d'espoir d'indépendance souffle sur la région. Mais la guerre mondiale désintègre l'Empire Ottoman et remplace l'oppresseur par un tuteur, seul habilité à décider de la maturité des populations pour accéder à l'indépendance. Les lendemains de la victoire laisseront chez beaucoup un arrière-goût de frustration.

Si « tout empire périra23(*) » est une loi de l'Histoire selon l'historien Jean-Baptiste Duroselle ; ce qui est moins évident, c'est le degré de renaissance qui suit la chute ou l'éclatement des empires ; c'est-à-dire l'ordre nouveau qui émerge. Après la chute de Rome, ce ne fut pas tout de suite la Renaissance, mais bien plutôt le Moyen-âge, le Quattrocento ( Première Renaissance) vient bien plus tard.

De la désagrégation des empires émergent le plus souvent deux formes de société politique :

Les unes sont des sociétés nationales. Leur intégration était déjà acquise dans le système antérieur ou, du moins, en voie de réalisation. L'indépendance leur apporte généralement; avec la consécration juridique, l'armature institutionnelle d'un Etat unitaire. C'est ainsi que l'éclatement des Empires austro-hongrois et ottoman en 1919 a donné naissance à des Etats- Nations réels. A son tour, la décolonisation des Empires britannique et français a permis la formation en tant qu'Etats souverains de pays comme l'Australie, l'Inde, le Ghana, le Maroc, la Tunisie ou Madagascar

D'autres sociétés, en revanche, sont de nature différente. Elles recèlent plusieurs communautés entre lesquelles aucune fusion véritable ne s'est encore opérée. Dans ces pays, comme le Liban, l'intégration reste à faire ou s'avère provisoirement impossible. Leur structure sociale pose, en tout cas, aux autorités qui en assument la responsabilité politique, un difficile problème de cohabitation.

Au Liban, il n'y avait aucune structure, ou infrastructure politico-administrative moderne. Dès avant la guerre de 1914, des courants du Mont-Liban réclament un Liban rétabli dans ses frontières d'avant 1861. Mais ils sont dispersés et sans poids réel. Ils représentent des milieux maronites, plus ou moins francophiles.

Après la chute de l'Empire Ottoman en 1918, le conseil représentatif est rétabli. Présidé par Habib Pacha Es Saad il commence à multiplier les motions réclamant l'indépendance d'un Liban agrandi.

Le Liban n'existait pas encore au sens géopolitique. Seul le Mont-Liban et ses 7 cazas à majorité chrétienne bénéficient depuis 1861 d'une autonomie. Gouverné par un moutassarrif chrétien, il est entouré du wilayet de Beyrouth (la ville étant enclavée dans le Mont-Liban) avec les sandjaks de Lattaquié, Tripoli, Sa'ida, Tyr, Acre et du wilayet de Damas auquel sont rattachés les cazas de Baalbeck, Moallaka (Bekaa), Rachaya et Hasbaya.

Au Liban, un système particulier s'était élaboré sous l'Empire ottoman qui est celui des millets24(*) (au singulier, milla signifie en arabe « communauté ») ou nations auxquelles l'Empire accordait une autonomie interne.

La communauté maronite avait oeuvré depuis longtemps pour l'indépendance totale du Liban, et ne pouvait éprouver aucun enthousiasme à fusionner dans un Etat où elle serait fortement minoritaire et gravement menacée. Cette indépendance devrait être totale, définitive et inconditionnelle, vis-à-vis de l'Orient et de l'Occident.

Pour les chrétiens du Liban et pour les minorités en général, leur situation au sein de l'Empire ottoman était préférable à celle qu'ils risquent de subir dans l'union. Henri Laurens voit que « contrairement à une légende noire, l'époque ottomane est la grande époque des chrétiens d'Orient.25(*) »  De même, Georges Corm précise que « l'identité des populations et la mixité de divers groupes ethniques, linguistiques ou religieux sur un même sol caractérisaient de larges régions géographiques, rurales comme urbaines, de ces empires. Une fois consolidée la domination de ces grands empires, la stabilité assurée aux populations sous leur contrôle permettait l'épanouissement et la permanence de cette mixité26(*). » Le multi-communautarisme, le multiculturalisme, le multilinguisme dans l'Empire Ottoman sont l'expression d'une reconnaissance et d'une protection. «Il y avait en effet des avantages pour ces minorités jouissant d'une petite autonomie au sein d'un Empire protecteur des minorités, et qui craignaient de la perdre dans un Etat-Nation où l'Islam deviendrait religion d'Etat27(*). »

Ainsi, les idées d'union et d'indépendance, d'homogénéité et de spécificité, de nation libanaise, de nation syrienne et de nation arabe se mêlaient en polarisant les énergies autour deux centres de gravité : le premier tirant sa force de l'histoire du pays, des données fondamentales de sa composition riche, variée et complexe ; le second tirant sa force des rapports avec l'histoire des autres pays.

La société du Grand-Liban se développa ainsi à un double niveau : celui de l'Etat qui tenta officiellement d'unifier les attitudes en légiférant pour la Communauté nationale ; celui des groupes communautaires qui infléchirent réellement, la plupart des fois, l'Etat et la Nation à leur structure propre.

L'évolution politique et sociale du Liban a toujours obéi à l'interférence de deux ensembles de facteurs qui sont d'une part, les rapports entre les diverses communautés qui vivent sur son sol et, d'autre part, l'influence des pressions qu'exerce la conjoncture régionale et internationale par et pour ces communautés ou contre elles.

1,2 - La création du « Grand-Liban » ou la viabilité aux dépens de l'équilibre.

En proclamant le Grand-Liban dans ses limites historiques, un Etat unifié sur le plan politique, économique et administratif, le Mandat Français reconstitua ainsi un ensemble géographique composé de la Montagne et d'un ensemble de cazas entourant cette dernière. En 1840, ces cazas furent détachés de la Montagne par un acte d'autorité de Chékib Effendi, représentant de la Sublime Porte. En 1920, ils furent annexés à la Montagne, selon les voeux d'une partie de la population, par un acte d'autorité du général Gouraud, au nom de la France.

En dépit de la richesse naturelle de leur territoire, les régions annexées se cantonnèrent dans un stade agricole rudimentaire et restèrent, pour de multiples raisons, fermées à toute pénétration étrangère. Ce qui déclencha un processus de dénivellement économique de plus en plus accentué au profit de la Montagne.

L'élargissement de la frontière du Mont-Liban vers la côte et vers les plaines fertiles a assuré la viabilité du Mont-Liban en lui ouvrant des débouchées maritimes28(*) sur la Méditerranée et en lui donnant accès au grenier29(*) des plaines fertiles de la Bekaa. Henri Laurens affirme que « cette extension géographique à pour but d'assurer une cohérence économique permettant d'éviter le retour des famines des années de guerre30(*). »  La géographie a triomphé de l'homogénéité sociale. La reconstitution du Grand-Liban porta sa superficie trois fois celle de la Montagne.

Cependant, les conditions nécessaires à la viabilité du pays ont secoué l'équilibre confessionnel du Mont-Liban en intégrant des régions, à majorité sunnite (Beyrouth, Tripoli, Saida, Akkar) et chiite (Bekaa et le Djebel Amel) ; la grande faiblesse du jeune Etat fut de renforcer des groupements minoritaires et de rendre minoritaires des groupes majoritaires dans le groupement initial des communautés. Le Liban (Mont-Liban) cessera d'être un Etat surtout chrétien pour devenir un Etat multicommunautaire (Grand-Liban) sans majorité définie.

Le tableau suivant montre clairement la répartition de groupements antagonistes appelés à une coexistence harmonieuse dans une seule société31(*) :

Les communautés du

Grand-Liban

Population de la

Montagne

Population des

Régions annexées

Maronites

242 308

43 091

Grecs-Catholiques

31 936

26 094

Grecs-Orthodoxes

52 356

41 220

Total des Chrétiens

326 600

110 405

Sunnites

14 529

106 204

Chiites

23 413

93 174

Druzes

47 290

9 552

Total des Mahométans

85 232

208 930

Les différents groupes communautaires occupaient donc ces deux milieux (ville-montagne) sous forme d'agglomérations localisées dans l'espace. Cette localisation communautaire sera l'une des causes de la naissance du leadership communautaire et de son extension politique car chaque communauté était majoritaire dans sa région et pouvait par le fait donner à toute revendication économique, sociale ou politique un appui et une connotation communautaire.

De même, les populations venues de ces régions «n'avaient pas participé antérieurement à la riche expérience sociale et historique du Mont-Liban et de Beyrouth, et elles ne furent donc pas facilement intégrées au système social libanais. »32(*) Georges Corm dans « Le Liban contemporain » précise que « l'évolution socio-économique des communautés ne s'est pas faite de façon synchronique,... la ville et la montagne n'ont pas eu le temps de s'apprivoiser mutuellement.»33(*)

L'histoire politique et sociale du Liban sera rythmée dès cette époque par la rencontre entre les populations et les idéologies des «villes » avec celles de la « Montagne »34(*) et par la localisation d'histoires différentes dans un même espace géographique. Dès sa création l'Etat du Grand-Liban sera confronté au problème de la cohabitation.

Sous le régime du Mandat, sous le régime de l'Indépendance, la confusion fut presque totale entre territoires annexés et régions exploitées. La différence pour les Musulmans entre le Mont-Liban et le Grand-Liban est le fait que ceux qui sont originaires du premier occupent les premiers postes de l'Etat, ceux du second n'ont d'autre tâche que de payer l'impôt35(*) . Cependant, au-delà de l'exploitation économique qu'ils invoquèrent, des antagonismes religieux motivaient leurs attitudes, en s'opposant à une entité dont le pouvoir ne tire pas ses racines de leurs lois et coutumes.

Il faut écrit Michel Chiha laisser faire le temps qui résorbera les contradictions qui empêchent les Libanais de « vivre politiquement ensemble... de faire ensemble les lois36(*). » 

Section ÉÉ

- Le régime politique libanais.

2,1- La Constitution écrite de 1926 et le Pacte National de 1943 : pivots de l'équilibre politique et confessionnel statique.

La République libanaise a réussi, depuis la promulgation de sa Constitution, le 23 mai 1926, à échapper aux bouleversements constitutionnels qui ont tant secoué les pays du Tiers-Monde.37(*) Ailleurs, toutes les constitutions adoptées au cours de la vague de fond démocratique des années 1920 ont été abandonnées ou remplacées par des régimes plus ou moins répressifs. La Constitution de 1926 a duré 64 ans, soit de 1926 à 1990, date de l'entrée en vigueur des amendements constitutionnels prescris dans les accords de Taëf. Le Liban est le plus ancien régime parlementaire dans la région du Moyen-Orient.

Michael Hudson a souligné, dans «The precarious Republic »38(*), que les institutions démocratiques du Liban sont le reflet de sa stabilité constitutionnelle, le phénomène étant généralement inverse dans les sociétés occidentales. Cette stabilité est remarquable, d'autant que la Constitution libanaise a été élaborée avant la naissance de l'Etat libanais indépendant. Ce mouvement est encore inverse dans le mécanisme constitutionnel occidental où l'Etat a existé longtemps avant qu'il ne soit arrivé à l'âge constitutionnel.

Charles Hélou, ancien président de la République, avait souligné que le régime libanais s'inspira incontestablement des textes français de la ÉÉÉème République, bien qu'il tienne compte des « nécessités libanaises ».39(*) De même Edmond Rabbath, a indiqué, dans « La formation historique du Liban politique et constitutionnel », que « la Constitution qui allait sortir des délibérations du Conseil représentatif ressemblait en sa configuration générale à la constitution de la ÉÉÉème République, en dépit du renforcement des pouvoirs conférés au président de la République libanaise. »40(*) La brève41(*) constitution de 1926, loin d'être dogmatique42(*) a confié la présidence de la République à un chef irresponsable, les ministres étant responsables par leur contreseing43(*).

Accordant au président de la République les prérogatives royales de Louis-Philippe, la commission constituante de 1920 a donné au régime libanais les caractéristiques théoriques d'une monarchie parlementaire : un chef d'Etat irresponsable politiquement qui nomme et renvoie les ministres, dissout l'Assemblée, promulgue les lois et ratifie les traités. L'application de l'orléanisme politique a, cependant, canalisé peu à peu le régime libanais par l'affaiblissement du rôle du président du Conseil des ministres et celui de la Chambre vers un système quasi-monarchique. La constitution libanaise de 1926 est ainsi un mélange pondéré de monarchie et de démocratie.

Marwan Hamadé44(*), a écrit, le 17 août 1974, que « dans le système libanais à deux consuls, le premier (le président de la république) a totalement dévoré le second (le président du conseil des ministres) »45(*) puis ajoute que « le Cabinet ministériel ressemble à un carreau de vitre ou l'on voit le président de la République à travers. »46(*)

Le pouvoir législatif est le plus souvent soumis aux désirs du président de la République, faute de l'existence de partis politiques modernes se soudant au cabinet, il perd ses pouvoirs au profit de l'exécutif : c'est ainsi que le général Chéhab a rendu exécutoire par décrets la réforme administrative entreprise en 1959. Le président Hélou a eu, aussi, recours à l'article 58 de la Constitution47(*) : 46% des projets de lois ont été, de 1964 à 1968, présentes au parlement d'une manière urgente selon le procédé de l'article 58.

Michael Hudson a précisé que le cabinet libanais, théoriquement responsable devant le Parlement est en fait responsable devant le président de la République. L'Assemblée nationale libanaise, au pouvoir virtuel, est, d'ailleurs, beaucoup plus nécessaires par les lois mêmes de l'équilibre inter-communautaire que par des goûts démocratiques. Michel Chiha, philosophe du régime libanais, a noté dans « Politique intérieure » que « si la Chambre, au Liban, manque à sa mission, il ne reste plus qu'un pouvoir incontrôlable et omnipotent ».

L'accession du Liban à l'indépendance, en 1943, fut la consécration d'un pacte national, fruit d'une longue recherche entre les communautés. Une recherche qui parce que démocratique, n'a pas été sans certains heurts. En 1943, le mot indépendance ne signifiait pas seulement souveraineté, il voulait aussi dire unité nationale, unité islamo-chrétienne. Elle a finalement trouvé son expression dans une alliance entre Béchara El-Khoury, chef du parti constitutionaliste, élu à la présidence de la République, et Riad el-Solh, représentant de la tendance indépendantiste arabe, nommé à la présidence du conseil. Le pacte national mettait un terme au mandat français et consacrait un double renoncement : celui des musulmans à toute recherche d'unité nationale et celui des chrétiens à toute recherche de protection étrangère48(*). Positivement, chrétiens et musulmans déclaraient que le Liban était la patrie définitive de tous, mais une patrie « à visage arabe49(*) ».

Le Liban indépendant s'interdisait ainsi d'être la voie de passage de toute colonisation par quelque puissance que ce soit, pays frères inclus. Il s'agit de construire un équilibre interne qui exige la neutralité. Ne jamais permettre l'ingérence de quiconque dans les affaires intérieures du pays et ne jamais se permettre l'ingérence dans les affaires des autres. Etre d'abord avec soi, ensuite avec les autres.

La neutralité positive du Liban sera l'une des principales caractéristiques du chéhabisme. Cet aspect sera développé dans la deuxième section de la première partie.

Il faudrait rappeler ici que depuis 1928, Riad el-Solh prônait l'indépendantisme libanais, à condition que le Liban indépendant soit arabe. S'adressant, plus tard à un public syrien qui lui reprochait d'avoir fait de l'indépendance libanaise un obstacle à l'unité arabe, Riad el-Solh disait : « Je travaille pour un Liban arabe qui unit tous les Libanais chrétiens et musulmans. Je ne trahis pas ainsi l'arabité (Al Ourouba), mais au contraire, je prends le chemin qui mène dans la réalité, le moment venu, à une unité arabe à laquelle tous consentiraient spontanément. C'est en consolidant l'indépendance d'un Liban uni et arabe que nous nous plaçons sur le chemin de l'unité avec les autres états arabes indépendants. Que les autres arabes s'unissent d'abord, ce n'est pas le Liban qui leur fera obstacle50(*). »

Le Pacte de 1943 est donc dans son application dans son esprit, l'affirmation de la souveraineté libanaise à laquelle s'ajoute l'arabité. C'est-à-dire que les Libanais appartiennent au monde arabe, mais que le Liban est indépendant et constitue une entité souveraine. Ainsi le président de la République fut un maronite à tendance arabe, tandis que le premier ministre fut un arabe (musulman) à visage libanais.

Les Chrétiens d'alors ne se sont pas rendu compte de l'ambiguïté du concept arabe51(*). Pour eux, le Liban est un pays indépendant à visage arabe ; pour les Musulmans, le Liban est un pays arabe indépendant. L'indépendance fut donc interprétée, elle aussi, d'une façon ambiguë. Elle est complète, définitivement sans restriction pour les chrétiens ; tandis qu'elle est, pour l'autre partie, une situation qui peut, à la longue, déboucher sur une formule d'union avec les pays environnants, ceci ne tardera pas à se manifester dans la crise de 1958 lorsque la majorité des musulmans exigeaient l'union avec la R.A.U. 52(*). Echafaudée ainsi sur un malentendu mortel, l'indépendance prit chez les chrétiens l'allure d'un souffle mystique, au moment où les musulmans furent très attentifs à la façon de construire leur histoire à la lumière d'une fructueuse ambiguïté conceptuelle.

Les Chrétiens, « les inconditionnels de la nouvelle patrie53(*) » selon Ahmad Beydoun ont cru fonder par l'intermédiaire du Pacte, une Patrie et un Etat. L'appartenance de la communauté chrétienne au Liban dérivait en droite ligne de son enracinement, de la sauvegarde de ses libertés et de son destin. Alors qu'une partie du pacte est une communauté dans la religion chrétienne, l'autre partie le sunnisme s'identifie à l'Islam lui-même. Sa prééminence à l'époque Ottomane, détermina en grande partie son implantation et sa conduite politique. Les Sunnites du Liban occuperont en effet l'orbite des courants unionistes, prétextant qu'être libanais limite leur prétention dans le temps et dans l'espace54(*).

En outre, les musulmans du Liban, « les Libanais au conditionnel55(*) » qui se sont vus, à partir de 1936, forcés de se tourner vers l'entité libanaise et de lui apporter leur allégeance, exigèrent l'égale répartition entre Musulmans et Chrétiens des fonctions de l'Etat, des postes de décision politiques et militaires.

La fonction publique qui se trouvait être, sous le Mandat, le secteur où le musulman refusait d'entrer, devint dans la perspective d'un Liban indépendant, l'endroit qui marqua non seulement la pénétration communautaire dans le secteur public, mais aussi les limites où les communautés se touchaient, s'affrontaient sans pouvoir arriver à s'interpénétrer ou à être pénétrées par la puissance de l'Etat.

Jusqu'à présent, l'égale répartition des fonctions de l'Etat entre les communautés fut la règle d'or de l'administration libanaise en dépit de tous les abus qu'elle occasionna et de toutes les infractions à la règle de bon sens. Cette « loi d'airain56(*) » tire son origine de la fameuse formule 6 et 6 bis57(*) qui fut établie lors des négociations du traité franco-libanais de 1936.

Si l'approche politique du Pacte national a prouvé son efficacité pour l'équilibre interne du Liban, l'approche confessionnelle représente, cependant, un obstacle majeur à l'unification du peuple libanais.

Dans l'exercice du système politique libanais, le pacte national sert de soupape de sécurité lorsque les institutions constitutionnelles parviennent à un blocage. Le besoin d'équilibre social dicte alors la ligne de conduite. Cependant, ce besoin d'équilibre, qui est un élément régulateur, est en même temps un frein à une dynamique d'évolution ascendante et créatrice.

C'est en somme le blocage d'une évolution vers une forme de laïcisation. La constitution libanaise est a-confessionnlle, tandis que le Pacte est le compteur des droits des groupes communautaires.

Conclu pour une période provisoire qui serait dépassée pour une intégration nationale complète, le Pacte aurait pu favoriser cette intégration si l'évolution des groupes communautaires en présence s'était faite d'une façon convergente. L'allure de leur évolution se décèle à deux niveaux différents :

- un niveau réel où chaque groupe vécut fermé, indépendant des autres, ne subissant que l'influence de ses dogmes propres

- un niveau d'interdépendance politique et économique.

Ces deux niveaux évoluèrent dans une direction où le réel attira à lui toutes les énergies politico-économiques. Le Pacte n'est pas un moyen en vue d'une fin qui est la promotion de l'homme et de la société, mais il devint un cadre rigide propre à canaliser toute évolution. Le « dépassement manqué du Pacte National58(*) » sera l'une des causes principales de l'échec du chéhabisme. Cet aspect sera analysé plus loin.

En effet, l'Etat mis en place en 1943 semblait contenir le germe de son échec. Il avait été placé dans une dynamique d'équilibre précaire. Un rien pouvait le rompre. Un autre rien ne semble pas suffire pour le remettre sur la bonne voie. Beaucoup de revendications s'interposèrent entre la rupture de l'équilibre et sa remise en place.

La première fissure dans le Pacte eut lieu en 1954, à l'époque où le Moyen-Orient fut aux prises avec le tourbillon des changements des régimes, inauguré en 1949, en Syrie, en vue de rattacher les Etats de la région par un pacte de défense commune. L'implantation d'Israël en Palestine constitua le prisme déformateur des rapports des pays arabes avec l'Occident. Bassem El-Jisr, retraçant les principales étapes de la vie du Pacte national, considère que « le Pacte a subi la première secousse en 1955 lors des opérations militaires arabes et la montée du Nassérisme. En 1956, il trembla sous l'influence de la guerre de Suez et la question de rompre les relations avec les pays occidentaux. En 1957, il se fissura avec la Doctrine Eisenhower et les élections législatives. En 1968, avec la création de l'alliance tripartite (Chamoun-Eddé-Gemayel) et les élections législatives confessionnelles, le Pacte s'est fissuré de nouveaux. Depuis 1969, avec la montée des milices, il est remis en question. Depuis 1970 et surtout en 1973, il ne tient plus qu'à une fine ficelle qui s'est brisée en 1975. En 1976 le Pacte s'est effrité59(*). » 

Toute tension aigüe au Liban60(*) fait rebondir la véracité et la pertinence des ces paroles de Georges Naccache : « Un Etat n'est pas la somme de deux impuissances, et deux négations ne font pas une Nation61(*). » 

Le grand dessein du Pacte fut de :

- libaniser les Musulmans, c'est-à-dire achever à contribuer à une société pluraliste,

- arabiser les Chrétiens, c'est-à-dire achever leur intégration dans le milieu arabe.

Il semble qu'il échoua. Le bilan fut un échec dans l'opération d'intégration nationale complète. Ainsi, il fut impossible de gagner les Musulmans à une libanité laïque, comme il fut impossible aux Chrétiens de s'inscrire arabes à part entière. Pour les premiers, l'Arabisme est leur être, pour les seconds, il est un devenir à construire.

De surcroît, l'idée du Liban bâti sur une alliance entre des Chrétiens et des Musulmans en 1943 s'inscrivait dans une perspective féodale, bourgeoise, d'inégalité sociale. Des fortunes colossales côtoyaient un monde de va-nu-pieds. Le Pacte a laissé en suspens l'organisation économique et sociale qui doit régir les rapports des groupes communautaires. En termes non confessionnels, on peut d'ores et déjà, faire valoir des réclamations confessionnelles. Le problème social sert alors de prétexte.

« Nous ne pouvons pas isoler, dit le président Chéhab, un de nos conflits fondamentaux, du problème social. Nous ne pouvons guérir aucun mal, ni réaliser aucun bien, durable et fixe, sans que nous ayons la possibilité de résoudre nos problèmes sociaux d'une façon sérieuse et durable. A cette fin, je vous ai invité et je vous invite sans cesse à voir, dans les efforts fournis pour résoudre notre problème social, le fondement du devoir démocratique et la consolidation de la liberté62(*). »

Le président Chéhab donnera au Pacte National un contenu social qui fut longtemps négligé. Un Pacte National n'est possible qu'avec une planification et donc une répartition équitable du revenu national. Le problème social ne fut plus dissocié du problème politique.

2,1- Le régime politique libanais : une monarchie oligarchique à prédominance féodal-politique.

Le régime politique libanais peut dans son application pratique être rattaché au régime monarchique. Bahige Tabbara, dans « Les forces actuelles au Liban » a soutenu en 1954 que « la réalité du pouvoir au Liban réside entre les mains du président de la République et derrière une façade de démocratie parlementaire on assiste à un quasi-absolutisme du chef de l'Etat. »63(*)

Charles Rizk a écrit dans «Le régime politique libanais » que le président de la République libanaise est « l'héritier du Haut-Commissaire français, du Gouverneur ottoman et de l'Emir libanais. Une tradition séculaire de pouvoir personnel et du culte oriental de la puissance incarnée dans la personne du Chef. »64(*) 

Si le régime libanais dispose à sa tête d'un roi non couronné qui personnalise le pouvoir durant son mandat, ce régime n'est pas pour autant une monarchie autoritaire. Jacques Nantet a mentionné dans «Histoire du Liban » que « les Libanais ont choisi la République en vue d'éviter la monarchie.»65(*)

Michael Hudson a noté que le régime libanais qui contient « des éléments confus qu'il est extrêmement difficile de classifier dans les typologies en vigueur », ne peut prendre nullement la forme d'une « oligarchie totalitaire.»66(*) 

H. & P. Willemart ont souligné aussi dans « Dossier du Moyen-Orient » que le régime politique libanais qui possède « le prestige de l'originalité » est une hétérogénéité67(*) indivisible formée d'un « style monarchique » et d'un « parlementarisme pluraliste.»68(*)

Michel Chiha avait classifié le régime politique libanais comme étant une « dictature oligarchique »69(*), et Hudson comme une « démocratie oligarchique.»70(*) Le régime libanais n'est pas en effet, une monarchie totalitaire ou autoritaire mais une monarchie oligarchique.

Hudson distingua en effet trois piliers qui forment l'oligarchie libanaise : le clergé, les commerçants et les descendants des familles féodales. Si Hudson a évoqué le rôle du clergé, des commerçants et des féodaux, il a cependant négligé le rôle important de la presse, il a écarté l'influence des commerçants, des banquiers et des industriels et surtout de l'armée qui a joué un rôle particulièrement important durant la période 1958-1970.

L'oligarchie libanaise est formée des communautés religieuses, des descendants des familles féodales, des forces capitalistes, de la Presse et de l'Armée.

Le Liban est en fait « une mosaïque de communautés religieuses ». Nous employons mosaïque au sens figuré qui est: « une juxtaposition d'éléments divers et nombreux » dans une perspective politique et institutionnelle et non pas sociale car loin d'être simplement juxtaposées dans une rencontre actuelle, elles sont de longue date incluses et imbriquées dans une construction durable, éprouvée par le temps.

Comme l'indique Pierre Rondot dans « Les communautés dans l'Etat libanais », que « cette formule évoque certes, de façon frappante, la diversité libanaise ; mais elle laisse, à tort, l'impression arbitraire, combinant des éléments disparates réunis par un ciment artificiel. »71(*) De même, nous ajoutons que cette formule laisse entendre que les barrières communautaires sont infranchissables et intangibles. « Mieux vaut dire, sans doute, que le Liban a été façonné par l'histoire comme un ensemble de communautés, actives de longue date dans tous les domaines de la vie étatique et publique, et par là même fortement associées. »72(*)

Pierre Rondot a cité dans « Les institutions politiques du Liban » que la montagne difficile d'accès et facilement défensable et qui évoquait « un profil d'une fortification classique, avec glacis, contrescarpe, fossé, rempart »73(*) a « servi de refuge à différents groupes religieux. » 74(*) La thèse de la Montagne-refuge défendue par Henri Lammens75(*) qui considère que pendant l'époque islamique le Liban offrait un refuge montagnard pour les persécutés en Syrie ; est critiquée par Kamal Salibi en tant qu'elle est devenue « un article de foi. »76(*) Kamal Salibi sans pour autant démentir la thèse de Henri Lammens considère que « les ancêtres de la plus grande partie de la population du Mont-Liban et de ses environs immédiats n'arrivèrent pas au Liban en fuyant les persécutions en Syrie. A l'époque islamique, ils étaient déjà établis localement, comme d'autres tribus et clans arabes avant l'Islam, pour certains d'entre elles peut-être dès le troisième siècle. »77(*)

Oubliant les querelles historiques. Parmi les 17 communautés reconnues officiellement (maronite, grecque-orthodoxe, grecque-catholique, arménienne-orthodoxe, arménienne-catholique, chaldéenne-catholique, chaldéenne-nestorienne, syriaque-orthodoxe, syriaque-catholique, latine, protestante, Israélite, sunnite, chiite, druze, israélite et alaouite)78(*) six seulement ont eu, cependant, accès au pouvoir politique depuis l'instauration du régime confessionnel, au Liban, par Chékib effendi, ministre ottoman des Affaires Etrangères.

Les (tartibates) «arrangements» de Chékib Effendi du 22 juin 1845 qui avaient consolidé le régime des deux districts dans la Montagne (Nazam al Kaem-makamiyateyn) (accord du 7 décembre 1842), avaient établi une Assemblée de notables, composée de deux maronites, deux druzes, un sunnite, un grec-orthodoxe, un grec-catholique et un chiite79(*).. Ce dosage n'a connu, 130 ans plus tard, qu'un changement minime, à savoir l'affaiblissement de la communauté druze et sa substitution par la communauté sunnite. Les deux règlements organiques du 9 juin 1862 et du 6 septembre 1864 et les huit «Protocoles» du 27 juillet 1868, 22 avril 1873, 8 mai 1883, 15 avril 1892, 14 août 1892, 27 septembre 1902, 7 juillet 1907 et 23 décembre 1912, adoptés par le représentant de la Sublime Porte ceux des cinq Grande Puissances80(*) (France, Grande-Bretagne, Prusse, Autriche, Russie) ont consacré le régime confessionnel établi par Chékib effendi.

Fernand L'Huillier a écrit dans «Le Moyen-Orient contemporain (1945-1958) » que «le Liban politique moderne à des caractères qui remontent à 1860 seulement. Auparavant les fiefs constituaient l'assise de l'autorité des émirs dans un Liban cohérent et fort, refusant de mêler religieux au politique. Depuis, l'Europe et la France (régime du Mandat) ont donné une assise confessionnelle à un Liban désormais privé d'unité interne. »81(*)

Michel Chiha avait souligné en 1952 dans « Politique intérieure » : « Comme en Suisse, il y a des cantons, au Liban il y a des communautés confessionnelles associées. Les premiers ont pour base un territoire, les seconds seulement une législation.»82(*)

Ghassan Tuéni, ancien ministre et ancien représentant du Liban à L'ONU, a, en outre, noté que «l'Etat de l'indépendance a été bâti à la remorque des communautés. »83(*)

Elizabeth Picard souligne que le Liban est « de tous les pays arabes d'aujourd'hui (...) celui qui a le mieux conservé la tradition ottomane de la division sociale et politique en communautés. »84(*) Pierre Rondot rappelle ici que « dans le système libanais, les communautés sont égales en droits, et qu'un citoyen libanais peut librement et en tous sens passer de l'une à l'autre, caractéristiques qui manquaient au système ottoman marqué par la prépondérance et l'exclusivisme de la communauté musulmane. »  

L'emprise des communautés est en effet, de plus en plus grande à mesure que l'Etat faiblit, d'autant que ces communautés jouent le rôle des partis politiques ; le pouvoir politique libanais ne peut se passer de l'autorité multi-communautaire. Georges Corm, souligne que l'Etat n'a jamais pu acquérir une existence autonome car la classe politique trouva plus aisé de tirer son pouvoir des appareils communautaires, et « ces appareils communautaires tirent eux-mêmes leurs forces de leur puissance économique, de leur influence au travers des institutions spirituelles et éducatives, et de leurs liens avec les forces externes régionales et internationales.»85(*)

Joseph Aboujaoudé cite à juste titre dans « Les partis politiques » que « les structures qui sous-tendent les fondements de la vie libanaise sont d'ordre communautaire ou plutôt d'ordre politico-communautaire. Au lieu de marquer une évolution vers un dépassement de ces structures, les appartenances se rabattent, dans l'opération de choc et de contrechoc, sur les structures elles-mêmes. Une dysfonction entre le pouvoir politique et les groupes communautaires apparaît. Chacun d'eux cherche le monopole de la scène politique. »86(*)

Il est, toutefois, possible d'affirmer que le féodalisme politique présente le caractère dominant dans la hiérarchie de l'oligarchie libanaise. Depuis les années 1930, jusqu'à aujourd'hui les mêmes personnalités politiques ou leurs enfants ont le monopole quasi exclusif de la vie politique officielle du pays. Pierre Rondot a précisé dans « Destin du Moyen-Orient » que « le maintien de l'équilibre traditionnel à l'intérieur du Liban conduit à préserver le rôle non seulement socio-politique des communautés religieuses mais l'influence des notables quasi-féodaux et des clans. »87(*) Joseph Moughaizel a de même souligné que « le régime féodal qui a régi le Liban tout au long de son histoire, s'est perpétué jusqu'à nos jours.»88(*)

Le système politique continue d'être géré par des élites déjà présentes au temps du Mandat français malgré les très graves crises qui l'ont secoué89(*). La totalité du système repose sur la protection (himaya, wasta) que chacun obtient de quelqu'un d'autre auquel il accorde en échange du pouvoir ou de l'argent. Yves Schemeil précise que « les élites politiques Libanaises ne sont pas dégagées par le mérite, mais par leur connaissance des règles du système patrimonial.» 90(*)

Si le féodalisme politique est héréditaire, il se distingue, cependant, du féodalisme traditionnel par le fait qu'il n'a pas comme fondement la propriété agricole mais la pression politique.

Le féodalisme politique, comme groupe de pression, peut prendre soit la forme tribale (Jaafar, Dandache), soit familiale (Assaad, Osseirane, Zein, Frangié, Arslane), soit terrienne ( Iskaff ), soit mercantiliste ( Salha, Sehnaoui, Aboou-Adal, Najjar, Trad, Majdalani, Murr, Bustani ...) ou encore peut se cantonner à l'intérieur des partis politiques91(*) ( la famille Eddé à l'intérieur du parti du Bloc National, de la famille Joumblatt à l'intérieur du Parti Socialiste Progressiste, de la famille Gemayel à l'intérieur du parti des Phalanges, de la Famille Chamoun à l'intérieur du Parti National Libéral, de la famille khoury à l'intérieur du parti de l'Union Constitutionnelle.)

L'influence pesante de ce caractère laisse quelquefois à ces « zams », « ras », « beys », « émirs » ou « cheikhs » la possibilité de se heurter au président de la République. La confrontation peut être soit violente et entraîner des engagements sanglants dans le pays, comme ce fut le cas en 1958, soit non-violente, le président préférant se démettre de ses fonctions (Béchara El-Khoury en 52) ou encore refuser de se faire réélire. (Fouad Chéhab en 1964 et 1970)

La presse joue un rôle important, le Liban étant souvent qualifié de « nation de journalistes ». Une multitude de journaux quotidiens et hebdomadaires sont publiés à Beyrouth et plusieurs agences d'informations locales, arabes et étrangères y sont installées.

L'influence des industriels et des commerçants est considérable. Les ressources de la prospérité libanaise résident dans les activités commerciales qui ont « contribué à créer des facteurs positifs de développement, comme pas un parmi tous les pays venus récemment à l'indépendance92(*). » Kamal Joumblatt avait déclaré que les « gouvernements successifs ont toujours représenté le pouvoir des commerçants.»93(*)

Voulant conserver ses intérêts politiques et économiques, l'oligarchie libanaise trouve avantage à conserver le régime politique, aussi bien le Pacte National que la Constitution, et à s'opposer à toute réforme du pouvoir. La tentative modernisatrice du général-président Fouad Chéhab ne sera-t-elle pas contourner par cette oligarchie même ?

Quant à l'Armée elle a été soucieuse tout au long de la période de 1945, date de sa création à 1975, date du déclenchement de la guerre civile, de respecter religieusement la Constitution. Le colonel Joseph Bitar a souligné que « la mission des forces armées se limite à protéger la Constitution libanaise.»94(*)

René Aggiouri a noté dans « l'Orient » que « le général Fouad Chéhab vouait à la Constitution un respect absolu. »95(*) Le président Camille Chamoun a, aussi, précisé dans son discours d'investiture, prononcé le 23 septembre 1952 à l'Assemblée96(*) que « le commandant en chef de l'armée, le général Fouad Chéhab est sincèrement attaché à la Constitution.»

C'est avec l'appui de l'armée et le ralliement de l'oligarchie libanaise à l'ordre civil et son soutien à l'ordre politique que l'Etat a pu préserver la Constitution. Mais quand le président Chéhab optera pour la réforme du système avec l'appui de l'armée, les autres composants de l'oligarchie libanaise lui barreront la route.

Chapitre II :

Le chéhabisme ou la construction de l'Etat de l'indépendance

Section É : - La naissance, la philosophie et la stratégie nationale du chéhabisme.

1- La naissance du chéhabisme

1,1-La crise de 1958

En 1958, le Liban fut plus que jamais concerné par son contexte régional (constante historico-géographique) : en accord avec le projet d'aide américaine et situé entre deux unions (Egypte-Syrie, Irak-Jordanie), il fut un enjeu régional disputé. La R.A.U. trouvant nécessaire de briser l'entente pro-occidentale qui l'étouffait, aurait trouvé doublement bénéfique de briser cette entente et de gagner pour commencer le Liban à l'union. Pour cela il fallut préparer le terrain. Ainsi, prit naissance « une guerre civile » qui rappela celles du XÉXe siècle.

La guerre de Suez a été la charnière de la politique nassérienne celle de la rupture avec l'Occident. Le président Chamoun ne s'est pas rallié à côté de l'Egypte en refusant de rompre les relations diplomatiques avec la France et l'Angleterre. Il avait déclaré : « Je retire les ambassadeurs, mais je ne romps pas les relations diplomatiques. Je ne pars pas en guerre97(*). »

Dès les premières semaines de 1958, il apparaît que le problème de l'échéance présidentielle va se situer au centre du débat politique, avec pour toile de fond le conflit sur les options pro-occidentales du gouvernement et le bouleversement du statu quo régional résultant de la création de la République Arabe Unie.  

Les Libanais étaient divisés politiquement entre les adhérents à la politique du président Chamoun et de Charles Malik98(*) qui était en harmonie avec l'alliance de l'Occident contre le communisme et avec les alliances militaires occidentales au Proche-Orient et les opposants à cette politique qui supportaient le nassérisme et son alliance avec les pays socialistes. Pour les masses arabes qui avaient vécu le rêve manqué à Versailles en 1918, le rêve de la révolte et du royaume de Faysal, c'était Nasser qui, après la débâcle de 1948, allait ramener, pour ainsi dire, l'Empire égaré.

Georges Naccache écrit le 5 avril 1958 : « Chaque fois qu'a surgi un prince ou un soldat en qui les masses ont cru voir le fédérateur des terres arabes, il a cristallisé sur son nom toutes les espérances de l'islam proche-oriental. Cet « ultra-montanisme » de l'Islam sunnite est un fait. »99(*) 

De même le pays était divisé confessionnellement car la plupart des chrétiens étaient pro-chamounistes et la plupart des opposants étaient des musulmans. Jacques Nantet rapporte que 60 %100(*) de la communauté maronite (les Phalanges constituaient l'ossature de la masse des loyalistes) était favorable à la politique de Chamoun. On peut nuancer, en disant non pas « les chrétiens » et « les musulmans », mais les vocal christians et les vocal muslims, autrement dit les ténors de part et d'autre. Car même à ce moment-là, dans la fièvre de 1956-1958, il y avait un parti de la raison, « la Troisième force»101(*), ceux qui refusaient de s'aligner sur les positions extrémistes.102(*)

Contre les deux politiques extrêmes, la Troisième force a fini par se constituer en groupement politique à majorité chrétienne, mais avec des musulmans modérés qui croyaient désamorcer la crise en s'opposant à l'union du Liban avec la République Arabe Unie.

Face au refus du président Chamoun qui ne voyait pas dans l'intérêt du Liban de rompre avec l'Occident, l'Egypte a encouragé ses sympathisants musulmans pour former une opposition farouche contre le pouvoir au Liban. Par le fait le président Nasser mettait en cause le traditionnel agencement politico-confessionnel du Liban.

Kamal Salibi confirme qu' « il était clair dès le début que l'Egypte était derrière l'insurrection de 1958.103(*) » En effet, les révélations sur les troubles de 1958 et le rôle de la R.A.U. ont été publié par la presse de Damas le 30 août 1962104(*).

Cependant Bassem El Jisr dans « Fouad Chéhab, cet inconnu » fait la nuance entre le rôle de Nasser et celui de la Syrie. Il considère que « Nasser ne voulait pas changer les bases de système politique libanais et ne cherchait pas à rallier le Liban à la R.A.U. (...) il voulait empêcher le renouvellement du mandat Chamoun. »105(*) Et accuse clairement les services secrets syriens de transformer les voeux de Nasser en révolte armée.

Si l'assassinat de Nassib Metni fut l'étincelle qui déclencha la crise, et la volonté de reconduction du mandat Chamoun son élargissement, le terrain était largement préparé par Nasser, car une étincelle ne déclenche jamais un feu dans une forêt humide où ne souffle aucun vent. Les musulmans libanais dans leur majorité attirés par la R.A.U., se heurtent aux chrétiens, généralement favorables à la politique de Chamoun. Le Liban a été menacé dans son entité et son existence même. Les unionistes qui voulaient réduire le Liban à une étoile sur le drapeau de la R.A.U. étaient dirigés par Saêb Salam, Rachid Karamé (sunnites), Sabri Hamadé et Ahmed el-Assaad (chiites), Kamal Joumblatt (druze) et disposant d'alliés dans le camp chrétien (Sleiman Frangié, le patriarche Méouchi) bénéficiaient de l'aide financière de la R.A.U. qui de plus, leur fournit des armes et même des combattants à travers la frontière syrienne. La propagande égyptienne accusait le président Chamoun de trahir non seulement la cause des Arabes, mais aussi celle du peuple libanais. En cela, Nasser reste fidèle à sa praxis consistant à dresser l'opinion publique contre ses dirigeants dans tous les Etats arabes qui ne s'alignent pas sur le Caire.

Carte 2 : les zones insurgées en 1958106(*)

Comme il est visible dans la carte qui précède, l'insurrection déclenchée va s'étendre très vite à l'ensemble des villes et régions à population musulmane ou majoritairement musulmane : Saida, Tyr, au Liban-Sud, le Chouf, au Mont-Liban, une grande partie de la Bekaa et du Akkar limitrophes de la Syrie. Les insurgés contrôlent près de deux tiers du territoire libanais. Ils y font la loi et instituent même, comme au Chouf, des tribunaux de campagne qui rendent la justice107(*).

