INTRODUCTION
L'étude de l'origine socio-économique et
culturelle des femmes et la participation de celles-ci à
l'éducation en matière de santé en général,
et en matière de sida en particulier, constituent l'objet de notre
recherche. Nous voulons savoir si le milieu socio-économique et culturel
des femmes a un effet sur leur participation à l'éducation en
matière de santé et sur la prévention du VIH/SIDA.
La présente recherche comprend quatre chapitres.
Dans le premier chapitre, nous avons présenté
le contexte de la recherche en passant en revue le bilan des
actions en faveur de l'éducation au Niger, les perspectives alternatives
pour améliorer l'accès à l'éducation des groupes
vulnérables que sont les femmes. Cette analyse de la situation dans
laquelle les filles et les femmes nigériennes vivent, nous amène
à notre question problème générale de recherche.
Le deuxième chapitre trace le cadre conceptuel
et la recension des écrits sur l'éducation des filles et
des femmes. Nous avons d'abord procédé à la
définition des concepts-clés qui structureront notre cadre
problématique et par la suite, nous avons fait un état des lieux
des recherches menées sur l'éducation des filles et des femmes en
Afrique en général et au Niger en particulier.
Le cadre problématique et les
hypothèses font l'objet du chapitre trois. Nous avons
montré comment nous comptons opérationnaliser les variables de
notre étude. Dans le quatrième chapitre nous exposons le
cadre méthodologique de la recherche dans lequel nous
présentons : population cible, échantillon et instruments
permettant la collecte des données.
Enfin, le chapitre cinq présente l'analyse des
résultats de notre recherche.
La conclusion ou synthèse nous permet
de faire un bilan de notre recherche, de comparer les idées
annoncées et les résultats obtenus en perspective d'une
thèse.
L'éducation demeure l'une des préoccupations
importante de l'espèce humaine. Elle est un droit universel que toute
société humaine assure à ses membres. L'éducation
entretient les valeurs, les conduites et les comportements essentiels à
la cohabitation pacifique et à l'épanouissement des individus.
Selon Weil, (1971) «rien d'humain ne se fait, rien d'humain ne s'est
jamais fait sans éducation». Dans le même sens, Louke,
(1981) affirme que «l'éducation est aussi cause et effet de
l'évolution du monde».
Dans de nombreux pays en Afrique, l'école est un
héritage de la colonisation dont elle ne s'est pas complètement
démarquée. Elle continue, dans de nombreux Etats, à
appliquer et à poursuivre les finalités, les objectifs, les
contenus et les structures définis et mis en place par l'école
coloniale. Pourtant, partout en Afrique, le développement de
l'éducation est l'une des revendications essentielles des luttes de
libérations nationales et ces revendications continuent à occuper
la première place dans les politiques de l'éducation nationale,
c'est-à-dire la formation des citoyens, la scolarisation et les
problèmes qu'elles soulèvent. Malgré tout le poids du
passé ici et là facilement repérables, des efforts
louables ont été accomplis.
Dans les années 1960, au lendemain des
indépendances, la majorité des Etats africains s'était
fixé comme objectif l'amélioration sensible et durable de leurs
systèmes éducatifs. Les mesures visaient à créer
des écoles qui favorisent les apprentissages fondamentaux, l'insertion
des jeunes dans leur milieu et leur préparation à la vie active.
C'était l'affirmation d'une véritable refondation des
systèmes éducatifs car l'école, dans son contenu et ses
orientations, n'était pas suffisamment ouverte aux
réalités du milieu. Aujourd'hui encore, la plupart des familles
africaines ne voient en l'éducation scolaire qu'une formation
nécessaire pour devenir fonctionnaire. La situation est encore plus
préoccupante, parce que les ruraux qui souhaitaient envoyer leurs
enfants à l'école voient leurs chances se réduire à
cause de la crise économique du moment. La fonction publique et le
secteur privé recrutent de moins en moins alors qu'ils constituent les
seules chances d'insertion socioprofessionnelle.
Compte tenu de la combinaison des efforts du passé et
des difficultés économiques du moment, les systèmes
éducatifs africains en général et le système
éducatif nigérien en particulier ne semblent pas avoir
relevé, voire être en mesure, de relever tous les défis.
Face à la demande d'éducation, d'énormes efforts sont
à faire. Par exemple, les inégalités d'accès
à l'enseignement de base et les disparités entre sexes demeurent
importantes dans l'ensemble des pays en développement où l'on
note un plus grand pourcentage d'accès des garçons en
première année de l'école primaire que les filles (UNESCO,
MINEDAF VII, 1998).
Face aux défis qui sont : l'accroissement
démographique de la société et les variations de la
qualité de l'éducation, d'autres expériences
méritent d'être testées pour améliorer l'effort
d'accès, de rétention et les résultats de
l'éducation.
En effet, la scolarisation formelle n'est pas le seul mode
d'éducation connu de l'homme, même s'il est le système
dominant à travers le monde. Or, cette forme de scolarisation ne permet
pas toujours d'accéder à la réussite dans de très
nombreux pays à travers le monde. Aujourd'hui en Afrique en
général et au Niger en particulier, les principaux obstacles
à la scolarisation sont de nature économique et
financière. Aussi, le Niger, l'un des pays les moins scolarisés
de l'Afrique Occidentale francophone, recherche-t-il des systèmes
alternatifs moins coûteux et adaptés à ses besoins. Les
recommandations de la sixième Conférence des Ministres de
l'Education des Etats membres d'Afrique (MINEDAF VI Dakar, 1991) et du Forum
«Education Pour Tous» (Dakar, 2000) servent de cadre
général aux innovations en cours de réalisation au Niger.
Ces innovations visent l'éducation pour tous, mais surtout
l'éducation de base avec un accent sur les jeunes enfants, les filles,
les femmes, les groupes marginaux, les pauvres, les jeunes analphabètes
et les adultes, afin de répondre à leurs besoins éducatifs
fondamentaux (UNESCO, Jomtien 1990, article 1, point 1 de la Déclaration
mondiale sur l'Education pour Tous).
Les innovations et alternatives éducatives mises en
oeuvre doivent tout à la fois contribuer à améliorer
l'accès à l'éducation, en particulier des groupes
sensibles de la population, rehausser la qualité et l'efficacité
des systèmes éducatifs en général, mais aussi
permettre aux individus de trouver des réponses pertinentes à
leurs besoins et attentes spécifiques. Dans bien des cas, les
innovations et alternatives éducatives doivent permettre de faire face
à la résistance à l'éducation de type formel et au
phénomène de déscolarisation qui semblent gagner du
terrain dans certaines régions des pays confrontés à des
revendications économiques, culturelles et religieuses. Nous pouvons
noter parmi celles-ci la montée des intégrismes religieux.
Dans ce sens, les innovations et alternatives
éducatives devront être considérées comme des
composantes crédibles et significatives des systèmes formels
d'enseignement. C'est à ce titre qu'elles doivent en plus de
l'amélioration de l'accès qui semble être la
préoccupation primordiale des pouvoirs publics, dispenser des programmes
d'alphabétisation aux effets durables et offrir des programmes
pertinents à la fois par rapport aux attentes et besoins actuels, sans
perdre de vue la réalisation de bonnes conditions d'autonomie
économique à leurs bénéficiaires.
Dans cette perspective et pour la première fois de son
histoire, le système éducatif nigérien s'est vu doter
d'une loi n°98-12 du 1er juin 1998, qui vise à asseoir
le système sur des bases nouvelles et réalistes. La loi de 1998
vise à faire face aux nombreux défis de formation et
d'apprentissage, y compris dans le domaine de l'éducation en
matière de santé et en particulier en VIH/SIDA.
En réalité, l'éducation en matière
de santé semble vouée à un bel avenir. C'est un volet
essentiel des nouvelles approches en éducation. Elle prend un relief
particulier du fait du sida. Le péril du VIH/SIDA a encore rendu plus
pertinente cette approche en matière d'éducation.
Quelles stratégies mettre en oeuvre pour vaincre les
obstacles socioculturels à l'éducation des filles et des femmes
et atteindre un plus grand nombre de participants ? Dans quelle mesure les
programmes d'éducation comme l'éducation en matière de
sida pourraient-ils contribuer à l'amélioration de l'accès
à l'éducation d'un grand nombre de filles et de femmes ?
Cette approche alternative permet-elle de pallier la qualité de
l'éducation qui passe par l'acquisition des compétences
socialement et économiquement utiles ? Dans quelle mesure ces
programmes d'éducation en matière de santé permettent-ils
à un plus grand nombre de participants d'accéder à un
certain type de savoir réservé à l'éducation
formelle en particulier les femmes ?
Quels sont les attentes et besoins d'éducation des
femmes qui s'inscrivent au programme de santé et de lutte contre le
sida ? Quelles perceptions les bénéficiaires des programmes
d'éducation en matière de santé et du sida, en particulier
les femmes et les jeunes filles, ont-elles de ces programmes spécifiques
d'éducation ? Quel est leur degré d'adhésion et
d'engagement dans le suivi des formations dispensées ? Quels
profits, les bénéficiaires de ces programmes en
tirent-ils ?
C'est à toutes ces questions que nous tenterons de
trouver des réponses tout au long de notre recherche.
CHAPITRE 1
Contexte de la recherche
Dans ce chapitre, nous présentons la situation du
système éducatif nigérien à travers son
évolution historique, ses forces et ses faiblesses afin de circonscrire
la place que l'éducation en matière de santé en
général et de lutte contre le VIH/SIDA en particulier pourrait y
occuper.
La présentation physique, démographique,
culturelle, politique, socio-économique et scolaire du Niger est
indispensable pour bien comprendre le contexte général de notre
recherche. La situation scolaire retiendra particulièrement notre
attention ; elle nous permettra d'examiner l'environnement éducatif
dans lequel vivent les filles et les femmes.
Faisant suite à la description du contexte
éducatif en général, nous traiterons des programmes
spécifiques et alternatifs d'éducation, comme l'éducation
en matière de VIH/SIDA, et la justification de l'intérêt
qu'ils portent aux filles et aux femmes.
1.1. Présentation du Niger
1.2. Caractéristiques physiques et climatiques
Le Niger est situé dans la partie Est de l'Afrique
Occidentale, en zone sahélo-saharienne entre le 12è et 13è
degré de latitude Nord. Il a une superficie de 1.267.000 km2. C'est un
immense pays plat, parsemé de montagnes et de plateaux où
l'altitude culmine à 2000 mètres dans sa partie Nord-Est dans
l'Aïr (MEN, 2001). Le Niger est délimité : au Nord par
l'Algérie et la Libye ; à l'Est par le Tchad ; au Sud
par le Nigeria (sur environ 1500 km) et le Bénin ; au Sud-Ouest par
le Burkina Faso et à l'Ouest par le Mali.
Le climat de type sahélien au Sud se caractérise
par deux saisons : une saison sèche d'octobre à juin et une
saison de pluies de juin à septembre. Les journées sont chaudes
et les nuits sont fraîches. Au Nord par contre, le climat saharien
règne sur le désert du Ténéré et sur
l'Aïr. Les pluies y sont rares voire inexistantes et les
températures fort contrastées. Les nuits sont froides en hiver
(10°C) et les journées torrides (40°C).
1.3. Caractéristiques démographiques
La population du Niger est estimée à 11.422.995
habitants en 2001 (Recensement Général de Population 1988
réactualisé). Avec un taux d'accroissement de 3,4%, la population
nigérienne doublera d'ici 21 ans. Le Niger se caractérise par un
profil démographique pouvant être résumé comme
suit :
· une croissance rapide de la population, proche de 3,4%
par an, avec un taux de mortalité de 20 pour mille et un taux de
fécondité de 7,5 enfants en moyenne par femme en âge de
procréer ;
· près de 80% des habitants sont des ruraux et 63%
des nigériens sont extrêmement pauvres c'est-à-dire vivent
avec moins d'un dollar par jour par habitant selon l'Indice du
Développement Humain (IDH) (PNUD, 2000) ;
· 50% des nigériens ont moins de 15 ans
d'où une forte pression sur l'école ;
· une légère prédominance
féminine (51% de la population totale). Bien que la jeunesse soit une
potentialité humaine importante pour le développement, son poids
excessif constitue une charge pour la vie active en termes d'investissements
énormes pour satisfaire les besoins d'éducation, de santé,
d'alimentation et d'emploi ;
· un taux d'alphabétisation chez les 15 ans et
plus de 25,1% pour les hommes et 9,3% pour les femmes selon l'UNESCO (2004).
Carte du Niger avec indication des régions
Source www.izf.net
1.4. Caractéristiques culturelles et politiques
La société nigérienne est
constituée principalement de huit ethnies. Les plus importantes sont les
Haoussa, les Touaregs, les Djerma, les Peuls, les Kanouri.
Les religions les plus répandues sont l'Islam (presque
98,6% de la population est musulmane), le Christianisme (0,22%) et l'Animisme.
Jusqu'à présent, les différents groupes culturels ont su
cohabiter de manière intelligente et pacifique, se fréquentant
mutuellement tout en étant perméables aux influences
exogènes des colonisateurs tels les Européens et les Arabes.
Toutefois, on constate dans certains milieux, des formes de
résistance à l'école moderne du fait des valeurs
véhiculées par celle-ci. Mais, cela ne semble pas pour autant
nier l'existence de l'influence de l'école coloniale au Niger.
La société nigérienne semble subir les
mutations importantes et accélérées de l'urbanisation. Ces
changements culturels sont liés à des modèles de
comportements véhiculés par les moyens d'information et de
communication, et aux valeurs d'un système éducatif peu
adapté et en rupture avec l'identité culturelle du pays. La
société nigérienne a subi de ce fait des mutations
culturelles aux antipodes des valeurs traditionnelles.
Conjointement, le développement de l'individualisme
apparaît en même temps que l'aggravation de la
déscolarisation et de la marginalité sociale qui ont pour
corollaires : délinquance, criminalité, etc. Tout cela
s'accompagne d'une situation climatique défavorable et qui a pour
conséquence un impact défavorable sur l'essor économique.
Au plan politique, le Niger se caractérise par un
processus de démocratisation amorcé en 1991 au sortir de la
Conférence Nationale tenue du 29 juillet au 3 novembre 1991. C'est
à partir des recommandations de cette Conférence Nationale que la
tenue des Etats Généraux de l'Education a eu lieu en 1992, afin
de mettre en place un nouveau système éducatif qui satisferait
les exigences nationales en s'adaptant aux besoins et attentes des populations.
1.5. Caractéristiques socio-économiques
Les politiques d'ajustement structurel adoptées depuis
1987 accroissent les disparités individuelles et régionales.
La privatisation, le poids de l'endettement extérieur,
la chute du cours de l'uranium et la détérioration des termes de
l'échange grèvent les politiques du gouvernement ces quinze
dernières années. Les difficultés socio-économiques
affectent plus particulièrement le monde rural où elles ont pour
conséquences le déficit alimentaire, la dégradation
continue de l'écosystème, la paupérisation croissante des
campagnes et un état de santé précaire (42% de couverture
sanitaire, MSP/LCE Niger , 2000). Cette situation de pauvreté
pousse des familles entières à émigrer vers des
régions plus clémentes et plus favorables pour leurs
activités. C'est ainsi que l'exode rural est de plus en plus massif au
Niger. Il concerne généralement les paysans qui profitent de la
période de soudure c'est-à-dire la saison sèche (d'octobre
à juin) pour aller chercher un travail temporaire en ville ou dans un
pays voisin avant la saison des pluies.
En somme, la situation démographique, culturelle,
politique et socio-économique du Niger s'accompagne d'une
dégradation des conditions de vie des populations les plus
démunies et les plus vulnérables parmi lesquelles les filles et
les femmes. Ces problèmes sont susceptibles d'entraver l'accès
des filles et des femmes à l'éducation en général,
et aux programmes spécifiques d'éducation comme
l'éducation en matière de santé en particulier.
1.6. Caractéristiques scolaires
Le système éducatif du Niger est défini
par la loi n°98-12 du 1er juin 1998 comme "l'ensemble
constitué par les instances d'initiatives et de conception, les
structures de planification, de production, et de gestion, ainsi que les
établissements d'enseignement et de formation qui concourent en
interrelation à la transmission des savoirs , des savoir-faire et des
savoir-être" (article 1er ).
C'est ainsi que le système éducatif
nigérien se caractérise par :
· un taux brut de scolarisation (Tbs) dans l'enseignement
primaire de 40% en 2002 ; les perspectives d'amélioration de
l'accès au primaire sont faibles en raison des contraintes
budgétaires, mais aussi de la défiance des populations de
certaines zones qui considèrent l'école comme un facteur de
libertinage et de dégradation des moeurs surtout chez les filles qui ont
échoué.
Malgré le système bien connu en Afrique des
classes multigrades et à double flux, le taux de scolarisation au Niger
est toujours faible. Le redoublement dans l'enseignement primaire est
très élevé. Il est de 10 à 20% entre le CI et le
CM1 (c'est-à-dire la première et la cinquième année
de scolarisation primaire) et de 36% au CM2 , où seuls 22% des
élèves réussissent à l'examen final de fin de cycle
de base 1 selon le programme décennal de développement de
l'éducation au Niger (PDDE Niger, 2001). Beaucoup
d'élèves, après avoir quitté l'école,
tombent dans l'illettrisme :86,4% de la population adulte est
analphabète (UNESCO, 1999).
De surcroît, les taux de scolarisation et
d'analphabétisme cachent des disparités entre les garçons
et les filles, entre régions, et entre zones urbaines et zones rurales.
Dans le primaire, les garçons sont scolarisés à hauteur de
41,4% contre 26,9% pour les filles. Le milieu urbain enregistre un taux de
scolarisation de 50,9% contre 27,8% pour le milieu rural. Le taux de
scolarisation primaire des régions varie de 23,6% à 42,4% (exclu
le cas de la communauté urbaine de Niamey) (PDDE Niger, 2001).
Quatre sous systèmes composent le système
éducatif nigérien :
L'éducation formelle, l'éducation non formelle,
l'éducation informelle et l'éducation
spécialisée.
A. L'Education formelle
L'éducation formelle comprend trois niveaux :
l'enseignement de base, l'enseignement moyen, et l'enseignement
supérieur.
A.1. L'enseignement de base se
compose :
· du préscolaire (enfants de 3
à 5 ans) ;
· du cycle de base 1 qui accueille les
enfants de 6 -7 ans avec une durée de scolarité de 6 ans. Ce
cycle est sanctionné par le diplôme du Certificat de Fin d'Etudes
du Premier Degré (CFEPD). Il prépare au cycle de base 2
(collège) pour les détenteurs du CFEPD, ou ouvre les portes
à la vie active ;
· du cycle de base 2 qui accueille les
enfants de 12 à 13 ans, avec une scolarité de 4 ans. Ce cycle,
est sanctionné par un diplôme de fin d'étude de base
appelé Brevet de Fin d'Etudes du Premier Cycle (BEPC). Il donne
accès à l'enseignement moyen (lycée) ou ouvre les portes
à la vie active.
A.2. L'enseignement moyen accueille les
élèves de 16 à 17 ans avec une durée de
scolarité de 3 ans. Il comprend :
· l'enseignement moyen général qui a pour
mission de consolider les acquis de l'éducation de base ;
d'apporter à l'élève de nouvelles connaissances dans le
domaine scientifique et littéraire, le raisonnement,
l'expérimentation et la recherche, l'analyse et la synthèse, le
jugement et l'invention ; de le préparer à l'enseignement
supérieur ou à la vie active (MEN, 1998) ;
· l'enseignement moyen technique et professionnel dont
les missions sont entre autres :
- d'apporter à l'élève de nouvelles
connaissances dans les domaines des
sciences, des techniques et des arts ;
- de produire une main d'oeuvre qualifiée pour des
niveaux professionnels intermédiaires ;
-de faire acquérir des connaissances techniques et des
compétences professionnelles nécessaires pour développer
l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, l'industrie, le commerce et
l'économie ;
-de susciter des vocations dans le domaine de
l'ingénierie et de préparer les jeunes aux autres techniques en
vue des études supérieures ;
-d'assurer la formation continue des professionnels et de
préparer les jeunes à la vie active ou à l'enseignement
supérieur.
L'accès à l'enseignement moyen est ouvert aux
titulaires du diplôme de fin d'études de base (BEPC). Les
études sont sanctionnées par le diplôme du
Baccalauréat qui donne accès à l'enseignement
supérieur (MEN, 1998).
A.3. L'enseignement supérieur
Il comprend toutes les formations post enseignement moyen. Il
vise à fournir aux services de l'Etat et au secteur privé des
cadres qualifiés, à former des cadres supérieurs capables
de jouer un rôle significatif dans la création et le
développement de la pensée et de la science universelle (MEN,
1998).
B. L'éducation non formelle
La loi n°98-12 du 1er juin 1998 définit
l'éducation non formelle comme un mode d'acquisition de
l'éducation et de formation professionnelle dans le cadre non scolaire.
Elle s'adresse aux jeunes (garçons et filles) et aux adultes (hommes et
femmes). Elle est assurée dans les centres d'alphabétisation et
de formation des adultes, dans les écoles confessionnelles, les centres
de formation des structures occasionnelles de formation et d'encadrement. Elle
permet, par des méthodes appropriées, l'éducation des
personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas
reçue jusqu'à son terme. En 2000, le taux
d'alphabétisation était de 19,9% selon l'enquête à
indicateurs multiples de l'Unicef (MICS) , (Unicef Niger, 2000). Les
programmes spécifiques d'éducation comme l'éducation en
matière de santé trouvent ici leur place dans le système
éducatif tel que défini par la loi n°98-12 .
C. L'éducation informelle
L'éducation informelle est définie comme
étant le processus par lequel une personne acquiert, durant sa vie, des
connaissances, des aptitudes et des attitudes par l'expérience
quotidienne et les relations avec le milieu. Ses principaux canaux sont la
cellule familiale, la communauté, les groupes sociaux, les médias
communautaires et les autres instruments de communication, les divers
mouvements associatifs. Elle comprend l'éducation traditionnelle offerte
naturellement par la société. Elle dispense l'éducation
traditionnelle ou pré- coloniale pratiquée en Afrique noire
d'après Erny (1977) qui montre dans quelle mesure les difficultés
actuelles de l'éducation dans les pays africains comme le Niger sont les
résultats directs de la négation de l'éducation
traditionnelle par la colonisation.
A travers l'éducation traditionnelle, à partir
de l'âge de six-sept (6-7) ans environ, de nouveaux modes de
socialisation interviennent. Selon le sexe, l'enfant est pris en charge soit
par la mère, soit par le père. Il se tisse entre parents, adultes
et enfants des relations de maître à disciple. L'enfant apprend
à participer au fonctionnement des mécanismes sociaux et à
jouer son rôle de producteur. Le garçon ira chercher de l'herbe
nécessaire à nourrir le cheval de son père, il
accompagnera celui-ci au champ où il sera initié au maniement des
instruments aratoires et apprendra à garder les animaux de la famille.
Quant à la jeune fille, elle ira puiser de l'eau avec sa mère, se
rendra au marché avec elle, s'occupera aussi des animaux, veillera sur
ses frères et soeurs cadets, nettoiera la concession, fera la vaisselle,
allumera et surveillera le feu de la cuisine.
Toutes ces activités traditionnelles permettent aux
jeunes enfants de s'initier à ce que sera leur véritable
rôle de producteurs dans leur milieu naturel et traditionnel quand ils
seront grands.
Toujours à travers l'éducation traditionnelle,
à l'adolescence (10-15 ans), l'enfant participe directement aux
activités sociales et de façon responsable. La formation des
corps de métiers selon la division sociale du travail indispensable au
fonctionnement de la société est assurée à cette
étape (paysans, cordonniers, tisserands, forgerons, etc.). C'est au
cours de cette période que la jeune fille reçoit une
éducation toute particulière qui la prépare à son
rôle de future épouse ou mère. Pendant l'adolescence, les
jeux occupent une place importante dans l'éducation traditionnelle des
nigériens. Les activités ludiques et ludomotrices contribuent
beaucoup à former le caractère et à développer les
aptitudes physiques et morales de l'adolescent.
