Entretien avec Paul Nahon et Bernard Benyamin
(Bureau de Paul Nahon à France 3 ;
Mercredi 31 octobre ; 45 minutes)
réalisé par Yannick Sellier.
Yannick Sellier (YS) : Je voudrais d'abord
connaître votre formation de départ, ce que vous avez fait avant
Envoyé spécial. Je sais que vous avez été
journalistes, reporters et j'aimerai d'emblée savoir si vous aviez un
engagement quelconque dans l'écologie ?
Bernard Benyamin (BB) : Non pas du tout, ni l'un ni
l'autre. Pour aller vite, on a eu des formations tout à fait
parallèle puisqu'il a commencé à la radio, c'est
ça ? ...
Paul Nahon (PN) : ... après une licence de science
éco, où je travaillais parallèlement. Donc rien à
voir avec l'écologie.
BB : Moi, j'ai travaillé à l'école
de journalistes de Lille, ensuite, j'ai été travaillé
à France Inter avant d'arriver à France 2, donc non ... formation
parallèle et rien à voir avec l'écologie.
YS : ok, d'accord, alors pourquoi en êtes-vous
venus à traiter les thèmes de l'écologie, et ce dès
le premier numéro ?
BB : le premier numéro, c'était
« Soumgait », un reportage de Gilles Rabine ...
PN : Non moi je ferais une réponse, votre question
est trop fermée ... je vais vous dire pourquoi ... parce que je pense
que le devoir d'un journaliste, encore une fois, c'est de s'intéresser
à tout. Et que pardon, mais en toute humilité, nous avons
été à partir de 1990, parcequ'on était journaliste,
parcequ'on a eu une formation pendant 20 ans, quand on a commencé
Envoyé Spécial, on a eu cette curiosité
formidable, qui est le rôle fondamental d'un journaliste de
défricher tout ce qu'il y a de plus important dans la
société. On nous avait demandé de faire un magazine de
société, sur la société française, sur
l'international, sur les grandes mutations du monde, et il nous paraissait
absolument évident de nous intéresser à l'écologie
comme autre chose. Comme sur, on a été aussi précurseur au
niveau des sectes ...
YS : c'est vrai, mais par rapport à ces questions
d'environnement, d'écologie, vous avez quand même dit que
c'était l'une de vos préoccupations premières.
BB : Elle est devenue, c'est devenu ...
YS : c'est ce que je voulais savoir, est-ce que
c'était avant, ou est-ce que c'était pendant ?
BB : C'est pendant, c'est pendant et après ...
Paul a tout a fait raison, on avait aucun a priori ni pour ni contre
l'écologie. Nous, on était journalistes, on avait la charge
d'essayer d'expliquer le monde dans lequel on vivait, le mieux possible, donc
on était obligé de s'intéresser à tout et n'importe
quoi. Et le premier numéro, on s'est dit qu'est-ce qu'on va faire ?
On a commencé à faire le tour, d'abord des correspondants, des
gens avec qui on avait envie de travailler, etc. Et ce sont ces gens là
qui nous ont amené les sujets au début. Moi j'avais aucune, on
avait aucune idée de ce qui se passait à Soumgaït. C'est
Gilles Rabine qui est venu ...
PN : Sauf que, quand on prend la commande
d'Envoyé Spécial en 1990, ...
BB : J'ai dit au début ...
PN : Si je puis me permettre de contredire mon ami
Bernard, sauf que quand on prend les commandes en 1989, on a 20 ans de terrain
derrière nous. On a vu plein de choses dans le monde, les
déforestations, on a vu les pluies acides ... Moi j'ai été
au Viêtnam pendant très longtemps où j'ai fait des
reportages depuis 1973, j'ai vu l'agent orange, lui au Brésil, la
déforestation. Donc on avait ça inconsciemment, moi j'ai vu en
Afrique, la déforestation avec les énormes troncs des
forêts qui se baladaient sur toutes les routes ...
BB : Mais pour être sincère Paul, pour
être sincère, c'est au fur et à mesure que c'est venu,
c'est à dire que même si au début, on avait envie de faire
d'abord un bon reportage, qui explique encore une fois, le monde dans lequel on
vivait, il se trouve que dans le premier numéro - mais je pense que
c'est un hasard, hein, très sincèrement - il y avait
Soumgaït. Sauf qu'au fur et à mesure qu'on a commencé
à gratter et à commander des journalistes, à parler avec
des journalistes qui revenaient et voyaient des choses dont on n'avait pas
idée. C'est là, effectivement, qu'a commencé à
naître, si on peut appeler ça entre guillemets, une
« conscience écologique » chez nous.
YS : Maintenant, quelques détails techniques pour
savoir comment vous préparez une émission. Les séquences
plateaux, sont-elles préenregistrées ou enregistrées en
direct ?
PN : Non, non, elles sont enregistrées le jour
même à deux heures, trois heures de la diffusion. Dans
l'après midi.
BB : Sauf pour les émissions tournées en
direct.
YS : Evidemment. Les auteurs des reportages qui
interviennent ensuite sur le plateau, est-ce qu'ils voient leur
reportages ?