Beyrouth se transforme en ville fantôme en raison du couvre-feu nocturne décrété par le commandement de l'armée. Les nuits sont sinistres, ponctuées de déflagrations ou de longs échanges de tirs. Les routes sont désertes, seules des feuilles mortes se laissent balader par le vent.

Se ralliant à la doctrine Eisenhower, Camille Chamoun en vint à faire appel à la VIe flotte américaine le 14 mars 1958. Les marines108(*) accostèrent dans le port de Beyrouth109(*) le 15 juin 1958110(*), et des troupes britanniques se posèrent en Jordanie.

On a longtemps considéré que les Américains n'étaient intervenus qu'à cause de l'Irak. Selon Irene L. Gendzier dans son livre « Notes from the Minefield » 111(*), qui se fonde sur des archives américaines défend la thèse contraire : les Américains ne sont intervenus que pour appuyer leur politique libanaise mise en place des 1943. De même Edouard de Tinguy affirme que « le rôle des Américains est de protéger le régime légal libanais de toute déstabilisation interne ou externe.»112(*) 

Heureusement, l'évolution de la politique internationale va contribuer à l'équilibre auquel vont parvenir peu à peu les Libanais. La R.A.U. fut attaquée par une union hachémite entre la monarchie de Jordanie et d'Irak. L'appui de la R.A.U. à la crise de 1958 était entre autre pour contourner cet encerclement dont elle se voit victime.

Le coup d'état en Irak le 14 juillet 1958 fit balancer le statu quo en se déclarant favorable à l'Unité arabe. A travers la crise de 1958 au Liban et le coup d'état en Irak, les intérêts des puissances occidentales étaient en péril. La chute de la monarchie hachémite d'Irak avait de quoi inquiéter les Occidentaux...

Le pacte de Bagdad113(*) était donc mort, permettant par le fait une poussée du nationalisme arabe. Mais au lieu de rentrer en conflit avec le nationalisme, les Etats-Unis se sont entendus avec le président Nasser pour résoudre la crise du Liban en appuyant le général Chéhab à la première investiture.

De manière générale, cet accord symbolise la politique dans le Moyen-Orient depuis la fin des années cinquante jusqu'au milieu des années soixante dix. Cette politique reflétait les intérêts communs des Etats-Unis et des régimes arabes, tous deux veulent en finir avec le colonialisme, le premier pour le remplacer, les seconds pour s'en débarrasser, et tous deux sont anti-communistes.

Par conséquent, le régime de Chéhab fut à la fois pro-américain et entretenait de bonne relation avec la R.A.U. même après la séparation en 1961. L'Occident avait besoin de militaires au Liban aussi, d'un militaire de droite, face aux régimes militaires gauchisants et potentiellement tous anti-américains. Chéhab remplissait ces conditions : il tenait l'armée, seule force de stabilité, la milice la plus puissance - disaient certains -, si une confrontation devait intervenir. De plus, bien que de formation française, Chéhab ne pouvait être que pro-américain. Washington a qualifié Chéhab de « meilleur espoir» pour le retour de la paix au Liban.

Si les causes affichées de l'insurrection sont l'orientation de la politique étrangère, et la reconduction du mandat du président Camille Chamoun, la crise (révolution, guerre civile) de 1958114(*) fut l'accouchement de causes plus profondes qui remontent à :

- la création du Grand-Liban en1920 et la réclamation des populations musulmanes à intégrer la Syrie,

- les musulmans ont refusé de participer à la rédaction de la constitution en 1926,

- En 1943, tout en affichant leur loyalisme au Liban, les musulmans restèrent nostalgiques de l'union. Pour les musulmans au Liban les masses arabes qui avaient vécu le rêve manqué à Versailles en 1918, le rêve de la révolte et du royaume de Faysal, c'était Nasser qui, après la débâcle de 1948, allait ramener, pour ainsi dire, l'Empire égaré.

- Le libéralisme économique a donné naissance à une oligarchie chrétienne qui détenait le pouvoir à l'intérieur de l'Etat. Les musulmans préférèrent donc être dominés par un leader arabe et musulman que par une oligarchie libanaise chrétienne.

- La corruption et l'inefficacité de l'Administration publique qui reste une des principales tares de l'Etat libanais.

1,2- La neutralité de l'Armée

En général, la troupe se montre avant tout soucieuse d'éviter d'être directement impliquée dans les combats. Son commandant, Fouad Chéhab, à tout particulièrement à coeur de préserver sa cohésion, de l'empêcher d'être contaminée par les querelles confessionnelles, risquant ainsi la désintégration à son tour.

Bassem El Jisr révèle qu'avant l'insurrection de 1958 de quelques mois, le général Chéhab avait confié à un officier du Deuxième Bureau de faire un sondage d'opinion dans le but de relever la position des officiers sur quatre points relatifs à la crise politique entre le président Chamoun et l'opposition. « Le président Chéhab m'a confié continue El Jisr, que les résultats de ce sondage ont été la principale cause qui m'a poussé à éloigner l'armée de cette profonde crise nationale115(*). » L'armée, en effet, est restée «la grande muette. »

Cela vaudra au général Chéhab d'être accusé d'avoir agi par perfidie, afin de se gagner la sympathie des adversaires du régime et de préparer ainsi le terrain à sa propre accession à la présidence de la République. Le procès d'intention fait, à Chéhab aura des séquelles graves dont les institutions du pays continueront à faire les frais bien des années plus tard.

Les causes profondes de la crise de 1958 et la compréhension personnelle du général Chéhab influenceront énormément le mandat présidentiel. Entre les deux extrêmes, seul le général Fouad Chéhab comprit cette crise d'après une perspective socio-économique qualifiée d' « idéale116(*) » par Kamal Salibi.

L'armée sous le commandement du général Chéhab a sauvegardé la légitimité de l'Etat, et a assuré une solution selon le critère du «ni vainqueur, ni vaincu ». Au Liban, écrit Ghassan Tuéni « il faut que les victoires des uns ne soient pas les défaites des autres117(*). »  En effet, le déroulement et les résultats de la crise dépendaient de l'utilisation ou pas de la force coercitive. La sauvegarde du système politique par le pouvoir militaire constitue une des principales caractéristiques du chéhabisme selon Georges Naccache : « Ce paradoxe politique - le sauvetage de la démocratie par le pouvoir militaire - est certainement le point central de l'expérience chéhabienne118(*). » 

Si les risques inutiles sont politiques, «la sagesse est militaire119(*) ». Une série de crises entre 1948 et 1958 ont poussé les présidents Khoury et Chamoun à faire appel à l'assistance du général Chéhab. Ce dernier coopéra durant la crise de Suez en 56, mais son refus de soutenir le président Khoury en 52 et le président Chamoun en 1958 a influencé énormément le cours des événements et accorda au général Chéhab le statut d'une forte figure politique, seule capable avec le consentement des différentes parties de stabiliser le système. La Constitution libanaise a laissé la relation entre la tête de l'Etat et le Commandant de l'armée au Liban ambiguë. Le président de la République demande la coopération du chef de l'armée au lieu de la commander.

Le général Chéhab jouait le rôle de l'arbitre dans la crise par le biais de la neutralité de l'armée. Les adversaires du général l'accuseront d'avoir ainsi voulu améliorer ses chances de succéder à Chamoun ; ses partisans assureront qu'il visait à préserver l'unité de l'armée et à sauvegarder les chances d'une réconciliation nationale.

La percée du général Chéhab dans l'arène politique a été favorisée par les divisions politiques, qui résultent essentiellement de la collision cyclique entre les parties politiques qui se disputent le pouvoir hors de l'arène démocratique.

Chéhab n'a pas eu besoin de faire un coup d'Etat ou de proclamer la révolution pour arriver au pouvoir ; la nécessité de son rôle stabilisateur pesait sur le compromis qui l'amena à la première investiture le 31 juillet 1958 avec 48 voix contre 7 pour Raymond Eddé.

Le caractère apolitique du général, loin d'être une barrière à la croissance de son autorité personnelle, lui a permis d'acquérir une popularité qu'il n'aurait jamais eu s'il était membre d'un quelconque parti politique.

Au cours de son fonctionnement normal, le système politique libanais n'aurait jamais pu emmener une personne telle que le général à la présidence120(*). C'est plutôt le dysfonctionnement du système politique qui fera émerger une personnalité apolitique, seule capable de redresser la situation.

La projection du général Chéhab sur la scène politique de cette façon, et son programme de modernisation montreraient que le système politique libanais, figé dans son fonctionnement, ne pourrait être modernisé que suite à des périodes de dysfonctionnement.

Chéhab va devoir redresser la situation et régler les conséquences des troubles. La tâche qui l'attend est difficile. Il doit recoller les morceaux épars d'un pays qui a frôlé un terrible naufrage, rétablir partout l'autorité de l'Etat, assainir les relations avec la RAU et à observer une neutralité entre les Etats arabes et les deux blocs mondiaux. Le Président va d'abord obtenir le départ des forces américaines débarquées en juillet 1958. Son programme exposé dans son discours d'investiture vise à rétablir le calme, reconstruire, dissiper la tension dans les relations avec certains pays arabes. Invitant les Libanais à réaliser l'unité nationale et les députés à respecter la Pacte national, il a annoncé des réformes et insisté sur le rôle de l'Etat qui doit assurer une justice égale pour tous, faire respecter les lois et les vertus morales, accroître la prospérité économique et le rayonnement culturel du pays.

Le général- président va réussir à calmer la situation et rétablir l'unité. Pierre Lyautey affirme que «lors du drame de 1958, si ce peuple avait été vieilli par sa longue Histoire, nous aurions assisté à un démantèlement, à une dispersion, les régions partant à la dérive rejoindre des constellations voisines. Nous allons au contraire constater un renforcement de l'Unité121(*) »

De même, Jacques Nantet dans « Histoire du Liban » considère qu'après l'oeuvre stabilisatrice du général Chéhab « le Liban est bien, de toutes les nations du monde, celle qui incarne le plus légitimement, sur le plan à la fois de la géographie, de l'histoire et de la politique, cette magnifique ambition de l'homme dont notre univers a aujourd'hui tant besoin pour survivre : la coexistence pacifique. »122(*) 

Ainsi naquit le chéhabisme de la crise de 1958 et accédera au pouvoir par la neutralité de l'Armée.

2- La philosophie du chéhabisme

Le concept de chéhabisme a été utilisé pour la première fois en 1960 par le grand journaliste libanais Georges Naccache123(*) au cours de l'une de ses conférences au Cénacle libanais intitulée «Un nouveau style : le chéhabisme ». Le chéhabisme en tant que style de gouvernement couvre la période de 1958, date de l'élection du président Chéhab, à 1970, date de l'échec du candidat chéhabiste Elias Sarkis à l'élection présidentielle et la victoire du candidat soutenu par le Helf 124(*) Sleiman Frangié.

Le chéhabisme en tant que style de gouvernement, en quoi est-il une philosophie ? Et qu'entendons-nous par la philosophie du chéhabisme ?

Le président Chéhab n'est pas un philosophe au sens que nous l'entendons pour Platon, Hegel, Kant, Sartre, ou Habchi. Le chéhabisme est plutôt une école de pensée politique. Les chéhabistes sont les personnes qui adhérent aux idées politiques de cette école.

Fadel Saïd Akl précise dans « La philosophie du chéhabisme » en 1964 que : « la philosophie dont je parle, est la relation du citoyen avec son existence et la relation du responsable politique avec ce dernier.125(*) » La philosophie du chéhabisme est donc une conception de l'Homme en face de la réalité et une conception du gouvernement de la Cité. Et Akl continue : « Cet homme (Fouad Chéhab) avant tout autre personne a réussi avec une ingéniosité visible à conférer au gouvernement au Liban une vision philosophique. Cette philosophie (...) est une science de la vie, une connaissance de l'Homme, une exploration de la Raison et du coeur, une prise de conscience de la réalité, une valorisation de l'espace, et une transcendance de l'Etre humain126(*). » L'homme-individu n'était pas traité seulement comme un moyen mais comme une fin.

Pratiquée au domaine de la politique, la philosophie du chéhabisme « a redonné une nouvelle vision à la cause libanaise en général, et à la Constitution, à la Nation, à la Patrie, à l'Etat, à la démocratie, à l'entité nationale, à la communauté, à la citoyenneté, à l'armée, au Pacte national de 1943, à la politique étrangère, à l'économie, à la construction, et à la société politique en particulier. »127(*)

Fouad Najjar écrit sous le titre de « le philosophe d'un Etat pour les causes de l'Homme » : « Dès que le président Chéhab accéda au pouvoir, il devint le philosophe de l'Etat, il se hâta pour mettre en place un programme à visage humain, à travers lequel il visait à résoudre tous les problèmes du citoyen libanais. »128(*)

Michael Hudson constate que pour la première fois, la présidence de la République est devenue la source d'une philosophie nationale. « L'Etat « uni » auquel aspire le chéhabisme, émane de l'idée d'union par la participation de tout les Libanais à un même projet collectif, qui nécessite une volonté collective. Chéhab est l'incarnation, le symbole et le garant de cette volonté collective qu'il a tenté de réaliser dans une nouvelle application du Pacte National, basée sur l'unité du peuple, et canalisée à travers un régime démocratique sauvegardé par l'armée. »129(*)

Pour comprendre l'essence de la philosophie du chéhabisme nous exposerons dans cette partie les convictions personnelles du général Chéhab ; sa relation avec le Père Lebret ; sa vision du développement et sa compréhension du système politique libanais.

2,1- Les convictions personnelles du président Chéhab.

La carrière militaire du président Chéhab lui a permis de constituer une connaissance profonde et importante des différentes régions du Liban, de leurs caractéristiques géographiques, et humaines, et surtout de leurs besoins économiques et sociaux. En tant que militaire, Chéhab a servi dans l'armée dans la plupart des régions libanaises, et y restait plusieurs semaines et parfois plusieurs mois130(*). Pour ces raisons, le président Chéhab était conscient plus que tout autre président de la situation du Liban et des souffrances des Libanais .L'histoire de la tribu Dandache de Hermel qui remonte à 1952, montre à quel point le général était conscient des besoins et des revendications socio-économiques des Libanais.

Le dialogue du « général » avec les chefs de la tribu Dandache a laissé un profond impact dans l'esprit du «président » au cours duquel ils lui ont dit : « Comment voulez-vous, que nous prenions conscience de l'existence de l'Etat dans nos régions qui souffrent du manque d'eau, et d'électricité, de l'absence des routes, du téléphone, des hôpitaux, et des projets de développement. (...) Nous vivons comme des étrangers dans notre propre pays. C'est pour ces raisons que nous nous soulevons contre l'Etat et que nous transgressons les lois... »

Bassem El Jisr rapporte que ces propos ont engendré chez le président Chéhab des sentiments de compassions envers les nécessiteux et la volonté de construire un Etat juste et moderne.131(*)

Quant aux lectures de Chéhab, la grande partie était dans les livres et les journaux français. A travers sa lecture permanente du « Témoignage Chrétien » français, porte parole de la branche progressiste dans l'Eglise catholique, le président Chéhab a réussi malgré une descendance noble et une carrière militaire, à s'ouvrir intellectuellement au courant occidental de la justice sociale que nous pouvons qualifier de courant social démocrate chrétien.

Ainsi, il fit appel à un prêtre français, le père louis Lebret - qui avait fondé un institut connu internationalement chargé d'effectuer des études sur les problèmes sociaux dans les pays du Tiers Monde et d'y proposer des solutions, pour étudier la situation socio-économique au Liban. Il a été mentionné que le président avait dit  que : (...) « les Libanais n'accepteront jamais l'idée de progrès et de développement que si elle est apportée par un ecclésiastique catholique chargé par le Pape, ce n'est qu'à ce moment, qu'ils l'aborderont de façon positive. »132(*) Et Bassem El Jisr rapporte d'après un dialogue avec Chéhab au cours duquel il lui confie : « ... si j'avais fait appel à un expert économique arabe, américain ou anglais, les maronites libanais auraient sûrement refusé.»133(*) 

Le président Chéhab n'a adhéré à aucune des idéologies politiques qui existaient au Liban, dans la région ou dans le monde. Mais il avait des convictions profondes et essentielles qu'il pratiquait dans sa vie publique et privée et influençaient énormément sa vision de la Chose publique. Ces convictions émanaient d'après ceux qui l'ont connu d'une foi profonde, du respect de la personne humaine et du refus de la violence.

En effet, les convictions du président émanaient de sa foi religieuse, et se sont renforcées et développées avec les idées du courant social démocrate chrétien qui est né en France après la seconde guerre mondiale et qui prônait une troisième voix entre le socialisme et le capitalisme. Son appel à l'expertise du père Lebret, le prêtre catholique dans le domaine du développement socio-économique, pour évaluer les capacités du développement du Liban « montre sa conviction et sa croyance dans les idées134(*) du courant social démocrate.»135(*)

2,2- Le Président Chéhab et le Père Lebret

Le président Chéhab, a adhéré à la philosophie du père Louis Joseph Lebret, directeur de l'I.R.F.E.D (Institut de Recherche et de Formation En vue du Développement), qui prônait une « économie à visage humain »136(*), capable de favoriser le développement continu, et la redistribution de la richesse en vue de réduire les clivages d'inégalités aussi bien sur le niveau social que régional.

Le président Chéhab a considéré que les inégalités socio-économiques sont la source principale des troubles et des tensions politiques, et constituent la principale problématique à régler. Ainsi, pour trouver une solution aux inégalités socio-économiques, le chéhabisme a évalué comme étant urgent de développer une nouvelle philosophie politico-sociale et de l'appliquer.

En réalité, la stratégie de la philosophie chéhabiste était d'édifier un partage équilibré du pouvoir, et une répartition égale de la richesse nationale entre les classes, les régions et les différents groupes sociaux de la société libanaise. Ceci au sein d'un ordre socio-politique moderne, libéral et démocratique. Et pour y accéder, il faudrait « favoriser une répartition plus égale de la richesse, et des services publics sur le plan social et régional. Redéfinir la conception de l'Etat, approfondir la relation entre le système politique et la société civile, en encourageant chaque citoyen à prendre part à l'élaboration et l'exécution de projets communs à l'échelle nationale137(*). » 

La planification est pour le président Chéhab une étape capitale dans la construction des Etats. Il développa cette conviction d'après son éducation militaire, et sa connaissance de ce qui se faisait en France après la seconde guerre mondiale. Ainsi, comme le général De Gaulle a eu recours au planificateur Jean Monnet138(*) pour reconstruire la France après la guerre, le président Chéhab a fait appel à l'expertise du prêtre français Lebret pour reconstruire le Liban après la crise de 1958. « Les Libanais dit Chéhab, se méfient de la justice sociale, du socialisme et du progrès, mais ils les accepteront d'un homme de religion car ils sont habitués aux sermons et aux discours religieux139(*). »

Le système politique libanais « pourri » a besoin d'une planification publique et générale pour stimuler la croissance économique et sociale, pour réformer l'administration, pour développer les régions périphériques, dans le but de renforcer l'idée d'un Etat unitaire et de l'appartenance à une Patrie. Le président Chéhab a refusé de commencer son mandat avant la mise en place d'une stratégie de développement équilibrée et harmonisée entre les régions et les communautés140(*).

La première relation entre le président Chéhab et le père Lebret à un caractère professionnel. Ce dernier a occupé le poste de conseiller économique principal auprès du président Chéhab de 1958 à 1964. Et entre le 6 Mars 1959 et le 26 Avril 1964, Lebret est venu 25 fois à Beyrouth dans des visites de travail, vingt d'entre elles sont reparties généralement sur une année entre 1960 et 1963141(*).

Durant cette période, le père Lebret a fait de son mieux pour le Liban allant jusqu'à refuser en 1960 l'appel de plusieurs Etats étrangers, et sacrifiant sa vocation d'instituteur au sein de l'IRFED.

Le père Lebret a consacré presque toute sa vie active aux questions de développement. La grande partie de ses oeuvres monumentales traite des problèmes sociaux et économiques et sont influencées par la tradition chrétienne du thomisme et par le marxisme. Kamal Joumblatt l'a qualifié dans ses Mémoires de « prêtre rouge142(*) ».

Le père Lebret a eu comme maître à penser l'économiste français François Perroux143(*). « Il incarne pour le dominicain la grande figure de l'économie jusqu'à la fin de sa vie, le socle théorique de sa propre pensée dans ce domaine. Il est également le symbole de l'économie moderne pour beaucoup de jeunes intellectuels libanais (la génération des moins de quarante ans en 1958) qui participent à l'aventure de la planification chéhabiste144(*). »

En 1963, Lebret publia une de ces oeuvres théoriques « Pour une civilisation solidaire » dans laquelle il traite des grandes idéologies du siècle, telles le communisme, le capitalisme, et des problèmes relatifs au milieu ouvrier et campagnard d'après une perspective chrétienne générale145(*).

Cependant, ce sont ses oeuvres scientifiques autour du développement qui lui permirent d'être connu en France et dans le monde entier. Sa vision du développement qu'il décrit dans « Dynamique concrète du développement146(*) » a été pratiquée au Liban entre 1959 et 1964.

L'idée principale du livre considère que le développement ne devrait pas être une fin en soi, mais son but essentiel est le luxe (meilleure existence) de la communauté humaine. La fin du développement est de favoriser la croissance économique, sociale, sanitaire, culturelle, morale, civile et l'élimination du déséquilibre culturel qui reste l'obstacle capital devant le progrès des peuples sous-développés.

Répondant à une demande d'explication du président Chéhab des bases sur lesquelles la première mission de l'IRFED a été dirigée, le père Lebret précise la finalité du développement dans un communiqué envoyé en septembre 1960 dans lequel il explique que « (la fin du développement) est la série des étapes traversées par les différents groupes d'un peuple d'une situation de moindre humanité à une situation plus humanitaire147(*). »

La fin du développement pour lui, est la réalisation des capacités potentielles de l'humanité. Quand l'homme aura satisfait tous ses besoins, on pourra parler de développement général. Ce dernier s'accomplit à travers une harmonisation entre le secteur public et le secteur privé. Le président Chéhab a mentionné dans une lettre adressée au père Lebret le 10 novembre 1965 une « croissance sociale basée sur le libéralisme moderne, c'est-à-dire un libéralisme dirigé148(*). »

En réalité, la planification qui a été pratiquée au Liban a pris en considération l'importance du secteur privé dans le pays, en l'impliquant dans le processus de développement. Dans ces conditions, selon le père Lebret, le Liban conserverait sa tradition libérale et se mettrait sur les rails du développement. « Le Liban n'est pas un pays socialiste et ne le sera pas. Il est d'une importance cruciale que le secteur privé jouisse de son rôle.»149(*) Et précise encore que « le développement est un processus commun, dans lequel le secteur privé joue un rôle important et sans ce dernier la planification est impossible.»150(*) 

2,3- La vision chéhabiste du développement

Le rapport de la mission IRFED est venu confirmer l'idée du président Chéhab et de plusieurs penseurs avant lui à savoir que les conflits et les tensions politiques et confessionnelles au Liban ont pour principale cause le sous-développement socio-économique et le déséquilibre de croissance entre les classes sociales et les différentes régions.

«Le miracle libanais », et le développement visible d'une partie de la capitale cachaient des situations économiques et sociales dangereuses : d'une croissance démographique entre 2,3% et 2,7 %, à un important exode rural ; d'une large immigration, au monopole économique de la capitale, au déséquilibre du pouvoir d'achat entre les Libanais, au privilège du secteur des services sur les secteurs agricole et industriel, en dépit de la moitié des Libanais qui travaille ou vit de l'agriculture. Une des révélations de ce rapport est que : « le déséquilibre du pouvoir d'achat et de la qualité de vie entre les régions campagnardes et les quartiers populaires dans les villes, qui regroupe une population à majorité sunnite et chiite est criant par rapport au pouvoir d'achat et à la qualité de vie de la bourgeoise et des classes moyennes vivant dans Beyrouth, et dans les villes et les villages à majorité chrétienne.»151(*) 

La mission de l'IRFED ne s'est pas réduite au premier rapport mais elle a été chargé une deuxième fois en 1961 dans le but de proposer les solutions réelles, les projets et les lois nécessaires à la réalisation du développement socio-économique général du Liban. Chéhab va consacrer la durée restante de son mandat pour réaliser la stratégie et les projets du développement socio-économique que la mission IRFED allait proposer.152(*)

Le père Lebret a remis un rapport résumé en deux parties qui contient une étude générale sur les capacités matérielles et humaines du pays. Ainsi qu'une étude sur les besoins des différentes régions pour accéder à un degré de développement satisfaisant. Ce rapport a voulu mettre fin à l'improvisation et à l'anarchie dans la construction et dans l'exécution des projets sur tous les niveaux, et à l'ingérence des leaders politiques qui privilégient leurs intérêts privés à l'intérêt public. Le rapport de l'IRFED a été un tournant historique car il a mis les bases pratiques de la pensée de tout développement général et équilibré.

Les centres de polarisation étaient l'axe central autour duquel se développait la vie sociale, les communications et les administrations gouvernementales. Cette polarisation va préparer à une décentralisation de manière à favoriser le développement.153(*)

Le problème social était le souci principal du président Chéhab, et les principales manifestations de ce problème étaient l'exode des habitants des campagnes vers les villes dans une quête de travail et de meilleure vie, à côté de leur regroupement dans les banlieues et les quartiers des villes dans des situations de logement et sanitaires inacceptables. Ainsi, il pratiqua une politique sociale exécutée sur des étapes, sous forme de stratégie quinquennale, dans le but de développer les campagnes pour emmener leurs habitants à y rester en leur fournissant des conditions de vie dignes de ce nom.154(*)

L'un des motifs de l'intérêt du président Chéhab pour le développement des régions éloignées et des compagnes était sa prise de conscience et sa conviction que les causes de la crise de 1958 et du soulèvement des musulmans contre l'Etat étaient des causes essentiellement sociales en plus des causes politiques, idéologiques et confessionnelles.155(*)

Il fonda dans la première année de son mandat, l'office du développement social pour s'occuper des orphelins, à côté de centre sociaux régionaux qui se chargeaient d'effectuer des études sur les problèmes sociaux locaux, et d'entraîner les habitants de ces régions sur l'assistance et l'aide sociale. Ce bureau contenait un grand nombre de volontaires, et l'une de ces principales missions était l'encouragement du travail manuel et de la production artisanale locale.156(*)

En outre, le souci social ne fut pas uniquement tourné vers les campagnes et les régions périphériques, mais il a inclus les banlieues des grandes villes, et notamment la banlieue sud de Beyrouth, où se groupaient une dizaine de milliers de réfugiés venus des montagnes, des réfugiés palestiniens et des travailleurs étrangers dans des conditions misérables, allant jusqu'à appeler la banlieue de « ceinture de misère ».157(*)

Beyrouth et les grandes villes du Liban étaient ceinturées par la misère, et les classes moyennes des villes avaient un bas niveau de vie, de même les revendications ouvrières et syndicales étaient très intenses à la fin des années cinquante.

L'une des initiatives sociales du président Chéhab pour résoudre le problème social fut l'augmentation du niveau minimal du salaire de 94 à 125 Livres Libanaises, et la fondation d'une organisation chargée de poursuivre le problème des salaires et sa relation avec la cherté de la vie. Comme il promulgua une loi relative aux travailleurs étrangers pour protéger la main d'oeuvre nationale.

Naturellement ces réformes ont été bien accueillies par les syndicats ouvriers. Mais elles ont été refusées par les patronats et la bourgeoisie commerçante.158(*)

2,4 - La compréhension chéhabiste du système politique libanais

Le président Chéhab a remarqué que la société libanaise était une société troublée, dans une étape de transition, traversée par l'individualisme aigu et le confessionnalisme. Cet individualisme confessionnel reviendrait à la longue occupation du pays qui a favorisé la protection individuelle à laquelle le Libanais a eu recours lors de l'absence des organes de sécurité nationale. « Il est naturel que cette nécessité prenne un aspect religieux, lorsque la communauté constitue un groupement alternatif et acceptable, capable de faire face à l'agressivité de l'étranger. Puisque, dans les moments de danger, l'individu ne se sent en sécurité qu'au sein de la communauté qui partage ses convictions religieuses et ses sentiments.»159(*) 

Ainsi, avec l'éloignement entre les citoyens et l'affaiblissement du pouvoir, le libanais s'est habitué à confronter lui-même ses problèmes ou à travers son appartenance primaire, sans recourir à l'autorité de l'Etat. Le chéhabisme a compris que la naissance du sens civique et de l'entente nationale sont confrontées à des obstacles qu'il faudrait franchir de manière élaborée. Et que les différentes classes de la population sont concernées par les biens produits par l'économie nationale. Ainsi l'Etat chéhabiste a cherché à réduire les clivages entre la qualité de vie des différentes classes, en vue de les éliminer, en insistant sur le développement des régions périphériques.160(*)

En même temps, le chéhabisme se caractérise par la limitation du libéralisme de la société libanaise qui consacre le droit individuel. Cette limitation se concrétise à travers un ensemble de décisions et de mesures pour canaliser les initiatives privées et les intérêts individuels et anarchiques. L'Etat s'est imposé comme administrateur précisant la place et le but de chaque effort personnel. Le chéhabisme a cru à travers l'unité de ses citoyens en la mission de l'Etat qui ne peut se réaliser qu'à travers un développement général et équilibré. La politique de planification qui a été pratiqué pour stimuler le développement conserva le principe du libéralisme économique.

D'après ce principe, la stratégie chéhabiste a donné une plus grande efficacité à l'Etat pour pouvoir évaluer et ajuster la distribution des biens nationaux. Les titres de « coordination et de collaboration entre les ministères sur les bases d'une stratégie commune, de la réforme administrative et du développement des organes de décentralisation » « qualifient le style chéhabiste dans la quête des élites dans le but de leur permettre de remplir leur rôle, ce qui a conféré une dynamique au gouvernement et une énergie à ses organes administratifs. Cette politique a permis aux élites d'accéder aux hautes postes de l'Etat et aux grandes responsabilités publiques. Le président Elias Sarkis n'a pas été le premier de ces élites et ne sera pas le dernier.»161(*)

L'intérêt pour le dérèglement social qui touche le fin fond de l'entité nationale, provient de la croissance apparente du secteur banquier et commercial en dépit de ses répercussions positives sur la stabilisation monétaire et l'augmentation du PIB. De même, nous ne pouvons pas considérer cette croissance comme stable et constante parce qu'elle résulte des tensions et de l'inégalité entre les secteurs participant aux cycles économiques. Sans déroger à l'efficacité de l'initiative individuelle, la politique chéhabiste n'a pas hésité à intervenir de manière directe, et à occuper un rôle capital quand il s'agissait d'une question qui entravait à la constitution naturelle, matérielle ou culturelle du pays.

De plus, elle a construit des organes ayant pour rôle d'effectuer des études permettant à l'Etat de connaître la situation véritable du pays, et de contourner les fausses estimations qui mènent à la perte d'énergie et de temps.162(*)

Quant au niveau politique, le président Chéhab se posait la question sur l'essence de la démocratie libanaise, et à cette question répond un des piliers du chéhabisme en 1960 : (...) nous nous flattons de l'être. Nous croyons l'être. Et peut-être bien que dans un certain sens, nous le sommes en effet (...) le Liban apparaît comme le dernier îlot de la liberté, et le dernier refuge de la libre critique et de la libre expression. Que notre démocratie soit assez singulière, qu'elle repose encore essentiellement sur des structures féodales et tribales qu'il lui manque la base même de tout régime parlementaire : des idéologies politiques représentées par des partis organisés à l'échelle nationale. »163(*)

La démocratie libanaise n'a pu survivre qu'en raison d'un système de négociation qui a abouti à la remise des affaires de l'Etat et des conflits du pouvoir entre les mains d'un seul homme. Ceci a été imposé par l'édifice socio-politique de cette démocratie, qui se caractérise par les divisions communautaires qui ont empêché la mise en place de partis politiques para-confessionnels à l'échelle nationale.

Ce cumul historique qui a mené à l'amplification du pouvoir présidentiel et qui a fini par devenir énorme, reste antérieur à 1958. Cette augmentation du pouvoir du président de la République n'a pas été atteint par la violence ou par une prise du pouvoir par la force, ou engendré par des conditions extraordinaires, mais elle a été le fruit des pressions relatives aux nécessités profondes reliées à la construction du pays même. Ce qui a donné naissance à un pouvoir, non « ...pas de plus en plus personnel mais symbolisé par une seule personne.»164(*)

3 - Les principes du chéhabisme

Le président Chéhab ne possédait pas une théorie générale de la politique et de la sociologie. Ses convictions étaient un ensemble d'idées acquises par ses différentes lectures, ses prises de positions et par les événements réels qu'il a vécus.

Cependant, l'absence de telles théories ne veut pas dire que l'exercice direct de la politique était une simple réaction aux situations qui se présentaient ou une improvisation. Parce que, les critères de cet exercice se basaient sur une appréhension morale de la politique, d'un côté, et de la prédominance de l'idée de l'Etat et de ses intérêts, de l'autre.

Le président Chéhab avait une vision humaniste de la société, était épris de justice, et rangé du côté du développement comme il le comprenait. Son mandat présidentiel se différencie des autres mandats présidentiels par plusieurs caractéristiques. L'une de ces caractéristiques est la personnalité non-politique du président Chéhab, sa relation atypique avec le milieu politique, son style de gouvernement, ses principes relatifs à la Nation, aux problèmes sociaux qui se sont traduits en projets et en réalisations effectués sous son mandat. Ces principes se sont regroupés sous l'étendard du «Nahg » et tout ceux qui les ont intériorisés ont été appelés les « naghgistes ». Nous pouvons énumérer les principes du « Nahg » comme suit :

3,1- L'indépendance et la souveraineté

Le président Chéhab a toujours été attaché à l'indépendance et à la souveraineté nationale, en tant que commandant de l'armée et en 1958 quand il décida de tourner les canons vers les marines lorsqu'ils accostèrent sur Beyrouth sans la prévention ultérieure de l'armée. « Certains libanais considéraient les forces américaines comme une armée d'occupation, et un groupe d'officiers d'état-major décida de résister à notre intervention, écrit Robert Murphy. Nos fusiliers marins, après leur débarquement à l'aéroport de Beyrouth, gagnèrent la ville par l'unique route qui y conduit sans se rendre compte qu'une douzaine de chars y avaient été disposés avec ordre de tirer sur nos hommes. McClintock165(*), l'apprenant à la derrière minute, entra aussitôt en contact avec le général Chéhab et le convainquit de se rendre auprès de cette unité de chars avec l'amiral Holloway166(*) (...) Chéhab, arrive sur les lieux, donna l'ordre de ne pas faire feu et un accrochage tragique fut évité de peu. »167(*)

Le président Chéhab insista pour que son unique réunion avec Nasser tienne lieu sur la frontière syro-libanaise et non dans la Capitale. La discussion entre Chéhab et Nasser, débouche sur un accord verbal qui tourne la page des conflits et épreuves de force qui avaient masqué les relations libano-égyptiennes. Le président libanais s'engage à ne pas prendre parti contre la R.A.U. ni à essayer de la contrecarrer sur la scène régionale et internationale, et à suivre sur le plan de la politique étrangère une ligne de stricte neutralité, à revenir en quelque sorte à ce qui avait été l'option du Destour.

Il exige, en revanche, que l'indépendance, la souveraineté, l'intégrité et l'inviolabilité territoriales du Liban, ainsi que sa dignité, soient scrupuleusement respectées. A l'issue du sommet, un communiqué conjoint en trois points est publié. Les deux pays expriment leur « souci de raffermir les liens de fraternité et de collaboration fructueuse » qui les unissent et de « consolider leur indépendance, souveraineté et intégrité territoriale » respectives « dans le cadre du Pacte de la Ligue arabe et de la Charte des Nations unies » ; ils soulignent la nécessité « de renforcer la solidarité arabe, d'appuyer et de défendre la cause des Arabes » ; enfin, ils font état de leur détermination à trouver, dans les « délais les plus brefs, des solutions concrètes » aux problèmes économiques pendants entre eux.168(*)

Durant tout son mandat cet attachement était clair à travers les relations libanaises avec les pays arabes et les pays étrangers, et son refus de l'ingérence des ambassades arabes et étrangères dans la politique intérieure. Sur les critiques contre la grande influence de l'ambassadeur égyptien qu'on surnommait « le Haut-Commissaire », Bassem El Jisr répond que ces critiques étaient exagérées parce qu'à cette époque l'ambassadeur égyptien représentait Nasser qui était « le président de la R.A.U., un grand leader politique arabe et populaire qui influençait politiquement toutes les populations arabes à côté de la moitié de la population libanaise. Le président Chéhab ne pouvait que prendre en considération cette réalité qui n'affectait en aucune manière la souveraineté nationale, qu'aux yeux de ceux qui s'opposaient au nassérisme. »169(*)

Après la séparation de la R.A.U., et la mise en place d'un gouvernement syrien anti-nassériste la relation syro-libanaise sont passées par une étape délicate, le président Chéhab se trouvait tiraillé par le conflit entre Damas et le Caire. Cependant, la politique chéhabiste s'attachait à la solidarité et à l'appartenance arabe du Liban, mais son attachement à l'indépendance et à la souveraineté était beaucoup plus profond.170(*)

3,2- L'union nationale

Le président Chéhab répétait continuellement dans ses discours des expressions telles que « l'Union nationale », « le Pacte National », «l'Entente nationale »... tout en prenant conscience que cette union devrait être bâtie à travers la démocratie et la justice sociale. Ainsi, il rappelle le 23 septembre : « rien n'est plus impératif pour les Libanais que leur préservation et leur attachement à l'union nationale, et rien n'est plus condamnable que sa destruction. »171(*)

Dans son premier discours à la Nation le 5 Août 1958, le président Chéhab insista que : « si cette unité n'a cessé d'être l'arme efficace grâce à laquelle le Liban a acquis son indépendance et consolidé sa souveraineté, elle demeure aujourd'hui comme toujours à travers le bien-être et la stabilité qu'elle assure, le fondement de tout acte nous permettant de réaliser nos objectifs nationaux. » 172(*)

De même le 20 septembre 1960, il considère que : « la principale garantie de l'indépendance de la nation, de la préservation de son territoire et de ses frontières est l'unité nationale de sa population. Sans l'unité nationale il n'y aurait jamais eu d'indépendance.»173(*)

Le président Chéhab voyait que l'unité nationale n'est pas simplement la volonté d'un vivre-ensemble ou la coexistence pacifique entre les communautés, mais se repose sur deux piliers essentiels, à savoir la démocratie et la justice sociale. Au cours de ses discours devant les officiers ou lors de la fête de l'armée, il insistait sur la démocratie, la Constitution, le régime parlementaire et la légitimité. Il dit dans l'un de ses discours que : « notre armée est une école de l'unité nationale, dans la pensée et la pratique, et a compris que la démocratie est une condition nécessaire à la survie du Liban, parce qu'elle symbolise et consacre notre unité. »174(*) 

3,3- La légitimité constitutionnelle

Le président Chéhab tenait à l'application de la constitution de façon fidèle et précise avant et après son élection à la première investiture. Depuis sa nomination à la tête de l'armée en 1945 avec sa coopération étroite avec le président Béchara El-Khoury et Riad El Solh jusqu'à 1952, au moment où les pays arabes assistaient à des prises de pouvoir militaires successives. Après la démission du président Béchara El Khoury et sa nomination à la tête du gouvernement provisoire, Chéhab pouvait accéder à la présidence s'il avait exprimé cette volonté devant la majorité des députés mais : « il avait dit sa fameuse phrase au président de la Chambre des députés qui était venu le consulter : que dit le livre (la Constitution). Nous appliquons ce que dit le livre à savoir que nous devons appeler les députés à élire un nouveau président. »175(*)

Durant la crise de 1958, alors qu'il était commandant de l'armée il protégea le palais présidentiel et les institutions nationales, mais refusa d'utiliser la force contre les insurgés. Il resta attaché à la légitimité et à la Constitution en refusant de commencer son mandat après son élection qu'avant la fin du mandat du président Chamoun. Son refus du renouvellement de son mandat en 1964 est venu confirmer encore une fois son attachement et son respect profond au texte de la Constitution.176(*)

Le président Chéhab redonna vigueur au Pacte national, car il était convaincu de la nécessite de répondre aux revendications des confessions musulmanes qui avaient réclamé la répartition égalitaire et communautaire dans les postes administratifs et la modification de la loi électorale pour qu'elle reflète une représentation communautaire plus équitable. Ainsi, la promulgation des décrets-législatifs en 1959, est venue « confirmé le système confessionnel et la perspective confessionnelle du Pacte national. »177(*) 

En effet, la nouvelle loi électorale a instauré la circonscription moyenne, relative à la Canmacamat après le refus des partis politiques pour la grande circonscription qui correspond à la mohafazat, et apporta des réformes au processus électorale (l'isoloir, la carte électorale178(*)).

Durant son mandat les gouvernements se formaient après les consultations des députés en confirmation avec la coutume politique et confessionnelle, et les élections législatives se passaient en leur temps. De même, son intérêt pour les élections municipales confirme sa foi en la démocratie et la décentralisation.179(*)

La presse a bénéficié de toute sa liberté durant son mandat, en dépit d'une courte période de censure imposée par des conditions extraordinaires. Aucune loi visant à réduire la liberté de la presse n'a été publiée, en fait, il refusa deux propositions de loi allant à l'encontre de la liberté de la presse, la première180(*) était pour le contrôle des ressources de la presse, et la deuxième visait à limiter le nombre des journaux.

3,4 - L'équilibre politique et socio-économique.

« L'équilibre était une des préoccupations intérieures. Ce mot sous-entend la présence de parties qu'il est difficile d'unir. Par conséquent, il faudrait favoriser l'équilibre entre elles181(*). » L'unité nationale pourrait être protégée des surenchères confessionnelles par l'instauration de l'équilibre communautaire et la répartition égalitaire dans les sièges ministériels, la représentation parlementaire et les postes administratifs. A côté de l'équilibre entre les droits et les compétences des chefs religieux dans le domaine du statut personnel, des aides sociales et du protocole. Ceci dans le but d'accéder à une unité nationale basée sur la citoyenneté, la justice sociale et le développement général et équitable, susceptible de permettre le dépassement du système communautaire. Ce qui exige une stratégie complète qui demande du temps182(*).

La loi électorale qui avait éloigné une grande partie des leaders musulmans traditionnels fut réformée, en augmentant le nombre des députés de 66 à 99. Le Caza fut admis comme circonscription électorale dans le but de réduire l'influence du féodalisme politique et de l'argent électoral. De même, à travers cette loi le député est élu par les voies des différentes communautés ce qui devrait les pousser à tenir un discours politique modéré.