Le passage de l'adolescence à l'âge adulte est
marqué par une série d'épreuves dont l'initiation.
Le facteur clé de l'éducation traditionnelle
réside dans la maîtrise parfaite de la langue d'éducation
de l'enfant, langue qui est d'ailleurs celle de son milieu (Moumouni, 1967).
L'éducation informelle n'a pas d'écriture propre
et le processus d'apprentissage n'est assujetti à aucune programmation
stricte. Elle correspond à l'éducation traditionnelle qui
prévalait avant la colonisation au Niger. C'est cette éducation
qui maintient la fille dans une position sociale vis-à-vis du
garçon. Cette éducation prépare la jeune fille à
son rôle de future épouse ou de mère. La jeune fille
apprend comment se tenir en présence d'un jeune homme (éventuel
mari), comment lui adresser la parole, comment s'habiller, etc. La fille est
ainsi préparée à la vie au foyer. Son instruction ne
semble pas avoir autant d'importance et d'intérêt que celle du
garçon.
D. L'éducation spécialisée
L'éducation spécialisée a pour mission
l'éducation ou la rééducation et la formation des citoyens
handicapés physiques, mentaux ou sensoriels (sourds-muets, malvoyants)
afin de faciliter leur insertion ou réinsertion sociale. Elle est
assurée dans des établissements pour handicapés physiques
ou mentaux et les centres de rééducation des jeunes
délinquants (cas du centre de rééducation de Dakoro au
Niger). Les filles et les femmes sont absentes dans ce genre de structures qui
semblent être destinées aux garçons et aux hommes. Le
handicap chez une fille ou femme est perçu comme une fatalité.
Beaucoup plus que l'homme, la femme handicapée doit s'en remettre au
sort. D'où la faible prise en charge des filles et des femmes dans les
institutions spécialisées pour handicapés.
1.7. Forces et faiblesses du système
éducatif nigérien
En 1960, année de son accession à
l'indépendance, le Niger était l'un des pays les moins
scolarisés de l'Afrique de l'Ouest francophone. Dans l'enseignement
primaire, on dénombrait à cette époque 21.054
élèves, soit 3,6% de la population scolarisable (MEN, 2000).
Dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, la
situation était encore plus préoccupante. Le taux
d'alphabétisation du Niger était de 1% en 1960 (MEN, 2000).
Ces taux très faibles rendent compte du faible niveau
de développement des ressources humaines. C'est un défi à
relever en déployant de gros efforts dans le domaine de
l'éducation.
a). Les réalisations
L'éducation est un facteur privilégié
pour accélérer le développement économique et
social d'un pays. C'est à ce titre que les nouvelles autorités du
Niger ont mis en oeuvre dès 1960 une politique ayant pour objectif de
développer la scolarisation au plan quantitatif en application du plan
d'Addis Abéba (1961) qui prévoyait, en vingt ans (1960-1980) la
généralisation de l'enseignement primaire sur l'ensemble du
continent africain. Dans cette perspective, d'incontestables progrès ont
été enregistrés en matière d'expansion des
effectifs.
Pour améliorer la fréquentation scolaire, le
Niger a tenté l'expérience de la télévision
scolaire commencée à Niamey en 1964 dans deux (2) classes
totalisant 70 élèves. En 1966, l'expérience s'est
étendue à 20 classes primaires rurales situées au
nord-ouest de Niamey, le long du fleuve niger. En 1972, l'expérience
devrait s'étendre à l'ensemble des régions du pays. Mais
ce modèle d'enseignement télévisé a
été abandonné en 1975 et l'arrêté n°
51/MEN/DEPCS du 6 octobre 1980 recommande le retour à l'ancien
système d'enseignement.
Alors qu'à l'indépendance en 1960, le taux de
scolarisation était de 3,6%, il est passé à 12,97% en 1970
et 24,56% en 1980. En 1990, il atteint 27,5% puis 34,14% en 2000. Ce taux de
scolarisation donc a augmenté de 30,54% en 40 ans comme le montre le
tableau n° 1 suivant.
Tableau n°1 Evolution des taux bruts de
scolarisation de base (de 1960 à 2000)
Années
|
1960
|
1970
|
1980
|
1990
|
2000
|
Taux de scolarisation
|
3,6%
|
12,97%
|
24,56%
|
27,5%
|
34,14%
|
Source : MEN/DEP, Niger, 2000
Toutefois, ce tableau montre aussi qu'avec un taux de
scolarisation de 34,14% en 2000, 2 enfants nigériens sur 3 ne vont pas
à l'école.
Depuis l'année de l'indépendance, le nombre
d'écoliers s'est considérablement accru. De 1960 à 1986,
en chiffres absolus, le nombre d'enfants scolarisés (tous niveaux
primaires confondus) est passé de 21.054 à 272.622
élèves. Il faut noter que l'évolution des effectifs ne
s'est pas faite au même rythme et de manière continue au fil du
temps comme le montrent les pourcentages des taux de croissance du tableau
n°2 qui suit.
Tableau n° 2 Taux de croissance des effectifs
scolaires primaires au Niger de 1960 à 1999
ANNEES
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Taux de croissance des effectifs
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1960-1969
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16,3%
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1970-1979
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9,3%
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1980-1989
|
4,7%
|
1990-1999
|
4,1%
|
Source : Annuaire des statistiques scolaires
MEN/DEP,Niger, 2000
Le taux de croissance des effectifs a ainsi
régulièrement diminué de décennie en
décennie. Mais ce sont principalement les périodes 1980-1989 et
1990-1999 qui marquent de façon significative la diminution du taux de
croissance des effectifs. Cette situation résulte du contexte
économique du pays. En effet, c'est au début des années
1980 que le Niger est entré dans une période
d'austérité provoquée par la crise économique qui
continue encore à grever l'économie. Cette situation
économique provoque aussi une baisse drastique des investissements dans
tous les secteurs notamment dans celui de l'éducation.
Malgré ces difficultés, les réalisations
sont sommes toutes importantes. En effet, en 2000, c'est-à-dire quarante
(40) ans après l'indépendance, le cycle de base 1 (enseignement
primaire) compte 579.486 élèves, soit 27,5 fois les effectifs de
1960 avec un accroissement moyen des effectifs de 8,6% par an. Dans
l'enseignement secondaire (tous cycles confondus, c'est-à-dire le
collège et le lycée), les effectifs ont été
multipliés par 96, passant de 1040 élèves en 1960 à
99.780 élèves en 2000 (MEN, 2001).
L'alphabétisation des adultes a enregistré elle
aussi des progrès appréciables et appréciés en
termes d'expansion des effectifs d'auditeurs du fait de l'extension de l'offre
liée aux besoins et aux préoccupations du moment : 1% en
1960, et 19,9% en 1999, d'après l'Unesco (1999). Des campagnes
d'alphabétisation en langues nationales (haoussa, fulfulde, djerma,
tamachek, etc.), des programmes liés au développement rural, des
activités de formation des travailleurs du secteur moderne,
post-alphabétisation, alphabétisation fonctionnelle, des
programmes d'alphabétisation des femmes liés à des
activités génératrices de revenus, tels sont les
principaux atouts de la politique d'alphabétisation au Niger.
Malgré ces résultats appréciables, force
serait de constater que les femmes en auraient moins
bénéficié que les hommes. Il serait intéressant
d'évaluer si les programmes d'alphabétisation, les taux de
participation des filles et des femmes, leur permettent d'être
indépendantes économiquement. De la même manière,
l'impact positif des programmes d'alphabétisation sur les filles et les
femmes mériterait d'être lui aussi mesuré. D'une
manière générale, ce sont les limites imposées
à ces programmes par les obstacles culturels qui devraient être
objectivement évalués.
En effet, c'est la situation particulière des filles et
des femmes dans le domaine de l'éducation et de l'alphabétisation
qui a conduit à l'élaboration de la loi n°98-12 du
1er juin 1998 portant orientation du système éducatif
nigérien.
b). L'éducation des filles et des femmes au
Niger
La loi n°98-12 vise à asseoir le système
éducatif nigérien sur de nouvelles bases plus réalistes.
Elle se réfère à la déclaration de Jomtien sur
l'éducation pour tous de 1990. Elle réaffirme que l'école
nigérienne est non confessionnelle. L'éducation doit donner des
chances égales à tous, fondées sur le mérite et
l'aptitude. La priorité est donnée à
l'alphabétisation, à l'éducation de base et à la
formation professionnelle. Toutes les dispositions de la loi n°98-12
mettent l'accent sur la réduction des disparités entre sexes et
la réduction de l'analphabétisme.
Le Niger, à l'instar des autres pays, s'investit dans
l'éducation de base en menant des actions en faveur des filles. C'est
ainsi que le projet sectoriel de l'enseignement fondamental (PROSEF) a
été initié par arrêté n°171/MENS/R du 11
octobre 1994. Il a pour objectif de porter la proportion des filles
scolarisées de 36% en 1995 à 40% en 2000 dans l'enseignement de
base. Cet objectif a occasionné la création d'une cellule
technique pour la promotion de la scolarisation des filles (CTPSF). Cette
cellule a pour mission de sensibiliser les parents et les leaders d'opinion
à la nécessité d'envoyer les filles à
l'école et de les protéger contre le mariage précoce. Pour
ce faire, des zones d'action prioritaires (ZAP) ont été
identifiées. Des activités de proximité dans ces zones,
avec des ONG locales, ont été organisées. Après
cinq années de fonctionnement, un bilan conclut à un impact
positif sur la scolarisation des filles. La promotion de l'accès des
filles à l'éducation de base a progressé de 39,2% en 1999,
39,4% en 2000 et 40% en 2001 pour les inscriptions en première
année de l'enseignement primaire ou CI (cours d'initiation) (MEN/ CTPSF,
2001).
D'une manière générale, à tous les
échelons et dans divers domaines de l'éducation, la
préoccupation est la même : lever les obstacles à la
différenciation et à la participation des filles et des femmes
à l'éducation. Des progrès ont été
enregistrés, mais l'évolution du taux de scolarisation des filles
dans l'enseignement primaire reste encore faible. Les filles
représentent 23,4% des effectifs en 1999 (MEN, 2000). En effet, il est
fréquent au Niger que les filles aînées ne soient pas
inscrites à l'école ou l'abandonnent dès qu'elles doivent
s'occuper de leurs petits frères ou soeurs. Il est aussi rare que ces
mêmes filles retournent à l'école lorsqu'elles deviennent
un peu plus âgées. Aujourd'hui encore, certaines pratiques,
croyances sociales et culturelles sont de véritables freins à la
scolarisation des filles. En effet, dans certaines communautés rurales
du Niger, envoyer une fille à l'école, est synonyme de l'exposer
aux risques de la perversion. Assez souvent encore, la jeune fille est
retirée de l'école à la puberté pour commencer une
vie matrimoniale.
Certes beaucoup de mesures ont été prises en vue
de l'amélioration de la scolarisation de la fille ou de la femme au
Niger.
Mais compte tenu des faibles taux de scolarisation et
d'alphabétisation et des disparités importantes entre
régions et entre genres, le Niger doit encore faire de gros efforts pour
atteindre les objectifs de 2015 qui sont de «faire en sorte que d'ici
2015, tous les enfants, notamment les filles-y compris les plus pauvres, les
enfants qui travaillent et les enfants ayant des besoins spéciaux- aient
la possibilité d'accéder à un enseignement primaire de
qualité et de le suivre jusqu'à son terme» (EPT, Dakar,
2000).
Les objectifs visés en 2000 ne sont pas encore atteints
compte tenu du contexte économique difficile. Toutes les réformes
ont surtout traité des questions d'accès à
l'éducation formelle, de réformes de l'enseignement, de la
politique d'élaboration des manuels scolaires, des programmes
d'enseignement et de formation, etc. Elles se sont peu
intéressées aux programmes spécifiques pour ceux qui n'ont
pas accès ou ceux qui ont été exclus du système
éducatif. Pourtant, les filles et les femmes sont de plus en plus au
centre des préoccupations actuelles de l'éducation en
matière de santé. Ainsi, pour la Banque Mondiale «en
offrant aux femmes la possibilité de s'instruire, un pays peut
réduire la pauvreté, améliorer la productivité,
alléger les pressions démographiques et assurer à ses
enfants un meilleur avenir » (Herz, Subbaro, Habib et Raney,
1993, p.iii).
En effet, le faible niveau de scolarisation et
d'alphabétisation de la majorité des femmes dans le monde en
général, constitue un obstacle majeur à la transmission
des messages éducatifs selon Seck (1999).
En général, les dysfonctionnements de la
scolarisation révèlent de faibles rentabilités internes et
externes des systèmes éducatifs. Ces problèmes et
difficultés suscitent la nécessité d'adopter d'autres
approches pour accroître l'accès et améliorer la
qualité et les bénéfices des retombées de
l'éducation. De nouvelles perspectives ouvrent de nouvelles dimensions
à la campagne en faveur de l'éducation pour tous (EPT).
L'engagement des participants au forum mondial sur l'éducation en faveur
de l'éducation pour tous est de «répondre aux besoins
éducatifs de tous les jeunes. Les Etats doivent assurer aux jeunes un
accès équitable à des programmes adéquats ayant
pour objectif l'acquisition des connaissances ainsi que des compétences
liées à la vie courante» (UNESCO, Dakar, 2000).
Selon Oxfam (1999), «l'éducation est plus que
jamais la seule arme efficace contre la pauvreté dans le monde. Elle
sauve des vies». En ce sens, l'éducation en matière de
santé est, elle aussi, plus que jamais, l'une des armes efficaces contre
la propagation du VIH/SIDA.
Les programmes d'éducation en matière de
santé doivent contribuer à résoudre les problèmes
d'accès, d'équité et de qualité du système
éducatif. Ces programmes seraient un moyen de pallier le manque de
ressources nécessaires pour éradiquer l'analphabétisme.
Ils peuvent être dispensés tout en tenant compte de la
disponibilité des femmes, et à partir de leur motivation
individuelle à apprendre.
C'est à ce titre qu'il paraît intéressant
de se demander dans quelles mesures les programmes d'éducation en
matière de santé permettent d'améliorer les conditions de
vie des bénéficiaires, et de manière significative
à les mettre à l'abri de certaines situations à risque
telle l'infection au VIH/SIDA.
Car aujourd'hui, le monde fait face à la
pandémie du sida qui est un problème lié au seul
comportement humain. Chaque société se caractérise par ses
propres modes de transmission. Pour le moment l'éducation
préventive est l'une des armes efficaces pour lutter contre la
propagation du VIH/SIDA dans le monde.
1.8. La lutte contre le VIH/SIDA au Niger
Depuis l'apparition de la pandémie du sida au Niger en
1987, le nombre de cas ne cesse de croître. De 18 cas en 1987, les
données actuelles font état de 5598 cas en 2000 selon le
Programme National de Lutte contre le Sida et les Infections Sexuellement
Transmissibles (PNLS/IST Niger, 2001).
Le début de la lutte contre le VIH/SIDA au Niger
remonte à mars 1987 après une table ronde
télévisée dont l'objectif était de faire prendre
conscience à la population de l'ampleur du fléau. Un mois
après, un comité national de lutte contre le sida (CNLS)
était constitué auquel le Global Program Aids de l'OMS
(prédécesseur de l'ONUSIDA) apportait son appui technique et
financier.
Un programme à court terme a été mis en
place. Des actions multiformes telles que des activités d'information,
d'éducation et de communication (IEC) visant à sensibiliser les
jeunes, les femmes en général et tous les groupes
vulnérables en particulier, ont été menées par
différents intervenants publics, privés, confessionnels et
associatifs. Tous avaient pour objectif la réduction de la transmission
hétérosexuelle du VIH/SIDA au Niger.
Des séminaires de formation à l'attention des
médecins, des assistants sociaux, des infirmiers, des leaders d'opinion,
des professeurs de sciences naturelles des collèges et lycées et
des animateurs de jeunesse non scolarisée ont été
organisés sur l'ensemble du territoire nigérien. Des productions
et diffusions de matériels didactiques comme des affiches sur les
préservatifs, des cassettes audio, des banderoles, des pièces de
théâtre ont été réalisées à
travers le pays pour démontrer le danger que représente le sida
dans une communauté.
Des enquêtes CAP (connaissances, attitudes et pratiques)
sur le VIH/SIDA ont été effectuées sur l'ensemble du pays,
et même un «projet pilote sida et migration au Niger»
(1993) initié par l'ONG Care International a été
monté. Il avait pour objectif de suivre les migrants nigériens du
Département de Tahoua jusqu'à leur lieu d'exode à Abidjan
en Côte d'Ivoire, principal pays d'accueil.
Toutes ces différentes actions de sensibilisation
visaient à faire prendre conscience aux populations nigériennes
de l'intérêt qu'il y a à adopter des comportements
responsables à moindres risques partout où les populations se
retrouvent. En raison de l'absence d'un vaccin pour éradiquer le sida,
la prévention qui passe par l'éducation est l'une des armes les
plus sûres pour combattre la pandémie du sida. L'éducation
préventive doit jouer un rôle important dans cet effort de
réduction de la progression et de l'impact de la pandémie du
sida. Cette prévention porte sur la sensibilisation et les
méthodes non formelles pour l'éducation des adultes et des jeunes
déscolarisés. Elle inclut aussi des informations
spécifiques sur les modes de contamination et de prévention du
VIH/SIDA. Elle dispense à ses auditeurs :
· des connaissances nécessaires pour prendre de
bonnes décisions ;
· des informations pour se comporter d'une manière
saine ;
· et surtout, des opportunités
d'alphabétisation et d'acquisition de compétences
spécifiques pour l'indépendance économique.
En effet, malgré les bonnes intentions qui consistent
à faire prendre conscience aux populations du fléau que
représente le VIH/SIDA, le nombre de victimes ne cesse de croître.
Aussi les éducateurs en général sont-ils les premiers
interpellés face à cette pandémie dont la solution
requiert l'éducation des populations à défaut de
réponse à caractère médical. En l'état
actuel, les programmes d'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida mettent un accent particulier sur l'éducation
des filles et des femmes qui sont leurs principales cibles. Celles-ci ont moins
accès à l'école que les garçons et les
hommes ; et elles présentent également les plus forts taux
d'abandon scolaire.
Cependant, malgré les efforts et l'attention dont elles
sont l'objet de la part des promoteurs de ces différents programmes
d'éducation, elles semblent manifester de réelles
résistances même à cette forme d'action éducative
dont elles sont les bénéficiaires. Manifestent-elles ainsi leur
résistance à toute action éducative ou simplement leur
rejet de cette forme d'éducation qui met à nu les comportements
sociaux ?
En effet, les croyances et les comportements socioculturels
dans des sociétés encore fortement traditionnelles comme il en
existe au Niger, imposent à chaque catégorie sociale des
règles de vie et de comportement à adopter pendant toute la vie.
La résistance est d'autant plus tenace s'il s'agit d'institution
occidentale telle l'école en laquelle ces catégories voient une
forme d'agression socioculturelle. Pourtant, c'est pour faire face au nouveau
péril que constitue le sida que s'inscrivent les programmes de lutte
contre ce fléau. L'une des motivations premières est d'offrir des
programmes d'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida, par le truchement des ONG et le PNLS/IST pour atteindre les
populations défavorisées des zones rurales et des quartiers
péri-urbains surpeuplés et pauvres. Les filles et les femmes sont
les plus exposées à cause de leurs statut et rôle dans la
société nigérienne que nous traiterons dans la partie qui
suit.
1.9. Le statut et le rôle de la femme au
Niger
Il est important de s'intéresser au statut et au
rôle des femmes dans la société nigérienne pour
comprendre pourquoi les femmes sont les cibles privilégiées des
programmes d'éducation de santé pour lutter contre le VIH/SIDA.
Le Niger est un pays à forte dominance islamique (98,6%) et la religion
joue un rôle important dans la définition du statut et du
rôle de la femme. Mais la religion n'est pas le seul facteur explicatif
qui confine au foyer les femmes. En effet, selon Deblé, (1980, p.89),
«le facteur religieux n'est que l'un des facteurs culturels qui
peuvent rendre plus ou moins rigides les limites imparties au
«rôle» de la femme dans un groupe donné». Aux
facteurs religieux viennent s'ajouter d'autres facteurs culturels
hérités des traditions séculaires. Le souvenir de
l'imposition d'une éducation occidentale, qui est liée au
christianisme et des incitations à la conversion restent encore vivaces
au Niger, d'où la préférence que les parents accordent
à une éducation islamique surtout des filles plus que des
garçons. La crainte est en effet de voir l'éducation occidentale
promouvoir chez les filles des valeurs et un comportement qui sont contraires
aux normes culturelles souvent présentées comme des obligations
religieuses (Odaga et al, 1996, p.21). Cependant, les normes et
préceptes de la religion se substituent souvent aux normes culturelles
définissant le rôle des femmes. Aussi est-il nécessaire,
bien que difficile, de distinguer les facteurs religieux des culturels selon
Kane et Brun (1993).
Le statut et le rôle dévolus aux femmes ne sont
pas des réalités uniformes au Niger. Ils varient en fonction des
contextes ethniques et sociaux.
Aujourd'hui, la réclusion des femmes et leur statut
social sont justifiés par les hommes au nom de l'islam. Selon
Soumaré (1994) certains parents maliens des milieux ruraux croient que
l'éducation scolaire compromet la foi de leurs filles et, par
conséquent, préfèrent le mariage à l'école
pour les filles adolescentes.
Dans les sociétés traditionnelles en Afrique de
l'Ouest, le type d'éducation dispensé aux femmes et la limitation
des métiers qu'elles peuvent pratiquer répondaient à des
normes relativement strictes. Toutefois, celles qui ont reçu une
éducation occidentale ont des choix professionnels plus variés.
Ces nouvelles possibilités s'accompagnent malgré tout de la
réticence de la part des parents à envoyer leurs filles à
l'école. Du fait du poids des traditions, les débouchés
offerts aux femmes instruites sur le marché du travail sont encore
restreints. Le mariage des femmes instruites est un casse-tête pour ces
femmes, surtout avec l'âge, à cause du cursus scolaire. Il faut
noter que passés 15 ans, la fille est considérée dans la
communauté comme une vieille fille dont aucun homme ne voudra plus.
C'est un véritable drame pour les parents, la famille et pour la fille
elle-même qui a le sentiment de rater sa vie de femme et de
mère.
Ainsi, à Maradi, dans le centre du Niger, malgré
les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir l'éducation primaire
universelle, les parents de cette région persistent dans leurs attitudes
négatives à l'égard de l'éducation occidentale et
préfèrent l'éducation coranique pour les filles.
Après l'école coranique, elles sont initiées à la
pratique du commerce et données en mariage avant qu'elles ne prennent
des libertés, une fois devenues adultes. Dans cette région,
l'école française est considérée comme un facteur
de libertinage et de dégradation des moeurs (UNICEF, 1999).
En général, dans la culture nigérienne,
scolariser les filles est moins valorisé que scolariser les
garçons ; les rôles et les statuts des femmes dans la
société traditionnelle restent liés au mariage et à
la procréation. Les filles sont confinées dans les tâches
ménagères et la garde de leurs frères cadets plutôt
qu'à fréquenter l'école. Les explications données
pour la non scolarisation des filles dans certaines communautés au Niger
sont culturelles et liées à la religion islamique (Raynaut,
1987). En effet, la vision de l'école est associée au risque de
compromettre la chasteté féminine et la crainte que les filles
instruites ne soient pas des épouses dociles, obéissantes et
soumises. D'où la réticence des parents à envoyer leurs
filles à l'école.
Le faible taux d'accès des femmes à
l'enseignement formel pendant la période coloniale se reflète
aujourd'hui par le faible taux de participation féminine à toutes
les activités. Au demeurant, les préjugés et perceptions
continuent à limiter les possibilités d'éducation de
nombreuses filles et femmes en Afrique subsaharienne. Il n'est donc pas
surprenant que dans une perspective féministe, une attitude plus
militante émerge en réaction à ce désir de
maintenir les femmes dans des rôles traditionnels. Certes, les femmes
instruites seraient de meilleures mères de famille et de meilleures
épouses, mais certains craignent encore que l'éducation leur
donne l'habileté d'analyser et de penser, ce qui est par exemple, un
risque à ne pas prendre.
