S O M M A I R E
1-
INTRODUCTION...................................................................................
01
2-
PROBLEMATIQUE................................................................................
02
INTRODUCTION.....................................................................................02
2-1- LA
COMMUNICATION......................................................................02
2-2- LES TRAVAUX SUR L'IMMIGRATION ET LA
PRESSE.......................05
2-3-
L'IDENTITE.......................................................................................09
3-
METHODOLOGIE...................................................................................10
INTRODUCTION......................................................................................10
3-1- DE L'IMMIGRATION EN GENERAL A L'IMMIGRATION
ALGERIENNE..11
3-1-1- L'MMIGRATION EN
FRANCE......................................................11
3-1-2- L'IMMIGRATION
ALGERIENNE...................................................12
3-2- LES LECTEURS DE LA PRESSE ALGERIENNE EN
FRANCE..................20
3-3- LA TECHNIQUE D'ENQUETE
...............................................................24
3-3-1-
L'ENTRETIEN..............................................................................24
3-3-2- LE CHOIX DES
INTERVIEWES.......................................................25
3-3-3- LE RECUEIL DES
INFORMATIONS.................................................29
3-3-4- TRANSCRIPTION ET
ANALYSE.....................................................31
4- HISTOIRE DE LA PRESSE ECRITE
ALGERIENNE............................ 36
INTRODUCTION...........................................................................................36
4-1- UNE PRESSE
UNIQUE............................................................................36
4-2- OCTOBRE 88 ET L'EMERGENCE D'UNE PRESSE
PLURIELLE..................41
4-3- LA PRESSE
D'OPPOSITION.....................................................................49
4-4- LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE EN
FRANCE.......................................52
4-5- LES LIGNES
EDITORIALES......................................................................57
5-
LECTURES...................................................................................................61
INTRODUCTION........................................................................................61
5-1- LE LECTEUR
PASSIONNE...................................................................63
LE PERE LE GOSSE ET LA LANGUE
ARABE...........................................70
MES SOIREES AU TELEPHONE
!............................................................71
5-2- L'ENTRE
DEUX...................................................................................72
UN BOUT DE VIE A BIR
HAKIIM.............................................................75
MOI JE VAIS FAIRE UNE
COMPARAISON................................................76
5-3- LE LECTEUR
OCCASIONNEL..............................................................77
CITOYENNE DE SECONDE
ZONE............................................................78
J'AI PAS IMMIGRE MOI. JE SUIS PAS UN
IMMIGRE...................................80
5-4- LECTURE ET
IDENTITE.......................................................................82
6-
CONCLUSION................................................................................................86
*
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................89
1-
OUVRAGES..............................................................................................89
1-1- OUVRAGES
THEORIQUES.................................................................89
1-2- OUVRAGES SE RAPPORTANT A L'OBJET
D'ETUDE..............................92
2-
ARTICLES..................................................................................................94
2-1- ARTICLES
THEORIQUES.....................................................................94
2-2- ARTICLES SE RAPPORTANT A L'OBJET
D'ETUDE..................................94
3-
THESES.......................................................................................................95
4- DOCUMENTS
DIVERS.................................................................................95
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHES
(FIGURES).......................................96
ANNEXES
...............................................................................................................97
1-INTRODUCTION
Les travaux portant sur les émigrations ou les
immigrations sont nombreux notamment sur l'immigration algérienne en
France. Ces recherches étudient ces populations dans une
problématique historique ou économique en termes de causes des
départs des pays d'origine mais aussi en termes de vécu dans les
pays d'accueil (difficultés de vie, marginalisation...)
Les études portant sur les liens qu'entretient ou que
n'entretient pas (ou plus) une population immigrée avec son pays
d'origine sont tout aussi nombreuses.
Généralement ces travaux ne traduisent pas les
rapports que peut tisser une population immigrée avec la presse de son
pays d'origine comme des rapports révélateurs ou non de liens
entre cette communauté et son pays d'origine. Comme des rapports
révélateurs ou non de liens identitaires. Ces recherches ne les
abordent pas. Ne traitent pas de ces rapports. Il est communément
admis que la lecture n'est pas une pratique sociale de l'immigration.
Tel sera quant à nous l'objet que nous proposons..
Quelle place occupent les médias algériens au
sein de la population algérienne vivant en France ?
Le paysage médiatique algérien,
particulièrement celui de la presse écrite a changé. A la
presse d'Etat d'hier, vient s'ajouter une presse privée nombreuse et
différente.
La presse algérienne est présente chez les
buralistes en France depuis plus de vingt années. Comment s'inscrit-
elle - dans le champ médiatique utilisé par les algériens
?.
Nous abordons notre étude par la notion de
communication puis par la présentation de l'immigration
algérienne en France.
Nous présentons ensuite l'évolution de la presse
algérienne : de la presse "unique" à la presse "plurielle".
Pourquoi des algériens vivant en France lisent la
presse algérienne ?
Au delà du simple parcours informatif du journal
quelles raisons poussent ces algériens à lire cette presse ?
Telle est notre démarche.
2-PROBLEMATIQUE
1 INTRODUCTION
Nous abordons cette partie par la notion centrale de
communication. Comment devons nous entendre cette notion pour la
compréhension de notre objet ?
Nous y traitons également de la population visée
par notre étude. Nous achevons le chapitre par le concept
d'identité et la place qu'il tient dans notre démarche.
2 2.1 LA
COMMUNICATION
Dès lors que nous utilisons la notion de communication
nous sommes dans la nécessité de la clarifier.
Ce terme est en effet polysémique. Il porte en lui
plusieurs définitions selon que l'on s'interroge sur le processus de
communication ou sur un ou plusieurs éléments de ce processus
à savoir : sur les partenaires, sur le message ou bien sur les supports
de celui-ci. Ou bien encore si nous l'entendons comme "un système
à multiples canaux auquel l'acteur social participe à tout
instant qu'il le veuille ou non"1 En fait chaque
individu est membre actif d'un "orchestre".
Dans la première perspective c'est à dire
lorsque nous l'entendons comme processus, par définition nous faisons
appel à l'ensemble des caractéristiques de la communication,
c'est à dire non seulement l'émetteur mais aussi le
récepteur qui, par son "feed-back" inverse les rôles de l'un et
l'autre mais aussi le message. Le tout pris dans un ensemble cohérent.
On utilise d'ailleurs fréquemment pour désigner ce processus
l'expression "boucle de communication". Le processus est
entier, achevé, lorsque la boucle est bouclée
c'est à dire lorsque l'émetteur reçoit (en réponse
à son propre message) à son tour le "retour d'écoute" ou
"feed-back" (ou réaction). On parle de rupture de la communication
lorsque le processus est inachevé, interrompu.
1-G.BATESON et alii. La nouvelle communication (Y.
WINKIN en avant propos à).
Paris : Seuil, 1981.
"La communication est un terme irritant ajoute-t-il c'est un
invraisemblable fourre-tout, où l'on trouve des trains et des autobus,
des télégraphes et des chaînes de télévision,
des petits groupes de rencontre, des vases et des écluses".
La seconde perspective s'intéresse à l'un (ou
à plusieurs) des éléments du processus de communication.
Lorsque nous entendons la communication comme le message transporté nous
faisons référence à un système de signes
émis et à leur signification, mais aussi aux émetteurs
(source), aux récepteurs (destinataires) et à leurs
stratégies mutuelles.
Les supports de communication s'entendent comme les moyens par
lesquels les messages sont transmis. L'étude de ces moyens montre qu'ils
ont considérablement évolué et gagné de
façon exponentielle des sphères entières de populations
dans le monde.
A l'image de l'économie son pendant, la communication
est inégalement répartie et maîtrisée. (Quels
groupes pilotent INTERNET et qui sont ces dizaines de millions de consommateurs
qui y surfent ?)1
De même, son statut est diversement
apprécié selon les systèmes sociopolitiques.
C'est ce dont traite CHEVALDONNE dans son
ouvrage2 avec moult détails. Non seulement
il y a, dit-il, déséquilibre international dans l'information,
par ailleurs largement admis mais aussi des inégalités à
l'intérieur même de pays en "voie de développement".
Inégalités dans la réception dans la distribution, vite
expédiées par "les mass-médiologues" et utilisées
par eux comme un élément (une preuve) supplémentaire de
l'écart existant entre leur pays et les pays développés.
Celles ci ne peuvent donc leur être imputées.Eléments ou
preuves ces disparités se suffisent par elles mêmes.
Une des principales fonctions des "mass-médiologies"
écrit il est "d'empêcher que puissent être
constituées en objet d'étude les déterminations
concrètes de l'accès à la diffusion (quel problème
peut-il rester quand même les bergers ont le transistor.)".
En préface à l'étude de F.CHEVALDONNE,
J.C PASSERON appuie cette perception. Il écrit :
1-On comptait en janvier 1996, neuf millions et demi
d'ordinateurs reliés à INTERNET. Soit un total d'environ 55
millions d'utilisateurs surfeurs -on considère qu'il y a en
moyenne six utilisateurs pour un ordinateur- (Sources : NETWORK WIZARDS
citées par Arnaud DUFOUR "Que sais-je ?" N° 3073."
INTERNET". Paris : PUF, 1996.)
2-F.CHEVALDONNE : La communication
inégale : l'accès aux média dans les campagnes
algériennes. Paris CNRS, 1981. Cet ouvrage est issu de sa
thèse de 3° cycle "la communication inégale, facteurs de
différenciation quantitative dans la
réception des moyens modernes de diffusion.
Université Paris VIII, mai 1979.
"Dans la conversation des classes moyennes algériennes,
le lieu commun "même le berger a son transistor" dont l'évidence
triviale se renforce des échos idéologiques qu'elle
éveille, à l'infini, suffit le plus souvent à se rendre
quitte de questions embarrassantes sur les inégalités scolaires,
les monopoles d'information ou les
hétérogénéités culturelles".
Dans notre recherche nous nous intéresserons sur le
rapport qui lie une population particulière à une presse
particulière et traiterons de la communication ainsi que l'écrit
Erik NEVEU1 "comme une grille de lecture des
pratiques sociales".
Nous entendons traiter donc de la population algérienne
vivant en France et du type de relation qu'elle établit avec la presse
écrite algérienne disponible en France.
Quelle est la force de ce lien ? Comment les lecteurs
algériens l'expriment ils ? Comment et pourquoi cette population
algérienne "s'inscrit" dans un processus de communication dont la source
est essentiellement en Algérie.
"Il y a mille manières de lire, de voir,
d'écouter. (...) On peut sans doute mesurer au nombre et à la
taille des caractères, ou à la disposition des titres,
l'importance accordée à tel ou tel événement, mais
a-t-on le droit d'en inférer que le lecteur ait accordé à
cette information une importance proportionnelle aux millimètres
carrés qu'elle occupait dans le
journal ?»2.
L'algérien en France achète-t-il (lit-il) la
presse algérienne pour la lire c'est-à-dire pour s'informer ? Ou
bien juste pour la "regarder", la feuille, la posséder comme on
possède un objet, un bien auquel on tient pour ce qu'il
représente ?
Ou bien tout à la fois ? Lire, s'informer et montrer
(exhiber) qu'il lit un journal qui n'est pas d'ici, mais d'un ailleurs qui lui
est propre ? Qui lui appartient ?
1-E.NEVEU. Une société de
communication?.Paris : Monchrestien, 1994.p12.
2-P.BOURDIEU,J.C PASSERON. Sociologues des mythologies et
mythologies de sociologues in LES TEMPS MODERNES 12/1963, p998 à
1021.
3 2.2 LES TRAVAUX
SUR L'IMMIGRATION ET LA PRESSE.
L'immigration a fait l'objet de nombreuses études ainsi
que nous l'indiquions en introduction.
Notre recherche ne peut se mener sans au préalable
porter un regard sur des travaux ayant porté sur le rapport
qu'entretient une communauté vivant hors de son pays (de sa
région) avec la presse de son pays (de sa région) et/ou plus
généralement sur des travaux traitant du rapport qu'entretient le
lecteur de la presse écrite avec celle-ci. Du rôle et de la place
de la circulation de l'information écrite sur une communauté
constituée ailleurs qu'en son pays (ou région) d'origine.
L'essentiel des écrits consultés porte sur les
fonctions de la presse. La presse est traitée d'un point de vue
historique. Ainsi dès les premières pages de son ouvrage M.
VARIN-D'AINVILLE1 précise l'objet de sa
recherche en ces termes : " Il ne faut donc pas chercher dans notre
travail un historique de la presse, mais uniquement une analyse des fonctions
psychosociales qu'elle a successivement remplies (...) ".
De même C.A TUFFAL écrit2 dans le
même sens "on devrait voir se préciser les fonctions de la presse
(...) cette étude des fonctions menée avec précaution
selon des normes fonctionnalistes est nécessaire "
D'autres travaux traitent du rapport qu'entretient la presse
avec ses lecteurs en termes de régularités dans la
lecture.3
Il nous paraît intéressant de noter trois
ouvrages qui ont développé de manière tout à fait
différente cet objet. Ces travaux traitent de la place que tient la
presse au sein de l'immigration. Il s'agit pour le premier de N.
ANDERSEN4 qui réserve plusieurs pages au
hobo, cet ouvrier migrant non sédentaire et à sa place dans la
presse, " dans la presse réfractaire " :
1-M.VARIN-D'AINVELLE. La presse en France :
génèse et évolution de ses fonctions psycho-sociales.
Paris : PUF, 1965, p7
2-TUFFAL (C.A). Etude de la presse quotidienne
parisienne : le rapport entre informateurs et informés. Th.
Sciences Politiques : Toulouse : 1966, p159.
3-AKKA (A).Etude de la lecture de la presse quotidienne
dans une ville moyenne d'Algérie.Th.Sciences de l'Information :
Paris 2.
4-N.ANDERSEN. Le Hobo : Sociologie des sans-abri.
Paris : Nathan, 1993, chapitre XIII, « la vie intellectuelle du
hobo », p197.
"Sans eux des feuilles radicales telles que les
publications I.W.W et le Hobo-News n'attireraient pas les
sans-abri (...). Le `Industrial-Solidarity' est un journal typique de
l'organisation I.W.W. Mieux que toutes ses autres publications, il
parvient à refléter les opinions et l'esprit du hobo moyen
(...)."
Le second livre est de A SAYAD qui traite de la circulation de
l'information au sein de la communauté algérienne en
France5. Il écrit :
" Tout groupe dispose à chaque moment, pour
pouvoir communiquer avec ses membres absents (ou ses émigrés),
d'un ensemble d'instruments qui forment système : messages oraux (et
parfois écrits) ".
A.SAYAD développe son argumentaire autour des lettres
adressées (ou reçues) par les immigrés mais aussi du
message oral. " La forme la plus simple, la plus directe, la plus
spontanée parce que la plus facilement accessible ".
Il n'intègre pas la presse dans ses observations.
Celle-ci ne véhiculant que très partiellement des messages
directs. (annonces diverses nominatives). Il écrit par
contre dans un autre ouvrage2 :
" La communauté algérienne n'a pas de
presse propre à diffusion nationale en dehors de la semaine de
l'immigration diffusée par l'Amicale des Algériens en
Europe (A.A.E). Mais elle est largement présente par diverses
" agences de presses " et publications, dont le mensuel Sans
Frontières, Nous autres (plus Jeunes
français-musulmans), Cosmopolis. Ces publications ont aujourd'hui
disparu.
La troisième publication est celle de M.
TRIBALAT3 dont un chapitre est consacré aux
"pratiques linguistiques et (à la) consommation médiatique".
Comment dans leur manière de vivre en France les immigrés
trouvent des substituts à leurs rapports directs avec le pays d'origine.
L'auteur écrit : "Les journaux du pays d'origine occupent une
fonction importante pour les immigrés en maintenant le lien avec la
société qu'on a quittée".
1-A.SAYAD. L'immigration ou les paradoxes de
l'altérité. Chapitre 6 " du message oral au message sur
cassette. La communication avec l'absent ". Bruxelles : De Boeck
Université / Editions Universitaires, 1991, p147
2-A.GILLETTE, A.SAYAD. L'immigration algérienne en
France. Paris : Entente, 1984, p22.
3-M. TRIBALAT (avec la participation de P. SIMON et B.
RIANDEY). De l'immigration à l'assimilation : enquête sur les
populations d'origines étrangères en France. Paris : La
Découverte / INED, 1996, p188 - 213.
Pourquoi les algériens en France lisent la presse
algérienne ? Quelles raisons les y poussent ? Quels besoins
éprouvent-ils à sa lecture ?
Questions centrales autours desquelles se greffent d'autres
:
-Quelle place tient la presse écrite algérienne
dans le maintien des liens entre les algériens en France et
l'Algérie et/ou les algériens demeurés au pays ?
-Comment est exprimé, comment apparaît par l'acte
même de lire et à travers la lecture de la presse le sentiment
d'appartenance au pays d'origine ?
Ou comment il n'apparaît pas ? C'est à dire
comment un type particulier de lecture, une lecture artificielle tout à
fait aléatoire, dévoile une "certaine distance" prise par rapport
au pays d'origine.
La problématique élaborée initialement
n'a pas été retenue (secteurs et lieux de
pénétration...). Elle a été recentrée
particulièrement lorsque nous avons pris connaissance des chiffres
concernant la diffusion même de cette presse en France ; en
réalité bien en deçà de ce que nous
prévoyions.
La population visée par mon étude s'entend comme
:
-Les algériens installés en France qui y vivent
et possèdent un titre de séjour. Y compris leurs enfants. Cette
précision est nécessaire car la notion -non retenue- de
"immigré" est liée à un déplacement
géographique : " venir se fixer dans un pays étranger au
sien" ou
"arrivée dans un pays, d'étrangers venus s'y
installer et travailler" même si écrit A.SAYAD : " on ne sait
plus s'il s'agit d'un état provisoire mais qu'on se plaît à
prolonger indéfiniment ou au contraire, s'il s'agit d'un état
plus durable mais qu'on se plaît à vivre avec un intense sentiment
du provisoire."1. Or les enfants d'immigrés
n'ont pas forcément « fait ce voyage ». Ces enfants
font partie de la population-cible de cette
étude2.
- De même, ceux qui possèdent la double
nationalité : française et algérienne.
1- A.SAYAD.Ibid.p51
2- Lire la note 2 en page 11
- Une partie de cette population d'algériens vivant en
France, peu nombreuse et qui réfute le qualificatif
" immigré". Les algériens entrant dans cette
catégorie ne se considèrent pas comme immigrés, notion qui
sous-tend l'idée de "s'installer" comme précisé plus haut.
Ce sont des algériens qui, pour des raisons objectives (crise politique
et climat de guerre civile depuis les premiers mois de l'année 1992)
sont venus "pour quelques temps" se replier en France. Ils ne sont pas
binationaux (franco-algériens) Ils n'entrent pas non plus dans la
catégorie "touriste". Tous ne sont pas comptabilisés dans les
chiffres de l'INSEE que nous avons donné plus haut.
La presse algérienne s'entend comme la presse
écrite, traitant prioritairement d'informations relatives à
l'Algérie et diffusée en Ile-de-France, qu'elle soit
éditée en Algérie ou non ; d'expression
française ou non, quel que soit sont statut : presse du secteur public
ou privé (partisane ou non).
Les uns et les autres utilisent la presse écrite comme
un référent identitaire. Un référent traduisant
leurs liens au pays. Ou, pour les "nouvelles générations" un
référent traduisant leur volonté de ne pas rompre avec le
pays de leurs parents. Nous entendons par référent identitaire un
élément parmi d'autres par lequel l'individu s'identifie.
Notre postulat est que les motifs qui incitent les
algériens en France à lire la presse algérienne
réfèrent pur certains essentiellement à une
réaction. Réaction par rapport à un environnement qui de
leur point de vue les perçoit négativement. Cet environnement
s'entend comme l'administration locale, l'information, le voisinage, les lieux
de vie. C'est une lecture-réaction, lecture-refuge.
Pour d'autres la lecture de la presse s'inscrit plus dans une
perspective de maintient sinon d'affirmation de leur appartenance.
L'identification est une nécessité pour tout
individu.
Dans la section suivante nous développons ce concept
d'identité.
4 2.3
L'IDENTITE
L'identité est un concept complexe qui est à
manipuler avec précaution car historiquement il fut-il est-
utilisé à des fins douteuses (la fascination de
l'homogénéité) où les particularités de
l'individu sont niées au nom de traits de caractères communs
immuables à un ensemble d'individus d'une société
donnée.
Or les individus ont des histoires personnelles. Des histoires
propres telles qu'ils ne sont jamais (tout à fait) identiques les uns
aux autres.
La situation dans laquelle se trouvent des individus est
définie aussi bien par des caractères objectifs que subjectifs.
C'est à dire que toute situation objective dans laquelle se trouve un
individu doit être intégrée et complétée par
sa biographie. Le comportement d'un individu (situation objective) s'explique
par la prise en compte des caractères subjectifs (sa trajectoire
propre).
La trajectoire qui est propre à l'individu intervient
dans l'explication de telle situation de cet individu à tel moment en
tel lieu.1 "Cet état profond" écrit
DURKHEIM.
Ou autrement cet "habitus (...) produit de l'histoire, c'est
un système de dispositions ouvert qui est sans cesse affronté
à des expériences nouvelles et donc sans cesse affecté par
elles". 2
Dès sa naissance l'homme est confronté à
la construction de son identité. Dès les premières
années l'individu exprime ce besoin d'identification par
l'adhésion à des valeurs, à des codes, à des
groupes non pas comme de simples agrégats mais comme des unités
sociales cohérentes produisant ces normes et valeurs et fonctionnant
comme modèles.
Tout au long de son existence l'individu construit, consolide
son identité. Il est en quête d'identité. L'identité
écrit ERICKSON3 "n'est jamais
installée, jamais achevée comme le serait une
manière d'armature de la personnalité ou quoi que ce soit de
statique et d'inaltérable".
Nous tenterons dans notre étude de mettre en relief les
liens que dévoile la pratique de la lecture de la presse
algérienne entre cette pratique même et la formation /
consolidation de l'identité.
1-Dans "formes identitaires et socialisation
professionnelle". Revue Française de Sociologie N° 32 / 1992,
p506, C. DUBAR écrit que l'identité " peut toujours être
analysée : à la fois comme le produit intériorisé
de ses conditions sociales(de l'individu) antérieures les plus
objectives et comme l'expression de ses espérances individuelles les
plus objectives". Il se refuse de distinguer l'identité individuelle de
l'identité sociale.
2- P. BOURDIEU (avec L.J.D. WACQUANT). Réponses. Paris
: Seuil, 1992, p108.