Toufic Kfoury cite d'après Edmond Rabbath que : « la pensée du président Chéhab était dominée par l'idée de réduire l'injustice ressentie par les musulmans, ainsi il adopta la formule de la répartition égale des postes administratifs entre les chrétiens et les musulmans qui est une formule révélatrice de la réalité sociale libanaise183(*). »

De là provient l'application de la répartition égale des postes publics entre les chrétiens et les musulmans et puis la répartition proportionnelle de la part des musulmans entre les sunnites, les chiites et les druzes et de la part des chrétiens entre les différentes communautés chrétiennes. Le but de cette précision dans la répartition communautaire est « en plus de l'instauration d'un équilibre véritable dans les administrations publiques, la satisfaction des revendications des musulmans, le dépassement du système politique communautaire dans dix ou quinze années et la libéralisation de l'administration publique du confessionnalisme et du clientélisme politique184(*). »

De même, le président Chéhab a formé des gouvernements qui représentaient toutes les confessions, les régions et les groupes politiques, partisanes et parlementaires sur le critère du « ni vainqueur ni vaincu. » Les importants postes ministériels étaient répartis sur le critère de l'équilibre confessionnel, le président Chéhab était attaché à ce que les gouvernements comprennent les « Phalanges » en la personne de Pierre Gemayel et le « parti socialiste progressiste » en la personne de Kamal Joumblatt, un premier ministre accepté par la majorité des sunnites et de ministres chiites représentatifs des forces politiques chiites185(*).

3,5 - Le rôle arabe du Liban et sa politique extérieure.

«... La fidélité et la franchise dans nos relations avec les pays arabes, et le respect et l'amitié dans nos relations avec les pays étrangers, sont des bases susceptibles d'assurer à notre nation la prospérité, la paix, l'assurance et la notoriété qu'elle mérite sur le plan arabe et mondial186(*). » «...Ce pays a une foi profonde en ses devoirs en tant que membre de la communauté arabe187(*)... » « ...Le Liban remplit son rôle positif dans son entourage arabe, fidèle à sa volonté, attaché à sa mission et aux intérêts des pays arabes188(*)... »

Par ces affirmations le président Chéhab apparaît attaché à l'esprit du Pacte National comme Béchara El Khoury, Hamid Frangié et de nombreuses personnalités qui ont lutté pour l'indépendance du Liban. Il considérait que l'indépendance du Liban nécessitait une politique solidaire avec les pays arabes quand ils s'entendaient sur une position nationale arabe commune, et une politique de neutralité entre ces derniers lorsqu'ils se divisaient dans leurs relations ou dans leurs relations avec les pays étrangers189(*). Le président Chéhab croyait à l'indépendance de l'entité libanaise et son appartenance au nationalisme arabe. L'arabité du Liban passait par sa solidarité avec les pays arabes et sa fidélité aux causes nationales arabes et surtout la cause palestinienne.

Par rapport à Israël, le président Chéhab était conscient de son danger, et s'attachait au traité d'armistice vu les faiblesses militaires du Liban, mais n'hésita pas en 1948 de prendre part à la guerre de Palestine, et en 1964 de participer à la mise en place du commandement commun arabe préventif190(*).

La président Chéhab pratiqua une politique d'ouverture envers les grandes puissances. Il considéra les pays socialistes et l'Union soviétique comme des pays amis. Quant aux Etats-Unis, la coopération était amicale mais réservée.191(*)

Avec la politique ouverte du général De Gaulle envers les arabes, le Liban a développé des relations intenses avec la France sur tous les niveaux et surtout au niveau culturel ; à noter que la politique de coopération avec la France était approuvée par les chrétiens et les musulmans.192(*)

Le slogan « non pour L'Orient et non pour l'Occident » qui signifiait en 1943 que les chrétiens renoncent à leur demande de protection par la France et les musulmans à l'union avec la Syrie, a été traduit par le président Chéhab en 1958 par la neutralité entre l'Union soviétique et les Etats-Unis. Cependant, cette neutralité était plus proche de la coopération économique et culturelle avec l'Occident et la France et la non-hostilité envers l'Union soviétique.193(*)

A travers cette appréhension réaliste et équilibrée de la politique étrangère du Liban, le chéhabisme n'a pas cherché à jouer des rôles régionaux et internationaux qui dépassent la capacité du Liban, et ne s'est pas aligné dans les conflits internationaux ou arabes dans le but de ne pas attiser les contradictions internes dans la constitution sociale et politique du Liban. La politique chéhabiste a cherché à construire une longue et stable trêve dans la politique étrangère pour s'attaquer aux problèmes intérieurs.

Section ÉÉ

La stabilisation intérieure et le non-alignement

« Un soldat est projeté sur la scène politique. Dans la débâcle des institutions, au milieu de la désolation et des ruines, il est hissé au sommet du pouvoir194(*). » Ainsi commence l'expérience du chéhabisme au Liban. La situation du pays le 23 septembre 1958 est très délicate : guerre civile, colère populaire, administration inefficace et incompétente, autorité bridée du gouvernement.

« Libanais,

Dans les circonstances difficiles que traverse notre Patrie, endolorie par les souffrances, accablée par les épreuves, nul ne peut plus hésiter à assumer une mission à laquelle le pays appelle. Dans le souci de remplir un devoir et de faire face à une responsabilité publique impérieuse, j'ai accepté de me soumettre au voeu de mes compatriotes et d'assumer la charge de Président de la République, comptant sur le Tout-Puissant auquel je demande d'éclairer notre voie et de nous guider pour le bien du Liban.

(...) Avec notre Armée Nationale, j'ai vécu tout le drame (...) le Liban sortira ainsi de l'épreuve plus confiant en lui-même, plus solidement établi, et sa position renforcée.

Ce que je demande en premier lieu à moi-même, comme à chacun de mes compatriotes, c'est de travailler de toutes nos forces pour restaurer l'Unité nationale grâce à laquelle le Liban a, en 1943, réalisé son indépendance, consolidé sa souveraineté et son intégrité. Cette unité a inspiré le Pacte National dont les principes de politique intérieure, arabe et étrangère sincère, constituent pour nous tous la charge que garantit la gloire du Liban et la prospérité du peuple Libanais.

(...) Egalité entre les Libanais, sincérité et franchise dans nos rapports avec les pays arabes frères, dignité et amitié dans nos rapports avec l'étranger : ce sont là des bases propres à assurer à notre patrie Libanaise une vie paisible faite de prospérité, de tranquillité et de dignité.

(...) En veillant sur notre unité, nous devons également, dans l'intérêt de l'Etat que nous voulons reconstruire, veiller sur les vertus de probité, de justice et de désintéressement comme sur les principes de science, d'ordre et d'égalité, afin qu'ils règnent dans tous les domaines de notre société. De même, le sens des responsabilités et le souci du devoir et du bien général devront-ils guider le Pouvoir dans toutes ses activités.

En prenant la ferme résolution de faire face sérieusement à notre devoir, nous aurons emprunté la voie propre à nous conduire à nos buts nationaux195(*). »

Ce discours en dit long sur la volonté du président Chéhab de changer la réalité. Il pourrait être considéré comme la ligne de conduite du chéhabisme.

Le Liban ne peut pas fuir tout, et tout le temps. La politique des pères de l'indépendance a été, justement d'esquiver les problèmes. Esquiver un problème ce n'est pas le résoudre. On peut agir ainsi un certain temps, mais pas indéfiniment. Donc, il fallait définir une stratégie pour le Liban, basée sur l'idée de nation forte. Une nation forte, un gouvernement fort, des hommes forts, voilà, à priori, l'urgence.

Pierre Lyautey affirme qu'« après l'entracte de 1958, la prospérité n'a donc pas amolli les âmes. Aussitôt ce pays a compris quels étaient les impératifs de sa liberté, celle-ci étant, selon le mot de La Bruyère, le « choix du travail. »196(*)

Ainsi, les deux premières années du mandat Chéhab furent consacrées à refaire l'unité nationale profondément meurtrie et fêlée par l'insurrection de 1958. En effet, « il semble qu'après six mois d'épreuves, les Libanais aient reçu un mystérieux stimulant197(*). »

Sur le plan interne, il entreprendra une répartition égale des postes administratifs entre les communautés et des élections sur la base d'une nouvelle loi électorale permettant une meilleure représentation du peuple ; sur le plan extérieur et arabe, une normalisation des relations perturbées avec la R.A.U. Ce fut la fameuse rencontre avec Nasser, qui fut la première et la dernière entre les deux leaders.

En 1960, Fouad Chéhab surprit le pays en présentant sa démission de la présidence. Il considérait avoir accompli la tâche pour laquelle il a été élu : ramener la paix et la concorde au pays. Unanimement la classe politique et le peuple refusèrent cette démission et finirent par le convaincre de revenir sur sa décision.

Ainsi, la première étape de la stratégie du redressement national du Liban fut la restauration et la préservation de l'unité nationale à travers l'élargissement de la représentation et la division égale des postes administratifs.

La stabilisation interne a été favorisée et renforcée par la politique de neutralité sur le plan extérieur que pratiqua le régime de Chéhab. La politique de neutralité positive du Liban dans un Moyen-Orient traversé par des crises multiples est une condition nécessaire à la stabilisation interne, et par le fait à la réduction du clivage confessionnel.

L'élargissement de la représentation politique et la neutralité positive adoptés par le chéhabisme ont eu des répercussions positives sur la stabilité sociale et sur la croissance économique

1- L'élargissement de la représentation comme facteur de stabilisation.

L'élection de Fouad Chéhab supprimait, théoriquement, la raison d'être de l'insurrection puisque toutes les parties avaient fini par se persuader que le commandant en chef de l'armée, en l'état de la situation, était le seul homme à même de réunifier le pays, ramener le calme et rétablir le fonctionnement des institutions. Dès le lendemain de l'avènement de Chéhab, 1e 24 septembre, un gouvernement de huit membres est formé198(*), présidé par Rachid Karamé, le chef de l'insurrection à Tripoli. On disputera longtemps du point de savoir si ce cabinet était « équilibré », s'il faisait la part égale aux meneurs de la « saoura » et à leurs adversaires. En fait, il ne comptait qu'un seul représentant des premiers et aucun des partisans de Chamoun ou de ses alliés, comme les Kataêb, à l'heure même où ces derniers paralysaient le pays par leur soulèvement et démontraient qu'ils constituaient une force politique et populaire dont il était impossible de ne pas tenir compte. A l'exception de Karamé, aucun des membres du gouvernement n'avait fait partie des chefs de guerre. En revanche, ils étaient tous, du côté musulman, soit membres, soit proches du Front de l'unité nationale et, du côté chrétien, soit neutres, soit partisans du Destour ou de la Troisième Force qui avaient combattu Chamoun.

Au lendemain même de la formation de ce gouvernement, le chef des Kataêb, Pierre Gemayel, considérant que sa composition équivaut à « une victoire injustifiée des rebelles», annonce que son parti s'y opposera et appelle à la poursuite de la grève. Plusieurs facteurs contribuent à exacerber les sentiments de déséquilibre, de déception, d'injustice, de frustration, de révolte, éprouvés par le courant chrétien engagé dans la contre-révolution. D'abord, Rachid Karamé déclare que le cabinet est venu « cueillir les fruits de la révolution», ce qui indigne d'autant plus Gemayel qu'il estime celle-ci en grande partie l'oeuvre de l'étranger, ayant pu se développer, d'une part, parce que Chéhab n'a tout simplement pas voulu la mater et, d'autre part, parce que la rue chrétienne n'a cessé de se retenir pendant les mois au cours desquels la rue musulmane se déchaînait.

La position du général face à la contre-révolution sera similaire à sa position durant l'insurrection contre le président Chamoun, il a « donné les mêmes ordres d'interdire les manifestants de couper les routes principales, et d'empêcher toutes agressions contre les citoyens ou les institutions islamiques dans les régions à majorité chrétienne199(*). »

La solution était évidente : seul un cabinet que les différentes parties considéreraient comme les représentant effectivement serait en mesure d'arrêter l'engrenage de la violence, de rétablir la paix, le règne de la loi et un consensus politique susceptible d'éviter au Liban de nouveaux troubles. Malgré (ou à cause de) la situation explosive, il fallut trois semaines de tractations pour qu'un accord fut trouvé sur une nouvelle formule de gouvernement. Il vit le jour le 14 octobre, et, en vingt-quatre heures, comme par enchantement, le calme fut rétabli. Le gouvernement des quatre a mis fin aux manifestations, durant lesquelles les Libanais ont compris que la paix réside dans « la coexistence et le dialogue islamo-chrétien en appliquant les bases du Pacte national200(*). » 

« Le gouvernement des Quatre » (Rachid Karamé, Hussein Aoueini : sunnite ; Pierre Gemayel, Raymond Eddé : maronite.) issu à moitié des barricades et à moitié des milieux politiques traditionnels fut le seul gouvernement de réconciliation nationale dans l'histoire du Liban jusqu'à maintenant. Ce gouvernement a porté au pouvoir des figures symboliques de deux tendances extrêmes de la population et de deux tendances modérées, tandis que Chéhab se posait en arbitre suprême.  

1,1 - L'élargissement du gouvernement et l'augmentation du nombre des députés.

Chéhab s'était pénétré de l'idée que les musulmans, après 1958, devaient être en mesure de traduire leurs aspirations dans les options politiques du gouvernement, apanage jusqu'alors de la classe, dirigeante maronite, sans que, pour cela, les chrétiens n'aient à souffrir d'une quelconque aliénation de leurs droits. C'était là un périlleux travail de dosage de chaque instant, d'appréciation concrète, où toute déviation risquait de faire resurgir les vieux démons, de réveiller les tentations latentes de la violence et du séparatisme.

Le président Chéhab a vite compris que la stabilité intérieure implique un large consensus entre les leaders des principaux segments tant au Parlement qu'au cabinet ministériel. Aussi a-t-il porté le nombre des députés de 66 à 99 et a formé un cabinet de 18 membres.

Georges Naccache analyse ainsi ce comportement : « Notre première chance d'une prise de conscience nationale commence dans la mise en place des assemblées représentatives. Et plus l'assiette de cette représentation est élargie, plus elle englobe les particularismes confessionnels et les diversités régionales, plus large enfin est la confrontation, plus il y a de chances de voir s'y résoudre les antagonismes religieux et les oppositions politiques (...)  Les deux Chambres les plus ingouvernables que le Liban ait connues ont été justement les deux Chambres les moins nombreuses en 1953 et en 1934 - la Chambre des 44 et la Chambre des 25 - qui mettaient tous les ministères à la merci du déplacement d'une ou de deux voix201(*). »

Sept gouvernements202(*) ont été formés sous le mandat du président Fouad Chéhab (contre 12 sous celui de Chamoun) dont trois par Rachid Karamé, deux par Saêb Salam, un par chacun de Ahmad Daouk et Hussein Ouyeni, ces deux derniers étant des cabinets d'élections.

Ce comportement, bien qu'il traduise, selon Pierre Rondot, « une complaisance à l'égard du système » n'en est pas moins nécessaire. « C'est le maximum, écrit Pierre Rondot, largement en compte, de ce que permet le système traditionnel porté jusqu'à ses extrêmes (...). Mais les participants ne pourront se plaindre, s'ils échouent, que les dés aient été pipés; ils ne devront s'en prendre qu'à eux-mêmes ou au système. Quant au président, il aura, de la sorte, pris la mesure totale des procédés politiques classiques de la démocratie intercommunautaire du Liban, a qui toute sa chance aura été donnée203(*). »

De même, le président Chéhab par un souci de justice a oeuvré pour rétablir l'équilibre confessionnel dans les postes administratifs publics. Le but était de réduire les sentiments d'éloignement (tahmich) des musulmans et par le fait de les faire sentir comme partie intégrante de la construction nationale. Le chéhabisme considérait que la meilleure façon d'empêcher que les défis arabes socialistes, révolutionnaires, palestiniens fassent éclater le Liban, c'est de consolider le Liban de l'intérieur par la justice sociale, une armée forte et la libanisation des musulmans.  En effet, Pour inciter les musulmans à renoncer à l'attachement avec la Syrie, le président Chéhab intégra les musulmans dans les institutions étatiques. Ainsi, il s'agit d'apporter une réponse réaliste à un problème crucial depuis la création du Grand-Liban en 1920. La revendication des musulmans pour l'intégration du Liban à la Syrie a pour cause profonde le sentiment des musulmans d'être des citoyens de seconde zone.

Kamal Salibi a noté que « contrairement aux chiites, les sunnites ont eu la part du lion dans ce réaménagement vu leur rôle dans la crise et leur caractère citadin. De même les druzes ont largement bénéficié de cette politique vue leur cadrage politique bien articulé. Les chiites furent les plus écartées et restèrent les plus démunis. La surreprésentation des druzes et des sunnites assurera un fort appui pour le régime et augmenta les droits acquis de ces communautés204(*). » 

1,2 - Une loi électorale plus représentative.

Le président Chéhab a voulu une nouvelle loi électorale, pour éliminer les causes qui ont engendré les antagonismes politiques, à travers une meilleure représentation politique des communautés et des différents segments de la société. Pour calmer les esprits, il fallait que les principaux leaders politiques réussissent dans les élections. L'éloignement de l'un ou de plusieurs de ces leaders risque de faire émerger de nouvelles barricades et de bouleverser l'ordre établi. Bassem el Jisr rapporte dans « Fouad Chéhab » que le président lui avait confié : « pourquoi se sont-ils battus en 1958 ? Les uns pour être députés et ministres, les autres pour le rester ? Eh bien, qu'ils le deviennent tous. » 

En effet, le parlement approuva en 1960, le décret législatif 3474205(*) qui précisa la nouvelle loi électorale en augmentant le nombre des députés de 66 à 99. Les circonscriptions électorales furent reparties par cette loi de façon diplomatique. Le Caza a été considéré comme adéquat pour l'harmonie et l'équilibre entre les communautés à travers le processus électoral ; Beyrouth fut repartie en trois circonscriptions. Le pays fut reparti entre 26 circonscriptions, seize d'entre elles étaient multiconfessionnelles, quatre étaient à majorité chrétienne, trois étaient dominées par les chiites et deux étaient à majorité sunnite. 

Le président Chéhab était convaincu : « qu'il était inadmissible de réunir l'Achrafieh avec Al basta, Alimsaytbeh et Tarik aljdideh dans une même circonscription électorale après les événements de 1958, parce que les chrétiens de l'Achrafieh vont voter contre les leaders musulmans de la révolution, et que l'échec de Saêb Salam, de Abdallah Eliyafi ou de Adnan Alhakim après la crise de 1958 n'était ni normal ni raisonnable, ainsi que l'échec de Pierre Gemayel à Achrafieh206(*). » 

Les élections de 1960 ont permis la victoire des leaders de la « révolution » et de la « contre révolution », même le leader du P.P.S, Assaad El Achkar a été élu avec le retour de Kamal Joumblatt, Sleiman Frangié, Sabri Hamadé, Kamel El Assaad, Saêb Salam, Abdallah Eliyafi. Le président n'a pas voulu retomber dans le même piège que celui de Camille Chamoun dans les élections précédentes.

De nouvelles personnalités ont accédé au parlement pour la première fois, « des députés qui vont jouer un rôle considérable dans l'avenir du pays et marquer de leur sceau le destin du Liban207(*)»  telles, Fouad Boutros, Kazem Al Solh, Ali Bazy, Maurice el Gemayel, Jamil Lahoud, Pierre Gemayel, de plus les opposants au chéhabisme tels, le président Chamoun, Raymond Eddé, Edward Hneine ont pu être élu208(*).

Les élections de 1960 furent les premières élections au cours desquelles fut imposé l'isoloir. L'imposition de ce dernier a été un grand pas dans la démocratisation des élections dans la mesure où l'isoloir limite les pressions sur les électeurs, et devrait encourager la liberté de choix.

Quant aux élections de 1964, 57 des 99 députés sortants ont retrouvé leur siège et 42 l'ont perdu. 29 sont élus pour la première fois et 13 furent membres des Chambres précédentes. Dans la répartition confessionnelle, 30 des nouveaux députés sont maronites, 20 sunnites, 19 chiites, 11 grecs-orthodoxes, 6 grecs- catholiques, 6 druzes, 4 arméniens-orthodoxes, 1 arménien-catholique, 1 protestant et 1 minoritaire.

2 -Ni l'Un ni l'Autre : la neutralité positive.

La stabilité intérieure durant le mandat Chéhab ne peut être dissociée du courant arabe nassériste, alors prédominant dans le monde arabe. Le président Chéhab ayant commencé son mandat par sa célèbre rencontre « sous la tente » le 25 mars 1959 avec le président égyptien Nasser. Il a été rapporté que le président Chéhab a dit après cette rencontre : « nous devons savoir comment vivre sous l'ombre de cet grand homme209(*). » Ainsi, il a compris dès le début que le Liban ne peut être étranger à l'opinion arabe générale. Le souci primordial de Fouad Chéhab était, encore une fois la neutralité du Liban. Mais dans un Moyen-Orient en ébullition constante, ce ne fut pas chose facile. D'ailleurs au début de l'année 1959, le quotidien francophone l'Orient, publia dans son éditorial intitulé « les faits du jour » cette fameuse phrase : « le monde arabe se trouve à un tournant décisif de son histoire210(*). » 

Après son élection le président Chéhab remania la politique étrangère du pays. Ce tournant était un des principaux slogans de la « Saoura » de 1958211(*). Cette politique étrangère va permettre au chéhabisme de respecter l'équilibre confessionnel et de renforcer l'unité nationale212(*).

Dans son analyse du chéhabisme, Georges Naccache décrit : « La grande règle qui doit commander la politique étrangère libanaise est celle du non-alignement (...). Notre politique étrangère doit refléter, sur le plan arabe comme sur le plan international, le dualisme même du Liban. Nous n'avons ni le droit, ni d'ailleurs le pouvoir, de prononcer des options ou de prendre des engagements qui, en risquant de faire éclater l'unité libanaise, desservent la cause même que nous prétendrions servir213(*) ».

A ceux qui estiment que l'insurrection de 1958 et d'autres troubles « devaient survenir », Georges Naccache répond qu'on ne peut « réécrire l'histoire avec des si .Quand vous me dites : la chose était inévitable, je vous dis : C'est une hypothèse. Mais ce qui est certain, c'est que vous avez fait tout ce qu'il fallait pour ne pas l'éviter214(*). »

Chéhab était conscient de la nécessité de procéder à un rééquilibrage politique, de rétablir des relations cordiales avec les voisins arabes du Liban, tout en maintenant les liens traditionnels avec l'Occident, aux valeurs duquel il était fermement attachée; de régler les conflits qui avaient valu tant de difficultés au pays durant les années précédentes, de tenir compte du phénomène de masse que représentait le nassérisme, sans pour autant s'écarter de la politique de stricte neutralité érigée en dogme du temps de Béchara El-Khoury.

En effet, tout au long du mandat du président Béchara El-Khoury (1943-1952), le Liban a méticuleusement poursuivi une politique de neutralité et demeura hors des querelles interarabes. Cette politique étrangère résulte de l'esprit du Pacte National.

Cette politique de neutralité positive, il appartiendra à Hussein Aoueini de la mener à bien. « En cette phase bien particulière de l'histoire du Liban, il était sans doute l'un des hommes les plus indiqués pour diriger la politique étrangère du pays. Par rapport à sa fidélité aux causes arabes, à sa solidarité avec les Etats de la Ligue, nul ne pouvait se livrer à des surenchères, tout comme personne ne pouvait relever la moindre lacune dans sa loyauté à l'égard du Liban et dans sa probité. L'avènement de Aoueini à la tête de la diplomatie libanaise était l'aboutissement de l'action résolue que le président Chéhab n'avait cessé de mener pour assurer une plus grande participation des musulmans au pouvoir de décision, leur ouvrir l'accès aux centres névralgiques de l'Etat, leur faire partager à égalité avec les chrétiens les responsabilités nationales. Avant lui, aucun mahométan n'avait été en charge des Affaires étrangères.»215(*)

« Nous ne voulons pas être impliqués dans les problèmes qui opposent les grandes puissances, explique Aoueini. Nous sommes déterminés à bâtir les relations de notre pays conformément à l'esprit du Pacte national de 1943 qui prévoit que le Liban n'abritera pas de bases étrangères et n'accordera de privilège à aucun Etat étranger. Nous ne voulons pas d'alliances étrangères ni de pactes militaires. Pour ce qui est des pays arabes, nous sommes venus afin d'effacer les traces fâcheuses du passé. Nous voulons que nos relations avec les Etats arabes soient placées sous le signe de l'amitié et de la coopération les plus étroites. Nous ne tolérerons pas que notre pays se transforme en foyer de l'impérialisme ou de complots contre n'importe quel autre pays arabe216(*). » C'est en ces termes que Aoueini définit les grandes lignes de la politique qu'il compte suivre.

Le premier pas dans la régulation de la politique étrangère fut le retrait des troupes américaines débarquées à Beyrouth le 15 juillet 1958. Encore fallait-il, pour mettre fin à la brouille avec la République Arabe Unie, trouver une issue à la procédure engagée contre cette dernière au Conseil de Sécurité et qui était toujours pendante. L'affaire était délicate à mener, car il était nécessaire de ne pas paraître désavouer le précédent gouvernement auteur de la plainte217(*) ou donner à croire qu'on la jugeait injustifiée, au risque de provoquer un tollé dans le camp chrétien et de mettre en danger l'existence du cabinet qu'on avait eu tant de mal à former ; en même temps, il était indispensable d'élaborer une argumentation susceptible d'être admise au Conseil de Sécurité, où l'usage veut que toute plainte dont l'examen a été entamé suive son cours jusqu'à son aboutissement normal.

« En fait, les protestations d'amitié à l'égard de la R.A.U., et les grands principes de solidarité et de fraternité interarabes invoqués pour expliquer la nouvelle politique du Liban, étaient doublés d'un souci bien prosaïque, d'ordre strictement matériel : le gouvernement était pressé d'obtenir la réouverture de la frontière syrienne afin de permettre la reprise du mouvement de transit à partir du port de Beyrouth, à travers le territoire syrien, vers la Jordanie et l'Irak, et d'insuffler ainsi une bouffée d'oxygène à une économie libanaise sérieusement affectée par une paralysie de près de six mois218(*). »

Le chéhabisme considère que la préservation de la souveraineté du Liban exige une politique fraternelle avec son entourage arabe basée sur la coopération fidèle, et son appui à toute politique arabe commune. Cependant, si les pays arabes se divisent sur la politique interarabe ou internationale, le Liban devrait pratiquer une position de neutralité vis-à-vis d'eux. Comme il considère que la coopération étroite entre le Liban et les pays arabes n'annule point l'ouverture du Liban sur l'Occident et sur le monde, une ouverture « pratiquée depuis longtemps » et vue par les chrétiens comme une sorte de protection et d'assurance. L'ouverture sur l'Occident ne s'accompagne pas nécessairement d'une fermeture sur l'Union soviétique, mais d'une politique de neutralité envers ce dernier et les Etats-Unis, et d'une ouverture économique et culturelle avec l'Occident et la France219(*).

2,1- La politique libano-arabe.

Dans la politique du Liban envers les pays arabes, le chéhabisme était fortement attaché à l'indépendance et à la souveraineté nationale. L'indépendance du Liban est étroitement liée à sa symbiose avec son entourage arabe pour plusieurs raisons, l'une d'elles est que « les Libanais sont arabes par la langue et la descendance ». De plus, la moitié des Libanais croit au nationalisme arabe et à la même doctrine religieuse, ainsi que l'économie libanaise dépend largement de la coopération avec les pays arabes.

L'indépendance du Liban est pour le chéhabisme une assurance suffisante pour le destin des chrétiens et des maronites, de même, l'identité arabe du Liban et sa coopération avec son entourage respectent les aspirations et préservent les droits des musulmans libanais et des Libanais vivant dans les pays arabes. « Telle était, et telle est la politique du Vatican.220(*) »

Le président Chéhab considérait que l'intérêt du Liban nécessitait une politique de neutralité et une politique qui aiderait à faire émerger une position arabe commune lors des mésententes interarabes parce que le conflit entre les pays arabes est un danger meurtrier pour la composition multiconfessionnelle du Liban. En effet, Georges Naccache écrit que : « le « messieurs, ami de tout le monde » qui est le grand axiome de la diplomatie libanaise nous impose des prodiges de virtuosité qui n'ont plus leur récompense. Dans un monde arabe satellisé autour de 2 pôles, le Caire et Bagdad, nous étions, depuis 43 sur une espèce de ligne idéale, sur cet axe immobile autour duquel s'opérait la gravitation »221(*), montrant ainsi que la neutralité devrait être une neutralité positive tournée vers l'entente et la paix entre les pays arabes.

Au cours d'un dialogue avec Bassem El Jisr le président Chéhab explique pourquoi il a choisi une politique étrangère favorable à Nasser plutôt qu'aux autres leaders arabes : « parce que je suis dit-il, le président d'une République qui regroupe des musulmans et des chrétiens, je vois qu'il est de mon devoir de respecter les aspirations de la moitié de la population libanaise qui respecte, aime et même divinise un héros national tel que Nasser222(*). » 

De même, pour insister sur la politique de neutralité positive, le président Chéhab a proposé à Nasser de tenir leur unique réunion sur la frontière syro-libanaise, comme symbole du respect de la souveraineté libanaise, et pour ne pas contrarier l'opinion chrétienne qui accusait le président Chéhab de favoritisme envers Nasser223(*). La politique « de la frontière » pratiquée par le chéhabisme est selon notre opinion, nécessaire, car elle favorise un milieu de sécurité et une atmosphère d'apaisement susceptibles de permettre à la « guerre froide confessionnelle » d'être dépassée vers une coexistence véritable. La frontière devrait constituer une barrière non seulement géographique mais un barrage politique à toute interférence extérieure dans les affaires intérieures. Ces ingérences extérieures sont la principale source de tension entre les communautés.

Ainsi, pour renforcer la cohésion intérieure, le communiqué officiel224(*) publié après la rencontre entre le président Chéhab et le président Nasser a insisté sur le respect de l'indépendance, et les intérêts du Liban, ainsi que ceux de la Syrie et de l'Egypte, et a largement influencé le cours des événements dans la région225(*). Comme il a eu des répercussions positives sur le mandat du président Chéhab en limitant les ingérences extérieures dans les affaires intérieures du pays226(*).

2,2 - La politique étrangère envers les pays occidentaux.

Quant à la relation avec l'Est et les grandes puissances de l'Ouest, prenant pour assise - le Pacte de 1943 - le chéhabisme a construit une politique non agressive envers l'Union Soviétique, tout en considérant les pays socialistes comme des pays amis. De même, les relations avec l'Occident n'ont pas glissé vers l'alignement aux intérêts des capitales étrangères. Ces relations se justifiaient par l'échange culturel et économique avec les pays développés et les sociétés modernes pour permettre au Liban d'être la liaison entre l'Orient et l'Occident227(*). Une mission historique qu'il a toujours remplie.

La relation avec les Etats-Unis était une relation de coopération et de respect mutuel mais avec une certaine réserve vu l'appui des Etats-Unis pour Israël. Cependant, les relations avec la France étaient intenses et solides dans les différents domaines économiques, et surtout au niveau culturel, appuyée par la politique d'ouverture du général De Gaulle envers les arabes après l'indépendance de l'Algérie en 1968. Toufic Kfoury rapporte que les relations avec la France s'accompagnaient du consentement des chrétiens aussi bien que des musulmans228(*).

Pourtant, malgré la politique équilibrée du chéhabisme envers l'Est et l'Ouest, et la participation du Liban au congrès des pays non-alignés, le Liban était plus proche de l'Occident que du bloc communiste. Parce que, le président Chéhab était plus proche culturellement des valeurs occidentales et très attaché à la coopération avec la France sur tous les niveaux, à condition que cette coopération ne se reflète pas de façon négative sur l'unité nationale et ne déroge point aux intérêts des pays arabes. Avec un attachement profond à ce que cette coopération ne glisse en aucune manière vers l'alignement229(*).

Les opposants au chéhabisme ont accusé le président Chéhab de mener une politique francophone et non anglo-saxonne. Et que l'amitié avec la France et la présence d'experts et de conseillers français autour de lui dérangeait Londres et Washington ! En fait, le président Chéhab a compté sur la France et ses experts pour maintes raisons. D'abord, parce que sa culture était essentiellement francophone et sa formation militaire s'est déroulée en France, ensuite, la présence dans les administrations libanaises de jeunes diplômés des universités françaises, et enfin - comme nous l'avons mentionné auparavant - la présence du général De Gaulle à la tête de l'Etat français et sa politique de coopération avec les pays arabes.

En même temps, les relations des Etats-Unis avec les pays arabes et les relations anglo-arabes n'étaient point amicales voire conflictuelles. Dans ces situations, l'équilibre entre l'Est et l'Ouest était très délicat dans la politique chéhabiste. L'ouverture du chéhabisme et sa coopération intense avec la France ne furent jamais une cause de discorde avec les Etats-Unis, l'Angleterre et même l'Union soviétique. De même, la coopération avec l'Occident ne prédominait point sur la coopération interarabe. Cette politique d'équilibre a toujours été la politique du courant national arabe envers l'Occident230(*).

Section ÉÉÉ

- Les réformes économiques et administratives.

Dans ce chapitre nous n'allons pas répéter et énumérer les réalisations économiques et administratives du mandat Chéhab. Les travaux de Hudson231(*) , Salem232(*) , El-jisr, Kfoury, et Sayigh233(*) récapitulent les réalisations du chéhabisme dans les domaines administratif, économique et social.

Mais, nous avons jugé pertinent d'analyser la politique économique du chéhabisme comme facteur de renforcement de la cohésion nationale et la réforme administrative comme ossature de l'Etat moderne.

« (...) Il existe dit Fouad Chéhab, un autre aspect de cette crise (1958) : le fossé creusé entre les différents membres de la famille libanaise. Je ne doute pas que tous les Libanais souffrent de cette situation regrettable et qu'ils soient décidés à y mettre un terme. Nous considérons que pour accomplir notre tâche essentielle qui consiste à liquider les traces de la crise, à résoudre les difficultés qu'elle a suscitées, à édifier une patrie libre et évoluée et à assurer un avenir stable et glorieux, nous devons nous attacher fermement à l'unité nationale234(*)

Il s'agissait de créer un sentiment d'appartenance à la communauté nationale pour une importante fraction de la population qui se considérait jusqu'alors frustrée sur bien des plans. Il s'agissait de redonner confiance en l'Etat à tous les Libanais. L'Etat devait prouver qu'il s'intéressait à tous ses enfants sans exception, qu'il n'y avait pas des privilégiés et des non- privilégiés.

La politique de planification et de développement pratiquée sous le mandat Chéhab depuis son élection en 1958 s'est basée sur ses convictions personnelles et sur les études effectuées par des experts étrangers et libanais dont les plus importantes sont celles de la mission IRFED, la première et la seconde.

La première étude s'est réduite au domaine des enquêtes de manière générale, alors que la seconde contenait une vision planificatrice et exécutive. Cette mission dirigée par le père Lebret est venue analyser les capacités et les besoins du Liban, et fut chargée d'exécuter les projets de développement économique entre 1961 et 1964.

Le président Chéhab a confié à ces experts de façon presque complète, la mission de reconstruire l'économie libanaise et de réformer les secteurs sociaux administratifs et gouvernementaux. En effet, il confirma au cours d'une rencontre avec le directeur de l'IRFED le 4 juin 1963, qu' « il n'y a aucun pouvoir au-dessus de celui de la mission IRFED.235(*) »

La mission IRFED a confirmé sa vision : ce sont les écarts socio-économiques entre les communautés et régions libanaises qui ont sous-tendu ou exacerbé les conflits politiques, et même nationaux, entre les Libanais et la vraie unité nationale ne peut être solide et sincère que si elle repose sur l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et non sur l'équilibre confessionnel.

Fouad Chéhab et Louis Lebret ont réalisé que le problème principal du Liban réside dans l'égoïsme des classes dirigeantes, dans la concentration de la prospérité à Beyrouth, et dans le dénuement le plus total des régions périphériques. Il est donc impératif de suivre une politique sociale et d'aménagement du territoire pour poser les bases d'une véritable unité nationale qui permette de surmonter clivages idéologiques et communautaires236(*). Le développement économique équilibré entre les régions devrait réduire les différences socio-économiques et renforcer l'unité nationale.

De même, le renforcement de l'unité nationale exige des réformes dans les administrations publiques pour éradiquer le clientélisme et bâtir une administration moderne basée sur des critères rationnels. Car, le salut réside dans la pratique des chemins difficiles, c'est-à-dire dans l'étude des réalités complexes grâce auxquelles nous pouvons circonscrire les maux à leur source et « dégager les principes de base qui permettent de bâtir sur le roc », selon Maurice El-Gemayel.

1 - Le développement économico-social harmonisé, facteur de renforcement de la cohésion nationale.

1,1- Le rétablissement de l'équilibre social et régional.

Antoine Messarra analyse avec pertinence dans « Le modèle politique libanais et sa survie » qu' « il existe dans la société libanaise quatre sortes de clivages : confessionnels, culturels, socio-économiques et régionaux. Si l'action directe sur les clivages confessionnels suscite des appréhensions et des réactions opposées et n'a pas de chance d'aboutir à courte et moyenne échéance, par contre l'action sur les autres clivages est fructueuse. Les clivages confessionnels, quand ils sont isolés, deviennent moins aigus et moins polarisants ; et quand ils sont corrélatifs d'autres facteurs de différenciation, augmentant en acuité237(*). » 

Depuis l'indépendance, disait-on, le Liban n'avait pas officiellement de politique économique, et l'on voyait dans ce laisser-faire une des raisons de sa prospérité. «  Certes, il faut reconnaître que l'absence de contrôle étatique excessif est structurellement liée à une telle prospérité, de même qu'elle est imposée, à l'évidence, par les éléments de base de notre économie : la position géographique commerciale, la vocation touristique... En outre, sa situation dans le Moyen-Orient, hypernationaliste et de plus en plus autarcique, commande au Liban d'être le pays du contraste, c'est-à-dire de la porte ouverte et des libres transactions, qui attirent les capitaux étrangers et les fortunes arabes fuyant les nationalisations238(*). »

Le libéralisme, s'il cachait une politique apparente, il était un parti pris en faveur des services et au détriment des autres secteurs économiques, un parti pris commerçant et beyrouthin par opposition à une politique économique nationale.

Ainsi, la logique et la mission de l'IRFED consistent dans le rétablissement de l'équilibre social et politique entre les classes et les régions à travers la limitation des troubles qui menacent l'existence et le rôle du libéralisme libanais dans le Proche-Orient. Dans cette perspective, l'analyse consiste à prévenir le gouvernement des explosions attendues dans la banlieue de Beyrouth et dans le sud en indiquant que le déséquilibre s'élargit tant entre les classes sociales qu'au niveau confessionnel. A partir de ses réalités sociopolitiques survenues, la mission IRFED a proposé de sauvegarder le libéralisme libanais à travers des opérations de « planification, de rationalisation et d'humanisation » comme des conditions nécessaires et impératives à la survie du système.

Laissée à elle-même, l'économie libanaise risque de développer un déséquilibre régional et social que l'on peut corriger par une politique libérale de développement harmonisé, par la planification souple et l'incitation élective.

Il s'agit en d'autres termes, sans nullement prétendre sacrifier les services et Beyrouth, d'entreprendre parallèlement un développement régional, industriel et agricole, susceptible de répondre à la poussée démographique et de déconcentrer l'économie.

L'introduction de l'enquête menée après la mission IRFED va centrer en effet son attention sur la « cohésion nationale et le rôle de Beyrouth » où nous pouvons y lire : « Les difficultés que rencontrent la naissance du sens civique et l'instauration d'une forte cohésion nationale ne peuvent être vaincues que peu à peu et si les diverses fractions du peuple se sentent largement bénéficiaires de la solidarité économique nationale239(*). C'est pour cela que les groupes actuellement privilégiés doivent chercher à atténuer les différences de leurs conditions de vie avec celles des groupes moins favorisés. Ils devront pour cela accepter une certaine austérité se manifestant en particulier par la loyauté fiscale et par l'acceptation d'un gros effort coûteux pour le développement des zones en souffrances. Ainsi, s'atténueront les oppositions toujours latentes de groupe à groupe qui empêchent la formation d'un peuple fraternel.

Le problème du développement au Liban ne saurait se jouer seulement en termes de croissance du revenu global ; c'est toute la structure du revenu national qui est en question et celle de la répartition des ressources de l'Etat. Il est fatal qu'il y ait un contraste saisissant entre le pays libanais des vrais villages et la place de Beyrouth, entre la ténacité provinciale d'une tradition plus que millénaire et la subtile habileté à saisir un prélèvement sur quelque flux rapide de marchandises ou de monnaie, ou quoi que ce soit. Cependant la richesse « du plus Grand Beyrouth » donne le change... On peut y percevoir le dénuement d'un sous-prolétariat en croissance pendant qu'au-delà du Liban central une large ceinture de villages pauvres et parfois miséreux souffre de nombreuses pénuries et parfois de l'insécurité. Les conditions d'une réaction populaire se nouent peu à peu, jusqu'à un certain point atténuées par l'appartenance communautaire, qui peut cependant devenir elle-même l'occasion d'états conflictuels240(*). » 

Le développement économique harmonisé pour le chéhabisme, comme nous l'avons indiqué auparavant n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour créer la solidarité sociale et renforcer l'union nationale. L'action économique est conçue comme un mécanisme déterminant la réussite d'une conception nationale plus vaste. « La politique économique est une action délibérée de la puissance publique se traduisant par la mobilisation d'un certain nombre de moyens pour atteindre des objectifs définis en fonction d'une certaine philosophie ou idéologie241(*) »

1,2- Le libanais ne naît pas citoyen.

La formule classique «l'Etat est la nation juridiquement organisée » postule un type de rapports entre les deux concepts qui se révèle réducteur. La nation serait une réalité première dont l'Etat deviendrait en quelque sorte la structure d'organisation. Or, il est au moins tout aussi exact d'envisager la relation inverse, c'est-à-dire l'Etat comme instrument principal d'émergence de la nation à travers la conscience identitaire qu'il contribue puissamment à forger.