En réalité, les perceptions traditionnelles du
rôle des femmes sont un obstacle majeur à leur participation
à tout projet éducatif, que ce soit des projets
d'éducation formelle, d'alphabétisation, de formation
professionnelle ou d'éducation en matière de santé. Ces
résistances sociales expliquent le faible taux d'alphabétisation
et de scolarisation des femmes et des filles.
Le faible taux d'alphabétisation et de scolarisation
des femmes et des filles au Niger expliquerait qu'elles n'ont
généralement pas une compréhension suffisante des
questions de santé reproductive et ont un accès limité
à l'information concernant le VIH/SIDA d'où leur
vulnérabilité à l'infection. Pourtant, l'ignorance rend
difficile la maîtrise d'une éducation préventive dans les
pays en développement comme le Niger. Bien souvent, il ne suffit pas
d'informer les populations pour changer les comportements. L'éducation
préventive, doit aussi prendre en compte l'éducation des
mentalités et les valeurs culturelles sur lesquelles les comportements
reposent, afin de susciter les attitudes, de dispenser le savoir-faire et de
créer des motivations requises pour introduire des comportements
nouveaux propices à réduire les risques d'infections.
Face aux difficultés des femmes au Niger
d'accéder à l'éducation formelle, l'éducation en
matière de santé pourrait être l'un des programmes par
lequel les femmes et les filles peuvent accéder à d'autres formes
d'éducation qui pourraient contribuer à l'amélioration de
la qualité de leur vie de tous les jours.
Telle semble être la vision des autorités
politiques du Niger en lançant le programme d'éducation en
matière de VIH/SIDA à l'intention des filles et des femmes pour
améliorer leur niveau de prise de conscience du danger que
représente le sida. Ce programme permet aux filles et femmes
l'acquisition d'habiletés et de connaissances sur le sida et les
infections sexuellement transmissibles afin d'adopter des attitudes et des
comportements responsables devant le risque de l'infection. L'éducation
doit jouer un rôle important dans l'effort de réduction de la
progression de la pandémie du sida. Elle doit inclure non seulement
l'éducation préventive, mais également porter sur
l'alphabétisation et recourir aux méthodes non formelles pour
l'éducation des adultes et des jeunes déscolarisés. Le
rôle de l'éducation est en effet déterminant dans tous les
secteurs et toutes les activités humaines. Le manque d'éducation
en général et d'éducation en matière de
santé risque d'augmenter la propagation de la pandémie si aucune
solution n'est trouvée. Le VIH/SIDA réduit à néant
les progrès obtenus après des années d'efforts en
matière de développement selon Kelly (2000). L'éducation
en matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA devrait
à ce titre être fondée sur une action éducative
inscrite dans une perspective plus générale.
En effet, quelle que soit la volonté de prévenir
ou de réduire la propagation du VIH/SIDA au niveau de toutes les
populations, il est essentiel de comprendre et d'expliquer la manière
dont les populations appréhendent les messages et les changements qui
affectent leur vie.
Ce n'est qu'à ce titre que les différentes
stratégies mises en oeuvre, les unes plus ingénieuses que les
autres, pourront amener les populations en général et les filles
et femmes en particulier à modifier leurs conditions d'existence en
terme de réinvestissement des acquis pédagogiques de ces
programmes dans les activités économiques et dans leur protection
en matière de santé.
C'est dans cette perspective globale que doivent s'inscrire
les actions éducatives en cours en matière d'éducation
pour la santé et de lutte contre le VIH/SIDA.
Aussi, les ONG, les autorités administratives et
coutumières profitent-elles de toutes les occasions publiques qui leur
sont offertes pour rappeler cette triste réalité qu'est le
VIH/SIDA. Dans tous les discours et toutes les campagnes de sensibilisation
l'accent est mis sur l'éducation, les modes de contamination et la
prévention du sida. Des activités de proximité sont
menées sur les places publiques où toutes les associations
masculines et féminines appelées «fadas» se retrouvent.
Les activités d'animation et de sensibilisation sont menées par
des pairs éducateurs de chaque genre pour faire acquérir à
leur auditoire les connaissances essentielles dans le domaine de la
santé et leur droit à l'information sur le VIH/SIDA. Des
saynètes sont faites pour illustrer les informations
véhiculées par les différents intervenants.
Dans une perspective éducative moderne et globale, face
à l'émergence des programmes alternatifs d'éducation comme
l'éducation en matière de VIH/SIDA, il est essentiel de
comprendre comment les femmes nigériennes perçoivent ces projets
éducatifs et quels sont les facteurs qui facilitent ou au contraire,
entravent leur participation. Dans le cas de l'éducation en
matière de santé, l'accessibilité, les compétences
qu'elle permet d'acquérir, mais aussi les facteurs socioculturels et
économiques ont un effet sur la motivation et l'engagement des femmes
à y participer.
Pour comprendre l'engagement des femmes dans les programmes
d'éducation en matière de VIH/SIDA, il faut :
· étudier comment elles perçoivent et
vivent cette expérience éducative,
· identifier les groupes sociaux qui ont accès
à cette éducation et qui en tirent le plus de profits, et enfin,
· déterminer le poids de l'origine
socio-économique et culturelle dans la participation des femmes aux
programmes d'éducation en matière de VIH/SIDA. Ces questions
serviraient à la fois à délimiter le thème de
recherche et le problème général abordé. C'est
ainsi que nous formulons notre question-problème générale
de la manière suivante :
Dans quelle mesure l'origine sociale,
économique et culturelle des microcosmes familiaux est-elle favorable ou
non à la participation des jeunes filles et des femmes à des
programmes d'éducation alternative comme l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le
VIH/SIDA ?
Pour appréhender notre objet d'étude qui est la
participation des femmes à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida, il nous faut préciser les
concepts qui fondent notre question-problème de recherche. Par
conséquent, il nous faudra définir ce que nous entendons par
origine sociale, économique et culturelle des femmes, l'éducation
en matière de VIH/SIDA et d'autres concepts sous-jacents et qui peuvent
être déterminants pour la compréhension de notre recherche.
Par la suite, nous ferons une revue critique de la littérature et des
recherches effectuées sur l'accès des filles et femmes à
l'éducation en général et à l'éducation en
matière de VIH/SIDA en particulier.
CHAPITRE 2
Cadre conceptuel et recension des écrits
L'objectif de ce chapitre est d'opérationnaliser les
concepts choisis qui structureront notre cadre problématique.
Nous présenterons les concepts tels qu'ils apparaissent
dans les dictionnaires et les publications spécialisées. Ensuite
nous tenterons de les expliciter dans le cadre approprié à
l'objet de notre étude.
2.1. Education
Dans un sens général, l'éducation est la
mise en oeuvre par des adultes et éducateurs professionnels des moyens
aptes à favoriser le développement des facultés proprement
humaines de l'enfant : affectivité, intelligence, volonté,
etc. (Foulquié, 1971). Dans une perspective sociologique,
«l'éducation est l'action exercée par les
générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres
pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez
l'enfant un certain nombre d'états, physiques, intellectuels et moraux
que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement
destiné» (Durkheim, 1977).
Ces définitions générales, ont
aujourd'hui pour cadre particulier d'application et de mise en oeuvre les
systèmes éducatifs et les institutions scolaires et
pédagogiques.
Dans un contexte pédagogique, «l'éducation
est une acquisition de bonnes manières, politesse, savoir-vivre, bonne
conduite en société, formation et information reçues par
une personne pendant ses années d'études» (Legendre, 1993,
p.435).
Compte tenu du rôle accru qu'ils doivent jouer dans
l'éducation comme processus global, les systèmes scolaires
revêtent de plus en plus un caractère obligatoire jusqu'à
un certain âge. Partant du cadre de la loi nigérienne qui inclut
dans le système éducatif toutes les formes d'éducation
formelle, non formelle et informelle, nous nous intéressons aux
problèmes de la participation des femmes à l'éducation en
matière de santé comme relevant de l'éducation des
adultes.
L'éducation des adultes peut-être définie
comme «toute activité éducative structurée et
organisée dans un cadre non scolaire (apprentissage traditionnel,
mouvement de jeunesse, clubs et association diverses). D'autres lieux que les
établissements de formation s'offrent à l'adulte pour poursuivre
sa formation, par exemple les organisations volontaires d'éducation
populaire, les municipalités, les organismes socio-communautaires, les
syndicats, les associations professionnelles, les entreprises et les
médias» (Legendre 1993, p.446).
Tout comme l'éducation dispensée aux
élèves dans les institutions, l'éducation des adultes a
elle aussi des structures spécialisées et des programmes.
Cependant, les informations éducatives doivent
être apprises dans une certaine «organisation de situations
d'apprentissage» dont l'enseignement qui donne forme à
l'éducation. Le terme enseignement selon le Nouveau petit Robert (2003,
p.897), fait penser à «l'action, l'art d'enseigner, de transmettre
des connaissances à un élève». Quant au verbe
enseigner qui vient du latin «insignire» qui veut dire signaler, il
traduit l'idée de «transmettre à un élève de
façon qu'il comprenne et assimile (certaines connaissances)». Se
référant à Legendre (1993), Raynal et Rieunier (1997) font
remarquer qu'enseigner comporte par définition l'intention de faire
apprendre et que l'enseignement ne se réduit pas à une simple
transmission de savoirs. Certes, l'intention de faire apprendre est
inséparable de l'activité d'enseigner. L'enseignement peut
à cet effet, transmettre des connaissances aussi bien théoriques
que pratiques dans le cadre d'un métier ou d'une activité
donnée.
Si les programmes scolaires définissent l'enseignement,
dans la formation d'adultes ils renvoient à la formation.
En somme, qu'il s'agisse de l'enseignement ou de la formation,
«éduquer, ce n'est pas seulement instruire ou informer. C'est faire
adopter des attitudes nouvelles, c'est apporter le changement, c'est l'art de
convaincre les gens» (Sillonville, 1979). Le concept d'éducation
d'après les définitions précédentes, fait allusion
à des stratégies d'acquisition des connaissances au cours
desquelles l'individu développe ses potentialités en participant
aux activités.
Les concepts «éducation et enseignement» sont
employés indifféremment, mais le terme enseignement a un sens
plus limité et se réfère surtout aux activités qui
se déroulent dans un système scolaire où l'on
privilégie la transmission des connaissances» selon Baudin (1996,
p.62) qui réaffirme que cette perspective peut-être
différente (ou complémentaire) de ce qui se donne dans le cadre
de l'éducation des adultes nommée aussi enseignement aux
adultes.
Notre étude est axée sur ce que Legendre appelle
«éducation non formelle des adultes». A cet égard,
l'éducation des femmes en matière de santé et de lutte
contre le VIH/SIDA relève de l'éducation non formelle des adultes
et trouve bien sa place dans le cadre de la loi nigérienne n°98-12.
C'est une éducation alternative qui permet l'acquisition
d'habiletés, de connaissances et de compétences pour se
protéger du VIH/SIDA et améliorer les conditions
d'existence ; d'où une visée dépassant le cadre
restreint de l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le VIH/SIDA et débordant sur des objectifs plus
généraux d'éducation globale de la personne et de la
personnalité.
2.2. L'éducation en matière de
santé
«Education pour la santé» ou
«l'éducation sanitaire» signifie «l'action qui
cherche à informer les populations en vue de leur faire comprendre
l'intérêt et ensuite de leur donner le désir et les moyens
de chercher à protéger, rétablir ou perfectionner leur
propre santé et celle de leur collectivité»
(Labusquier, 1982). Dans un sens plus restreint, Isely (1985) définit
«l'éducation sanitaire comme l'ensemble des efforts
destinés à modifier volontairement le comportement des individus
d'une population en face de leur santé». Il apparaît ici
que l'éducation pour la santé est aussi un concept englobant
dépassant nécessairement le cadre limité de la seule
santé.
Ainsi selon le Dictionnaire actuel de l'éducation,
l'éducation pour la santé est «une éducation qui
vise à faire adopter des attitudes et des comportements favorables au
maintien et au développement de la santé chez les personnes, les
groupes d'individus et les populations» (Legendre, 1993, p.440).
L'ensemble de ces définitions suppose universelle
l'expression d'un point de vue particulier, orienté vers des fins
pratiques de l'existence quotidienne.
La participation des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA qui est au centre de notre étude, n'est pas
de nature académique. Elle consiste en une participation à la
formation, à son résultat sous la forme de connaissances et de
compétences pour se préserver du risque d'infection au
VIH/SIDA.
Dans un souci de compréhension plus claire de la
participation des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA, l'approche andragogique part du postulat que «l'adulte est
un individu qui a un vécu professionnel et affectif important. Si l'on a
la charge de le former, il faut impérativement tenir compte de ce
vécu. Si l'on souhaite que la formation ait une quelconque
efficacité, il est indispensable que l'individu concerné soit
clairement informé des buts de cette formation, ou mieux qu'il ait
participé à leur définition, afin d'obtenir son
adhésion et garantir ainsi sa motivation» (Raynal et Rieunier,
1997, p.266). A ce titre, participer à un programme de formation pour la
santé ne se limite pas pour autant à ce seul domaine, il en
déborde.
En effet l'approche andragogique permet de tenir compte du
milieu social, économique et culturel qui influence le plus souvent
l'accès et la participation des femmes à des programmes
spécifiques de formation comme l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
L'origine socio-économique qui pourrait influencer la
participation des femmes à l'éducation en matière de
santé intervient de manière significative dans leur
décision de suivre ou non cette éducation. Pour toute forme
d'éducation, en particulier l'éducation des adultes et
singulièrement celle des jeunes filles et des femmes, les facteurs
socio-économiques et les attentes personnelles ont un poids relativement
important voire déterminant. Dans un rapport de la Banque Mondiale,
Odaga et Heneveld (1996) soutiennent que «les facteurs
socio-économiques, qui influencent la demande d'éducation des
filles interviennent de manière significative dans les décisions
d'investir, ou non dans cette éducation. «Parmi ces facteurs»,
la pauvreté, les coûts prohibitifs de l'éducation, les
coûts d'opportunité de l'éducation, le manque de
débouchés sur le marché du travail, le manque de
possibilité de poursuivre des études et le rôle
économique essentiel des filles» jouent un rôle
déterminant. (Banque Mondiale, 1996).
Au regard de ce qui précède, il s'avère
indispensable de préciser le sens qui sera donné à
l'expression "origine socio-économique et culturelle".
2.3 Origine socio-économique et
culturelle
Une société est une «communauté
distincte de personnes organisées qui ont des liens durables
d'intérêts, des habitudes, des coutumes, des croyances, des
fidélités, des valeurs et des institutions communes ainsi que des
comportements semblables régis par des lois» (Legendre, 1993,
p.1169).
Ces divers éléments que les membres de la
société ont en commun sont organisés en systèmes.
Ce sont les systèmes culturel, social, économique, politique,
éducatif, etc. Ils sont en interaction permanente.
L'origine socio-économique et culturelle des familles
dont il est question dans notre recherche se réfère aux
systèmes social, économique et culturel de la
société.
Le système social c'est «l'ensemble des
êtres humains, de leurs diverses interactions et des facteurs
conditionnant les rapports interpersonnels dans un milieu» (Legendre,
1993, p.1269).
Dans un sens plus précis, le système social se
réfère essentiellement aux relations humaines dans un milieu
donné.
Quant au système culturel, il désigne
"l'ensemble des aspirations, des connaissances, des idéologies, des
normes, des traditions, des us et des coutumes qui constituent un fait et qui
conditionnent l'existence et les pratiques du système social"
(Legendre, 1993, p.1221).
Il faut cependant remarquer que les relations
interpersonnelles sont régies par des normes et des pratiques
partagées par les membres de la société. Le système
social et le système culturel interagissent.
Les sphères sociales et culturelles se combinent avec
les sphères économiques, politiques et religieuses pour former un
tout au sens des sociologues.
Dans ce «tout», le système économique,
désigne "l'ensemble coordonné des ressources humaines,
matérielles et financières, des buts, des principes, des
règles et des procédés en vue de la réalisation
d'une mission complexe particulière" (Legendre, 1993, p.1214).
Le système économique renvoie à la
mobilisation de toutes les ressources de la société afin de
réaliser des missions spécifiques de production et de
reproduction de la vie. Cette mobilisation des ressources ne peut être
indépendante des facteurs socioculturels. Les modes de production ont
aussi une dimension affective et culturelle.
Ainsi, par origine socio-économique et culturelle nous
entendons l'ensemble des facteurs sociaux, économiques et culturels qui
coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles
d'influencer le comportement des membres de la société. Ici nous
nous intéressons à ces variables à l'échelle de la
famille.
Dans le contexte restreint de la famille, l'origine sociale
désigne «la fonction ou le rôle qu'occupent les membres de la
famille dans la société». Parmi les indicateurs de la
variable fonction/rôle, nous avons retenu chômeur, ouvrier,
employé, cadre supérieur et profession libérale.
Pour nous, la fonction/rôle des individus dans leur
groupe social détermine les conditions, les croyances et les attitudes
de la famille sur la participation à un programme d'éducation
comme l'éducation en matière de santé et de lutte contre
le VIH/SIDA.
Nous définissons l'origine économique comme
l'ensemble des moyens matériels et financiers propres à faciliter
les conditions d'existence des membres de la famille. On peut citer parmi les
indicateurs de cette variable, les sources et les revenus des familles, la
disposition des commodités, le type de résidence et le quartier
de résidence.
L'origine culturelle quant à elle, désigne le
niveau d'instruction des membres de la famille. Les niveaux analphabète,
alphabétisé, primaire, secondaire et supérieur sont autant
d'indicateurs de cette variable. Il y a aussi la variable religion qui a pour
indicateurs musulman, chrétien ou autres.
A cet effet, l'origine sociale, économique et
culturelle sont en étroite relation.
Quant à «L'origine socioculturelle», nous la
définissons comme les manières d'être et d'agir
partagées par les membres de la famille, à travers les normes et
les pratiques partagées par les membres de la société.
Dans une certaine mesure, ce sont les manières d'aborder, de concevoir
la vie et de l'orienter (aspect culturel) ; déterminer la nature et
la qualité des rapports interpersonnels (aspect social). C'est à
ce titre qu'une origine socioculturelle et économique regroupe
l'ensemble de variables sociales, culturelles et économiques qui
coexistent à un moment donné et qui sont susceptibles d'orienter,
de déterminer le comportement des membres de la société.
Nous nous intéressons à ces variables telles qu'elles se
manifestent dans le cadre de la famille.
Avant d'aborder les différentes situations
vécues par les filles, les femmes et leurs familles, il est
indispensable de nous poser certaines questions par rapport à certaines
approches scientifiques relatives à l'éducation en
général et en particulier à la scolarisation des filles et
des femmes. Ces éclairages permettent de mieux cerner le
phénomène de l'accès des femmes à
l'éducation. C'est dans cette tentative d'explication et de
réflexion que nous consacreront la partie qui suit.
2.4. Les travaux de recherche sur la
scolarisation des femmes
Dans cette partie, nous présentons différents
travaux de recherches sur la scolarisation des femmes. L'accès des
femmes à l'éducation dans les systèmes scolaires des pays
d'Afrique subsaharienne dépend de nombreux facteurs dont l'origine
sociale, culturelle et économique. Actuellement, il est ordinaire de
considérer que les origines sociale, culturelle et économique
sont susceptibles d'influencer l'accès des femmes à
l'éducation créant aussi des variations dans les performances
scolaires (Hyde, 1996).
La plupart des études consultées ont
été établies pour répondre à la demande de
divers bailleurs de fonds en vue de clarifier les principaux problèmes
que pose l'éducation des femmes. Ces études aident à
orienter la formulation des politiques et programmes d'éducation. Il est
évident que beaucoup d'efforts ont été consacrés
à ce sujet, lesquels ont produit quelques aperçus
intéressants sur les facteurs qui limitent les possibilités
d'éducation des filles.
Ces études démontrent une complexité de
plus en plus grande des interactions entre les divers facteurs qui entravent la
scolarisation des femmes en Afrique. Ce qui est moins évident, c'est de
déterminer, parmi ces facteurs, ceux qui sont susceptibles de promouvoir
la participation des femmes dans l'éducation.
Nous présentons quelques écrits d'auteurs qui
ont traité de la question, suivant différentes approches, le
problème d'accès des femmes à l'éducation de
façon théorique et empirique, aussi bien en Afrique en
général qu'au Niger en particulier. Mais avant, un aperçu
historique de l'éducation des filles en Afrique est
nécessaire.
2.5. Aperçu historique de l'éducation des
filles en Afrique subsaharienne
La participation limitée des filles dans les
systèmes éducatifs d'Afrique subsaharienne a des
précédents historiques bien connus. Ce qui suit met en
évidence les facteurs identifiés dans la littérature et
qui restreignent l'accès des filles à l'éducation
formelle.
L'islam, et le christianisme figurent parmi les facteurs qui
ont introduit l'éducation non indigène c'est-à-dire
exogène en Afrique subsaharienne. L'éducation des filles
n'était alors envisagée que dans la mesure où elle
favorisait le développement de l'islam ou du christianisme et la
consolidation des communautés religieuses. Lorsque l'administration
coloniale a pris l'enseignement en charge, l'éducation des femmes
n'avait pas d'importance. D'ailleurs l'école occidentale a
suscité des résistances à ses débuts, car
l'idée d'envoyer les filles semblait absurde aux indigènes.
Quand l'éducation des femmes a été
finalement incorporée dans les programmes de développement des
communautés indigènes, le type d'enseignement dispensé
visait à développer les vertus domestiques. Les femmes africaines
formées ne le sont que pour devenir de bonnes ménagères,
et de bonnes mères principalement au profit d'une nouvelle classe
d'employés et au profit de l'église. C'est ainsi que naît
l'idée de la femme épouse, mère et ménagère,
confinée au foyer et économiquement dépendante de son mari
dans la culture africaine. Cette optique occidentale et patriarcale ignore la
valeur essentielle de la femme africaine dans les sphères publiques et
économiques de la société. Les femmes qui ont eu une
éducation occidentale ne pouvaient choisir que la profession
d'infirmière, ou occuper un emploi connexe dans le secteur des soins de
santé, le métier d'enseignante, et le mariage (Banque Mondiale,
1993). Ces options perdurent encore aujourd'hui.
Tous ces facteurs, pratiques et traditions ont limité
la demande sociale d'éducation des femmes en Afrique subsaharienne. Leur
persistance nous amène à poser la question : Quels sont les
facteurs qui limitent les possibilités d'éducation des filles et
des femmes en Afrique actuellement ?
2.5.1.La scolarisation des femmes à travers
l'Afrique subsaharienne
La littérature est relativement abondante sur le sujet
de la scolarisation des filles. C'est le fait en grande partie des agences de
développement international comme la Banque Mondiale, l'Unicef,
l'Unesco, etc.
La littérature sur la scolarisation des femmes a fait
l'objet d'analyses diverses, visant à signaler son importance pour le
développement économique et la santé des populations. Les
sources consultées énumèrent les facteurs qui entravent
l'accès des filles à l'éducation. Ce sont les
études de Akpaka et Gaba (1991) ; Brock et Cammish (1991) et
(1994) ; Banque Mondiale (1993), (1998), Davidson et Kanyuka (1992) ;
Hyde (1993) ; Koukou (1992) ; Lawson-Body (1993) ; Maïga
(1991) ; Sall et Michaud (2002) ; Unesco/Unicef (1992) (1994) ;
Unesco/Onu sida (2001) ; Unesco/IIPE (2003) etc.
Nous avons exploré certaines approches
caractéristiques qui ont privilégié des facteurs
explicatifs d'ordre socioculturel, socio-économique, institutionnel et
politique. Cette analyse nous permettra de mieux comprendre ce que ces auteurs
considèrent comme susceptible d'entraver l'accès des filles
à la scolarisation à partir d'observations empiriques.