3-E.H.Erikson. Adolescence et crise : la quête
de l'identité. Paris : Flammarion, 1972.
3-METHODOLOGIE
5
INTRODUCTION
Nécessairement la construction de notre objet de
recherche fait appel à une démarche théorique. Il ne nous
appartient pas au stade qui est le notre d'intégrer le débat sur
le bien-fondé ou non des "modes de pensée binaires pour la
compréhension des phénomènes
sociaux1.
Ce débat sur l'appréhension de la
réalité sociale est ancien et "s'alimente à des
oppositions d'ordre philosophique, politique et
culturel"2.
Il demeure néanmoins possible de tenter (risquer)
quelque démarche. L'activité sociale est le fruit d'actions
humaines. Appréhender une réalité sociale c'est tenter des
réponses causales mais aussi comprendre le sens donné à
cette réalité fruit de ces actions humaines. Quelle
intelligibilité donner à la conduite humaine ?
Comprendre ou expliquer ? Ou comprendre et expliquer ?
Ne s'agit-il pas plutôt de se situer au coeur de la
tension entre explication et compréhension ?3
.Comprendre le point de vue des agents. Saisir le sens de leur
conduite. 4
Nous brosserons dans ce chapitre un bref historique de
l'immigration en France dans sa globalité puis nous nous
intéresserons à l'immigration algérienne : son
évolution et sa réalité actuelle particulièrement
en Ile -de- France.
Nous traiterons dans la section suivante des lecteurs de la
presse algérienne. Qui objectivement est lecteur en Ile -de- France ?
Nous entamerons enfin l'enquête elle-même. Du
choix de l'entretien à celui des interviewés, du recueil et du
type d'analyse des informations.
1-PH.CORCUFF écrit dans les nouvelles
sociologies. Paris : Nathan, Université, 1995, p8:
« Depuis leurs débuts, les sciences sociales se
débattent avec toute une série de couples de concepts comme
matériel / idéel, objectif / subjectif ou collectif / individuel
(...). La répétition et la solidification de ces modes de
pensée binaires apparaissent assez ruineuses pour la
compréhension et l'explication de phénomènes sociaux
complexes. »
2-J.M BERTHELOT. L'intelligence du social. Paris :
PUF, 1990, p9.
3-F.DOSSE. L'empire du sens. Paris : La découverte,
1995, p171.
4-"Mais comment saisir ce sens? Weber introduit ici une
nouvelle distinction, ce qu'il appelle la compréhension actuelle ou
immédiate et la compréhension explicative. Nous comprenons de la
première manière le sens d'une multiplication que nous effectuons
ou d'une page que nous lisons (...) la seconde forme est indirecte parce
qu'elle fait intervenir les motifs des actes dans la saisie du sens. Je
comprends de cette manière, le sens qu'une personne donne à une
opération de calcul quand je la vois plongée dans un
problème de comptabilité (...).Comprendre peut-on dire, c'est
saisir l'évidence du sens d'une activité ».J.FREUND.
Sociologie de Max WEBER. Paris : PUF, 1983,p84.
6 3.1 DE
L'IMMIGRATION EN GENERAL A L'IMMIGRATION ALGÉRIENNE
3.1.1 L'IMMIGRATION EN FRANCE
Les mouvements migratoires vers la France sont anciens. De
100.000 au début du siècle, le nombre des étrangers en
France serait passé en 1851 à
380.0001 accompagnant ainsi le développement
industriel, particulièrement durant la seconde moitié du
siècle. Cette population étrangère est essentiellement
européenne. Elle représente en 1881,
2,7 % de la population totale en France.
Confrontée à des problèmes de main
d'oeuvre l'industrie française sollicite et encourage la venue de
populations étrangères notamment après la seconde guerre
mondiale. Bien qu'il y ait eu parfois des reflux, d'une manière
générale le nombre des immigrés va croître, passant
de 1.743.619 en 1946 à 2.621.088 en 1968 puis à 3.596.602 lors du
dernier recensement. 2
Essentiellement européenne au début du
siècle l'origine géographique de ces étrangers va se
modifier. En 1911, en effet 85 % venaient de pays européens voisins de
la France3, en 1990 ils ne sont plus que
41 % des étrangers4.
Les pays d'origine se diversifient plus. Ils sont africains,
asiatiques. En 1990 les étrangers résidents représentent
6,34 % de la population totale (en 1931 ils étaient 6,58 %)
5.
Les algériens en France sont au nombre de
614.2076. Leur présence remonte au
début du siècle.
1-Estimation de P.DEPOID cité par G. TAPINOS :
l'immigration étrangère en France, 1946-1973, Cahiers N° 71.
INED- Paris : PUF, 1975.
2-Dont 2.840.000 nés hors de France et 750.000
nés en France.
Les "immigrés" s'entendent comme les étrangers
nés hors de France (2.840.000) auxquels officiellement s'ajoutent les
étrangers ayant acquis la nationalité française
(1.290.000).
"Juridiquement un étranger est une personne qui,
résidant en permanence en France n'a pas la nationalité
française. (...) L'immigré (est) quelqu'un qui, né
à l'étranger est entré en France et y vit en
général définitivement. (...) Il y a des immigrés
qui sont restés étrangers et des immigrés qui sont devenus
français" (Gérard LE GALL rapporteur de la commission de la
qualité de la vie du Comité Economique et Social d'Ile-de-France,
in : C.E.S Janvier 1992 "Réflexion sur l'immigration en
France".
3-G.TAPINOS.Ibid.
4-INSEE : La société française :
Données sociales. 1993
5-B.STORA. Ibid.
6-INSEE : Résultats/
démographie-société. Recensement de la population de 1990.
Nationalités N° 21.
3.1.2 L'IMMIGRATION ALGERIENNE EN FRANCE
"En 1912, une enquête officielle estime à 4 ou
5000 le nombre des algériens employés en France (...) De 1915
à 1918, 78.056 algériens (...) sont introduits en France par
l'Etat recruteur, importateur, placeur et contrôleur de la main d'oeuvre
coloniale"1.
On compte 100.000 algériens en France en 1939.
1954 :2 211.675 algériens
résident en France. Ils représentent 12 % de l'ensemble de la
population étrangère ; 0,50 % de la population totale
(42.781.370).
En 1975,3 au lendemain de
l'arrêt officiel de l'immigration (juillet 1974), ils représentent
20,64 % de la population étrangère soit 710.690 et 1,35 % de la
population totale.
Figure (Tableau) 1
Populations en France
Années
|
a-Algériens.
en
France
|
b- Etrangers.
en
France
|
c- Population.
totale en
France
|
R a p
a / b
|
p o r t
b / c
|
1946
|
/
|
1.743.619
|
39.848.182
|
/
|
4.37
|
1954
|
211.675
|
1.765.298
|
42.781.370
|
12
|
4.12
|
1962
|
350.486
|
2.169.665
|
46.458.956
|
16.2
|
4.67
|
1968
|
473.812
|
2.621.088
|
49.654.556
|
18.1
|
5.27
|
1975
|
710.690
|
3.442.415
|
52.559.430
|
20.64
|
6.55
|
1982
|
805.116
|
3.714.200
|
54.295.612
|
21.67
|
6.84
|
1990
|
614.207
|
3.596.602
|
56.651.955
|
17.07
|
6.35
|
Source : INSEE. Résultats/ Démographie -
société - " recensement de la population
de 1990. Nationalités N° 21".
1-B. STORA. Ils venaient d'Algérie.
L'immigration algérienne en France, 1912-1992. Paris : Fayard, 1992
2-INSEE (brochure). Résultats / démographie,
société : recensement de la population. 1990. Nationalité
; N° 21 ». Paris : INSEE, 1992.
3-En septembre 1973 le pouvoir algérien décide
de stopper l'émigration algérienne vers la France.
En 1990 il y a 614.207 algériens (près de
100.000 de moins qu'en 1975) sur 3.596.602 étrangers soit 17,07 % pour
une population globale de 56.651.955 soit 1,08 % de
celle-ci1. Cette population
algérienne contrairement à celle de la première
moitié du siècle est de plus en plus familiale. 197.372 personnes
(32,13 %) ont moins de 25 ans. La population comprise dans la tranche des 25-54
ans comprend 133.813 femmes soit 42,15 % de cette tranche.
Sur l'ensemble de la population algérienne (614.207),
41,35% sont de sexe féminin (253.946).
Ces proportions se retrouvent en Ile-de-France.
L'Ile-de-France est la région de France où le taux de
concentration des algériens est le plus fort : 39 % des
algériens en France y vivent en 1990, soit : 238.955. Nos travaux
porteront sur la population algérienne de cette région.
Les algériens représentent 17,35 % de la
population étrangère en Ile-de-France. Celle-ci
s'élève à 1.377.416 soit 2,24 % de la population totale (y
compris les étrangers) d'Ile-de-France qui est de 10.660.075.
Figure (Tableau) 2
Populations en Ile-de-France
Années
|
a-Algériens.
en
I de France
|
b- Etrangers.
en
I de France
|
c-Population.
totale en
I de France
|
R a p
a / b
|
p o r t
b / c
|
1946
|
/
|
313.905
|
6.007.002
|
/
|
5.22
|
1954
|
/
|
379.560
|
7.304.920
|
/
|
5.19
|
1962
|
130.767
|
575.138
|
8.486.984
|
22.74
|
6.77
|
1968
|
176.204
|
817.828
|
9.234.856
|
21.54
|
8.85
|
1975
|
246.220
|
1.156.095
|
9.876.665
|
21.30
|
11.70
|
1982
|
295.948
|
1.339.944
|
10.071.068
|
22.08
|
13.30
|
1990
|
238.955
|
1.377.416
|
10.660.075
|
17.35
|
12.92
|
Source : INSEE. Résultats/ Démographie -
société - " recensement de la population
de 1990. Nationalités N° 21. Et INSEE : tableaux
de l'économie de l'Ile-de-France.
Ed : 1995.
1-INSEE (brochure).Ibid.
Commentaires concernant la répartition des
algériens en Ile -de-France.
Age
La tranche d'âge la plus importante est celle des 40 -
59 ans (86.860 soit 36,35 %)
Les moins de 15 ans sont : 45.691 (19,12 %)
21.780 ont 60 ans et plus (9,11 %).
(T3 répartition par département et T8 en
annexe)
Sexe
Sur les 238.955 algériens en Ile -de- France, 39,50 %
sont de sexe féminin : 94.389
60,50 % sont de sexe masculin : 144.566.
Trois autres chiffres sont à retenir
1-la tranche d'âge des 25 - 39 ans est la seule
où les femmes sont plus nombreuses que les hommes : 30.928 pour 27.040
hommes.
2- il y a une grande différence dans la tranche des 40
- 59 ans. Les hommes sont 63.356, les femmes 23.504.
3- les personnes de 60 ans et plus se comptent beaucoup plus
chez les hommes (16.784) que chez les femmes (4.996).
(T4 et T5 répartition par département et T8 en
annexe)
C.S.P
59.8 % des algériens actifs (114.068) sont ouvriers
soit 68.216.
3.47 % sont des cadres (3.968) dont 1552 à Paris
On note quatre agriculteurs (installés en Seine saint
Denis).
(T6 répartition par département et T8 en
annexe)
Les algériens récemment (chiffres de 1990, 1991)
arrivés en France se répartissent ainsi1.
Figure (Tableau) 7
|
Algériens
|
récemment
|
arrivés
|
en
|
France
|
Années
|
Bénéficiaires
d'une autoris. prov. de trav.
|
Stagiaires
|
Etudiants
|
Demand.Asile2
|
Total
|
1990
|
77
|
27
|
3225
|
144
|
3473
|
1991
|
86
|
23
|
3662
|
191
|
3962
|
1-André LEBON. Aspects de l'immigration et de la
présence étrangère en France : 1991-1992. Ministère
des affaires sociales et de l'intégration.1992
Tableaux 3 et 4 pages 89 et 90 " immigration à
statut temporaire".
2- Sans indication sur les demandes accordées.-Sur les
demandes de statut de réfugié politique, Alger-Info
International indique (n° du 28 février 1996 page 4) :
" Pour les algériens, sur 2.208 demandes examinées, seules
16 cartes ont été accordées ". Ces chiffres
concernent les onze premiers mois de l'année1995.
7 3.2 LES
LECTEURS DE LA PRESSE ALGERIENNE EN FRANCE
Afin de saisir la population objectivement lectrice de
journaux algériens il nous paraît utile d'indiquer les proportions
d'algériens ayant poursuivi une scolarité ou simplement la
proportion de ceux qui savent lire le français (la vente de la presse
algérienne en langue arabe est insignifiante).
Comme nous l'avons indiqué, l'immigration
algérienne, particulièrement à partir des années
soixante dix s'est fortement sédentarisée. Elle est devenue plus
familiale.
Sur la scolarité de cette population algérienne
en France l' INSEE1 indique que :
70,80 % des algériens de 15 ans ou plus
déclarent ne pas posséder de diplôme.
6,60 % le Bac (ou BP) ou plus.
22,60 % le CEP, le BEPC, CAP ou le BEP.
Quant à la tranche d'âge des 25-29 ans nous
relevons que 57 % possèdent un diplôme inférieur au Bac.
19,50 % ne possèdent aucun diplôme2 et
3.
Pour la même tranche d'âge 35,50 % seulement
possèdent un niveau scolaire égal ou supérieur à la
seconde. 31 % pour les garçons, 40 % pour les filles.
Nous relevons à partir de l'enquête
réalisée par M.TRIBALAT2 et3 que 57 %
des jeunes d'origine algérienne de 25 - 29 ans possèdent un
diplôme inférieur au Bac. 19,5 % ne possèdent aucun
diplôme.
1-INSEE. Les étrangers en France. Paris : INSEE /
Contours et caractères, 1994, p55.
2-M. TRIBALAT. Faire France. Paris : La
Découverte, 1995 p144 - 153.
3-Les tranches d'âges utilisées par l'INSEE et
TRIBALAT se chevauchent.
Figure (Tableau) 8
Répartition par niveaux
|
scolaires
|
25 / 29 ans
|
NIVEAUX
|
H
|
F
|
Primaire
|
1 %
|
1
|
Mise à niveau
|
3
|
8
|
Collège
|
11
|
11
|
Technique court
|
54
|
50
|
Lycée gl ou profess.
|
14
|
19
|
Supérieur
|
17
|
21
|
Sources : M. TRIBALAT. Faire France. Paris :
La Découverte, 1995 p144 - 153
De manière générale la population
algérienne sachant lire et écrire le français, tous
âges confondus s'élève à 53
%.1
Le taux est fort élevé pour ceux des
algériens qui à l'arrivée en France avaient moins de 15
ans (92 %). Ceux qui sont arrivés en France après 15 ans sont 38
% à lire et écrire le français.
Dans la partie réservée à la pratique de
la lecture de la presse M. TRIBALAT indique2 :
-62 % des algériens en France sachant
lire et écrire ne lisent jamais la presse algérienne (ils ne sont
que 5 % à ne lire jamais la presse
française).
-30 % lisent occasionnellement la presse algérienne (32
% pour la presse française).
-8 % lisent régulièrement la
presse algérienne (63 % lisent régulièrement la presse
française).
1-M. TRIBALAT. De l'immigration.... Op.Cit.
2-M. TRIBALAT. Ibid.: l'enquête semble avoir
été réalisée avant l'avènement de la presse
privée en Algérie. Elle indique que
Algérie-Actualité et El-Moudjahid sont les deux
principaux "quotidiens". Note 19 en
page 208.
Lus autrement ces taux rapportés aux algériens
habitant en Ile-de-France et sachant lire et
écrire1 nous donnent :
-148.000 algériens en Ile -de-
France2 sachant lire et écrire. Ils se
répartissent dans la lecture de la presse ainsi :
A : 238.955 algériens résident en
Ile-de-France.
B : 21.000 algériens sont récemment
arrivés d'Algérie.
C : 148.000 algériens en Ile-de-France savent lire et
écrire.
D : 91.760 ne lisent jamais la presse algérienne
E : 7.400 ne lisent jamais la presse française.
F : 44.400 lisent occasionnellement la presse
algérienne.
G : 47.360 lisent occasionnellement la presse
française.
H : 11.840 lisent régulièrement la presse
algérienne.
J : 93.240 lisent régulièrement la presse
française.
1- En reprenant l'information donnée par M.TRIBALAT in
"De l'immigration..." Op. Cit. A savoir que 53 % des algériens en France
savent lire et écrire.
2- Nous avons en Ile-de-France 238.955 algériens
recensés par l'INSEE en 1990 soit 126.650 (53 %) sachant lire et
écrire.
Nous avons ajouté à ces 126.650, les
algériens arrivés en France depuis 1990 (réfugiés,
étudiants...) que nous estimons à 21.000 si nous nous
référons aux chiffres communiqués par le Ministère
des affaires sociales pour les années 1990/1991 : 3.500 à 3.900 /
an (lire tableau en page 19). Nous considérons que le taux des
lettrés dans cette population est de 100 %. La population
algérienne sachant lire et écrire en Ile-de-France
s'élève donc à environ 148.000 personnes.
Environ 12.000 algériens en
Ile-de-France lisent régulièrement la presse algérienne.
Ce chiffre (qui n'indique pas la part des acheteurs -section 4.4-) est proche
de celui des ventes indiquées par ailleurs. (ventes affectées
d'un taux de circulation).
Nous sommes (du point de vue du capital scolaire) dans ce que
CHEVALDONNE appelle la communication inégale. Bien que les causes (et
raisons) de la non-lecture soient nombreuses nous pouvons y ajouter une
variable discriminante qui est le niveau scolaire. La télévision
par exemple, autre élément véhicule d'identification dont
l'exigence en matière d'accès est moindre, est disponible dans 92
% des foyers algériens en France (lire section 5.4).
Dans la section suivante nous expliquons les choix du type
d'enquête et celui des interviewés.
8 3.3 LA
TECHNIQUE D'ENQUETE
3.3.1 L'ENTRETIEN
Le choix de l'observation tenant compte de l'objet, et de la
perspective choisie, nous avons opté pour un choix indirect
d'observation.
Nous avons choisi l'entretien comme instrument d'observation
"Nous définissons empiriquement l'entretien de
recherche comme un entretien entre deux personnes, un interviewer et un
interviewé conduit et enregistré par l'interviewer, ce dernier
ayant pour objectif de favoriser la production d'un discours linéaire de
l'interviewé sur un thème défini dans le cadre d'une
recherche. L'entretien de recherche est donc utilisé pour étudier
les faits dont la parole est le vecteur."1
Entretiens semi-directifs. Entretiens articulés autour
d'un certain nombre de thèmes (ou fonctions) comportant chacun des
indicateurs et le talon sociologique (lire en annexe). Des relances ont
été nécessaires.
" L'entretien semi-directif : l'enquêteur
connaît tous les thèmes sur lesquels il doit obtenir les
réactions de l'enquêté, mais l'ordre et la manière
dont il les introduira sont laissé à son jugement, la consigne de
départ étant seule fixée."2
Le plan d'entretien " comprend à la fois
l'ensemble organisé des thèmes que l'on souhaite explorer (le
guide) et les stratégies d'intervention de
l'interviewer."3
Dans notre guide d'entretien nous avons retenu les axes de
thèmes suivants :
Le premier : la trajectoire
L'interviewé parle de son parcours, qu'il soit
familial, professionnel ou scolaire...
1-A.BLANCHET et al. Les techniques d'enquêtes en
sciences sociales. (W.LABOV et D.FANSCHEL cités par). Paris :
Dunod, 1987, p85.
2-R.GHIGLIONE,B.MATALON. Les enquêtes sociologiques
théories et pratique. 4° ed.Paris : Armand Colin, 1985,
p58.
3--A.BLANCHET, A.GOTMAN. L'enquête et ses
méthodes : l'entretien. Paris : Nathan, 1992, p61.
Le 2°, la vie quotidienne
Ici l'interviewé raconte la vie d'aujourd'hui, son
logement, ses relations, ses consommations...
Le 3°, le poids du lien
Un axe important dans lequel le locuteur nous renseigne sur
ses loisirs, ses relations, son mode de vie...
Le 4°, l'environnement
Il s'agit de prendre en considération l'ensemble des
aléas engendrés par l'environnement de l'interviewé.
Le 5°, les médias
Comment le lecteur algérien perçoit les
média, comment "il les vit", qu'ils soient algériens ou non. Que
ce soit la télévision, la radio, la presse....
Le Talon Sociologique
Les demandes formulées au locuteur sur sa situation
professionnelle, matrimoniale, sur son lieu de naissance et cetera
interviennent directement lorsque ces variables n'apparaissent pas dans
l'entretien.
3.3.2 LE CHOIX DES INTERVIEWES
Le champ de l'analyse concerne la population
précédemment caractérisée. Il s'agit donc d'un
échantillon significatif portant sur 21 individus lecteurs en
Ile-de-France.
Ce chiffre aurait pu être supérieur,
néanmoins les mêmes types d'arguments revenaient
(répétition ou saturation) qui nous a, le manque de temps aidant
incité à nous contenter des 21 entretiens réalisés
pour l'essentiel au courant du mois de juillet. (7 avant le mois de juin).
Les critères de stratification sur la base desquels
nous avons choisi les personnes à interviewer sont : d' abord les lieux
d'achat, l'âge, le sexe, le niveau d'instruction, la catégorie
socio professionnelle, le statut d'immigration.
Compte tenu de l'importance des lieux de vente des journaux
algériens, nous avons axé nos entretiens sur Paris (17) et en
banlieue (4).
Pour Paris : 13 entretiens à partir de kiosques
donnés comme lieux de fortes ventes par les NMPP et I.P.S. (lire en p
25) et quatre autres dans divers autres lieux.
Pour la banlieue : Nous avons procédé à
deux entretiens à Saint-Denis, deux à Nanterre.
Par ailleurs vu le fait que tout lecteur n'étant pas
nécessairement " acheteur " (un journal " circule ")
nous avons demandé la collaboration d'intermédiaires.
Soit : sur les 21 interviewés, huit entretiens ne se
sont pas déroulés directement à la suite d'un achat. (huit
sur 21 ou, après sélection : trois sur 14.)
Nous avons tenu à diversifier autant que faire se peut
les profils de la population concernée. (voir tableau 9 : entretiens
retenus)
Tous les entretiens n'ont pas été retenus pour
l'analyse. En effet : six entretiens ont été rejetés pour
les motifs suivants :
3 pour : guide d'entretien inopérant (entretiens
ultérieurement codifiés. (A-B-C).
2 pour : défaillance de l'appareil enregistreur.
(H-I).
1 pour : conditions du recueil. (E).
1 pour : conditions du recueil et entretien interrompu.
