V. / Exemples concrets : les
croyances du marché
a) Le défaut russe :
En Russie, le déblocage d'une tranche d'aide du FMI en
juillet 1998, un mois avant la crise, a contribué à restaurer la
confiance dans le régime de change. Ce fut le facteur d'aléa
moral bien plus que la question de l'endettement public dont le marché
connaissait l'existence. En somme, le FMI a envoyé le message
suivant : le rouble tiendra. C'était l'essentiel car cela
supprimait en même temps le risque de change et d'insolvabilité.
Des investisseurs prennent alors le pari de prêter à nouveau, mais
la Russie se déclare en défaut de paiement à peine un mois
plus tard. Elle cumule alors le défaut souverain (y compris sur sa dette
domestique libellée en rouble) avec une dévaluation et un
effondrement de son secteur bancaire.
Quant à l'Argentine, les marchés n'ont
même pas eu besoin de l'intervention du FMI pour croire abusivement
à la solidité du currency board : ce régime d'ancrage
possédait en soi une crédibilité si forte que l'on n'avait
pas prévu de possibilité théorique de sortie. La plupart
des analystes privilégiaient d'ailleurs quelques mois avant la crise un
scénario de dollarisation : un abandon définitif du peso et
son remplacement par le dollar auraient placé la Banque centrale
américaine en situation de garante de la stabilité
monétaire argentine, en somme en situation de préteur en dernier
ressort. C'était une façon de resolvabiliser ou, au moins, de
décrédibiliser le pays.
b) La crise asiatique
Quelques mois plus tôt, pendant l'été
1997, des pays du pacifique eurent à faire des à crises
monétaires similaires à celle qui pourrait affecter la Russie. En
novembre 1997, après le début de cette crise Est-asiatique, le
rouble passait sous attaque spéculative. La banque centrale de Russie
défendait sa monnaie, perdant près de 6 milliards de dollars en
réserves de changes. Au même moment, les actionnaires non
résident de GKO signèrent des contrats à terme
(forward) avec la BCR pour échanger des roubles en devises
étrangères en leur permettant de se couvrir le risque de taux de
change pendant la période d'intérim. Selon Desai, ils avaient
préparé cette anticipation de perte de valeur du rouble comme les
asiatiques l'avaient fait. De plus, un montant important de dettes de grande
banques commerciales russes était hors bilan, consistant pour la plupart
de contrats à terme signés avec des investisseurs
étrangers. Les obligations nettes de tels contrats étaient
estimées s'élever à au moins 6 milliards pour le premier
semestre de 98. Puis en Décembre 1997, l'économie russe subit un
autre coup dur, les prix du pétrole et des métaux non ferreux,
soit jusqu'à des deux tiers des gains de la Russie commençaient
à descendre.
Le 13 août 98, les bourses, le marchés des
obligations et des changes s'effondra à cause des craintes des
investisseurs que le gouvernement dévaluerait le rouble et/ou faisant
défaut sur la dette domestique. Les rendements annuels des obligations
libellées en rouble étaient de 200%. La bourse dut même
être fermée pendant 35 minutes tellement les prix chutaient.
À la clôture de la bourse, sa valeur avait chuté de 65%
avec un petit nombre d'actions effectivement négociées. De
janvier à Aout, la bourse avait perdu plus de 75% de sa valeur.
La Russie finit 98 avec une baisse réelle de la
production de 4,9% pour l'année au lieu de la faible croissance positive
attendue. L'effondrement du rouble créa une chute des exportations
russes alors que les importations restaient basses. Depuis les investissements
directs en Russie avaient été au mieux incohérents. Dans
cette partie, nous avons vu les événements qui ont mené
jusqu'à une crise monétaire et le défaut de la dette ainsi
que les politiques menées pout l'éviter. On conclut que quatre
ingrédients clés mènent à une crise : un taux
de change fixe, un déficit fiscal, la dette, la conduite d'une politique
monétaire et les attentes de défaut imminentes. En prenant
l'exemple de la crise russe de 98, on montre que la prescription de contraction
de la politique monétaire face à une crise monétaire peut
sous certaines conditions accéléra sa dévaluation. En
définitive, la crise monétaire moderne est un symptôme
d'une économie nationale en difficulté. Dans ce contexte, il est
inapproprié de dire qu'il n'y a qu'un seul remède miracle pour
une crise monétaire.
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