Ces facteurs peuvent être classés de
différentes manières. Certains d'entre eux relèvent des
politiques et pratiques institutionnelles, d'autres sont liés aux
coutumes, convictions et attitudes spécifiques à chaque pays
à l'égard des rôles, des responsabilités et des
capacités des femmes. Notre analyse regroupe la documentation disponible
sous deux catégories : celles traitant des facteurs
socio-économiques d'une part et celles relatives aux facteurs
socioculturels d'autre part. Les facteurs socio-économiques et
socioculturels qui influencent la demande d'éducation des filles
interviennent de manière significative dans les décisions
familiales d'investir dans l'éducation des filles. En effet, les
idéologies qui règnent un peu partout en Afrique au niveau des
familles et des communautés favorisent le plus souvent les
garçons au détriment des filles et entraînent des
différences d'opportunités et de résultats sur le plan de
l'éducation.
Selon Unesco/Unicef (1993), environ 36 millions de filles ne
vont pas à l'école en Afrique subsaharienne. Ces écarts
entre les enrôlements scolaires masculins et féminins semblent
être plus marqués dans certains pays du Sahel comme le Burkina
Faso, le Mali, le Niger et le Tchad où les effectifs féminins
baissent lors du passage d'un niveau d'enseignement à un autre. En 1990,
les filles représentent 45% des élèves du primaire, 40% du
secondaire, et 31% du supérieur dans ces mêmes pays (Unesco,
1996). Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons en
Afrique, leur accès à la scolarisation se rétrécit
partiellement entre les niveaux primaire et secondaire. Ceci est dû aux
faibles performances de ces dernières aux examens nationaux et aussi
à l'insuffisance de l'offre d'éducation. Il ressort d'une analyse
de l'éducation des filles en Côte d'Ivoire que celles-ci, une fois
l'enseignement primaire achevé, ont 37% de chance de moins que les
garçons d'aller au secondaire et, lorsqu'elles ont terminé le
premier cycle du secondaire (collège), elles ont 14% de chance de plus
que les garçons de poursuivre dans le deuxième cycle du
secondaire (lycée) (Appleton et All, 1990).
L'accès à l'enseignement primaire n'est qu'une
partie du problème qui se pose aux filles. Une fois scolarisées,
elles ont souvent des taux de redoublement, d'échec et d'abandon qui se
traduisent par de faibles taux d'achèvement du primaire. L'abandon
scolaire chez les filles est associé à leurs faibles performances
scolaires et il est évident selon Hyde (1994) que les filles ont souvent
des résultats inférieurs à ceux des garçons dans
les enseignements primaire et secondaire. Cette situation trouve son
explication dans la pauvreté des familles et l'analphabétisme
élevé des femmes en Afrique. L'Unesco (1995) affirmait que
«les femmes et les filles sont prisonnières d'un cycle qui fait
que les mères analphabètes ont des filles, qui l'étant
aussi, se marient très jeunes, et sont condamnées à leur
tour à la pauvreté, à l'analphabétisme , à
un taux de fécondité élevé et à une
mortalité précoce» (Unesco, 1995, p.44).
Une étude sur les redoublements et les abandons dans
les écoles primaires effectuée au Mozambique conclut que le
facteur le plus important qui entraîne les mauvais résultats
scolaires est le travail pour la survie de la famille (Palme, 1993). En
Côte d'Ivoire, les effectifs féminins des écoles
secondaires publiques et privées sont restés aux alentours de 30%
au cours des dix dernières années et il y a une forte proportion
de redoublement et d'abandon entre le premier et le deuxième cycles de
l'enseignement secondaire (Eholie, 1993). Au niveau universitaire, les taux de
redoublement et d'abandon sont aussi élevés chez les filles. Les
taux sont de 3% pour les hommes et de 20% pour les femmes à
l'Université de Makerere en Ouganda (Naidu, 1992).
Un autre aspect saillant de la sous représentation des
femmes dans l'éducation est la répartition des sexes selon la
discipline. Les femmes ont généralement tendance à suivre
des programmes d'éducation et d'art et sont
sous-représentées dans les programmes de sciences et de
mathématiques qui sont plus fréquentés par les hommes. Par
exemple, en 1990 dans l'enseignement secondaire en Côte d'Ivoire, 23,2%
des étudiants en lettres, 13,2% des étudiants en sciences
commerciales, 12,2% des étudiants en sciences naturelles et 7,1% des
étudiants en mathématiques étaient des filles (Eholie,
1993). La présence des filles et des femmes dans les cours de sciences,
de mathématiques et de formation professionnelle et technique est
très faible. Ce qui a pour effet selon Naidu (1992) de limiter
l'accès des femmes au marché officiel du travail ou bien elles
sont orientées vers les emplois inférieurs.
D'une manière générale,
l'analphabétisme des femmes demeure très élevé.
C'est sur cette toile de fond que se présente l'analyse ci-après
des obstacles à l'éducation des filles et des femmes en Afrique
subsaharienne.
Dans la partie qui suit, nous mettons en relief les facteurs
socioculturels identifiés dans la documentation comme facteurs
restrictifs de la scolarisation des femmes dans l'éducation formelle.
2.5.2. Approche socioculturelle
L'approche socioculturelle a donné lieu à une
série de travaux de nombreux chercheurs en sociologie de
l'éducation qui ont établi un ensemble de résultats
concordants quant à l'influence des facteurs socioculturels sur
l'accès à la scolarisation des femmes en Afrique.
Selon les tenants de cette approche, la désignation de
l'enfant qui bénéficiera de l'investissement en éducation
dépend en grande partie de l'idéologie dominante sur le
rôle respectif des hommes et des femmes. Il s'agit d'attitudes
socioculturelles, c'est-à-dire du comportement que la
société attend de ses membres. L'attitude des parents et des
familles influence fortement la décision d'investir dans
l'éducation des enfants.
Les travaux des auteurs comme Davidson (1993), Davidson et
Kanyuka (1992), Kapakasa (1992), Prather (1991), Lange (1994) mettent en
évidence une ambivalence à l'égard de l'investissement
dans l'éducation des femmes qui repose sur de nombreuses perceptions
négatives sur les filles et les femmes. Certains parents pensent que les
garçons sont plus intelligents, qu'ils obtiennent de meilleurs
résultats scolaires et qu'il est plus rentable d'investir dans leur
éducation que dans celle des filles. En outre, les parents craignent de
gaspiller de l'argent pour instruire les filles qui risquent d'être
enceintes ou de se marier avant la fin de leurs études. Il est
généralement considéré que les filles, une fois
mariées, font partie d'une autre famille, de ce fait, tout
investissement parental sur les filles est perdu.
Dans certaines communautés et familles, les filles
instruites sont mal vues. Par exemple au Tchad, les parents croient que les
écoles poussent les filles instruites à se prostituer, les
incitent à tromper leur mari et les rendent difficiles à
être contrôlées par les parents (Bello et all, 1993). Dans
certaines régions du Cameroun, les filles instruites sont
considérées comme étant trop indépendantes et trop
exigeantes. Les familles craignent qu'elles ne soient pas des épouses
dociles (Cammish et Brock, 1994).
Envoyer les filles à l'école risque d'être
une entrave au mariage à cause des idées répandues sur les
filles instruites. C'est pourquoi les parents craignent de laisser leurs filles
trop longtemps à l'école (Brock et Cammish, 1991 ; Kapakasa,
1992 ; Niane et all, 1993).
Les espérances socioculturelles des filles et la
priorité donnée à leur rôle futur d'épouse et
de mère ont un impact fortement négatif sur leurs
possibilités d'instruction. Les coutumes et croyances influencent les
décisions d'envoyer les filles à l'école ou de les retirer
(Unicef, 1996).
En effet, craignant que les filles scolarisées
n'aillent à l'encontre des us, coutumes et normes sociales
traditionnelles certaines familles préfèrent ne pas envoyer leurs
filles à l'école. Sall et Michaud (2002), rapportent "qu'il
existe des pères et des maris africains qui croient que refuser d'offrir
une éducation formelle aux filles devient la garantie qu'elles vont
jouer leur rôle traditionnel d'épouse et de mère". Bowman
et Anderson (1980), cités par Sall et Michaud (2002), avaient
noté que la perception traditionnelle du rôle des filles
déterminait non seulement la décision de les inscrire à
l'école, mais aussi la période de temps durant laquelle elles y
demeurent. Dans certains milieux, pour atteindre cette fin, on leur impose de
se marier très tôt.
Les traditions liées aux mariages précoces qui
aboutissent le plus souvent à des grossesses précoces et à
des maternités rapprochées constituent un obstacle majeur pour la
scolarisation des filles surtout en Afrique. Les mariages précoces
peuvent être expliqués pour des raisons d'ordre moral et de
préservation de l'honneur de la famille (MINEDAF VII, 1998).
Mais en Afrique, les traditions sont tenaces et difficiles
à combattre surtout dans les zones rurales qui sont restées
à l'abri des mutations des mentalités apportées par la
modernisation qui se fait sentir beaucoup plus dans les grands centres
urbains.
Les cérémonies d'initiation restent importantes
dans certaines communautés d'Afrique subsaharienne. La recherche en
sociologie et en éducation a exploré l'influence de ces
cérémonies sur la fréquentation scolaire des filles. Selon
Kapakasa (1992) et Lewis (1990), les jeunes filles initiées ont du mal
à revenir à l'école et à se concentrer sur leurs
études parce que leur esprit est alors centré sur le mariage.
Certains parents préfèrent le mariage à l'école
pour leurs filles pour une question d'honneur et de conviction religieuse.
Pourtant, de nos jours, il est de plus en plus admis
qu'«éduquer une femme c'est éduquer une nation». A cet
effet, un rapport de la Banque Mondiale soutient "qu'en offrant aux femmes
la possibilité de s'instruire, un pays peut réduire la
pauvreté, améliorer la productivité, alléger les
pressions démographiques et assurer à ses enfants un meilleur
avenir" (Herz, Subbaro, Habib et Raney, 1993 p. iii).
Au Niger, ces questions ont autant d'importance qu'ailleurs si
l'on pense au rôle dévolu aux ressources humaines dans le
développement. La recherche sur l'accès des femmes à
l'éducation n'y est pas encore fortement développée. Parmi
les rares études, sur la fréquentation et la scolarisation des
filles au niveau primaire au Niger en 1991, il a été
identifié un certain nombre de facteurs qui entravent la scolarisation
des filles.
Parmi ces facteurs, le facteur religieux est l'un des plus
déterminants ou le plus souvent cité. Selon les
représentations sociales, les filles qui vont à l'école
prennent beaucoup de liberté ; l'école dégrade les
moeurs, surtout chez celles qui n'ont pas réussi. Ensuite,
particulièrement, l'islam serait peu favorable à la
scolarisation, surtout des filles (Maïga, 1991). La perception
générale est que "les filles n'ont pas besoin de savoir lire
puisqu'elles ont peu de chance d'être éduquées, elles n'ont
besoin que d'apprendre les prières" (Anderson-Levitt et All, 1994).
En conséquence les filles fréquentent en général
l'école coranique moins longtemps que les garçons.
Une autre étude réalisée au Niger,
citée par Sall et Michaud (2002), a scruté les perceptions
entretenues à l'égard de l'éducation des femmes dont les
conclusions sont d'une part les inconvénients perçus : les
familles où les filles sont instruites ne profitent pas de leur travail
physique ; plus les filles demeurent longtemps à l'école,
plus grande est leur chance d'avoir une grossesse hors mariage ; les
examens de fin d'études coïncident avec l'âge traditionnel du
mariage des filles ; et enfin le fait de savoir lire et écrire
n'augmente pas les perspectives d'emploi (Colclough, Rose et Tembon, 1998)
L'autre obstacle principal à la scolarisation des
filles est le mariage précoce. Une étude menée en 1995 par
le CERPOD (Centre d'Etudes et de Recherche sur la Population pour le
Développement) révèle que 45% des femmes
nigériennes se marient avant l'âge de 15 ans, contre 9% au Burkina
Faso, 17% en Gambie et 19% au Sénégal. Une enquête de
l'Unicef (2000) rapporte que 44% des femmes nigériennes actuellement
âgées de 20 à 49 ans, ont été mariées
avant l'âge de 15 ans, contre 34% au Tchad, et 21% au Burkina Faso. Cette
situation de mariage précoce au Niger est responsable de 30% des
abandons scolaires des filles selon l'Unicef (2000). L'étude
complémentaire à la recherche faite par Maïga (1991),
réalisée par l'UNICEF/UNESCO (1992), insiste sur le faible taux
d'accès à l'éducation des femmes au Niger est dû
à la pauvreté des populations, ce qui entraîne le niveau
extrêmement élevé de l'analphabétisme des femmes.
Pourtant, selon l'Unicef (1999) "l'éducation des
filles a un impact vital sur l'ensemble du développement humain. Non
seulement elle fait diminuer la mortalité infantile des moins de cinq
ans, en même temps qu'elle améliore la nutrition et la
santé des enfants en général, mais elle réduit
aussi la croissance démographique".
Les facteurs socioculturels ont des effets négatifs sur
l'éducation des filles. Ils affectent l'accès à
l'éducation de celles qui veulent entreprendre des études et la
persévérance de celles qui y sont déjà. Cependant,
certains spécialistes démontrent que le manque de ressources pour
couvrir les coûts directs et d'opportunité de l'éducation
des filles est aussi l'un des grands obstacles. Ces conceptions sont
défendues par les tenants de l'approche socio-économique dont les
travaux sont présentés dans la section qui suit.
2.5.3. Approche socio-économique
Envoyer les filles à l'école entraîne pour
les familles des coûts directs et d'opportunité prohibitifs
surtout pour les familles pauvres et rurales. Ces contraintes
économiques et certaines perceptions sous-tendent la décision de
ne pas envoyer les filles à l'école ou les retirer. Plusieurs
publications scientifiques éclairent les liens entre les niveaux
socio-économiques de la famille et l'accès à
l'éducation des filles (Asomaning et All, 1994 ; Njeuma,
1993 ; Palme, 1993).
Les dépenses liées aux frais de scolarisation,
les tenues et fournitures scolaires sont quelques-uns des motifs
invoqués par les parents pour justifier le non envoi de leurs enfants
surtout les filles à l'école.
Ces coûts prohibitifs de l'éducation limitent la
possibilité de faire instruire les enfants des communautés et des
ménages démunis. Au Mali, par exemple les parents doivent acheter
tout le mobilier de l'école et faire une contribution mensuelle, ce qui
constitue un engagement économique que certaines familles ne peuvent pas
ou ne veulent pas prendre pour les filles (Soumaré, 1994). Pour des
raisons de décence et de sécurité, certaines études
ont montré qu'au Ghana, en Guinée, au Malawi et au Zimbabwe, les
coûts de scolarité sont plus élevés pour les filles
que pour les garçons. Cela tient en partie au coût des uniformes
des filles qui ne portent pas volontiers des uniformes déchirés
ou mal ajustés. En plus, les parents dépensent davantage pour le
transport des filles pour leur éviter d'éventuelles agressions
par des hommes (Davidson et Kanyuka, 1992 ; Hyde, 1993 ; Kapakasa,
1992).
Les résultats des études descriptives
révèlent l'existence de lien entre le statut
socio-économique des familles et l'accès à
l'éducation des femmes. Mais comme le souligne Lawson-Body (1993),
l'accent a souvent été mis sur le statut socio-économique
du père comme élément de référence dans ce
cas explicatif : relation «origine sociale» versus
«accès à l'éducation des filles».
Examinant, en particulier, comment le revenu et le niveau
d'éducation des parents affectent l'accomplissement de la
scolarité dans les pays en développement, Cammish et Brock (1994)
montrent que sous l'effet des contraintes financières, ce sont les
filles plutôt que les garçons qui ne vont plus à
l'école ou qui en sont retirées. Ces auteurs suggèrent que
les filles des familles plus aisées des zones urbaines ont plus de
chances de fréquenter l'école et d'y rester longtemps que les
filles des familles pauvres dans les zones rurales. En outre, dans les
régions où les taux de scolarisation sont
généralement peu élevés, les écarts entre
garçons et filles sont plus importants.
Une étude de McSweeney et Freedman (1980)
réalisée au Burkina Faso, rapportée par Sall et Michaud
(2002) a mis en évidence que dans plusieurs villages, les femmes ne
voient pas les retombées positives de l'éducation. Les programmes
qui semblent les plus appréciés sont les rares programmes
pratiques qui mettent l'accent sur l'agriculture, les métiers et la
santé. Ce sont les seuls programmes qui attirent les femmes. Ces
quelques constats n'excluent pas le fait que les perceptions des avantages
procurés par l'éducation des femmes varient beaucoup de village
en village et de famille en famille. La décision de faire instruire une
fille dépend des bénéfices économiques et sociaux
perçus par les parents et les personnes dans leur environnement
immédiat.
Cependant, dans de nombreux pays en développement,
certains élèves doivent couvrir eux-mêmes les coûts
de leur éducation. Ceci a un impact négatif sur la durée
de leur scolarité voire leur accès à l'éducation.
La tendance à faire supporter les dépenses d'éducation par
les parents selon le principe du partage des coûts est fort probablement
préjudiciable à la scolarisation des filles selon Naidu (1994).
Quand les droits de scolarité ont été instaurés au
Nigeria, entre 1982 et 1986, les taux de fréquentation de l'école
primaire ont chuté de 92 à 75 % (Obadina, 1993).
Au Mozambique, les frais de scolarité sont
considérables et dépassent les possibilités
financières d'un grand nombre de familles rurales ou suburbaines. La
plupart des familles rurales ne peuvent pas envisager d'envoyer leurs enfants
surtout les filles, à l'école en ville pour achever le cycle
primaire ou suivre l'enseignement secondaire. Les questions de logement, de la
prise en charge, de l'entretien de la fille et de l'acquisition du
matériel scolaire sont autant de préoccupations des parents
ruraux (Palme, 1993).
Au Cameroun, les frais d'inscription des écoles
secondaires sont trop élevés, ce qui semblerait affecter les
filles plus que les garçons (Cammish et Brock, 1994).
Selon des auteurs comme Asomaning et All (1994), Camfed
(1994), Brock et Cammish (1991) et Fanta (1991), pour les jeunes filles qui
fréquentent l'enseignement primaire, secondaire ou supérieur, la
nécessité d'assumer les coûts de leurs études les
amène souvent à avoir des relations sexuelles avec des hommes
plus âgés qui peuvent les entretenir, ou les employer comme
domestiques.
De telles relations impliquent le risque de grossesse qui peut
mettre fin à leurs études. Ceci expose aussi les filles aux
infections sexuellement transmissibles y compris le sida.
En Afrique Subsaharienne par exemple la dégradation de
la situation économique conduit beaucoup de jeunes femmes à la
prostitution. A cet égard, une étude sur le Matebeland en Afrique
du Sud indique que «les adolescentes ont sept fois plus de risque
d'être séropositives que les garçons de leur
âge» (Camfed, 1994).
Avec la croissance rapide de l'urbanisation, la demande de
main-d'oeuvre domestique dans les zones urbaines s'est elle aussi accrue. Les
ménages ruraux pauvres ont répondu à cette demande en
envoyant leurs filles sur le marché de l'emploi domestique en
échange de revenus réguliers. Ceci contribue évidemment
à maintenir les filles hors de l'école selon Fanta (1991), Niane
et All (1992), et Lange (1994). D'ailleurs, des auteurs comme Bownman et
Anderson (1980), McSweeney et Freedman (1980), Davidson et Kanyuka (1992),
cités par Sall et Michaud (2002), ont constaté que le manque de
temps explique la faible participation des filles aux activités
éducatives. C'est ainsi que McSweeney et Freedman (1980, cités
par Sall et Michaud, 2002), estimaient que les femmes en Afrique ne disposaient
seulement que d'une heure et vingt minutes par jour de temps qui n'était
pas consacré à des tâches domestiques ou familiales.
D'autres recherches effectuées par le Department of
Community Development du Ghana montrent que les jeunes filles rurales sont
souvent envoyées en ville pour servir de domestiques dans les familles
auxquelles elles sont ou non apparentées. Les départs ont souvent
lieu pendant les années d'école primaire. Les parents sont
payés pour les services assurés par leurs filles, mais celles-ci
n'ont que peu ou pas de possibilités de retourner à
l'école (Asomaning et All, 1994).
Le travail des enfants est indispensable à la survie de
certains ménages, aussi la fréquentation de l'école
représente-t-elle un manque à gagner. D'une manière
générale, les enfants des zones rurales de la Guinée et du
Mali passent plus de temps à travailler dans les ménages que ceux
des zones urbaines. Il y a moins de filles venant des zones rurales dans les
écoles (Soumaré, 1994). D'autres formes d'éducation sont
considérées par la société comme étant plus
efficaces que le système formel d'enseignement pour préparer les
filles à leur rôle d'épouse et de mère. Les familles
jugent en général la valeur de l'éducation en fonction des
rémunérations obtenues sur le marché du travail. Les
parents estiment que l'apprentissage donne des aptitudes pratiques aux jeunes
du pays mieux que l'éducation formelle. Ces programmes sont
appréciés par les parents qui souhaitent que leurs filles
acquièrent quelques compétences pratiques avant de se marier. La
couture et le commerce sont particulièrement recherchés selon
Gaba (1992). Dans certains cas, les filles quittent l'école
d'elles-mêmes pour s'engager dans les activités
économiques. Souvent les parents et les familles invoquent le manque de
ressources pour expliquer la non scolarisation des filles. La pauvreté
impose certes de réelles limites à la fréquentation de
l'école; les coûts économiques de l'éducation sont
prohibitifs pour certaines familles. Les recherches en éducation donnent
cependant à penser que cette situation doit être examinée
de près. Des études menées au Niger, dans la région
de Maradi et Zinder, suggèrent en effet que le manque de moyens
peut-être dans certains cas, un prétexte à la
réticence des parents et des familles à investir dans
l'éducation des filles. De la même manière leur perception
socioculturelle du rôle des femmes dans la société est une
entrave à la scolarisation des filles (UNICEF, 1994). En effet,
l'école coloniale n'enseignait aucune habileté pratique
socialement valorisée ou reconnue, rendait les femmes encore plus
dépendantes des hommes. Celles qui y sont allées, sont
perçues comme non productives du point de vue économique, car
elles en sortaient avec des perceptions archaïques et des habiletés
périmées (Robertson, 1984).
Les facteurs socio-économiques et culturels et les
perceptions des communautés sur l'école entravent
l'éducation des femmes. Leurs effets sur l'instruction des femmes les
relèguent au bas de la hiérarchie et leur présence reste
symbolique. A ce titre, il est utile de bien comprendre comment les origines
socioculturelles et socio-économiques déterminent la
participation des femmes à des programmes qui les visent comme cibles
principales, afin de formuler des stratégies destinées à
lutter contre l'analphabétisme, et à prémunir les femmes
contre le risque d'infection au VIH/SIDA.
En effet, la documentation spécialisée montre
que les femmes en Afrique manquent d'information et d'éducation en
matière de santé en général, et du sida en
particulier. Beaucoup de femmes courent des risques parce que personne, y
compris les éducateurs, les agents de santé ou les médias,
ne leur a parlé du VIH/SIDA ou du moins ne leur dit comment se
protéger et protéger les autres. Bien qu'on sache depuis plus de
quinze ans selon l'ONUSIDA (2001) dans le monde entier qu'il faut faire
intervenir l'éducation et la communication pour stopper le VIH/SIDA. Les
femmes n'ont encore que des possibilités limitées d'apprendre ce
que c'est le VIH/SIDA.
Bien qu'on reconnaisse largement l'importance de
l'éducation concernant le VIH/SIDA, seuls 18% des écoles en
Afrique ont un programme complet d'éducation en matière de
santé en général, et du sida en particulier (ONUSIDA,
2001).
Or, selon ONUSIDA/UNESCO (2002), dans beaucoup de pays
d'Afrique Subsaharienne, les missionnaires chrétiens ont
découragé les rites d'initiation qui définissaient le
passage de la jeunesse à l'âge adulte et qui prenaient en charge
l'éducation sexuelle. L'occasion de parler aux jeunes de la
sexualité a été ainsi perdue comme il se faisait
traditionnellement dans le cadre de ces rites. Les liens et les traditions
sociaux qui servaient à mouler le comportement des jeunes et à
les aider à faire la transition vers l'âge adulte se sont
affaiblis en présence de nouvelles attitudes à l'égard de
la sexualité. C'est pourquoi, il y a plus de jeunes (hommes et femmes)
qui sont sexuellement actifs mais qui manquent d'information suffisante pour se
protéger du sida notamment.