Le père Lebret précise que « les nations se font par la volonté des hommes, les nations se font par l'adhésion des hommes. La nation libanaise existe, mais des rivalités internes la divisaient encore. Des oppositions confessionnelles empêchaient que les Libanais affrontent ensemble le dur effort qui, cependant, s'imposait à eux. Le chef de l'Etat a voulu rapprocher les Libanais d'un idéal commun, en vue d'un bien commun à instaurer242(*). »  En effet, l'essence du chéhabisme se traduit dans la volonté d'organiser et mobiliser l'appareil d'Etat autour d'un développement économique conçu comme le premier corollaire de la justice sociale et d'une conscience nationale. Car « le vrai développement est la croissance humaine de tous les membres d'une collectivité nationale ; c'est l'élévation humaine de toutes les catégories intégrant la totale population243(*). »

Les nations ne sont pas le fruit d'une réussite temporaire et ne se conservent pas dans l'improvisation. Bien au contraire. Elles se construisent jour après jour, dans un plan d'ensemble, selon un ordre établi. Pour faciliter l'exercice de sa domination, tout Etat a besoin de susciter du consentement. Profondément intériorisé, il est de nature à faciliter considérablement l'exercice quotidien du pouvoir. Mais cette intériorisation n'est pas un mécanisme spontané. Au contraire, il est produit d'une puissante et permanente activité de socialisation à laquelle l'Etat prend une part importante et, dans certains cas fondamentale.

L'allégeance nationale se fortifie dans le cadre étatique, avec la centralisation ou, tout au moins, l'unification administrative. L'Etat légal-rationnel assujettit tous les citoyens aux mêmes charges et leur ouvre les mêmes conditions d'accès aux emplois publics. Au nom de l'égalité devant la loi, il poursuit un travail d'homogénéisation des mentalités.

La citoyenneté n'est pas seulement un système de droits et de devoirs qui s'exercent au sein du même Etat, elle est aussi une manière de décliner une identité collective. Elle fonctionne comme identité transversale à toutes les allégeances particulières de classe, de religion, de profession, de génération...

Il faut reconnaître modestement que « le libanais ne naît pas citoyen, mais qu'on en fait un citoyen244(*). » Maurice Gemayel écrit que « La création de ce citoyen libanais exige, au départ, l'application stricte du principe capital suivant : tant pour un problème que pour un groupe de problèmes, il est indispensable de prendre toujours les mesures appropriées, afin d'affaiblir, d'atténuer les divergences et de renforcer les convergences : plus particulièrement pour le Liban, son avenir dépend de l'harmonisation des divers éléments qui le composent245(*). »

Cette harmonisation pourrait-elle se réaliser dans une société injuste et inégalitaire ravagée par l'aliénation et la misère ? Comment demander aux habitants des régions périphériques et sous-développées de respecter les lois, de se sentir libanais et d'appartenir à un Etat, si l'Etat ne se manifeste sous toutes ses formes dans leur vie quotidienne ? Si l'Etat ne leur assure une vie digne d'un être humain et stable ? La recherche active du bien commun peut-elle prendre corps tant qu'il existe entre les couches sociales ou entre les régions de trop grandes différences ?

Ainsi, le chéhabisme a vu que dans un pays comme le Liban, la dimension de la dispersion des niveaux de vie à l'intérieur de la nation est nécessaire, il afficha donc la volonté de « forger un citoyen libanais » en essayant de faire disparaître un état antérieur et pour cela de lutter contre :

1 - une concentration très poussée de la richesse (4% de la population cumulant 30% du revenu national face aux 50% les plus pauvres en disposant de 18% et ayant le pouvoir économique décisionnel, celui des « oligarques de l'économie246(*)».

2 - les déséquilibres spatiaux, interconfessionnels aboutissant à une intégration très variable à la logique nationale.

3 - la fragilité, la dépendance et le manque de projet global et concret de l'Etat libanais.

Dans cette perspective, des organismes publics sont crées pour exécuter les travaux publics d'infrastructure : Conseil Exécutif des grands projets247(*); Conseil exécutif des grands projets de Beyrouth248(*)... Sur les 650 M.L.L. de dépenses de développement prévues par les programmes du général Chéhab, Georges Corm écrit que 80% d'entre eux sont consacrés aux infrastructures physiques, contre 15% aux actions sociales et 5% aux autres actions249(*).

En fait, l'équipement physique et l'équipement social de toutes les zones ont été projeté comme une exigence absolue pour organiser un territoire dont il ne fallait pas laisser la population se concentrer à l'excès sur la seule capitale, en provoquant des conséquences sociales redoutables et des coûts urbains colossaux. Ceux qui restent au travail de la terre, ceux qui mettent en valeur le sol libanais, doivent se trouver dans les conditions normales de la vie sociale moderne. Il s'agit donc de créer un « tissu social complet » avec ses pôles hiérarchisés : Beyrouth en tant que pôle central, Tripoli, Zahlé, Sada, en tant que pôles secondaires et les cazas en tant que pôles tertiaires. Par le fait, les gens à moins de quelque dix kilomètres de leur habitation, trouveraient tous les services d'éducation, de santé....

Il est donc important, au lieu de laisser le peuple dans une impression d'abandon, de l'informer de l'effort public fait pour le servir, et de l'associer, dans un cadre géographique organisé, à la construction dynamique du pays entier. La réforme municipale est venue à point pour qu'enfin la population des villages puisse exercer les responsabilités communales au sein des collectivités de base structurées.

Les investissements sociaux de l'Etat portent sur l'extension du réseau d'écoles publiques, d'hôpitaux et de dispensaires publics. L'action sociale de l'Etat se concrétise par la création de l'office du développement social, l'amendement du Code de travail, et enfin par la promulgation du projet de loi sur la sécurité sociale. Ce projet déposé sur le bureau de l'Assemblée deux mois après le début du mandat Chéhab continue à circuler jusqu'à septembre 1963 lorsque le Président le promulgue par décret.

La sécurité sociale est venue soutenir certaines couches de la population, coupées de la solidarité villageoise traditionnelle qui avaient besoin de sécurité et que pour cela, étant donné le taux des salaires, trop bas pour que chacun s'assure lui-même ; il fallait à l'imitation de tant de pays développés, organiser un système de sécurité nationale permettant aux jours mauvais de triompher de la misère, de la maladie et de la faim250(*).

D'autres institutions ayant rapport avec les autres secteurs de l'économie sont également créés, comme le Conseil national du tourisme, la Banque Centrale, la Direction centrale de la Statistique au ministère du Plan...

La fourniture de services publics (eau et électricité notamment) est développée à une large échelle et confiée aux nombreux offices autonomes crées à cet effet. La bonification des terres agricoles reçoit une attention particulière à travers la mise en place du Plan Vert251(*).

Des offices para-étatiques en grand nombre furent créés par décret en 1959. Ils symbolisent la volonté chéhabiste de court-circuiter l'administration traditionnelle pour asseoir une «indépendance de l'Etat252(*) ».

La planification du développement accède pour la première fois à un rang qui est le reflet de l'attention personnelle que lui accorde Chéhab. Commentant son action et les réactions qu'elle suscite, le père Lebret dit : « Le Liban commence à comprendre, il se considérait jusqu'ici comme un «miracle», c'est-à-dire quelque chose qui se tient sans que cela soit explicable... Le président, lui, voudrait savoir et percevoir l'ensemble, d'où son espoir en notre travail qu'il est probablement seul à vouloir253(*)»

L'extension des dépenses économiques et sociales de l'Etat et la multiplication des administrations du développement254(*) portent les dépenses publiques en 1964 à l'équivalent d'un tiers du revenu national, soit la même proportion qu'en Syrie à la même époque255(*).

2 - La réforme administrative : nerf de l'Etat moderne.

Depuis l'indépendance, la tradition s'est instaurée que chaque nouveau président de la République marque le début de son mandat par une grande réforme administrative. La tentative de réforme du président Béchara Khoury à la fin de son mandat a été avortée suite aux événements qui ont emmené à sa démission. Et la tentative du président Chamoun au début de son mandat à travers la promulgation des décrets-législatifs a eu le même sort.

Les administrations publiques avant 1958 étaient loin d'être au niveau d'une administration moderne. Malgré, l'effort des gouvernements de l'indépendance pour la réforme de l'administration et des organes gouvernementaux, l'administration publique est restée faible dans son organisation, pourrie dans sa centralisation et subissait l'absence de fonctionnaires qualifiés et des moyens modernes de fonctionnement. Ceci vient s'ajouter aux contestations des musulmans contre le monopole des chrétiens dans les principaux postes de l'Etat.

Sous le mandat du président Chéhab, l'administration publique fut organisée de manière à combattre les ingérences politiques, fut construite sur les bases de la science, la spécialisation, l'intérêt public, sur les jeunes capacités, la motivation dans le travail et l'égalisation dans ses services ; fut libérée des conflits, des petites réserves sectorielles et de tout ce qui retardait son épanouissement et empêchait son développement, fut renforcée par des organes d'inspection et de surveillance.

Lorsque le président Chéhab accéda au pouvoir, les organes étatiques et administratifs étaient paralysés par les événements qui ont eu lieu, et la coopération entre les fonctionnaires et le sens du service public disparus256(*). Ainsi, il a eu recours aux décrets législatifs pour accélérer la réforme de l'administration. Les décrets législatifs comprenaient la mise ne place de plusieurs instances d'expertise, la réorganisation d'administrations, et d'instances administratives existantes et d'autres à aspect éducatif, sanitaire, agricole, industriel, touristique et sécuritaire. Ces décrets-législatifs ont atteint le nombre de 162. Ce qui a été réalisé en premier fut la mise en place d'une commission centrale pour la réforme administrative, divisée en sept larges commissions, et soixante commissions sectorielles. Elle regroupait un large nombre d'experts dont la mission fut d'étudier les conditions des administrations publiques libanaises, et la suggestion de projets de réforme et de modernisation. Une soixantaine de lois liée à la réforme administrative fut promulguée suite à ses recommandations.

Ainsi, les conditions d'une administration moderne sont mises en place ; les bases d'un système efficace sont posées. Les institutions administratives sont déterminées ; les principes de leur action sont clairement définis ; leurs agents sont soumis à un régime rigoureusement précisé par les textes.

Pour Max Weber, le phénomène bureaucratique est, en réalité, la véritable ossature de l'Etat moderne, l'incontournable condition du triomphe de la domination légale-rationnelle.

2,1- L'administration, garante de la continuité de l'Etat.

La survie de l'Etat libanais qui souffre de l'instabilité gouvernementale était et l'est toujours étroitement liée à l'administration qui doit constituer un organisme sain, solide et compétent capable d'assurer la pérennité de l'Etat. Les ministres vont et viennent. Les équipes se succèdent. L'administration demeure. C'est elle qui doit assurer la continuité, même en l'absence d'action gouvernementale, même en dépit de l'action gouvernementale. C'est elle qui a le soin de veiller à l'exécution des lois, de faire le travail de tous les jours, d'assurer la protection des intérêts nationaux. Une administration compétente prépare les plans à longue durée et les projets qui dépassent largement la vie des ministères.

La cohérence et la stabilité de la société libanaise dépendent largement de l'aptitude du pouvoir politique à maîtriser effectivement un développement très rapide.

En effet, 162 décrets législatifs sont édictés en 1959 portant sur la réorganisation de la structure administrative toute entière. Albert Dagher considère que « les décrets législatifs édictés par l'Exécutif en Juin 1959, au terme d'une période de six mois de pouvoirs législatifs exceptionnels, sont la plus grande tentative, jusqu'à ce jour, de modernisation et de réforme de l'administration libanaise257(*). » 

La réforme administrative visait à libérer le citoyen de sa dépendance des hommes politiques qui ont la main mise sur l'administration. Le passage par les hommes politiques est une condition nécessaire à l'accès au service public. En outre, les employés administratifs sont liés étroitement aux hommes politiques qui s'assurent de leur coopération pour réduire le service public à leur intérêt personnel. Nommé par la politique, protégé par la politique, avancé par la politique, muté par la politique, l'agent ne vit que par et pour la politique. A aucun moment, l'Etat libanais n'a choisi ses agents pour leurs qualités intrinsèques. Le choix a toujours été influencé par des considérations électorales ou partisanes. On prend un agent non pas en raison de ce qu'il représente, mais en raison des appuis et protections dont il jouit. Sa valeur, ses aptitudes, son intégrité, son sens du devoir passent au second plan. L'essentiel est d'être appuyé, « pistonné ».

Pour limiter la corruption administrative, le chéhabisme a mis en place deux organismes de contrôle de l'administration : le Conseil de la Fonction publique et l'Inspection centrale sont réorganisés et leurs prérogatives sont étendues. Le statut des fonctionnaires définit les devoirs et les responsabilités des agents de l'administration. La gestion des différents départements ministériels est placée entre les mains des hauts fonctionnaires, limitant ainsi le champ d'intervention des ministres à ce niveau.

Le 12 juin 1959, la création par décret-loi du Conseil de la Fonction Publique (CFP), marqua la naissance de l'administration libanaise moderne. Garant du statut des fonctionnaires, celui-ci avait une double tâche. D'une part, s'occuper des problèmes de personnel : dépolitisation, nominations, avancements, indemnités, mutations, discipline, licenciements. D'autre part, promouvoir la formation technique et professionnelle des fonctionnaires. Il fut abandonné au profit de l'Institut National d'Administration Publique (INAP), inauguré en novembre 1960 et créé sur le modèle de l'ENA française. L'INAP était chargé d'organiser le concours de recrutement aux emplois de la troisième catégorie, seule voie d'accès désormais à la fonction publique. Son rôle consistait également à former les fonctionnaires déjà en place.

Au Conseil de la Fonction Publique fut adjointe une Inspection Centrale, pilier majeur de la politique d'assainissement et de contrôle de l'appareil administratif. L'inspection avait deux rôles : veiller à la bonne marche des services publics et rechercher les méthodes susceptibles d'améliorer leur fonctionnement.

2,2- La Planification

Dans son livre intitulé « Politique économique et planification au Liban », Georges Corm retient trois aspects pour définir la planification :

1- « la planification est un processus démocratique, un dialogue et une discussion permanente entre les représentants de toutes les forces économiques et sociales d'un pays.

2- Ce dialogue est destiné :

a) à définir la combinaison optimum des taux de croissance sectoriels qui permette le taux de croissance globale de l'économie le plus élevé,

b) à faire admettre le partage de façon productive et socialement acceptable des fruits de cette croissance,

c) tout en respectant les principaux équilibres nécessaires à la stabilité économique et au développement économique harmonieux de la nation

3- les décisions obtenues à partir de ce dialogue ne peuvent avoir d'effet que si la puissance publique qui l'a animé dispose des moyens d'action et d'intervention nécessaires pour agir sur l'économie en conformité avec le désir exprimé par les forces économiques et sociales de la nation258(*). »

Dès 1953 a été crée un « Conseil de la planification et du développement259(*). A partir de la définition du plan qui « est un choix qui se propose de modifier les structures existantes260(*) » ; ce conseil avait pour but de faire l'inventaire des ressources, besoins et possibilités du pays et d'élaborer une planification générale et exhaustive pour le développement de la richesse nationale, le relèvement du niveau de vie, ainsi que de présenter des recommandations en vue de parvenir à la mise en application d'une politique économique, financière et sociale cohérente.

Le « Conseil de la planification et du développement » était composé de dix membres (directeurs généraux des ministères à compétence économique et experts) réunis sous la présidence du ministre de l'Economie nationale. En fait, il s'agissait d'un organisme trop léger et dont les participants ne se consacraient pas assez à la tâche de planification pour pouvoir entreprendre un travail approfondi. Il fut réaménagé l'année suivante, en même temps que fut crée le ministère du Plan261(*) celui-ci est chargé de l'orientation et de la coordination des travaux d'équipement destiné au développement de l'activité économique et de la richesse nationale, à l'augmentation du revenu national et à l'élévation du niveau de vie de tous les citoyens conformément à une planification générale globale assurant la meilleure utilisation de toutes les ressources nationales, et de la surveillance de l'exécution des travaux de planification. En effet, « le plan est avant tout un dessein : le développement économique et social262(*). »

Les résultats de ces organismes ne furent pas à la hauteur des missions qu'on leur avait confiées. La raison essentielle en est l'insuffisance des moyens mis à leur disposition.

La question fut reprise en 1959 avec la mission de l'IRFED. Cet organisme fut coiffé en 1963 par une commission de planification. Il examina pendant cinq ans « les besoins et les possibilités de développement du Liban ». Il en est résulte une étude d'ensemble de tous les problèmes de l'économie libanaise, une analyse systématique de tous ses aspects globaux et sectoriels, et l'établissement des bases nécessaires à une entreprise de planification. C'est, jusqu'à aujourd'hui, le travail le plus approfondi qui ait été accompli sur l'économie libanaise, ses perspectives d'évolution et les programmes de planification.263(*)

Ces études ont souligné que, même « pour un pays qui veut garder le maximum de libéralisme, « l'Etat, au moins, doit prévoir et créer les conditions les plus favorables au développement national264(*) ». Elles ont montré que cela « doit nécessairement entraîner certains changements de structure administrative, dans le ministère chargé du Plan comme dans l'administration toute entière265(*)».

Ces propositions ont servi de base à la transformation des organes de planification. La loi du 12 juin 1962 en a été l'acte essentiel et qualifiée d' « un véritable monstre266(*) » par Georges Corm qui a montré dans « Politique économique et planification au Liban » que les bases de la planification au Liban existent, en ce qui concerne tant les organes que les moyens d'exécution. Cette loi réaménage tout d'abord le ministère du Plan. Il reste chargée, dans sa direction générale, d'élaborer un plan général global et des plans successifs en vue du développement économique et social, d'établir une politique économique, sociale et financière unifiée et compatible avec le plan général, de rassembler les renseignements statistiques relatifs aux différentes activités économiques et sociales, de les organiser et les diffuser, ainsi que de coordonner les travaux des services statistiques gouvernementaux, enfin de donner son avis sur les projets de lois concernant la vie économique et sociale du pays et sur les programmes annuels des travaux de développement . Cette mission, on le voit, est vaste et ambitieuse, et va sans doute plus loin que ne le permettent les possibilités du ministère en hommes et en matériels.

C'est au sein de la commission interministérielle que sont réunis, sous la présidence du ministère du Plan, les représentants des différents ministères intéressés à la planification, elle assure leur coordination en la matière. Au-dessus de ces organismes, c'est au conseil des ministres qu'appartient la décision. Il faut noter que la participation des représentants des différentes catégories professionnelles n'est organisée en aucune manière et que le Parlement n'a pas à intervenir. La planification reste ainsi une affaire purement interne à l'administration.

Par contre, à l'échelon régional, une certaine représentation des intéressés est prévue par la loi de 1962, dans la ligne des propositions de la mission IRFED. Auprès de chaque mohafez siège un conseil consultatif régional, composé des caïmacans du mohafazat, de représentants du ministère du Plan, de l'Office du développement social et des principales forces économiques et sociales de la région; il donne son avis sur les programmes de développement concernant le mohafazat et leur réalisation.

En outre, dans chaque mohafazat, un groupe technique régional réunit les chefs de services régionaux des ministères intéressés à la planification; il fait notamment des propositions en matière de développement, donne son avis sur le plan régional, établit des directives générales pour les travaux des équipes polyvalentes.267(*) Celles-ci sont des unités formées spécialement pour opérer au niveau du Caza; elles comprennent des agents de l'Office de développement social et des spécialistes des différents secteurs économiques; elles opèrent sous l'égide des caïmacans et dépendent techniquement du délégué du ministère du Plan dans le mohafazat; elles suivent l'évolution de la situation économique dans le Caza et y orientent les activités en vue d'assurer un développement harmonisé et coordonné, en coopération avec les collectivités locales.268(*)Tels sont les différents organes de la planification.

DEUXIEME PARTIE

LES DIFFICULTES DE LA MODERNISATION POLITIQUE OU L'ETAT INACHEVE

Chapitre 1 :

Une expérience de modernisation : les causes d'un échec

« Ceux qui pensent et agissent avec raison savent que l'Histoire

ne trahit tous ceux qui croient, ceux qui n'attendent d'elle

qu'autant qu'ils lui donnent ou y investissent. Il y a dans

l'Histoire ni échecs immérités, ni gloires gratuites. »

Ghassan Tuéni

Il n'y a qu'une façon d'échouer,

c'est d'abandonner avant d'avoir réussi !

Olivier Lockert

Section É

- Les obstacles devant le passage d'une politique d'équilibre à une politique de décision.

1 - La relation dialectique entre la modernisation et le développement politique.

C.E. Black définit la modernisation comme étant : « le processus à travers lequel l'évolution historique des institutions s'adapte rapidement aux changements causés par l'accumulation de la connaissance humaine qui lui permet de contrôler son environnement vital269(*). »  De même, Dankwark Rostow écrit que la modernisation est un processus « de contrôle rapidement élargit de la nature à travers une coopération étroite entre les hommes270(*). » 

La modernisation est communément définie comme un processus à travers lequel les hommes augmentent le contrôle de leur environnement vital. La large variété des réponses aux défis relatifs au milieu, en produit de très différents résultats ; cet héritage est perceptible dans les différents pays développés, de même qu'au Liban. Sous le chéhabisme, l'industrialisation, le développement économique et communicationnel ont engendré une transformation physique qui révèle un apparent développement technologique.

Contrairement aux sociétés modernisées pour qui le processus de modernisation a donné un résultat évident, la société libanaise souffre d'un gap entre les aspirations affirmées et les résultats obtenus. Ces frustrations par conséquent engendrent des tensions sociales et de l'instabilité politique. L'initiation de la modernisation et la force de son élan sont largement déterminées par le système politique. L'élite chéhabiste a pris les décisions essentielles pour mettre le Liban sur les voies de la modernisation. En retour, la modernisation a réduit la capacité du système politique pour régler les défis politiques qui se sont posés. Pour cette raison, et pour plusieurs autres, l'importante question du développement politique est fortement liée au problème de la modernisation.

Plusieurs confusions existent concernant la relation entre le concept de modernisation et celui du développement politique. Parfois, voire souvent, les deux concepts sont considérés comme synonymes, et d'autrefois, ils sont clairement distingués l'un de l'autre. A travers cette étude, nous considérons les deux processus comme analytiquement distincts mais effectivement liés.

Alfred Diamant avance que « le développement politique est un processus à travers lequel le système politique acquière une capacité croissante dans le but de soutenir continuellement et avec succès de nouveaux buts, de nouvelles revendications et de créer les types d'organisation adéquates271(*). »

S.N. Eisenstadt donne une définition similaire en considérant la modernisation comme étant « la capacité du système politique à contenir les revendications sous forme de décisions politiques et d'assurer sa continuité à absorber les nouvelles revendications et les nouvelles formes d'organisations politiques272(*). »

La capacité des décisions politiques à créer du développement n'est pas seulement une capacité pour surmonter les divisions et gérer les tensions créées par les différenciations croissantes, mais la capacité de contenir et de satisfaire les revendications de participation et de distribution engendrées par les impératifs de l'égalité. C'est aussi la capacité d'innover et de gérer des changements continuels. Si le chéhabisme a réussi à surmonter les divisions, il échoua dans l'innovation d'un changement continuel. Masferd Halpern définit le développement politique comme « la capacité durable de générer et d'absorber les transformations persistantes273(*). »

En effet, le système politique n'est pas simplement un mécanisme réactif qui absorbe les revendications, mais c'est essentiellement un système doté d'une autonomie qui lui permet d'introduire et de gérer le développement. Le système politique guide, dirige et innove. Les revendications et les programmes du gouvernement puisent leur source au sein du système politique.

Parmi les principales revendications que le système politique doit favoriser et satisfaire sont les revendications relatives à l'égalité des chances, à la participation politique et à la justice sociale. Ces revendications sont plus difficiles à satisfaire que celles qui relèvent du domaine économique et technologique. Le processus de développement politique inclut la capacité de produire de plus en plus d'individus capables d'améliorer leurs conditions sociales sur la base du mérite personnel et non sur celle des relations interpersonnelles. De même, de nouvelles classes et de nouveaux groupes apparaissent continuellement dans la société et doivent être introduits efficacement au sein des instituions politiques.

En définissant le développement politique en termes de capacités à stimuler les revendications et à résoudre les problèmes, nous dépassons le risque de tomber dans le piège de l'ethnocentrisme qui accompagne les études sur le développement politique.

Pour élargir leur pouvoir et leur autorité, l'élite chéhabiste a cherché à générer et à accélérer le processus de modernisation. Quoique, de tels efforts précipités favorisent l'apparition de nouveaux défis. Cependant, une fois que le processus de modernisation est déclenché, il tend à devenir persuasif et persistant. Le groupe politique qui a stimulé et encouragé le mouvement modernisateur voit souvent son habilité à contrôler et à réguler le système diminuer. En même temps, les forces de modernisation influencent le comportement et les décisions politiques de l'élite politique.

L'augmentation et la prolifération des revendications devancent énormément la capacité du système à les traiter. Les difficultés affleurent et s'inscrivent dans les agendas politiques non pas séquentiellement mais simultanément, ce qui rend d'autant plus difficile la mise en place de politiques de changements graduels. La maîtrise des tâches exige une grande dose de patience et de confiance, mais aussi et surtout parce que les préférences temporelles des différents segments de la population sont fortement variables. La capacité d'attendre, de préférer le court terme au long terme, est en effet inégale. La préférence pour le présent étant d'autant plus accentuée que les attentes et les aspirations des individus sont importantes. Il s'agit donc de synchroniser les différentes modalités sociales, au moment de forte désynchronisation.

En effet, nous pourrions admettre qu'il y a toujours un intervalle spatio-temporel entre les revendications qui accompagnent le processus de modernisation d'un côté, et l'habilité du système politique à les absorber de l'autre. Ainsi, il est plus aisé de générer du changement que de l'absorber et de le contenir. Cette délicate dialectique est au centre de l'expérience de modernisation tentée par le chéhabisme et du processus de développement politique dont le résultat est pourtant façonné par le degré et le niveau de modernisation. Cette dynamique peut retarder ou bien promouvoir le développement politique.

Ainsi, le progrès atteint par les forces de modernisation au niveau économique et technologique sous le chéhabisme, ne déboucha point sur une profonde altération dans le système politique. Les puissantes forces traditionnelles qui monopolisent une large partie de l'autorité politique ont résisté farouchement à tout changement de fond. De plus, l'élite politique chéhabiste s'est tellement investie pour la réussite de son projet politique qu'elle a énormément réduit sa capacité à confronter les revendications de participation politique, de justice sociale et d'égalité. Toutefois, le développement politique ne peut aboutir sans qu'il ait le souffle continu pour prendre en charge les problèmes sociaux et politiques.

Peu importe le niveau de progrès économique et technologique, il n'y aurait aucune modernisation politique sans une transformation des structures du pouvoir et des formes de l'autorité légitime.

Le processus de développement donc est dirigé par une dialectique entre les revendications socio-politique et la capacité du système à les satisfaire. Cette confrontation résulte du combat pour la sécurité d'un côté et celui de la liberté de l'autre. Sous le chéhabisme celle-ci s'est manifestée entre le rôle sécuritaire du Deuxième Bureau, et les opposants au chéhabisme qui refusaient ce rôle au nom d'une liberté « immature ».

Les revendications liées à la liberté et aux valeurs telles que la participation politique, la justice et l'égalité sont séculières au Liban. Il devrait y avoir un pouvoir capable de les satisfaire et les réprimer en même temps. La satisfaction de ces revendications est d'habitude remplie par une forte institutionnalisation, par de nouvelles méthodes, et un style efficace de gouvernement. Ceci exige la centralisation et la concentration du pouvoir et en même temps la disparition des relations traditionnelles au profit de nouvelles relations rationalisées.

Comme il est visible dans la figure 1274(*) , le processus de développement est une trajectoire qui oscille entre la répression et l'instabilité anarchique. Ce processus est une délicate balance d'équilibre entre les revendications sociales et les capacités du système politique à les satisfaire. L'augmentation des revendications requiert de plus en plus d'habilité pour les confronter. Le développement implique un constant va et vient entre les deux pôles de cette dialectique. En attendant, la vague de modernisation continue à avancer et devient de plus en plus persistante. Ce qui complique le processus de développement en modifiant et en déplaçant l'équilibre social, les revendications populaires, les capacités du système politique et les décisions du gouvernement.

Le progrès dans le domaine de l'éducation et de la technologie a donné naissance à une nouvelle classe moyenne. Kamal Dib affirme que le chéhabisme a réussi à créer trois groupes d'alliés275(*) :

1- Une nouvelle classe moyenne qui commença à prendre forme grâce au développement équitable et harmonisé et à travers un nouveau concept de la citoyenneté. Ainsi, l'élargissement de l'intervention de l'Etat-Providence, et l'augmentation des dépenses sociales ont crée des emplois, de facilités sanitaires, l'éducation universitaire aux classes défavorisées; comme ils ont permis la création de nouvelles dynamiques sociales.

2- Le rassemblement d'une nouvelle élite connue sous le nom des « nahgistes ».

3- L'élite militaire et les membres du Deuxième Bureau

Aucune de ces nouvelles catégories politiques et sociales ne fut introduite dans le système politique de manière à engendrer du développement politique : la nouvelle classe moyenne en tant que telle demeura incapable de constituer le socle humain durable du chéhabisme ; les « naghgistes » ne réussirent pas à s'organiser au sein d'un parti politique organisé et démocratique, enfin l'élite militaire se disgracia par « les débordements » du Deuxième Bureau.

En échouant dans l'absorbation de ses nouvelles catégories sociales, politiques et militaires, l'élite politique chéhabiste a donné la preuve de son incapacité à institutionnaliser les transformations socio-économiques. Charles Rizk voit que le président Chéhab s'est contenté « de court-circuiter les institutions, tout en les maintenant et les magnifiant en apparence276(*). » Le court-circuitage et la dépolitisation des institutions au profit des technocrates et des bureaucrates n'ont pas débouché sur une repolitisation dans le cadre d'un régime politique moderne, et sur un aboutissement de la réforme administrative, économique et sociale.

Cet échec a engendré une situation dans laquelle les gaps s'élargissaient pour s'enchevêtrer telles des poupées gigognes. Le fossé entre la modernisation socio-économique et le développement politique s'élargit en fonction de la capacité de générer du changement et par l'échec d'absorber ce dernier.

Par conséquent, le système politique libanais, par sa médiocrité congénitale, a été incapable de relever le défi auquel devait faire face la démocratie libanaise, inapte à résoudre les problèmes du développement dont la solution était aussi urgente qu'était pressante la progression démographique et grave le déséquilibre socio-économique du pays.

1,2 - Incompatibilité entre la modernisation et les garanties communautaires.

« Est considéré démocratique, écrit Georges Lavau, un régime où aucune fraction du peuple fut-elle majoritaire, aucune autorité fut-elle légalement désignée, ne peuvent porter préjudice aux libertés qu'une minorité autoproclame sacrée277(*). » En d'autres termes, l'idée de démocratie ne peut en aucun cas se réduire à une simple arithmétique. Elle se révèle plutôt dans son aptitude à reconnaître et à gérer le plus haut degré de diversité possible.

La démocratie consensuelle libanaise consiste a géré les différences et les particularismes. Cette démocratie se traduit par la reconnaissance des minorités par le pouvoir politique qui se manifeste par des législations allant de la simple tolérance à « l'institutionnalisation des différences. » Des pays comme le Liban sont contraints pour assurer la coexistence entre leur composante sociale d'adopter un mode de gouvernement particulier, capable d'assurer sinon une coexistence pacifique, du moins une cohabitation entre les groupes minoritaires. Ce type de démocratie régie le fonctionnement des rouages étatiques dans les pays pluralistes où on assiste d'une part à une segmentation de la population en plusieurs communautés et d'une part à « l'institutionnalisation d'un processus de négociation au niveau des élites de ces communautés278(*). »

La démocratie consensuelle est une démocratie élitiste. La faculté de négociation dont jouissent les membres de cette élite, dépend de leur légitimité et de leur autorité au sein de leur communauté. Il est nécessaire de clarifier le sens de l' « élite » dans le contexte sociopolitique libanais puisqu'il désigne les individus qui sont « de fait » au pouvoir. En ce sens, l'élite est celle qui a accédé au pouvoir indépendant des critères de compétence et d'aptitude, grâce à un soutien communautaire qu'elle a pu développer au sein d'une collectivité déterminée. Il est certes évident que l'autonomie accordée à chaque communauté dans la gestion de ses affaires, cristallise l'appartenance effective de l'individu à une communauté. En effet, au moment même, où l'on rend à l'homme sa culture, on lui ôte sa liberté : son nom propre disparaît dans le nom de sa communauté, il n'est plus que l'échantillon, le représentant interchangeable d'une classe d'êtres particulière. Sous couleur de l'accueillir inconditionnellement, on lui refuse toute marge de manoeuvre, toute échappatoire, on lui interdit l'originalité, on le piège insidieusement dans sa différence. Ce qu'est l'individu « parle » plus fort que ce qu'il dit ou pense.

Les élites peuvent éventuellement mobiliser les masses et les faire ainsi participer de manière indirecte à la défense de leurs intérêts particuliers. Les élites traditionnelles sont issues de la grande féodalité héritières du pouvoir de leurs familles. Quant à la nouvelle élite, elle puise ses origines dans des milieux qui ne sont pas tous liés à la féodalité ni aux familles spirituelles. Cette division des élites a permit à Aisteindat Lijphart d'effectuer une distinction entre société démocratique et société autoritaire. Son analyse s'est fondée sur ce critère de l'« élitisme ». Les sociétés démocratiques maintiennent des élites séparées les unes des autres, tandis que les sociétés autoritaires sont gouvernées par une élite unifiée279(*).

Dans le cas du Liban, chaque communauté est dirigée par une « élite ». Cette séparation explique le partage des postes au niveau du pouvoir. Dans la société libanaise où le rôle des minorités a une importance qui ne peut être sous-estimée, les élites se voient obligées de débattre d'un compromis sans lequel l'équilibre social serait rompu. L'institutionnalisation de la négociation entre les élites des blocs est un aspect de la démocratie qui s'est incarnée par le fameux Pacte National de 1943, lié au processus d'agrégation des intérêts. Comme aucun camp n'est majoritaire, la négociation est nécessaire entre les élites.

Dans le cadre de l'Etat multi-communautaire de 1943 où le pouvoir politique s'est constamment trouvé en situation d'infériorité par rapport aux contre-pouvoirs des communautés, ces dernières ont bénéficié d'une sorte de cristallisation à la faveur des fonctions juridiques et politiques qu'elles assumaient dans le réseau institutionnel. Ces cristallisations se sont d'autant mieux développées et les contradictions entre les communautés d'autant plus aiguisées que le régime a fonctionné, presque constamment, en circuit fermé, empêchant le renouvellement des élites et la formation de relais entre les communautés.

Le système politique libanais est atteint d'une carence principale qui est l'inertie. Cette dernière provient de l'institutionnalisation des clivages communautaires et l'absence de moyens de réformes qui préservent et ne nuisent pas à l'équilibre communautaire établi.

Le système communautaire, comme l'écrit Pierre Rondot dans une évaluation du chéhabisme est « générateur d'un équilibre certes précieux, mais coûteux aussi par les servitudes dont il grève la vie publique et par la relative paralysie qu'il impose à l'Etat280(*). »

L'Etat chéhabiste a essayé d'exercer un contrôle hiérarchique de plus en plus poussé à l'égard des sous-pouvoirs communautaires, sans pour autant aboutir, à la limite, à supprimer toute autonomie communautaire et toute possibilité pour les groupes de résister d'une façon ou d'une autre au pouvoir central de l'Etat. Dans cette optique ce dernier entreprenait de « reconquérir » les communautés, s'imposant progressivement aux différents pouvoirs « sectaires » sans pouvoir achever par l'institution de la laïcité. II s'agissait, en somme, de passer de l'Etat des communautés rivales à celui de la nation intégrée, mais le chéhabisme n'a pas réussi à instaurer l'unification et la sécularisation du statut personnel par l'abolition de la représentation confessionnelle en faveur d'une représentation politique nationale et, en même temps, de substituer au pluralisme culturel, la découverte d'une identité culturelle libanaise uniforme. Car la mutation des structures dans le sens de l'intégration progressive des communautés, envisagée comme solution de dépassement, implique nécessairement l'abandon par ces derniers, à plus ou moins brève échéance, du bénéfice de leur statut privilégié.

Or un tel processus, qui consiste à remplacer les garanties juridiques et contractuelles du pacte de 1943 par des garanties psychologiques et sociales, ne peut se faire que dans un climat de confiance et en période de croissance économique, car l'intégration sociale suppose nécessairement un milieu favorable.

Bien que la politique du président Chéhab ait surtout insisté sur la réforme administrative et sur la planification d'aménagement du territoire, le représentant du bloc parlementaire chéhabiste, Samih Ousseirane, a proposé un programme pour la sécularisation présenté par lui comme la clef de voûte de la politique chéhabiste. Tout en faisant état de ce programme, nous nous demandons dans quelle mesure il reflétait la réalité politique du bloc, surtout que toutes les possibilités de faire passer un tel projet de loi été réuni du fait que les chéhabistes se trouvaient au pouvoir et que Ousseirane précise lui-même qu'il fallait une majorité parlementaire des 2/3 qu'ils pouvaient facilement assurer pour abolir le confessionnalisme de la Constitution et instaurer la sécularisation. Ceci n'est qu'un exemple de la dualité entre la théorie et la pratique, la parole et l'action, très caractéristique de la politique libanaise.

« Comme le président Chéhab, affirme Kamal Joumblatt, se plaignait du système politique, il aurait dû amender ce système en son temps et établir un nouveau qui assainit la politique... Il a exercé le pouvoir en étant convaincu qu'il est nécessaire de changer281(*) ».

II y avait deux courants chrétiens vis-à-vis de cette question. Un courant minoritaire, mais avant-gardiste, avec Chéhab, qui disaient que la meilleure façon d'empêcher que les défis arabes socialistes, révolutionnaires, palestiniens fassent éclater le Liban, c'est de consolider le Liban de l'intérieur par la justice sociale, une armée forte et la libanisation des musulmans. Le chéhabisme croyait garantir la présence chrétienne au Liban en entraînant les musulmans vers eux, et non en les combattants.

Nous croyons en effet, que les conditions de réussite de la coexistence islamo-chrétienne, c'est que les chrétiens présentent aux musulmans du Liban un projet viable. Le rôle principal des chrétiens du Liban, c'est de faire adhérer les musulmans par tous les moyens à l'idée d'Etat libanais, d'indépendance, de nation libanaise. De faire en sorte que les musulmans se sentent défendus et comprennent qu'ils ont plus d'intérêts à être dans un Liban indépendant que dans un Liban dépendant d'un autre pays arabe. Toute subordination est mauvaise. Si les musulmans doivent se sentir subordonnés aux chrétiens, ils préféreront être subordonnés à d'autres musulmans. Si les chrétiens doivent être le moteur du Liban, il y a aussi une responsabilité des musulmans envers les chrétiens, surtout dans l'environnement régional et arabe. Ils doivent faire en sorte que l'arabité ne soit pas en contradiction avec la personnalité chrétienne. Faire que les chrétiens ne perçoivent pas l'arabisme comme une façon de les dépersonnaliser. C'est la responsabilité des musulmans.

L'autre école disait que les musulmans ne se libaniseront jamais, les défis sont trop grands, les Arabes sont trop forts.

De plus, dès son arrivée au pouvoir, le président Chéhab n'était pas populaire dans sa propre communauté, et ne le fut point durant tout son mandat, à noter ici que le nombre des postes cruciaux que les chrétiens occupaient dans l'Etat était imposant.

Fouad Chéhab par souci d'équilibre et de justice promulgua le décret-loi n0 112 concernant le statut des fonctionnaires qui impose à l'exécutif de les choisir désormais en nombre égal entre chrétiens et musulmans, c'est le principe fifty-fifty. Par un effet indirect et involontaire, ce décret a institutionnalisé l'article 95 de la constitution qui préconisait la distribution des fonctions sur base communautaire. Cet article qui se voulait transitoire et sans préjudice de l'intérêt général a accentué les structures confessionnelles du Liban.

En même temps, dans l'esprit des chrétiens, favoriser les musulmans pour les libaniser, c'était enlever quelque chose aux chrétiens. La politique de rééquilibrage du système politique n'a pas abouti au but visé. Au contraire, le rééquilibrage du système politique a donné naissance à un nouvel déséquilibre ressenti surtout par les chrétiens. Dés lors que, le système est légitime aux yeux des chrétiens parce qu'il est séculaire. Plus un ordre est ancestral, plus il mérite d'être préservé. Si telle option commune a traversé les siècles, c'est qu'elle est vraie ; nul argument rationnel ne peut valoir contre cette patine de l'âge, contre cette consécration par le temps. Cependant, Alexis de Tocqueville dit « Je suis tenté de croire que ce qu'on appelle les institutions nécessaires ne sont souvent que les institutions auxquelles on est accoutumé, et qu'en matière de constitution sociale, le champ du possible est bien plus vaste que les hommes qui vivent dans chaque société ne se l'imaginent282(*)».

Si nous analysons un échantillon révélateur des discussions qui se tenaient à cette époque au conseil des ministres, nous pouvons remarquer que ce rééquilibrage a mené à un nouvel et un autre déséquilibre. En effet, le 5 Avril 1961, le Conseil des ministres est le théâtre de vifs échanges entre le chef du gouvernement Saêb Salem et Pierre Gemayel. En réponse à Chéhab sur la nécessité du respect de l'équilibre confessionnel dans le recrutement des fonctionnaires, Salem et Arslane avaient souligné que Sunnites et Druzes n'obtenaient pas justice, ce qui amena Gemayel à dénoncer leur conception de l'équilibre confessionnel. « Pour certains, dit-il, cela signifie d'arrêter les projets au Mont-Liban parce que des projets doivent être réalisés dans des régions moins développées... Or le développement doit se faire partout et ne doit pas être interrompu ici pour se poursuivre ailleurs283(*). Quand au recrutement, l'Etat doit compter sur la compétence, bien que l'équilibre confessionnel soit actuellement observé. Mais cet équilibre dans les droits doit l'être aussi dans les devoirs. Or la partie de la population accusée d'empiéter sur les droits des autres paye 80% des impôts et des taxes. » Salem conteste ce pourcentage. « 83% pour titre précis » martèle Gemayel. « Si la partie que vous représentez paye 80% des impôts, nous défendons, nous, avec notre sang l'unité du Liban et son indépendance284(*) »  s'écrie Salem.

Par conséquent, chaque système, en s'éloignant toujours plus de l'équilibre, se développe par une succession d'insatiabilités et de fluctuations amplifiées qui débouchent, en fin de compte, sur des bifurcations. Mais cet état n'en reste pas moins déterminé par l'invariance globale des structures dont les bifurcations orientent éventuellement la recomposition. Une structure ne se recomposant qu'à partir du moment où une interpellation déstabilisatrice menace son invariance, et sa recomposition ayant pour contrainte la nécessité vitale de sauver globalement cette invariance en l'adaptant à ces nouvelles conditions de fonctionnement.

