Cadre conceptuel et recension des écrits
L'objectif de ce chapitre est d'opérationnaliser les
concepts choisis qui structureront notre cadre problématique.
Nous présenterons les concepts tels qu'ils apparaissent
dans les dictionnaires et les publications spécialisées. Ensuite
nous tenterons de les expliciter dans le cadre approprié à
l'objet de notre étude.
2.1. Education
Dans un sens général, l'éducation est la
mise en oeuvre par des adultes et éducateurs professionnels des moyens
aptes à favoriser le développement des facultés proprement
humaines de l'enfant : affectivité, intelligence, volonté,
etc. (Foulquié, 1971). Dans une perspective sociologique,
«l'éducation est l'action exercée par les
générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres
pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez
l'enfant un certain nombre d'états, physiques, intellectuels et moraux
que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement
destiné» (Durkheim, 1977).
Ces définitions générales, ont
aujourd'hui pour cadre particulier d'application et de mise en oeuvre les
systèmes éducatifs et les institutions scolaires et
pédagogiques.
Dans un contexte pédagogique, «l'éducation
est une acquisition de bonnes manières, politesse, savoir-vivre, bonne
conduite en société, formation et information reçues par
une personne pendant ses années d'études» (Legendre, 1993,
p.435).
Compte tenu du rôle accru qu'ils doivent jouer dans
l'éducation comme processus global, les systèmes scolaires
revêtent de plus en plus un caractère obligatoire jusqu'à
un certain âge. Partant du cadre de la loi nigérienne qui inclut
dans le système éducatif toutes les formes d'éducation
formelle, non formelle et informelle, nous nous intéressons aux
problèmes de la participation des femmes à l'éducation en
matière de santé comme relevant de l'éducation des
adultes.
L'éducation des adultes peut-être définie
comme «toute activité éducative structurée et
organisée dans un cadre non scolaire (apprentissage traditionnel,
mouvement de jeunesse, clubs et association diverses). D'autres lieux que les
établissements de formation s'offrent à l'adulte pour poursuivre
sa formation, par exemple les organisations volontaires d'éducation
populaire, les municipalités, les organismes socio-communautaires, les
syndicats, les associations professionnelles, les entreprises et les
médias» (Legendre 1993, p.446).
Tout comme l'éducation dispensée aux
élèves dans les institutions, l'éducation des adultes a
elle aussi des structures spécialisées et des programmes.
Cependant, les informations éducatives doivent
être apprises dans une certaine «organisation de situations
d'apprentissage» dont l'enseignement qui donne forme à
l'éducation. Le terme enseignement selon le Nouveau petit Robert (2003,
p.897), fait penser à «l'action, l'art d'enseigner, de transmettre
des connaissances à un élève». Quant au verbe
enseigner qui vient du latin «insignire» qui veut dire signaler, il
traduit l'idée de «transmettre à un élève de
façon qu'il comprenne et assimile (certaines connaissances)». Se
référant à Legendre (1993), Raynal et Rieunier (1997) font
remarquer qu'enseigner comporte par définition l'intention de faire
apprendre et que l'enseignement ne se réduit pas à une simple
transmission de savoirs. Certes, l'intention de faire apprendre est
inséparable de l'activité d'enseigner. L'enseignement peut
à cet effet, transmettre des connaissances aussi bien théoriques
que pratiques dans le cadre d'un métier ou d'une activité
donnée.
Si les programmes scolaires définissent l'enseignement,
dans la formation d'adultes ils renvoient à la formation.
En somme, qu'il s'agisse de l'enseignement ou de la formation,
«éduquer, ce n'est pas seulement instruire ou informer. C'est faire
adopter des attitudes nouvelles, c'est apporter le changement, c'est l'art de
convaincre les gens» (Sillonville, 1979). Le concept d'éducation
d'après les définitions précédentes, fait allusion
à des stratégies d'acquisition des connaissances au cours
desquelles l'individu développe ses potentialités en participant
aux activités.
Les concepts «éducation et enseignement» sont
employés indifféremment, mais le terme enseignement a un sens
plus limité et se réfère surtout aux activités qui
se déroulent dans un système scolaire où l'on
privilégie la transmission des connaissances» selon Baudin (1996,
p.62) qui réaffirme que cette perspective peut-être
différente (ou complémentaire) de ce qui se donne dans le cadre
de l'éducation des adultes nommée aussi enseignement aux
adultes.
Notre étude est axée sur ce que Legendre appelle
«éducation non formelle des adultes». A cet égard,
l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte
contre le VIH/SIDA relève de l'éducation non formelle des adultes
et trouve bien sa place dans le cadre de la loi nigérienne n°98-12.
C'est une éducation alternative qui permet l'acquisition
d'habiletés, de connaissances et de compétences pour se
protéger du VIH/SIDA et améliorer les conditions
d'existence ; d'où une visée dépassant le cadre
restreint de l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le VIH/SIDA et débordant sur des objectifs plus
généraux d'éducation globale de la personne et de la
personnalité.