(F).
Nous avons donc exploité 14 entretiens :
D-G-J-K-L-M-N-P-Q-R-S-T-U-V. dans le respect des critères sus
énoncés. Ces profils se présentent ainsi :
Age :
-Tranche des 15 - 24 ans (1entretien)
-Tranche des 25 - 39 ans (6)
-Tranche des 40 - 59 ans (6)
-Tranche des 60 ans et plus (1)
CSP :
-Cadre (2)
-Ouvrier, employé (6)
-Retraité, inactif (3)
-Universitaire (3)
Niveau d'instruction :
-Primaire (2)
-Secondaire (collège et lycée) (6)
-Supérieur (6)
Sexe :
-Homme (12)
-Femme (2)
Statut :
-Arrivée avant juillet 1974 date de l'arrêt
officiel de l'immigration en
France, c'est la "première
génération"(5 entretiens).
-Algériens nés en France ou amenés
très jeunes par leurs parents, c'est
"la seconde génération" (3)
-Arrivée en France après 7/1974 et avant 10/1988
(2)
-Arrivée en France après les manifestations
d'Octobre 1988 qui
modifieront le paysage politique en Algérie (4)
Il nous est arrivé d'attendre plus d'une heure devant
le kiosque au bas du boulevard Saint Michel -lieu de fortes ventes- heure
durant laquelle nous avons sollicité une dizaine d'acheteurs de journaux
algériens qui ont tous systématiquement refusé un
entretien. Au vu de ces difficultés nous avons dû solliciter des
intermédiaires pour achever et respecter nos quotas.
a) Entretiens réalisés à la suite
d'observation d'achat d'un
journal algérien : Onze
Neuf dans Paris : Cinq dans le 18°
arrondissement ; un dans le 20° ;
un dans le 10° ; un dans le14° ; un
dans le 2°.
Deux en banlieue : Le premier à Saint-Denis
(N) ; le second à
Nanterre (T).
b) Trois autres entretiens (R-S-U) réalisés
à la suite de sollicitations
de connaissances.
3.3.3 LE RECUEIL DES INFORMATIONS
Les lieux :
Les 14 entretiens ont donné lieu chacun à une
transcription moyenne de 20 pages chacun (soit une durée moyenne
d'entretien de 50 minutes). Un entretien en extérieur (parc), 13
entretiens en intérieur.
La relation d'entretien :
Nous avons clairement précisé les raisons de
l'entretien, l'objectif ainsi que l'objet.
" Pour qu'il y ait une définition minimale du
contrat initial l'interviewer est tenu de dire à l'interviewé les
motifs et l'objet de sa demandent aux deux questions :
Pourquoi cette recherche ?
Pourquoi avoir choisi cet interviewé ?
"1.
BOURDIEU lui met en garde sur la relation
interviewer-interviewé :
" La relation d'enquête (...) reste quoi qu'on
fasse une relation sociale qui exerce des effets (...) sur les
résultats obtenus "2
Lorsque se met en place cette ''intrusion'' il
s'opère pendant même l'entretien une double dissymétrie
induite par cette relation sociale.
Elle se manifeste par les conditions mêmes de la mise en
place de l'entretien. " C'est l'enquêteur qui engage le jeu et
institue la règle du jeu " écrit
BOURDIEU.2
Elle se manifeste aussi ajoute-t-il au niveau du
marché des biens linguistiques et symboliques.
Et " Seule la réflexivité, qui est synonyme
de méthode, mais une réflexivité réflexe
fondée sur un métier, un oeil
sociologique, permet de percevoir et de contrôler sur le
champ, dans la conduite même de l'entretien, les effets de la
structure sociale dans laquelle il
s'accomplit ".2
1-A.BLANCHET Op.cit; p96.
2-P.BOURDIEU (sous la direction de). La misère du
monde. Chapitre " comprendre". Paris : Seuil, 1993, p903 et plus.
" L'analyse d'un entretien doit comprendre une
élucidation de ce que les questions du chercheur, la relation
d'échange, et le cadre de l'entretien induisent dans les propos de son
interlocuteur. Considérer ces derniers indépendamment d'un
contexte aussi marquant serait faire preuve d'une grande naïveté
épistémologique. "1
Nous avons choisi ces extraits, moins pour reconnaître
nos lacunes (bien réelles) que pour objectivement mettre en relief
l'importance de la pratique même du métier comme porteuse
de cet oeil sociologique.
9 LES REACTIONS
Les réactions face à l'entretien sont assez
significatives pour ne pas les noter. Elles n'émanent pas de l'ensemble
des interviewés. Certains posent des préalables à la tenue
de l'entretien, comme le locuteur Q qui, à 24 ans a "passé la
moitié de (sa) vie" en hôpital, essentiellement dans Paris. Il
tient à raconter cette partie de sa vie avant d'enregistrer ("Je vais
d'abord vous dire quelque chose avant d'enregistrer"). Il le fait durant 15
minutes.
L'interviewé V quant à lui, avant de tenter une
demande d'asile politique en France, a fait une première tentative en
Allemagne, qui fut un échec. A un moment de l'entretien il
s'arrête de parler, montre du doigt l'appareil afin d'en suspendre
l'enregistrement. Nous lui faisons signe de continuer et comme pour vouloir
marquer le caractère "hors objet" de son intervention il dit en
arabe : «Nahki ? Nahki ?" I je peux raconter ? I. Raconter son
passage furtif en Allemagne.
1- R.QUIVY, L.V.CAMPENHOUDT. Manuel de recherches en sciences
sociales. Paris : DUNOD, 1995, p197
3.3.4 TRANSCRIPTION ET ANALYSE
La transcription des entretiens s'est faite sur des feuilles
préalablement compartimentées (voir bordereau de transcription T
15).
- une partie réservée à la codification
de l'entretien (et aux conditions du recueil).
- une partie réservée au talon sociologique (et
pagination).
- le discours lui-même.
- les thèmes.
Nous avons dû faire face à un certain nombre de
difficultés.
a-Des difficultés liées au discours sont
relevées :
difficultés par endroit d'interpréter le sens
donné par le
locuteur à son discours, à la
polysémie des mots. Même si
le plus souvent la cla rification intervient par de
recoupements.
Exemple, D : " Avoir des informations sur le pays
c'est tout. Pour moi c'est ça. Surtout parce que les gens ont de la
famille. Surtout que la plupart de ces gens là qui sont là sont
des anciens et donc sont venus un peu de l'extérieur d'Alger. Pour la
plupart je parle. C'est juste à la fin de l'immigration qu'il y avait ce
cas des gens de la capitale. C'était beaucoup plus commercial hein. Ce
qui a fait la floraison des fameux imports / exports mais avant, c'est
ça la grosse population, c'est ça".
b-Difficultés liées à la construction du
discours du locuteur.
Discours par endroit stéréotypé,
construit.
Exemple, S : « Je suis pas heureux à
Paris...j'ai émigré à Paris. Alors question...est-ce que
je rationalise, optimise le parcours de mes parents ? (...) Peut-être en
continuant vers le nord (...) bon moi ce que je raconte il faut quand
même...Il y a beaucoup d'humour là dedans, même si c'est
très sérieux...ya...ya quand même beaucoup d'humour. D'une
certaine manière donc si j'ai un enfant...il devrait être
logiquement...à un niveau socialement, logiquement il devrait être
quelque chose comme...comme cadre sup., enfin quelque chose comme ça.
Puisqu'il y a quand même une ascension sociale logiquement. (...)
Et donc ça ça rentre un peu dans ce
que...peut-être dans ce que tu cherches...quels rapports et tout
ça".
Après la transcription (fastidieuse) des discours :
trois heures et 30 minutes environ pour chaque transcription, nous avons
« débroussaillé c'est-à-dire
procédé à une lecture flottante entretien par
entretien pour souligner ce qui apparaît au premier abord.
Les extraits sont légèrement
dépouillés (interjections..). Les points de suspension indiquent
un silence. Les points de suspension entre parenthèses indiquent des
interventions du locuteur non retenues. Les indications entre crochets sont
nôtres.
BOURDIEU écrit: " Le procès verbal du
discours recueilli que produit l'auteur de la transcription est soumis à
deux ensembles de contraintes souvent difficiles à concilier : les
contraintes de fidélité à tout ce qui s'est
manifesté pendant l'entretien, et qui ne se réduit pas à
ce qui est réellement enregistré sur la bande magnétique,
porteraient à tenter de restituer au discours tout ce dont le passage
à l'écrit et les outils ordinaires de la ponctuation, très
faibles et très pauvres, tendent à le dépouiller, et qui
font, bien souvent, tout son sens et son intérêt, mais les
contraintes de lisibilité qui se définissent en relation avec des
destinataires potentiels aux attentes et aux compétences très
diverses interdisent la publication d'une transcription phonétique
assortie des notes nécessaires pour restituer tout ce qui est perdu dans
le passage de l'oral à
l'écrit. "1
Nous avons ensuite procédé à un
inventaire des rubriques thématiques apparues dans les discours.
Certains étant plus étoffés que d'autres
nous avons du lire une seconde fois l'ensemble des entretiens pour nous assurer
que des rubriques ne nous ont pas échappées dans certains
entretiens (lecture contrôle).
Blocs-espaces :
Nous avons ensuite mis en place deux blocs de
rubriques et thèmes.
Dans le premier l'espace des lectures
possibles reprenant l'ensemble du discours véhiculé par
le locuteur par rapport à la presse même.
Dans le second figure l'espace des lecteurs
possibles qui reprend des propriétés du lecteur ainsi
que sa trajectoire.
1-P.BOURDIEU. La misère...Op.cit.p921.
Nous avons obtenu du corpus les rubriques et thèmes
suivants :
Le Talon Sociologique
1- l'espace des lectures possibles
1.1- Le rapport à la presse écrite
algérienne
1.2 -le rapport aux autres médias
2- l'espace des lecteurs possibles
2.1- le rapport au pays
2.2- le rapport au quotidien en France.
Fiche thématique
:
A chaque fiche correspond un thème. Cette fiche est
elle même compartimentée ainsi : (voir fiche
thématique/rubrique, Tableau T 16.)
première partie : nom et code du
thème.
2° partie : code de l'entretien.
3° partie : numéro de la page du bordereau
de transcription correspondant à l'unité de contexte.
4° partie : les unités de contexte.
5° partie : il s'agit de la spécification
(ou unité d'enregistrement) apparue dans les unités de
contexte.
Fiche spécifications
:
Nous avons ensuite éclaté chaque thème en
spécifications afférentes (ou unités d'enregistrement). Y
sont notés de même les codes des entretiens ainsi que les codes
des unités de contextes correspondantes (voir fiche
spécifications, Tableau T 17).
Chaque locuteur ayant une position précise par rapport
à la spécification, un signe indicatif lui est attribué
:
+ le locuteur est en accord avec la formulation de la
spécification.
- le locuteur est en désaccord
= le locuteur est neutre.
Il n'est rien inscrit lorsque le locuteur ne fait pas ou
très peu référence
à la spécification concernée.
Nous avons aussi porté la date d'arrivée de
l'interviewé en France (ce rajout est intervenu après avoir
procédé à une première analyse des discours.
Nous avons retenu pour l'analyse de notre corpus deux phases :
La première, analyse de contenu et la seconde élaboration d'une
typologie. Phases précédées d'indications sur la
transcription.
Parmi les différents types d'analyse de contenu nous
avons opté pour une analyse thématique.
" Faire une analyse thématique consiste à
repérer des noyaux de sens qui composent la communication et
dont la présence ou la fréquence d'apparition pourront signifier
quelque chose pour l'objectif analytique
choisi."1
Nous avons procédé à la ventilation des
dires dans des rubriques portant sur la presse elle-même et dans des
rubriques sur la trajectoire du locuteur.
" La technique consiste à ventiler les
différents éléments dans les divers casiers selon des
critères susceptibles de faire surgir un sens en ordonnant le
désordre initial. Tout dépend bien entendu au moment du choix des
critères de répartition de ce que l'on cherche ou de ce que l'on
espère trouver."2
Nous avons quant à nous aussi bien travaillé sur
l'apparition des thèmes que sur leur absence. Donc analyse transversale
mais aussi analyse verticale. Extraits d'entretiens pris isolément
compte tenu du degré de pertinence des dires.
" La notion de thème, largement utilisée en
analyse thématique, est propre à l'analyse de contenu. BERELSON
définissait le thème comme Une affirmation sur un sujet c'est
à dire une phrase ou une phrase composée, habituellement un
résumé ou une phrase
condensée, sous laquelle un vaste ensemble de
formulations singulières peuvent être affectées.
1-L. BARDIN. L'analyse de contenu. Paris : PUF, 1993,
p137.
2-A. BARDIN. Ibid.p41
" En fait, le thème est l'unité de
signification qui se dégage naturellement d'un texte analysé
selon certains critères relatifs à la théorie qui guide la
lecture ».1
Nous avons rencontré lors de l'analyse, des
difficultés liées à la mise en place de l'ossature de la
grille d'analyse.
Nous avons du revenir à plusieurs reprises pour
distinguer clairement les rubriques, les unes par rapport aux autres, celles-ci
initialement se " télescopant ". (Problème de
l'exclusivité). V.ISAMBERT-JAMATI écrit à ce propos :
" Nous avons bien entendu établi nos
catégories d'interprétation de sorte qu'elles soient distinctes.
Celles qui ne le seraient pas nous seraient de peu d'utilité (...). La
question des frontières est particulièrement délicate dans
une analyse de contenu, notamment dans une analyse de type
thématique "2, et M.GRAWITZ : " Le
choix des catégories représente la démarche essentielle de
l'analyse de contenu. Celles-ci font lien entre l'objectif de la recherche et
les résultats (...). Elles doivent être exhaustives, c'est
à dire que l'ensemble du contenu que l'on a décidé de
classer doit l'être en entier. Exclusives : les mêmes
éléments ne doivent pas pouvoir appartenir à plusieurs
catégories (...). Objectives : les caractéristiques de la
catégorie doivent suffisamment être claires (...). Pertinentes :
en rapport à la fois avec l'objectif poursuivi et le contenu que l'on
traite." 3
R.MUCCHIELLI : " Une catégorie est à un
niveau de généralité variable : elle peut être
à ras du signifié qu'elle nomme, et dans ce cas, elle a perdu sa
valeur de catégorie générale. Elle peut être au
contraire tellement générale qu'elle n'a plus
d'intérêt pour l'exploitation ultérieure du contenu.
L'opérateur doit décider du niveau de
généralité de ses catégories de façon
à ce qu'elles soient « intéressantes pour ses objectifs
(BERELSON). Coder une unité d'enregistrement c'est l'affecter à
une catégorie ".4
1-L. BARDIN. Ibid.p136.
2-V. ISAMBERT-JAMATI. Crises de la société,
crises de l'enseignement. Paris : PUF, 1970, p27.
3-M.GRAWITZ. Méthodes des sciences sociales.
Paris : DALLOZ, 1993, p544.
4-R.MUCCHIELLI. L'analyse de contenu. Paris : ESF, p34.
4-HISTOIRE DE LA PRESSE
ECRITE ALGERIENNE
10
11 INTRODUCTION
L'évolution de la presse en Algérie est
fortement liée à l'évolution du pouvoir. Deux grandes
périodes sont à distinguer. La première, de 1962 à
1988. La seconde s'ouvre par les manifestations d'Octobre 1988.
La première période se caractérise par
une presse très fortement contrôlée. Certains titres
critiques sont tolérés aux premières années de
l'indépendance. Face à cette presse, des journaux clandestins
circulent, certains jusqu' en 1988.
Au lendemain d'"Octobre", des dizaines de titres paraissent.
Ils sont publics ou privés. Nous traiterons dans ce chapitre de
l'évolution de cette presse mais également de sa diffusion
actuelle en Ile -de- France. Nous réserverons une section aux lignes
éditoriales défendues par cette presse algérienne.
12 4.1 UNE PRESSE UNIQUE
Nous distinguons dans la première période quatre
phases.
-La première de ces phases voit l'interdiction de la
presse coloniale dès juillet 1962. Neuf journaux sont interdits.
En effet le premier texte de l'Algérie
indépendante concernant l'information date du 10 juillet 1962. C'est
un arrêté (...) du président de l'exécutif
provisoire interdisant l'impression, la mise en vente, la diffusion de certains
journaux.
Cette première phase est aussi marquée par
l'interdiction de l'organe central du Parti Communiste Algérien,
l'hebdomadaire El-Hourriya (novembre 1962). En 1963, les journaux
coloniaux La Dépêche d'Alger, La Dépêche d'Oran,
La Dépêche de Constantine sont interdits.
-La deuxième phase est celle de la création de
plusieurs journaux dont Révolution Africaine, (organe central
du Front de Libération Nationale), Echaab / Le Peuple,
El-Djoumhouria, En-Nasr, Révolution et Travail (1963)
et Alger-Le Soir (1964). Mais dès juillet 1962
Alger-Républicain reparaît. (Il fut interdit avant
l'indépendance à deux reprises, pour ses prises de positions.)
-La troisième phase se caractérise par plusieurs
tentatives plus ou moins explicites d'intégration
d'Alger-Républicain dans le F.L.N.
" C'est au cours des débats du Congrès du F.L.N
en avril 1964, que fut soulevée officiellement la question du statut de
ce quotidien qui restait
insolite, le seul à demeurer indépendant
après la nationalisation des autres quotidiens (...). C'est
Alger-Républicain qui annoncera lui-même et le premier,
la nouvelle. 20 avril 1964 : un grand titre en rouge sur huit colonnes en page
une : Alger-Republicain va devenir organe du F.L.N, et un long
éditorial intitulé un honneur, une
responsabilité" écrit F.
CHEHAT1
Alger-Républicain explique par cet
éditorial la démarche de l'intégration du journal au
F.L.N.
Ce rapprochement entre Alger-Républicain et le
F.L.N est précipité aux premières heures du coup
d'état du 19 juin 1965. Alger-Republicain disparaît une
nouvelle fois.
(Alger-Republicain reparaît en octobre 1989
pour disparaître une quatrième fois en avril 1994 -pour causes de
difficultés financières-).
Le 21 juin 1965 la naissance d'El-Moudjahid se réalise
par le sacrifice d'autres titres dont Alger-Républicain. Une
nouvelle phase s'ouvre.
Lorsque surviennent les événements d'Octobre
1988, la presse en Algérie se caractérise par son lien organique
au Pouvoir. En 1982, la première loi sur l'information stipule en effet
en son article premier :2
Le secteur de l'information est un des secteurs de
souveraineté nationale. Sous la direction du Parti du Front de
Libération Nationale et dans le cadre des options socialistes
définies par la Charte Nationale, l'information est la volonté de
la révolution. L'information traduisant les aspirations des masses
populaires ; oeuvre à la mobilisation et à l'organisation de
toutes les forces pour la concrétisation des objectifs
nationaux.
Depuis 1962, épisodiquement les journalistes sont
confrontés dans l'exercice de leur fonction à des
difficultés plus ou moins graves émanant tantôt de leur
direction tantôt de responsables extérieurs administratifs ou
politiques : ils sont interdits d'écriture, censurés,
emprisonnés3.
1- F. CHEHAT. Monographie de presse. Le quotidien
Alger-Républicain de juillet 1962 au 19 juin 1965. Mémoire
de D.E.A en sciences de l'information. Université Paris II. 1978.
2-loi n° 82-01 du 6 février 1982 portant code de
l'information ; journal officiel n° 6 du 9 février 1982 page
157
3-Animateur d'un programme quotidien nous avons nous
même fait l'objet de plusieurs interdits. Puis suspendu d'émission
en mars 1971, par les responsables de la station régionale de la radio
algérienne (Oran), au motif officiel que "la station doit-être
arabisée".
En 1976 " Lorsque le quotidien de l'ouest La
République commença à déranger et que
son indépendance et sa liberté de ton finirent par
déplaire, il fut arabisé -c'était le prétexte-
afin d'étouffer une voix qui parlait fort et qui portait
loin ". 1
La fronde du collectif rédactionnel au
départ de Z. BENAMADI en novembre 1981, exprimée faute de mieux,
par une simple protestation verbale adressée au ministre de tutelle
(...) n'a pu donner comme seul résultat que le choix par les
journalistes, en leur sein, du nouveau rédacteur en chef, A.HALLI.
Celui-ci fut limogé six mois plus tard, par le nouveau directeur de la
publication, K.BELKACEM, pour avoir commis un article sur des manifestations de
lycéens et un autre (jugé ouvriériste) sur la fête
du premier mai ".2
Si Z. BENAMADI a été écarté, "
c'est surtout parce qu'il a refusé de s'inféoder à l'une
ou l'autre des personnalités du
régime "3
" Le journaliste
d'Algérie-Actualité, Abdelkader HAMOUCHE, est
détenu pendant cinq jours en novembre 1987 par les services de
sécurité, dans un endroit inconnu, où il a
été emmené avec cagoule (...). Abdelkrim DJAAD, alors
rédacteur en chef du même journal, a de son côté
été détenu pendant une journée. On lui reprochait
d'avoir fait publier un article écrit par un autre journaliste, dans
lequel on croyait trouver une allusion au chef de l'Etat " écrit
Abed CHAREF. 5
D'autres, qui mènent une lutte radicale contre le
régime politique dans sa globalité sont assassinés. Ainsi
le 7 avril 1987 Ali MECILI fondateur huit mois plus tôt du journal
Libre-Algérie est assassiné devant son domicile
à Paris.
" La goutte qui fera déborder le
vase d'amertume5 émane en
décembre 1987 d'un document explicatif des nouvelles modalités de
promotion
1-Mustapha CHELFI : Algérie-Actualités
; 16 au 22 mars 1989
2-B.MOSTEFAOUI. Unanimisme et crédibilité de
l'information en Algérie . In l'Annuaire de l'Afrique du Nord.
Paris : CNRS, 1984, p 291.
3-B. BRAHIMI. Le droit à l'information principes et
réalités. in « l'Algérie et la
modernité » sous la direction de Ali El Kenz. Ed. Série
des livres du CODESRIA ; Dakar. 1989. Page 261
4-A.CHAREF. Octobre. Alger : Laphomic, 1990, Page 17.
5-Larbi KHALFOUN :
Algérie-Actualité. Ibid.
décidées par le ministre de l'information. Il
provoque un mouvement de réprobation au sein de la profession des
journalistes. De réunions en assemblées générales
les groupes prennent forme.
" En l'absence d'une véritable organisation ;
les problèmes professionnels et sociaux des journalistes se sont
accumulés jusqu'à ce qu'en février 1988, un groupe de
journalistes décide qu'il n'était plus possible de continuer
ainsi ; qu'il fallait reconstruire l'organisation des
journalistes. "1.