Une fluctuation ou une perturbation ne devient signifiante que dans la mesure où, dans un contexte d'instabilité structurelle, elle allume une mèche du processus de recomposition. Cette mèche est un effort général et parallèle entre les différentes communautés pour dépasser le système confessionnel pour le bénéfice de tous. Adapter une stratégie non confessionnelle en face d'une autre stratégie confessionnelle et extrémiste relève de l'absurdité. Il s'agit d'un effort mutuel et concomitant entre toutes les communautés, pour créer des éléments objectifs rendant le système confessionnel inadéquat à la nouvelle situation.

C'est l'accumulation des éléments objectifs qui, en rendant la structure d'un système donné totalement inadéquate aux mutations de son milieu interne et externe, et en la mettant de la sorte à la merci d'un facteur déclenchant, si aléatoire soit-il, détermine en dernière analyse la désintégration de cette structure confessionnelle. Si ces éléments objectifs se sont accumulés sous le chéhabisme ce qui a manqué c'est la décision et la volonté politique pour aboutir à une vraie mutation du système.

1,3- L'enracinement des forces traditionnelles, ou «les impuretés de l'Histoire.»

«Si nous sommes menacés, dit Naccache ce n'est pas (seulement) du dehors. Nos plus proches, nos plus lourds périls, nous les portons en nous...Ce qui nous inquiète le plus c'est l'incapacité totale des leaders à s'adapter aux impératifs d'une évolution qui exige la transformation radicale de toutes nos structures économiques et sociales. C'est l'inconscience des classes possédantes qui s'abrite sous les grands principes du libéralisme - tout cet anachronisme enfin d'un système politique qui nous situe, dangereusement, en dehors de notre époque285(*). »

Chéhab avait misé sur la capacité incertaine dont disposait l'autorité traditionnelle à entraîner l'adhésion de la population à la scène politique moderne à laquelle il aspirait. Dés le début, « il fut confronté à une réalité dramatique et essaya quoique contraint de s'y adapter286(*). » Le premier théoricien du chéhabisme, Georges Naccache montre la fragilité et en même temps la nécessité de ce pari : « C'est avec les Libanais comme ils sont, avec les politiciens, valent ce qu'ils valent, c'est avec eux et à travers eux qu'il faut faire un Etat libanais... avec cette conscience amère de la nécessité, pour aboutir, de passer à travers les hommes mêmes qui ont avili l'autorité et dégradé le pouvoir287(*). » 

Et ajoute, « Il sait (Chéhab) que l'Histoire, hélas! - n'avance pas sans impureté. Mais ce qu'il refuse, c'est de faire de l'impureté une condition de l'Histoire288(*). » Malheureusement, par un effet contradictoire, l'Histoire refusera d'avancer sans « impureté ».

La crise de la légitimation de la modernité qui affecta la présidence de Chéhab conduisit à une exacerbation de la logique néo-patrimoniale. La logique néo-patrimoniale289(*) exprime la confusion entre le domaine public et le domaine privé ou l'appropriation privée des charges publiques par leurs détenteurs. Le système politique libanais y apparaîtrait comme un système parlementaire-clientéliste, c'est-à-dire dont les représentants-élus sont des patrons de clientèle qui accèdent au parlement grâce aux rapports de clientèle qui les unissent à la masse des votants; autrement dit, ce système fonctionne sur le modèle du pseudo-parlementarisme selon la terminologie consacrée par Guy Hermet290(*).

Et « les effets de la permanence des cultures communautaires sont renforcés par les orientations qui caractérisent la construction du pouvoir consensuel rebelle à la hiérarchie, à la constitution d'une légitimité politique, et ils sont actualisés par la faible capacité de la scène politique moderne à répondre aux espoirs de gain des divers acteurs sociaux périphériques, favorisant par la même la reconstitution, à tous les niveaux, de sites traditionnels de contre-pouvoir ou d'expression des mécontentements291(*)

Les grandes familles de propriétaires terriens ont vu que les tentatives de modernisation des milieux ruraux (construction d'écoles, de réseaux routiers, réformes agraires, barrages...) vont à l'encontre de leur intérêts vitaux. Un exemple révélateur en est le projet d'irrigation du Sud-Ouest du Liban. Il était de coutume dans les milieux ruraux que les « notables » ou les personnes influentes du village décident de la distribution de l'eau d'irrigation aux paysans. Ce pouvoir conféré aux grands propriétaires leur a permit de s'ériger en maître des campagnes et assura leurs victoires cycliques aux élections législatives. Cette relation était prédominante dans les régions du Sud à majorité chiite. Par conséquent, le barrage construit sur le fleuve de Litani pour l'irrigation des terres cultivables menaçait de briser le monopole des leaders locaux et surtout le leadership de Kamal El-Assad. 292(*).

Quant au clergé maronite, il était préoccupé par la préservation de ses privilèges et des ses intérêts et demeura étranger aux appels de réforme du président Chéhab surtout après l'opposition affichée du patriarche Boulos Méouchy au chéhabisme. Dans une lettre adressée au Concile des évêques le 28 février 1962 le père Lebret écrit franchement : « il est décidé (Chéhab) avec détermination à consolider et ordonner le développement général du pays, mais les classes dirigeantes et le clergé qui sont des grands propriétaires veulent tous contourner le problème social293(*)

D'après Kamal Joumblatt, l'Eglise maronite possède le deux tiers voire la moitié des terres dans des régions telles que Keserouan, Jbeil, ou Batroun et 20% de l'ensemble des terres cultivables est entre ses mains294(*). Ainsi, le père Lebret prévient que si les hommes de religion et le clergé maronite ne participent pas aux réformes « nous serons confronté à un problème social d'une extrême difficulté. »

Parallèlement, à la position du clergé, hormis les Phalanges de Pierre Gemayel la majorité des forces politiques chrétiennes s'opposa à la politique du président Chéhab. La position des Phalanges était déterminée par trois facteurs principaux :

- un élan maronite qui se manifesta lors de la Contre-révolution

- la participation au pouvoir imposée par les intérêts du parti, notamment le renforcement de ses bases électorales par l'accès aux postes clés de l'Etat.

- son adhésion à la politique du président Chéhab pour faire face à l'opposition des puissances capitalistes, puisque les Phalanges à cette époque appuyaient une politique sociale efficace pour limiter l'extension des partis de gauche dans les milieux chrétiens.

Le président Chéhab a misé sur les Phalanges pour lui apporter un appui chrétien et précisément maronite nécessaire à tout président maronite de la République, dés lors que la politique du président Chamoun était largement appuyée par les maronites.

La grande majorité des hommes politiques traditionnels qui ne participèrent pas au pouvoir sous le mandat Chéhab, ont critiqué le style de gouvernement adopté pour réaliser l'oeuvre réformatrice, du recours aux décrets législatifs pour promulguer des lois de réforme, à la percée de nouvelles personnalités de technocrates et d'experts sur la scène politique traditionnelle. Ils ont vu dans ce style de gouvernement « un affaiblissement du rôle du Parlement, un type de régime présidentiel et une domination des experts et des technocrates sur l'oeuvre réformatrice295(*)

1,4- La crise de l'autorité ou le rôle du « Deuxième Bureau ».

Maurice Duverger écrit : « par les régimes sous tutelle militaire, on désigne des régimes où l'armée ne gouverne pas elle-même, mais où elle intervient à certains moments dans la vie politique de façon décisive. En dehors de ces moments, la démocratie fonctionne, mais d'une façon limitée et précaire. »

« La démocratie vit en permanence sous la menace de l'épée de Damoclès. Elle fonctionne dans l'intervalle des interventions, mais elle peut toujours être mise en échec par une intervention. Elle n'est pas seulement précaire, elle est limitée. L'élection par les citoyens de leurs représentants n'est valable que dans la mesure où l'armée n'est pas en désaccord avec elle. On aboutit à un régime appuyé sur deux forces : les électeurs et l'armée. Si les deux sont d'accord, la démocratie fonctionne. Sinon l'armée la bloque. Les deux forces ne sont pas égales, car l'armée a le dernier mot (...). Malgré tout, il n'y a pas de monolithisme, l'opposition peut s'exprimer dans certaines limites, les élections sont relativement libres, et leurs résultats acceptés s'ils ne déplaisent pas trop à l'armée.296(*) ».

Depuis son accession au pouvoir, Chéhab a scrupuleusement appliqué le principe adopté en 1945 : maintenir l'armée hors du champ politique. Il s'est fait élire président de la République par la position de neutralité qu'il a donnée à l'armée pendant les crises politiques en 1952 et 1958. Parallèlement, Chéhab avait chargé le Deuxième Bureau297(*) de «la mission d'espionnage interne, à savoir la collecte d'informations concernant tous les acteurs de la vie publique, politiciens, journalistes, partis politiques..., afin de préserver le pays de toute menace sécuritaire.298(*) »

En effet, Nicolas Nassif dans « le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre » écrit : « le rôle politique principal des services de renseignements réside dans le fait qu'ils font partie des intérêts vitaux de l'Etat, et participent à sa protection et à la garantie de son unité. La collecte des informations est devenue essentielle dans le concept même de la sécurité dans sa dimension politique, militaire, économique, financière et sociale299(*). »

La tentative du coup d'Etat perpétré en 1960 par le P.P.S va produire un revirement capital dans le programme politique du président Chéhab : ce coup d'Etat projeta l'Armée, et plus précisément le Deuxième Bureau, sur le devant de la scène politique.  La tentative du coup d'Etat menée par le P.P.S en 1920 a souligné la rentrée officielle et parfois brutale du Deuxième Bureau sur la scène politique libanaise.

Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1961, un petit groupe de membres du P.P.S attaqua le Quartier Général de l'armée libanaise. Quelques heures plus tard, le chef de l'état-major, le directeur de la Sécurité générale, le commandant de la gendarmerie, furent faits prisonniers.

L'extraordinaire promptitude de la riposte de l'armée et de la « Brigade 16 » (brigade de choc de la police), fit échouer en quelques heures l'entreprise si bien commencée. Les Libanais apprirent l'affaire en s'éveillant, elle ne troubla pas leur sérénité. La répression n'en fut pas moins sévère : 287 accusés furent traduits devant un tribunal militaire, qui prononça 79 condamnations à mort (68 par contumace) dont celles des chefs du P.P.S, Abdallah Saadé et Assad Achkar.

Réussissant pour la première fois, depuis 1943, à consolider un Etat centralisé et stable300(*), le Deuxième Bureau de l'Armée n'a pas manqué de devenir un important groupe de pression au sein de l'Etat et à exercer, entre 1964 et 1970, une tutelle réelle sur le pouvoir civil apparent du président Charles Hélou, créant ainsi une dualité du pouvoir. La dualité des deux pouvoirs civils et militaires atteindra son paroxysme pour décliner après les élections du printemps 1968, avec le triomphe de « l'Alliance Tripartite301(*) » et disparaître à la suite du « transfert par le sommet », effectué en septembre 1970 par l'élection de Sleiman Frangié, du « groupement centriste », président de la République.

Nicolas Nassif constate qu'« après quelques mois de l'élection du président Chéhab, le Deuxième Bureau a rassemblé des informations qui reflètent un changement dans le comportement de l'armée après l'arrivée de son commandant à la première magistrature. Entre 1958 et 1960, la croyance dominante était que l'élection du général Chéhab avait pour but suprême le rétablissement de la sécurité et la levée des barricades. Cependant, l'ivresse de la victoire dans les casernes militaires, et précisément dans les milieux ruraux a fait que ce but ne fut pas compris dans sa profondeur. » Nawaf Kabbara rejoint ici Nassif en écrivant que « pour le président Chéhab, l'armée était l'organe à travers lequel il imposait la loi et l'ordre dans le pays. Cependant, par un effet contradictoire, l'élection de Chéhab à la première investiture était considérée par les officiers de l'Armée comme une victoire politique sur l'establishment politique, et comme un prétexte pour intervenir dans la politique302(*). »

Mais ce n'est qu'à partir de 1965 que le Deuxième Bureau est devenu un véritable « pouvoir parallèle ». Peu à peu, le Deuxième Bureau outrepassait ses prérogatives. Il ne se contentait plus de surveiller les ambassades arabes et étrangers303(*) et les opposants au régime, il s'apprêtait à faire son entrée sur la scène politique. Ici Nassif précise que « les services de renseignements ne deviennent puissants et ne deviennent capable de menacer, de provoquer et de terroriser, qu'après s'être émancipés des lois qui limitent leurs actions et leurs marges de manoeuvres304(*). »

Lorsqu'on parle de dérive du chéhabisme, c'est surtout le Deuxième Bureau qui est accusé d'avoir dépassé ses limites et d'être intervenu dans l'autonomie du pouvoir civil. La principale critique adressée au chéhabisme et le leitmotiv de ses opposants est la dérive autoritaire exercée par le Deuxième Bureau. Le Deuxième Bureau libanais, crée en 1945, en même temps que l'armée, avait pour missions principales, la collecte des renseignements et l'espionnage afin de garantir la sécurité de l'Etat. II est devenu « un des meilleurs du monde arabe305(*) ».

Couramment, on définit le chéhabisme comme un style de gouvernement qui se rattache au général Chéhab et qui coïncide avec le renforcement des pouvoirs du Deuxième Bureau et avec un souci de développement économico-social et administratif.

Nous allons montrer par les faits la dualité du pouvoir sur le plan exécutif, législatif et judiciaire.

- Sur le plan du pouvoir exécutif l'ancien Président du Conseil des Ministres, Saêb Salam a déclaré dans le numéro spécial du « An-nahar » de Noël 1970 que « M. Abdallah Yafi, Chef du gouvernement en 1966, lui avait raconté, au cours de la même année, que le Commandant Gaby Lahoud, Chef du Deuxième Bureau, assistait aux consultations de formation du Cabinet, imposait la désignation d'un tel ministre, et refusait la désignation d'un tel autre306(*). »

Le rapport final de l'enquête sur «l'Affaire du Deuxième Bureau » libanais307(*), présenté par le juge Elias Assaf, a révélé, encore, que « les actes entrepris par le Commandant Gaby Lahoud et ses officiers en vue de résoudre les problèmes de sécurité et de consolider l'Armée et l'Etat, n'avaient d'autre but que d'effectuer et de consolider l'Armée et l'Etat, n'avaient d'autre but que d'effectuer une mainmise sur le pouvoir308(*) ».

- Sur le plan du pouvoir législatif, Nassif écrit que « les premières élections législatives dans le mandat du président Chéhab furent une occasion qui a permis au Deuxième Bureau de se consolider dans les différentes régions à travers les municipalités et les forces politiques en place et de soutenir les candidats chéhabistes d'un côté et de combattre ses ennemis de l'autre. »

Le rapport final de l'enquête sur « l'Affaire du Deuxième Bureau », a, encore, mis en relief « les interventions de officiers du Deuxième Bureau dans les élections législatives309(*) » de 1964, et surtout dans celles du 31 mars 1968, dans les deux mohafazats du Sud et plus particulièrement de la Bekaa, « en aidant certains personnes et en combattant d'autres310(*) ».

La bataille électorale dans le Mohafaza de la Békaa (qui comprend trois circonscriptions électorales, celle de Zahlé, de la Békaa-Ouest et de Baalbeck-Hermel) était menée par le Capitaine Naim Farah à partir de la caserne militaire d'Ablah311(*) et par le Capitaine Jean Nassif, à partir du sérail de Zahlé. Les excès commis par les officiers du Deuxième Bureau dans ce district sont compréhensibles après la mise en échec par le Helf des candidats chéhabistes à Beyrouth, le 14 mars 1968.

Le Colonel Ahmed Zakka, Chef des officiers de liaison à Zahlé a affirmé, le 15 mars 1973, devant le Tribunal Militaire, qui s'est réuni à partir du 5 mars 1973 pour juger les officiers et sous-officiers du Deuxième bureau, sous la présidence du Colonel d'aviation Georges Ghrib312(*), que « le Commandant-en-Chef de l'Armée, le Général Emile Boustani avait fait réunir, le Jeudi qui a précédé le déroulement des élections, au ministère de la Défense, rue de Musée, 28 hauts officiers et officiers subalternes et leur avait dit « nous ne pouvons rester dans les élections les bras croisés et mes ordres vous les recevrez du Deuxième Bureau313(*) ».

Le Commandant Ahmed Hamdane avait confirmé314(*), le 13 mars 1973, les propos tenus par le Colonel Zakka, lorsqu'il a expliqué devant le Tribunal Militaire que « le Général Boustani après avoir rassemblé, plusieurs officiers avec les commandants des secteurs, leur avait déclaré : « Nous avons notre mot à dire dans les élections et nous ne pouvons rester les bras croisés. » 315(*) 

A Zahlé, une bataille serrée se livrait le 31 mars 1968 entre des alliances égales a débouché sur l'échec du « maître de la Békaa », Joseph Iskaff. La différence des voix était minime316(*) entre Joseph Iskaff et son concurrent, Joseph Aboukhater, qui a, de plus, réussi à faire passer deux candidats317(*) de sa liste.

Aussitôt connus, les résultats provoquèrent un tollé général : M. Iskaff s'est plaint de ce que ses grands électeurs avaient été neutralisés. Le Ministre de l'Intérieur, Soleiman Frangié, futur Président de la République, décida de démissionner, estimant que « les mesures d'ordre appliquées par les forces de sécurité intérieure318(*) » jouaient contre la liste de Joseph Iskaff et de ses alliés dans le district de la Bekaa, et que « les prisons de la Bekaa regorgent d'agents électoraux de Iskaff319(*) ».

- Sur le plan du pouvoir judiciaire, la seule pression directe connue du Deuxième Bureau sur un magistrat est, toutefois, celle exercée sur le Juge Farah Haddad. Le Président de la Cour d'appel du Mont-Liban, Farah Haddad; a été, en effet, emmené de son domicile à Jdita (Bekaa) par le Commandant Ahmad Hamdane qui l'a fait arrêter dans son bureau, sous l'inculpation « d'avoir cherché à acheter des voix320(*) » dans la région de la Bekaa, lors de la bataille électorale du 31 mars 1968. Le Commandant Ahmed Hamdane a affirmé le 12 mars 1973321(*), devant le Tribunal Militaire, que c'est le Lieutenant-colonel Sami Shaykha, un des principaux responsables du Deuxième Bureau, qui lui avait donné l'ordre d'arrêter le Président de la Cour d'appel du Mont-Liban.

Cependant, d'après les chéhabistes, ce rôle et ces agissements ont été exagérés ou gonflés par les opposants au régime Chéhab pour le discréditer et l'ébranler.  En effet, Joseph Goebbels322(*) disait : « A force de répétitions et à l'aide d'une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu'un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu'à rendre méconnaissables les idées qu'ils véhiculent323(*). » 

En effet, Bassem El Jisr écrit en précisant324(*) :

1- le Deuxième Bureau contribua directement et efficacement à assurer pendant plus de dix ans la sécurité du territoire et des citoyens, et à une époque où la région était déchirée par des guerres et des révolutions, qui avaient leurs prolongements au Liban.

2 - Comparés aux agissements inhumains ou antidémocratiques des services secrets arabes ou non arabes, ceux du Deuxième Bureau libanais sont vraiment minimes.

3- C'est après la tentative du coup d'État de 1962, que le Deuxième Bureau montra ses muscles, afin de protéger le régime. C'est sous le mandat du Président Hélou, qu'il exerça son intervention directe dans les affaires politiques internes.

4- Quels que furent les aspects, l'intensité ou les irrégularités de l'intervention du Deuxième Bureau, on ne peut que constater que,  pendant toute la période Chéhab, la Constitution et le régime démocratique325(*), étaient scrupuleusement respectés, qu'aucune loi exceptionnelle n'a été promulgué ni un état d'urgence appliqué. Même après la tentative du coup d'Etat, les opposants ont pu gagner les élections en 1968, et conquérir la Présidence, démocratiquement sous les yeux du Deuxième Bureau.

Raymond Eddé se caractérisa par son opposition farouche au Deuxième Bureau. Le 18 octobre 1963, au nom de l'opposition326(*), il dénonça dans un virulent réquisitoire, les ingérences flagrantes des services de l'Etat dans la vie politique. « Il n'y a plus ni démocratie ni libertés. Nous vivons sous un régime policier327(*) » dit-il.

Le 27 décembre 1963, il dénonce de nouveau à la Chambre les violations des libertés individuelles, les perquisitions intempestives et les arrestations arbitraires de citoyens, menées par des agents des services de sécurité.

De nouvelles attaques sont relancées le 7 décembre par le député Nassim Majdalani qui, tout en dégageant la responsabilité de l'armée des agissements du Deuxième Bureau, exige d'interdire à ce dernier de se mêler des affaires de sécurité intérieure. « Ce service, dit-il, se mêle de plus en plus de tout et cela nous mène vers l'instauration d'un régime policier que notre système parlementaire rejette. Nous ne pouvons pas nous taire quand nos libertés sont menacées et qu'un régime policier est en voie de s'instaurer dans le pays sous le couvert de la démocratie328(*). » Des députés accusent aussi ce service d'écouter les conversations téléphoniques et d'ouvrir le courrier, violant le droit des gens à la protection de leur vie privée.

Le 2 Juin 1963, accusant les services spéciaux de s'immiscer partout, Eddé met au défi les ministres de l'Intérieur et de la Défense de jurer sur l'honneur que les FSI et ces services n'interviennent pas dans les élections et demande une enquête parlementaire sur les arrestations arbitraires. Dans sa réponse, Joumblatt, ministre de l'Intérieur, lui reproche d'avoir abordé un sujet grave de façon non convenable et l'accuse d'immiscer ainsi lui-même les militaires dans la politique. Estimant normal que les attributions des services spéciaux, aient été accrues après l'affaire du P.P.S, Joumblatt, nie toute arrestation arbitraire et met au défi Eddé de citer un seul nom. Quant à Bahige Takieddine, il déclare que « si les services spéciaux n'existaient pas, il aurait fallu les inventer » et note que le fait qu'Eddé puisse porter de telles accusations « que la presse va publier », prouve qu'il n'existe pas de climat de terreur dans le pays.

Denise Ammoun dans « Histoire du Liban contemporain » affirme que les critiques de l'opposition « qui occupent les colonnes des journaux démontrent, à tout le moins, que le Liban pratique encore la démocratie329(*). »

Quant à l'appréciation de la gravité de l'intervention du Deuxième Bureau, Pierre El-Gemayel considère que le péché du mandat Chéhab n'est pas « mortel ». « Les erreurs, dit-il, le Amid330(*) peut les commettre, à une dose plus forte, et peut les attribuer à des politiciens d'origine civile et à tous les chefs d'Etat que le Liban a connus, d'Emile Eddé à Charles Hélou331(*). » Et en ce qui concerne la responsabilité du président Chéhab, Pierre El Gemayel précise : « C'est nous, les politiciens, qui avons politisé l'armée (...). L'armée obéit et prend des ordres du gouvernement. Pourquoi le ministre responsable a-t-il laissé le Deuxième Bureau agir de la sorte ? J'étais ministre de l'Intérieur et je ne leur ai pas permis de faire exception. Raymond Eddé était aussi ministre de l'Intérieur et il le sait. Si vous voulez juger l'armée et régler des comptes, faites-le d'abord avec les gouvernements332(*) » 

Le silence du président Chéhab sur les dérives du Deuxième Bureau était le résultat de sa prise de conscience qu'un quelconque Coup d'Etat qui impliquerait des militaires serait un grand danger sur l'unité de l'armée et aurait des répercussions fatales sur l'ensemble du système politique. Il considérait que l'armée constituait son seul allié et qu'elle était seule capable de soutenir son projet politique. Le président Chéhab avait le soutien du parti des Phalanges (Kataêb) qui accorde son appui aux régimes de tous les Présidents de la République, celui du parti de l'Union Constitutionnelle (le Destour) réduit, cependant, quatre ou cinq députés, du Front Démocratique Parlementaire ( F.D.P), rassemblement de députés loyalistes au sein de la Chambre et du « Club du 22 Novembre », club de technocrate, le régime du Général représentait, en effet, un état-major sans troupes. D'où la nécessité pour le Général Chéhab, à défaut d'un parti politique pluricommunautaire et centriste333(*), de substituer aux partis politiques libanais, confessionnels et en quête de féodalisme politique, un Deuxième Bureau, capable de consolider son régime

D'ailleurs, nous savons que le président Al-Khoury a dû démissionner en 1952 face à l'opposition grandissante, que le président Chamoun a achevé son mandat dans un climat de crise et que le mandat du président Hélou coïncide avec les premiers conflits avec la résistance palestinienne et avec des crises ministérielles prolongées. Les crises cycliques dans l'histoire politique du Liban depuis 1943 montrent bien que le régime libanais souffre d'une «carence permanente de l'autorité ».

Jean Claude Douence, appliquant au cas libanais le « modèle polyarchique »334(*), affirme que le régime libanais « n'est pas orienté vers l'action, mais vers le maintien des équilibres. Trop fidèle au modèle polyarchique, dit-il, le régime libanais souffre d'une carence permanente de l'autorité. Bien que des réformes interviennent, il existe un grand décalage entre une évolution économique et sociale très rapide et une modernisation politique très lente. Le pouvoir manque de l'autorité nécessaire pour prendre certaines décisions radicales qui engagent l'avenir. Là, se trouve certainement l'une des causes de la crise politique que connaît le Liban, tant il est vrai que la légitimité d'un régime est liée à son efficacité335(*). » Antoine Messarra précise qu' : « à la lumière de cette constatation, force est de considérer que le chéhabisme a cherché à affronter le problème de l'autorité par le recours au Second Bureau pour assurer la stabilité intérieure et renforcer la décision politique, autrement dit, ce fut une solution paraconstitutionnelle à la crise de l'autorité. Les troubles sanglants depuis 1975 viennent encore poser ce problème crucial : l'autorité au Liban est-elle possible par les moyens démocratiques classiques ?336(*) » 

De même, la déclaration du 4 août 1970 du président Chéhab laisse entendre qu'il faut une solution radicale. Michael Hudson écrit à ce propos : « Le général Chéhab souhaitait certainement préserver la démocratie libérale au Liban, mais les divisions réouvertes par la crise de 1958, la guerre froide entre les régimes radicaux et conservateurs et les demandes intérieures croissantes pour une justice sociale le placèrent dans une position difficile. S'il avait compté entièrement sur le système traditionnel de résolutions des conflits, il se serait heurté à des crises populaires (...). Il n'y a pas de doute cependant qu'il porta gravement atteinte au prestige des institutions parlementaires à plusieurs occasions337(*) »

Les troubles sanglants depuis 1975 montrent, s'il en est encore besoin, que la conciliation de l'autorité et de la démocratie constitue le « drame » non seulement du chéhabisme, mais du système politique libanais. Georges Naccache, pose le problème dans cette double perspective de l'autorité et de la liberté. « Tout le drame - toute la dialectique de l'entreprise chéhabienne - est là : d'une part, un souci très strict de la légalité constitutionnelle, la conviction profonde de la nécessité du régime parlementaire au Liban. D'autre part, cette répulsion pour les combinaisons politiciennes, cette conscience amère de la nécessité338(*). » 

Antoine Messarra se pose la question suivante : Quelles sont les hypothèses qui pourraient expliquer le recours au Deuxième Bureau pour renforcer l'autorité ? A cette question capitale Messarra avance trois hypothèses :

1- La nécessite de recourir à des organismes spéciaux pour renforcer le pouvoir ;

2- La toute-puissance civile et militaire justifiée par des considérations économico-sociales et administratives ;

3- L'opportunisme personnel.

Personnellement, nous privilégions la première hypothèse sans pour autant négliger les deux autres, puisque le président Chéhab avait besoin d'un socle humain qui puisse soutenir son projet politique, rétablir l'autorité et assurer l'efficience du pouvoir. Le prestige et l'autorité exceptionnels dont il jouissait étaient fluctuants et sur lesquels il serait irrationnel et vain de bâtir un projet politique susceptible de se concrétiser.

De plus, le recours à la force du Deuxième Bureau fut pour résoudre la crise chronique de l'autorité. Car « un gouvernement n'est fort que s'il fait de l'autorité un but. L'autorité est nécessaire au pouvoir. Elle est nécessaire au peuple. Sans autorité, aucune vie sociale, aucune vie civilisée n'est possible339(*). »

Ainsi, les opposants au chéhabisme n'ont pas pu préconiser le problème structurel et conjoncturel de l'autorité dans le système libanais. Le démantèlement du service de renseignement de l'armée sous le mandat Frangié a favorisé la prolifération de formations politiques et de services de renseignements étrangers, et a laissé un vide jamais comblé qui amorça le démantèlement futur de l'Etat.

D'autre part, nous croyons que toute critique sur une période historique donnée doit prendre en considération que la Raison est historique, c'est-à-dire que les valeurs, les mentalités, et les vertus ne peuvent être déracinées de leurs temps pour en exprimer la valeur dans les mesures d'un autre temps340(*).

La disparition du Deuxième Bureau, en 1970, a laissé un vide dans l'appareil étatique. Le jugement en mars 1973, devant le Tribunal Militaire des responsables du Deuxième Bureau a, de plus, fait dénigrer l'organe, en tant que tel, devant l'opinion publique.

En effet, seize officiers et sous-officiers ont été jugés dont cinq se sont absentés. Ce sont le Commandant Gaby Lahoud, le Commandant Sami Khatib, le Commandant Sami Shaykha, le Commandant Kamal Abdel-Malak et le Capitaine Jean Nassif. 11 officiers et sous-officiers se sont, par contre, présentés devant le Tribunal Militaire : le Lieutenant-colonel Edgard Maalouf, le Lieutenant-colonel Ahmad Hamdane, le Capitaine Naïm Farah, le Capitaine Georges Harouk, l'adjudant-chef Philippe Khoury, l'adjudant-chef Joseph Chahine, l'adjudant Ibrahim Mounzer, l'adjudant Philippe Kanaan et l'adjudant Sami Khoury. Ces onze officiers et sous-officiers ont été graciés par le Tribunal Militaire le 5 avril 1973. Les cinq autres officiers devront être graciés ultérieurement par le Président Frangié.

Le nouveau Deuxième Bureau, présidé, le 1 mars 1971, par le Colonel Jules Boustani, n'ayant ni la même formation, ni la même efficacité et ne possédant pas les mêmes prérogatives, était incapable de protéger la sécurité même de l'Armée. Celui-ci étant devenu un simple organe administratif, exécutant les ordres du Président de la République, Sleiman Frangié.

Un Deuxième Bureau est nécessaire dans tout Etat qui veut sauvegarder la sécurité de son armée et lui relever le moral surtout dans un Etat aussi libéral que le Liban, où la plupart des Deuxièmes Bureaux étrangers y ont trouvé place. Le Deuxième Bureau, mis en place de 1958 à 1970, a, cependant, accru ses prérogatives en étendant son domaine à la sécurité même de l'Etat. Cette initiative était heureuse parce qu'elle a permis au Liban de consolider sa symbiose islamo-chrétienne et d'être vraiment un Etat protégé par un éloignement de la politique des axes, à l'échelle régionale, et se préparant à une restructuration sociale et administrative.

En sapant en 1970 le Deuxième Bureau en tant qu'institution, au lieu de remplacer ses officiers par d'autres, l'Etat libanais allait être sans aucune protection durant la dure épreuve de 1975-76, d'autant plus que ce même Deuxième Bureau contrôlait efficacement et en permanence les camps palestiniens et exerçait une forte pression sur la Guérilla palestinienne qui devait trouver refuge en masse au Liban après sa liquidation en Jordanie en septembre 1970.

Section ÉÉ

L'essoufflement du projet moderniste-chéhabiste

2,1 - La solitude présidentielle face à la classe des leaders

Bassem El-Jisr précise que pour comprendre le chéhabisme, il faut connaître la personne de Fouad Chéhab. Il n'était pas un politicien à la recherche du pouvoir, mais un homme de devoir. « Fouad Chéhab était un militaire, non un politicien, un homme de devoir rompu à la réflexion et au travail en silence, non un tribun charismatique. » Le président Chéhab est rentré dans le champ politique malgré lui, « il n'a pas le profil d'un homme politique libanais réussi341(*)» dit Hudson. Il a été projeté par la logique des événements pour jouer un rôle auquel il n'aspirait pas.

L'une des limites du chéhabisme est la solitude du chef de l'Etat face à la classe des leaders, qualifié de « l'homme au sifflet342(*) » par René Aggiouri. L'efficience et la stabilité du système, si on se réfère au modèle consociatif, dépendent de la coopération des élites des groupes sociaux distincts.

Pierre Rondot relève les premières difficultés du cabinet de coalition, peu décidé a secondé une oeuvre de longue haleine : « Le général Chéhab est-il destiné à demeurer seul ? Autrement dit, les impulsions généreuses des Phalanges et du Parti progressiste socialiste, représentées dans le conseil des ministres lui-même par Pierre El-Gemayel et Kamal Joumblatt, seront-elles décidément stérilisées par l'affrontement personnel de ces deux leaders ? C'est ici que se pose le problème politique capital : les conditions contradictoires de l'action (...). Transposé des barricades au tapis vert, le conflit intime du Liban restera resserré, comme entre les rares protagonistes d'une tragédie classique, afin de mieux vider le débat.»343(*) Le pouvoir au Liban est appelé à être largement consensuel, voire « unanimmitaire » donc le pouvoir ne peut être concevable que s'il est issu du plus large consensus interconfessionnel, fondé sur le plus large respect populaire.

Sur le plan intérieur, le chef de l'Etat ne peut pas être au Liban un chef de parti. Georges Naccache rapporte cette phrase historique : « le Roi de France doit oublier qu'il a été Duc d'Orléans. » C'est quand le Président Béchara El Khoury est redevenu Khouriste, et Chamoun Chamouniste leur autorité a été contesté et s'est désagrégée. De même que Rondot, Naccache souligne cette solitude présidentielle : « Est-il besoin de refaire le tableau de cet été sinistre : les deux moitiés du Liban retranchées derrière les barricades, et ce soldat seul, entre les feux croisés, gardant la tête froide au milieu de la démence générale, n'ayant d'autre stratégie que d'empêcher un massacre confessionnel ? Dans les circonstances qui, en 1943 et 1952, les avaient amenés au Pouvoir, ses deux prédécesseurs étaient entrés au Sérail par la rue - avec la rue. Ils n'ont jamais pu se libérer de cette terrible hypothèque (...). C'est dans un Beyrouth désert que le Général d'armée Chéhab a été élu par une Assemblée que les fureurs civiles avaient empêché de se réunir depuis 90 jours. Il n'y a pas de pouvoir politiquement plus solitaire (...). Non seulement il n'est rattaché à aucun des partis traditionnels, mais il y a chez lui une incapacité native à s'intéresser aux jeux des clans qui passionnent tous les Libanais. Dans les conditions où il est venu, il doit son pouvoir à tout le monde : c'est-à-dire qu'il ne le doit à personne.» 344(*) 

« Il est apparu dit le président Chéhab que je suis incapable de concrétiser les réformes que je veux faire. »345(*)

L'élan des réformes a été affaibli au fur et à mesure que le président Chéhab constatait que la réforme du système politique risquerait de faire éclater le système tout entier. Les hommes politiques que le président qualifiait de « fromagistes » et les forces traditionnelles s'opposèrent farouchement à toute réforme moderniste du système politique car cette dernière risque de leur priver du pouvoir et de l'autorité qu'ils monopolisent entre leurs mains. Conscient de cette réalité, mais décidé à persévérer dans sa réforme, le président Chéhab à travers sa démission en 1960, tenta de contourner les hommes politiques, et de « se  ressourcer » d'une légitimité qui émane directement du peuple. « Ce n'est pas moi que les Libanais ont élu : je ne représente que l'impossibilité où ils se trouvaient d'en élire un autre.»346(*) Le président Chéhab retourna au pouvoir par la volonté du peuple et non plus par celle des hommes politiques, il se libéra de ses derniers et redonna à son programme politique une légitimité populaire susceptible de lui permettre d'amorcer les réformes qu'il comptait faire. Mais « il a trouvé autour de lui un peuple divisé qui conserve l'allégeance à ses leaders, bien que les intérêts de ce peuple soient grignotés par ces leaders. Le président s'est trouvé devant le choix difficile : la soldatesque a été son peuple et son parti347(*). »

Tenté par l'autoritarisme, Chéhab aurait dit : « je pensais envoyer les soldats au Parlement ramasser tous les députés et les rendre à leur maison. Mais j'y suis revenu en disant : tant que c'est le peuple qui les a voulus, que sa volonté soit faite. » 

De même, il révéla son « dégoût » de la réalité à laquelle il a dû faire face, il aurait dit : « je suis las des fromagistes et des capitalistes extrémistes. La situation au Liban exige des réformes rapides. Le pouvoir direct serait indiqué pour une telle réorganisation, mais le pouvoir direct ne peut être « digéré » par le Liban. On ne peut au Liban imposer par la force une réorganisation politique. Cela serait en contradiction avec la Constitution et aboutirait à une véritable dictature. J'aurais pu le faire, mais cela aurait été contraire à la démocratie qui est la base de la vie politique au Liban.»348(*)

La solitude du président dans le système politique libanais est d'autant plus marquée par le peu de ressources qu'il détient et par son identité confessionnelle spécifique « peu compatible avec le caractère universaliste du projet modernisateur ». Ainsi explique Antoine Messarra, « les forces traditionnelles ne retiraient que peu d'avantages d'une collaboration avec le président modernisateur, à l'encontre, en Occident, de l'aristocratie de cour, des élites financières ou des chantres du gallicanisme. La différence tient à l'inégalité des ressources détenues par le président, mais elle est liée surtout à la logique d'exclusion qui anime les stratégies néo-patrimoniales et qui conduit les divers acteurs sociaux à promouvoir leurs intérêts hors de la scène politique et alternativement en des espaces traditionnels.»349(*)

2,2 - L'inefficacité de l'administration du développement.

Depuis la naissance du Liban contemporain et précisément depuis qu'il a été doté d'une administration publique en 1864 ; la question de la corruption et de la nécessité d'y remédier a été et reste toujours un des principaux obstacles devant la construction d'un Etat moderne au Liban.350(*)

L'organisation de l'administration libanaise se caractérise par une forte centralisation, l'exiguïté du territoire, les composantes sociologiques du pays et l'exemple français ont conduit à remettre au pouvoir central l'essentiel de l'administration, sauf à reconnaître une autonomie limitée à des collectivités locales et à des établissements spécialisés, encore l'importance des prérogatives laissées aux autorités étatiques leur laisse-t-elle la véritable direction de toute l'administration. Le caractère unitaire de l'Etat, affirmé par la Constitution libanaise (art.1) a ainsi très fortement marqué les institutions administratives.

« Si, conformément au schéma classique du droit administratif, il faut distinguer au Liban une administration d'Etat et une administration décentralisée, on doit toujours garder présente à l'esprit l'idée que, d'une manière ou d'une autre, et dans tous les domaines, c'est autour des organes centraux qu'est aménagée l'administration libanaise.»351(*)

Centralisée, l'administration libanaise est également très concentrée. Les mêmes motifs qui ont conduit à ne remettre qu'une faible autonomie à des collectivités administratives secondaires ont entraîné, au sein de l'administration étatique, l'attribution du pouvoir de décision aux autorités supérieures les agents subordonnés de l'Etat, et spécialement ses représentants locaux, n'ont guère de liberté d'action. Si les ramifications territoriales de l'Etat encadrent l'ensemble du pays, elles ne sont que des structures destinées à assurer l'autorité de l'administration centrale. Celle-ci est le pôle de toute l'organisation administrative, l'administration locale lui est étroitement subordonnée. On a déjà souligné la place essentielle et le rôle décisif du président de la République au sein des institutions politiques : ils se retrouvent de la même manière dans l'organisation administrative.

Pièce dominante de l'édifice constitutionnel, le chef de l'Etat est aussi l'organe capital de l'administration. La décentralisation et la concentration de celle-ci convergent vers lui : si l'administration d'Etat l'emporte sur les administrations autonomes, les autorités centrales de l'Etat sur ses représentants inférieurs, le président de la République prédomine sur le tout. La pratique peut donner à ces pouvoirs une portée variable; elle tend en général à leur pleine utilisation.

A côté du président, le gouvernement, les départements ministériels et les conseils apparaissent souvent comme des auxiliaires. Sans doute ont-ils leur rôle propre et ne peuvent-ils être considérés comme négligeables. Mais leur organisation et leurs fonctions s'établissent par rapport au chef de l'Etat. L'administration territoriale de l'Etat, on la dit, est fortement concentrée. Les services extérieurs des ministères, pour être repartis entre les différentes régions du pays, sont soumis à une étroite autorité de l'administration centrale. Ils sont regroupés sur une base géographique et sous la direction d'administrateurs à compétence générale, représentant le gouvernement dans chaque circonscription.

Le Liban est en effet divisé, en vertu du décret législatif no 11 du 29 décembre 1954, en cinq mohafazats Beyrouth, Liban-Nord (chef-lieu : Tripoli), Mont-Liban (Baabda), Liban-Sud (Sada), Bekaa (Zahlé). Les mohafazats sont eux-mêmes subdivisés en cazas, au nombre de vingt-quatre. Ni l'une ni l'autre de ces circonscriptions n'ont la personnalité morale; ce sont de simples divisions administratives de l'Etat.

Cette organisation administrative a été profondément remaniée par le décret législatif no 116 du 12 juin 1959. Celui-ci n'a pas touché à des circonscriptions inférieures, les villages, qui, à côté des municipalités dotées de la personnalité morale, ne sont que des circonscriptions territoriales de l'Etat.

La déconcentration maintient ainsi l'unité de l'institution et permet à la personne morale déconcentrée de rapprocher l'action administrative des administrés. Elle permet donc à l'État d'agir avec une plus grande efficacité et plus rapidement. Pour garantir le principe de l'unité de la nation, l'Etat garde un contrôle sur le fonctionnement des collectivités territoriales par le biais de ses services déconcentrés. Il s'agit d'une recherche d'exigence et d'une plus grande efficacité de l'action publique, pour :352(*)

1-Trouver le niveau territorial le plus à même de mener de manière efficace certaines politiques,

2-Recentrer les compétences de l'État sur ses fonctions principales et fondamentales : affaires étrangères, défense, justice, sécurité, politique économique et sociale de la nation, législation et réglementation.