2.2. L'éducation en matière de
santé
«Education pour la santé» ou
«l'éducation sanitaire» signifie «l'action qui
cherche à informer les populations en vue de leur faire comprendre
l'intérêt et ensuite de leur donner le désir et les moyens
de chercher à protéger, rétablir ou perfectionner leur
propre santé et celle de leur collectivité»
(Labusquier, 1982). Dans un sens plus restreint, Isely (1985) définit
«l'éducation sanitaire comme l'ensemble des efforts
destinés à modifier volontairement le comportement des individus
d'une population en face de leur santé». Il apparaît ici
que l'éducation pour la santé est aussi un concept englobant
dépassant nécessairement le cadre limité de la seule
santé.
Ainsi selon le Dictionnaire actuel de l'éducation,
l'éducation pour la santé est «une éducation qui
vise à faire adopter des attitudes et des comportements favorables au
maintien et au développement de la santé chez les personnes, les
groupes d'individus et les populations» (Legendre, 1993, p.440).
L'ensemble de ces définitions suppose universelle
l'expression d'un point de vue particulier, orienté vers des fins
pratiques de l'existence quotidienne.
La participation des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA qui est au centre de notre étude, n'est pas
de nature académique. Elle consiste en une participation à la
formation, à son résultat sous la forme de connaissances et de
compétences pour se préserver du risque d'infection au
VIH/SIDA.
Dans un souci de compréhension plus claire de la
participation des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA, l'approche andragogique part du postulat que «l'adulte est
un individu qui a un vécu professionnel et affectif important. Si l'on a
la charge de le former, il faut impérativement tenir compte de ce
vécu. Si l'on souhaite que la formation ait une quelconque
efficacité, il est indispensable que l'individu concerné soit
clairement informé des buts de cette formation, ou mieux qu'il ait
participé à leur définition, afin d'obtenir son
adhésion et garantir ainsi sa motivation» (Raynal et Rieunier,
1997, p.266). A ce titre, participer à un programme de formation pour la
santé ne se limite pas pour autant à ce seul domaine, il en
déborde.
En effet l'approche andragogique permet de tenir compte du
milieu social, économique et culturel qui influence le plus souvent
l'accès et la participation des femmes à des programmes
spécifiques de formation comme l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
L'origine socio-économique qui pourrait influencer la
participation des femmes à l'éducation en matière de
santé intervient de manière significative dans leur
décision de suivre ou non cette éducation. Pour toute forme
d'éducation, en particulier l'éducation des adultes et
singulièrement celle des jeunes filles et des femmes, les facteurs
socio-économiques et les attentes personnelles ont un poids relativement
important voire déterminant. Dans un rapport de la Banque Mondiale,
Odaga et Heneveld (1996) soutiennent que «les facteurs
socio-économiques, qui influencent la demande d'éducation des
filles interviennent de manière significative dans les décisions
d'investir, ou non dans cette éducation. «Parmi ces facteurs»,
la pauvreté, les coûts prohibitifs de l'éducation, les
coûts d'opportunité de l'éducation, le manque de
débouchés sur le marché du travail, le manque de
possibilité de poursuivre des études et le rôle
économique essentiel des filles» jouent un rôle
déterminant. (Banque Mondiale, 1996).
Au regard de ce qui précède, il s'avère
indispensable de préciser le sens qui sera donné à
l'expression "origine socio-économique et culturelle".
2.3 Origine socio-économique et
culturelle
Une société est une «communauté
distincte de personnes organisées qui ont des liens durables
d'intérêts, des habitudes, des coutumes, des croyances, des
fidélités, des valeurs et des institutions communes ainsi que des
comportements semblables régis par des lois» (Legendre, 1993,
p.1169).
Ces divers éléments que les membres de la
société ont en commun sont organisés en systèmes.
Ce sont les systèmes culturel, social, économique, politique,
éducatif, etc. Ils sont en interaction permanente.
L'origine socio-économique et culturelle des familles
dont il est question dans notre recherche se réfère aux
systèmes social, économique et culturel de la
société.
Le système social c'est «l'ensemble des
êtres humains, de leurs diverses interactions et des facteurs
conditionnant les rapports interpersonnels dans un milieu» (Legendre,
1993, p.1269).
Dans un sens plus précis, le système social se
réfère essentiellement aux relations humaines dans un milieu
donné.
Quant au système culturel, il désigne
"l'ensemble des aspirations, des connaissances, des idéologies, des
normes, des traditions, des us et des coutumes qui constituent un fait et qui
conditionnent l'existence et les pratiques du système social"
(Legendre, 1993, p.1221).
Il faut cependant remarquer que les relations
interpersonnelles sont régies par des normes et des pratiques
partagées par les membres de la société. Le système
social et le système culturel interagissent.