Dans une déclaration datée du 9 mai 1988
" au terme d'un débat large et franc organisé au
siège de l'Union des Journalistes, Ecrivains et Interprètes (
UJEI ) , le collectif inter-organe des journalistes relève (...) un
recul évident du professionnalisme (...) cette dévalorisation de
notre métier constitue une grave atteinte à la
crédibilité de l'information (...) une pratique
généralisée de la censure et de l'autocensure (...) les
journalistes souhaitent vivement que leurs Unions professionnelles et sections
syndicales soient à la hauteur des exigences."2
Cette mobilisation allait aboutir quelques mois plus tard
à des " revalorisations générales des postes de
travail ; (attribution) de primes d'indemnités avec effet
rétroactif (...) augmentation de près de 40 % du salaire moyen
des rédacteurs et de près de 20 % pour celui des
assimilés. Le problème du logement sera également pris en
compte. "3
Dans la déclaration du 28 septembre 1988 des
journalistes algériens s'interrogent : " Il s'agit de mettre fin
à l'arbitraire (...) à la censure, à la complaisance (...)
aux interdits les plus divers à tous ces phénomènes qui
ont favorisé l'émergence d'une presse maussade et
1-Un journaliste. Algérie-Actualité.
Ibid.
2-B.BRAHIMI. Le pouvoir, la presse et les intellectuels en
Algérie. Paris : L'Harmattan, 1990, p 293.
1-A.MAHMOUDI. la face cachée du mensonge.
Alger : E.S.C, 1991, p 82.
Ces acquis qui sont obtenus ajoute-t-il "grâce à
cette collaboration effective (contre "MJA" et "UJEI" dépassent en
ampleur tout ce qu'aurait pu imaginer un journaliste algérien une
année auparavant seulement". Il se félicite de cette
collaboration entre le "M.J.A" et la bourgeoisie bureaucratique (par U.J.E.I
interposé) "face au danger mortel d'une prise en charge (du "M.J.A") par
la bourgeoisie libérale qui a déjà annoncé la
couleur en neutralisant tous les services de sécurité".
A.MAHMOUDI, est lui même journaliste de très
longue date, à El-Moudjahid, puis à El-Djeich (revue de
l'armée), à Algérie-Actualité. Il crée
L'Hebdo-Libéré qui disparaît en 1995.
bureaucratisée à l'extrême (...). Qui a
intérêt à cette presse, si ce n'est les milieux
néocolonialistes, antinationaux, à la recherche d'un effet de
contraste pour imposer l'implantation de médias élaborés
à l'étranger (comme Dunes), porteurs de valeurs
étrangères à notre peuple et de projets de
société contraires à des choix politiques fondamentaux
consignés dans la Charte Nationale et la Constitution et qui menacent la
souveraineté chèrement acquise "1 faisant
écho au discours du président de la République qui dix
jours plus tôt déclarait : " La presse nationale doit
s'écarter du style démagogique, car nous sommes pour le
réalisme. La situation en Algérie exigeant de la rigueur et de
l'austérité, que cesse alors toute hypocrisie qui fait que
certains ne pensent qu'à soigner leur popularité aux
dépens de l'ordre. Nous avons besoin d'hommes ayant une pleine
conscience de leurs responsabilités, loin de toute démagogie, et
non pas d'applaudisseurs. (...) Je tiens à ce que soit
entreprise dorénavant la mobilisation contre les
phénomènes négatifs non pas d'une manière
circonstancielle, mais continuellement afin que soient éradiquées
ces insuffisances."2
1-B.BRAHIMI. Ibid. p 295.
2-Actualité de l'émigration n° 145
du 21 septembre 1988.
13 4.2 OCTOBRE 88 ET L'EMERGENCE D'UNE PRESSE PLURIELLE
Un vaste mouvement de protestation en ce début du mois
d'Octobre 1988 essentiellement animé par des adolescents embrase les
principales villes du pays. Les causes sont essentiellement sociales et
économiques. (De nombreux observateurs y ajouteront plus tard les
résultats des luttes de pouvoir au sein des groupes dirigeants). En
réaction, l'armée tire. On comptera plusieurs centaines de morts
(chiffres communiqués par les hôpitaux. L'évaluation
officielle fait état de moins de deux cents morts.)
C'est dans ce climat survolté que le 10 Octobre
" un collectif de 70
journalistes "1,
condamne " l'utilisation violente et meurtrière de la force
armée ". Le mouvement se prononce pour « une information
régie par un secteur public puissant et démocratique qui conserve
et développe la totalité des médias et titres existants
à la date d'adoption de la nouvelle Constitution aux côtés
d'une presse d'opinion pluraliste"2.
Des conflits naissent entre journalistes sur l'orientation
à donner au mouvement.
" Ce que nous voulions au départ comme une
organisation de type syndical a commencé sous la houlette de certains
journalistes à se transformer en une sorte de mouvement
politique. " 3
Le quotidien El-Moudjahid est secoué par une
grève d'écriture qui durera 27 jours en mars 1989. Cette
« première grève d'envergure de la presse
algérienne » 4 n'affectera pas sa
parution.
Le 23 février 1989, 7.290.760 algériens (73,43 %
des suffrages exprimés) approuvent par référendum la
troisième constitution algérienne qui garantit au citoyen
" les libertés d'expression, d'association et de
réunion " (article 39) et reconnaît le droit de
" créer des associations à caractère politique "
(article 40.)
1- Un "collectif de journalistes" et non un officiel ou formel
"MJA" comme il sera ultérieurement écrit. Le "Mouvement des
Journalistes Algériens" structure organisée n'apparaît en
tant que telle que l'année suivante.
2- Algérie-Actualité du 30 mars au 5
avril 1989
3-un journaliste à
Algérie-Actualité du 14 au 20 décembre1989.
4-Sandrine TOLOTTI in Jeune-Afrique du 03 mai 1989.
14 Des journalistes en conflit avec d'autres membres de ce qui
est devenu le Mouvement des Journalistes Algériens s'organisent en
mai 1989 en Comités de Coordination Interentreprises. La rupture est
consommée au lendemain de la conférence nationale du MJA qui
se tient les 13 et 14 octobre 1989 par un communiqué du CCIE. " Le
Comité relève que cette conférence n'a pas répondu
à l'attente des journalistes. "
" La défaite patente du MJA (...) dans cette bataille
du démantèlement de la presse écrite du secteur
d'état, préfigure de toute évidence sa défaite dans
la bataille de la privatisation pure et simple qui se
prépare"1.
" On était loin de poser la
question d'une presse privée (...) car nous avions alors la conviction
qu'elle ne servirait que des intérêts
particuliers."2
Dans son édition du mercredi 14 février 1990,
El-Moudjahid titre en Une :
" Au conseil des ministres : droit syndical,
défense du dinar et aide de l'Etat aux associations politiques."
En page trois, quinze lignes d'un texte de deux cents lignes
signé APS (agence officielle Algérie Presse Service)
sont réservées à la libéralisation de la presse.
(lire en annexe.)
" Afin de permettre l'émergence d'une presse
d'opinion de qualité, le conseil des ministres a décidé
d'autoriser les journalistes en fonction actuellement dans les entreprises de
presse appartenant au secteur public d'exercer dans les organes qui leur
paraissent les plus conformes à leurs opinions et à leur
vocation. Leurs rémunérations et l'évolution de leur
carrière demeureront garanties par le budget de l'Etat."
2-G.MOUFFOK (Omar BELHOUCHET - plus tard directeur de
El-Watan- cité par). Etre journaliste en
Algérie. Paris : Reporters sans frontières, 1996, p 39.
Le texte de loi (loi 90-07 du 3 avril 1990 relative à
l'information. Journal officiel n° 14 du 14 avril 1990) énonce en
son article 4 :
" L'exercice du droit à l'information est
assuré notamment par:
* les titres et organes d'information du secteur
public,
* les titres et organes appartenant ou créés par
les
associations à caractère
politique,
* les titres et organes créés par les
personnes
physiques ou morales de droit algérien.
Il s'exerce par tout support médiatique écrit,
radiophonique, sonore ou télévisuel."
En fait plusieurs publications, périodiques et
brochures non- gouvernementaux sont en circulation publique avant cette
dépêche de l'agence de presse algérienne (voir annexe
9.)
Trois périodiques d'association :
- El-Irchad (El-Irchad-Wel-Islah - décembre 1989)
- At-Tabyin' (El-Djahidhiya - février 1990)
- Le Couffin d'Alger (association de consommateurs -
janvier1990)1.
- La lettre du RCD (RCD - juillet 1989)
- El-Mounqid (FIS - octobre 1989)
- La chronique des deux rives (RCD - octobre
1989)1
- L'Avenir (RCD - novembre 1989. Remplace La lettre du RCD)
- FFS-Info (FFS - novembre 1989)
- Assalu (RCD - décembre 1989)
- Tadjamou (RCD - décembre 1989)
- Etaqadum (PSD - décembre 1989)
- Saout-Echaab (PAGS - février 1990 /
clandestin2 depuis 1966). Un
en français, un autre en arabe.
- Libre-Algérie (FFS - mars 1990 /
clandestin2 depuis août1986)
- Alger-Républicain (proche du PAGS - octobre 1989 /
plusieurs fois
interdit depuis sa création en 1938. Un en
français, le second en arabe.
- Erriwaya (revue littéraire-février 1990)
- Carrefour-31 (périodique culturel, Oran - avril
1990) 1
- El-Hakim2 (mars 1990).
Le reste de l'année (avril à décembre
1990) 43 journaux de droit privé paraîtront dont neuf
appartiennent à des partis politiques et quatre à des
associations.
Les journaux créés entre janvier 1989 et
décembre 1990 (y compris ceux du secteur public) s'élèvent
à 84. (figure 11)
Leur statut :
Journaux de partis : 20 ; journaux d'associations :
sept ; autres journaux de droit privé : 35 ; journaux du
secteur public : 20 (deux sans indication de statut). (figure 12).
Périodicité : quatre quotidiens, 35
hebdomadaires, 13 mensuels, 12 bimensuels, huit bimestriels, 10
irréguliers, deux dont la périodicité n'est pas
indiquée. (figure 13).
Langue : 50 en français, 31 en arabe, deux en
tamaziT, un seul est bilingues (français, arabe).
Les 35 journaux créés en 1989 et 1990 de droit
privé (P.R) mais non affiliés à des partis ou à des
associations se répartissent ainsi : Informations
générales (IG) 12, Informations locales (IL) sept, Informations
culturelles (CL) deux, informations spécialisées sept,
divertissement quatre, divers : trois.
1- Nous avons tenté cette brochure à destination
d'un public de jeunes. Elle disparu aux termes de quelques mois du fait de
l'article 28 de la nouvelle loi.
(lire en annexe 12B.)
2- Ce titre est indiqué par AGGOUN (Y).
El-Moudjahid...Op.cit.
Le nombre de titres (toutes périodicités et
titres confondus) s'élèvera à 160 en 1991 contre 49 en
1988, avec un tirage global de 1.850.000 en 1991 pour 500.000 en
1988.1
De nombreux autres périodiques ont paru, d'autres ont
disparu.
En 1996 très peu de ces journaux nés avant 1991
existent encore. Ils ont disparu soit pour des motifs objectifs commerciaux ou
de gestion, (difficultés matérielles, financières ou
carences) soit pour causes de tracasseries administratives et/ou mauvaises
distributions.2
Plusieurs de ces journaux en vente aujourd'hui en
Algérie sont disponibles en France.
15 4.3 LA PRESSE D'OPPOSITION.
Moins de trois mois après l'indépendance,
nonobstant quelques journaux plus ou moins critiques mais tolérés
(lire la section 4.1), une presse radicale d'opposition au
régime3 voit le jour avec le
révolutionnaire, organe du Parti de la Révolution Socialiste
naissant. Plus tard la voix de la révolution (Front des Forces
Socialistes), El-Jarida (P.R.S), EL-Badil (Mouvement pour la
Démocratie en Algérie) et autres Saout-Echaab (Parti de
l'Avant-Garde Socialiste.), Libre-Algérie...renforceront cette
presse.
La réalité algérienne jusqu'en 1989 veut
que cette presse ne peut circuler que dans la clandestinité en
Algérie. Elle est imprimée soit en Algérie soit en France
où certains de ces titres sont vendus.
1-B.BRAHIMI. In El-Watan du 03 mai 1993.
2-Notamment les périodiques partisans. Nous avons ainsi
pu constater que des kiosques à Oran dissimulaient des journaux que nous
leur avions nous même distribués la veille.
3- Nous sommes conscients de la non- exhaustivité de ce
rappel. D'autres journaux ont paru que nous ne pouvons traiter pour des raisons
objectives (peu d'archives ou d'informations crédibles.)
Nos informations proviennent de nos propres documents ; du
livre de R. REDJALA ("l'opposition en Algérie depuis 1962. le PRS/CNDR,
le FFS". Alger : RAHMA, 1991), du témoignage de militants de
l'opposition notamment Simon. J, Hadjeres.S, Mahmoud. B, El-Mouhoub. M,
Ouali.B, Ouferhat. M...
Elle est plus ou moins élaborée, plus ou moins
régulière. Cette presse d'opposition est essentiellement
marquée par les titres suivants.
-El-Jarida : Après quelques numéros de
Le Révolutionnaire, le P.R.S réalise une vingtaine de
numéros d'El - Jarida durant une dizaine d'années à
compter du premier mai 1968 date de parution du premier exemplaire.
Les périodiques du P.R.S cessent dès les
premières années quatre-vingts. Des journaux appartenant à
d'autres organisations politiques prennent plus tard le relais.
-El-Badil : Le M.D.A après avoir
réalisé une trentaine de numéros de El-Badil,
lance en juillet 1987 Le Changement, en avril 1988 La Fronde,
puis après les événements d'octobre 1988 La Tribune
d'Octobre.
-Libre-Algérie : Initialement prévue
pour juin 1986 la sortie du premier numéro (numéro zéro)
s'effectue en août 1986, fruit d'une collaboration entre deux mouvements
d'opposition politique radicale : le FFS et le MDA.
Le journal paru sous le titre de : Libre-Algérie
; clin d'oeil à l'Algérie-Libre organe du Mouvement
pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie
1946 / 1954. (Le titre initialement retenu était La Tribune.
Les équipes réalisent 21 numéros (dont
deux numéros zéro) entre août 1986 et décembre 1988
date de cessation de parution. (Il reparaît en mars 1990 en
Algérie à la suite de l'ouverture politique.)
La première équipe était donc
composée de militants ou sympathisants des deux partis jusqu' au
numéro spécial 4 - 5 de l'été 1987. Quelques mois
après l'assassinat du responsable de la publication Ali MECILI,
confrontée à de graves divergences politiques l'équipe se
divise. Les militants du M.D.A se retirent. Les membres restants sont
confortés par d'autres militants et sympathisants du F.F.S.
Les deux organisations politiques éditent d'autres
périodiques de liaison internes.
La Tribune Algérienne : C'est un organe du
Comité de Liaison des Trotskystes Algériens. Il y eu 24
numéros étalés sur un peu plus de deux années.
Tribune Ouvrière succède à La Tribune
Algérienne.
Le C. L. T. A éditait un autre périodique
"théorique" ; L'Etincelle (cinq numéros) ainsi que
d'autres Cahiers ou bulletins internes.
Saout - Echaab (autre clin d'oeil à un journal
du Mouvement National) est un organe mensuel du Parti de l'Avant-Garde
Socialiste. Il est imprimé en Algérie en français et en
arabe. La distribution se réalisait non seulement en Algérie mais
aussi en France de manière systématique.
Le premier numéro (une seule feuille) est "tiré"
dans la Casbah d'Alger en 1966. Plus de 120 numéros furent
édités jusqu' au Congrès du P.A.G.S. (décembre
1990) qui donne naissance à un autre mouvement-en janvier1993- :
TAHADDI-TAFAT. Le titre est réalisé sous la responsabilité
d'une "Commission centrale" puis par un Comité de rédaction. Le
P.A.G.S a édité d'autres périodiques. Ainsi La
Révolution Socialiste Triomphera En Algérie qui paraît
dès le coup d'état de juin 1965, puis Révolution
Socialiste organe "théorique" trimestriel et un bulletin de liaison
sur deux ans : Ittissal -El- Oummal (Le Lien des
Travailleurs.)
16 4.4 LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE EN ILE-DE FRANCE
Avant l'éclosion de la
presse "privée" les journaux algériens
" gouvernementaux " étaient vendus en France, ainsi en 1987
l'Algérie exportait quotidiennement 11.000 exemplaires vers la France
dont: 5.000 d'El-Moudjahid, 2.000
d'Algérie-Actualité, 2.000 de
Horizons1 .Il n'est pas donné d'information sur le
nombre d'invendus.
En 1994 les NMPP " ont distribué environ 2.500
titres sur le marché national I français I : 40 quotidiens, 1.800
publications et 640 titres importés de 25 pays... ".
La presse écrite algérienne se vend à
8.530 exemplaires/jour en Ile-de-France3. (chiffres
de mai 1996.) En tenant compte d'un bon taux de circulation de cette presse (2
lecteurs pour un exemplaire vendu), et à considérer les lecteurs
irréguliers comme important cela donnerait une population lectrice
très probablement inférieure à 20.0004 sur une
population objectivement lectrice de 193.264 (population totale de laquelle
sont déduits les enfants de moins de 15 ans au nombre de 45.691. Cet
âge correspond généralement à l'entrée en
second cycle du secondaire).5 Soit donc 10 % de lecteurs.
Les lecteurs de la presse algérienne
représentent donc 10 % de cette population âgée de 15 ans
et plus. Nous pouvons écrire que la majorité des algériens
en France ne lit pas la presse algérienne.
Les raisons de la non lecture existent et sont certainement
nombreuses.
L'intérêt dans le cadre de cette étude
réside dans la compréhension des raisons qui poussent cette
partie peu importante de la population algérienne à lire la
presse algérienne, alors que la grande majorité lit la presse
française4.
1-Algérie-Actualité n° 1153 du
19-25 novembre 1987. La vente de la presse algérienne d'opposition
éditée en France n'est pas (ne peut être)
évoqué.
2-Les NMPP en bref. Brochure « faits et chiffres
94 ».
3-A titre indicatif il est intéressant de signaler ces
chiffres quant à l'achat de journaux dans certains pays
européens. « Les français achètent 156
quotidiens pour 1.000 habitants, contre 1354 magazines. Les britanniques
achètent 321 quotidiens, les allemands 317, les italiens 116, les belges
168, les espagnols 78 » Jean-Marie CHARON. La presse quotidienne
en France .Paris : La Découverte, 1996.
4-Voir section 3.2 les chiffres donnés par M.
TRIBALAT
5-Cet âge nous est en quelque sorte
« imposé » par les statistiques officielles. Nous
aurions volontiers intégré dans notre « potentiel
lecteurs » les enfants de 13 et 14 ans. En effet, il est
fréquemment demandé aux élèves de 4° et
3° des collèges de réaliser des dossiers de presse
thématisés. Le potentiel aurait été plus fort et
inversement le taux des lecteurs, réduit.
La presse algérienne n'est pas le seul média
à véhiculer des informations quotidiennes sur le pays.
Depuis deux années, les algériens en France
disposent de la possibilité de recevoir en direct et quotidiennement par
le biais d'antennes " paraboliques " des images diffusées
à partir de l'Algérie par l'unique chaîne de
télévision algérienne1.
De même des radios dites " communautaires "
diffusent un certain nombre d'émissions destinées (aussi) aux
algériens en France : Radio France Maghreb, Radio Soleil, Radio Beur FM,
Radio Méditerranée...
La presse écrite s'inscrit donc dans ce champ
médiatique assez large incluant le visuel et l'audition. Communautaire
ou non.
Les journaux vendus en Ile-de-France sont distribués
par les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (N.M.P.P) ainsi que par
International Presse Services (I.P.S)
1-"La chaîne vise dans un premier temps 500.000
foyers d'origine algérienne".
Le Monde 11 et 12 Septembre 1994.
.
Les ventes des journaux publics sont inexistantes. Certains ne
sont pas ou ne sont plus vendus en Ile- de France (El-Moudjahid,
Algérie-Actualité, Es-Salam, Parcours-Maghrébins).
Nous ne pouvons avancer les causes de ces absences ni celles de nombreux autres
titres du secteur privé.
Les titres vendus sont en cette période ceux d'une
partie de la presse écrite dite indépendante ou privée.
Les quotidiens sont vendus 5 F.
10 F pour l'hebdomadaire. Le quotidien Alger-Info
s'est vendu 5.80 F puis 6 F (en février 1996). Le
périodique Djazaïr-Magazine à 25 F (N° 1)
puis à 18 F (N°3), et Alternatives-Algériennes :
10F.
Parmi ces titres trois sont édités en
France1 (Alger-Info international Djazaïr-Magazine et
Alternatives-Algériennes.) Tous trois créés en 1995.
Le premier est un quotidien, le deuxième un " mensuel " (trois
numéros entre novembre 1995 et Mars 1996). Enfin
Alternatives-Algériennes, un " bimensuel " dont le
premier numéro est daté 7 novembre, le second est daté 22
novembre 1995.
Tous ces titres sont en français. La distribution de
ces journaux est confrontée à divers problèmes dont la
suppression des liaisons aériennes entre l'Algérie et Paris,
ainsi que des perturbations liées à des grèves
épisodiques en France et en Algérie.
- En France : grèves de décembre 1995.
- En Algérie : grèves liées aux
professionnels de la presse (journalistes, imprimeurs...) ; suspensions
administratives de journaux et autres tracasseries.
LES LIEUX DE VENTES :
Les meilleures ventes en Ile-de-France sont
réalisées essentiellement dans Paris selon les informations
communiquées par les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne
(N.M.P.P) et International Presse Service (I.P.S)
2
1-Les trois journaux édités en France ont
cessé de paraître quelques mois plus tard.
2-Il nous a été extrêmement difficile de
recueillir des informations auprès des NMPP. (" ces informations ne
se donnent pas ".) Nous nous sommes déplacés à deux
reprises et donné plusieurs communications téléphoniques-
espacées. Nous avons finalement pu avoir ces quelques informations qui
nous ont été communiquées en février 1996 par
téléphone. Nous avons par contre reçu de I.P.S toutes les
informations souhaitées.