La déconcentration permet à l'État de conserver l'unité de la nation, tout en donnant la possibilité aux autorités de l'État de gérer efficacement les affaires étatiques. Le caractère assez faible de la décentralisation au Liban s'explique par la faible étendue du pays, l'homogénéité relative de ses différentes parties, le nombre assez limité d'agents administratifs compétents rendent nécessaire le maintien d'une intervention poussée du pouvoir central sur tous les aspects et toutes les parties de l'administration. La structure municipale a été modifiée à plusieurs reprises, notamment en 1947 et 1954, sans compter les amendements partiels.

Sous le mandat Chéhab elle a été fixée par la loi no 29 du 29 mai 1963. Selon la loi de 1963, la municipalité est une personne publique, dotée de la personnalité morale et jouissante de l'autonomie administrative et financière elle peut donc réaliser des opérations juridiques correspondant à ses besoins (art.1). Charles Issawi considère l'administration locale décentralisée « comme une école pour les électeurs et une pépinière d'hommes d'Etat.» Car dit-il « d'un côté, la décentralisation remet la solution des problèmes régionaux ou municipaux à ceux qui s'y intéressent le plus directement, les habitants de la localité même, qui sont autrement plus qualifiées pour que des fonctionnaires assis dans une capitale lointaine. Par ailleurs, le développement de l'administration locale donne à des centaines ou des milliers de personnes la possibilité de participer au gouvernement et de s'entraîner à la marche des affaires353(*). »

L'appareil administratif dont la structure a été exposée plus haut était-il apte à assumer les tâches nouvelles qui lui incombaient ? Le grand effort pour « passer d'un gouvernement existant et d'une administration existante à un gouvernement et à une administration de développement » 354(*)  a-t-il été accompli ?

L'édifice administratif paraît impressionnant et le pays bien encadré. Cette structure paraît cependant surtout théorique : sa complexité et sa précision ne doivent pas faire illusion. Les cadres constitués par les textes ne sont pas toujours remplis - ou du moins avec efficacité. Les moyens mis en oeuvre pour la réalisation de la planification ne sont pas non plus toujours suffisants pour en faire une activité essentielle de l'administration.

En effet, à la question « la planification est-elle possible au Liban ? » que s'est posée Georges Corm en 1964 dans l'introduction de son oeuvre « Politique économique et planification au Liban », il y répond dans la conclusion en ces termes : « je voudrais cependant, dans cette conclusion, récapituler les principales lacunes qui font que la planification telle qu'elle a été définie dans l'introduction n'est pas encore tout à fait possible au Liban. Ces lacunes ont trait surtout aux moyens de la planification, aussi bien les moyens d'élaboration que les moyens d'exécution355(*). »

Pour la mission IRFED, à laquelle fut confiée en 1959 la tâche de proposer une organisation nouvelle pour l'administration du développement au Liban, deux formules étaient concevables356(*) :

- La première apportait une solution en profondeur : elle consistait à réformer, en fonction du développement, l'administration existante. En liant réforme administrative et développement économique, on mettait l'administration au service du développement, qu'on dotait ainsi d'un outil d'exécution rendu approprié; en même temps qu'on faisait du développement l'occasion et le levier de la réforme administrative.

- La deuxième formule consistait au contraire à récuser en bloc et d'une manière simpliste l'organisation administrative en place, et à créer de toutes pièces un ensemble parallèle, un corps de « janissaires » de la planification.

« C'est hélas, cette deuxième formule dont l'incongruité est évidente qui fut adoptée. Elle repose sur l'erreur fondamentale résultant de ce que l'accent y est mis sur le rôle du ministère du Plan, responsable à la fois de la préparation et de l'exécution du plan. D'où les conflits entre ce ministère et les autres organismes administratifs, aux deux niveaux, central et régional 357(*) Le père Lebret fait remarquer que « la réforme administrative a été faite, avant, hélas, que le programme de développement n'ait été défini358(*). » 

Par conséquent, Charles Rizk relève les points faibles de cette réforme administrative qui concentrait les prémisses de son échec éventuel :

« Au niveau central tout d'abord, l'idée même de créer un ministère spécialement chargé de la planification est en contradiction totale avec la nature même du développement, activité de coordination et de synthèse globales, qui met en jeu tous les secteurs de la vie nationale et, partant, l'ensemble de l'administration publique. Celle-ci doit, dans toutes ses parties, participer, par ses propositions, à l'élaboration du plan, chaque département selon sa spécialité. Se sentant consultées et écoutées, toutes les administrations adhéreront au plan et l'exécuteront avec plus d'efficacité. Cette tâche d'exécution doit d'ailleurs, en tout état de cause, leur appartenir : que peuvent, dans un pays en voie de développement, faire les administrations d'autre que d'administrer le développement, qui doit éclairer d'une lumière nouvelle toutes leurs actions, même les plus quotidiennes ?

A ces arguments d'ordre technique et psychologique s'ajoutent des raisons politiques. Confier le plan à un ministère, c'est donner à un ministre un droit de supervision et de contrôle sur les autres ministères et les autres ministres, ce qui n'est guère conforme à l'esprit du parlementarisme. C'est aussi donner à un politicien, représentant aujourd'hui une communauté confessionnelle, le pouvoir d'infléchir au profit de son groupe particulier le plan national359(*). »

De même, en voulant accélérer la réforme administrative, plusieurs étapes ont été brûlées, ce qui entraîna des dérives dans ce processus. En effet, le père Lebret reconnaît qu' «en définissant le cadre de chacun des services publics, en supprimant le recrutement arbitraire, en se rapprochant de plus en plus de la sélection par le mérite, en fondant un Institut d'administration, en essayant d'accélérer les processus administratifs (tours de force en réalité), peut-être a-t-on voulu trop vite atteindre une perfection à laquelle les pays démocratiques les plus évolués ne sont pas encore arrivés. Peut-être en est-il résulté quelques chocs, quelques accrocs et trop de freins. » Mais il défend cette accélération en disant qu' « il était a peu près fatal que ceci se produise, la souplesse pouvant peu a peu rectifier l'excès de rigidité d'une construction qui devait d'abord être rigide360(*). » 

Cependant, comme toute greffe sur un organisme vivant, l'importation de l'Etat bureaucratique dans une société à fortes traditions culturelles particularistes peut alimenter des comportements de rejet, favoriser une intensification des tensions intérieures, bref, introduire une forme de désordre. Bertrand Badie361(*) a souligné les effets déstabilisateurs de cette importation du modèle étatique occidental dans des sociétés aux univers de références qui lui sont largement étrangers. Pour l'essentiel, il y voit le risque d'une perte de sens des institutions politiques et administratives. Elle affecte aussi bien les innovations modernistes, altérées par leur milieu de réception, que les systèmes traditionnels de légitimation politique en péril de devenir obsolètes.

En effet, l'Orient, pourtant un journal dirigé par un chéhabiste constate que « jamais les services publiques n'ont été plus désorganisés et les formalités plus lentes que depuis la promulgation des fameux décrets-lois de 1959 ; jamais les agents de l'Etat n'ont pris moins d'initiatives362(*). »

2,3- La tyrannie du temps et « la révolution démocratique » 

Le chéhabisme en tant que praxis et philosophie politique ne s'appliqua réellement que durant le mandat du Président Chéhab, donc sur une durée de six ans. Kabbara écrit que « l'élection du président Hélou constitue un point tournant dans l'histoire et l'expérience du chéhabisme. Au lieu de gouverner en tant que chéhabiste, Hélou chercha à créer un équilibre entre le camp chéhabiste et l'opposition.363(*). » Ce qui rangea le camp chéhabiste et le président Hélou dans une situation de conflit sur le contrôle du pays, et ce conflit leur fit « perdre la guerre contre l'opposition364(*). » Dorénavant, les chéhabistes se trouvèrent dans « le camp défensif » et non plus offensif. Ainsi, le sexennat de Charles Hélou (1965-1970) considéré souvent comme une continuation du chéhabisme est jugé comme étant stérile en développements majeurs dans les domaines économiques, administratifs et sociaux.

Cette durée était-elle suffisante pour introduire des réformes et des transformations réelles dans le système politique libanais ? Ici, Kabbara voit que « le projet chéhabiste avait besoin sans le moindre doute d'un autre mandat pour se réaliser et passer à la maturité365(*). »

En effet, le temps nécessaire à toute réforme politique est définie par la stratégie mise en place et suivie par les réformateurs d'un côté, et par la réaction des forces en place avec cette stratégie de l'autre.

Juan Linz dans ses écrits366(*) est revenu constamment sur cette dimension temporelle du politique. Il a souligné que lors des changements de / ou dans le régime, le temps devient un facteur important du succès ou d'échec du train des réformes. La séquence et le rythme de celles-ci, autrement dit l'allocation du temps, ou comme l'écrit Linz, - le timing et le tempo des réformes -, sont des facteurs clés de succès ou d'échecs, certaines séquences étant vertueuses et d'autres non, certaines réformes étant engagées prématurément et d'autres tardivement de sorte qu'il existerait également en politique une sorte de « juste à temps » à trouver. La politique consiste avant tout selon Weber à structurer le temps, « l'affaire propre de l'homme politique » étant « l'avenir et la responsabilité devant l'avenir.»367(*)

Rejoignant les analyses de Michel Crozier et d'Erhard Friedberg, pour lesquels « la dimension temporelle est une condition essentielle pour qu'une relation de pouvoir puisse se développer »368(*), autrement dit pour qu'elle puisse permettre aux acteurs de diversifier leurs « mises », d'accepter de perdre dans le court terme et d'espérer de gagner dans le long terme. Linz conçoit également l'utilisation du temps comme une des caractéristiques de l'interaction entre acteurs : « le temps est nécessaire pour permettre aux acteurs pertinents de consolider leurs positions et d'éluder les pressions inhérentes à la résolution immédiate des problèmes.»369(*) 

L'une des difficultés majeures de la modernisation résiderait en cette gestion et cet agencement de la temporalité du processus.

Une autre question afférente au problème de l'allocation temporelle analysée par Linz est celle de la temporalité de la démocratie elle-même. Przeworski voit que la démocratie n'est rien d'autre que « l'institutionnalisation de l'incertitude », donc, elle a une temporalité propre. Linz considère qu'il s'agit essentiellement d'un régime politique dont la caractéristique essentielle est précisément son caractère temporaire. Jon Elster insiste également à la suite de Tocqueville370(*), sur la faible capacité de la démocratie à construire du futur et plus précisément à conduire une politique de long terme.

Bassem El-Jisr affirme que « Fouad Chéhab n'était pas un révolutionnaire mais en réalité, il préparait une lente et profonde révolution. Cette révolution blanche consistait à « retirer le tapis » sous les pieds de la caste politique et politicienne, en douceur et démocratiquement, et même avec leur assentiment. (...) Toute l'oeuvre de Fouad Chéhab était régie par son souci d'accomplir cette « révolution blanche », dont il traça la voie et posa plusieurs fondements371(*). » Ainsi, « le chéhabisme était une forme de coup d'état démocratique à partir du système et contre ce système même372(*). »

En même temps, le président Chéhab était conscient que la « révolution » « ne se fera pas en 24 heures. Sa pensée est que la réforme institutionnelle est impossible si elle ne s'accompagne pas d'une réforme des esprits et des moeurs. Bâtir un Etat moderne sur les vieilles structures confessionnelles est une entreprise de longue haleine373(*). » En effet, les pratiques et les institutions demandent du temps, elles ne s'acquièrent ou ne se créent pas du jour au lendemain, mais tout au long d'un apprentissage progressif, fait de lenteurs et de mémoires.

Il ne se berçait pas d'illusions sur les possibilités du Liban et voulait, sur le double plan intérieur et extérieur, une politique adaptée à ses modestes moyens et à sa structure sociologique si particulière. Ce « pessimiste constructeur » n'était pas un utopiste et n'ignorait pas que la patience est la clef de bien des problèmes.

Cependant, misé sur les mécanismes démocratiques dans une société où la culture démocratique est absente ou à la mesure faible, constitue un nouveau problème au lieu d'être la solution requise.

Dans la déclaration du 4 mai 1970 à travers laquelle il déclare son refus de se présenter à l'élection présidentielle Chéhab constate que « le pays n'est pas encore prêt à admettre ces solutions de fond que je ne saurai d'ailleurs envisager que dans le respect de la l'égalité et des libertés fondamentales, auxquelles j'ai toujours été attaché. » A travers cette révélation le président Chéhab affirme que la « révolution démocratique » nécessite la transformation des mentalités des Libanais et qu'une « démocratie sans démocrates » reste difficile à se consolider.

Le Président déclare qu'il ne voit que deux moyens pour le relèvement du Liban : la dictature ou la révolution populaire ; et, écartant la première, pour des raisons qu'il suppose connues, il prévoit qu'une révolution éclaterait, d'ici une ou deux générations, et qui libérerait le Liban de ses fléaux. « Les souffrances du peuple, dit-il, ne s'accumulent pas et ne fermentent pas en vain ; viendra le jour de la grande colère.374(*) » La constatation de Chéhab rejoint la solution du « césarisme » défendue par Kabbara dans sa thèse. « Le césarisme est une restructuration démocratique de la société libanaise au cours de laquelle la pluralité identitaire et communautaire du peuple libanais est reconnue375(*). »

Peut-on cependant rétorquer que le développement économique et social entrepris par le président Chéhab entraîne nécessairement la mutation politique souhaitée ? « Seule, dit Charles Rizk, la poursuite du chéhabisme économique et social peut nous apporter la mutation politique dont nous sommes ici partisan. Mais avec ou sans Chéhab, le chéhabisme continuera à nous conduire vers un nouveau régime parlementaire, si les disciples restent dignes du maître qui aujourd'hui s'en va.» 376(*)

Les structures politiques ont cependant, à l'instar de toute autre structure, leurs propres lois de développement. Bien plus, quand les structures politiques ne sont pas touchées par les préoccupations de développement, elles peuvent freiner le développement économique et social, compromettre la continuité de la planification ou orienter celle-ci dans des voies non démocratiques ou non harmonieuses. « Pour atteindre nos buts, écrit Hamid Frangié les lois ne suffisent pas. «Pour compléter les lois, il faut des volontés», il faut des hommes. Et notre crise est beaucoup plus une crise d'hommes qu'une crise d'institutions. Les hommes peuvent changer les institutions; les institutions ne peuvent pas changer les hommes377(*). »

2,4- La résistance des monopoles économiques et financiers et le refus de coopération du secteur privé

« Le Liban est, en effet, un pays de structure économique très spéciale qui empêche de traiter son développement selon les schémas appliqués ailleurs. Deux économies, de type très différent, se juxtaposent au Liban : l'économie de mise en valeur des ressources naturelles, ou économique classique; et l'économie d'une fonction internationale de liaisons, rendue possible grâce aux aptitudes spéciales de la population et à un système complexe de présence libanaise dans le monde. L'importation des produits étrangers et l'exportation des produits nationaux mettent en relation continue ces deux économies qui conditionnent, l'une comme l'autre, la vie économique générale378(*) ».

« Pour expliquer l'échec du chéhabisme dit Georges Corm, il faut évoquer les questions économiques qui ont déchiré les élites dirigeantes une fois l'indépendance acquise379(*). » Ainsi, Corm expose dans un article intitulé « l'économie dans les conférences du Cénacle380(*) » la synthèse des conférences économiques prononcées au Cénacle et relève deux principaux courants économiques libanais qui se repartissent entre :

- Les Libéraux pour lesquelles l'Etat doit intervenir le moins possible dans l'économie nationale. Le libéralisme économique ne nécessite pas une régulation économique et financière ou des marchés compétitifs, mais implique un pouvoir central qui intervient le moins possible dans l'économie, et permet aux forces économiques de travailler librement sous des règles précises.

- Les réformateurs qui se déclarent en faveur de la justice sociale et s'opposent aux relations « anarchiques » du Liban avec son voisinage et notamment avec la Syrie ; au système économique libéral où le commerce n'occupe pas seulement la première place, mais colore les autres secteurs.

« L'essence de la polémique affirme Corm, entre ces deux courants dans les années quarante et cinquante de ce siècle autour la croissance du Liban et la capacité du système économique dominant à assurer une meilleure vie pour les différentes couches de la population n'a pas changé :

- Entre ceux qui invoque l'héritage phénicien et le caractère levantin des Libanais excluant toute intervention de l'Etat381(*).

- Et ceux qui veulent une économie diversifiée, exploitant les ressources hydrauliques et agricoles du Liban à côté de l'intervention du pouvoir politique pour empêcher la loi de la jungle de dominer les relations entre les membres de la société.382(*)

Dès son indépendance, le Liban a opté pour le système économique libéral. Ce choix était le choix naturel et évident pour l'économie d'un pays qui veut être libre et prospère car « l'histoire du Liban révèle que l'initiative privée et le libre marché ont favorisé la croissance du pays depuis l'époque des Phéniciens.» 383(*)

En effet, l'économie libanaise est dictée par une situation géographique, une structure sociale et une conception de la personnalité libanaise et de la société.384(*)

Les troubles économiques et politiques survenus dans la région vont confirmer la pertinence du choix libanais. Les capitaux arabes fuyant les nationalisations se sont réfugiés dans les banques libanaises, de même que les fortunes de la bourgeoisie palestinienne chassée de son pays ont renforcé l'économie libanaise385(*). Ces deux facteurs vont permettre à l'économie libérale libanaise d'afficher une prospérité « incomparable » voire « miraculeuse.»

Cependant, Toufic Gaspard remarque que le choix du pouvoir politique libanais pour le libéralisme économique constitue le « principal problème du jeune Etat.»386(*)

Dans le système économique libéral, l'offre et la demande jouissent du maximum de liberté. Ce qui aboutit aux fluctuations des prix, imprévisibles parfois, mais toujours en rapport avec leurs changements sur le marché mondial. La liberté d'importation et d'exportation est presque totale. La balance commerciale accuse un déficit croissant. Le régime douanier est beaucoup plus une source de richesse pour le trésor de l'Etat qu'un mécanisme régulateur des différents secteurs de l'économie.

Naaman El-Azhari précise que « L'Etat libanais se cantonnait pratiquement dans ce « rôle de gendarme » que les tenants du laisser-faire lui avaient assigné. Et encore, cette conception du rôle de l'Etat était-elle interprétée dans son sens le plus restreint, car aucun contrôle sérieux n'était effectivement exercé jusqu'à ces derrières années, même sur les entreprises qui drainaient l'épargne privée.»387(*) A cela s'ajoute une dynamique spéciale au libanais, celle de l'homme qui construit sa propre entreprise privée, là où le rendement peut être porté au maximum. Cette dernière cesse d'être dynamisée avec la même intensité chaque fois qu'elle se transforme en propriété collective.

Extrapolées et combinées, ces libertés économiques aboutirent à une discrimination qui a favorisé la formation de catégories sociales pauvres et miséreuses. Cinq catégories sociales se dessinèrent à la fin des années cinquante :

« 9% de miséreux avec un plafond budgétaire annuel de 1 200 L.L.

40% de pauvres avec un plafond budgétaire familial par an de 2 500 L.L.

30% de gens moyens, au revenu familial de 4 000 L.L.

14% de gens aises qui approchent de 15 000L.L.

4% de riches.»388(*)

Cette catégorisation montre un écart énorme entre les revenus. Miséreux et pauvres constituent presque la moitié de la population. Jean-Jacques Rousseau avait prévenu que « nul ne devrait être assez riche pour pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour se trouver dans la nécessité de se vendre à un autre.»

Ces inégalités économiques ne peuvent ne effet être légitimes selon John Rawls389(*)que si elles sont aménagées de sorte que :

- l'accès aux droits procurés par la citoyenneté doit être garantie ;

- la répartition de la richesse et des revenus n'a pas besoin d'être égale, elle doit être à l'avantage de chacun ;

- les positions d'autorité et de responsabilité doivent être accessibles à tous (égalité des chances).

Le premier point constitue un principe de liberté, prioritaire vis-à-vis des deux points suivants qui forment un principe de différence. Ces trois points constituent le contrat social établi entre les individus réunis au sein d'un même Etat. Ainsi si l'économie de marché ne peut garantir ces trois points, alors l'existence d'un Etat-Providence est essentielle. Puisque, toute inégalité ne peut être justifiée que si elle profite aux plus désavantagés.

Ainsi, l'intervention de l'Etat reste indispensable par exigence démocratique et sociale :

- Une exigence démocratique : la solidarité est indispensable car toute démocratie suppose l'existence d'un sentiment d'appartenance à une communauté ; les gouvernements doivent donc maintenir le lien social, le renforcer par la solidarité quand une tension sociale (pauvreté, chômage, etc.) menace l'intégrité de la Nation.

Une exigence sociale : le développement économique ne s'est pas fait au profit de tous. La pauvreté reste importante, le risque de chômage aussi. Les individus peuvent d'autant moins supporter seuls ces charges que ce sont les plus faibles qui restent les plus exposés aux risques.

Pour pallier aux conséquences néfastes d'une telle évolution de l'économie libanaise et par souci de justice sociale, l'Etat sous le chéhabisme s'est engagé à dépasser son rôle de gendarme par un autre plus actif et plus stimulant, car « les doctrines les plus sûres, dit Alfred Sauvy, ne peuvent avoir qu'une portée limitée dans le temps et l'espace »390(*)

En effet, le père Lebret insiste sur le fait que « le libanais doit renoncer à son individualisme » 391(*) et que la liberté n'est pas synonyme d'anarchie : « Qu'on ne nous dise pas que cela fait le charme du Liban. Le désordre actuel n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler ce beau désordre. Ce n'est pas un effet de l'art. C'est l'effet de la négligence et de l'irresponsabilité. Il est temps que les Libanais comprennent que liberté ne veut pas dire anarchie.» 392(*)

Le président Chéhab appliqua une politique économique fidèle au libéralisme économique et au libre marché, mais donna à la planification et au développement harmonisé et équilibré entre les régions et les différentes classes sociales une place privilégiée. Sans pour autant négliger les secteurs qui favorisent la croissance tels les services, le tourisme, le commerce, l'agriculture, l'industrie et le secret bancaire.

Il était conscient que la réforme du système économique serait combattue par « les maîtres du système » si le moindre changement allait survenir dans les bases de la structure économique libanaise à savoir le libéralisme et le secret bancaire qui leur permet de contourner les impôts et d'assurer leurs profits. Ces « maîtres » sont les hommes d'affaire et les grands commerçants, en plus du clergé qui craignaient des lois financières susceptibles d'influencer négativement sur leur fortune foncière.

Au fond de cette opposition bénéficiaire du statu quo, il y a avait une cause politique qui est l'approfondissement de la relation du Liban avec l'Occident dès lors qu'à cette époque les musulmans étaient influencés par les idées socialistes en vigueur en Occident.393(*)

Wadah Chararra indique que « les régions dominées par les communautés chrétiennes » (Mont-Liban et Beyrouth) étaient essentiellement les plus développées économiquement et les plus perméables à l'influence occidentale, et représentaient par le fait les milieux modernes et libéraux. Parallèlement, les forces économiques représentées par les industriels, les banquiers, et les commerçants, se sont accaparés « les postes clés du système politique libanais, à un degré tel que leurs intérêts se sont combinés avec les conditions de la pérennité des relations économiques et politiques existantes394(*). »

Les chéhabistes ont compris que la réalité libanaise est structurée aux profits des forces économiques et que tout projet de réformes sociales et économiques se buterait au « mur de l'argent395(*) » de plus que « la classe politique est dominée par une solide ploutocratie régnante depuis l'indépendance du pays396(*). ».

Le président Chéhab ne voulait pas transformer radicalement le système économique libéral. Son but était la construction d'institutions modernes à l'exemple de l'Etat moderne occidental pour éloigner l'économie de l'exploitation et limiter ses effets négatifs sur les couches populaires.

Les hommes d'affaires et la bourgeoisie financière qui monopolisent les bienfaits du système économique libéral et qui se sont habitués au profit illimité s'opposèrent au projet de la Sécurité Sociale397(*) et au chéhabisme en général qui constituait une menace mortelle pour leurs intérêts. Abdallah El-Yafi ancien chef de gouvernement affirme : « Quand le président Chéhab est venu au pouvoir, il avait bien l'idée de lutter contre la cherté de vie. Qu'est-il arrivé ? Il a été confronté à ces réalités. A savoir que des trusts accaparent la plupart des denrées alimentaires. J'ai été chez lui et je lui ai exposé le problème des accaparements. Nous échangions des idées à propos du système et des causes de mécontentement. Il n'a pu rien faire. Nous avions établi un projet de loi en 1966 contre l'accaparement. Ils ne l'ont pas laissé passer.»398(*)

De même, les banquiers ont cherché à faire interdire l'application du code de la monnaie et du crédit qui créa la Banque Centrale, et menèrent de larges campagnes d'opposition. Ils considéraient que le nouveau code déroge au secret bancaire399(*) et confère à la Banque Centrale le droit de contrôle et de surveillance des banques privées comme « il permet à quelques employés de la Banque Centrale d'abuser de leur pouvoir dans la compétition. De plus, la spécialisation bancaire à un effet négatif au Liban puisque les banques libanaises sont habituées à exercer toutes les fonctions bancaires, c'est là que résident leur énergie et leur croissance.»400(*)

Sous la pression des banquiers, le président Chéhab s'est vu forcé de rayer quelques articles du nouveau code de la monnaie et du crédit. Mais une campagne médiatique opposée entamée par les chéhabistes « permis la mise en application du nouveau code malgré l'opposition des milieux financiers.»401(*)

Ainsi, les forces commerciales et financières au Liban n'aidèrent point l'Etat dans la mise en application de sa politique économique et monétaire, sous prétexte que cette politique s'opposait aux principes du libéralisme. Rappelons ici que la Banque centrale n'était pas capable d'intervenir comme de nos jours, puisque son rôle débuta en 1964 à la fin du mandat Chéhab402(*).

Ainsi, Philippe Takla précise dans son discours d'inauguration de la Banque Centrale qu'il est conscient de ce que nécessite le passage d'une situation à une autre « de flexibilité, de prudence et même d'indulgence parfois (...) dans un secteur où nous ne voulons pas toucher au secret bancaire, et nous concluons que ceci nécessite évidemment une coopération sincère entre la Banque Centrale et les banques privées.»403(*) En effet, la Banque Centrale a appliqué une politique flexible pour palier aux effets négatifs d'un passage précipité d'une liberté presque totale à une discipline consolidée.404(*)

A noter, que la fondation de la Banque Centrale et la mise en application du code de la monnaie et du crédit ont joué un rôle crucial dans la protection du secteur monétaire et financier des crises telle que la crise de la Banque Intra.405(*)

Quant au rôle du secteur privé dans l'opposition au chéhabisme ; il se manifeste par une relation perplexe avec la politique de planification. La politique de palification établie par la mission IRFED se heurtait souvent à l'opposition des hauts fonctionnaires dont l'influence fut réduite dans l'administration.

Cette politique se balançait entre un appui populaire général et une opposition institutionnelle continuelle. Mais la résistance et l'opposition des milieux des hommes d'affaires aux politiques chéhabistes restèrent solides et constantes. A ce sujet, le père Lebret écrit le 15 mars 1963, « nous mettons en garde le Président des manoeuvres des grands commerçants de Beyrouth. Et il est conscient que ces derniers ne comprennent rien de la situation» Et ajoute, « j'ai l'impression que la lutte des hommes d'affaires contre votre détermination à renforcer la Nation et à construire un Etat, est rentré dans une phase déterminante.»406(*)

Nous pouvons relever deux principales causes qui expliquent l'absence de la coopération avec le secteur privé et qui se sont aggravées avec le dédain du président Chéhab pour l'oligarchie commerciale et financière :

- D'une part, une méfiance agressive du secteur privé vis-à-vis de l'intervention de l'Etat dans l'économie nationale, concluant de façon hâtive que cette intervention met en danger le libéralisme économique. De plus, les milieux libéraux ont affiché des réserves envers l'importation d'études dans le domaine de la planification, et envers les politiques sociales pour la redistribution de la richesse.

- D'autre part, le refus des experts de la planification de coopérer avec un secteur privé dont le seul et l'unique but est le profit maximal.

Malgré les efforts accomplis sous le mandat Chéhab pour réduire les effets néfastes du libéralisme économique sur le plan de la répartition de la richesse et de la justice sociale, les mesures prises dans ce cadre furent loin de mettre fin à cette défaillance dans le régime libanais, d'autant plus que l'ampleur des inégalités n'a pas tardé à révéler sa dimension communautaire. En effet, « le déséquilibre de la croissance économique libanaise se répercute sur la structure sociale du pays, et les inégalités dénoncées par le rapport de l'IRFED ne font que croître en l'absence d'une politique de redistribution des ressources de l'Etat et de protection des salaries.»407(*)

Toufic Gaspard rappelle que : « le pouvoir politique n'est pas intervenu de façon significative et suffisante pour réglementer le marché. En réalité, nous pouvons considérer dit-il que la modernisation des infrastructures économiques et des institutions sous le mandat Chéhab ont crée un espace plus favorable au fonctionnement de l'économie de marché.»408(*) Et affirme que « tous les gouvernements libanais ont fidèlement appliqué les principes du libéralisme économique et l'économie de marché à savoir la libre circulation de la main d'oeuvre et des capitaux.»409(*)

Kamal Dib précise lui que « même en 1970, les mouhazats périphériques sont restés noyés dans leur régime traditionnel et sous-développés dans les domaines économiques, éducatifs et sanitaires.»410(*) Il n'en demeure pas moins que d'une manière générale, « les diverses communautés sont inégalement intégrées au mode de production de l'économie moderne et donc inégalement représentées dans les diverses classes liées à ce mode de production.»411(*)

2,5- Un projet incapable de s'imposer à long terme : la chute de Nasser et l'irruption de la Résistance palestinienne

La chute de Nasser en 1967, et sa défaite contre Israël ont fait vaciller le support arabe du chéhabisme et du Pacte National de1943. La disparition de l'ombre de Nasser qui consacrait le statu quo dans le monde arabe a fait sombrer le Moyen-Orient dans ses querelles historiques et intestines.

De plus, l'irruption de la Résistance palestinien représentait un double défi pour le Liban par sa présence au sein même du pays et surtout après 1970, après avoir été chassé de Jordanie et par l'attraction que les palestiniens représentaient pour la gauche libanaise qui sortait à peine du nassérisme. C'est ainsi que le nationalisme arabe libanais se teinta de marxisme, second défi dans le cadre d'un Liban démocratique.

La gauche libanaise et les palestiniens ont travaillé la base, la masse musulmane libanaise, pour les retourner contre leurs leaders. Après 1958, le système électoral libanais était construit de telle manière que ne pouvaient être élus que ceux qui avaient les moyens : c'est-à-dire l'argent et la clientèle. Une fois élus, les leaders musulmans se sentaient obligés d'aller dans ce sens, ne fût-ce que pour justifier leur élection.

Les Etats arabes entrent en guerre le 15 mai 1948, à la proclamation de l'Etat d'Israël. Tout le monde pénètre en Palestine pour la libérer et battre les Israéliens. Après les défaites, ils signent des armistices et se donnent ainsi un temps de réflexion. Mais ce temps de réflexion est rempli par un vide et la poursuite des querelles intestines interarabes. Les arabes ont signés l'armistice en attendant « de régler le sort de la Palestine. » L'armistice n'était en effet qu'un arrêt des hostilités en attendant le règlement de la question palestinienne. Or, non seulement aucun règlement n'avait lieu, mais on n'essayait même pas de s'occuper des réfugiés entassés dans des camps miséreux, et complètement marginalisés.

A partir de 1967, le conflit arabo-palestinien élut le Liban comme champs de bataille, les partis et mouvements politiques, allant de l'extrême droite chrétienne à l'extrême gauche s'entendirent , tout en se combattant entre eux contre les chéhabistes, et plus précisément contre l'autorité du « Deuxième Bureau ».

Certes, les réformes et les réalisations administratives et sociales que le chéhabisme apporta, ont demeuré, mais sa stratégie, en vue de bâtir un État moderne et une nouvelle conception de l'unité nationale fut interrompue.

Les Accords du Caire de novembre 1969, en consacrant l'extraterritorialité des camps palestiniens et la légitimité de l'action guerrière de la Résistance palestinienne contre Israël depuis le Sud Liban, devaient précipiter la décomposition de la scène politique libanaise au point que l'intérieur de sa scène et l'extérieur des scènes régionale et mondiale devaient désormais se confondre toute frontière estompée. C'est ainsi que s'est constitué, par exemple, le « Fath land » : un « territoire palestinien » établi au sein du « territoire » libanais, avec le consentement d'une bonne partie de la population libanaise. Le Liban perdit alors tout semblant de souveraineté et s'ouvrit définitivement aux grands vents des turbulences de la géopolitique.

Chapitre II :

Une seconde tentative de modernisation avortée.

Section É

L'Accord de Taëf et le chéhabisme 

1,1 - la croissance équilibrée et la reconstruction des institutions étatiques.

L'accord de Taëf, autrement dit document d'entente nationale, adopté par les députés libanais réunis en Arabie saoudite en 1989, consiste une version remaniée de l'avant-projet présenté par le Haut comité arabe tripartite.412(*) Les principales réformes introduites par l'accord de Taëf comprennent : - la décentralisation de l'administration, - le renforcement de l'indépendance de la justice, - la formation d'un comité national chargé d'étudier et de proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme, - la promulgation d'une nouvelle loi électorale dans laquelle les circonscriptions électorales correspondent aux mohafazats.

Ainsi, à travers les modifications constitutionnelles introduites par l'accord de Taëf, nous montrerons les points qui reflètent une vision politique « chéhabiste » et/ou qui se basent sur la philosophie nationale du chéhabisme. Si ces points n'ont pas été directement puisés dans la philosophie du chéhabisme, au moins elles ont été appliquées par le chéhabisme en tant que praxis politique.

L'alinéa (b) du préambule (ce préambule a été ajouté par la loi constitutionnelle du 21/9/1991) stipule que « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance ». Le président Chéhab comme nous l'avons mentionné auparavant pratiqua une politique étrangère pro-arabe suivant les règles de la neutralité positive, sans pour autant déroger aux relations historiques du Liban avec l'Occident.

L'alinéa (g) du Préambule de la Constitution évoque clairement un des fondements principaux du chéhabisme et c'est peut-être là que se manifeste directement la philosophie du chéhabisme. Il est dit dans cet alinéa : « Le développement équilibré des régions, culturellement, socialement et économiquement constitue une assise fondamentale de l'unité de l'Etat et de la stabilité du système. » Cette affirmation est centrale dans la mesure où l'accord de Taëf avait comme dessein d'être la nouvelle base de reconstruction et d'unification des pièces éclatées d'un pays détruit et meurtri par quinze années de guerre civile. A savoir que la crise de 1958 et les événements de 1974 ont pour raisons principales le dénivellement des conditions des régions rattachées au Grand-Liban. L'attachement des habitants de ces régions à la souveraineté de leur pays était d'autant plus précaire qu'ils jouissaient moins des biens de la nouvelle République. La vision et la philosophie chéhabistes concernant la construction de l'Etat et le renforcement de la Nation ont été avec l'accord de Taëf transformé en doctrine politique nationale.

En effet, le Préambule engage le pays dans un projet de développement régional dans le cadre de l'unité du territoire, en refusant tout morcellement ou toute partition du pays. Cette unité ne peut être reconstruite que par le développement harmonisé et équilibré. L'unité d'un pays n'existe que par rapport à des éléments objectifs qui l'instaurent.

Ainsi, l'accord de Taëf appelle dans l'alinéa (g) du Préambule à instaurer une « communauté économique » entre les différentes régions du Liban. Si les clivages confessionnels et régionaux ont constitué et constituent toujours un terrain favorable aux troubles politiques et sociaux, «le développement équilibré des régions, culturellement, socialement et économiquement » pourrait être un facteur de stabilisation et d'intégration. Ceci est une autre manifestation de la philosophie du chéhabisme qui considère que les clivages confessionnels deviennent source de conflits lorsqu'ils sont alimentés par les frustrations sociales, l'absence de la culture et le sous-développement économique. En effet l'alinéa (c) affirme que « Le Liban est une république démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et en premier lieu liberté d'opinion et de conscience, sur la justice sociale413(*) et l'égalité dans les droits et obligations entre tous les citoyens sans distinction ni préférence. » La justice sociale a toujours été le but primordial du chéhabisme, la fin visée du développement harmonisé et des réformes sociales.

Cependant, ces affirmations se heurtent au problème concernant la « juridicité » de ce préambule. Le fait que de nombreuses formulations reste des principes philosophiques et théoriques, dépourvus d'efficacité nous amène à nous interroger sur sa valeur constitutionnelle. Actuellement, ce problème reste posé malgré la mise en place d'un Conseil Constitutionnel.414(*)

Malgré ce problème, le préambule conserve toujours un sens et une portée politique, il comporte un ensemble de représentations destinées à imprégner les esprits de la croyance en la légitimité, la nécessité et le bien-fondé de l'Etat libanais.

Il s'agit dans le préambule de la Constitution libanaise modifiée suite aux réformes inscrites dans l'Accord de produire l'image d'une société unie où les diversités et les particularismes seront dépassés, transcendés et intégrés au pouvoir. Ce dernier en se prévalant de l'idée de la « partie définitive », devrait être au service de la collectivité toute entière. Le discours intégrateur du Préambule veut affirmer la cohésion et effacer les traces des polémiques et des divisions internes, en adoptant un ton tenace et ferme au sujet de la nécessité de faire prévaloir l'intérêt général. « Matrice de tous les discours de légitimations des formes instituées l'idéologie de l'intérêt général, (le préambule) se présente comme une construction imaginaire, indispensable à l'exercice de tout pouvoir.»415(*)

Quant à l'équilibre confessionnel introduit par le chéhabisme dans les postes administratifs, il a été élargi pour toucher la représentation politique à la chambre des députés à travers l'article 24416(*) de la Constitution qui stipule que les sièges parlementaires à titre transitoire seront répartis « à égalité entre chrétiens et musulmans.» 

D'un autre côté, l'accord de Taëf a ouvert la voie à une modernisation du système politique libanais, par le biais du déclenchement du processus de déconfessionnalisation.

L'alinéa (h) du préambule considère la suppression du confessionnalisme politique comme « un but national ». Ici, l'accord de Taëf dépasse le chéhabisme. Puisque, ce dernier a oeuvré pour l'équilibre confessionnel en vue de son dépassement sans pour autant le manifester alors que l'article 95 de la Constitution décrit une stratégie de déconfessionnalisation417(*) « par étapes.»

1,2 - la mise en pratique de Taëf et sa retombée sur la modernisation de l'Etat

Ceci est dans les textes. Si la vérification de l'efficacité des textes est dans la pratique, l'accord de Taëf est loin d'avoir été pratiqué de manière intégrale et fidèle. Pour cette raison, il est très difficile d'évaluer les réformes introduites dans la Constitution ; à moins que certaines réformes portent en elle-même les germes de leur échec.

Si l'accord de Taëf a adopté de façon plus élaborée la vision nationale et la philosophie du chéhabisme, sa mise en pratique et son application ont trahi la stratégie de reconstruction et de développement mentionnée dans ses textes, notamment le développement équilibré entre les régions.

Tous les gouvernements post-Taëf ou presque, ont balayé l'expérience modernisatrice du chéhabisme et on opté pour le système économique et la philosophie politique qui furent appliquées après les années de l'Indépendance et avant la guerre de 1975, en refusant « de prendre acte que la morphologie économique du Moyen-Orient a profondément changé. »418(*) Le but fut « un retour déguisé à la vieille idéologie économique du Liban « Monte Carlo » de la bourgeoisie chrétienne traditionnelle commerçante, idéologie inscrite dans le contexte plus large des critères du « libanisme».419(*) C'est-à-dire le retour aux mérites injustifiés du libéralisme économique.

Dans son livre publié en 2005 et intitulé : « l'économie politique du Liban 1948-2002, dans les limites du libéralisme économique » que nous avons déjà mentionné, Toufic Gaspard analyse le fonctionnement du libéralisme économique au Liban « en période de paix » comme « en période de troubles » et montre clairement que malgré la présence de conditions idéales pour l'épanouissement du libéralisme économique, ce dernier n'a pas été à la hauteur du développement souhaité. Il en tire que « le libéralisme économique ne peut produire du développement lorsqu'il fonctionne dans un espace de corruption et d'institutions politiques sous-développées. »420(*)

 D'après ce qui a été mentionné nous pouvons donner une image schématique et générale des conceptions divergentes du système économique et politique du Liban et de la vision de l'Etat entre le chéhabisme et l'idéologie dominante. Par idéologie dominante, nous entendons l'idéologie qui est soutenue, appliquée, réellement par le pouvoir politique et qui ne peut être contestée par les autres :

Les principes du chéhabisme

Les principes de « l'idéologie dominante »

· Le développement équilibré et harmonisé entre les régions.

· Le développement axé sur la capitale Beyrouth

· Etat-Nation

· Ville-Etat

· La République humaniste

· La République marchande

· L'Etat régulateur et entrepreneur

· L'absence de l'Etat et le libéralisme économique

· L'équilibre confessionnel

· La marginalisation

· La souveraineté

· L'occupation

Si dans les textes l'accord de Taëf constitue en quelque sorte un dépassement du chéhabisme, et une stratégie de modernisation plus élaborée, ils se neutralisent par l'éclatement de la centralité du pouvoir et de l'autorité, sources et moteurs de tout projet de modernisation et de réformes politiques.

Ainsi, l'accord de Taëf consacre la formule communautaire mais cette fois-ci sous une forme écrite et le Préambule est une autre version de la démocratie consensuelle car il consiste à créer l'équilibre communautaire. Cette opération est une alternative jugée nécessaire à la sauvegarde d'une forme de cohésion nationale et à la légitimation de l'institution de nouvelles forces politiques sur la scène interne au Liban.

Avec l'accord de Taëf, le pouvoir se caractérise à la fois par l'absence d'une autorité supérieure et par le refus d'une prééminence communautaire : le pouvoir exécutif est diffusé entre les trois Présidences et plus encore à l'intérieur du Conseil des ministres. (Article 17 : Le pouvoir exécutif est confié au Conseil des ministres qui l'exerce conformément aux dispositions de la présente Constitution.) Le conseil des ministres a été incapable en tant que collège de devenir un organe d'élaboration de politiques ou même de prises de décisions. Ses fonctions ont souvent été assumées en pratique par une troïka non-constitutionnelle formée des trois Présidents.

Par la philosophie même qui le sous-tend, ce triumvirat, loin de débloquer l'impasse du centre décisionnel, consacre cette impasse par la multiplication du centre, ce qui sur le plan fonctionnel abouti à substituer à la dynamique de l'institution le poids inerte de rouages prétendument régulateurs. Aucun groupe n'est plus en mesure de s'imposer aux autres, sous peine d'éclatement de la structure collective, mais aucune autorité libanaise n'est plus, non plus, en mesure de réguler la compétition. En dépouillant la Présidence de la République de l'essentiel de ses pouvoirs, le pouvoir a été « disséminé » et en quelque sorte « éclaté » au sein du conseil des ministres.