Jusqu'ici, le manque de compréhension de la propagation
du sida dans différents milieux s'est aggravé par le fait que le
grand public n'est pas suffisamment informé sur la nature de la maladie
et ses modes de transmission.
Les enquêtes démographiques et de santé
(EDS) effectuées en 1996 par la Banque Mondiale, au Burkina Faso, en
Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Kenya, en Tanzanie et en Zambie, ont
constaté que de 20% à 50% des femmes de ces pays ne connaissent
aucune méthode de prévention du VIH/SIDA. Parmi les
professionnelles du sexe du Mali, 17% seulement sont capables de nommer les
méthodes de prévention et quelques symptômes du sida selon
la Banque Mondiale (1996). Les jeunes femmes ont beaucoup moins de
connaissances du VIH que les jeunes hommes à travers le monde. Par
exemple, dans les pays d'Afrique Subsaharienne le pourcentage des femmes qui
connaissent un moyen de se protéger contre le VIH/SIDA est de
moitié le pourcentage des hommes (Banque Mondiale, 1996). En outre, les
femmes hésitent souvent à s'insurger contre les informations
erronées que leur donnent leurs partenaires masculins, de peur de
sembler être trop informées sur la sexualité. Beaucoup
parmi ces femmes à travers le monde, pensent à tort que le
VIH/SIDA peut se transmettre par des façons qui n'ont rien à voir
avec les risques connus.
Dans des enquêtes menées en Papouasie Nouvelle
Guinée chez les étudiantes à qui il a été
demandé comment se protéger contre le sida, 27% ont
déclaré qu'il suffisait de savoir que leur partenaire n'avait pas
eu de rapports sexuels durant les six mois précédents. Parmi ces
enquêtées, plus de 30% ne savent pas qu'une personne qui
paraît en bonne santé peut être séropositive. En
Afrique du Sud et au Lesotho, 50% à 75% des femmes âgées de
15 à 24 ans ne savent pas qu'une personne atteinte du sida peut sembler
en bonne santé (ONUSIDA/UNESCO, 2003).
Des enquêtes CAP (Connaissances, Attitudes, et
Pratiques) effectuées dans certains pays d'Afrique Subsaharienne par la
Banque Mondiale en 1994 ont noté que 15% seulement des femmes de ces
pays croyaient qu'on pouvait attraper le VIH à la suite d'une
piqûre de moustique, ou en buvant au même verre utilisé par
une personne infectée.
De fausses informations au sujet de la transmission du VIH
contribuent à des attitudes négatives et le manque
d'éducation éloigne davantage les femmes de la
réalité du sida.
Le VIH/SIDA a pendant longtemps été
considéré comme un problème essentiellement
médical. Mais aujourd'hui, il est admis que la prévention est
capitale et que l'éducation pourrait bien être l'une des armes
possibles contre la transmission du VIH/SIDA. Les bas niveaux d'instruction et
la non maîtrise des langues du milieu restreignent le plus souvent
l'accès des femmes à l'information et aux services qui pourraient
atténuer les risques de contracter le sida.
D'une manière générale, plus le niveau
d'éducation est élevé, moins on est vulnérable
à l'infection du VIH/SIDA selon IIPE (2003). Une étude
menée à Abidjan en Côte d'Ivoire, par Yelibi, Valenti et
Volpe (1998) a montré que 38% de toutes les immigrantes ne comprenaient
pas le français et par conséquent ne recevaient aucune
information sur la prévention du VIH/SIDA véhiculée dans
ladite langue.
Les femmes nigériennes n'échappent pas à
cette catégorie de femmes sous informées et moins
éduquées en matière de VIH/SIDA. En effet, l'enquête
CAP (Connaissances Attitudes et Pratiques) effectuée au Niger en 1991,
souligne que seuls 5% des femmes âgées de 15 à 24 ans
connaissent les modes de transmission et prévention du VIH/SIDA (Banque
Mondiale, 1997). Une autre enquête menée au Niger en 1998, par le
Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), rapporte que les hommes
résistent à l'utilisation du préservatif que les femmes
sont incapables d'obtenir par la persuasion des pratiques sexuelles plus
sûres qui les préserveraient du risque accru d'infection par le
VIH. Souvent les hommes profitent de la naïveté des femmes, pour
les arguer d'une perte de sensibilité avec le préservatif, et de
leur ignorance quant à la manière de l'utiliser correctement. Ces
mêmes hommes craignent que l'usage du préservatif ne compromette
la fécondité de manière permanente. Les plus
extrémistes croient que le préservatif contient le virus du sida,
et qu'il est prohibé par la religion musulmane.
Ce panorama du manque d'éducation en
général et d'information sur le VIH/SIDA chez les femmes indique
que ces dernières sont sous informées sur la pandémie. Ce
manque de connaissances les expose au risque d'infection au VIH. Beaucoup
d'idées fausses existent et persistent dans les communautés ayant
un accès limité à une information exacte. Souvent, les
mythes portent préjudice aux femmes victimes de discrimination.
A ce point de la revue de la littérature, il est
intéressant de se demander quelles peuvent être les
finalités des actions éducatives ciblant particulièrement
les femmes. C'est à cette question que sont consacrés les
paragraphes suivants.
Pour pallier le faible taux d'accès des femmes à
l'éducation, les programmes de santé et de lutte contre le sida
doivent jouer un rôle important dans l'effort d'accroître le nombre
et la qualité de vie des bénéficiaires. Pour ce faire, ils
doivent inclure non seulement l'éducation préventive pour les
plus jeunes, mais aussi doivent également comporter un volet
alphabétisation et des méthodes non formelles pour
l'éducation des adultes. En plus d'assurer l'éducation de base
pour tous, ces programmes doivent permettre aux auditeurs d'acquérir les
compétences essentielles pour qu'ils puissent communiquer et comprendre
des informations sur la pandémie du sida. Enfin, ces programmes
devraient adopter des stratégies de défense contre le VIH/SIDA
qui tiendraient compte du niveau d'information des populations sur le sujet.
De nombreuses recherches indiquent que l'information sur le
VIH/SIDA est d'abord véhiculée par les médias, ensuite par
les parents, les amis et les connaissances.
Selon Quenum (2000), toute information véhiculée
par la radio, qui est pour beaucoup d'africains l'une des principales sources
d'information, est d'emblée considérée comme
crédible et digne de foi. Des sondages indiquent également
qu'après les sujets politiques, la santé vient en seconde
position dans les attentes du public des médias. Les centres de
santé aussi dispensent à tous ceux qui les fréquentent
surtout les femmes, une bonne éducation en matière de
santé. Les médias sont mis largement à contribution pour
atteindre le grand public.
Au Niger, dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA, le
PNLS/IST, les ONG de lutte contre le sida, les Associations professionnelles et
confessionnelles tentent de faire prendre conscience aux populations des
risques liés à l'infection du VIH/SIDA. Le changement de
comportement souhaité passe par trois composantes : Information,
Education et Communication (IEC). L'information à partir de ce que les
populations connaissent en matière de santé et du sida ;
l'éducation à partir des méthodes pédagogiques
susceptibles d'informer les populations en vue de leur faire comprendre de
l'intérêt qu'elles ont à se protéger et ensuite de
leur donner les moyens de chercher à se protéger ; la
communication enfin à partir des canaux les mieux adaptés pour
une population en majorité analphabète.
L'éducation en matière de santé et de
lutte contre le sida présente une composante pratique. Il est utile de
suivre ces programmes pour améliorer les conditions de vie des
bénéficiaires en général et des femmes en
particulier.
Comme toute action éducative, l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida devrait viser des
changements de comportements, entraîner de nouvelles conceptions
«plus rationnelles» et améliorer les conditions ou le cadre de
vie quotidienne.
A titre d'exemple, les buts visés pour un changement de
comportement responsable afin de répondre à la menace d'une
maladie peu comprise, seraient :
· de protéger les jeunes en leur fournissant des
informations et une éducation qui encourage un comportement sans
risque ;
· d'améliorer l'accès aux
préservatifs masculins et féminins et à leur
utilisation ;
· de prévenir la transmission sexuelle du VIH et
des autres IST qui facilitent la diffusion du sida ;
· de mettre les femmes et les filles en mesure de refuser
les relations sexuelles dans des conditions dangereuses, de s'abstenir de
relations sexuelles en cas de doute et de négocier l'utilisation de
préservatifs ;
· de scolariser les filles et leur garantir un cadre
d'apprentissage sûr et efficace pour qu'elles poursuivent leur
scolarité normalement.
Au total, sous l'éclairage des différentes
recherches citées, nous percevons que la problématique de
l'accès des femmes à l'éducation en général
semble englober un vaste champ concernant divers facteurs. Ces facteurs sont
souvent d'origine culturelle, sociale, religieuse, idéologique et
économique.
Pour le besoin de notre recherche, nous ne nous
intéressons qu'aux seules causes socioculturelles et
socio-économiques qui sont à nos yeux plus déterminantes
de l'accès des femmes à l'éducation en
général, et à l'éducation en matière de
VIH/SIDA en particulier.
«Sans l'éducation pour les filles et les
femmes, il n'y a pas de développement possible» déclare
madame Torid Skard de l'UNICEF (1998). Si l'Afrique veut entrer dans le
XXIè siècle avec une démographie maîtrisée,
une population instruite et qualifiée, un espoir de réaliser son
développement humain durable, elle doit miser à 100% sur la
scolarisation des filles , mères et agents de développement de
demain. L'éducation en matière de santé et de lutte contre
le VIH/SIDA participe à cet effort global.
Au même titre, ces approches éducatives peuvent
être des contributions appréciables à l'atteinte des
objectifs d'éducation pour tous tout au long de la vie. La
généralisation de tels programmes éducatifs alternatifs
accélèrerait l'atteinte des objectifs visés par Dakar 2000
et les objectifs de 2015, etc.
CHAPITRE 3
Cadre problématique
La revue de la littérature relative à
l'accès des femmes à l'éducation et
particulièrement à l'éducation en matière de
VIH/SIDA et le cadre conceptuel nous ont guidé dans le choix des
variables que nous allons présenter dans cette partie. Les variables
explicatives qui sont à la base des inégalités entre genre
en matière d'éducation sont d'origine sociale, économique
et culturelle.
Dans ce cadre problématique, nous cherchons à
déterminer la relation entre la participation des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'origine sociale,
économique et culturelle de leurs familles.
La variable expliquée (effet) est la participation des
jeunes filles et des femmes à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le VIH/SIDA.
La variable intermédiaire (processuelle) est
l'éducation, particulièrement l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.
Il s'agit de voir d'une part, les relations que ces deux
groupes de variables (effet, et processuelles) entretiennent avec les variables
d'entrée qui sont les caractéristiques individuelles des femmes
et d'autre part, vérifier si l'origine sociale, économique et
culturelle de la famille est favorable ou non à la participation des
jeunes filles et des femmes au programme d'éducation en matière
de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.
Le cadre problématique classique utilisé
comprend généralement trois (3) types de variables qui sont les
variables d'entrée, les variables processuelles et les variables
effets.
Les variables d'entrée sont les caractéristiques
individuelles, socioculturelles et socio-économiques de la population
ciblée. Ces variables sont statiques et ne sont pas susceptibles de
changement tout au long de notre travail.
La variable processuelle concerne l'éducation,
particulièrement l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le VIH/SIDA. Cette variable n'est pas statique, elle peut
être manipulée par le chercheur afin de vérifier les
relations postulées entre deux ou plusieurs variables. C'est un essai de
clarification des relations qui existent entre les variables et les questions
auxquelles le chercheur cherche des réponses.
Les variables effets représentent la situation
causée par les variables processuelles en relation avec les variables
d'entrée. Ce sont les variables qu'il faut expliquer décrire,
améliorer ou comprendre.
3.1. Questions-problèmes et
hypothèses
D'abord rappelons que notre question problème
générale de recherche est :
«Dans quelle mesure l'origine sociale,
économique et culturelle des microcosmes familiaux est-elle favorable ou
non à la participation des jeunes filles et des femmes à des
programmes d'éducation alternative comme l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le
VIH/SIDA ?»
A cette question problème générale nous
émettons une hypothèse générale:
(HYP.G) «L'origine sociale,
économique et culturelle des microcosmes familiaux influence la
participation des jeunes filles et des femmes à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le
VIH/SIDA».
Les différences de participation constatées,
seraient dues aux caractéristiques individuelles des femmes et à
l'origine sociale, économique et culturelle de leurs familles.
L'origine socio-économique et culturelle est une macro
variable à trois (3) dimensions : une dimension sociale, une
dimension économique et une dimension culturelle. Chacune des macro
variables renferme des micro variables et ses indicateurs.
Le tableau n°3 suivant présente les macro
variables origine sociale, économique et culturelle et leurs
indicateurs.
Tableau n°3 Les macro variables et leurs
indicateurs
Macro variables
|
Micro variables
|
Indicateurs
|
Caractéristiques sociales
|
Structure de la famille
|
-Taille de la famille
-Lien de parenté entre les membres de la famille
|
Organisation familiale
|
-Répartition des tâches
-Rôles/Fonction des membres de la famille
-Relation d'autorité
|
Caractéristiques économique
|
Niveau socio-économique
|
-Revenu de la famille
-Sources de revenu
|
Caractéristiques de la résidence
|
-Type d'habitation
-Type d'éclairage
-Approvisionnement en eau potable
|
Caractéristiques culturelles et
antécédents scolaires
|
Passé scolaire de la famille
Attitude vis-à-vis de l'éducation
Rôles et Statuts selon le sexe
Perspective temporelle
|
-Niveau d'instruction des parents, ou du mari et des autres
membres de la famille
-Alphabétisation
-Perception de l'éducation de ses buts et
utilité
-Perception des rôles selon le sexe
-Projets envisagés
|
Religion
|
-Islam, Christianisme, et Autres
|
Ces trois dimensions sociale, économique et culturelle
sont intimement liées. C'est la coexistence d'éléments
sociaux, économiques et culturels spécifiques, à un moment
donné, à un individu et au groupe auquel il appartient, qui sert
de cadre de référence, qui définit et oriente les
comportements des membres de la famille plus précisément la
participation à l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le VIH/SIDA.
La variable participation est une macro variable que nous
présentons dans le tableau n°4 suivant
Tableau n°4 Macro variable
effet :participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA et ses indicateurs.
Macro variable
|
Micro variables
|
Indicateurs
|
Participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA
|
Motivation
Engagement
Origine socioculturelle
Durée dans la formation
|
-Inscription au programme,
-Assiduité à la formation,
-Mise en pratique des acquisitions,
-Exécution des recommandations proposées par le
programme.
Pourquoi ? Par qui ?
Depuis quand ? Combien de temps ?
|
Bénéfices
· Attentes
· Effectifs
|
-Accès à l'éducation
-Alphabétisation
-Savoir se protéger contre le VIH/SIDA
-Apprendre un métier
-Toutes les filles et les femmes âgées de 15
à 49 ans
|
Par rapport à la participation des filles et des femmes
à l'éducation en matière de VIH/SIDA, la question
problème générale et l'hypothèse
générale entraînent les questions spécifiques
suivantes :
1. Le degré d'engagement et de participation des filles
et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il
fonction de l'appartenance sociale de leurs familles ?
2. Le niveau économique des familles, influence-t-il le
degré d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA ?
3. Le degré d'engagement et de participation des filles
et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il
déterminé par l'identification culturelle des familles ?
4. La religion que pratiquent les familles
détermine-t-elle le degré d'engagement et de participation des
filles et des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA ?
Nous pensons que chaque sphère (sociale,
économique, culturelle, religieuse, etc.) prise isolément
influence significativement le degré d'engagement et de participation
des filles et des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
Nous déduisons de notre cadre problématique des
questions-problèmes spécifiques auxquelles sont associées
des hypothèses spécifiques.
· A la question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il fonction de l'âge
de la femme ? nous émettons l'hypothèse que
l'âge détermine le degré d'engagement et de
participation de la femme à l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
· A la question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il lié à
leur statut matrimonial ? nous supposons que le statut matrimonial
détermine le degré d'engagement et de participation des femmes
à l'éducation en matière de VIH/SIDA.
· La question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il déterminé
par leur statut et fonction sociale ? nous laisse penser que le
statut et la fonction déterminent le degré d'engagement et de
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA.
· De la question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il en relation avec leur
niveau d'éducation ? nous déduisons que le niveau
d'éducation influence le degré d'engagement et de participation
des filles et des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
· Pour la question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il fonction de leur
religion ? nous pensons que la religion influe sur le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA.
· Enfin la question spécifique, le degré
d'engagement et de participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA est-il déterminé
par le quartier de résidence ? nous fait supposer que le
quartier de résidence détermine le degré d'engagement et
de participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA.
Après la formulation des hypothèses
spécifiques, nous explicitons les variables prises en compte dans notre
étude.
3.2. Explicitation des variables
Les filles et les femmes qui participent au programme
d'éducation en matière de VIH/SIDA durant l'année
2002-2003 constituent la cible principale de notre recherche. C'est au cours de
cette année que beaucoup d'activités en matière
d'éducation en VIH/SIDA au Niger ont été menées.
3.2.1. Les variables d'entrée
Les variables d'entrée ou explicatives sont les
caractéristiques individuelles des filles et des femmes, leurs
caractéristiques sociales, culturelles, religieuses, économiques,
leurs antécédents scolaires, leur participation à des
actions d'alphabétisation dans un passé récent, etc.
Ces caractéristiques sont les variables
socioculturelles et socio-économiques relatives à l'âge, au
niveau d'instruction, à la position dans la famille et dans la fratrie,
à la situation matrimoniale, à la profession, au quartier de
résidence, à la répartition des tâches, à la
perception des rôles selon le sexe, au lien de parenté entre les
membres de la famille, à la perception de l'éducation, de ses
buts et de son utilité, à la religion pratiquée, aux
sources de revenu, à la participation à l'économie
familiale, au type d'habitation, etc.
3.2.2 Les variables processuelles
La variable processuelle est l'éducation,
particulièrement l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le VIH/SIDA.
Le choix de l'éducation en matière de VIH/SIDA
varie selon que les bénéficiaires sont motivées,
engagées et qu'elles en espèrent tirer des
bénéfices en fonction de leurs attentes. Il serait
intéressant de savoir ce qui motive les femmes et les filles à
rester dans les programmes jusqu'à la fin ou qu'est ce qui les
empêche d'aller jusqu'au bout. Intéressant aussi de
déterminer quels programmes sont offerts et quels programmes sont
souhaités, quels programmes sont annoncés et quels programmes
sont réellement mis en oeuvre, et quelles sont les compétences
visées, etc.
3.2.3. La Variable effet ou
expliquée
Le niveau de participation à l'éducation en
matière de VIH/SIDA est la macro variable effet que nous tentons de
comprendre et d'expliquer dans le cadre de notre recherche.
Les variables de cette macro variable sont importantes pour
nous parce que les études de Perrenoud (1970) et Convers (1975) de
même que les écrits de Caglar (1983) soulignent l'influence
décisive des facteurs sociaux sur la réussite scolaire. Ainsi,
Caglar écrit : «à la fin de la première
année à l'école primaire, les résultats scolaires
de l'élève portent l'empreinte des caractéristiques
culturelles familiales. La durée, la qualité des études de
l'enfant vont dépendre en grande partie de son origine
sociale» Caglar (1983, p.22). Louis Legrand (1993) aussi, affirme que
ce serait «dans la famille que l'échec se prépare par
les habitudes contractées de «codes sociaux» handicapants par
rapport aux exigences de l'école» (Louis Legrand in
préface à Duru-Bellat et Mingat, 1993) cité par SALL
(1996).
Les conditions économiques des parents
déterminent en grande partie une bonne scolarité des enfants
selon la théorie de l'habitus développée par Bourdieu
(1970) pour expliquer la reproduction culturelle et l'inégalité
scolaire.
Les enfants dont les parents ne disposent pas de sources de
revenus substantiels ont d'énormes difficultés pour suivre leurs
apprentissages. Les caractéristiques socioculturelles et
économiques des parents seraient alors déterminantes pour d'une
part, l'accès ou non et d'autre part, pour le maintien ou non des filles
dans le système scolaire. Les conclusions de certaines études
semblent aller dans cette direction : Duru-Bellat (1992) ;
Mime/Martissano (1998) ; Diop/Kane (1998) ; et les résultats
de Sall (1996) qui rapporte que «la préoccupation des
recherches en éducation était de dégager les facteurs
liés aux échecs (ou à la réussite) scolaire compte
tenu des principaux groupes des sociétés étudiées.
Ces principaux groupes identifiés sont généralement les
classes sociales et les catégories socioprofessionnelles. La question
centrale étudiée dans cette perspective avait trait à
l'inégalité des chances. C'est en ce sens que les principales
conclusions des recherches de type classique en sociologie de
l'éducation mettent en exergue les poids des facteurs
socio-économiques et des facteurs socioculturels sur l'échec ou
la réussite scolaire»
Toutes les études fondées sur des données
empiriques et basées sur l'approche sociologique de la réussite
scolaire arrivent à une même conclusion. «Pour les
sociologues de l'éducation, les différences de réussite
scolaire seraient dues aux différences d'environnement social et
culturel et non à des inaptitudes naturelles. Les enfants d'origine
populaire, qui souffrent d'un environnement moins favorable, se retrouveraient
tout naturellement en situation d'échec scolaire» Mime/Martissano,
(1998, p.16)
Après avoir explicité les variables de notre
recherche à travers l'analyse de nos questions problèmes, nous
présenterons le dispositif méthodologique mis en place pour la
vérification de nos hypothèses. Mais avant, rappelons la
spécification du thème, de la problématique et des
hypothèses de la recherche.
Le thème est :Femmes et éducation en
matière de santé et de lutte contre le VIH/SIDA.
Le problème général est de savoir quelles
filles et femmes bénéficient des programmes d'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida au Niger ?.
En tenant compte de notre question générale
telle qu'elle a été formulée (voir chapitre 1, p. 33),
l'objectif général de notre étude est une contribution
à une explication scientifique de l'origine socio-économique et
culturelle des familles qui facilite ou entrave la participation des filles et
des femmes à l'éducation en matière de santé et de
lutte contre le sida. Particulièrement, nous allons tenter de
déterminer :
· dans quelle mesure les approches alternatives ou
projets alternatifs à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le VIH/SIDA peuvent contribuer d'une part
à l'amélioration de l'accès à l'éducation du
plus grand nombre de filles et de femmes, et d'autre part, dans quelles
mesures, ces projets éducatifs alternatifs peuvent améliorer la
qualité ou l'efficacité externe des systèmes
éducatifs traduisibles en compétences, savoirs, savoir-faire,
savoir-être, savoir-devenir socialement utile à chaque individu
tout au long de sa vie.
L'objectif spécifique de notre recherche est
l'identification des facteurs socio-économiques et culturels qui sont
liés à la participation, à la motivation et à
l'engagement des filles et des femmes à suivre ces programmes
d'éducation. Quelles catégories de filles ou de femmes
s'inscrivent à ces programmes ? Quels profits en tirent-elles
réellement ?
Nous mettons dans un tableau de synthèse les variables
retenues dans le cadre problématique restreint à la page 72,
tableau n°5 schéma 1. Il s'agit :
de la variable d'entrée : les
caractéristiques socio-économiques et culturelles des filles et
femmes ;
de la variable processus : l'éducation en
matière de VIH/SIDA, des programmes, des contenus, de la durée de
formation, des lieux où se déroule la formation ;
de la variable effet : la participation à
l'éducation en matière de VIH/SIDA.
3.3.Explicitation du cadre
problématique
Le cadre problématique choisi peut être
manipulé dans un sens quelconque. Ainsi, dans notre recherche, la
direction des relations postulées va de gauche vers la droite
c'est-à-dire des variables entrée vers les variables effets, et
des variables processuelles vers les variables effets. Aucun effet
réciproque ne sera testé. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe
pas ce type d'effet. Bien au contraire, il peut y avoir une causalité
réciproque entre les variables caractéristiques sociale,
économique et culturelle et la participation des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA avec un signe positif ou
négatif à déterminer. De même entre la variable
processuelle et les deux autres groupes de variables.