Les sphères sociales et culturelles se combinent avec
les sphères économiques, politiques et religieuses pour former un
tout au sens des sociologues.
Dans ce «tout», le système économique,
désigne "l'ensemble coordonné des ressources humaines,
matérielles et financières, des buts, des principes, des
règles et des procédés en vue de la réalisation
d'une mission complexe particulière" (Legendre, 1993, p.1214).
Le système économique renvoie à la
mobilisation de toutes les ressources de la société afin de
réaliser des missions spécifiques de production et de
reproduction de la vie. Cette mobilisation des ressources ne peut être
indépendante des facteurs socioculturels. Les modes de production ont
aussi une dimension affective et culturelle.
Ainsi, par origine socio-économique et culturelle nous
entendons l'ensemble des facteurs sociaux, économiques et culturels qui
coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles
d'influencer le comportement des membres de la société. Ici nous
nous intéressons à ces variables à l'échelle de la
famille.
Dans le contexte restreint de la famille, l'origine sociale
désigne «la fonction ou le rôle qu'occupent les membres de la
famille dans la société». Parmi les indicateurs de la
variable fonction/rôle, nous avons retenu chômeur, ouvrier,
employé, cadre supérieur et profession libérale.
Pour nous, la fonction/rôle des individus dans leur
groupe social détermine les conditions, les croyances et les attitudes
de la famille sur la participation à un programme d'éducation
comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre
le VIH/SIDA.
Nous définissons l'origine économique comme
l'ensemble des moyens matériels et financiers propres à faciliter
les conditions d'existence des membres de la famille. On peut citer parmi les
indicateurs de cette variable, les sources et les revenus des familles, la
disposition des commodités, le type de résidence et le quartier
de résidence.
L'origine culturelle quant à elle, désigne le
niveau d'instruction des membres de la famille. Les niveaux analphabète,
alphabétisé, primaire, secondaire et supérieur sont autant
d'indicateurs de cette variable. Il y a aussi la variable religion qui a pour
indicateurs musulman, chrétien ou autres.
A cet effet, l'origine sociale, économique et
culturelle sont en étroite relation.
Quant à «L'origine socioculturelle», nous la
définissons comme les manières d'être et d'agir
partagées par les membres de la famille, à travers les normes et
les pratiques partagées par les membres de la société.
Dans une certaine mesure, ce sont les manières d'aborder, de concevoir
la vie et de l'orienter (aspect culturel) ; déterminer la nature et
la qualité des rapports interpersonnels (aspect social). C'est à
ce titre qu'une origine socioculturelle et économique regroupe
l'ensemble de variables sociales, culturelles et économiques qui
coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles d'orienter,
de déterminer le comportement des membres de la société.
Nous nous intéressons à ces variables telles qu'elles se
manifestent dans le cadre de la famille.
Avant d'aborder les différentes situations
vécues par les filles, les femmes et leurs familles, il est
indispensable de nous poser certaines questions par rapport à certaines
approches scientifiques relatives à l'éducation en
général et en particulier à la scolarisation des filles et
des femmes. Ces éclairages permettent de mieux cerner le
phénomène de l'accès des femmes à
l'éducation. C'est dans cette tentative d'explication et de
réflexion que nous consacreront la partie qui suit.
2.4. Les travaux de recherche sur la
scolarisation des femmes
Dans cette partie, nous présentons différents
travaux de recherches sur la scolarisation des femmes. L'accès des
femmes à l'éducation dans les systèmes scolaires des pays
d'Afrique subsaharienne dépend de nombreux facteurs dont l'origine
sociale, culturelle et économique. Actuellement, il est ordinaire de
considérer que les origines sociale, culturelle et économique
sont susceptibles d'influencer l'accès des femmes à
l'éducation créant aussi des variations dans les performances
scolaires (Hyde, 1996).
La plupart des études consultées ont
été établies pour répondre à la demande de
divers bailleurs de fonds en vue de clarifier les principaux problèmes
que pose l'éducation des femmes. Ces études aident à
orienter la formulation des politiques et programmes d'éducation. Il est
évident que beaucoup d'efforts ont été consacrés
à ce sujet, lesquels ont produit quelques aperçus
intéressants sur les facteurs qui limitent les possibilités
d'éducation des filles.
Ces études démontrent une complexité de
plus en plus grande des interactions entre les divers facteurs qui entravent la
scolarisation des femmes en Afrique. Ce qui est moins évident, c'est de
déterminer, parmi ces facteurs, ceux qui sont susceptibles de promouvoir
la participation des femmes dans l'éducation.
Nous présentons quelques écrits d'auteurs qui
ont traité de la question, suivant différentes approches, le
problème d'accès des femmes à l'éducation de
façon théorique et empirique, aussi bien en Afrique en
général qu'au Niger en particulier. Mais avant, un aperçu
historique de l'éducation des filles en Afrique est
nécessaire.
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