Est-il possible de construire une politique de réforme et d'élaborer une stratégie de construction avec un pouvoir « éclaté » et une autorité « neutralisée. » ? Albert Mansour qui a participé aux discussions de l'accord de Taëf écrit : « Toutes les décisions importantes et fondamentales étaient prises en dehors du Conseil des ministres et lui étaient soumises ultérieurement pour ratification. En fait, les décisions n'étaient pas uniquement prises en dehors du Conseil des ministres, mais à sa place421(*). » Sur un autre plan, Nawaf Salam voit que : «  dans le cas du Liban, le danger est que le modèle de Taëf qui était censé neutraliser les force centrifuges de la société pourrait avoir mis le Liban sur « une pente à sens unique » entraînant un système auto-alimenté «d'appétits confessionnels422(*)». Enfin, Georges Corm constate que « La ÉÉe République, loin d'établir l'« entente nationale » et le fonctionnement de la démocratie, va ressembler à une véritable république bananière, mise sous serre par un puissant voisin et protecteur, la Syrie, avec le plein assentiment des nouvelles forces sociales sorties gagnantes de la guerre423(*). »

Sur la part de responsabilité des différents protagonistes qui ont gouverné la scène politique libanaise après l'accord de Taëf, Kamal Dib écrit que : « le projet du premier ministre Rafic Hariri n'a été sujet à aucune opposition susceptible de lui faire face, ni de Elias Heraoui, ni de Walid Joumblatt ou de Nabih Berri ou du « Hezbollah424(*) », ni de Damas ou des pays arabes, ni de la Communauté Européenne ou des Etats-Unis. Ils ont tous à titre personnel ou pluriel et à des degrés différents tiré profits politiquement et financièrement de ce projet. (...) Hariri était incapable d'imposer un autre, même s'il le voulait, parce que ce projet était en harmonie avec les ambitions et les objectifs des seigneurs de la guerre et des marchants du temple, avec la vision de l'Arabie Saoudite, de la France et du système économique mondial du début du 21éme siècle425(*). »

A ce sujet, Georges Corm critiquant la politique économique post-Taëf constate qu' : « On se prévaut alors de l'évolution économique internationale, de la réduction partout dans le monde du rôle des Etats, des grandes vagues de privatisations, etc., tout en oubliant de dire que, déjà, l'Etat libanais, en dépit des réformes dues à la reconstruction de type chéhabiste entre 1958 et 1964, souffrait non pas d'un excès d'intervention dans l'économie, en particulier dans le domaine social, mais plutôt de son effacement. Le rappel des politiques internationales de réduction du rôle de l'Etat dans l'économie est fort peu approprié au cas du Liban, où jamais le secteur public n'a pris l'importance qu'il a pu acquérir dans les pays industrialisés occidentaux ou dans les pays du tiers monde à économie dirigiste426(*). »

Section ÉÉ :

La persistance de la disparité socio-économique

2,1- Un contexte social difficile

Comme nous l'avons souligné, l'accord de Taëf a porté une dimension socio-économique, afin de s'attaquer au problème de la disparité et de doter le système d'une nouvelle approche lui permettant de maintenir la stabilité non pas seulement au niveau politique mais aussi au niveau social.

Cet accord a tenté de réconcilier le trait libéral de l'économie libanaise et l'exigence d'un développement équilibré entre les régions sur le plan culturel, social et économique. II s'agit d'une évolution politique considérable qui prête une attention particulière à la dimension socio-économique et à son importance dans le maintien de la société libanaise. Cependant, la première expérience de la deuxième République indique que les orientations ultra-libérales n'ont jamais pris en considération les exigences prévues par l'accord de Taëf.

Les études réalisées en 1998 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en coopération avec le ministère des Affaires sociales, qui classent les régions libanaises selon leur «degré de pauvreté», ont révélé des inégalités redoutables entre les régions surtout en ce qui concerne l'infrastructure principale, le niveau de revenu des ménages et le degré de satisfaction des principaux besoins.

Par conséquent, les libanais se trouvent aujourd'hui dans un contexte social difficile qui ressemble à celui qui régnait dans la première République. Ce qui reflète de façon claire l'absence d'une orientation sociale cohérente de la part de l'Etat qui permet d'alimenter le phénomène de l'exclusion qui s'élargit notamment dans les régions périphériques et qui pourrait plus tard aplanir le chemin devant une éventuelle explosion sociale. En effet, Kamal Hamdan constate que « les obstacles qui ont freiné la croissance dans la période d'après-guerre, ne se réduisent pas uniquement à la faiblesse de l'impact économique des dépenses de reconstruction. Ces obstacles tenaient d'avantage à l'incohérence des objectifs macro-économiques affichés par les gouvernements successifs427(*). »

« Aucune vision globale, aucun plan d'ensemble se rapportant à la question sociale, n'ont été élaborés ou mis en cours. La classe politique s'est montrée, de par structure, incapable ou non disposée à aborder cette question dans sa dimension globale, dépassant les intérêts étroits du type communautaire, régional, familial ou clientéliste. En fait l'idée largement répandue au sein de l'«establishment » politique, est toujours la même, à savoir que la solution des problèmes sociaux est le sous-produit pur et simple de la croissance428(*). »

Ce graphe429(*) montre le déséquilibre existant entre les dépenses et le revenu mensuel selon les régions (en milliers de L.L.) en 1997. La plupart des ménages libanais ont un déséquilibre dans leurs budgets. Le pourcentage des aliments dans les dépenses des ménages est de 34% et le logement 15 %, et l'éducation et la santé 22 % de la totalité des dépenses des ménages. Ces taux de dépenses sur les besoins reflètent la grandeur des contraintes de vie imposée aux ménages libanais.

Le tableau430(*) suivant montre l'évolution de l'indice du salaire minimum et de l'indice de la part de l'individu des taxes indirectes prenant l'année 1992 comme base.

On remarque la croissance rapide de l'indice des taxes indirectes comparée à celui de l'indice du salaire minimum. Ceci montre l'effet négatif des politiques financières adoptées dans la période d'après guerre sur la vie des ménages à revenu minime. Et les augmentations annuelles du seuil minimal officiel des salaires sont restés inférieures du taux des corrections introduites sur les prix des services publiques

2,2-La concentration des activités économiques au centre de la fracture centre-périphérie.

Il est évident que l'évolution de l'économie libanaise s'est toujours distinguée par un développement inégal ayant fait de Beyrouth et du Mont-Liban deux pôles considérables. Certains économistes libanais ont tenté d'expliquer ce phénomène d'après le rôle historique de Beyrouth comme une zone-relais des échanges entre l'Europe et le marché proche-oriental,431(*) et à travers le développement économique avancé du Mont-Liban432(*). Par conséquent, le rôle joué par Beyrouth et le Mont-Liban dans le marché régional et les échanges avec l'Europe impliquerait la concentration des infrastructures primordiales et des établissements publics dans ces deux pôles, conditionnant ainsi l'organisation de l'économie libanaise et jouant sur le développement et la croissance de la plupart des activités économiques433(*).

En effet, l'agglomération de Beyrouth et du Mont-Liban a regroupé 80% des établissements publics, 72% des entreprises gérant le commerce et 80% des entreprises industrielles, alors que 60% des hôtels étaient concentrés au Mont-Liban434(*). Si le rôle joué par Beyrouth et le développement prématuré du Mont-Liban ont été à l'origine de leur évolution considérable, le sous-développement des différentes régions Libanaises a été considéré comme le produit d'un système qui ne cesse de nourrir la fracture centre-périphérie. Dés lors, un lien est établi entre le conflit au Liban et les structures économiques caractérisées d'un côté par une forte concentration au centre et, de l'autre, par des marques confessionnelles.

On constate qu'après la mise en application de l'accord de Taëf, aucune répartition des activités économiques n'a vu le jour. Tous les indices nous montrent que les structures économiques considérables demeurent localisées au centre et bénéficient toujours d'une part notable de l'ensemble des dépenses publiques effectuées dans le cadre de la politique de la reconstruction du pays.

La répartition des salariés libanais dans les secteurs économiques reflète la concentration des activités économiques et le déséquilibre entre les secteurs de l'économie nationale. Il s'agit d'un déséquilibre structural qui accentue l'évolution d'une économie marchande où les secteurs du commerce et des services abritent environ 64% de la population active estimée en 1997 à 1 362 000 personnes435(*).

Il semble que la montée de l'hégémonie de la bourgeoisie commerciale et intermédiaire qui croît avec la concentration des activités économiques dans le centre pousse à reprendre la thèse de la dépendance : « le sous-développement de la périphérie est le produit du développement du centre»436(*). L'expérience du capitalisme montre que l'inégalité est nécessaire à son développement, mais il ne faut pas admettre que les niveaux supérieurs des inégalités soient indispensables à la prospérité de l'économie. Et si l'extension du capitalisme dans les périphériques tend à accroître les disparités, du fait que le niveau du travail ne s'élève pas par rapport au degré de la productivité437(*), son évolution implique également la prise en considération des conditions de vie des citoyens. Ainsi, l'Etat libanais est appelé à intervenir par de multiples moyens afin de réduire les inégalités socio-économiques et d'aider la recomposition de la classe moyenne.

Dans ce cadre, la classe politique de la deuxième République n'a pas su construire des institutions capables de maîtriser le marché ni d'établir des nouvelles méthodes de gestion du social. L'Etat doit jouer un rôle primordial dans la question de la justice sociale, dans la mesure où les inégalités sociales pourraient menacer la cohésion sociale notamment dans les sociétés multicommunautaires dans lesquelles le phénomène de l'exclusion porte une dimension politico-confessionnelle

Conclusion

Il est indéniable que la période appelée « chéhabiste » et précisément le mandat du président Fouad Chéhab fut une période décisive dans la trajectoire historique du Liban-Etat. Le Président a réalisé que le Liban ne peut progresser et se développer en tant qu'Etat stable et souverain que s'il ne transcende les causes de sa division interne qui le déchire, à savoir l'injustice sociale dans sa dimension spatiale et populaire.

Toute la philosophie du chéhabisme était tournée vers la création des conditions objectives et subjectives qui permettent l'émergence du citoyen-individu. L'émergence du « je », du subjectum, est le premier pas dans le long cheminement de la modernité. Il en est le moyen et la fin.

Ainsi, le président Chéhab essaya de développer et de moderniser les différents secteurs de l'économie nationale, et en même temps d'encourager le secteur privé à investir dans des domaines susceptibles de favoriser la croissance économique à moyen et long terme.

De même, il réalisa que les clivages confessionnels empêchent l'émergence d'une identité nationale commune. Il essaya d'affaiblir les forces confessionnelles extrémistes, et épaula de nouveaux courants et de nouvelles forces politiques modérées, et a introduit de nouvelles figures académiques et technocrates dans les milieux décisionnels. Parallèlement, il tenait toujours un discours politiques modéré et unificateur.

Tout ceci nécessite un changement dans la pratique administrative et institutionnelle. Et c'est ce que le Président tenta d'accomplir à travers la réforme et la rationalisation administrative et la construction d'institutions modernes et efficaces.

Dans sa déclaration du 4 août 1970, le président Chéhab expose les obstacles et les difficultés qui ont barré la route à la modernisation du système politique libanais. Voici le texte de la déclaration :

« Face aux pressions dont j'ai été l'objet pour m'amener à poser ma candidature à la première magistrature, j'ai estimé de mon devoir, avant de prendre une décision définitive, de procéder à l'examen approfondi des données de la conjoncture et de ses implications dans tous les domaines. J'ai entrepris cela pour apprécier les possibilités qui s'offrent à moi en vue de servir mon pays confortement à ma conception personnelle du devoir et des impératifs du devenir.

Me fondant sur l'expérience acquise dans l'exercice de mes multiples responsabilités, notamment à la tête de l'Etat; tenant compte de l'évolution politique, économique et sociale; m'inspirant de ma conception propre de l'autorité et de la mission de l'Etat, ainsi que du prestige qui doit s'y attacher, et me conformant à ma méthode de travail et à ce que les libanais attendent d'un homme qui a l'expérience du pouvoir, j'estime que la situation se présente comme suit :

Les institutions politiques libanaises et les moeurs traditionnelles de la vie publique ne me semblent pas constituer un instrument adapté aux impératifs du redressement libanais tels que le commande dans tous les domaines la décennie qui commence. Nos institutions politiques sont, à beaucoup d'égards, en retard sur les régimes politiques modernes, qui s'inspirent du souci d'assurer l'efficacité de l'Etat.

Nos lois électorales répondent à des données provisoires et passagères. Quant à notre régime économique, les vices de son application favorisent le développement des situations de monopole. Tout cela laisse peu de place à une oeuvre sérieuse sur le plan national.

L'ambition d'une telle oeuvre est l'établissement d'une démocratie parlementaire authentique et durable, la suppression des monopoles, la garantie d'une vie digne et d'une existence meilleure pour les libanais, dans le cadre d'une économie véritablement libérale où sont assurés le travail et l'égalité des chances, et où tout le monde pourra bénéficier des bienfaits d'une démocratie économique et sociale vraie.

Mais les nombreux contacts que j'ai établis et l'analyse à laquelle j'ai procédé m'ont confirmé dans ma conviction que le pays n'est pas encore prêt à admettre ces solutions de fond que je ne saurai d'ailleurs envisager que dans le respect de la l'égalité et des libertés fondamentales, auxquelles j'ai toujours été attaché.

C'est pourquoi j'ai décidé que je ne serai pas candidat à la présidence de la République : En rendant publique cette décision, je remercie les députés, les hommes politiques, les autorités et les citoyens qui m'ont accordé leur confiance. Je leur souhaite de réussir au service du Liban.»

Si les efforts entrepris par le chéhabisme pour remédier aux carences du système politique libanais n'ont pas aboutis, cela est dû aux « pas manqués » du chéhabisme ; à des causes étrangères au Liban lui-même, et à des tares introduites dans la structure de son système politique.

En effet, l'échec du chéhabisme fut le résultat de causes subjectives d'une part, et de causes objectives d'autre part.

La défaite de 1967 a mené à l'affaiblissement du nassérisme, qui était un puissant allié du chéhabisme. L'entente avec Nasser a assuré au chéhabisme une assise de stabilisation sociale et politique. L'opposition et les forces nasséristes qui avait bouleversé le mandat du président Chamoun avaient été intégrées et encadrées par le chéhabisme.

Parallèlement à l'affaiblissement de Nasser, le Moyen-Orient assistait à la montée en puissance de la Résistance palestinienne. Ainsi, avec l'affaiblissement de Nasser et l'émergence de la Résistance palestinienne, l'équilibre politique au Liban commença à montrer des symptômes de déstabilisation.

Les chrétiens se sentaient menacés par la montée de la Résistance palestinienne et sentaient que le Liban allait payer le prix d'une guerre à laquelle ils n'ont pas assisté et que les arabes ont perdu. Suite aux changements intervenus dans l'opinion publique chrétienne, Pierre El Gemayel s'allia avec les deux opposants chrétiens les plus farouches du chéhabisme à savoir  Raymond Eddé et Camille Chamoun et formèrent l'Alliance Tripartite.

Quant à Kamal Joumblatt qui avait énormément bénéficié du règne des chéhabistes, se transforma d'un allié puissant des chéhabistes en un allié de la Résistance palestinienne.

Par le fait, le chéhabisme perdit deux puissants alliés qui lui ont assuré un équilibre confessionnel, politique et social sur une dizaine d'années. L'édifice chéhabiste est devenu fragile face aux transformations régionales qui allaient subvenir, d'autant plus que les sentiments confessionnels s'exacerbaient de plus en plus.

Le Deuxième Bureau dont l'unité et la force étaient assurées par Fouad Chéhab d'un côté et par l'équilibre politique a perdu la protection et la couverture confessionnelle et politique avec le ralliement de Pierre El- Gemayel à l'alliance Tripartite et Kamal Joumblatt à la résistance palestinienne. Les officiers du Deuxième Bureau ne se protégeaient pas par « leurs muscles », mais par l'armée et les hommes politiques chéhabistes tels : Sabri Hamadé, Rachid Karamé, René Mouais, Kamal Joumblatt, Pierre El-Gemayel qui leur assuraient une couverture politique. Cette couverture a été retirée, ainsi, les officiers se sont retrouvaient face à eux-mêmes et face à leurs exagérations et dérives autoritaires.

L'Union Soviétique a exercé des pressions sur Kamal Joumblatt pour empêcher le candidat chéhabiste de gagner les élections présidentielles en estimant que l'élection d'Elias Sarkis serait un facteur de renforcement du Deuxième Bureau et de l'Armée et seraient par la suite capables de contrôler la Résistance palestinienne et les partis de gauche, « le levain de la Révolution arabe ». Ainsi, après deux ans du mandat Frangié, les chéhabistes devinrent minoritaires dans l'armée et l'administration publique, et les élections de 1972 sont venues pour diminuer le nombre des députés chéhabistes.

Ces transformations dans la situation régionale et dans les alliances entre les forces politiques libanaises qui ont transformé l'espace et les conditions de survie du chéhabisme s'ajoutèrent à ses propres limites :

- Le président Chéhab abandonna « l'éventail » en pleine mer en refusant de continuer lui-même ce qu'il avait commencé. Après tout, il était un homme régulateur de conflits capable de résoudre les crises politiques et d'amener les hommes politiques à coopérer entre eux et avec lui, et non pas un révolutionnaire décidé et ferme qui prendrait les risques nécessaires.

- Le chéhabisme avait cru que le développement équilibré, la croissance économique, la redistribution de la richesse nationale et la justice sociale suffiraient pour entamer une modernisation politique et créer une conscience nationale. Mais ce coup d'Etat démocratique ne peut se faire qu'à travers une nouvelle loi électorale qui brise le monopole de la ploutocratie libanaise qui se montrait hostile aux véritables mesures de modernisation.

- Aucune mesure ne fut prise pour absorber et introduire les nouvelles forces sociales dans le système politique en vue de favoriser et de générer du développement politique. Il est apparu qu'il est plus aisé de générer du changement que de l'absorber et de le contenir.

- L'écart entre la parole et la pratique est largement perceptible car peu de ce qui pouvait être fait a été réalisé.

- Lorsque les officiers du Deuxième Bureau perdirent la couverture des hommes politiques, ils se trouvèrent face à eux-mêmes et à leurs dérives ;

- Les chéhabistes n'ont pas pu ou voulu construire un parti politique bien structuré, par le fait le chéhabisme s'est essoufflé en ne bénéficiant pas d'un mouvement politique structuré et d'une réforme constitutionnelle qui lui aurait permis de dépasser le Pacte National.

- La plupart des hommes politiques libanais et des leaders chéhabistes, à l'exception du président Chéhab ne comprenaient et ne savaient pas comment réaliser le programme chéhabiste ; les chéhabistes n'ont pas été chéhabistes jusqu'au bout.

- Le temps n'a pas été suffisant pour introduire des transformations réelles dans le système politique libanais et pour que le projet chéhabiste passe à la maturité.

- L'appareil administratif n'a pas été apte à assumer les tâches nouvelles qui lui incombaient.

- Les chéhabistes ont perdu le contrôle de la présidence de la République qui était indispensable pour la survie du chéhabisme.

A ces fissures dans la mise en pratique du chéhabisme viennent se greffer les carences du système politique libanais qui institutionnalise les clivages ; favorise et se nourrit du clientélisme ; qui est atteint d'une crise de l'autorité ; qui est dirigé par une ploutocratie ; et, qui est figé dans une inertie « de rouille » qui risque de le briser à chaque fois que l'on essaye de le développer. En plus de ces carences, l'application des réformes introduites dans les Accords de Taëf devront faire face à l'éclatement de la centralité du pouvoir et de l'autorité, sources et moteurs de tout projet de modernisation.

Il est nécessaire de préciser que tout projet de modernisation politique au Liban est confronté après tout à cette question cruciale soulevée par Georges Naccache au début de l'expérience chéhabiste et qui relève d'un certain pragmatisme aliénant  : « C'est avec les Libanais comme ils sont, avec les politiciens, valent ce qu'ils valent, c'est avec eux et à travers eux qu'il faut faire un Etat libanais... avec cette conscience amère de la nécessité, pour aboutir, de passer à travers les hommes mêmes qui ont avili l'autorité et dégradé le pouvoir.»

En effet, la modernisation au Liban est prisonnière d'une crise sans horizons. Les décisions de la modernisation souhaitée sont aux mains de ceux qui n'ont pas intérêt à ce que le Liban pénètre dans la modernité. Cette modernisation est synonyme de suicide politique pour la ploutocratie gouvernante qui monopolise le pouvoir et par le fait la modernisation. Quant à la société civile elle est assez dispersée et faible. Ses composantes sont manifestement occupées et préoccupées par des enjeux différents qui expliquent l'absence de perspective.

Aucun moyen d'échapper à cette crise que par l'éducation démocratique, par une prise de conscience populaire et la création d'une opinion publique libanaise qui impose la modernisation par la force. Et avec les interférences étrangères dans les cercles des décisions politiques, l'intérêt national a disparu et la cause libanaise dans la construction d'un Etat moderne est perdue ou presque.

Annexe 1

Principales mesures de politique économique 1959-1963

Etudes et institutions

1959-1960

Etude sur les besoins et les possibilités de développement du Liban.

Décret N0 155 du 12 Juin 1959 créant l'Office du Développement Social.

Décret du 12 Juin créant l'Office des Fruits

Décret du 12 Juin créant le Conseil de la monnaie et du crédit.

1961

Décret 7820 du 7 août créant l'institut de Formation en vue du développement.

Etudes sur la sécurité sociale.

Création du conseil Exécutif des Grands Projets.

1962

Loi du 12 Juin sur la réorganisation du Ministère du Plan.

Schémas d'Actions Générales (Novembre)

Transmission du projet de loi sur la Sécurité Sociale au Parlement

Etudes sur projet de banque de développement.

1963

Dossier de base pour l'avant-projet de plan quinquennal de développement.

Création du Conseil exécutif des Grands Projets de la ville de Beyrouth.

Promulgation par décret de la loi sur la sécurité Sociale.

Promulgation de code de la monnaie et du crédit instituant la Banque centrale.

Equipes polyvalentes décret N0 12492 du 9 / 4 / 63.

Conseil consultatif régional, décret. N0 12493 du 9 / 4 / 63.

Groupe technique régional, décret N0 12417 du 2/ 4 / 63.

Grands Travaux

1959-1960

Six projets du Fonds Spécial des Nations Unies :

- Ecole des arts et des métiers

- Institut de la santé animale

- étude des eaux souterraines.

- éducation, formation et recherche forestière.

- centre de sécurité de l'aviation civile.

- enquête pédologique.

Prison moderne

Foire de Tripoli

Programme d'infrastructure des 51 millions

1961

Programme des 84 millions pour les routes de désenclavement.

Programme des 10 millions pour les silos du port de Beyrouth.

Programme d'infrastructure des 450 millions.

Programme des 60 millions pour l'extension du port de Beyrouth.

Programme des 22 millions pour la cite gouvernementale.

Avance de 35 millions à l'Office d'électricité.

1962

Programme d'infrastructure des 37 millions.

1963

Plan Vert

Nouvelle avance du Trésor de 85 millions l'Office National du Litani.

La Bibliographie

Ouvrages généraux :

- ABDEL RAHMANE Aicha, La personnalité musulmane, (en arabe) Publication de l'Université Arabe de Beyrouth, 1972.

- ABOU Selim, Le Bilinguisme arabe français au Liban. Essai d'anthropologie culturelle, Paris, 1962,

- BADIE Bertrand, l'Etat importé : l'occidentalisation de l'ordre politique, coll. L'espace du politique, Fayard, Paris, 1992

- BITAR Joseph, Armée de métier et service militaire au Liban, Imprimerie Catholique, Beyrouth, 1973

- BOUTROS Fouad, Ecrits Politiques, Editions Dar An-Nahar, Beyrouth, 1997

- CHEVALLIER Jacques, Eléments d'analyse politique, PUF, Paris, 1985

- CORM Charles, La Montagne inspirée, Ed. de la revue Phénicienne, Beyrouth, 1964.

- CORM Georges, La Méditerranée, espace de conflit, espace de rêve, L'Harmattan, Collection comprendre le Moyen-Orient, Paris, 2001

- DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit International Public, L.G.D.J, éditions Delta, 5ème édition, 1994

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- DE GAULLE Charles, Mémoires de guerre, en 3 volumes. Ed. Plon, Paris.

- DUCRUET Jean, Les capitaux européens au Proche-Orient, coll. Etudes économiques internationales, Ed. PUF, Paris, 1964.

- DUROSELLE Jean-Baptiste, Tout empire périra, théorie des relations internationales, Publications de la Sorbonne, Paris, 1981.

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- FANON Frantz, Les damnés de la terre, Maspero, 1961.

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- NACCACHE Georges, «Un nouveau style : le Chéhabisme», Les années Cénacle, Dar An-nahar. 1997

- NASSIF Nicolas, le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre, Moukhtarat, Beyrouth, Troisième édition, 2006 (Première édition 2005)

- RONDOT Pierre, «Quelques réflexions sur l'expérience politique du « Chéhabisme » au Liban», In L'Orient, N0 16, 1960

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- WEBER Max, - L'Ethique protestante et l'Esprit du capitalisme, trad. J.Chavy, Paris, 1964

Sur l'économie :

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- CERMOC, (ouvrage collectif, dir. André Bourgey), Etat et perspectives de l'industrie au Liban, Publication de CERMOC, Beyrouth, 1978

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- GEMAYEL Maurice, Pionnier de la planification au Liban, Raîdy printing press, 2001

- HAMDAN Kamal, « La décentralisation économique » In L'administration civile au Jabal, Beyrouth, Dar Atakadoumia, 1990.

- « Le Social dans la Reconstruction du Liban : éléments de réflexions » spécial juillet -septembre publié partiellement dans Maghreb Machrek 2000

- ISSA Najib, « Les structures et le conflit social » In Liban d'aujourd'hui, CNRS, Paris, 1994

- GASPARD Toufic, L'économie politique du Liban 1948-2002, Dar Annahar, Beyrouth, 2005

- OWEN Roger, « The Political Economy of Grand Liban 1920-1970 », In Essays on the crisis in lebanon, Ithaca Press, London, 1976

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Revues :

- International Political Science Review

- La Pensée

- L'Orient,

- Middle Eastern Studies

- Revue Française de Sciences Politique.

Journaux :

- Al-Anwar

- Al-Anbae'h

- Al-mustaqbal

- An-nahar

- Assafir

- Assayad

- Beyrouth-el-Massa

- Le Figaro

- l'Orient 

- L'Orient-Le-Jour

* 1- Sur le concept de l'« ennemi » et son importance capitale en politique, Cf.Carl SCHMITT, La notion de Politique Trad. M.-L.Sreihauser. Préface de J. Freund, Clamann-Lévy, Paris, 1972) ; Théologie et Politique, Gallimard, 1988. Cf. aussi, Julien FREUND, L'Essence du politique, Sirey, 1965 ; Qu'est-ce que la politique ? Seuil, 1978. Pour ces auteurs, il ressort que la politique a pour caractère spécifique d'opposer ami et ennemi. C'est en cela, et en cela seulement qu'elle est politique, et se distingue de toute autre forme d'activité humaine. Toutes les notions, vocables, concepts vraiment politiques convergent vers un antagonisme concret, ils sont liés à une situation concrète dont la logique ultime est une configuration ami / ennemi. SCHMITT écrit : « La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c'est la discrimination de l'ami et de l'ennemi. Elle fournit un principe d'identification qui a valeur de critère, et non une définition exhaustive ou compréhensive. » La notion de Politique, p. 66

* 2 - Georges CORM, Le Liban contemporain, Histoire et Société, La Découverte, Paris, p. 297 ( 312 pages)

* 3 - Antoine MESSARA, Le modèle politique libanais et sa survie, essai sur la classification et l'aménagement d'un système consociatif, Publications de l'Université Libanaise, Beyrouth 1983, p. 223

* 4 - Max WEBER, L'Ethique protestante et l'Esprit du capitalisme, trad. J.Chavy, Paris, 1964, p.23

* 5 -« En dépit du fait, écrit Hamadi Redissi que la modernité a revêtu plusieurs sens, elle a été assimilée à un rite de passage: sur le plan religieux, du catholicisme au protestantisme (Weber), ou de la religion historique à la « religion civile » (Rousseau) ou à la « foi réfléchissante » (Kant) ; philosophiquement, de la tutelle de la Tradition aux Lumières de la raison naturelle; socialement, de la communauté hiérarchique à la société d'individus libres et égaux ; politiquement, de l'Etat autoritaire à l'Etat de droit et, plus tard, à la démocratie; esthétiquement, de l'art compromis avec les idées de bien et de vérité à l'autonomie du beau; matériellement, de l'économie domestique et agricole au capitalisme industriel; culturellement, de la paroisse à la civilisation scientifique et technique planétaire. (...) En effet, que l'on définisse la modernité fondatrice par l'époque ou être de son temps est la valeur des valeurs, ou par la période qui « puise sa normativité en elle-même », on situe la modernité dans cet esprit du temps porté par un sujet en mesure de faire la triple distinction kantienne des sphères (la nature, l'éthique et l'esthétique), ou à même de reconstituer, comme le pensait Hegel, la totalité désunie. Mais, dés lors que le culte de l'époque est transitoire, la modernité se trouve constamment en décalage par rapport à elle-même. ( ...) Soumise à examen, la modernité fondatrice, celle de la supériorité des Modernes sur les Anciens, telle qu'elle nous a été léguée, de la Renaissance au XVÉÉÉe siècle, est aujourd'hui, en crise. Des auteurs aussi différents que Jürgen Habermas, Manfred Frank, Alain Touraine, Michel Foucault et les post-structuralistes l'ont soumise à une critique qui s'est attaquée au principe de la conscience de soi, ce sujet qui construit son rapport à lui-même, à l'autre et au monde dans la transparence de la subjectivité »

Hamadi REDISSI, L'exception islamique, édition Seuil, Paris, 2004. pp.12-13 (236 pages)

* 6 - Jürgen HABERMAS, Le discours philosophique de la modernité, trad. Christian Bouchinhomme et Rainer Rochlitz, Gallimard, Paris, 1988, pp.2-3 (484 pages)

* 7 - Hamadi REDISSI, L'exception islamique, op.cit. p. 13

* 8- Cf. Alain TOURAINE, «Modernité et spécificités culturelles», Revue Internationale des sciences sociales, n0 118, nov. 1988, pp. 497-511.

* 9 - Hamadi REDISSI, L'exception islamique, op.cit.p. 13

* 10 - Georges CORM, « Géopolitique du conflit libanais », Editions la Découverte, Paris, 1987.

* 11 - Roger OWEN, « The Political Economy of Grand Liban 1920-1970», In Essays on the crisis in lebanon, Ithaca Press, London, 1976, p. 30

* 12- Kamal SALIBI, «Lebanon under Fouad Chéhab. 1958-1964», In Middle Eastern Studies 2, n°3, 1966, p. 213

* 13 - Michael JOHNSON, Class and client in Beirut : the Sunni-Muslim Community and The lebanese State, 1940-1985 , Ithaca Press, London, 1986, Chap, 6

* 14 - Youssef SAYIGH, « lebanon » In The Economics of the arab World : Developpement since 1945, Croom Helm, London, 1978, p. 288.

* 15 - Youssef SAYIGH, « lebanon » In The Economics of the arab World : Developpement since 1945, Croom Helm, London, 1978 p. 258

* 16 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu ... op.cit. p. 143

* 17 - Charles RIZK, Le régime politique libanais, LGDJ, Paris 1966.

* 18- Georges CORM, La Méditerranée, espace de conflit, espace de rêve, L'Harmattan, Paris 2001, pp. 227-228

* 19 - Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, Thèse de doctorat en sciences politiques, University of Essex, England, 1988, pp 34-35 ( 331 pages)

* 20 - Antoine MESSARA, Le modèle politique Libanais et sa survie, essai sur la classification et l'aménagement d'un système consociatif, Publications de l'Université Libanaise, Beyrouth 1983, p. 200

* 21 - David EASTON, Analyse du système politique, trad., Albert Colin, Paris, 1974, p.23

* 22 - Nahg en arabe signifie « style», «méthode», «voie», par allusion au style, à la méthode et à la ligne politique poursuivie par le Président Chéhab.

* 23 - Jean-Baptiste DUROSELLE, Tout empire périra, théorie des relations internationales, Publications de la Sorbonne, Paris, 1981.

* 24 - Sur les millets Cf. B BRAUDE et B LEWIS, Christians and Jews in the Ottoman Empire. The Functioning of a Plural Society, 2 vol, New York, 1982.

* 25 - Henri LAURENS, l'Orient arabe, l'Arabisme et islamisme de 1798 à1945, op.cit. p. 29

* 26 - Georges CORM, L'Europe et l'Orient.... op.cit. p. 50

* 27- Ghassan TUENI en collaboration avec Jean LACOUTURE et Gérard D.KHOURY, «Un siècle pour rien,.... op.cit. p. 35

* 28 -Les débouchées maritimes ont assuré au Liban un rang élevé sur la scène commerciale mondiale.

* 29 - La famine de 1915 a révélé la précarité de la Montagne à nourrir sa population.

* 30 - Henri LAURENS, l'Orient arabe, l'Arabisme et islamisme de 1798 à 1945 , Armand Colin, coll. U, 2nde édition, Paris, 2002, p. 225. (336 pages)

* 31- Ces statistiques sont citées dans Massoud DAHER, Histoire sociale du Liban 1914-1926, (en arabe) Dar al-Farabi, Beyrouth, 1974), pp 55-56

* 32- Kamal SALIBI, Une maison aux nombreuses demeures, l'identité Libanaise dans le creuset de l'histoire, NAUFAL, Paris, 1989. p.190

* 33 - Georges CORM, Le Liban contemporain, histoire et société .... op.cit. p.59

* 34 -Cf. Albert HOURANI, Ideologies of the Mountain and the City, in Roger OWEN ( dir.), Essays on the Crisis in lebanon, Ithaca Press, Londres, 1976 (89 pages )

* 35 - Jamil Beyhum MOHAMMAD, Le Liban entre les partisans de l'Est et de l'Ouest. op.cit. pp. 33-34

* 36- Michel CHIHA, Politique intérieure, Publications de la fondation Chiha, Ed. du Trident, Beyrouth, 1964, p. 14-16, (316 pages).

* 37 -Ralph E.CROWN, The Lebanese Constitution, Beyrouth, 1960. ( préface)

* 38 - Michael HUDSON, The Precarious Republic, Random House. New York 1968, p, 8-9. (364 pages)

* 39 - As-Sayad, 7 novembre 1974, N0 1572, p.21

* 40- Edmond RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, Beyrouth, publications de l'Université Libanaise, 1973, (589 pages)

* 41- Formée de 102 articles.

* 42- Dans un article publié dans la revue  Lebanon  (N0 3, juin 1972, p.2), Jean Salem a souligné que « la Constitution de 1926 est essentiellement présentée comme un texte pragmatique sans être beaucoup marqué par le caractère idéologique ».

* 43 - Article 54 de la Constitution.

* 44 - Editorialiste de «l'Orient-le-Jour»à l'époque.

* 45 -  l'Orient-le-Jour  du 17 août 1975.

* 46 - l'Orient-le-Jour  du 27 août 1975.

* 47 - Antoine AZAR, Les institutions politiques Libanaises, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1969, p. 162: « le président de la République peut rendre exécutoire, par décret, déjà pris sur l'avis conforme du conseil des ministres, tout projet qui aura été déclaré préalablement urgent par le gouvernement et sur lequel la Chambre n'aura pas statué dans les quarante jours qui suivront sa transmission à l'Assemblée ».

* 48 -Pierre ZIADE, Histoire diplomatique de l'indépendance du Liban, Beyrouth, 1969, document n0 42 p.216 (320 pages). Voir la déclaration ministérielle de Riad Solh devant le parlement le 8 octobre 1943. Voir l'Article de Kamal Salibi dans « An Nahar » du 10 juin 1975, n0 12504, p. 8

* 49 - Cette phrase est empruntée à Lamartine.

* 50 - Cité par Ghassan TUENI, dans Un siècle pour rien.....op.cit. pp. 155-156.

* 51 - La division de l'armée Libanaise, en 1976, en «Armée du Liban» et «Armée du Liban arabe» est significative.

* 52 - La crise de 1958 sera analysée à la troisième partie de ce chapitre.

* 53 - Ahmed BAYDOUN, L'identité des Libanais, In Fadia KIWAN (dir.), Le Liban contemporain, CERMOC, éditions CNRS, Paris, 1994, pp. 13-30. (296 pages).

* 54- Voir à ce propos, Aicha ABDEL RAHMANE, A-chakhsiya al-islamya (la personnalité islamique), Publication de l'Université Arabe de Beyrouth, 1972.

* 55 - Ahmed BAYDOUN, L'identité des Libanais.... op.cit. pp. 13-30

* 56 - Cette expression est empruntée à Robert Michels.

* 57- 6 et 6 bis sont les numéros d'une double correspondance figurant en annexe du traité. Dans cette correspondance, (suite) le président de la République Libanaise, Emile Eddé s'engageait, à l'égard de la puissance mandataire, à une répartition égale des droits et des devoirs des communautés, à l'unification et à la juste répartition de l'impôt foncier, ainsi qu'à l'institution de la décentralisation administrative.

* 58- Cette phrase est empruntée à Georges CORM, Le Liban contemporain... op.cit. p.102.

* 59 - Bassem EL-JISIR, Misak 43, (le Pacte de 43), préface de Farid El khazen, Dar Annahar, Beyrouth, 2nde édition, 1997 (la première édition date de 1978), p. 452.

* 60 - Voir à ce sujet, B.JODEH, Lebanon dynamics of conflit, Zed Books, 1985, 233 pages

* 61 -Georges NACCACHE, L'Orient - 10 mai 1949, article reproduit dans Un rêve libanais 1943-1972, un recueil regroupant les principaux articles de Georges Naccache, éditions FMA 1983, pp.52-58. (La publication de cet article sur trois colonnes à la une de « L'Orient » a causé l'emprisonnement de Georges Naccache ainsi que le rédacteur en chef de son journal, Kesrouan Labaki.)

* 62 - Fouad CHEHAB, Majmou'at khotab, ( Receuil de discours), Publications du Ministere Libanais de l'Information, Beyrouth, s.d., pp.83-84.

* 63 - Bahige TABBARA, Les forces actuelles au Liban, Université de Grenoble, 1954, p.304, (331pages).

* 64 - Charles RIZK, Le régime politique libanais, préface de Maurice Duverger, L.G.D.J, Paris, 1966, p. 32, (170 pages)

* 65- Jacques NANTET, Histoire du Liban, Préface de François Mauriac, Ed. de Minuit, 1963, p.257 (358 pages)

* 66 - Hudson a repris la typologie d'Edward Shils dans «Political development in the new States» (1959 mimeo). ( suite) Shils avait distingué cinq formes de gouvernements politiques: la démocratie politique classique, la démocratie tutélaire, l'oligarchie traditionnelle, l'oligarchie moderne et l'oligarchie totalitaire.

* 67 -«La République libanaise est le pays le plus exceptionnel et le plus insolite dans le monde» Hudson op.cit. p. 3.

* 68- H. et P. WILLEMART, Dossier du Moyen-Orient Arabe , Marabout Université, Verviers, 1969, p.187. (350 pages)

* 69 - Michel CHIHA, Politique intérieure,  Publications de la fondation Chiha, Beyrouth, 1964, p. 234, (316 pages).

* 70 - Michael HUDSON, The precarious Republic, op.cit.

* 71 - Pierre RONDOT, Les communautés dans l'Etat libanais, les cahiers de l'association France nouveau Liban n04, Ed. du Pylone, FABAG- 1er trimestre 1979, p. 7. ( 75 pages)

* 72- Idem.

* 73 - Pierre RONDOT, Les communautés dans l'Etat libanais.... op.cit. p. 44

* 74- Pierre RONDOT, Les institutions politiques du Liban , publications de l'institut d'Etudes de l'Orient Contemporain, Paris, 1947.

* 75- Henri LAMMENS, La Syrie, précis historique, publiée par la presse catholique de Beyrouth, 1921.

* 76 - Kamal SALIBI, Une maison aux nombreuses demeures ...... op.cit. p.170

* 77 - Idem.

* 78 - « La réalité du Liban politique» Ed. Dar An-Nahar, 1976, p.9

* 79 - Adel ISMAIL, History of a people, Beyrouth, 1972, p.164. ( 244 pages).

* 80 - Négib DAHDAH, Evolution historiques du Liban, Mexico, Ed. Oasis 1964, pp. 207 et 320-325.

* 81 - Fernand L'HUILLIER, Le Moyen-Orient contemporain (1945-1958), Marabout Université, Verviers, 1969 p. 187 ( 350 pages) 

* 82 - Michel CHIHA, Politique intérieure ...... op.cit. p 261.

* 83 - An-Nahar, 15 janvier 1973. p.1

* 84 - Elizabeth PICARD, Liban, Etat de dsicorde, Des fondations aux guerres fratricide, Paris, Flammarion, 1988. p.29. ( 264 pages).

* 85 - Georges CORM, Le Liban contemporain, histoire et société ... op.cit. p. 60

* 86 - Joseph ABOUJAOUDE, Les partis politiques, Bibliothèque de l'Université Saint-Esprit, Kaslik, 1985, p.4 (445 pages)

* 87- Pierre RONDOT, Destin du Moyen-Orient, Ed. du Centurion, Collection « Le Poids du Jour », Paris, 1959, p. 25.

* 88 - Joseph MOUGHAIZEL, Le Liban et la cause arabe (en arabe), Beyrouth, 1959, p. 68

* 89- R. Hrair DEKMEJIAN, Patterns of political leadership, Lebanon, Israel,Egypt, State University of New York Press, Albany, New York, 1975.

* 90- Yves SCHEMEIL, « Les élites politiques au Proche-Orient » In Revue Française de Sciences Politique. n03, 1978, p. 555

* 91- le Liban connaît à l'époque actuelle une épidémie de partis politiques crées et dominés par des personnalités politiques voulant donner à leur action politique un vernis de modernité.

* 92- «Le Liban au tournant », Institut de recherches et de formation en vue de développement, Beyrouth, 1963.

* 93- Al-Anwar  - 4 avril 1975.

* 94- Joseph BITAR, Armée de métier et service militaire au Liban, Imprimerie Catholique, Beyrouth, 1973, p. 35 (96 pages).

* 95 - L'Orient, - « les faits du jour », 13 septembre 1964, N01179, p.1

* 96 - L'Orient, du 24 septembre 1952, N07757.