Un programme donné d'éducation y compris
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le
VIH/SIDA peut être «modifié» compte tenu des
«expériences acquises» lors des différentes phases
d'application ou lors d'une répétition avec d'autres cibles ou
les mêmes cibles quelques temps plus tard.
C'est en fonction des effets obtenus en cours et à la
fin de la formation que le programme peut-être revu : combien
d'inscrites parviennent en fin du programme de formation ? Quel est le
degré de réalisation des objectifs du programme ? Quel est
le degré d'atteinte des objectifs pédagogiques
visés ?
Tableau n°5 Schéma 1 du cadre
problématique
(3)
Variables d'entrée
Variables processus
Education,
Education en matière de VIH/SIDA
-Programmes
-Contenus
-Durée
-Ressources
-lieux
Variables effets
Participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA
-Motivation
-Engagement
-Alphabétisation
-Apprentissage d'un métier,
-Image dans la société
-Possibilité de réinvestissement :
-social
-familial,
-personnel,
-économique etc.
Caractéristiques individuelles
V
Caractéristiques sociales
cccc
Caractéristiques culturelles et
antécédents scolaires
(1)
(2)
Caractéristiques économiques
Religion
L'éducation en matière de santé et de
lutte contre le VIH/SIDA n'est pas une
variable statique. Elle peut être influencée par
les variables d'entrée entre autre par l'âge ou la profession par
exemple.
Donc nous pouvons dire qu'il existe une relation entre les
variables d'entrée et les variables processus (flèche
n°1).
La relation entre l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le VIH/SIDA et la participation des filles et
des femmes à cette éducation (flèche n°2) constitue
l'élément central de notre recherche. Les différences de
participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA des
femmes s'expliqueraient-elles par les différences d'origine sociale,
économique et culturelle de leurs familles ? Cette relation porte
sur l'intuition que nous cherchons à prouver et les interrogations
auxquelles nous cherchons des réponses.
Enfin, nous pensons aussi qu'il existe une relation entre les
variables d'entrée qui sont les caractéristiques individuelles,
et les caractéristiques socioculturelles, religieuses et
économiques des familles et la participation des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA (flèche n°3). Nous
savons qu'avec le temps, l'effet de la participation des filles et des femmes
à l'éducation en matière de VIH/SIDA, et le programme
d'éducation en matière de VIH/SIDA lui même, il y aurait
changement de l'environnement socio-économique et culturel des
apprenants. D'où la notion de boucles rétroactives qui
désigne «l'action des états de sortie d'un
système sur les états d'entrée du même
système» (Thines et Lempereur, 1984, p.841). Dans notre
recherche, de la variable effet vers les variables entrée en passant par
la variable processus (voir tableau n°5, schéma n°1, p.72).
Bien que nous ne testions pas les relations en sens inverse,
nous les figurons dans le tableau n°6, schéma 2 du cadre
problématique qui suit. Nous le traiterons dans une perspective de
thèse.
Tableau n°6 du schéma n°2 du cadre
problématique
Variables effets
Participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA
-.Motivation
-Engagement
-Alphabétisation
-Apprentissage d'un métier,
-Image dans la société
-Possibilité de réinvestissement :
-Social,
-familial,
-personnel
-économique, etc.
Variables d'entrée
Variables processus
Education,
Education en matière de VIH/SIDA,
-Programmes
-Contenus
-Durée
-Ressources
-Lieux
Caractéristiques individuelles
Caractéristiques
sociales
Caractéristiques culturelles et
Antécédents scolaires
Caractéristiques économiques
Religion
Partant du cadre problématique, nous tentons
d'identifier les causes qui déterminent le degré d'engagement et
de participation des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA.
Dans une perspective de thèse, nous analyserons le
phénomène de la participation et de l'identification des filles
et des femmes qui participent au programme de santé et de lutte contre
le VIH/SIDA. Cette analyse montrerait une sorte d'imbrication d'effets
rétroactifs des différents niveaux tels les variables
d'entrée, les variables processus et les variables effet.
En réalité, l'éducation en matière
de VIH/SIDA intéresse les institutions publiques, les ONG et
Associations de lutte contre le VIH/SIDA qui la dispensent ainsi que les filles
et les femmes qui en bénéficient. Ces programmes
d'éducation et les bénéficiaires subissent tous
l'influence du temps qui agit à travers les différentes
perceptions, les conceptions et les croyances de l'époque. En un mot,
les filles, les femmes et les institutions interagissent et s'influencent
mutuellement.
Au fil du temps, les programmes d'éducation en
matière de VIH/SIDA et les différents niveaux auxquels ils
s'analysent en termes d'entrée et de sortie relèvent de la boucle
récursive plus riche que la rétroactive simple. Le système
apprend, s'enrichit, se développe, et s'améliore de
lui-même.
Ainsi la notion de boucle récursive empruntée
à Edgard MORIN (1986) et rapportée par SALL (1996),
éclaire le tableau n°6 schéma n°2 de la page p.74 qui
tente de matérialiser l'analyse de l'éducation en matière
de VIH/SIDA prise dans son sens le plus général. Le niveau
d'interaction le plus élémentaire comprend les besoins et les
attentes des filles et des femmes au plan de la formation d'une part, de la
société sous forme de réinvestissement socioculturel
d'autre part.
Le degré d'engagement et de participation des filles et
des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA qui est
l'objet même de notre étude, laisse entrevoir la
nécessité de tenir compte de l'évolution des attentes et
des besoins des filles et des femmes à travers le temps d'une part, et
d'autre part les possibilités de réinvestissement
occasionnées par l'acquisition de compétences nouvelles. Cette
dialectique des besoins et attentes des filles et des femmes que nous tentons
de mesurer plus tard est un exemple de processus récursif au sens que E.
MORIN (1986), cité par SALL (1996), en donne «c'est un
processus où les effets ou produits sont en même temps causateurs
et producteurs dans le processus lui-même, et où les états
finaux sont nécessaires à la génération des
états initiaux. Ainsi le processus récursif est un processus qui
se produit/reproduit lui-même, à condition évidemment
d'être alimenté par une source, une réserve ou un flux
extérieur. L'idée de boucle récursive n'est pas une notion
anodine qui se bornerait à décrire un circuit, elle est bien plus
qu'une notion cybernétique qui désigne une rétroaction
régulatrice, elle nous dévoile un processus organisateur
fondamental et multiple dans l'univers physique, qui se développe dans
l'univers biologique, et qui nous permet de concevoir l'organisation de la
perception et l'organisation de la pensée, laquelle ne peut être
conçue que selon une boucle récursive où computation et
cognition s'entregénèrent».
Nous obtenons le nombre de filles et de femmes en prenant dans
chaque strate un nombre d'individus égal dans chaque localité
choisie. Ainsi, nous avons une cohorte de filles et de femmes dans chaque
localité, c'est-à-dire un groupe de filles et de femmes qui
suivent ensemble le même programme d'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida. Legendre (1993, p.208-209)
définit une cohorte comme «l'ensemble des élèves
fréquentant ou ayant fréquenté la même classe
(échelon du programme d'études au cours du même intervalle
de temps)».
Pour les besoins de la thèse, nous comptons suivre ces
filles et femmes pendant cinq ans jusqu'en 2007.
Toutefois, nous avons mis en place un dispositif
méthodologique qui nous permettra de réaliser cet objectif qui
sera exploité dans la thèse.
Le tableau n°7, schéma n°3 suivant est le
cadre problématique de la perspective de la thèse.
T0 =début de notre étude, T1, T2, T3, et T4 les
autres années de suivi des cohortes jusqu'en 2007.
Tableau n°7 schéma n°3 Cadre
problématique de la perspective de la thèse :Suivi des
cohortes jusqu'en 2007.
T0
Effet
Processus
Entrée
T1
Processus
Entrée
Effet
T2
Effet
Processus
Entrée
T3
Effet
Processus
Entrée
T4
Entrée
Processus
Effet
CHAPITRE 4
Méthodologie
Notre recherche se caractérise par son approche
descriptive. Elle privilégie la combinaison d'approches qualitative et
quantitative. Notre étude porte sur l'effet de l'origine sociale,
économique et culturelle de la participation des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous voulons vérifier
si la participation des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA est favorisée ou non par l'origine sociale, économique
et culturelle des microcosmes familiaux.
Nous présentons dans ce chapitre la population cible,
l'échantillonnage que nous appliquerons à notre population, les
instruments nous permettant la collecte des données indispensables
à la réalisation de notre objectif et le traitement des
données recueillies.
4.1. Population cible
Amyotte définit une population comme «un
ensemble de tous les faits, de tous les objets ou de toutes les personnes sur
lesquels porte une étude ou une recherche» (Amyotte, 1996
p.11).
Notre population cible pour mener notre recherche est
constituée de filles et de femmes nigériennes âgées
de 15 à 49 ans, célibataires, mariées, divorcées,
veuves ou autres qui suivent les programmes d'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida. Ces filles et femmes
sont scolarisées, déscolarisées ou analphabètes.
Elles sont des employées, chômeuses ou sans emploi. Il s'agit des
filles et des femmes des communes de Niamey et de Maradi.
Nous avons choisi ces deux (2) communes parce qu'elles
présentent des degrés différents d'éducation des
filles et des femmes et de la masse d'informations disponibles sur la
perception de l'éducation en général des filles et des
femmes et en particulier en matière de VIH/SIDA.
La communauté urbaine de Niamey est choisie en raison
de son caractère urbain ; elle est la capitale politique et
administrative du Niger. La plus grande partie des ONG et Associations de lutte
contre le sida au Niger est basée à Niamey où elle
mène ses activités. Nous pouvons raisonnablement avoir les
informations dont nous aurons besoin. En plus, étant nous mêmes
membre d'une des ONG de lutte contre le sida basées à Niamey
dénommée «Mieux Vivre avec Sida», la récolte des
informations nous sera plus aisée.
Quant à la ville de Maradi, elle est
caractérisée par ses activités économiques et sa
proximité avec le Nigeria dont la ville la plus proche est à 50
km de la frontière. Les mouvements intégristes musulmans du
Nigeria en font leur arrière base. Nous sommes également
originaires de ladite région et nous pouvons servir de facilitateur
local pour nos interviews et nos focus-groups.
Le projet éducatif en matière de santé et
de lutte contre le sida est ouvert à tous et à toutes surtout aux
populations vulnérables que sont les filles et les femmes. Ces
dernières bénéficient de cette éducation qui leur
permet d'acquérir un savoir-faire, un savoir-être, et un
savoir-devenir selon leurs intérêts. C'est à partir de 15
ans que la jeune fille est considérée comme sexuellement active
et apte à fonder un foyer surtout si elle ne fréquente pas
l'école.
En l'état actuel des données disponibles, il
n'est pas possible de déterminer la taille exacte et précise de
cette population.
4.2. Echantillon
«Il n'est point besoin de manger tout le plat pour
savoir si nous pouvons le servir (. . .) il n'est point nécessaire, ni
souhaitable, ni possible parfois d'étudier toute la population pour bien
la connaître» (Amyotte, 1996 p.60).
Ainsi, compte tenu de la nature même de notre population
de référence et de l'impossibilité de bien la
circonscrire, nous allons recourir à l'échantillonnage non
probabiliste.
4.2.1. Taille de l'échantillon
Divers éléments sont pris en compte pour
déterminer la taille d'un échantillon. Il s'agit de voir quelques
uns de ces aspects qui sont entre autres : la marge d'erreur avec laquelle
le chercheur accepte de travailler, le caractère homogène de la
population visée, et le niveau d'analyse souhaité.
D'après Albarello, «la taille de
l'échantillon ne dépend nullement du nombre de personnes qui
composent la population de référence. Il faut bannir la
réflexion en termes de «taux de sondage» qui serait une
proportion idéale entre la population et l'échantillon.
L'idée selon laquelle «mon échantillon serait
représentatif parce qu'il comporte 5 ou 10 ou 20% de la
population-parent», bien qu'elle soit une idée
répandue, est une idée inexacte !» (Albarello, 1999
p.109). En ce qui concerne notre recherche, nous ne pouvons calculer la taille
de notre échantillon selon le nombre de filles et de femmes de notre
population-mère dont nous ignorons le nombre exact. Nous allons pour ce
faire, justifier la taille de notre échantillon selon la marge d'erreur
avec laquelle nous acceptons de travailler. Dans ce sens, Albarello
écrit «par exemple, s'il faut un échantillon de 196
individus pour être assuré (à 95 chances sur 100 -ceci est
l'intervalle de confiance-) d'une marge d'erreur maximale de 7%, il faut 267
individus pour une marge de 6%. Il en faut 384 pour une marge de 5% et 600 pour
une marge de 4%». (voir graphique des marges d'erreurs selon la taille de
l'échantillon dans «Apprendre à chercher» de Albarello,
1999 p.110). C'est ainsi que nous avons opté pour une marge d'erreur
maximale à 8%.
Donc, la taille de notre échantillon sera de cent
cinquante (150) unités d'observation, reparties équitablement
entre Niamey et Maradi.
4.2.2. Techniques d'échantillonnage
Après avoir défini la taille de notre
échantillon, nous allons choisir les individus pressentis pour
constituer notre plan d'échantillonnage. Nous allons recourir à
la technique d'échantillonnage stratifié dans le choix des
unités d'observation qui constituent notre échantillon. Cette
technique d'échantillonnage non aléatoire ou non probabiliste est
utilisée dans le cas où on ne connaît pas la taille de la
population-parent. Par conséquent, notre échantillon est
déterminé par la marge d'erreur avec laquelle nous avons
accepté de travailler.
La population peut être divisée en groupes
distincts relativement homogènes appelés strates. Amyotte (1996,
p.69) définit une strate comme étant «un groupe
d'individus relativement homogène au sein d'une population ;
défini par une caractéristique précise».
En effet, l'usage de la technique d'échantillonnage
stratifié se justifie dans notre étude parce qu'elle nous permet
de prélever un échantillon ayant la même composition que la
population de référence. C'est ce que Amyotte appelle «un
véritable modèle réduit de la population» (Amyotte,
1996 p.69)
C'est en fonction des caractéristiques individuelles,
des variables sociales, économiques et culturelles que nous allons
opérer.
Pour chaque commune, nous avons choisi de faire neuf (9)
focus-groups composés de sept (7) individus chacun et douze (12)
interviews individuelles.
Au total, dix-huit (18) focus-groups seront
réalisés avec les bénéficiaires directes du
programme d'éducation en matière de santé et lutte contre
le sida que sont les filles et les femmes, et vingt-quatre (24) interviews
individuelles seront administrées aux leaders d'opinion qui sont les
non-bénéficiaires directs du programme. De par leur situation,
les leaders d'opinion jouissent d'une grande audience et peuvent influencer,
par leurs prises de position, une grande partie de la population. Ils peuvent,
en s'engageant résolument dans la lutte contre le sida, sensibiliser les
gens et les pousser à un changement de comportement. Les leaders
d'opinion peuvent favoriser l'élaboration de politiques et de
stratégies de lutte efficaces et cohérentes en mettant à
la disposition des programmes de lutte contre le sida des moyens de lutte. Ces
leaders d'opinion se retrouvent parmi les hommes et les femmes. C'est pourquoi,
nous les interviewons sans distinction de sexe.
Nous présentons dans le tableau qui suit, notre
échantillon en focus-groups et en interviews individuelles par
localité
Tableau n°8 Les Focus-groups et les interviews
individuelles par localité
Localités
|
Focus-Groups
|
Interviews individuelles
|
Niamey
|
Jeunes filles scolaires, déscolarisées et
analphabètes (21)
|
Leaders religieux (2)
|
Niamey
|
Femmes mariées employées, chômeurs ou sans
emploi (21)
|
Educateurs :
(enseignants, pair-éducateurs, et médecins)
(8)
|
Niamey
|
Femmes divorcées, veuves et autres (21)
|
Responsable de projet/programme de lutte contre le sida (2)
|
Maradi
|
Jeunes filles scolaires, déscolarisées et
analphabètes (21)
|
Leaders religieux (2)
|
Maradi
|
Femmes mariées employées, chômeurs et sans
emploi (21)
|
Educateurs :
(enseignants, pair-éducateurs, et médecins)
(8)
|
Maradi
|
Femmes divorcées, veuves et autres (21)
|
Responsables de projet/programmes de lutte contre le sida
(2)
|
Total
|
126 individus (18 Focus-Groups de 7 personnes)
|
24 interviews individuelles
|
-Les filles et femmes qui participent aux focus-groups sont
choisies parmi l'ensemble des filles et des femmes ayant participé au
programme d'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida dans chacune des localités retenues.
-Les interviews individuelles s'intéressent aux leaders
d'opinion dans chaque localité.
Six (6) critères ont présidé au choix des
participantes :l'âge, le lieu de résidence, la profession, le
statut matrimonial, le niveau d'instruction et la religion.
1. L'âge : pour encourager la libre expression des
participantes, elles seront réparties en groupes d'âge. Cette
homogénéité nous permet d'examiner les points de vue et
les expériences différentes au sujet de la perception de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
et la participation à cette éducation.
2. Le lieu de résidence : comme signalé
précédemment, sont les communes de Niamey et de Maradi dans
lesquelles sont sélectionnées les participantes. Nous essayerons
de voir s'il existe une différence de participation au programme
d'éducation de lutte contre le sida entre les filles et les femmes du
milieu urbain et du péri-urbain.
3. La profession : nous permet de savoir si les filles et
les femmes participent à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida en fonction de leur profession ou de
leurs intérêts.
4. Le statut matrimonial : nous permet de savoir si le
lien de mariage pouvait avoir un impact sur la participation des femmes
à l'éducation en matière de sida. Nous allons regrouper
les participantes selon leur statut matrimonial.
5. Le niveau d'instruction : nous permet de savoir si la
participation à l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida est une alternative à l'éducation
formelle pour celles qui n'ont pas été scolarisées.
6. La religion : la complexité de
l'intégrisme musulman au Niger particulièrement dans ces deux
régions nous permettra de savoir si la religion facilite ou entrave la
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
4.3. Collecte des données
Pour collecter nos données, nous allons procéder
au regroupement des individus et des strates en fonction des localités
(Niamey et Maradi), des lieux et occasions propices aux focus-groups. Nous
définissons les caractéristiques des strates et nous allons
stratifier en fonction des caractéristiques individuelles et de la
nature des variables prises en compte dans notre recherche.
Nous constituerons des groupes de 7 individus qui ont des
caractéristiques ou des intérêts communs et sensiblement le
même statut social.
Enfin, nous nous convenons d'une date, d'une heure, et d'un
lieu de rencontre avec les groupes pour la présentation de
l'instrument.
4.3.1 L'instrument de collecte des
données
Dans notre recherche, les instruments de collecte des
données choisis sont le focus-group et l'interview individuelle. Ils ont
pour fonction de cueillir ou de produire des informations nécessaires
à la vérification de nos hypothèses de recherche.
Il s'agit ici d'une observation indirecte telle que
définit par Quivy & Van Campenhoudt (1995) «dans le cas d'une
observation indirecte, le chercheur s'adresse au sujet pour obtenir
l'information recherchée. En répondant aux questions, le sujet
intervient dans la production de l'information» (Quivy & Van
Campenhoudt, 1995, p.164).
Nous avons choisi la technique du focus-group pour les
bénéficiaires directes du programme d'éducation en
matière de VIH/SIDA pour mieux cerner le sujet de notre étude
sous tous ses angles. Cet instrument de collecte d'informations permet aux
enquêtés d'exprimer leurs perceptions, leurs sentiments ou leurs
attitudes sur les questions de la participation au programme d'éducation
en matière de santé et de lutte contre le sida. La discussion
à l'intérieur du groupe permet aux participants de
réfléchir, de se rappeler des choses oubliées qui ne
seraient pas remontées autrement à la mémoire ; le
groupe agit comme auto-correcteur en permettant à la personne de
modifier son jugement et de donner une opinion plus nuancée ; le
groupe peut recréer une sorte de microcosme social où le
chercheur peut identifier les valeurs, les comportements, les symboles des
participants selon Deslauriers et Graw-Hill (1991, p.33). La richesse de cette
expression spontanée offre des pistes qui permettent de comprendre la
manière dont les filles et les femmes au Niger communiquent sur les
questions de la participation au programme d'éducation en matière
de sida devenue un sujet quotidien.
L'interview semi dirigée qui sera pratiquée avec
les leaders d'opinion, quant à elle, est une forme d'entretien
individuel qui présente plus de liberté de parole parce que la
contrainte sociale y est moins grande que lors d'une discussion de groupe.
«Selon le cas, une interview peut-être libre,
semi-dirigée ou dirigée : elle sera libre lorsque
l'intervieweur s'abstient de poser des questions visant à
réorienter l'entretien ; elle sera dite dirigée lorsque le
discours de la personne interviewée constitue exclusivement la
réponse à des questions préparées à l'avance
et planifiées dans un ordre précis ; elle sera
semi-dirigée lorsque l'intervieweur prévoit quelques questions
à poser en guise de points de repère» De Ketele et
Roegiers (1996, p.19).
L'interview individuelle semi-dirigée pourrait nous
aider à faire ressortir des contradictions culturelles souvent subtiles
mais riches en enseignements. A propos de la procédure, Albarello (1999)
fait remarquer que «les entretiens semi-directifs sont menés
sur la base d'un guide d'entretien constitué de différents
«thèmes-questions» préalablement élaborés
en fonction des hypothèses. Un guide d'entretien comprend
généralement une douzaine de thèmes questions qui, sauf
exception à justifier, seront abordés dans un ordre à
chaque fois identique afin d'éviter que la place du thème dans
l'interview n'influence la qualité des réponses (on ne
répond pas avec la même intensité à une
dernière question qu'à la première
posée)» (Albarello, 1999 p.66).
Nous faisons recours à ces interviews individuelles
parce que nous voulons comprendre l'objet de notre étude en profondeur
à l'aide des personnes témoins privilégiées, bien
placées pour se prononcer. Ce sont les leaders d'opinion qui
désignent aussi bien les leaders religieux, que les éducateurs
(enseignants, pairs-éducateurs, et médecins), les responsables de
projets et programmes d'éducation en matière santé et de
lutte contre le sida.
Les interviews et les focus-groups seront animés par un
assistant ou modérateur formé au préalable et nous
même. Nous les enregistrons sur bandes magnétiques audio et les
retranscrirons intégralement pour ensuite les analyser.
Le guide d'entretien contient des questions fermées, et
des questions ouvertes qui nous ont servi à mener l'enquête.
Les principaux thèmes abordés sont :
-l'identification des participantes :âge, sexe,
niveau d'instruction, statut matrimonial, profession, quartier de
résidence, religion.
-la perception du rôle et des buts de l'éducation
en général des filles et des femmes et en particulier de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida ;
-les avantages ou les bénéfices de
l'éducation en matière de VIH/SIDA ;
-l'accessibilité de la formation en éducation en
matière de VIH/SIDA ;
Le questionnaire élargit la liste des variables
susceptibles d'avoir un impact sur la participation des filles et des femmes
à l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida telles que la religion pratiquée et la profession
exercée.
Le questionnaire sera d'administration indirecte parce que
nous lirons nous mêmes les questions et les réponses de
l'enquêté seront enregistrées sur bandes magnétiques
audio.
Dans le focus-group, il n'est pas toujours possible ou
souhaitable de se limiter strictement aux questions initialement
prévues. Ces questions servent d'habitude de protocole de base pour les
discussions de groupe. Nous poserons des questions au cours du débat
pour l'explicitation des arguments avancés par les participants, ou pour
les amener à bien exprimer et défendre leurs idées. Cela
permet de minimiser les erreurs et omissions.
4.3.2. Les lieux de l'enquête
Nous avons limité notre champ d'étude aux seules
communes de Niamey et de Maradi comme précédemment
annoncé.
Du point de vue géographique, ces deux communes sont
implantées dans deux régions distinctes du Niger.
A. La Communauté Urbaine de Niamey
Niamey est une ville de création récente dont
l'existence remonte dans les années 1900.