Pour les N.M.P.P (Nouvelles Messageries de la
Presse Parisienne) :
Les NMPP fournissent environs quatre cents kiosques en
Ile-de-France en journaux algériens. Les ventes s'effectuent :
Essentiellement dans Paris à partir des points
suivants:
Kiosque au niveau du métro Barbès Rochechouart
(18° arrondissement). Kiosque de la place Cambronne (14°). Plusieurs
kiosques sur le boulevard Saint-Michel (6°). Certains kiosques dans les
différentes gares SNCF de Paris (8°, 10°, 10°, 13°,
15°,).
En banlieue :
Département 93 : Pantin : avenue Edouard Vaillant
Aubervilliers : avenue Victor
Hugo
Département 94 : Kremlin-Bicêtre : rue de
Fontainebleau.
Pour I.P.S ( International Presse Service)
:
I.P.S nous écrit :
" Paris :
(...) 17, 18 et 20° arrondissements : excellentes
ventes : Barbès, place Clichy, La chapelle.
La majorité des lecteurs, s'ils ne trouvent pas les
journaux en banlieue, vont les acheter à Barbès.
Proche banlieue :
La proche banlieue a été difficile à
développer pour les raisons citées ci-dessus. Les clients
achètent généralement leur presse à
Paris.(...) "
Afin de mieux saisir les positions des lecteurs il est utile
à titre de simple comparaison de présenter sommairement quelques
uns de ces journaux auxquels les algériens ont accès en
Ile-de-France.
17 4.5 LES LIGNES EDITORIALES
La presse privée en Algérie est née d'un
acte administratif comme nous l'avons décrit dans la section 4.2.
La lutte au sein de la profession a porté certes sur
l'arbitraire, sur la censure mais surtout sur les conditions de travail. Pas
contre le monopole de l'information1- sinon de
façon marginale-
Dès 1990, de nombreux journalistes auxquels est
proposé le choix de "partir ou rester" optent pour ce qui deviendra
"l'aventure intellectuelle."2
Ainsi la quasi totalité des journaux sont -à ce
jour- tenus par les plus anciens des journalistes. Cette libéralisation
de l'écrit est contredite par la persistance du monopole de
l'état sur la publicité ainsi que sur l'importation du papier
journal. Trois des quatre rotatives appartiennent à l'état. La
diffusion étant en partie non négligeable "entre les mains" de
l'état (ENAMEP). Ces situations -à elles seules- ne nous
autorisent pas à utiliser le terme de indépendant, pour
qualifier cette presse. Afin de saisir les positions éditoriales des
journaux algériens il est nécessaire de clarifier quelques
événements antérieurs.
Au lendemain de l'arrêt du processus électoral en
Algérie en janvier 1992 (l'annulation du second tour des
premières élections législatives pluralistes fut
décidée au vu des résultats du vote du 26 décembre
1991), plusieurs journaux sont saisis, des journalistes arrêtés.
Qu'ils soient proches ou non des islamistes : El-Balagh et
l'Eveil sont saisis. Huit journalistes du quotidien El-Khabar
sont arrêtés. La presse de "service public" fut aussi
touchée : saisie de Ech-Chaab en avril 1992.
Désormais, la presse - harcelée par les graves
événements et par les hommes - va se diviser. Elle va fortement
idéologiser ses tribunes.
Les écrits s'inscriront dans l'une ou l'autre des deux
lignes défendues par des organisations politiques. "Pour" ou "contre".
La presse commerciale subsistera. Par contre une presse clandestine
reparaît. Une presse islamiste (des brochures) ainsi
Minbar-El-Djoumoua...
1-Lire "Les nouvelles règles du jeu" in Etre
journaliste algérien Op.cit.
2-Dans un bref article daté 16 septembre 1991
El-Watan publie la répartition des subventions allouées
pour ce faire. Ainsi la presse du secteur public reçoit 80,8 millions de
Dinars Algériens, la presse "indépendante» :
52,2 ; la presse partisane ou associative : 40,5. El-Watan
précise :"Il est à signaler que la subvention allouée aux
organes de la presse indépendante et partisane correspond aux deux
années de salaires".
La première tendance focalisera ses commentaires sur "
la lutte anti intégriste" dans un soutien (critique et ambiguë) aux
démarches entreprises par les gouvernants pour sortir le pays de la
crise. Cette presse est la plus importante en
nombre.1
(Le Matin2,
Alger-Républicain, Le pays,
l'Hebdo-Libéré ainsi que toute la presse "publique" et
plus tard El-Watan à un moindre
degré)3
A ceux là il est reproché leur silence sur les
atteintes aux libertés fondamentales, de "jeter de l'huile sur le feu"
favorisant ainsi tous les extrémismes. (A plusieurs reprises un groupe
se dénommant "Front de l'Algérie Moderne"
préconisera la partition de l'Algérie et l'interdiction des
partis car ils sont devenus "un obstacle à l'expression politique
conséquente de l'autre projet de société, celui de
l'Algérie Moderne".)4
1- Le 10 novembre 1995 lors d'une rencontre-hommage à
Monique GADANT (décédée le 29 septembre), Mohamed HARBI
intervient : "Monique était tout à fait outrée que la
presse I algérienne I soit considérée comme une presse
indépendante et une presse libre. Elle écrit dans un texte
qu'elle a envoyé au Nouvel-Observateur pour son numéro
spécial consacré à l'Algérie I 19 janvier 1995 ?
-texte qui ne sera pas publié I
: " Le malentendu consiste dans la présentation de
cette presse dont les responsables s'appliquent à donner une image
idyllique, qui me paraît bien éloignée de la
réalité. Cette image est toujours susceptible de convaincre ceux
qui ne la lisent pas (...). Cette image est construite par les efforts
conjugués de la presse française et des journaux
algériens. Du côté français il me semble que cela
fait partie de l'aide accordée à une profession qui paie en
Algérie un lourd tribut d'assassinats. Mais à qui paie-t-elle ce
prix ? A la liberté de la presse ? A la liberté d'opinion ?
J'avoue que j'en doute.(...)"
2- "Des journaux comme Le Matin réputé
être éradicateur et qui en réalité sur le plan de
l'information a fait le lit des islamistes : "Les troupes d'El-Afghani
déferlent sur Hussein-Dey ! ". C'est le recours au sensationnel, c'est
le n'importe quoi pour vendre. Les règles morales, d'éthique ont
été bafouées..."
(.H. Responsable d'une agence de presse algérienne
à Paris. Entretien 12/1995)
3- A.MAHMOUDI écrit dans l'Hebdo-Libéré
du 08/06/1994 : "Faut-il le dire aujourd'hui ? Faut-il dire cet énorme
soulagement lorsqu'un peu après l'attentat raté contre
BELHOUCHET, nous avons constaté le changement de ligne intervenu dans
El-Watan sur la question de l'intégrisme ? En quelques jours, ce
quotidien est ainsi passé d'une ligne réconciliatrice,
dialoguiste et capitularde totale à un anti intégrisme virulent
qui laissa pantois la majorité de notre rédaction et de nos
lecteurs"
4-L'Hebdo-Libéré du 11/02/1992.
La deuxième tendance met l'accent sur "le respect du
choix du peuple". Les articles traitant des "Droits de la personne humaine"
sont permanents ainsi que des mises en gardes contre toutes les dérives.
Moins nombreux sont par contre les contenus traitant de la violence islamiste.
C'est une presse fortement contestataire.
Il s'agit essentiellement des journaux : La Nation,
El-Haq, Le quotidien d'Algérie et quelques journaux de
l'opposition.
A ceux-ci par contre il est reproché leur silence sur
les dérives des groupes armés islamistes et de "reproduire des
thèses anti-algériennes élaborées à
l'étranger".
La troisième tendance est essentiellement commerciale.
Elle consacre plusieurs pages aux faits divers, aux annonces matrimoniales, ou
même au "politique". Cette presse est composée de
Liberté, Détective, Le Soir d'Algérie,
Ech-Chourouk....
L'ensemble des média algériens sont soumis
depuis le 7 juin 1994 à une circulaire du ministère de
l'intérieur dans laquelle il y est expressément
énoncé :
" Au moment où tous les efforts des forces vives de la
Nation sont tendus vers l'éradication du terrorisme et de la subversion,
je sais pouvoir compter sur votre contribution positive dans la lutte
antiterroriste et antisubversive (...)."
Cette circulaire est suivie d'un arrêté
interministériel relatif au traitement de l'information à
caractère sécuritaire, et de recommandations adressées aux
médias nationaux (lire annexe 20).
L'information ayant trait à la situation
sécuritaire est désormais soumise à l'imprimatur.
Quelles que soient leurs obédiences les journalistes
algériens sont depuis ces dernières années des cibles
permanentes de tueurs islamistes ou non.1
1-Un mois après l'assassinat de l'écrivain et
journaliste Tahar DJAOUT, un comité pour la vérité sur son
assassinat lance un appel (le 14/06/93) :
"Maintenant que la justice vient d'innocenter les
lampistes présumés, réussira-t-elle à
démasquer les véritables commanditaires de l'ombre ?"
(Le professeur Boucebci, membre de ce comité est
assassiné le lendemain de l'appel)
Il nous parut intéressant dans un premier temps de nous
interroger sur les différences et les analogies entre la presse
écrite algérienne existant avant 1990 et celle née
à la faveur de la loi d'avril 1990 dans leur traitement de l'opposition
politique algérienne ; par une analyse comparative.
Dans un second temps au gré de l'avancement des
travaux, le thème de la recherche est
reformulé.1 Notre interrogation porte sur la
lecture de la presse algérienne en France.
Pourquoi des algériens vivant en France lisent la
presse algérienne ?
Quelles sont les motifs qui les y incitent ?
Quant à nous bien au delà des messages
véhiculés par les uns et les autres de ces journaux, au
delà de leurs prises de position respectives, notre propos est de saisir
les référenciassions des lecteurs algériens à leur
appartenance communautaire ou pas.
1-Notamment par le fait des entretiens que nous avons eus avec
des lecteurs et des journalistes : ainsi les responsables du quotidien
Alger-Info, des journalistes de l'agence
Algérie-Presse-Service, Radio Chaîne 4 et
chaîne 2, Le-Matin...et des séminaires
5-LECTURES
INTRODUCTION
Nous allons tenter à présent une typologie des
lecteurs de la presse écrite algérienne. Des types idéaux
à partir de notre enquête.
" On obtient un idéal-type en accentuant
unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en
enchaînant une multitude de phénomènes donnés
isolément, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en
grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu'on
ordonne selon les précédents points de vue choisis
unilatéralement pour former un tableau de pensée
homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans
sa pureté conceptuelle. "1
" (...) l'idéal-type est un tableau de
pensée il n'est pas la réalité historique ni
surtout la réalité
authentique "2.
" Le souci dominant du typologiste n'est donc pas le
réalisme mais la cohérence logique et la valeur explicative. Le
rôle du chercheur est ici prédominant car il s'agit d'une
construction à base intuitive pour une grande
part "3.
Nous avons quant à nous retenu les critères
suivants pour élaborer notre typologie des lecteurs.
Le lien avec la presse écrite. Nous entendons par lien,
l'importance de la distanciation prise par le lecteur vis-à-vis de
celle-ci. Ce rapport s'exprimant par la fréquence et les modes de
lecture.
L'analyse transversale fait apparaître des comportements
plus ou moins homogènes en fonction des thèmes et des
locuteurs.
Certains interviewés disent une chose et plus loin son
contraire. Ainsi
le locuteur D après avoir explicitement rejeté
l'existence de manière générale de la censure, y revient :
En gros je ne sais pas si on peut parler de censure (...).
Texte dirigé j'appelle moi, texte dirigé. c'est à dire
quelqu'un, quand il écrit on le corrige, on pèse les mots.
1-M.WEBER.Essai sur la théorie de la science.
Paris : Plan, 1992. p172.
2-M.WEBER. Ibid.p176.
3-J.L.LOUBET-DEL-BAYLE.Introduction aux méthodes
des sciences sociales. Paris : Privat, 1989.p148.
Certaines spécifications ou thèmes apparaissent
chez tous les locuteurs comme la comparaison entre journaux ;
contenu de la presse écrite algérienne, difficultés,
rapport qualitatif.
D'autres spécifications n'apparaissent que chez
quelques uns : la référence à la presse écrite
algérienne éditée en France (entendre destinée aux
algériens) n'intervient que chez deux locuteurs. La rubrique immigration
n'apparaît qu'une seule fois chez un locuteur qui est récemment
arrivé en France. Journaliste sportif, il est dit-il un des rares a
avoir consacré des pages entières à des équipes
sportives issues de l'immigration, dans un journal algérien.
Paradoxalement certaines spécifications internes
à ces thèmes n'apparaissent nulle part, par exemple la
déontologie.
L'évolution de la presse algérienne, le monopole
de l'Etat sur la publicité, sur l'impression...ne sont que
superficiellement relevés. Les interviewés n'ont pas
traité de la violence dont sont victimes les journalistes
algériens. La violence est évoquée de manière
générale qui touche l'ensemble du pays, de la population.
Nous avons abouti à trois types de lecteurs de la
presse écrite algérienne en Ile-de-France. Trois
silhouettes. Le lecteur Passionné, le lecteur entre deux,
le lecteur occasionnel.1
1-" Malgré l'usage brillant et convaincant qu'a
fait Max WEBER de la méthode des types idéaux, il est
resté très peu explicite sur la manière de les construire,
et les applications ultérieures relèvent plus de
l'habilité du chercheur, de son savoir-faire, que d'une
méthodologie communicable ".
R.GHIGLIONE, B.MATALON. Les
enquêtes...Op.Cit..p199.
18 5 .1 LE LECTEUR PASSIONNE
Il est extrêmement assidu, il lit quotidiennement
" même si la presse arrive avec 24 heures de retard ", ou plus.
Il lit deux trois, jusqu'à même quatre journaux quotidiennement.
Il est méthodique. Commence par tel journal par habitude. Lit
entièrement le journal. " C'est le lien direct avec
l'Algérie" .Découpe des articles, souligne, photocopie,
élabore des dossiers, " fomente " des débats. Il lit
aussi pour " quelque part" avoir la preuve que les média ici ne
sont pas complets lorsqu'ils " traitent du pays ". Presse
française qu'il lit tout autant d'ailleurs mais sans grande
conviction
Quand ils sont disponibles
j'achète Liberté, El-Watan, Le
Matin...bon...moi je les achète c'est pas que je les
reçois...Je veux les acheter, les acheter.... Tout ce que je trouve hein
parce que moi je suis un dévoreur et j'essaie, bon (...) Moi je discute
avec les gens, là, je discute avec les gens. Des fois, bon on prend des
débats des journaux on dit qu'est-ce-que c'est ces conneries
là... et cetera. J'essaie de susciter...la critique. Moi je
parle de la critique constructive. Pas la critique pour critiquer de
jalousie...on discute... .
* 52 ans, travaille à temps partiel dans une
association d'aide aux chômeurs à Nanterre. Il se déplace
fréquemment en Algérie. Il a toujours un journal entre les
mains.
La lecture du journal s'effectue souvent conjointement. Elle
exprime le besoin d'échanger "entre soi" des nouvelles de tous ordres.
Elle permet la confection d'un journal local à distribuer ou à
vendre pour modestement renflouer les caisses de l'association.
Nous déjà on a un membre du bureau qui
achète Liberté. Nous n'avons pas de subventions. Chacun
achète son journal. Nous avons un autre syndicaliste bon...Y en a qui
achètent El-Watan, y en a qui achètent La
Tribune, c'est à dire chacun de nous, on peut regarder le bureau,
il y a toujours deux, trois journaux qui trainent, qui font le tour, vous avez
vu mon bureau. Et c'est comme ça que ça se passe, c'est comme
ça qu'on est informé. On lit plusieurs quotidiens en n'achetant
qu'un. On achète un et on lit plusieurs...Et en général
chacun de nous informe l'autre. Ce qu'il a trouvé et cetera...Et c'est
comme ça à peu près qu'on sait ce qui se passe en
Algérie. C'est à dire c'est le lien direct avec notre pays. Tout
ce qui se passe...C'est un lien direct. Nous sommes très content
d'avoir...Bon nous n'avons qu'El-Moudjahid dans le temps...Bon parfois
on l'achète, de temps en temps. C'est pas qu'on l'achète pas mais
maintenant on lit plusieurs journaux...Même en France on achète
Libération comme on achète Le Parisien, des
fois on achète Le Monde pour avoir une idée...Nous
allons faire un point d'information, c'est à dire pour notre
communauté, voir à peu près comment on va éditer un
bulletin mensuel avec trois ou quatre côtés...essayer
d'avoir un bulletin d'information à partir des journaux
algériens....Ca on est en train de préparer comment faire
cela.
* 60 ans. Retraité. En France depuis 40 ans. Ancien
syndicaliste et militant de la cause nationale algérienne.
De peur de "rater" une information concernant le pays, cette
catégorie de lecteurs lit tout. Les journaux algériens comme les
journaux français.
Qu'ils soient les uns ou les autres proches de ses opinions
politiques ou non. C'est un lecteur à l'affut. Il regarde les
informations à la télévision mais :
On sait très bien que...que l'info plus complète
elle nous sera donnée quand on lira les journaux.
Q : Et justement les journaux....
Ah les journaux, les journaux, on les achète
quotidiennement. Les journaux on les achète quotidiennement mais ils
arrivent avec 24 heures de retard. Parfois plus et...donc eux...eux...nous
apportent l'info... (...). Il y a donc...c'est El-Watan, Liberté, La
Tribune, La Nation...On achète au moins deux journaux par jour plus
La Nation hebdomadaire. Voilà. Par ailleurs....ben, moi je,
comme je travaille en bibliothèque, je consulte systématiquement
le reste de la...les dépêches AFP....enfin je fais un
travail de ...ou bien les articles de fond qui paraissent dans certains
hebdomadaires....dans Le Monde diplomatique parfois...donc des
mensuels, des revues spécialisées, notamment
Maghreb...Je regarde, je fais le tour des...des choses
exposées, puis dès que je vois qu'il y a un dossier sur
l'Algérie ou un article hé ben je prends la revue, je photocopie
et...et je lis...Donc les journaux que nous achetons, à part les pages
sportives...Je commence par El-Watan. Toujours. Parce
que...El-Watan, c'est mon préféré...La
Tribune est d'excellente facture mais comme j'ai pris l'habitude de...de
lire plutôt El-Watan, je commence toujours par
El-Watan. Je lis les titres. Je le lis en diagonale. C'est à
dire je lis les titres et ensuite je m'arrête à la page
politique... C'est tout ce qui concerne...donc...les déclarations du
pouvoir, de l'opposition. C'est...pour me faire une idée et ensuite je
lis au gré de...des articles sur la société des choses qui
me sont familières...sur les journalistes sur les associations, je ne
rate rien bien sûr de ce qui concerne le domaine des femmes parce que
ça me sert aussi à confectionner le bulletin de notre
association...voilà. C'est comme ça. (...).
* Chercheuse. 45 ans. Est en France depuis 1984. Très
attachée à la lutte pour l'égalité entre les hommes
et les femmes.
Il se dégage néanmoins vis-à-vis du plus
grand nombre de journaux une position très critique, hormis deux ou
trois titres pour lesquels les avis convergent (El-Watan, La Nation, La
Tribune. El-Watan pour ses compétences, La Nation
pour ses analyses, La Tribune à un moindre degré pour
son regard différent.)
La spécification crédibilité est
la mieux partagée. Les locuteurs regrettent en quelque sorte que face
aux médias locaux, (incomplets ou partiaux -TV-) les journaux
algériens n'apportent pas les réponses appropriées. Par
ailleurs pour certains des locuteurs, la presse écrite actuelle n'a pas
réellement changé par rapport à ce qu'elle était.
Elle est certes nombreuse mais elle n'est ni plurielle ni indépendante.
On a marre...parce qu'on trouve toujours la même
chose pratiquement...C'est à dire moi personnellement quand je lis les
journaux, j'ai l'impression de lire la même chose (...). Les gens
recherchent des journaux qui leur disent la vérité, qui leur
donnent l'espoir. Je peux vous jurer que s'il y a un journal qui sortira demain
et en donnant l'espoir ce sera le journal le plus vendu
d'Algérie.
* Journaliste sportif. Vit en France - c'est provisoire-
depuis 1994, seul. A longtemps travaillé pour l'agence officielle
A.P.S.
Les Algériens ils veulent la
vérité. C'est normal. Il faut dire la vérité. Quand
on dit la vérité on s'en sort toujours. Mais quand on ment
à ses compatriotes on perd toujours avec eux.
* Ancien membre du FLN -avant 62 !- Il tient à
préciser la période. Aujourd'hui pré retraité.
D'autres trouvent exagéré de confondre les
titres. Ils nuancent. A la décharge des journalistes nos locuteurs
mettent en avant les difficultés d'exercer le métier. L'espace
que prend la publicité dans certains titres n'est pas compris. De
même l a "manipulation" (ils sont orientés) dont ils sont l'objet
Et c'est vrai que, bon...les journaux
algériens...quand je les achète je m'aperçois que
finalement...ce qu'on peut faire, c'est une critique sur le journalistique
algérien, c'est que, on prend...quelque soit le journal, c'est presque
la même composition, c'est à dire on dirait que c'est le
même texte ; c'est le même journaliste qui travaille pour les
mêmes journaux. Je sais pas c'est une opinion que je me fais c'est
à dire c'est comme si le journaliste il a...Il tape le texte, il a
quatre journaux en même temps c'est peut-être que le journaliste
n'a pas cet esprit d'investigation qu'il y a en France. Pour donner un exemple
: y a un sportif, bob, il se prétend champion du monde Kda-kda
I et cetera...I médaillé olympique...Moi je prends le
journal, je regarde....
Je dis qu'est-ce-que-c'est-que-ces-conneries ? Je
dis, ce journaliste comment tu veux qu'il soit crédible ? Aussi bien le
rédacteur en chef...Je sais pas moi...il téléphone
C'est la Fédération de Tartempion ? Monsieur X est-ce qu'il
pratique chez vous ? Il vérifie pas donc. Parce qu'il y a le
`bisness'. (...) Mais je sais pas moi, quand on est responsable de
journal, il faut quand même vérifier ses sources et être un
peu plus crédible vis-à-vis du lecteur qu'il est censé
informer. Quand je lis un, j'ai l'impression d'avoir lu tous les autres. Et
c'est un peu presque les mêmes photos Makkach ! I il n'y a rien
à faire ! I...Et bon donc le trois quart c'est de la publicité.
Société Tartempion recrute Menna-Mennek I par ci, par
là I comme s'il y avait le plein emploi !...vous avez compris ?...Il
manque...il manque un journal d'investigation qui va au fond des
problèmes. Parce qu'à lire ces journaux on dirait qu'ils oublient
le peuple. On dirait que le peuple n'existe pas. Le quotidien. Moi je
vois un journal qui s'appellerait Le quotidien. Qui travaillerait que
sur le quotidien. Le quotidien du pauvre pèlerin, du pauvre malheureux
qui a du mal, qui a dix gosses, qui a du mal à vivre avec 18 dinars le
lait. Sa préoccupation..., qu'est-ce qu'il pense,...