* 97 - Cité par Ghassan TUENI dans, Un siecle pour rien.... op.cit. p.129

* 98 - Charles Malek (1906 - 1987) était le ministre des Affaires étrangères. Il a présidé l'Assemblée générale des Nations unies et a joué un rôle important dans la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

* 99 - Georges NACCACHE, article publié le 5 avril 1958 «un rêve Libanais 1943-1972» op.cit.

* 100 - Jacques NANTET, Histoire du Liban, préface de François Mauriac, Editions de Minuit, Paris 1962, p. 314. . (342 pages)

* 101 - La troisième force était crée et dirigée par Henri Pharaon. Georges Naccache, un des principaux membre de la troisième force écrit le 17 janvier 1958 : « Des Libanais venus de tous les bords (et pas de mauvais chrétiens en somme) (la parenthèse est de l'auteur), ont vu les périls auxquelles on nous fait courir. Ils ont vu que la reconduction présidentielle, présentée comme une nécessite de salut public, peut être une machine à faire éclater le Liban. Et ils ont décidé d'associer leurs efforts, s'il en est encore temps, pour empêcher cet éclatement. » «Un rêve Libanais 1943-1972»op.cit. p. 151

* 102 - Actuellement, par un mouvement cyclique de la crise du système politique libanais, le pays est divisé entre les parties du 14 mars et du 8 mars et une troisième force présidée par l'ancien premier ministre libanais Salim El Hoss.

* 103 - Kamal SALIBI, «Lebanon under Fuad Chehab. 1958-1964», In Middle Eastern Studies 2, n°3,1966. p. 1 ( It was clear from the start of the 1958 crisis that the Egyptians were behind it.)

* 104 - Les journaux syriens multiplient les articles, preuves à l'appui, sur le rôle de Nasser et de Sarraj dans l'insurrection de 1958 ; sur celui de ses leaders aux ordres de Nasser ; sur les hommes, armes et fonds qui leur furent envoyés, sur les versements à des journaux de Beyrouth. La presse de Damas révèle notamment que l'attentat manqué contre Michel Abou Jaoudé fut perpétré parce qu'il refusa, comme le voulait l'ambassadeur de la RAU Ghaleb et malgré une forte rémunération, de quitter An Nahar pour rejoindre Al Anwar. Que ce sont des agents Libanais de Sarraj, Akram Safadi, Abdo Hakim et Abdel-Jawad Aabara, qui, aidés de Rachid Chehabeddine et de Mahmoud Wehbé, ont assassiné le 8 mai 1958 Nassib Metni, pour déclencher l'insurrection. Dans un rapport à Nasser, Sarraj lui affirmait qu'un mois après son début, il haranguera les foules place des Canons. Que 700 volontaires syriens et palestiniens furent envoyés pour aider Joumblatt dans son offensive contre I'AIB...

* 105- Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu (en arabe), Chariqat al matbou'at lil tawzi' wal nashr, Beyrouth, 1988. p. 22.

* 106 - Michael HUDSON, The Precarious Republic, op.cit p.112

* 107 - A Beyrouth également,à Basta, des tribunaux populaires sont mis en place.

* 108 - Le capitaine de l'armée U.S. Alfred HALIM Mohamad Chéhab, cousin né en Amérique du G. Chéhab, fait partie du commandement des troupes américaines débarquées au Liban. - L'Orient 23 août 1958 p.7

* 109 - Opération Blue Bat.

* 110 - Le 25 juillet, les forces de débarquement américaines atteignent au moins 16.000 hommes, dont 4.000 soldats d'infanterie et 6.600 fusiliers marins : plus que I'armée Libanaise tout entière. Robert MURPHY, Un diplomate parmi les guerriers  , Robert Laffont, Paris, 1965, p. 421.

Les chiffres des effectifs américains débarqués à Beyrouth cités par Eisenhower sont toutefois légèrement différents de ceux donnés par Murphy : 14.357, dont 8.515 relevant de 1'infanterie et 5.842 marines (Cf. The White House Years, Waging Peace, Op.cit. p. 286,)

* 111 - Irene L. GENDZIER Notes from the Minefield, United States intervention in Lebanon and Middle East 1945-1958   New York, 1997.

* 112 - Edward DE TINGUY, Les Etats-Unis et le Liban (1957 - 1961) : Réflexion sur une diplomatie américaine dans le monde arabe , Mémoire de Mastère de recherche en Histoire des Relations Internationales, présenté à Sciences Poilitiques Paris en juillet 2005, s.d.

* 113 - le Pacte de Bagdad, a été signé le 24 février 1955 par l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran, et le Royaume-Uni. Il sera rebaptisé Traité d'Organisation Centrale (Central Treaty Organisation) ou CenTO, après le retrait irakien le 21 août 1959.

* 114 -Voir M.S.AGWANI, The Lebanese crisis 1958, a documentary study, Asia Publishing House, London, 1965. (405 pages.) Et Nawaf SALAM, L'insurrection de 1958 au Liban, Thèse de Doctorat en Histoire, 3ème cycle, Université de Paris, 1979 s.d.

* 115 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab zalika al majhoul, op.cit. p. 27

* 116 - Kamal SALIBI, Lebanon under Fouad Chéhab. 1958-1964...op.cit. p. 7.

* 117 - Ghassan TUENI, Une guerre pour les autres, Dar An-nahar, Beyrouth, mai 2004. p. 27 (427 pages)

* 118 - Georges NACCACHE, «un nouveau style: le chéhabisme», les années Cénacle, Dar An-nahar, p. 369 ( p. 389 à 399)

* 119 - Ibid, p.369

* 120 - Voir R. Hrair DEKMEJIAN, Patterns of Political leadership....... op.cit. p.30

* 121 - Pierre LYAUTEY, Liban moderne , Julliard, Paris, 1964, p. 48

* 122 - Jacques NANTET, Histoire du Liban , préface de Maurice Duverger, éditions de Minuit, Paris 1963, p. 341. (342 pages)

* 123 - Fouad Boutros écrit dans un article paru dans L'Orient - Le Jour, le 10 mai 1972, à l'occasion du décès de Georges NACCACHE : «Avec lui disparaît une philosophie du journalisme et une éthique qui en ont fait la figure de proue et le maître à penser de toute une génération avide de s'exprimer et de prendre position sur les problèmes de l'heure.» Fouad BOUTROS, « Ecrits Politiques» Editions Dar An-Nahar, Beyrouth, 1997, p. 27 (199 pages).

* 124 - Le Helf comprenait Raymond Eddé, Pierre Gemayel et Camille Chamoun.

* 125 - Fadel AKL, La philosophie du chéhabisme, (en arabe) Publications Dar Al Akl, 1ère édition, Beyrouth 1964, p. 27, (443 pages)

* 126 - Fadel AKL, La philosophie du chéhabisme, op.cit.p.28

* 127 - Ibid, pp. 42-43

* 128 - Cité par Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision op.cit. p. 398

* 129 - F. BUSTANI, cité par Nawaf KABBARA, op.cit. p. 195

* 130 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, le président et le commandant, op.cit. pp. 23-24.

* 131 - Bassem EL JISR,  Fouad Chéhab, op.cit. p. 45

* 132- Al marounia al siasiat, p. 58.

* 133 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab , op.cit. p. 80.

* 134 - « Plusieurs considèrent dit Bassem El Jisr, que l'appel du président pour la justice sociale ne peut être dissocié de la précarité qu'il avait subie dans son enfance » Bassem EL JISR, « Fouad Chehab », op.cit. p.88

* 135 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p. 78.

* 136 - Expression de Georges CORM

* 137 - Nawaf KABBARA, The Chehabism in Lebanon: The Failure of an Hegemonic Project 1958-1970, PHD, Philosophy-Politic, in University England of Essex, 1988 .pp. 109-110-111

* 138 - Cf. Philippe MIOCHE ,  Le Plan Monnet, genèse et élaboration 1941-1947 , Publications de la Sorbonne, 1987.

* 139 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, le président et le commandant, op.cit. p. 45

* 140 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, le président et le commandant, op.cit. p. 45

* 141- Mission IRFED, Archive de la fondation des archives nationales, Beyrouth, Immeuble Piccadilly.

* 142- Kamal JOUMBLATT, Voilà, mon testament, Première édition, stock, Paris, 1978, traduit par la fondation Al watan al arabi, p. 71.

* 143 - Cf. François PERROUX, L'Economie du XXième siècle , PUF, 3eme édition., 1969.

* 144 - Jean-Marc FEVRET, L'influence française sur la politique économique Libanaise au temps du Chéhabisme (1958-1964)  MASTER 2 de Sciences Politiques, Université de Marne-La-Vallée 2005-2006, non publié p. 33

* 145- Louis LEBRET, Pour une civilisation solidaire, Editions Ouvrières, Paris, 1963.

* 146 - Louis LEBRET, Dynamique concrète du développement, Editions Ouvrières, Paris 1961,

* 147- Mission IRFED, op.cit.

* 148 - Malsagne STEPHANE, Le chéhabisme sous la présidence de Fouad Chéhab, op.cit. p.p 33-34.

* 149- Mission IRFED, op.cit.

* 150- Ibid.

* 151 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p.51

* 152 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p.52

* 153 - Mission IRFED, op.cit.

* 154 - Bassem EL JISR,  Fouad Chéhab, op.cit. p. 103

* 155 - Kamal JOUMBLATT, Voilà, mon testament, op.cit. pp. 101-102.

* 156 - Kamal JOUMBLATT, Voilà mon testament, op.cit. pp. 103-104.

* 157 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p. 70.

* 158 - Ibid. p. 104

* 159 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p. 122

* 160 - Ibid, pp. 122-123.

* 161 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p. 124

* 162 - Idem

* 163 - Georges NACCACHE, op.cit. p. 391

* 164 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. pp. 206 -207

* 165 - Robert McClintock, ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth.

* 166 - James L. Holloway, commandant en chef des forces américaines débarquées au Liban.

* 167 - Robert MURPHY, Un diplomate parmi les guerriers , Robert Laffont, Paris, 1965, p.423

* 168 - L'Orient - 26 mars 1959

* 169 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. pp. 108-109.

* 170 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. pp. 108-109.

* 171 - Le discours du président Chéhab, 23 septembre 1958.

* 172 - L'Orient - 5 août 1958, p.1

* 173 - Les discours du président Chéhab, 20 septembre 1960.

* 174 - Les discours du président Chéhab, 14 septembre 1962.

* 175 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab , op.cit. p. 114

* 176 - Les discours du président Chéhab, p. 114

* 177 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p.210

* 178- Idem

* 179- Bassem EL JISR, Fouad Chéhab , op.cit. p. 114

* 180 - Elle a été proposée par Kamal Joumblatt après la tentative de coup d'état du P.P.S

* 181 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p.225

* 182- Bassem EL JISR, Fouad Chéhab , op.cit. p.116

* 183- Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p. 228

* 184- Idem

* 185 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p.117

* 186 - Les discours du président Chéhab, 4 août 1958, op.cit.

* 187- Ibid, discours du 21 novembre 1961.

* 188 - Les discours du président Chéhab, 21 novembre 1962.

* 189- Bassem EL JISR,  Fouad Chéhab, op.cit. p.110

* 190 - Bassem EL JISR,  Fouad Chéhab, op.cit. p. 111

* 191- Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p.223

* 192 - Ibid p. 223

* 193 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu , op.cit. p. 72

* 194 - Georges NACCACHE, , «un nouveau style: le chéhabisme»,op.cit. p. 390

* 195 - Les discours de Fouad Chéhab 1958-1964, pp. 9-10-11.

* 196 - Pierre LYAUTEY, Histoire du Liban, op.cit. p. 45

* 197 - Ibid, p. 50

* 198 - Il comprend Karamé (Intérieur et Défense nationale, en sus de la présidence du Conseil), Philippe Takla (Affaires étrangères), Charles Hélou (Economie nationale et Information), Mohamed Safieddine (Education nationale et Santé), Youssef Saouda (Justice et Affaires sociales), Rafic Najjar (Finances), Farid Trad (Travaux publics et Plan), Fouad Najjar (Agriculture et P.T.T.).

* 199 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu op.cit. pp. 48-49

* 200 - Edmond RABBATH, La formation historique et constitutionnelle du Liban, op.cit. p. 569.

* 201 - Georges NACCACHE, un nouveau style: le chéhabisme, op.cit. p.393

* 202 - 1-RACHID KARAME 24 septembre 1958 -14 octobre 1958 Ne s'est pas présenté devant la Chambre 2- 14 octobre 1958 - 14 mai 1960 3-AHMAD DAOUK 14 mai 1960 -1er août 1960 Cabinet d'élections. Ne s'est pas présenté devant la Chambre, dissoute. 4- SAEB SALAM 1er août 1960 - 20 mai 1961 5- 20 mai 1961 - 31 octobre 1961 6- RACHID KARAME 31 octobre 1961 - 20 février 1964 7- HUSSEIN OUEYNI 20 février 1964 - 25 septembre 1964 Cabinets d'élections.

* 203 - Pierre RONDOT, «Quelques réflexions sur l'expérience politique du « chéhabisme » au Liban», In L'Orient, N0 16, 1960, p. 49

* 204 - Kamal SALIBI, «Lebanon under Fouad Chehab», op.cit.

* 205 - Le journal officiel, numéro 18, 27 avril 1960, p.322.

* 206 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. pp. 55-56

* 207 - Denise AMMOUN, Histoire du Liban contemporain 1943-1990 ,Tome 2, Fayard, Paris , 2004, p. 307. ( 1009 pages).

* 208 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p. 36

* 209 - Al Marounia Al Siasiah, sira zatiah, kitab Al safir, s.d. ( centre informatique de Al Safir) p. 58

* 210- L'Orient, 28 novembre 1959, p.2.

* 211 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. p. 71

* 212 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision (en arabe) s.d. Beyrouth 1980. p. 227 (423 pages)

* 213 - Georges NACCACHE, , « Un nouveau style: le chéhabisme »,op.cit. p. 395

* 214 - Idem

* 215 - Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini, un demi siecle d'histoire du Liban et du Moyen-Orient, 1920-1970, F.M.A, Mars 2000. pp 354-355

* 216 - Une interview donnée à 1'agence de presse égyptienne MENA (Middle East News Agency), reprise par la presse Libanaise le 21 octobre 1958. Cité par Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini.... op. cit.

* 217 - Le gouvernement du président Chamoun avait déposé une plainte au Conseil de Sécurité contre la RAU, pour son ingérence dans les affaires intérieures du pays à travers son appui politique et matériel aux insurgés.

* 218- Roger GEHCHAN, Hussein Aoueini...op.cit. p.350

* 219 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. p. 37

* 220 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, pp. 71-72.

* 221 - Georges NACCACHE, Un rêve libanais 1943-1972 op.cit. p. 171

* 222 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. pp. 72-73

* 223 - Ibid, pp. 73-75.

* 224 - Publié dans An-Nahar, le 26 mars 1959.

* 225 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p. 235

* 226 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, al raiis wa elkayed, (Fouad Chéhab, le Président et le Commandant), Dar Aoun, Harissa, 1996. p. 58

* 227 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab... op. cit. p.111

* 228 -Toufic KFOURY, Le Chéhabisme et la politique de la décision.... op.cit. p.223

* 229 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab... op. cit. p. 112

* 230 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab... op. cit. p. 111

* 231 - Michael HUDSON, The precarious Republic: Political modernization in Lebanon, Random House, New York, 1968. ( 363 pages).

* 232 - Elie SALEM, Modernization without Revolution: Lebanon's Experience, Indiana University Press, 1973, ( 170 pages).

* 233 - Y. SAYIGH, « Lebanon » in The Economies of the Arab world : developpemnet since 1945, Croom Helm, London, 1978

* 234 - Les Discours du président Fouad Chéhab 1958-1964, p. 13.

* 235 - Mission IRFED, op.cit.

* 236 - Georges CORM, La Méditerranée, espace de conflit, espace de rêve, L'Harmattan, Collection comprendre le Moyen-Orient, Paris, 2001, p. 225. (374 pages

* 237 - Antoine MESSARA, Le modèle politique libanais et sa survie, publications de l'Université Libanaise, Beyrouth, 1983, p. 195

* 238 - Charles RIZK, Le régime politique libanais... op.cit. p. 50

* 239 - « On peut estimer, dit le père Lebret que vers 1958-1960, la population Libanaise comprenait :

- 9% de miséreux, avec un plafond budgétaire annuel par famille de 1200 L.L.

(Suite) - 40% de pauvres, avec un plafond familial par an de 2 500 L.L.

- 30% de gens moyens, avec un revenu familial plafond de 5 000 L.L.

- 14% de gens aises, disposant d'un revenu familial jusqu'a 15 000 L.L.

- 4% de fortunes, disposant d'environ 30% du revenu total des familles. (Ibid.)

* 240 - Cité par Georges CORM, La Méditerranée, espace de conflit, espace de rêve, op.cit. pp. 225-226

* 241 - Encyclopédie de l'Economie et de la Gestion dir. A. Silem, Hachette, 2000, p.349.

* 242- Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit. p. 441

* 243 - Ibid, p. 442

* 244 - Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit. p. 403

* 245 - Maurice GEMAYEL, Le pionnier de la planification, Raîdy printing press 2001 , p. 401

* 246 -D'après les estimations de la Mission IRFED :

4 % de la population disposerait de 30 % du revenu national

14 % de la population disposerait de 28 % du revenu national

32 % de la population disposerait de 22 % du revenu national

41 % de la population disposerait de 16 % du revenu national

9 % de la population disposerait de 2 % du revenu national

* 247 - Arrêté ministériel No 6839- 15 Juin 1961

* 248 - Arrêté ministériel No 11985 - 4 Février 1963

* 249 - Georges CORM, « Réflexions sur la politique économique libanaise », In Action, février 1966, p. 37

* 250 - Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit. .p. 440

* 251 - Albert DAGHER, L'Etat et L'Economie au Liban, les Cahiers du CERMOC, NO 121995, P.62

* 252 - C. INGELS, L'Administration Libanaise au sortir du conflit civil : permanence de l'enjeu politique partisan et impératives fonctionnels de la reconstruction a portée nationale, Thèse de Science politique, Aix-Marseille III 1998-1999.

* 253 - Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit.

* 254 - Voir Annexe pp. 212-213. CORM Georges, Politique économique et planification au Liban, Beyrouth, Imprimerie universelle, 1964

* 255 - Albert DAGHER, L'Etat et L'Economie au Liban, les Cahiers du CERMOC, NO 121995, P. 21, ( 217 Pages).

* 256 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab... op. cit. p.97

* 257 - Albert DAGHER, L'Etat et L'Economie au Liban ,op.cit. ,p.53

* 258 - CORM Georges, Politique économique et planification au Liban, Beyrouth, Imprimerie universelle, 1964, pp.1-2

* 259 -  Décret Législatif n° 32 du 17 février 1953.

* 260 - CORM Georges, Politique économique et planification au Liban, op.cit. p.4

* 261 - Décret Législatif no 2 du 30 novembre 1954

* 262 - CORM Georges, Politique économique et planification au Liban, op.cit. p. 182

* 263 -« Besoins et possibilités de développement du Liban », 2 vol, Beyrouth ,Ministére du Plan, 1960-1961; « Propositions d'actions générales pour l'élaboration du plan 1964-1968 », 9 vol, Beyrouth ,Ministére du Plan, 1962 ; « Le Liban face à son développement », Beyrouth, imprimerie catholique, 1963.

* 264 - Besoins et possibilites du developpement du Liban, Etude Préliminaire, 2 vol, Beyrouth ,Ministére du Plan, 1960-1961, p.. 206..

* 265 - Ibid, p. 208

* 266 - Georges CORM, Politique économique et planification au Liban, op.cit. p. 46

* 267 - Décret. N0 12417 du 2 avril 1963.

* 268 - Décret. N0 12492 du 9 avril 1963.

* 269 - C.E. BLACK, The dynamics of modernization, Harper and Row, New York, 1966, p.7

* 270 - Dankwark ROSTOW,  A world of Nations : Problems of Political modernization , The Brookings Institutions, Washington, 1967, p.3

* 271 - Alfred DIAMANT, «The nature of political development», in Political Development and social change, Ed, ) (suite) Jason L. Finkle and Richard W. Gable, New York, John Willy and Sons, 1966, p. 92.

* 272- S.N.EISENSTADT, Political modernization  Ed. Claude Ewelch, Jr Belmort, Wadsworth, Californie, 1967. p. 252.

* 273- Masferd HALPERN, « The Rates and Costs of Political Developement », Annales, Mars 1965, p. 21.

* 274- Source : « Political Developpement and the challange of Modernization » In  Political Parties and political developpemnt  , édité par Joseph La Palombara et Myron Weiner, Princeton Universitry Press, New Jersey, 1966, p.10

* 275 - Kamal DIB, Les seigneurs de la guerre et les marchants du temple, les hommes du pouvoir et de l'argent au Liban, Préface de Georges Corm, ( en arabe) Dar Annahar, Beyrouth, 2007, p, 193, ( 605 pages)

* 276 -Charles RIZK,  Le régime politique libanais , op.cit. p. 7

* 277- Georges LAVAU, La démocratie, traité de sciences politiques » op.cit. Tome 2, p. 69

* 278 - DOGAN et PELASSEY, Sociologie politique comparative, Economica, Paris, 1982, p. 93.

* 279 - Aisteindat LIJPHART, «Consociational democracy», World Politics, 21 January 1966, pp. 207 -225

* 280 - Pierre RONDOT, «Quelques réflexions sur l'expérience politique du «  Chéhabisme » au Liban», In L'Orient, N0 16, 1960, p.46

* 281 - An-Nahar, du 27 Juin 1971.

* 282 - Cette phrase est tirée des Souvenirs d'Alexis de Tocqueville, que Dominique Chevallier avait choisi de mettre en exergue de son classique, La Société du Mont-Liban à l'époque de la révolution industrielle en Europe (1971).

* 283 - C'est nous qui soulignons

* 284 - L'Orient, - 6 Avril 1961.

* 285 - Georges NACCACHE, Un rêve libanais (1943-1072) op.cit. Extrait de l'article : « que le désordre des autres ne nous fait pas un ordre»

* 286 - Toufic KFOURY, Le chéhabisme et la politique de la décision, op.cit. pp. 221-225-230

* 287 - Georges NACCACHE, « Un nouveau style : le chéhabisme», op.cit. p. 397

* 288 - Idem

* 289 - Cf. Jean LECA , Yves SHEMEIL, « Clientélisme et patrimonialisme dans le monde arabe » In International Political Science Review, 4, n° 4. 1983.

* 290 -Cf. Guy HERMET,  A la frontière de la démocratie  P.U.F, Paris,1983

* 291 - Antoine MESSARRA, Le modèle politique libanais et sa survie, op. cit.

* 292 - Stéphane MALSAGNE, op.cit. pp.238-239.

* 293 - Stéphane MALSAGNE, op.cit. p.329

* 294 - Kamal JOUMBLATT, Voilà mon testament, op.cit. p. 71

* 295 - Kamal JOUMBLATT, Voilà mon testament, op.cit. 117

* 296 - Maurice DUVERGER, Institutions politiques et droit constitutionnel, P.U.F, 11 éme édition , Paris, 1970, pp. 491-492 Cité par Antoine Messara, op.cit.

* 297 - « Cette appellation dérive de l'appellation des services secrets français, qu'on appelait parfois B2 et 2B » Nicolas NASSIF, le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre, Moukhtarat, Beyrouth, Troisième édition, 2006 (Première édition 2005), p. 11

* 298 - Bassem EL-JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p. 91

* 299 - Nicolas NASSIF, le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre, op.cit. p.11

* 300- Depuis l'indépendance du Liban, en 1943, la passation des pouvoirs n'est intervenue dans la légalité constitutionnelle, que durant la période chéhabiste (1958-1970). L'arrivée au pouvoir des présidents Chamoun (1952), Chehab (1958) et Sarkis (1976) s'est, en effet, déroulée dans une atmosphère soit de crise politique (1952), soit d'émeute insurrectionnelle (1958) soit de guerre civile (1976).

* 301 - « l'Alliance Tripartite» ou le « Helf» est une formation électorale conjoncturelle groupant les trois partis de droite : Phalanges (Kataêb), Parti National Libéral (P.N.L.) et Bloc National (B.N.). Le regroupement de ces trois partis, après la guerre israélo-arabe de juin 1967, au sein d'une même formation avait pour but sur le plan intérieur de déloger les chéhabistes du pouvoir.

* 302 - Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, Thèse de doctorat en sciences politiques, University of Essex, 1988, p.178

* 303 - Certains d'entres elles ont joué un rôle essentiel durant les événements de 1958.

* 304 - Nicolas NASSIF, le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre, op.cit. p. 7

* 305 - Expression du Figaro magazine, 11 avril 1973.

* 306 - An-Nahar, Numéro spécial Noël 1970, Nouvel An 1971, p.47

* 307 - Nicolas NASSIF, le Deuxième Bureau, gouverneur dans l'ombre,op.cit. pp.371-411

* 308 - An-Nahar, du 12 mars 1973, p.10

* 309 - Idem

* 310 - An-Nahar, du 17 mars 1973, p. 10

* 311 - Les listes des arrestations étaient remplies dans la caserne militaire d'Ablah. An-nahar du 27 mars 1973, p. 3.

* 312 - Le Colonel Georges Ghrib, était assisté par le Commandant de marine Farés Lahoud et le Commandant Zouhair Tannir. An-Nahar du 4 mars 1973.

* 313 - An-Nahar, du 16 mars 1973, p. 4

* 314 - An-Nahar, du 14 mars 1973

* 315 - An-Nahar, du 17 mars 1973, p.16

* 316 - 236 voix.

* 317 - Ce sont: Georges Akl qui avec 18 105 voix a battu Elias Hraoui ( 17 599) et Michaêl Debs qui a devancé Georges Haddad de 244 voix ( 17 778 voix contre 17 554).

* 318 - L'Orient, du 1 avril 1969

* 319 - L'Orient, du 1 avril 1969

* 320 - An-Nahar, du 16 mars 1973.

* 321 - An-Nahar, du 13 mars 1973.

* 322- Ministre nazi de l'Information et de la Propagande

* 323 - Cité par Normand BAILLARGEON, Petit cours d'autodéfense intellectuelle, Edition Lux, Canada, 2006, p. 17 ( 338 pages)

* 324 - Bassem EL-JISR, «Le chéhabisme» : une révolution blanche» conférence prononcée au collège de Jamhour, le 2 mai 2005

* 325 - Le 21 mai 1961 à la demande d'Albert Moukheiber, le ministre de l'information Philippe Boulos autorise l'opposition à exposer son opinion sur les ondes de Radio-Liban à condition de ne pas s'en prendre au chef de l'Etat ni à un leader arabe.

* 326 - Des députés soulevèrent d'abord les agressions contre Nassim Majdalani et Gabriel Germanos et exigèrent toute la lumière sur leurs instigateurs. D'autres demandèrent pourquoi le gouvernement, suite aux révélations de la presse syrienne, ne rouvre pas I'enquête sur I'assassinat de Toufic Metni en 1958 et Albert Moukheiber, parlant de la disparition de Farjallah Hélou à Damas et son probable assassinat, demanda au gouvernement de se constituer partie civile dans cette affaire.

* 327 - An-Nahar, du 19 Octobre 1963

* 328 - An-Nahar, du 8 Décembre 1963.

* 329 - Denise AMMOUN, Histoire du Liban contemporain, 1943-1990, tome 2, Fayard, 2004, p. 343.

* 330 - Raymond Eddé.

* 331 - An-Nahar, du 24 mai 1971

* 332 - Idem

* 333 - Plutôt un club politique qu'un véritable parti, le Parti Démocrate, centriste et laïque, n'a toujours pas une assise populaire suffisante qui lui permette d'accéder au pouvoir. Attaché à la Constitution de 1926 et à l'approche politique du Pacte National de 1943, ce parti veut substituer l'approche confessionnelle du Pacte par la laïcisation de l'Etat. Durant l'été 1977, le Parti Démocrate s'est joint à d'autres formations politiques dans un grand rassemblement, appelé le « Rassemblement Démocrate Libanais ».

* 334 - François BOURRICAUD, Esquisse d'une théorie de l'autorité, Plon, Deuxième édition, Paris, 1970. (442 pages).

* 335 - Jean Claude DOUENCE, Régime libanais et polyarchie, conférence à l'Association Libanaise des sciences politiques, 16 Juin 1971, (27 pages), Cité par Antoine Messara, op, cit.

* 336 - Antoine MESSARA, Le système politique libanais et sa survie, op.cit. p. 137

* 337 - Michael HUDSON, The Precarious Republic, op.cit. p, 307

* 338 -Georges NACCACHE, Un nouveau style: le chéhabism ,op.cit.

* 339 - Hamid FRANGIE, Considérations sur l'Etat, les années Cénacle, Dar Annahar, 1997, p. 326

* 340 - Alain FINKIELKRAUT, La défaite de la pensée, Collection Folio/Essais, Gallimard, Paris, 1987, p. 18 (180 pages)

* 341 - Michael HUDSON, The precarious Republic, op.cit.

* 342 - L'Orient, du 8 Août 1970.

* 343 - Pierre RONDOT, «Quelques réflexions sur l'expérience politique du « Chéhabisme» au Liban», In L'Orient, n0 16, (p. 43 à 50) , 1960, p. 45

* 344 - Georges NACCACHE, op.cit. p. 396

* 345 - Toufic KHOURY,  Le chéhabisme et la politique de la décision, op.cit. p. 244

* 346 - Toufic KHOURY,  Le chéhabisme et la politique de la décision, op.cit. p. 244

* 347 - Cité par Antoine Messara, op. cit. p. 198

* 348 - L'Orient, 16 septembre 1964.

* 349 - Antoine MESSARA, Le modèle politique libanais et sa survie, essai sur la classification et l'aménagement d'un système consociatif, Publications de l'Université Libanaise, Beyrouth 1983, p. 230

* 350 - Kamal JOUMBLATT, La vérité sur la révolution Libanaise (en arabe), Quatrième édition, Almoukhtara, Aldar altakadoumia, 1987, p. 11

* 351 - Pierre DELVOLVE, L'Administration libanaise, Editions Berger-Levrault, Paris ( ÉVe), 1971, p. 13.

* 352 - DIEDERICHS Olivier et LUBEN Ivan, La déconcentration PUF, coll. « Que sais-je », 1995. p.4

* 353 - - Charles ISSAWI, « Fondements sociaux et économiques de la démocratie», les années Cénacle, Dar Annahar, ( page 121 à 129), p. 127

* 354 - Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit. p. 442

* 355 - Georges CORM, Politique économique et planification au Liban, op.cit. p.129

* 356 - Charles RIZK, Le régime politique libanais, L.G.D.J, op.cit. p. 161.

* 357 - Ibid, pp.161-162.

* 358 - Louis-Joseph LEBRET, «Le Liban au tournant », op.cit. p. 442

* 359 - Charles RIZK, Le régime politique libanais, L.G.D.J, op.cit. pp. 161-162-163

* 360- Louis-Joseph LEBRET, « Le Liban au tournant », op.cit. p. 442

* 361 - Bertrand BADIE, L'Etat importé : l'occidentalisation de l'ordre politique, Coll. L'espace du politique, Fayard, Paris, 1992 (334 pages)

* 362 - L'Orient, du 16 mai 1960

* 363 - Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, Thèse de doctorat en sciences politiques, University of Essex, 1988, p. 9

* 364 - Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, Thèse de doctorat en sciences politiques, University of Essex, 1988, p. 290

* 365 -Idem, op.cit. p.8

* 366 - Cf, Juan LINZ, Crisis, breakdown and reequilibration, Johns Hopkins University, Baltimore, Londres, 1978. « Change and continuity in the nature of contemporary democracies », In Garry Marks, Larry Diamond, Reexamining democracy. Essays in honour of Seymour Martin Lipset, Sage Publications, Londres, 1992.

« Innovative leadership in the transition to democracy and a new democracy : the case of Spain », In Gabriel Scheffer, Innovative leaders and International Politics, University of New York Press, New York, 1993

* 367 - Max WEBER, Le savant et la politique, Plon, Paris, 1959, p.o168.

* 368 - Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le systéme, Le Seuil , Paris 1977, p. 75.

* 369 - Juan LINZ, « Innovative leadership in the transition to democracy and a new democracy : the case of Spain », In Gabriel Scheffer, Innovative leaders and International Politics, University of New York Press, New York, 1993, p. 152

* 370 - Cf. Jhon ELSTER, «Consequences of constitutionnal choice : reflections on Tocqueville », In Jon Elster, Rune Slagstad, Constituionalism and democracy, Cambidge Universiry Press, Cambridge, 1988, p. 92 et suiv.

* 371 - Bassem EL-JISR, Le chéhabisme, un révolution blanche, conférence prononcée au collège de Jamhour le 2 mai 2005

* 372 - Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, op.cit. p. 231

* 373 - Georges NACCACHE, « Un nouveau style : le chéhabisme», op.cit. p. 397

* 374 - Bassem EL JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu ... op.cit. p. 146

* 375- Nawaf KABBARA, Shehabism in Lebanon 1958-1970 : The Failure of an Hegemonic Project, op.cit. p. 34

* 376 - Charles RIZK, Le régime politique libanais... op.cit. p. 121

* 377 - Hamid FRANGIE, « Considérations sur l'Etat», les années Cénacle, Dar Annahar, 1997, p. 327

* 378 - IRFED, Le Liban au tournant , Beyrouth, 1963, p. 37.

* 379 - Georges CORM, Le Liban contemporain, Edition La Découverte, Paris, 2003, p. 111

* 380 - Georges CORM, « l'économie dans les conférences du Cénacle », les années Cénacle, Dar Annahar, 1997, p. 577 à 585.

* 381 - Pierre Eddé, ancien ministre des finances et défenseur acharné du libéralisme économique considère que « ce qui cache derrière la plupart des arguments contre le marché libre, c'est le manque de foi dans la liberté elle-même» et pour lui « la planification est synonyme de dirigisme ». L'Orient-le-Jour, du 16 juin 1972.

* 382 - Georges CORM, « L'économie dans les conférences du Cénacle », op. cit. p. 577.

* 383- Toufic GASPARD, L'économie politique du Liban 1948-2002, ( en arabe), Dar Annahar, Beyrouth, 2005, p.73 (362 pages).

* 384 - Le père Joseph Mouwannes propose, dans une étude publiée en 1973, de cerner la personnalité libanaise, en décelant les «éléments structuraux» de « l'âme libanaise ». L'« ethnotype » libanais décrit par Mouwannes est surtout marqué par son «individualisme». Et «sa personnalité est un témoignage de l'aspiration de l'homme à être fière de ses croyances, sa pensée, ses activités et ses aspirations.» Joseph MOUWANNES., Les Eléments structuraux de la personnalité Libanaise: essai anthropologique , Kaslik, 1973. Joseph Oughourlian, parlant des activités économiques des Libanais, « les a qualifiés de prodiges d'agilité, d'intelligence, d'audace, d'ingéniosité, de souplesse et de subtilité. » Hamid FRANGIE, « Considérations sur l'Etat», les années Cénacle, Dar-Annahar, 1997, p. 322. De même, pour le père Selim Abou, «les facteurs permanents, à la fois élémentaires et fondamentaux, de la mentalité libanaise » seraient l'«héritage phénicien» du «goût de l'aventure et de la mer, un attachement à toutes les formes de liberté jusqu'aux plus anarchistes, un sens poussé du négoce et des intérêts.» Selim ABOU,  Le Bilinguisme arabe français au Liban. Essai d'anthropologie culturelle , Paris, 1962, p. 34.

* 385 - Naaman EL-AZHARI, L'évolution du système économique libanais, LGDJ, Beyrouth, 1970, pp. 73-74

* 386 - Toufic GASPARD, L'économie politique du Liban 1948-2002, ( en arabe), Dar Annahar, Beyrouth, 2005, p. 69 (362 pages).

* 387 - Naaman EL-AZHARI, L'évolution du système économique libanais, LGDJ, Beyrouth, 1970, p. 3.

* 388 - IRFED, Le Liban au tournant, op.cit. p.23

* 389- John RAWLS , Theory of justice, Oxford University Press, Oxford Melbourne, 1980 (607 pages)

* 390- Cité dans Naaman EL-AZHARI, L'évolution du système économique libanais , op. cit. p. 125

* 391 - Conférence du père Lebret le 26 juin 1963 au Phoenicia

* 392 - Idem

* 393 - Bassem EL-JISR, Fouad Chéhab, op.cit. pp. 119-120 ; et Kamal JOUMBLATT, La vérité sur la révolution Libanaise, op.cit. p. 80.

* 394 - Wadah CHARARRA, La paix civile froide, op.cit.Vol 2, p. 47

* 395 - Georges NACCACHE, «Un nouveau style, le chéhabisme», op.cit. p. 398

* 396 - Toufic KFOURY, op.cit. p. 221

* 397 - Bassem EL-JISR, Fouad Chehab , cet inconnu, op.cit. pp. 83-84

* 398 - An-Nahar, du 14 Juin 1971.

* 399 - La loi sur le secret bancaire au Liban fut exécutoire à partir de novembre 1956. Pour plus de précision Cf. : Raymond FARHAT, Le secret bancaire : étude de droit comparé, Bibliothèque de science financière, LGDJ, (suite de la note précédente) Paris, 1970.

* 400 - Bassem El-JISR, Fouad Chéhab, cet inconnu, op.cit. pp. 83-84

* 401 - Ibid, p. 83

* 402 - Bassem EL-JISR, Fouad Chéhab, op.cit. p. 120.

* 403 - Wadah CHARARRA, La paix sociale froide, Vol 1, op.cit. p.58

* 404 - Charles HELOU, Mémoires, pp. 237 - 254

* 405 - Cf, Kamal DIB, Les Seigneurs de la guerre et les marchants du temple, les hommes du pouvoir et de l'argent au Liban» (en arabe) , préface Georges Corm, Dar Annahar, Beyrouth, 2007, Chapitre 8.

* 406 - Fonds Lebret, 45 AS, archives nationales. Cf. Stephane MALSAGNE, op. cit, p. 235

* 407 - A. KHALIL cité par Elizabeth PICARD, Liban Etat de discorde, Flammarion, Paris, 1988, p.152

* 408 - Toufic GASPARD, L'économie politique du Liban 1948-2002, les limites du libéralisme économique, op. cit. p. 77

* 409 - Idem

* 410 - Kamal DIB, Les Seigneurs de la guerre et les marchants du temple, les hommes du pouvoir et de l'argent au Liban» (en arabe) , préface de Georges Corm, Dar Annahar, Beyrouth, 2007, p. 165 ( 605 pages)

* 411 - CERMOC, Etat et perspectives de l'industrie au Liban, Publication de CERMOC, Beyrouth, 1978, p.60.

* 412 - Ce comité s'était considérablement basé pour sa part sur les quatre projets suivants de réformes : « Principes fondamentaux pour résoudre la crise Libanaise» convenus au cours des discussions Salem-Shar' à Damas (1987), le Document de travail de Hariri élaboré en fonction du texte précédent (1987), le non-paper américain de Glaspie (1988) et la proposition conjointe Husseini-Hoss (1989).

* 413 - C'est nous qui soulignons.

* 414 - La loi No 250 du 14/7/1993 a institué le Conseil Constitutionnel.

* 415 - Jacques CHEVALLIER, Eléments d'analyse politique, PUF, Paris, 1985, p. 7

* 416 - Article 24 (modifié par la loi constitutionnelle  du 17/10/1927 par l'arrêté No129 du 18/3/1943 par la loi constitutionnelle du 21/1/1947 et par la loi constitutionnelle du 21/9/1990.)

La Chambre des députés est composée de membres élus dont le nombre et les modalités d'élection seront déterminés par les lois électorales en vigueur. En attendant l'élaboration par la Chambre des députés d'une loi électorale sans contrainte confessionnelle, les sièges parlementaires seront répartis conformément aux règles suivantes :

a) A égalité entre chrétiens et musulmans.

b) Proportionnellement entre les communautés de chacune de ces deux catégories.

c) Proportionnellement entre les régions.

* 417- Article 95 (Modifié par la loi constitutionnelle du 9/11/1943 et par la loi constitutionnelle du 21/9/1990)
« la Chambre des députés élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens doit prendre les dispositions adéquates en vue d'assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes. Un comité national sera constitué et présidé par le Président de la République, comprenant en plus du Président de la Chambre des députés et du Président du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales.

La mission de ce comité consiste à étudier et à proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme et à les présenter à la Chambre des députés et au Conseil des ministres ainsi qu'à poursuivre l'exécution du plan par étapes. »

* 418 - Georges CORM, Le Liban contemporain, op.cit. p. 244

* 419 - Ibid, p. 238

* 420 - Toufic GASPARD, L'économie politique du Liban 1948-2002, dans les limites du libéralisme économique  op.cit. p. 23.

* 421 - Albert MANSOUR, La négation des accords de Taëf  ( en arabe) , Beyrouth, 1993, pp 188-189

* 422 - Nawaf SALAM, L'accord de Taêf: un réexamen critique, Dar Anahar, Beyrouth, 2003

* 423- Georges CORM,  Le Liban contemporain., op.cit. p. 230

* 424 - Les guillemets sont de l'auteur.

* 425 - Kamal DIB, Les seigneurs de la guerre et les marchants du temple, op.cit. p. 536

* 426 - Georges CORM,  Le Liban contemporain..  op.cit. p. 239

* 427 - Kamal HAMDAN, «Le Social dans la Reconstruction du Liban :éléments de réflexions » spécial juillet -septembre publié partiellement dans Maghreb Machrek 2000

* 428 - Idem

* 429- Les conditions de vie des ménages en 1997, étude réalisée par l'Administration centrale de la statistique

* 430 - Al-mustaqbal, du 27 Avril 2000

* 431 - Claude DUBAR, Salim NASR, Les classes sociales au Liban, FNSP, Paris, 1976. pp 298-298

* 432 - Kamal HAMDAN, « La décentralisation économique » In L'administration civile au Jabal, Beyrouth, Dar Atakadoumia, 1990. p. 22

* 433- Kamal HAMDAN, « La décentralisation économique » op.cit. p. 24

* 434- Najib ISSA, « Les stuctures et le conflit social » In Liban d'aujourd'hui, CNRS, Paris, 1994, p. 182

* 435 - Cf. les conditions de vie des ménages en 1997, étude réalisée par l'Administration centrale de la statistique

* 436 - Samir AMINE, Après le capitalisme, Centre des études de l'union arabe, Beyrouth, 1988, p.61

* 437 - B. FONFILS, B, ETIENNE, La science politique est-elle une science ?, Flammarion, Paris, 1998, p.56






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