La ville de Niamey est située à l'ouest du
territoire national nigérien. Elle est partie intégrante du
département de Tillabéry. Elle fut érigée en
capitale en 1926 grâce au gouverneur Brevié. En 1952, Niamey
devient le premier centre urbain du Niger avec 11.790 habitants. A partir de
1970, l'explosion démographique de Niamey a été
très rapide. De 108.000 habitants, la population a quadruplé pour
atteindre 398.265 habitants en 1986 soit une augmentation de 18.141 habitants
par an. La densité optimum d'occupation atteint 150 à 400
habitants par km2. En 2002, la population était de 720.468 habitants
selon la Direction de la statistique et des comptes nationaux (DSCN). C'est un
brassage de cultures où cohabitent plusieurs ethnies nationales et de la
sous-région. Cette forte concentration démographique pose de
nombreux problèmes d'urbanisation, de scolarisation, d'emploi, de
santé et d'environnement.
Le développement de la ville de Niamey se traduit par
une transformation de son couvert végétal qui était
constitué de palmiers doum dans la vallée du fleuve niger. Comme
toute capitale africaine, la Communauté Urbaine de Niamey est
confrontée aux problèmes de l'immigration et surtout au
phénomène de l'exode rural d'où un taux d'accroissement de
la population de 4,7% pour une moyenne nationale de 3,47% (DSCE/MSP/LE, Niger,
2002)
La rapidité de la croissance démographique et
spatiale n'ont pas permis aux pouvoirs publics de doter la ville de Niamey de
l'ensemble des infrastructures collectives nécessaires à la vie
quotidienne des Niaméens. Cette insuffisance est particulièrement
ressentie dans plusieurs domaines, surtout l'éducation et la
santé. La vie socio-économique et culturelle des populations de
Niamey reflètent ces difficultés liées à une
urbanisation relativement embryonnaire et quelque peu sauvage,
c'est-à-dire peu ou pas planifiée.
B. La Commune de Maradi
Maradi se trouve à 670 km à l'Est de Niamey, sur
la route nationale n°1 au sud du Niger et à la frontière du
Nigeria.
Le département de Maradi a une superficie de 41.811 km2
soit 3% de la superficie totale du pays. En 2003, la population du
département de Maradi était estimée à 2.202.035
habitants. Il s'agit d'une population relativement jeune, car plus de 50% ont
moins de 30 ans. La densité moyenne est de 548 habitants au km2.
La ville de Maradi regroupe un large éventail d'ethnies
représentant l'ensemble du Niger. La population est à dominante
haoussa qui représente 87% de la population. Cette population est de
diverses origines venues pour y faire fortune. En effet, dans cette partie du
Niger les mouvements migratoires sont une vieille tradition d'origine
variée provenant des zones géographiques proches du
département. L'exode rural est également un
phénomène important dans la région de Maradi. Ce
phénomène massif et temporaire concerne surtout les jeunes de
moins de 30 ans (Grégoire et Raynaut, 1986). Ces migrations
saisonnières ont beaucoup contribué, avec la natalité,
à accentuer le phénomène de la croissance urbaine.
En effet, on constate une certaine stabilité dans les
flux migratoires que Herry (1989) classe en deux catégories :
1. les migrations anciennes en provenance des arrondissements
proches et lointains de Maradi ;
2. les migrations récentes en provenance d'autres
régions plus éloignées du Niger dues à la grande
sécheresse de 1974 et surtout au renvoi massif des étrangers par
le Nigeria. Cette situation fait de la ville de Maradi une ville où
cohabitent toutes les ethnies du Niger et aussi toutes sortes de religion
(islam, christianisme, et autres).
Tous les différents groupes ethniques se sont fondus
depuis de générations dans un syncrétisme culturel et
religieux dans lequel prédominent les valeurs musulmanes. L'islam a une
prédominance sur les autres religions telles le christianisme et
l'animisme. Actuellement se développent plusieurs courants islamiques
dont le plus important est le mouvement «izala» en provenance du nord
Nigeria. Le mouvement «Izala» se veut rénovateur de
l'islam ; il prône une vie simple, mais exige également le
port du voile par les femmes et reprend avec ardeur le phénomène
de la claustration qui consiste à enfermer les épouses dans les
maisons. Les femmes mariées ne sortent pas de la maison quel que soit le
motif sans l'autorisation de leur époux et personne n'y entre sans
permission, surtout les hommes. Les adhérents à cette pratique
sont hostiles à l'éducation occidentale de la femme, surtout en
ce qui concerne la fréquentation scolaire des filles et des femmes. Pour
eux, la scolarisation susciterait la dépravation des moeurs ce qui
explique les faibles taux de scolarisation et d'alphabétisation de
Maradi, avec un grand écart entre les hommes et les femmes. Le contexte
socioculturel du milieu est hostile à toute forme d'éducation
occidentale. Les écoles coraniques existantes dispensent une
éducation traditionnelle. L'immense majorité des jeunes ne va pas
à l'école ou ne fréquente plus les structures
d'éducation formelle. Les populations de religion islamique se
souviennent encore du peu de crédit que les colonisateurs accordaient
à l'islam ; elles se souviennent également des conversions
forcées au christianisme et adoptent de nos jours, la mémoire
collective aidant, une attitude de défiance vis-à-vis de
«l'école des blancs».
Jadis, capitale économique du Niger, Maradi offre
d'énormes potentialités touristiques, commerciales , agricoles
encore mal exploitées. Mais la crise économique a contraint les
opérateurs économiques à mettre la clé sous le
paillasson laissant se développer le secteur informel. Tout tourne au
ralenti par rapport aux années fastes de 1978 à 1986
période du «boum» de l'uranium au Niger.
Depuis la montée de l'intégrisme religieux au
début des années 1999, et l'adoption de la loi islamique
(Shari'a) dans certains Etats du nord Nigeria frontaliers de Maradi, beaucoup
d'étrangers se sont repliés à Maradi et alentours. Depuis
lors, la situation de Maradi semble explosive, d'où la
nécessité d'agir par un renforcement d'action de sensibilisation,
d'information et d'éducation de ces populations.
4.4. Traitement et Analyse des données
Nous présentons dans cette partie les techniques de
traitement et d'analyse des résultats recueillis. Nous allons
procéder en trois étapes qui sont :
-la codification ;
-le traitement statistique et
-l'analyse des résultats obtenus.
4.4.1. La codification
Nous élaborons une légende de codage pour chaque
question considérée comme variable, et nous indiquerons les
modalités des réponses possibles.
La première partie du questionnaire est relative aux
questions d'identification telles que :l'âge, le sexe, le niveau
d'instruction, le statut matrimonial, le quartier de résidence, la
profession, et la religion pratiquée.
La deuxième partie du questionnaire est relative au
recueil des données qualitatives de la recherche. Ces données
font l'objet d'une analyse de contenu et d'une catégorisation en
fonction des thèmes évoqués par les
enquêtés.
4.4.2. Le traitement statistique
Pour le traitement des données, nous utiliserons la
méthode de traitement des données quantitatives et des
données qualitatives.
Pour les données quantitatives, nous aurons recours
à la statistique descriptive (avec le calcul des fréquences, des
indices de tendance centrale et de dispersion) et la statistique
inférentielle pour les tests adéquats. Nous utiliserons l'analyse
de contenu pour les données qualitatives et surtout les extraits de
discours ou de discussions les plus pertinents ou saillants.
Concernant les variables nominales telles que le statut
matrimonial, le quartier de résidence, le type de résidence, la
profession et la religion, nous utiliserons le pourcentage. Pour les variables
ordinales, nous considérons la médiane (par exemple le niveau
d'instruction) et pour les variables d'intervalles, la moyenne et
l'écart type (par exemple l'âge des interviewés).
4.4.3. L'analyse des variables processus
La variable processus sont les programmes d'éducation
en matière de santé et de lutte contre le sida. Il s'agit de voir
d'une part l'efficacité de ces programmes d'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida à travers les
contenus, la durée de la formation et les ressources allouées
pour la formation des participantes, et d'autre part, les perceptions des
familles sur l'éducation en matière de VIH/SIDA des filles et des
femmes. Nous osons affirmer qu'au fil du temps, les programmes et le contenu
évoluent et s'améliorent pour enfin agir sur les variables
d'entrée.
4.4.4. L'analyse des variables effets
La variable effet (participation à l'éducation
en matière de VIH/SIDA) peut être analysée comme
suit :.
Comme l'éducation en matière de VIH/SIDA a pour
objectif de faciliter l'accès des filles et des femmes à
l'éducation, et l'acquisition par celles-ci des compétences
nouvelles qui leur permettent de modifier leurs conditions d'existence en
termes de réinvestissement d'acquis pédagogiques de ces
programmes dans leurs activités économiques, dans leur vie
sanitaire, alors beaucoup de filles et de femmes devraient s'inscrire à
ces programmes et aller jusqu'au bout de la formation.
La difficulté d'accès à
l'éducation formelle des filles et des femmes serait comblée par
la contribution de l'éducation en matière de VIH/SIDA qui
contribue à l'amélioration de la qualité ou de
l'efficacité externe du système éducatif traduisible dans
des compétences telles que le savoir, le savoir-faire, le
savoir-être et le savoir-devenir socialement utile à chaque
individu tout au long de sa vie.
Privilégiant une analyse générale, nous
tenterons d'avoir une vue d'ensemble sur toutes les données
recueillies.
Le présent chapitre méthodologie de la recherche
a traité de quatre points principaux :
-la population cible qui sera constituée de filles et
de femmes de la communauté urbaine de Niamey, et de la commune de
Maradi, ayant bénéficié du programme d'éducation en
matière de VIH/SIDA et des leaders d'opinion ;
-l'échantillon non probabiliste stratifié sera
retenu ;
-le recueil d'informations se fera au moyen des focus-groups
complétés par des interviews individuelles ;
-les données recueillies lors des focus-groups et des
interviews individuelles seront traduites en français et
préparées en vue d'une analyse de contenu et d'un traitement de
type thématique.
Cependant, le délai qui nous est imparti pour le D.E.A
est de deux ans, et compte tenu de notre situation académique
très particulière et des contraintes financières, nous
sommes obligés de limiter nos ambitions. A ce stade du D.E.A, nous
sommes dans l'impossibilité d'organiser nos enquêtes en
focus-groups et interviews individuelles sur les populations cibles
basées au Niger pour des raisons de contraintes d'ordre financier.
Par conséquent, nous avons décidé de
tester un seul instrument de collecte de données sur les deux (2)
prévus. Il s'agit de l'interview individuelle. Cet instrument sera
testé en situation réelle et sur place au Sénégal
auprès de quatre (4) personnes ayant les caractéristiques des
leaders d'opinion qui composent notre échantillon. Ce test servira de
contrôle du niveau de compréhension de la formulation des phrases,
de la pertinence des mots et enfin l'organisation correcte des questions
etc.
Nous avons interrogé un médecin, un responsable
de projet/programme de lutte contre le sida, un formateur en VIH et
développement et un leader religieux.
Le chapitre qui suit traite de l'analyse et du traitement des
résultats obtenus.
CHAPITRE 5
Analyse et traitement des résultats
Le but de notre recherche est de mieux comprendre les raisons
pour lesquelles certaines filles et femmes n'ont pas accès à
l'éducation en général et particulièrement
l'éducation en matière de VIH/SIDA. Nous cherchons à
savoir si ce phénomène de la participation ou de la non
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA en particulier est lié à
l'appartenance socio-économique et culturelle des microcosmes
familiaux.
Nous avons postulé des hypothèses et
procédé à des observations pour vérifier si les
informations collectées confirment ou infirment les hypothèses
avancées.
Pour ce faire, nous allons d'abord décrire les
données qui seront présentées sous forme de distribution
de fréquence ou de graphique ; ensuite analyser les relations entre
les variables supposées liées ; comparer les
résultats observés avec les résultats attendus et enfin
tenter d'interpréter les différences.
Ce chapitre rapporte les résultats d'interviews
individuelles réalisées auprès de quatre (4) leaders
d'opinion dans la ville de Dakar. Il s'agit d'un médecin, d'un
responsable de projet de lutte contre le sida, d'une formatrice et d'un leader
religieux musulman.
Le protocole d'interview dresse une liste de 18 questions
regroupées sous six (6) thèmes principaux :Importance du
rôle de l'éducation/Perception de l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida/Avantage de
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida/Accessibilité à la formation en matière de
santé et de lutte contre le sida/Participation à
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
et enfin les causes de la non participation à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
Les quatre leaders d'opinion (médecin, responsable de
projet/programme de lutte contre le sida, formateur en VIH et
développement et leader religieux musulman) ont répondu aux
interviews qui ont été enregistrées sur bandes
magnétiques. Une fois les interviews terminées, les
enregistrements ont été retranscrits et soumis à une
analyse qualitative visant à identifier, différencier, et
comparer les éléments fournis par les répondants. Un
schéma du dépouillement du corpus obtenu a été
préparé. Après avoir fait une «lecture
d'imprégnation» de ces interviews afin de nous familiariser avec
leur contenu, nous avons divisé leur contenu en six grandes parties
correspondant aux grands thèmes de réflexion annoncés
précédemment. Tout d'abord la description des
caractéristiques individuelles les plus marquantes des
répondants, qui font apparaître les variables susceptibles
d'expliquer la participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA, et l'analyse qualitative des
items révélateurs.
5.1. Présentation des caractéristiques
des interviewés
5.1.1.Distribution de la variable
âge
Tableau n°9 Variable V1 âge
Age
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
37 ans
38 ans
42 ans
45 ans
|
0
1
1
1
|
1
0
0
0
|
1
1
1
1
|
25%
25%
25%
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
La distribution de la variable âge va de 37 ans à
45 ans. Elle nous permet d'avoir confiance en leurs propos puisqu'ils ont
atteint tous l'âge de la raison. Ces leaders sont des responsables. Ils
ont effectué un cursus universitaire jusqu'en maîtrise au moins.
Ils travaillent et ont atteint un certain nombre d'années
d'expérience.
Tableau n°10 Variable V3 statut matrimonial
Statut matrimonial
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Mariés
Célibataires
|
2
1
|
0
1
|
2
2
|
50%
50%
|
|
|
|
N=4
|
|
En ce qui concerne le statut matrimonial, comme le montre le
tableau n°10 ci-dessus, il y a autant de mariés que de
célibataires parmi les interviewés. En tant qu'adultes, leurs
propos pourraient nous édifier sur une signification particulière
de la perception des adultes mariés ou célibataires de
l'éducation des filles et des femmes en matière de VIH/SIDA.
Tableau n°11 Variable V4 niveau d'instruction
Niveau d'instruction
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Supérieur
|
3
|
1
|
4
|
100%
|
|
|
|
N=4
|
|
Tous les répondants sont des diplômés de
l'enseignement supérieur. Ils ont au minimum le baccalauréat plus
cinq ans d'études. De ce fait, en leur qualité de
diplômés supérieurs, leurs propos seraient pertinents et
objectifs concernant l'éducation des femmes en matière de
santé et de lutte contre le sida. Ils pourraient dire des choses
intéressantes à propos de l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida des filles et des femmes. Cette
variable nous permet de vérifier si plus le niveau d'éducation
est élevé chez les leaders d'opinion, plus, ils comprennent,
dépassent certaines considérations et adhèrent à la
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA. Ils auront peut-être une perception positive
de l'éducation en général et de l'éducation en
matière de VIH/SIDA en particulier.
Tableau n°12 Variable V5 Profession
Profession
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Médecin
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
Formateur en IEC/VIH/SIDA
|
0
|
1
|
1
|
25%
|
Responsable de projet de lutte contre le VIH/SIDA
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
Leader religieux
|
1
|
0
|
1
|
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
Pour la variable profession, tous les répondants sont
des professionnels dans leur domaine respectif. Cela pourrait influer sur la
nature des réponses aux questions sur l'importance de l'éducation
en matière de VIH/SIDA chez une fille ou femme. Ils ont tous des
responsabilités au niveau de leurs structures.
Tableau n°13 Variable V8 Religion
Religion
|
Hommes
|
Femmes
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
Musulmane
Chrétienne
|
3
0
|
0
1
|
3
1
|
75%
25%
|
|
|
|
N=4
|
|
La majorité des interviewés sont des musulmans
75% sauf la femme qui est de confession chrétienne. La variable religion
sert de contrôle parce qu'elle peut influer sur la perception de
l'éducation des filles et des femmes en général et en
particulier en matière de VIH/SIDA. Dans nos sociétés
traditionnelles, on ne peut séparer la religion de la tradition.
Certains fanatiques religieux voient en l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida, comme une dépravation des
moeurs alors qu'elle contribue à la protection du VIH/SIDA.
5.2. Analyse des données concernant
l'importance du rôle et des buts de l'éducation des filles et des
femmes
Sous cette thématique, trois (3) questions ont
été regroupées. Il s'agit de :
· Quel rôle joue l'éducation des filles et
des femmes ?
· Est-il nécessaire d'éduquer une fille ou
femme ? Pourquoi ?
· L'éducation peut-elle changer la vie d'une
femme ? Comment ?
Les leaders d'opinion interrogés valorisent tous
l'éducation d'une fille ou femme. Leurs propos ont été
regroupés sous les thèmes éducation et
analphabétisme, éducation et rôle de la femme et avantages
de l'éducation.
-Education et analphabétisme
Les leaders interviewés accordent une importance
capitale à l'éducation. Ils admettent que l'éducation
permet l'épanouissement de la famille à travers la femme. Selon
eux, toute femme éduquée est différente d'une
analphabète parce qu'elle prend en main son destin. L'éducation
change radicalement la vie d'une femme parce que la femme éduquée
contribue au développement de la famille et au delà, toute la
société. D'ailleurs, le leader religieux musulman
affirme :
«quand une femme est éduquée, c'est une
chance donnée aux enfants, le Prophète (psl) a dit que la femme
est la première école qu'il faut protéger» ;
«une femme sans éducation est comme un chauffeur qui n'a pas
étudié le code de la route» ; «une femme
éduquée est très utile dans la
société ; elle peut aider les autres membres de la famille
à respecter certaines règles d'hygiène et de
santé ; bien soigner les enfants malades en se
référant à l'ordonnance du médecin ; et toute
femme non éduquée ne peut connaître ses droits et devoirs
envers les autres».
-Education et rôle de la femme
Dans la société, une femme éduquée
est considérée comme un exemple à suivre. D'une part,
l'éducation rend la femme responsable vis-à-vis de la
communauté, et d'autre part, l'éducation a un impact sur la femme
en tant que personne. La femme éduquée force l'admiration et le
respect parce qu'elle a une mentalité et un comportement dignes d'une
société civilisée. Les leaders ont parlé de la
femme éduquée qui est synonyme d'une bonne mère,
épouse et éducatrice qui partage et participe à
l'épanouissement des enfants. Ils font référence à
la femme éduquée comme une personne phare, pilier de la famille,
elle est donc appelée à exercer des tâches nobles et
à représenter la société. La seule femme parmi ces
leaders interviewés a exprimé son amertume de ne pas voir plus de
femmes éduquées que d'hommes dans la société :
«les femmes sont «un tout» pour la société et
plus responsables que certains hommes, surtout si elles sont
éduquées, c'est aussi un véritable décollage
économique».
-Avantages de l'éducation
Les leaders interviewés voient beaucoup d'acquis
positifs dans l'éducation des femmes. La femme éduquée
jouit d'un prestige et d'un statut dans la communauté qui lui permettent
d'être bien vue. Elle est respectée de tous et
considérée comme responsable. En somme, il faut remarquer que
l'éducation est perçue par les leaders comme essentielle à
l'épanouissement personnel et au développement de la
société. Les leaders estiment que l'éducation est un bien
personnel et aussi un investissement collectif préalable au
développement social de la communauté. En effet, les
interviewés voient l'éducation des filles et des femmes comme
incontournable dans toute société. Si la femme n'est pas
éduquée, c'est toute la société qui en pâtit.
Le manque d'éducation entraîne la recherche d'une alternative
éducative qui a un impact sur la vie des apprenants. D'où la
section qui suit.
5.3. Analyse des données à propos de la
perception de l'éducation des femmes en matière de
VIH/SIDA
Comme dans la précédente partie, les
réponses complémentaires aux questions nous ont permis de
rédiger cette partie qui suit. Les questions posées
étaient :.
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida peut-elle avoir un impact sur le rôle que la
femme joue dans la société ? Comment ?
· Que pense votre entourage de l'éducation des
femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ?
Pourquoi ?
· La religion est-elle pour ou contre l'éducation
des femmes en matière de santé et de lutte contre le sida ?
Pourquoi ?
Pour les leaders interrogés, l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida prodiguée aux
femmes joue différents rôles. Ces rôles sont : la
protection, l'hygiène de la vie, la fidélité, le
savoir-être, etc. Les leaders interviewés perçoivent tous
le rôle opportun que joue l'éducation en matière de sida
chez la femme parce que cette dernière est plus exposée et plus
vulnérable que son conjoint pour des raisons socioculturelles (poids de
la tradition) et économiques (pauvreté). La vie dans nos
sociétés d'aujourd'hui est devenue plus sûre depuis
l'avènement de l'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida qui permet aux femmes de se protéger et
protéger les autres. Le responsable de projet/programme de lutte contre
le sida souligne : «le sida ne connaît ni le riche, ni le
pauvre, ni l'intellectuel, ni l'ignorant, il frappe tout le monde sans
distinction de race, ni de religion si vous ne prenez aucune précaution,
et seule l'éducation des femmes dans ce sens vous préserve du
mal». Cette vision ne fait pas l'unanimité des autres leaders
interrogés. La femme formatrice fait remarquer que «dans nos
sociétés africaines, les femmes subissent le sexe au lieu de le
vivre, elles n'ont aucun pouvoir de décision sur la gestion de leur
sexualité». Cependant, les leaders reconnaissent tous que la
religion ne fait pas d'obstacles à l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida. Mais le leader religieux musulman
déclare qu' «elle exerce un contrôle sur les femmes pour
une question de bonnes moeurs. C'est pourquoi d'ailleurs certains religieux
dans leurs prêches encouragent les mariages précoces dans le but
de préserver la fille de rapports sexuels hors mariage tout en lui
enseignant la fidélité dès le bas âge en lui
interdisant l'adultère». La femme formatrice qui est de
confession chrétienne souligne de son côté que la religion
accorde à la femme la même importance qu'à l'homme :
«la femme est l'associée de l'homme dans la construction de la
vie. Les femmes constituent les parents les plus stables dans la vie de
beaucoup d'enfants».
D'une manière générale, les leaders
reconnaissent que l'environnement social change avec l'existence des programmes
d'éducation en matière de santé et de lutte contre le
sida. Aussi, les conditions de vie des femmes qui ont
bénéficié de ces programmes d'éducation sont
différentes de celles qui n'en ont pas bénéficié.
Tous reconnaissent que dans les circonstances actuelles, l'entourage des filles
et femmes est favorable à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida. Le responsable du projet
d'éducation de lutte contre le sida souligne que «les filles et
les femmes suivent la formation par mimétisme ou sur conseils des pairs.
C'est ainsi que nous recevons beaucoup de clientes qui ont connaissance du but
de la formation par le biais des parents, amis et connaissances».
Quant à la femme formatrice, elle dit que les femmes qui ont
bénéficié de l'éducation en matière de
VIH/SIDA sont «des phares de la société et sont
enviées des autres qui n'en ont pas bénéficié. Ces
femmes éduquées en matière de VIH/SIDA ont la charge
d'enseigner et de fournir un modèle de responsabilité sur le plan
sécuritaire en vue de la prévention du sida parmi les
adolescents, population plus vulnérable de toutes».
Nous avons demandé aux interviewés de nous
décrire les avantages de l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida. Nous présentons leurs opinions
dans la partie suivante.