* Son frère -sportif de haut niveau- a eu maille
à partir avec la presse algérienne. Lui vit en France depuis
1966. Il y est venu pour découvrir le monde.
A part El-Watan qui me séduit parce que
je juge qu'il est à la hauteur de...que ça soit sur le
plan...linguistique, ou sur le plan analyse, il y a quelque chose. Analyse
politico-sociale il est au niveau de la presse française donc en fin de
compte compétences et tout ça. Le reste...si je l'ai à
portée de la main, je le lis comme ça en fin de compte. A part
s'il y a vraiment un dossier culturel.
* 35 ans en France depuis 1989.
Quand même, faut pas exagérer !
Indépendants...Tous les journalistes, les directeurs...la plupart des
responsables des journaux indépendants, enfin entre guillemets
indépendants sont issus d'El-Moudjahid. La plupart hein...
(...) Je m'aperçois petit à petit, au fur et à mesure, que
le contenu...Y a rien. C'est vide. Malgré le nombre, c'est vide. J'ai
acheté Liberté...Enfin, je veux pas être...C'est
un exemple hein. Liberté, ya rien enfin. A part radar
ou je ne sais pas quoi. La première page et la deuxième
page...Après, le reste c'est de la publicité (...). A un moment
donné j'achetai deux, trois hein, vraiment (...). Mais là de plus
en plus c'est vide. Vraiment.
C'est vide...De plus en plus. Avec les problèmes qui se
passent en Algérie, ils ne peuvent pas faire d'enquêtes, ils ne
peuvent pas...peut -être la censure aussi. (...) Ca fait longtemps que
j'ai pas acheté La Nation. Je crois qu'ils ont des problèmes avec
le pouvoir. Ils sont très très...censurés...Sa responsable
c'est une femme c'est ça ? (...) Je pense qu'ils n'ont pas les
moyens. Je dis pas que c'est leur faute hein...je...mais enfin...quand
même.
* Expert comptable. Etabli en France depuis 1973.
Je lis La Tribune. C'est mon deuxième
journal...J'avoue qu'il est assez...de mon point de vue assez bon et qu'il
apporte un autre éclairage par rapport à El-Watan, et
Liberté je l'achète pas systématiquement. Je
l'achète quand les titres...Comme le buraliste me connaît, je
feuillette, puis s'il y a des choses qui m'intéressent je le prends, ou
je le prends pas. La Nation je le prends systématiquement
puisque pour l'instant là où j'achète les journaux c'est
le seul hebdomadaire disponible. Il a parfois un ton agaçant, mais
bon...intéressant...pour...pour la variété du paysage
médiatique algérien.
(...) Dans Liberté je trouve qu'il y a moins
d'info. Il y a trop de pub. Ces trois pages ou quatre pages agaçantes du
milieu. Voilà. Y a moins d'info, ça c'est indéniable. Je
veux dire, si on le mesure en surface et en contenu, je trouve qu'il y a moins
d'info alors bon....
* Universitaire
Chez lez journaux algériens, c'est de l'info
orientée, tous hein (...) . Malgré tous les efforts qu'ils font
bien sûr.
* Gestionnaire de stock en grande surface. Né en
France. 32 ans. Adolescent il a vécu cinq années en
Algérie.
Ils sont manipulés (...) La plupart ils sont
pro-gouvernementaux. Mais j'ai pas le choix. Ce que je trouve je le lis.
* Vendeur. Près de 30 ans. Réside en Banlieue.
Je suis ici depuis pas longtemps.
Et puis certains, je dis bien certains
journalistes...nourrissaient des...des sortes de complots si vous
voulez...contre d'autres journalistes pour la simple raison que leur directeur
ne sont pas d'accord (...) Il nous est arrivé même des fois de
nous insulter par journal interposé, il faut le dire...Mais ça ce
sont des considérations politiques et purement personnelles.
* Journaliste.
Les locuteurs distinguent la presse écrite
éditée en Algérie de celle éditée en France.
Cette dernière n'a pas répondu aux attentes. Les informations
très attendues sur le pays ne sont que partielles. Ces journaux traitent
très insuffisamment les réalités des algériens
vivant en France. Les interviewés ont du mal à s'y
accrocher
Je veux bien...acheter, soutenir ainsi la presse
algérienne mais bon...on peut pas tout acheter...Même si elle
n'est pas chère.
Q : Vous ne la trouvez pas chère...
Cinq francs non. Franchement non...Par exemple
Alger-Info-International, qui a existé un temps, hé ben
valait six francs et moi je ne l'achetais pas. J'avoue que je ne l'achetais
pas...parce que...c'est clair, Alger-Info-International était
entre deux...deux terrains à la fois qu'il n'exploitait pas du tout...On
ne peut pas prétendre traiter de l'actualité française
quand il y a des journaux à un franc plus chers qui sont superbes
comme Le Monde ou Libé et traiter de
l'actualité algérienne dans la manière dont il le faisait
alors que...C'est vrai qu'il suffisait d'attendre le lendemain, mais...Et de
manière bien plus exhaustive et plus intéressante avec les
journaux algériens. Moi je...je prends le cas du mémorandum...Ils
l'ont diffusé par extraits et cetera. Alors que le lendemain tous les
journaux algériens le diffusaient intégralement et c'était
ça qui nous intéressait. Moi je l'achetais quasiment pas. De
temps en temps. Je l'achetais bien sûr au début pour voir, mais
après je trouvais que...ça valait pas...et puis il y a aussi le
fait que...tant qu'à mettre de l'argent il faut mettre de l'argent dans
la presse algérienne parce que...Faut la soutenir. Absolument ! Soutenir
ceux qui sont là-bas...et donc...c'était...Et puis je veux dire
c'était même pas un acte de charité mais...c'est vraiment
plus intéressant.
Q : Il y eu d'autres tentatives ici...
Oui, El-Djazaïr, il était pas mal. Mais
c'est la même chose. Je sais pas. J'ai lu...Je les ai pas tous lus...J'en
ai lus quelques uns...Y avait des articles intéressants
mais...Non...J'avoue que j'ai du mal à m'accrocher à...à
la presse algérienne d'ici. Celle qui se fait ici. D'ailleurs je vois
que les algériens non plus puisque ça n'a rien donné. Ca
n'a pas abouti.
* Femme, 45 ans
Par curiosité, j'achète
Alger-Info...Mais y a rien vous êtes d'accord avec moi, y a
rien. C'est vide. Mais c'est un créneau ! Ils auraient pu ! Je vous
assure qu'il y a une communauté algérienne qui est prête
à l'acheter, à payer mais à conditions qu'il y ait quelque
chose...qu'ils essaient de faire des enquêtes sur l'immigration. Sur ce
qui se passe là-bas (...). Si c'est pour lire les dépêches,
moi je les ai. Il m'arrive d'acheter Libération. Je les ai dans
Libération. Alger-Info il doit donner des infos. Et
sur l'Algérie, sur ce qui se passe là-bas et sur l'immigration.
Il y a un article ou deux bon, soi-disant...c'est très pauvre au niveau
contenu, au niveau forme. Alger-Info ils se disent les
algériens ils sont assoiffés d'informations. Je vous dis moi
j'achète trois, quatre. J'y vais, j'achète. Bon je
paie...J'achète parce que j'ai besoin d'avoir des informations, d'avoir
des opinions un peu partout. Les algériens pour la plupart ils sont
comme moi. Mais ils se sont aperçu que...bon...au niveau contenu, ce
n'est pas ça. Donc Alger-Info a sauté là
dessus...l'immigration est assoiffée d'informations sur
l'Algérie, bon hein ...on va leur...hein...Mais ils font
pas un journal professionnel, bien écrit.
* Homme 45 ans. "apolitique".
Si les radios communautaires ne font pas
l'unanimité ; ces radios
un, c'est de la voyance, je veux dire c'est à
l'opposé de moi, deux c'est du commercial en plus quoi, par contre la
télévision algérienne est très présente. Les
interviewés font état de regrets de ne pas l'avoir. Lien direct
avec le pays. Ils la souhaitent non pour son contenu son discours, ni pour ce
qui y est dit
Je vois souvent l'Algérie. Mais des fois j'aime pas
regarder parce que... Ca me fait rappeler les événements en 90.
Le chômage, les gens ne sont pas...sont stressés. Les critiques,
parce que y a rien du tout. Y a pas d'occupation. Y a rien du tout. Que
ça soit au niveau du recrutement, au niveau du boulot ; y a
rien...y a rien qui marche là-bas...Faut le dire... (...).Il faut dire
ce qui en est. Il faut pas cacher...Alors la télévision ils
disent pas la vérité...Ils disent...Ils montrent que les bonnes
choses...Mais au fond l'Algérie profonde elle souffre. Elle souffre.
Tout le monde souffre là-bas. Et...sur la télé à
chaque fois des fêtes comme ça, des chanteurs, c'est comme si tout
va bien...J'aime pas regarder.
* 27 ans. En France depuis peu.
Ils souhaitent recevoir la chaîne
algérienne non pour son discours, pour son message - Je ne veux pas de
cette télévision. Moi je la regarde pas. Même en
Algérie je la regardai pas. On n'apprend rien. Sauf quand il y avait des
débats. Mais pour ce qui y est : les images -telles quelles- brutes
directes de la réalité du pays, du quartier. (...)Pour un
peu, avoir un peu d'air frais du pays.
Ils souhaitent recevoir la télé
algérienne mais ils appréhendent les difficultés
techniques inhérentes à l'installation de l'antenne parabolique,
mais aussi aux difficultés liées à l'administration
locale.
Malheureusement je n'ai pas la parabole. Parce que
j'habite dans le 6°, le propriétaire de l'immeuble, il m'a interdit
de parabole voila...Je m'informe par la télévision
française.
* Immigré "de la première
génération".
Je suis prêt d'avoir une antenne parabolique.
C'est tout simplement une histoire technique. C'est un immeuble collectif, donc
ça pose des problèmes. Mais je souhaite l'avoir incessamment,
d'ailleurs je pensais déménager ne serait-ce que pour ça
tu vois, parce que c'est important. Les médias français...y a pas
d'information hein... sur ce qui se passe en Algérie.
* 32 ans. Employé de grande surface.
J'ai la fibre algérienne, je suis
algérien. Ok, je suis ici depuis 20 ans et voilà...j'ai soif de
savoir ce qui se passe réellement dans mon pays, malgré que j'y
vais une fois par an, deux fois par an. Moi je ne me suis pas coupé des
réalités algériennes. Je cherche à
savoir...D'ailleurs ma femme n'arrête pas de me dire d'acheter la
parabole...On va changer d'appartement...D'autant qu'il y a une nièce
qui habite juste à côté. Elle, elle a la parabole, elle dit
« ah ! la télé algérienne ! voilà et
cetera... ». Non, mais j'ai décidé de la faire. C'est
sûr hein...
* Expert comptable à Paris. Est arrivé en France
en 1973 pour suivre des études. Part fréquemment en
Algérie.
(...)
Q : Vous parlez de la télé française ?
« Je suis pas parabolée donc je ne vois pas
la télé algérienne...Il faut demander l'autorisation au
syndic. J'habite un immeuble en région parisienne à Malakoff.
Donc il faut demander l'autorisation au syndic. Il faut acheter la
parabole...Bon, vous me direz c'est simple ! ...mais...c'est
des tas de considérations techniques et...On s'en est pas occupé
et quand...je vois des mamans d'enfants...qui ont, elles, la télé
algérienne, d'enfants qui vont aux cours avec ma fille et quand elles me
racontent ce qu'elles ont vu à la télé c'est vrai que je
me dis il faut...Il faut qu'on s'organise pour...Comme on est les seuls
algériens de l'immeuble...bon il faut faire la démarche et...on
l'a pas faite c'est tout. Mais c'est vrai que tôt ou tard on y viendra,
enfin je l'espère.
* 45 ans. Chercheuse.
Ce rapport qu'ont ces locuteurs avec la presse écrite
algérienne est fort. Ce sont des personnes bien engagées dans les
luttes qu'elles soient associatives ou autres. D'ailleurs, ce rapport avec la
presse ils l'inscrivent dans un ensemble de rapports avec l'Algérie :
Ensemble de rapports tout aussi significatifs. Ils sont pourrions-nous
écrire en relation permanente avec le pays. Relation réelle,
physique, par des voyages mais aussi par des rencontres avec d'autres
algériens vivant en France : dans des cafés, des
associations. Par d'autres pratiques culturelles et sociales aussi ; en
allant systématiquement faire (ses) courses à Barbès. (ou
Argenteuil.)
Nous allons pour l'exemple écouter deux
intervenants.
Le premier :
* L'interviewé est un associatif de
métier. Il est arrivé en France à 18 ans en 1966. Il
a continué quelque peu dans le secteur auberges de jeunesse
qu'il connaissait depuis l'Algérie. Dès le jeune âge
j'étais dans le milieu associatif en Algérie .Il y revient
après une parenthèse de 17 années passées dans une
usine à Nanterre I où il réside à ce jour I
où il fut délégué syndical CFDT durant plusieurs
années jusqu'à son licenciement en 1986. C'était
vraiment délibéré quoi.
Invariablement ce lecteur interviendra en français ou
en arabe populaire pour s'exprimer.
Le lien passionnel qu'il entretien avec les journaux du pays
est conforté par la passion qu'il a dans la participation (On a fait
venir l'équipe de Sidi-Bel-Abbes, les Karkabou là (...)
justement de lutter contre les a priori) à la gestion de l'association
des chômeurs de Nanterre. Il fait venir des groupes sportifs, culturels
d'Algérie dans le cadre d'échanges culturels. Les repères
identitaires sont ainsi balisés. Grande est sa peine d'entendre son fils
balbutier (baragouiner) quelques mots d'arabe que celui-ci croit avoir
emprunté à son père.
LE PERE LE GOSSE ET LA LANGUE
ARABE.
C'est là où notre ami T... qui est
justement l'ingénieur qui a fondé l'ENEP m'a proposé
justement la création de cette maison des chômeurs (...).
L'idée m'a plu donc moi j'ai rempilé avec Maurice. On a
crée l'équipe, justement avec Monique et cetera...On a
crée cette maison des chômeurs. (...)
On a fait venir l'équipe de Sidi-Bel-Abbes, les
Karkabou là (...) justement de lutter contre les a priori de
chaque côté de la méditerranée. C'est à dire
pour faire passer le message. C'est vrai que les gens, j'aime pas le terme
immigré, j'aime bien dire les algériens résidant
en France...ou en Amérique...parce que le terme
immigré ça m'horripile...c'est que...en disant que les
gens qui sont nés ici qu'ils prennent pas pour des cons ceux,
là-bas en Algérie et ceux d'Algérie ne prennent pas les
gens pour des cons, d'ici. (...)
Le gosse (...) mes neveux lui parlent en arabe, lui il parle
en français. Mon gosse Ryad, six ans, hé ben quand je
l'emmène en Algérie il parle français. Il comprend
très bien...Bon on lui parle qu'est-ce que c'est ça
? Il répond. Mais il parle pas. Qu'est-ce que c'est un oeuf
? Il répond en arabe. Qu'est-ce que c'est la porte ? Il
répond. Questions-réponses, il répond. Il traduit. Mais il
parle pas. Pourtant on parle avec lui en arabe. Il veut pas en plus. Il parle
Bella, bella...Je lui dis qu'est-ce que tu parles ? Il me
dit je parle arabe...Enaal - Babek c'est ça l'arabe
?... »
Le deuxième :
* 45 ans. Elle est doctorante à Paris. Arrivée
d'Algérie il y a plus de dix ans elle milite pour les droits des femmes
en Algérie. Avec sa famille (enfants et époux) elle réside
en banlieue parisienne. Son téléphone personnel est au bord de la
saturation. Elle passe des soirées entières à
répondre, (à débattre) aux interrogations des uns et
des
autres sur la situation en général en
Algérie, particulièrement celles en rapport aux droits des
femmes.
Cette activité associative "en rapport au pays" est
soutenue par une lecture assidue de la presse algérienne et
française.
MES SOIREES AU TELEPHONE
!
« En fait I la France I devait me servir de tremplin
pour partir aux Etats-Unis ». Ses déplacements pour le pays ne
sont plus aussi nombreux qu'au début de la décennie. Son
activité militante est "débordante". Les repères
identitaires se conjuguent à l'universel. Le droit des femmes est
transfrontalier. Il se dégage chez ces lecteurs passionnés
souvent une filiation idéologique.
Au départ les raisons de mes départs
fréquents en Algérie étaient aussi liées à
mon activité militante et j'avoue qu'au départ j'ai pas du tout
pensé pouvoir faire des choses ici comme je le faisais en
Algérie. Et puis...au fur et à mesure des sollicitations en
France et de l'augmentation il faut bien le dire du nombre d'algériens
et surtout d'algériennes qui venaient en France, on s'est mis à
songer à la perspective de faire des choses plus organisées
d'où la naissance de notre association ici en France et qui a pour
objectif donc....le.....qui continue sur le même programme que
l'association en l'Algérie, c'est à dire l'abrogation du code de
la famille et la promulgation de lois égalitaires et...On s'est rendu
compte que en France ça avait tout à fait son objet d'une part
parce que...il y a beaucoup d'algériens, d'algériennes en
l'occurrence qui souhaitent continuer leur activité en lien avec
l'Algérie et... d'autre part que, même pour les résidentes,
celles qui n'ont pas l'intention de retourner en Algérie, celles qui
sont de nationalité algérienne, sont tout à fait
concernées par ces textes. Donc ça, ça rendait
l'entreprise tout à fait viable. En fait c'est une association tout
à fait indépendante de l'association algérienne,
hein...Souvent je reçois énormément d'appels liés
à l'association. Comme nous n'avons pas de local, et donc il arrive que
je passe des soirées au téléphone.
(...) Par exemple MACHAHO il faut à tout prix que
j'aille le voir mais bon, je suis pas allée, j'ai pas encore eu le
temps. Je suis arabophone mais il est sous-titré français. C'est
comme ça que je le comprendrais. Mais c'est bien de le voir en version
originale aussi même si on comprend pas le berbère hein. J'ai des
amis kabyles, je suis familiarisée, mais je ne comprends rien, hein.
Mais c'est un rythme de langue qui m'est très familier à
l'oreille...Moi ça m'intéresserai plus de le voir en
berbère d'abord parce que ça sera la première fois pour
moi en tant qu'algérienne, c'est important de voir en berbère,
sous-titré français plutôt que de voir la version arabe
dont je sais qu'elle va bientôt sortir aussi. Et c'est très bien
qu'il y a ces versions, pour montrer justement la double culture
algérienne.
Mais moi personnellement ces phénomènes de faire
un film...C'est quand même la première fois hein.
C'est quand même important pour l'Algérie. Donc
j'étais plus intéressée de le voir en version
berbère sous titré français donc version originale
plutôt qu'en version arabe. Et celui-là fait partie de mes
projets... voilà.
19
20 5.2 L'ENTRE DEUX
Ceux là ne lisent que comme ça ou
n'achètent un journal que lorsqu'on ne comprend pas une
information I au journal télévisé. I
Leur lecture est circonstancielle. Ils lisent au gré
des événements ou des lieux, des rencontres. Certains
éprouvent un malaise à évoquer le pays qu'ils ont
récemment quitté. Ils se trouvent dans une situation
intermédiaire. La presse les déçoit.
A part El-Watan qui me séduit, parce que
je juge qu'il est à la hauteur de...que ça soit sur le
plan...linguistique ou sur le plan analyse, il y a quelque chose.(...) Sinon le
reste...déjà la forme, la disposition des rubriques, non c'est
vrai qu'ils ont plus de publicité parce que c'est de cela qu'ils vivent
mais, qu'ils mettent un peu de contenu quoi.
* En France depuis 7 ans.
Le locuteur suivant est âgé de 24 ans. Il est
étudiant. Il a passé plusieurs années en hôpital.
Ses parents sont en Algérie. Il vit en banlieue parisienne dans une
famille d'accueil.
Il ne porte aucun jugement ni sur les contenus ni sur les
journaux dont il ne cite d'ailleurs aucun nom. Seules l'intéressent les
bonnes nouvelles en provenance du pays qu'il y lit.
Les lieux de lecture sont tout aussi importants que la lecture
elle-même. Ils permettent l'accès à d'autres secteurs
(Télévision, vidéo, conférences...), à des
échanges de points de vue avec d'autres utilisateurs. Mais aussi se
sentir chez soi. Etre entre soi.
Je viens ici I au centre culturel algérien I aussi.
Pour m'informer sur mon pays. Je m'informe par les journaux par des articles,
des fois je prends des articles de tourisme, des photocopies des articles de
tourisme, même d'hôtellerie...Quand je vois de bonnes nouvelles, je
sors très content.
Q : C'est à dire, une bonne nouvelle ?
Une bonne nouvelle pour moi c'est quand mon pays, quand il y a
une bonne nouvelle par exemple là je viens, je viens de lire comme quoi
il y a eu une miss-monde qui a été...il y a deux miss-monde...qui
a ...bien sûr, unique au monde...deux miss-monde !...j'ai pas l'habitude
de lire ça...mais...bon...j'ai un peu été
étonné par ce journal I fou-rire étouffé I
...c'est magnifique...c'était vraiment super...(...) Uniques au monde,
nous sommes uniques au monde ! C'est super !vraiment ! Haja kharja-el-ada I
extra - ordinaire I... c'est quelque chose de vraiment magnifique (...). Je
regarde dans le sommaire ce qui se passe exactement. S'il y a des trucs
intéressants, je feuillette, n'importe quel journal, quand il y a un
truc intéressant hop, je fais une photocopie. Mais je prends pas le
titre du journal.
Q : Ah ?
C'est une habitude, comme ça et ensuite je fais une
petite analyse et ça me donne des petites idées. De tout je
prends. De tout. Je n'ai pas de préférence. (...) Des articles de
tout. Ca peut toucher à l'hôtellerie, ça peut toucher
à la technologie,
ça peut toucher au médical, ça peut
toucher...je sais pas...à la recherche, ça peut toucher à
la science ; ça peut toucher à tout, tout, ça peut
toucher à tout. Vous voyez quel que soit le journal il faut regarder
à l'intérieur. Vous lisez puis tiens c'est
intéressant...je vais faire une photocopie. Je voudrais savoir,
savoir encore plus.
Je viens (...) aussi voir la télé
algérienne. Je la regarde ici...des fois, s'il y a un bon prix, je leur
dis " écoutez si... ". Je fais soit ça pour
m'enregistrer et j'achète l'émission ou bien je...je regarde
carrément avec les autres, comme tout le monde...dans d'autres lieux,
chez des amis...Dans ma chambre je n'ai pas le câble...Chez des amis qui
captent l'Algérie...Des amis. Soit français soit
américains ou soit même des turcs.
Q : Des amis américains ?
Oui des amis américains que je rencontre à
l'institut à l'école et tout ça et...Puis voilà.
(...). Ils me permettent de regarder...Mais tout ça donc je regarde les
informations d'Algérie ce qui est vraiment...Je veux pas me couper de
mon pays, franchement non.
Auprès de ces lecteurs les média français
n'ont pas bonne presse.
Les avis sont unanimes et partagés. Unanimes par
rapport à la télévision qu'ils trouvent
incorrecte, orientée... Tant par rapport au pays que
par rapport à leur quotidien en France. Partagés par rapport
à la presse écrite française. Le Monde,
Libération sont fréquemment cités, d'autres le
sont aussi : Le Parisien, La Croix, Le Figaro avec plus de nuances. La
radio n'est que très peu évoquée.
Je lis par contre Libé, je lis Le
Monde, je lis le Figaro. Aussi bien de droite que de gauche.
Maintenant on ne sait même pas s'ils sont de droite s'ils sont de gauche.
Parce qu'ils manquent d'observateurs qu'on sait même plus où ils
vont. C'est que...l'algérien du moins je parle de l'Algérie
puisque je connais, qui est mon pays, qui est mon sang...c'est que...Quand
ça va mal on en parle. On met des tartines nanananana. C'est
à dire que c'est vrai que, moi personnellement quand j'ai lu...je lisais
là les journaux l'Algérie !...J'ai dit qu'est-ce qui
se passe dans mon pays ?... J'ai été. Là, je viens de
rentrer là. Et c'est pas ce qui a été décrit dans
les journaux ! C'est vrai que, faut pas le nier, y a la tuerie, y a ci y a
là...Mais c'est pas le Liban !...Parce que non mais !...Le Liban
c'était des immeubles qui tombaient !...c'était la
Bazooka...alors la télé française elle en parle plus
maintenant. D'un seul coup. Peut-être ils ont eu des ordres, ou une
pression quelque part.
* Un "ancien". 52 ans.
Par son approche des événements relatifs aux
pays d'émigration ou à ceux relatifs aux populations issues de
ces pays, la télévision suscite chez les
téléspectateurs des comportements d'hostilité sinon de
xénophobie.
Un premier constat1
écrivent A. BATTEGAY et A. BOUBEKER suite au visionnage
par une équipe d'observateurs durant 15 jours en novembre 1991, de tous
les programmes de télévision soit 750 émissions
télévisées. "Les immigrés n'ont qu'un accès
très limité à la télévision. Les
professionnels issus de l'immigration sont rares. (trois noms de journalistes
d'origine maghrébine sont apparus en 555 heures de programmation) et les
immigrés ne participent que très peu aux différents types
d'émission. Malgré la polémique politique, l'immigration
n'apparaît pas comme un enjeu majeur d'information. Les situations
relatives à cette question ne sont guère
médiatisées que dans le sens d'une dramatisation des hantises de
la classe politique et de l'opinion publique. "
Il faut dire qu'en France aussi, il y eu tellement
de...tellement de choses qui ont été dites à travers les
médias, la télévision, les journaux et cetera que bon
ben...quelques fois les français lorsqu'ils ont une réaction bon
ben, même si elle est mauvaise pour moi...enfin...je la comprends...hein
(...). On peut tout faire avec la télévision (...). En ce moment
ici les algériens on en entend pas beaucoup parler, c'est surtout avec
les maliens, avec les hommes de couleur, avec les gens de couleur, mais les
algériens c'est vrai qu'on en entend pas beaucoup parler. En tout cas
pas en ce moment. Mais c'est sous-jacent, ben c'est à dire...de toute
façon...on s'habitue. Ben, bon moi en ce qui me concerne j'y suis
tellement habitué que j'y fais plus tellement attention, mais c'est vrai
que lorsque j'étais plus jeune, j'étais beaucoup plus sensible
à ça.
* 48 ans, niveau secondaire.
Je lis Le Monde. Le Monde. En
général j'achète pas d'autres. Enfin, bon sauf quand y a
des sujets qui m'intéressent mais ils sont tellement orientés,
tellement.
Q : Ah bon...
Ils sont en général orientés. En
général. J'avais l'impression qu'on recherche plus le
sensationnalisme que la diffusion de l'information et...Une lecture critique
quoi. C'est pas ce qu'on attend du lecteur. On cherche à...on cherche
à lui faire éprouver les grandes sensations. C'est souvent
ça.
* 28 ans "Franco-algéro-marocaine".
1-A.BATTEGAY, A. BOUBEKER. Les images publiques de
l'immigration. Paris : CIEMI / l' Harmattan, 1993, p140.
Ce locuteur a 24 ans. Il réside dans une famille
d'accueil à Malakoff. Depuis très jeune il est
hospitalisé. J'ai passé la moitié de ma vie dans
les hôpitaux. (...) Je suis ici pour ma santé et mes
études.
Il prépare un diplôme dans le management
hôtelier. Toute sa famille est en Algérie. Lit tout ce qui peut le
soulager. Il dit pratiquer du basket-ball et du football près de la tour
EIFFEL à " BIR HAKIIM "...
Le nom est algérianisé.
La lecture de la presse (épisodique) tout comme les
activités sportives ou culturelles (il s'étonne que nous ne
l'interrogions pas sur les livres) procède de la même
démarche : ne pas rompre.
UN BOUT DE VIE A BIR HAKIIM, IH BIR
HAKIIM
Vous voyez quel que soit le journal il faut regarder
à l'intérieur. Vous lisez puis " tiens, c'est
intéressant "...je vais faire une photocopie. Moi ça me
touche. Je voudrai savoir. Savoir encore plus. Bon quand on dit « en
Algérie il y a une avancée sur le plan technologique »,
c'est vraiment merveilleux. C'est super. C'est mon pays. C'est le mien et je
suis content comme je vous l'ai dit tout à l'heure et puis voilà.
Voyez, moi je trouve ça vraiment magnifique. Vous m'avez pas
parlé des livres. KATEB Yacine, bon je vais pas vous parler de lui
franchement...c'est un...c'est...c'est la première fois que je vois un
écrivain. Il a été diffusé à la
télé. Le jour même...le lendemain, je suis parti acheter
son livre... et puis voilà...J'ai acheté le
livre...NEDJMA...NEDJMA...voilà...magnifique. Moi je trouve ça
magnifique...Sa vie et tout ça...C'est un personnage assez
spécial...Il y a eu une émission récemment sur France
3...je me rappelle de sa mort...et ça m'a...moi
j'étais...bon...ça m'a...il est mort de
maladie...Allah-yarh'mou.
(...)
Q : Tu prépares un diplôme ?
Ca s'appelle un master bachelor of science dans le
domaine de...bachelor of science. Management international...management
hôtelier international. Le management c'est vague. Moi je
préfère dire technique commerciale...vous voyez,
technique commerciale. Parce que, quand on dit management
c'est un peu le frime des américains. C'est Ezzoukh,
zoukha-taâ ; zoukha taâ el marikaniyyin' comme on dit I
la « frime » des américains I. Donc moi je dis
technique commerciale...Et mon savoir-faire je le donnerai à
mon pays plus tard avec de profondes études que je ferai moi-même.
Personnellement. Tranquille chez moi en Algérie comme je vais chaque
vacance. Pour les vacances auprès de mes parents. Auprès de ma
famille, que j'aime beaucoup. Que ça soit du côté de ma
mère ou du côté de mon père. Voilà donc...que
j'aime beaucoup.
Q : Tu y es allé cette année ?
Cette année je vais aller pour les vacances. Je
vais aller pour les vacances. Parce que c'est le seul endroit. Ca fait trois
ans que je n'ai pas été, étant donné que
j'étais malade. Et on m'a pas donné...Les médecins ne
m'ont pas donné la permission d'aller...et tout ça donc...Je suis
quand même allé une année, je me suis fait engueuler par le
professeur ici. Il m'a dit : " écoute, tu prends des risques,
regarde les résultats ". Je lui ai dit : " je m'en fous, parce
que les vacances moi, c'est mon pays et je veux revoir ma famille. (...) Moi
mon savoir-faire comme je vous l'ai dit au début, je le transmettrai
à mon pays. Voilà. Tout simplement. Je le transmettrai à
mon pays. "
"V" quant à lui a
récemment quitté l'Algérie. Il lit "tout ce que je
trouve". Il n'a pas de préférence mais un grand regret: que
son pays ne soit pas sur certains points précis (Lois, presse, droits de
l'homme...) à l'image d' autres pays. La comparaison avec l'Allemagne
n'est pas fortuite.
J'ai demandé l'asile politique en 94. Il
attend une réponse définitive. Il a tenté une
expérience (infructueuse) en Allemagne. Aujourd'hui à Paris il
travaille trois jours par semaine sur les marchés. Il a 28 ans. Il n'a
pu s'inscrire à l'Université malgré ses quatre
années de faculté à Alger.
MOI JE VAIS FAIRE UNE
COMPARAISON
Je suis venu en France le 15 mai. C'était un
vendredi comme aujourd'hui. Le 15 mai 92. (...) En gros...ben c'était un
climat de terreur...même le goût de travailler, de faire des
études...c'était l'impasse...Au niveau de tout.(...)
Q : Comment ça se passe pour toi ?
Moi je vais faire une comparaison là...Parce que j'ai
été en Allemagne...je...je connais les deux. Je dirais qu'en
Allemagne c'est vraiment...c'est n'importe quoi, c'est du n'importe quoi. Je
peux pas vivre là-bas. L'administration là-bas elle est
très très sévère...Direct comme ça ils
emmènent les gens. A l'aéroport. Sans les prévenir
hein...C'est pas normal ça. Mais vraiment c'est de l'anarchie... (...).
Là quand même il y a les droits de l'homme, quand même.
Malgré, malgré tout ce qui se passe...Je peux dire que c'est le
meill... Bon j'ai pas vu l'Amérique et tout...mais je crois que la
France c'est le meilleur pays du monde. Au niveau des lois. Je parle au niveau
des lois. Au niveau des droits de l'homme y a pas mieux que la France.
Même si, même si maintenant j'ai, je...je les ai pas les papiers.
Mais il faut dire ce qui en est. Faut pas...Faut pas cacher la
vérité. Même tout ce qui se passe au niveau des
Algériens, ils essaient de les expulser. Ils leurs leurs donnent pas les
papiers...bon...dans un sens c'est normal. C'est la crise mondiale...bon...la
France elle peut pas accueillir tout le monde...C'est logique !
21 5.3 LE LECTEUR OCCASIONNEL
Il lit par curiosité pour voir ce qui se fait en
Algérie. La lecture n'est chez lui que support. Support d'un mal
être. Il lit des journaux algériens et se surprend à ne pas
réagir à la réalité du pays de ses parents.
Même si logiquement (il) devrait lire.
Les lecteurs de cette catégorie ne sont pas convaincus
par la presse algérienne quelle que soit sa tendance, son style...Ils
lui préfèrent la presse française même si celle-ci
ne les satisfait pas.
I La plupart I des journaux sont complètement acquis au
pouvoir quoi. Je ne les lis pas. Ca sert à rien parce que je pense que
je donne de l'argent...enfin pour moi ce serait interprété comme
donner de l'argent à des gens qui ne le méritent pas quoi...
(...) Ils ont une vision manichéenne. Un type de discours qui conforte
l'opinion française. C'est une façon de renforcer les
clichés. Je les perçois comme ça.
* Etudiante en Sciences Politiques. 27 ans. Née
à Lyon.
Y a quelque chose dont je me suis rendu compte il n'y a
pas tellement longtemps, c'est que finalement je ne lisais plus les
articles...bon moi je lis Le Monde normalement tous les jours. C'est
à dire je l'achète tous les jours quoi. Mais alors je sais pas si
je vais continuer mais c'est pour une histoire de fric. Donc je lis Le
Monde tous les jours depuis...Je pense qu'à Paris j'ai du le rater
10 fois ou 20 fois mais pas plus. Et...je me suis aperçu à un
certain moment que je ne lisais pas ou je ne lisais plus les articles
concernant l'Algérie. Alors j'y vois plusieurs raisons (...) Des, des
blocages en fait, hein, ça, je pense qu'il y a des choses aussi
là dessus hein, comme ça. Lesquelles...Je sais pas en fait
hein...Je ne sais pas mais je pense qu'il y a quelque
chose...sinon...sinon...ouais...Non quand même je lis un petit peu. Je me
tiens...Enfin bon, le minimum hein. Surtout que, ça dépend des
gens, des gens comme Saïd qui est très très branché
sur l'Algérie...Saïd BOUAMAMA. là, le mec de Lille. Donc qui
est très très branché sur l'Algérie donc, bon.
Sinon y a...bon...alors les journaux algériens Je les achète pas.
M. de temps en temps me fait...me passe des journaux algériens
quoi...Nation, je sais pas quoi tout ça donc bon je peux les
lire...et le...Enfin il y a comme un para...pas un paradoxe mais, le seul
article que j'ai découpé, le seul, c'est un article qui parlait
du village où je suis né. C'est quand même...Mais...Il
serait logique à tout point de vue que je lise...ça devrait
être un centre d'intérêt. Bon. (...) Logiquement je devrais
lire. Et puis moi y a un pote un jour qui m'a dit, il m'a dit « c'est
bizarre, tu réagis pas..."(...). Donc la presse, y a M. donc qui me les
passe très régulièrement d'ailleurs. Il me les passe. Bon
je les feuillette mais...d'ailleurs comme ça en fait pour me...me, entre
guillemets pour me baigner dedans. Voir un peu de quoi on parle dans...dans les
journaux algériens bons. C'était peut-être un peu pour
savoir qu'est-ce-que c'était...Qu'est-ce-que c'était enfin une
certaine réalité de l'Algérie... (...) Je sais qu'il
existe hein tout ça. Je sais même ce que ça veut dire, hein
mais...El-Watan c'est la nation ?...Donc...j'ai dû le
lire...sans plus quoi. Je peux pas dire quoi...par exemple je connais pas les
différentes tendances, alors que je devrais, je veux dire, je devrais
logiquement.
* 33 ans. Je ne suis pas un immigré. Je suis d'ici.
Ancien animateur d'une association "d'arabes de France" à Salon de
Provence.
Lorsqu'il y a un événement important qui s'est
passé en Algérie (...) j'essaie de prendre un peu tous les
journaux.
* Né en France. Employé de grande surface.
Je lis El-Watan, il est assez crédible
quoi. Sinon à part El-Watan non franchement. Non. Si, La
Nation. Il a un message différent. Moi je ne suis pas un mordu
non.
* 49 ans dont 44 en France. 4 enfants. Expert en automobile
(brevet de technicien automobile.)
Ce sont des paroles d'algériens ayant grandi en France
ou qui y sont nés. Ce discours des locuteurs nés en France ou
venus très jeunes est fortement marqué par leur environnement.
Environnement hostile à leur égard. Environnement qui tente de
les marginaliser.
Contrairement à leurs parents ils réagissent
à cet environnement non " par la résignation " mais par
des revendications de citoyenneté à part entière (U),
par des manifestations diverses. Ainsi (S) fait-il allusion
aux J.A.L.B. (Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues) des années 1983, 84.
C'était la période des 100 fleurs !
Leur discours relatif à la presse algérienne ou
à l'environnement social qui est le leur, est fortement teinté,
idéologisé, particulièrement pour ceux dont le capital
culturel est élevé.
CITOYENNE DE SECONDE ZONE
U est étudiante. Elle est née
à Lyon. Y a grandi. Elle est née « dedans »,
il y a 27 ans. Réside à Saint-Denis depuis peu. Est inscrite
à l'université en année de licence.
« Depuis mon plus jeune âge je me suis
toujours...intéressée à...à la...aux
événements qui se situent de l'autre côté de la
Méditerranée. Donc ça les a pas étonné I les
parents I, c'est un cursus tout à fait logique. (...) Quant au fait de
vivre maintenant à Saint-Denis ils le...ils le vivent très bien
au contraire, ils m'encouragent beaucoup dans ce sens là. Ils sont
même contents que j'ai quitté Vaulx-en-Velin. (...)
J'ai l'impression qu'il existe une multitude
d'Algéries. (...) Et l'Algérie fermée, rurale,
traditionnelle, rude...c'est elle qui s'est installée en France dans les
années 60. (...) Nos parents s'acharnent à nous enseigner les
coutumes, la tradition, à nous renfermer dedans. Et je pense qu'ils font
une profonde confusion (...) à mon avis pour eux, toutes ces coutumes,
toutes ces traditions...tout ce qu'on vit, nous en tant que...enfin qu'on
considère comme des handicaps, pour eux ils le vénèrent
parce que... (...) Ils ne savent même pas distinguer la langue arabe de
l'Islam (...). La coutume de...d'une...de...je...enfin je sais pas avec quoi la
mettre en opposition le mot coutume mais...la coutume qui pourrait être
dépassée, ils n'arrivent pas à la balayer au profit d'un
comportement qui est nécessaire dans l'espace dans lequel on vit. (...)
Cela fait huit ans que je ne suis pas allée en Algérie. Ca me
manque beaucoup (...). Dès que j'ai un peu d'argent j'y vais.
Elle vit pleinement le pays de ses parents qu'elle tente - et
s'efforce - de faire sien. Elle ne le connaît que par les récits
qu'en font ses parents. Récits qui alimentent sa conception de l'
"Être" bien que parfois ce qui lui paraît relever de handicaps soit
perçu par ses parents comme des éléments de
"vénération". Socialisée en France sa préoccupation
essentielle est la question de l'intégration. Question dont dit-elle on
parle beaucoup mais en réalité on se préoccupe peu des
mille et une composantes culturelles, confessionnelles qui peuplent la
France.
(...) I ses parents I ne connaissaient pas la France.
Ils la connaissaient uniquement en tant que pouvoir répressif parce
qu'ils ont été colonisés et ils ont soufferts de la
colonisation. Et...en s'installant en France ils avaient peut-être besoin
de la connaître autrement. D'un point de vue culturel plutôt, d'un
point de vue historique. De voir que la France aussi c'était un pays qui
avait de bons côtés qui n'avait pas que la barbarie coloniale et
cetera...Et moi je suis née en France ; Je suis née dedans.
Je suis née dedans. Nous les jeunes issus de l'immigration on est
nés dedans. Donc on est français en fait. (...) Donc en fait moi
ce...enfin ce qui me préoccupe c'est la question citoyenne, la question
de la citoyenneté. Parce qu'on n'a pas une citoyenneté active. On
a une citoyenneté complètement passive. Et...on existe que...hors
des campagnes électorales...Et en dehors de ça on n'existe pas.
On n'existe pas. On est une population hors zone. Moi personnellement je me
considère comme une citoyenne de seconde zone. Etre citoyen ce n'est pas
uniquement apporter une voix. Etre citoyen c'est avoir droit au logement. Le
citoyen ce n'est pas simplement un rapport de devoirs envers l'autre. C'est
aussi...la contrepartie. Des droits c'est le logement, c'est le travail, c'est
la scolarité, c'est...la possibilité d'être respecté
dans l'espace public. Quel que soit notre faciès. Bon moi je le vis pas
ce problème là du faciès. Du contrôle du
faciès parce que bien souvent les femmes...elles ne sont pas
perçues de la même manière que les hommes. Et les hommes en
souffrent beaucoup. C'est eux qu'on va contrôler en premier...qu'on va
malmener...Enfin bon. Quand on voit l'application du plan vigi-pirates
...A qui on demande les papiers ? Aux maghrébins...ou au faciès
maghrébin car bien souvent y a des gens qui ont une tête, une
tête arabe, qui sont contrôlés et qui sont pas arabes mais
antillais par exemple. Ca c'est le plan vigi-pirates. Au vu et au su
de tous. Mais en dehors de ça bon...y a le problème du
logement...moi même je l'ai vécu.... »
Q : Tu l'as vécu comment ?
« Je l'ai vécu au travers ma soeur qui avait
demandé un appartement et on lui a dit : on vous le donne pas parce
que vous êtes arabe... Ils l'ont dit. Ils l'écrivent pas. Ils
l'ont dit. Vous êtes arabe. C'était une régie
privée...bien souvent...donc être citoyen...c'est aussi avoir la
possibilité de ...parce que (...) qu'est-ce qu'un Etat, qu'est-ce qu'une
citoyenneté, qu'est-ce qu'une nationalité...Parce que la France
...parce que en France on fait la confusion. C'est dans son essence. C'est...on
ne peut pas être sans être national. Ben justement peut-être
qu'il faudrait remettre ça en question. Ca peut être une
série de mesures qui permettraient à la population...dans sa
globalité de mieux vivre dans son espace. Et peut-être de mieux
vivre avec l'autre. Ceci dit il faudrait peut-être aussi compléter
ce travail par la connaissance culturelle. Il y a mille et une
composantes...culturelles, confessionnelles en France...donc...On parle
beaucoup de leur intégration mais...on ne sait même pas
comment...comment elles sont...On ne connaît même pas l'histoire de
ces gens là. Peut-être qu'il faudrait les faire connaître
davantage. »
S a 33 ans. " J'avais un an quand mes
parents m'ont amené (...) j'avais la taille d'une boite de
chaussures ". Il a vécu jusqu'en 1995 dans le sud de la France. Il
ne connait pratiquement pas le pays de ses parents auquel il est
néanmoins attaché.
Ce locuteur a cité pas moins de quinze noms
d'intellectuels (ou célébrités) maghrébins ou
arabes, durant l'entretien. Malek HADDAD, KATEB Yacine, IBN-KHALDUN, Omar
KHAYYAM, FELLAG, RIMITTI...que lui fait connaître sa soeur. Leur
connaissance révèle un attachement -bien que symbolique- à
la sphère culturelle de ses parents, de ses origines. Un attachement
à cette sphère culturelle qu'il ne reproduit pas ou peu dans ses
pratiques au quotidien. C'est un attachement symbolique. Sa
réalité comme celle de l'interviewée U,
se nourrit de son quotidien en France, hinc et nunc avec les
références
qu' (ils) peuvent. Avec des valeurs véhiculées
en France. Valeurs qu'ils intériorisent plus facilement en dépit
des réactions de leurs parents.