5.4. Analyse des données concernant les
avantages de l'éducation en matière de VIH/SIDA chez les
bénéficiaires
Les leaders pensent que l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida présente de nombreux
avantages. Elle permet aux bénéficiaires de se préserver
du risque de contamination, de connaître les différents modes de
transmission de la maladie tout en évaluant les risques personnels. Elle
permet aux femmes d'adopter des comportements responsables et d'appliquer les
acquisitions de la formation dans la vie courante. Selon le médecin,
«la femme est le vecteur potentiel sur lequel il faut agir. Il faut
l'encadrer pour l'amener à adopter des comportements responsables face
au libertinage sexuel auquel se livrent certains hommes». En somme,
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
change la vie des femmes dans leurs pratiques quotidiennes. Elles se
libèrent et prennent leurs responsabilités en évitant des
pratiques nuisibles qui hypothèquent leur santé et leur vie et
celle des autres (partenaires, enfants). Cependant, il existe des liens
étroits entre la précarité du statut des femmes dans la
santé, leur prédisposition au risque d'infection, la
pauvreté, l'analphabétisme et leur absence de pouvoir dans la
société. Si on ne règle pas toutes ces questions, les
solutions médicales à elles seules ne peuvent avoir que peu
d'effet.
Quelles sont celles qui accèdent à cette
éducation ? c'est de cette question que nous traiterons dans la
partie qui suit.
5.5. Analyse des données relatives à
l'accessibilité de la formation en matière de
VIH/SIDA
Dans cette partie, les quatre questions ont été
groupées ainsi qu'il suit :
· La formation en matière de VIH/SIDA est-elle
accessible à tous ? Pourquoi ?
· Selon vous, qui bénéficie le plus de
cette formation ? Pourquoi ?
· Selon vous, qu'est-ce qui pousse les femmes à
suivre la formation en VIH/SIDA ?
· Dites-nous comment amener les femmes à
s'intéresser à la formation en VIH/SIDA ?
Les leaders rencontrés n'hésitent pas à
affirmer que la formation en matière de santé et de lutte contre
le sida n'est pas accessible à toutes les femmes, encore moins à
tout le monde. Cela, compte tenu non seulement de l'emplacement des lieux de
formation qui sont généralement situés en ville, mais
aussi du manque de temps des femmes à cause de leurs activités
ménagères.
Quand nous avons posé la question qui
bénéficie le plus de cette formation ? et pourquoi ?
Les leaders ont répondu que seules les citadines parmi lesquelles
certaines catégories socioprofessionnelles y ont accès. Ce sont
les prostituées, les coiffeuses, les serveuses des bars, les marchandes
ambulantes etc. Les militaires, les policiers et les douaniers sont
également mentionnés. Tous ces leaders reconnaissent le danger
auquel ces catégories socioprofessionnelles sont exposées
à cause de leur métier ou de leur précarité
socio-économique. Parmi les leaders, le médecin déplore la
difficulté de communication avec certains religieux musulmans
extrémistes qui pensent que l'éducation en matière de
VIH/SIDA est une passerelle vers une dépravation des moeurs. Cependant,
tous sont d'accord également qu'un travail de sensibilisation et
d'information reste à faire et suggèrent qu'il faut associer
l'éducation en matière de VIH/SIDA à des activités
socio-économiques comme l'apprentissage d'un métier et à
des activités culturelles telle l'alphabétisation pour mieux
attirer les femmes et les maintenir dans le programme jusqu'au bout de la
formation.
En résumé, l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida, n'est accessible qu'à une
partie de la population parce que le savoir-faire acquis connaît des
entraves liées aux facteurs socioculturels. L'opinion du leader
religieux laisserait-elle supposer que les populations fortement
islamisées rejettent ce genre d'éducation qui enfreint les tabous
traditionnels et pousse les gens à parler du sexe, du préservatif
etc. Cependant, des contraintes, voire des facteurs d'ordre économique
freinent toutes les politiques de développement d'éducation pour
les femmes et pour les filles.
La suivante section traite de la question de la participation
à l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida et l'appartenance socio-économique et culturelle des
participantes.
5.6. Analyse des données concernant la relation
entre la participation à l'éducation en matière de
VIH/SIDA et l'appartenance socio-économique et culturelle
Trois questions ont été groupées dans la
présente section.
· Existe t-il un lien entre la participation à
l'éducation en matière de VIH/SIDA et l'appartenance
socio-économique de la femme ?
· Existe t-il de différence de participation
à l'éducation en matière de VIH/SIDA entre les femmes
instruites et les femmes analphabètes ? Justifiez votre
réponse.
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida donne t-elle de pouvoir aux
bénéficiaires ?
Les interviewés sur ces questions pensent que
l'éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
est une éducation pour tout le monde sans distinction de statut. Les
leaders soulignent que tous ceux qui pensent n'être pas concernés
à cause de leur pouvoir économique, se trompent. C'est ainsi que
le responsable du projet de lutte contre le sida souligne «En tant
que responsable de structure de lutte contre le sida, je vous dis que personne
n'est épargné et tous avons besoin d'être
éduqués en matière de santé et de lutte contre le
sida pour notre propre sécurité en tant que personne vivant parmi
les autres». Quant à la différence de participation
à cette éducation, il est plus facile pour une femme instruite de
participer à l'éducation qu'une femme analphabète selon le
responsable du projet de lutte contre le sida. «Si une femme n'a
jamais fréquenté l'école, elle a peu de chance
d'accéder à l'information et à cette forme
d'éducation qu'est l'éducation en matière de santé
et de lutte contre le sida» ; «une femme
éduquée se sent plus libre et plus courageuse qu'une
analphabète» déclare le médecin. Dans cette
perspective, l'éducation en matière de santé est
perçue chez les leaders comme une source de pouvoir pour les
bénéficiaires. Pour appuyer ces arguments, la femme
éduquée en matière de santé et de lutte contre le
sida serait plus apte à :
-éduquer la famille en matière de
santé
-convaincre ses pairs
-connaître ses droits et devoirs
-apprendre un métier
Mais souvent, on est plutôt surpris du comportement
jugé impudent des femmes éduquées en matière de
santé et de lutte contre le sida. «Elles n'ont pas honte de
parler du sexe et de négocier le port du préservatif. Cela choque
l'homme qui pense que la femme est allée trop loin. Et puis ces femmes
éduquées sont trop libres, orgueilleuses et ne se plieront pas
aux ordres et aux bons vouloir de leurs partenaires» a dit le leader
religieux musulman. Malgré les bons résultats des programmes
d'éducation en matière de santé constatés
auprès des bénéficiaires, le médecin perçoit
cette éducation comme peu compatible avec les valeurs traditionnelles
africaines. La femme doit s'occuper de la maison, éduquer ses enfants,
et se soumettre entièrement à son époux. Elle doit
être patiente quand son époux manque à ses devoirs envers
elle. Il existe aussi des obstacles réels de communication en
matière d'éducation de lutte contre le sida. L'ensemble des mots
clés liés au concept du VIH/SIDA ne sont pas traduisibles en
langue vernaculaire alors que la plupart des femmes n'ont pas le niveau
d'instruction requis pour la compréhension des messages en
français.
Les difficultés de communication ont également
été évoquées en réponse à la question
des causes de la non participation des femmes à l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida.
5.7. Analyse des données relatives à la
cause de la non participation des filles et des femmes à
l'éducation en matière de VIH/SIDA
Les réponses aux questions regroupées dans cette
thématique nous permettent de rédiger la présente
partie.
Les questions sont les suivantes :
· Existe t-il des raisons qui empêchent les filles
et les femmes de participer à l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida ?
· L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida répond t-elle aux besoins de la
communauté ? Pourquoi ?
· Que faut-il pour avoir l'adhésion de toute la
communauté concernant l'éducation en matière de
santé et de lutte contre le sida ?
Tous les répondants, sont d'accord sur deux
points :
-Le manque de temps pour les femmes pour suivre la formation
compte tenu de leurs multiples occupations ménagères,
-L'analphabétisme de celles-ci limite leur accès
à l'information et à la formation.
Mais aussi, ils se rendent compte en même temps d'un
obstacle majeur :les tabous traditionnels. Il est délicat de parler
de sexe, de préservatifs aux filles et aux femmes, c'est un
problème de moeurs qui constitue ce blocage.
Mais les leaders pensent qu'il est nécessaire
d'encourager l'éducation en matière de VIH/SIDA surtout
auprès des jeunes générations. Le médecin s'est
montré plus réaliste en disant :
«je préfère parler du
préservatif et du sexe aux jeunes, plutôt que de les voir mourir
gratuitement».
Tous les leaders interviewés proposent une
éducation par les pairs fondée sur les jeunes, par leurs conseils
réciproques et l'accès à des sources d'informations
appropriées tels les centres de santé, les médecins, les
parents et les adultes bien informés.
Dans les quatre interviews réalisées, les
leaders d'opinion ont affirmé leur foi et leur confiance en
l'éducation des femmes et des filles. A plusieurs reprises des propos
comme «éduquer une femme c'est éduquer toute une nation,
ou c'est assurer une chance aux enfants, c'est toute la société
qui gagne» sont revenus. Le ton et le contexte de ces affirmations
sont suffisamment convaincants pour que nous puissions mettre en doute leurs
convictions. L'éducation des filles et des femmes est perçue
d'une part comme le moyen de rendre les femmes autonomes et d'autre part comme
un investissement social et économique pour la communauté. La
femme éduquée est «un tout» pour la
société. Aussi, les leaders apprécient positivement les
programmes d'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida qui proposent : les savoir-être, savoir-faire, et
savoir-devenir qu'ils considèrent comme une amélioration au
modèle scolaire connu jusqu'ici. Les contenus de la formation
constituent un programme réaliste et pertinent pour les
bénéficiaires. D'ailleurs, la femme formatrice parmi les leaders
souligne qu'aujourd'hui les établissements secondaires constituent aussi
des lieux où on tente d'intégrer l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida dans les programmes
scolaires officiels.
L'éducation en matière de santé et
de lutte contre le sida
Bien que les expériences avec l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida aient
été modestes au Sénégal, des institutions
nationales, des ONG et Associations de lutte contre le sida offrent leurs
services à toutes et à tous et ont permis à ceux qui le
désirent d'acquérir un savoir-faire, un savoir-être et un
savoir-devenir en matière de santé et de lutte contre le sida
dans la gestion quotidienne de leurs activités. Par contre, les leaders
reconnaissent qu'il existe des difficultés d'accessibilité
à l'éducation en matière de santé et de lutte
contre le sida et déplorent la faible participation des filles et des
femmes à cette éducation, à cause du manque de temps
nécessaire pour suivre la formation, l'analphabétisme des femmes
et les contraintes socioculturelles. Toutefois, l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida donne accès
à des avantages de protection à la santé et en
hygiène publique. Elle permet aussi d'adopter des comportements sociaux
positifs pour faire face aux pressions négatives telles que le sentiment
d'invulnérabilité, l'effet de groupe et la croyance aux fausses
rumeurs. C'est ainsi, que le ministère de la santé et de la
prévention du Sénégal, les ONG et Associations de lutte
contre le sida dont le Groupe pour l'Etude et l'Enseignement de la Population
(GEEP) ont très tôt compris en s'investissant dans diverses
activités qui ciblent les jeunes du Sénégal. Des
activités d'animation et de sensibilisation pour stimuler la
créativité chez les jeunes par des moyens
privilégiés de formation et de transmission de messages de
sensibilisation de la communauté :pièces de
théâtre, sketchs, poèmes et de production de manuels d'auto
formation par les pairs. Ces activités d'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida sont universelles
même si des stratégies d'approches diffèrent d'une
contrée à l'autre. Elles sont partout presque les mêmes et
visent le même public.
Au Niger, comme au Sénégal, l'éducation
en matière de santé et de lutte contre le sida est une
éducation basée sur des valeurs et des principes qui guident les
différentes stratégies de la lutte contre les IST/VIH/SIDA. Le
PNLS/IST, les ONG et Associations de lutte contre le sida travaillent en
étroite collaboration en vue de faire prendre conscience aux groupes
prioritaires visés par leurs programmes du danger que représente
le sida. C'est ainsi que des activités d'éducation, d'information
et de communication (IEC), la promotion du comportement à moindre risque
et la réduction des pratiques à risques de transmission du
VIH/SIDA sont organisées en direction des jeunes.
La problématique du sida est intégrée
dans toutes les politiques et les programmes de développement. C'est
pourquoi des approches novatrices ont été mises en oeuvre dans
les programmes de lutte contre le sida. Elles comportent, outre
l'alphabétisation, des formations dans le domaines de l'organisation et
de la gestion d'activités génératrices de revenus, la mise
en place des «fadas» ou groupements des jeunes en vue de la
pérennisation des activités. Des groupes relais, des leaders
d'opinion et les tradipraticiens constituent aujourd'hui les facilitateurs dans
ces programmes.
5.8. Les limites de l'étude
Cette étude et surtout l'ampleur des données
collectées n'ont qu'une modeste portée. L'étude doit
être considérée comme un point de départ pour la
recherche sur un phénomène aussi complexe que la participation
des filles et des femmes à l'éducation en général,
et l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier.
L'échantillon étudié est restreint aux
leaders d'opinion, et les contenus sont spécifiques. Le focus group
prévu n'a pas été testé sur place à Dakar du
fait que les populations visées ne parlent pas français et nous
mêmes ne parlons pas la langue du milieu, ce qui peut engendrer des
pertes d'informations liées à la traduction. Cependant, nous
sommes conscients de ces limites et pensons qu'il est possible de les
surmonter.
Malgré les différences des lieux
d'enquête, il existe des similitudes culturelles et religieuses entre le
Niger et le Sénégal sur le plan de l'éducation en
matière de santé et de lutte contre le sida. L'une des
barrières constatées est la langue du milieu.
Toutefois, malgré ces limites, nous croyons que les
résultats obtenus par l'analyse des réponses des leaders
d'opinion permettent de faire certains constats en ce qui concerne la
participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA. Ils mettent tout d'abord en évidence un lien
entre le pouvoir économique, le manque de temps, l'analphabétisme
et la participation des filles et des femmes à l'éducation en
matière de VIH/SIDA. Il existe aussi des liens étroits entre la
participation à l'éducation en matière de VIH/SIDA et la
profession de l'intéressée, et son lieu de résidence.
Les opinions recueillies auprès des leaders d'opinion
permettent d'attirer l'attention sur certains aspects positifs et leur
engagement auprès des filles et des femmes. Les leaders d'opinion
acceptent que la femme est la première école, la base de la
famille à laquelle il faut apporter les soins nécessaires et
l'encadrement adéquat.
Les facteurs propres à l'environnement familial et
social entreraient également en ligne de compte dans la participation
des filles et des femmes à l'éducation en matière de
VIH/SIDA. En effet, les données recueillies mettent en lumière
les opportunités qu'offre la famille élargie c'est-à-dire
les oncles et les cousins aussi bien pour l'encadrement parental, que
l'implication des frères et soeurs bien informés sur
l'éducation en matière de VIH/SIDA.
Cette étude a montré que la participation des
filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA
est déterminée par plusieurs facteurs dans lesquels interviennent
plusieurs éléments. Ceci confirme les approches socioculturelles
et socio-économiques élaborées par plusieurs auteurs. Les
questions qui ont été plusieurs fois soulevées signalent
la nécessité de se pencher plus attentivement sur la variable
«religion». En Afrique en général, la religion occupe
une place importante de la vie. Deux personnes sur trois fréquentent une
mosquée, un temple ou une église. Cet attachement à la
religion constitue une référence pour les communautés
africaines fortement islamisées qui rejettent toute éducation qui
ne prend pas en charge l'éducation religieuse des filles et des femmes.
Nous avons relevé que les leaders mettent en avant la religion pour
contrôler ce genre d'éducation qui semblerait donner de
liberté à parler du sexe et des préservatifs. La religion
conseille aux filles et aux femmes d'être subtiles et pudiques dans tout
sujet évoquant la sexualité. La finalité de toute
éducation, selon le guide religieux est d'exercer un contrôle sur
les filles et les femmes pour qu'elles soient de bonnes moeurs.
CHAPITRE 6
Conclusion et Perspectives
L'analyse de la situation de l'éducation des filles et
des femmes en Afrique subsaharienne en général, et au Niger en
particulier a révélé qu'une bonne partie de femmes n'ont
pas accès à l'éducation.
Les travaux relatifs à cette question ont mis en
exergue les facteurs explicatifs de ce phénomène. Il s'agit
principalement des facteurs socio-économiques et culturels. Nous nous
sommes également penchés sur la participation et l'engagement des
filles et des femmes à l'éducation en matière de VIH/SIDA
qui est une alternative éducative. Cette participation et cet engagement
sont liés essentiellement aux besoins d'amélioration de
l'accès des auditrices à l'éducation et d'acquisition de
compétences nouvelles.
Pour aborder cette recherche, nous avons procédé
à un état des lieux de la situation de l'éducation des
filles et des femmes. Nous avons pu voir que beaucoup de mesures importantes
ont été prises par la communauté internationale afin
d'améliorer l'accès des filles et des femmes à
l'éducation et que ces mesures ont fait l'objet de décisions
politiques internes des Etats dont le Niger.
Des études sur la situation socio-économique et
culturelle des filles et des femmes ont montré que tout
développement durable ne peut être atteint sans la participation
effective des femmes et que l'éducation de base demeure l'un des
indicateurs les plus importants pour assurer l'accès équitable de
toutes les couches de la société au développement.
Si la situation scolaire en Afrique subsaharienne, est assez
bonne, il a été démontré que beaucoup reste
à faire pour combler les écarts énormes entre les
sexes.
Le cadre théorique de notre recherche, nous a permis de
faire l'état des différentes études sur l'accès des
filles et des femmes à l'éducation. Ce qui nous a aidé
dans le choix des variables à mettre en exergue et dans le choix d'une
démarche qui complétera certains aspects qui n'ont pas
été abordé par ces recherches. Nous pensons à la
religion qui semble être fortement ancrée dans la mémoire
collective des populations africaines.
Quant au cadre conceptuel, il nous a permis de définir
les variables retenues pour mieux situer notre question de recherche. Ensuite,
le cadre problématique met en relation les variables d'entrée
(caractéristiques individuelles des filles et des femmes), les variables
processus (éducation, et éducation en matière de VIH/SIDA)
et la variable effet qui est la participation à l'éducation en
matière de VIH/SIDA.
A partir des questions posées, des hypothèses
ont été émises et la méthodologie a permis de
mettre en place un dispositif pour le recueil et le traitement des
données.
Les résultats obtenus ont montré que tous les
leaders d'opinion interrogés sont favorables à l'éducation
des filles et des femmes en général et à
l'éducation en matière de VIH/SIDA en particulier. Les
interviewés mariés et parents d'enfants ont tous une perception
positive de l'éducation en matière de VIH/SIDA des filles et des
femmes. En analysant les propos de ces leaders d'opinion, nous avons
noté que tous sont d'accord qu'il faut davantage de sensibilisation et
d'information pour amener toutes les filles et les femmes à participer
au programme d'éducation en matière de VIH/SIDA. Ils pensent que
ce n'est qu'une partie des filles et des femmes qui y participent à
cause de l'idée que tout le monde n'est pas concerné.
Pour la suite de notre recherche, nous allons suivre des
cohortes de filles et de femmes qui participent au programme d'éducation
en matière de VIH/SIDA pendant quatre ans en vue de déterminer
l'intensité du phénomène. Ensuite, nous verrons avec le
temps ce que sont devenues les participantes au programme ? Quelle a
été l'influence des programmes et des structures sur la
participation de ces bénéficiaires ?
Cependant, comme dans toute recherche, les limites et les
difficultés liées à diverses situations ne manquent pas de
se poser.
Une étude longitudinale requiert du temps pour obtenir
le maximum de cas de participation des filles et des femmes. A la fin du suivi,
nous comparerons les profils de la participation par rapport à l'origine
des familles des filles et des femmes. Il y a lieu de souligner que nous aurons
des cas de pertes compte tenu des déplacements des familles, des
migrations internes et des changements de l'environnement
socio-économique et culturel.
Dès lors, la nécessité de mettre en place
une étude plus approfondie pour obtenir des réponses plus
objectives à nos questions-problèmes se trouve ainsi
justifiée. Dans le cadre de la thèse, nous pourrons :
· Procéder à des prises de données
successives dans le temps pour nous permettre de mieux dégager les
liaisons entre les variables ;
· Augmenter le nombre d'interviews et de focus-groups et
tester à nouveau nos hypothèses de recherche, car la taille de
l'échantillon relativement faible (4 interviews) constituerait une
première limite ;
· Appliquer les focus-groups aux participantes au
programme d'éducation en matière de VIH/SIDA afin de recueillir
leur point de vue ;
· Comparer les profils des filles et des femmes qui
arrivent au bout de la formation avec ceux des autres filles et femmes qui
n'ont pas achevé la formation. Ces cohortes seront suivies jusqu'en
2007/2008 pour pouvoir déterminer l'intensité de la participation
et le temps du phénomène.
Ce travail mené à terme sera utile à tous
les Ministères de la république du Niger et aux ONG et
Associations de lutte contre le sida dans le cadre de l'amélioration de
l'éducation non formelle définie par la loi n°98-12 du
1er juin 1998. L'éducation en matière de santé
et de la lutte contre le VIH/SIDA est multisectorielle au Niger.
Devant le nombre de cas de sida enregistrés en Afrique
subsaharienne et particulièrement au Niger, ce travail dont nous
terminons la première partie, pourrait à terme contribuer
à améliorer, grâce à une éducation soutenue
en matière de santé et de lutte contre le sida des filles et des
femmes, la qualité de vie, l'accès à l'éducation et
l'adoption des comportements à moindres risques ; nous tenterons
également de dégager les liens entre projets d'éducation
alternatifs (éducation en matière de santé) et
éducation formelle afin d'étudier si les projets alternatifs
contribuent à moyen ou long terme à améliorer à la
fois l'accès et la qualité de l'éducation, surtout pour
ceux qui sortent des systèmes éducatifs et qui se retrouvent dans
la vie active. L'éducation constitue l'un des moyens de promouvoir la
construction d'une société harmonieuse et
équilibrée ainsi que l'affirmation de l'indépendance d'une
nation. C'est par l'éducation que la société transmet sa
culture, socialise sa jeunesse, forme ses cadres et prépare les futurs
citoyens. L'école est l'institution scolaire par excellence, le cadre
privilégié de l'éducation c'est-à-dire de
socialisation et de professionnalisation ; elle est
considérée comme le pivot de tous les autres domaines
d'activités d'une société. C'est à ce titre que les
effets positifs ou négatifs, les réussites ou les échecs
de l'action éducative se répercutent sur les autres secteurs
d'activité sociale.
Le meilleur potentiel dans la lutte contre le sida reste
néanmoins celui d'un programme d'éducation intégré
dans les programmes d'enseignement du système éducatif formel. Le
fait que le système éducatif formel offre un auditoire facile
à atteindre requiert la nécessité de s'assurer que le
contenu et les méthodes de présentation, de même que la
participation de l'auditoire, sont de qualité pour que, quel que soit
leur âge, les élèves se sentent personnellement
concernés à l'égard de l'information diffusée et
assimilent cette information de manière à changer par la suite
leurs comportements dans la bonne direction.
Pensons nous avec l'ONUSIDA que «aller à
l'école contribue à protéger du VIH/SIDA, car
l'éducation est notamment l'une des premières lignes de
défense contre la propagation du VIH et contre les effets du
sida» (ONUSIDA, 2004).
Dans cette perspective, l'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida joue un rôle clé dans
la création d'un environnement permettant d'éliminer les facteurs
qui favorisent la transmission du VIH/SIDA, environnement notamment
caractérisé par la réduction de la pauvreté, la
responsabilisation et l'égalité entre les sexes. Cette
éducation en matière de santé et de lutte contre le sida
permet de réduire également la dépendance des femmes
vis-à-vis des hommes et elle demeure une éducation alternative
aux autres formes d'éducation. Elle devient de plus en plus une
éducation phare compte tenu des mutations que connaît le
système éducatif classique. L'éducation en matière
de santé et de lutte contre le sida développe des
stratégies en matière d'éducation depuis que la crise
durable des systèmes éducatifs persiste, que les multiplications
de l'intrusion de projets/programmes éducatifs alternatifs dans
l'éducation formelle continuent, le besoin de prise en charge des
particularismes entraînant différentes formes d'éducation
communautaire et/ou le rejet de l'éducation formelle actuelle gagnent
considérablement du terrain eu égard à la montée du
phénomène de déscolarisation.
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