S crée une association de jeunes
maghrébins de la ZUP (dans maghrébins
c'était aussi nos parents hein...), lit des ouvrages sur
le Maghreb, s'inscrit à l'Université pour suivre des
études sur le monde arabe. Il ne travaille pas.
Mes parents c'est mes parents dit-il. Mais aussi :
Je suis pas un immigré.Toutes mes attaches sont à Salon.
J'AI PAS IMMIGRE MOI. JE SUIS PAS UN
IMMIGRE
On était dans un groupe de jeunes, une bande de
jeunes et dans cette bande de jeunes, il y a des franç...il y avait,
pardon ; il y avait des arabes et des non arabes...Cette bande de jeunes
elle était...on était que des potes...je veux dire...y a pas de
problèmes. Moi j'allais chez eux, ils venaient chez moi, enfin bon.
C'était vraiment...Y avait pas de problème. Mais il
n'empêche il y avait des clivages... (...). Je veux dire, quand t'es
jeune, quand je dis jeune hein, c'est on avait vingt ans. Vingt ans, l'un des
trucs c'est faire la fête, c'est sortir en boite. Donc on sort en boite.
On est cinq disons. Pour une voiture quoi. Une voiture, on est trois et deux,
je veux dire...et les deux arabes ou les trois arabes selon, hé ben, ils
se font refouler de la boite. C'est clair, c'est précis, c'est net. Je
veux dire, au bout de cinq fois ; ça se passe comme ça,
bon les mecs ils nous disent bon c'est bon on va plus en boite. Mais
je veux dire tout le monde à envie d'aller en boite, bon on leur dit
non, allez-y en boite nous on...
Donc de fait, des clivages comme ça se sont
retrouvés qui ont fait que un jour à trois on était sur un
mur qu'on appelle le mur de la misère et on était trois
et on s'est dit tiens si on faisait une association et on a
créé une association qui s'appelle NEDJMA. (...)
Je veux dire, par ailleurs c'était aussi pendant
la...C'était 84 donc la marche de 83 c'est aussi dans cette, dans cette
mouvance là (...) et donc nous c'est tout ça. MOA j'appelle cette
période I sourire et clin d'oeil I la période des 100
fleurs
voilà donc.1 (...) Nous on
est plein de références, je veux dire, NEDJMA, par exemple. Je
veux dire NEDJMA...ce qui a de, de...donc pourquoi NEDJMA ? Un, parce que c'est
un nom arabe et nous on voulait d'une certaine manière pouvoir dire
on est des arabes, mais sans avoir à le dire. Donc NEDJMA, c'est
clair. On n'a pas besoin de...de faire des discours là dessus et tout,
donc c'est NEDJMA (...). Deux, NEDJMA ça veut dire l'étoile.
Alors l'étoile...l'étoile rouge, les pays de l'est et
tout ça ! (...).Mais tous ça c'est pour jouer hein...on s'est
jamais pris la tête. Sinon, le nom il vient de Carte de
séjour. Une chanson de Carte de séjour. (...).
Très souvent quand on dit NEDJMA les gens ils
répondent Ah ! KATEB Yacine. Et nous on dit :
malheureusement non, ou on dit : non c'est pas KATEB Yacine c'est
Carte de séjour en rajoutant...parce que...on a les
références qu'on peut.
Et donc nous c'est pas KATEB Yacine (...) et nous notre
référence c'était Carte de séjour. Une
chanson qui s'appelle Echems -W-Nedjma et où il dit
Où est l'étoile, où est l'étoile, je la
cherche et tout ça... (...) Nous notre définition
c'était jeunes. Jeunes maghrébins de la Z.U.P. Et les
trois dimensions étaient importantes (...). Je veux dire dans
maghrébins c'était aussi nos parents hein...parce que
nous il est hors de question...alors nous, on refuse l'appellation
Beur. Beur par exemple. C'est, bon c'est une appellation
parisienne (...) c'était une manière, de pas dire arabe. Je veux
dire bon, moi ça me dérange pas. Je suis un bougnoule, ça
me...Enfin je veux dire c'est ça...je le suis, je le suis. Donc j'ai pas
envie qu'on euphémise. J'ai pas envie d'être
euphémisé. Moi j'ai pas envie d'être blanchi. Un. Deux, il
y avait aussi ça, c'est que c'était une manière de faire
la coupure avec les parents. Y a les bons Beurs. Et y a les mauvais ar... les
mauvais travailleurs immigrés, donc nous c'était quelque chose
qu'on refuse, mes parents c'est mes parents...C'est mes parents ! C'est une des
choses qui s'impose...C'est comme ça... (...).Moi je suis pas un
immigré. J'ai pas immigré moi.
Q : Fils d'immigré
Issu de, mais je suis pas un immigré
moi. Moi je suis un mec d'ici. Alors oui, depuis que je suis à Paris ici
je suis immigré à Paris. Ca pour moi c'est clair. (...)
Mais...mais enfin bon...mais si on était là maintenant à
Salon, que vous faisiez cet interview...je veux dire...je, je, ça
dépend qui, mais...si on me dit bon tu es un immigré et
tout je dis...enfin je laisse pas passer ça !...Parce que...toutes mes
raci... toutes mes attaches et cetera...mais alors TOUTES ! (...) sont du sud.
Je veux dire mais tout. Le climat, mes repères visuels, mes
repères lumineux (...) mes repères climatiques...bon, sans parler
des gens ! »
Toutes ses attaches sont du sud, de Salon dit-il mais aussi
mes parents c'est mes parents. C'est comme ça. Il précise comme
pour combiner ses propres attaches à celles de ses parents :
Nous notre définition c'était jeunes
maghrébins de la ZUP. Il pose en fait en des termes clairs la
question de l'identité des jeunes issus de l'immigration. Ces jeunes qui
veulent aussi bien écouter Carte de séjour, que lire et
Mao (MOA) et Kateb Yacine ou parcourir la presse ; Indifféremment
française ou algérienne. Ou les deux.
1- La marche pour l'égalité et contre le racisme
commencée le 15 novembre 1983 à Marseille arrive le 3
décembre à Paris.
22 5.4 LECTURES ET IDENTITE
Les résultats des entretiens font apparaître chez
les lecteurs de la presse écrite algérienne une
sensibilité à celle-ci mais aussi à la
télévision qu'ils ne possèdent pas mais qu'ils souhaitent
très fortement recevoir. Le contenu de celle-ci importe peu. Seules
comptent les images directes, en l'état.
Moins apparentes sont leurs relations aux médias
« communautaires ».
Leur rapport à la presse écrite est très
nuancé. Malgré par endroit des positions virulentes ils
continuent de la lire.
Cette lecture de la presse écrite algérienne
pour ceux des algériens d'Ile-de-France qui la lisent est un acte social
volontaire significatif.
Un comportement rationnel. Un comportement rationnel en valeur
tel que le définit Max WEBER.
" L'activité sociale peut-être
déterminée : (...) de façon rationnelle en valeur, par la
croyance en la valeur intrinsèque inconditionnelle (...) d'un
comportement déterminé qui vaut pour lui-même et
indépendamment de son
résultat ".1
Cette lecture de la presse traduit donc une volonté
manifeste de montrer et d'affirmer son appartenance à un groupe social
déterminé pour les uns.
Pour les autres, une volonté de ne pas rompre avec le
groupe social de ses origines, et d'autre part en réaction au groupe de
référence.
Cela étant cette volonté des uns et des autres
s'exprime selon des degrés divers conséquemment aux
itinéraires de chacun.
Tout individu vit au milieu de groupes. Son itinéraire
propre (son évolution) peut l'amener à ne plus se
référer à son propre groupe d'origine. Il s'identifie
à un groupe appelé groupe de référence. Il se peut
que le groupe d'origine soit aussi son groupe de référence.
L'adhésion d'un individu à tel ou tel autre
groupe dépend des valeurs et normes auxquels cet individu
adhère.
Une partie est composée de lecteurs en transit comme
ils le disent. Certains sont arrivés après 1988, d'autres sont en
France depuis 1954.
Pour ceux-là il n'est pas question de " renoncer
à faire référence à leurs origines."
1-WEBER (Max).Economie et société / 1:
les catégories de la sociologie.Paris :
Plon,1995,p55.
Il n'y a pas conflit avec leur groupe d'origine. Il est leur
groupe d'appartenance et de référence. Cela est très
perceptible chez les "anciens".
La lecture de la presse du pays d'origine procède du
maintien (du renforcement) des liens avec sa communauté dans laquelle on
est entièrement impliqué. On lit pour affirmer son
appartenance.
L'idée de s'arracher à l'enracinement des
origines ne les effleure pas.
(Un des interviewés achète tous les jours
Liberté pour ses pages nécrologiques, on ne sait jamais,
des gens du village qu'on connaît).
Nous avons utilisé l'expression
lecture-refuge1 pour souligner le refus
qu'opère l'autre partie de ces lecteurs de la situation qui lui est
allouée ici en France.
Mais aussi situation qui est celle des parents ou de la
« communauté » de ces lecteurs occasionnels. Il
s'agit particulièrement de lecteurs nés ici, nés dedans ou
venus très jeunes, socialisés en France. Je ne suis pas un
immigré insistent-ils tous.
On ne peut faire l'impasse sur les phénomènes
d'identification qui traversent les groupes sociaux. D'ailleurs c'est en
référence à des groupes et en leur sein que
l'identité se forge.
L'identité est construite sur un agrégat de
comportements, de règles tacites, de codes intériorisés
plus ou moins consciemment par chacun au fil du temps et des rencontres.
Or cette partie des lecteurs, contrairement à la
première s'inscrit plutôt dans une lecture-refuge moins par
adhésion à la presse (ou ce qu'elle représente) que par
rejet. Par réaction et par rejet d'une situation, d'un vécu. Ces
lecteurs sont d'ici. Nés dedans. Mais néanmoins lisent,
quoique de manière superficielle une presse qui leur parle
d'un pays proche. Qui ne leur est pas tout à fait étranger mais
qui n'est pas tout à fait le leur non plus. Il est bien celui de leurs
parents.
Les uns (les "anciens" et ceux venus depuis peu) lisent pour
affirmer une identité, les autres par réaction au groupe de
référence mais aussi pour ne pas rompre les liens avec le groupe
d'appartenance.
1-Dans "stigmate " (Paris : ed.minuit, 1975,
p168) GOFFMAN, à propos des déviants sociaux, qualifie leur
communauté ainsi : Celle-ci à la façon des ghettos,
constitue un havre d'autodéfense.
Il y a bien une ligne de partage ou comme écrit A.
ZEHRAOUI, un point de démarcation entre les uns et les autres : " Le
véritable point de démarcation se situe entre ceux pour lesquels
les modes d'être et d'appartenance nationale et culturelle symboliques au
sens des origines, continuent de servir de références au plan des
représentations
et des pratiques sociales et ceux qui ont plus ou moins
renoncé à faire (de) cette référence à leur
origine un élément structurant de leur identité sociale et
nationale ".1
NEWCOMB utilise le vocable de no man's land.
" L'individu marginal est un individu qui se situe à la
frontière entre deux groupes A et B. Il n'appartient ni à l'un ni
à l'autre ou du moins il n'est pas assuré de cette appartenance.
Fréquemment, cela se produit pour les membres d'un groupe minoritaire
sous-privilégié (...). Le fait de se trouver dans un no man's
land social se produit dans le cas de types très différents de
groupes minoritaires, par exemple des groupes raciaux
(...) "2
Certains de nos lecteurs en question enjambent cette ligne de
démarcation par réaction. Ils lisent les journaux comme
ça. Pour s'y réfugier.
Bon je les feuillette mais...d'ailleurs comme ça
en fait pour me...me...entre guillemets pour me baigner dedans (...)
sans plus quoi.
S'y baigner ! Comme pour répondre à l'injustice
qui les frappent mais sans plus quoi. Il y a la lecture de la presse
écrite mais il y a aussi lecture d'oeuvres littéraires, musicales
ou autres.
Très souvent quand on dit NEDJMA I notre
association I les gens ils répondent ah ! KATEB Yacine. Et nous
on dit malheureusement non (...) c'est pas KATEB Yacine c'est Carte de
séjour I un groupe musical aux origines mixtes I (..) parce que
...on a les références qu'on peut.
" Les immigrés de la première
génération qui sont venus en France avant la crise acceptent
souvent une relative résignation (...). Il n'en est pas de même de
leurs enfants qui n'ont connu que la France et revendiquent d'être
traités comme n'importe quel français. C'est parce qu'ils se
sentent intégrés qu'ils vivent mal leur non-intégration
objective. "3
1-A.ZEHRAOUI.L'immigration : de l'homme seul à
la famille. Paris : CIEMI/l'Harmattan, 1994,p120.
2-T.M.NEWCOMB et alii. Manuel de psychologie sociale. Paris :
PUF,1970, p504.
3-P.CHAMPAGNE. La vision médiatique. In
« La misère du monde ».Paris : Seuil,1993 p77.
Ceux-là ne s'identifient ni aux groupes de leurs
origines totalement ni aux groupes de référence totalement. Les
premiers parce que leurs normes ne sont pas ou plus tellement les leurs ;
les seconds parce qu'essentiellement ils les renvoient à leur
sphère privée, à leur famille, à leurs origines.
Ils sont réceptifs à la société
dans laquelle ils vivent. En même temps ils se réapproprient
symboliquement et plus fortement les référents identitaires
lorsqu'ils sont renvoyés à leurs origines par les
groupes de référence dont ils partagent beaucoup les normes et
les valeurs. Ils vivent cette apparente antinomie non comme telle mais comme
une congruence.
Dans la névrose de classe, V. De GAULEJAC
écrit : « l'appartenance originaire à telle ou telle
classe sociale est un élément fondamental, qui détermine
les probabilités d'accès à telle ou telle position
sociale. Cette permanence est en particulier manifeste chez les individus
déplacés, lorsque ce déplacement les conduit
à appartenir simultanément à des groupes sociaux
différents, dont les rapports sont historiquement marqués par la
domination de l'un sur l'autre. Ces rapports de pouvoirs s'expriment par des
processus d'opposition, d'invalidation, de soumission, de rejet, qui
influencent la personnalité des individus qui composent ces
différents groupes.1
Autrement : écartelé entre une modernité
complexe et une tradition lointaine et inaccessible, tout jeune immigré
se trouve confronté à un problème...Il est en quelque
sorte l'héritier de la rupture qu'ont profondément vécue
ses parents .2
1-V. De GAULEJAC. La névrose de classe. Paris
: Hommes et groupes, 1987, p27.
2-M.HANIFI.Mémoire de maîtrise UFR,
sciences humaines cliniques. Paris 7.
1982 in V. De GAULEJAC. Ibid., p17.
6-CONCLUSION
Nous avons émis un certain nombre de postulats
préalablement à nos travaux. Ces postulats ne sont pas
démentis mais confortés par nos observations.
Pour les "anciens" la question de l'intégration en
France ne se pose pas. Ils vivent leur présence en France comme une
fatalité. Comme une contrainte passagère. Comme un moment plus ou
moins long à passer. Une situation quelque peu paradoxale et confuse en
butte à une lutte permanente entre un rêve, un idéal
nourris de mémoire et une réalité concrète faite
d'amis, de famille, de travail, de vie au jour le jour.
Une situation conflictuelle dont nous rappelons la
définition que lui attribue A. SAYAD.1
" On ne sait plus s'il s'agit d'un état provisoire mais
qu'on se plaît à prolonger indéfiniment ou au contraire,
s'il s'agit d'un état plus durable mais qu'on se plaît à
vivre avec un intense sentiment du provisoire."
La question de l'identité "les anciens" la
réfèrent pleinement au groupe d'origine. Dans leur agenda mental
la question de l'utopique retour est en permanence inscrite "à l'ordre
du jour". Elle est aussitôt -et en permanence- évacuée par
mille et un prétextes.
Ecoutons M, 60 ans, retraité. Il vit en France
depuis plus de 40 années. C'est un ancien membre de la
fédération de France du F.L.N et ancien syndicaliste (UGTA, AGTA,
CGT...)
Chacun de nous pense...Tout algérien pense retourner en
Algérie. Mais ce qu'il y a c'est que ...Tenant compte de la situation de
notre pays, c'est à dire que moi je me dis où est-ce que je
suis utile ? J'ai mes enfants qui sont là. J'ai quatre enfants.
J'ai deux enfants qui sont mariés. Je suis grand-père. J'ai deux
enfants qui suivent leurs études ici. Bon...ma famille est ici... J'ai
mes parents et mes frères en Algérie. Mais ce qu'il y a,
ça veut dire que malgré que moi je suis installé ici
depuis presque 50 ans, pour moi l'Algérie c'est : demain je
rentre. Moi je fais comme si je rentre demain. J'ai une maison en
Algérie, une maison qu'a laissée mon père...
Tel n'est pas le cas pour ceux des algériens nés
en France, ou y ayant grandi.
A. SAYAD. L'immigration ou les paradoxes...Op. Cit.
Le degré d'identification aux groupes de
référence par ces lecteurs nés dedans
dépend du degré de coercition exercé à l'endroit de
ces lecteurs par la société dans laquelle ils vivent. Ces
lecteurs qui se revendiquent citoyens à part entière de
celle-ci.
Plus le groupe de référence renvoie à
leurs origines les jeunes issus de l'immigration et plus, en
réaction, ceux-ci se réapproprient de manière plus forte
et plus visible les référents identitaires d'origine,
plus ils enjambent en fait, la ligne de démarcation
plus haut indiquée.
I on apprend à l'enfant I " que ces gens là ne
sont pas concernés par les normes de bons traitement qui s'appliquent
aux gens des groupes auxquels il appartient (insiders). (...)
Les outsiders deviennent ainsi les cibles relativement
sûres d'une conduite à préjugés. Là où
les outsiders sont perçus comme une menace réelle ou potentielle
pour son propre groupe, on justifie souvent un tel comportement en le
présentant comme un moyen
d'autodéfense ".1
L'aspiration des algériens citoyens d'ici, à
appartenir à part entière au groupe de référence
n'est pas forcément contrariée par leur revendication
parallèle à certaines des valeurs du groupe de leurs origines.
En fait ils veulent sans contrainte construire une double
identité. Une identité nouvelle qui se nourrit des racines et de
la réalité présente non point pour redéfinir ou
bien bousculer le modèle intégrateur français mais bien au
contraire le crédibiliser, le renforcer.
Ce que ne semble pas vouloir leur accorder le groupe de
référence : «La réception des
télévisions étrangères est une source de repli et
constitue un facteur de désintégration"1.
1-T.M.NEWCOMB et alii. Manuel...Op.cit. p536.
2-Christiane HERRERO déléguée à
l'action culturelle, l'information et la communication au Fonds d'Action
Sociale in : Le Monde 11 et 12 Septembre 1994.
Notre souhait est de pouvoir mener à terme cette
ébauche. Notre souhait est de pouvoir continuer ce travail sur
l'identité / média en intégrant l'ensemble des instruments
de communication, y compris les réseaux informatiques et leurs
impacts.
Alors que la lecture de la presse algérienne en France
est marginale,
92 % des foyers algériens en France possèdent un
téléviseur, 57 % un magnétoscope qu'ils utilisent pour
regarder des cassettes vidéos (47 %) en langue d'origine1.
Les ventes d'antennes paraboliques en France dépassent
le million (moins de 200.000 en 1993) dont une part importante aux populations
étrangères ou d'origine étrangère vivant en
France.
1-M. TRIBALAT. De l'immigration...Op. Cit.
***********
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
1- OUVRAGES
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l'art et les méthodes.-Paris : Maisonneuve et Larose,
1994.-197p.
et :
Brochure N.M.P.P
Documents I.P.S
Les journaux algériens.
Entretiens divers.
******************
LES ANNEXES
DE CE MEMOIRE
FIGURENT DANS UN AUTRE FICHIER
PORTANT LE MEME INTITULE :
« LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE
EN ÎLE DE FRANCE : LECTURES ET
IDENTITE »
Ce Mémoire de DEA :
« LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE EN ÎLE DE
France :
LECTURES ET IDENTITE »
a été soutenu le Jeudi 28 novembre 1996 à
l'Université de Paris VIII. Salle des professeurs de sociologie.
Bâtiment H, Troisième étage à 16 h 50
Jury composé de : Mme M. Bénard, M A.
Kadri
Commentaires :
1-Conception stéréotypée du concept de
l'idéal type
2-Impression de juxtaposition de chapitres.
3-Concept d'identité méritait plusieurs pages.
4-Idem pour l'analyse générale.
5-Un travail comparatif aurait été plus
pertinent : lecteurs algériens, lecteurs français.
6-travail très dense. Enormément d'informations.
Important investissement. Félicitations.
7-Délibération : Mention Bien.
**************************
Inscription en Doctorat
Ahmed HANIFI
2, allée des chênes
95230 Soisy sous Montmorency
T : 01.34.16.34.47
02 novembre 1998
LES MEDIA ET L'INTEGRATION DES POPULATIONS MAGHREBINES
EN FRANCE : LE CAS DE LA TELEVISION
Nous avons tenté dans notre mémoire de DEA de
montrer que la lecture de la presse algérienne par les algériens
de France, même si elle est marginale, relève d'une
démarche identitaire. Affirmation forte de l'identité pour les
uns, réaction à un environnement hostile qui les marginalise pour
d'autres.
Les foyers maghrébins en France sont dans leur
écrasante majorité équipés de postes de
télévision. Depuis quelques années ils peuvent recevoir
les images transmises à partir du Maghreb.
Notre entreprise est de tenter de montrer que contrairement
à ce qui est avancé par ce type d'affirmation :
« La réception des télévisions
étrangères est une source de repli et constitue un facteur de
désintégration » (Christine Herrero
déléguée du FAS), ce n'est pas cette revendication
identitaire qui se nourrit des origines, qui pose problème, mais bien le
refus par la société d'accueil (perçue comme le groupe
de référence) de cette construction d'une identité
nouvelle, à ces populations. Une identité qui se constitue et par
la socialisation présente (en France) et par les origines (l'ailleurs)
comme ce fut le cas pour d'autres populations.
Les référents identitaires des pays d'origine
sont d'autant plus revendiqués par ces populations, qu'elles y sont
renvoyées par des pratiques sociales du groupe de
référence qui les marginalisent ou les ignorent.
Notre objet porte sur la télévision et
l'intégration. Nous essaierons donc de montrer comment ces
différents types de liens entre celle-ci et les populations d'origine
maghrébine renvoient à la question de la construction
identitaire.
Nous traiterons par conséquent du modèle
intégrateur français et le comparerons à d'autres
modèles (USA).
Nous reprendrons des concepts développés lors du
DEA (Communication, identité...)
Thèse de doctorat inaboutie (abandon).
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