PN et BB : c'est eux qui l'on fait !
YS : Non, parcequ'on a toujours l'impression, qu'ils
l'ont vu juste avant...
PN : Il n'y a pas de mise en scène, cependant
quand on est arrivé à France 3 ou France 2, bon Antenne 2
à l'époque, nous on s'est dit que si un jour on avait un
magazine, pour rendre à césar ce qui est à césar,
il faut faire venir la personne qui a fait le reportage. Pour dire au
téléspectateur, c'est pas nous qui avons fait le reportage, c'est
lui. La voix que vous venez d'entendre, voilà le visage.
BB : Nous, on avait été victime en tant que
reporters, on va dire du rapt de certains reportages, que nous avions fait, par
la personne qui présentait. Pour le téléspectateur, en
gros, celui qui présente, c'est celui qui fait tout, or notre rôle
a tout de suite été de dire « attendez, ce n'est pas
nous qui avons fait ce reportage, c'est cette personne là. Ça
nous paraissait la moindre des choses, de reconnaître les mérites
de chacun.
YS : Mais, ce qu'il y a, c'est que vous dites toujours
que vous contrôlez, ma foi, c'est peut être un peu fort, mais
disons que vous vérifiez le montage, vous vérifiez le contenu
... ?
BB : Mais c'est la base, du métier de journaliste.
Le B A BA, c'est de vérifier les informations. A partir du moment,
où les informations sont vérifiées, on peut y aller, et on
a toujours tenu le même discours à tout les journalistes :
« vous voulez - je dis n'importe quoi - mettre en accusation le
président de la république, vous avez des preuves ? Si vous
avez des preuves, on y va, mais il faut que le preuves soient
béton »
YS : Bon là, vous me parlez de preuve, mais n'y
avait-il pas aussi de considération, du style comment garder l'attention
du téléspectateur sur des sujets qui sont pas toujours
évident ?
BB : C'est notre rôle, je l'ai dit dès le
début, il fallait qu'on essaie d'expliquer le monde, donc partant de
là, il fallait, on allait devoir aborder des sujets assez complexes et
essayer effectivement de les rendre le plus publique possible pour que les gens
comprennent ce qui se passe. Et sur quelle Terre, ils vivent.
YS : Autres considérations techniques, les
programmations des sujets, est-ce que vous décidez des sujets
... ?
BB : Très longtemps à l'avance ! Pour
permettre au journaliste de faire son enquête et de mener à bien
... Cela dit, les temps de tournage ont toujours été
respectés. Ce qu'il y avait peut être à l'époque en
tout cas, c'est qu'on donnait un peu plus de temps aux journalistes pour
préparer. Ils avaient vraiment le temps de préparer. Et à
partir du moment, où ils avaient l'équipe, etc. ..., ça se
tournait très rapidement. Pourquoi ? Parce que les gens
étaient très, très, très préparés.
YS : D'accord, et en général, le temps,
c'est un mois, trois mois ... ?
BB : Non, ça dépend des reportages, vous
avez des reportages qu'on a pu lancer avec 6 mois d'antécédent,
et il y en a d'autres qui ont été faits en trois jours. Ça
dépend de l'actualité. On a souvent mis en avant - c'est un peu
inconscient, c'est un peu difficile de dire ça - on a eu le nez pour un
certain nombres de choses. Encore une fois, Paul vous a dit, on avait 20 ans de
terrain derrière nous. Il y avait des choses qui se passaient dans la
société, dans l'air du temps. Je pense que pratiquement à
chaque fois, on a été parmi les premiers à le sentir. Et
donc à lancer tout de suite un reportage. Et lorsque le reportage
arrivait à maturation, c'est à dire à l'antenne, à
ce moment là, il était en adéquation parfaite avec ce que
la société ... Mais ça, c'est difficile à expliquer
...
PN : ça dépend du travail, du bol, du pif,
c'est ça hein ... et de l'expérience.
YS : Par rapport aux rediffusions, vous rediffusez
parfois des sujets à 5 ans, voire à 7, 8 ans d'écart avec
la même présentation. Alors pourquoi des rediffusions et pas un
nouveau reportage ?
BB et PN : Mais en général, il y avait
toujours un retournage pour savoir ce que c'était devenu.
YS : Mais pourtant, dans mon souvenir, j'en ai un,
Komchamica ...mais sinon, du reste ...
BB : Komchamica, peut-être, ça veut dire que
rien ne s'était passé depuis.
PN : S'il n'y avait pas de retournage, c'est la situation
n'avait pas changé. Le reporter nous disait :
« voilà, j'ai enquêté ultérieurement, la
situation est toujours la même. »
YS : ça veut dire que pour les sous-marins
nucléaires russes, ...
PN : Oh la la ! je peux vous dire que la situation
n'a pas changé ... Les sous-marins nucléaires, c'était un
sujet colossal, ça c'est un journaliste russe. Ils étaient deux
en fait. Le titre, « Octobre rouge », c'était un
film. C'était un reportage fait pendant la chute du mur, un peu avant ou
un peu après, on voyait les gens prendre les objets radioactifs à
pleine main, les quartiers de viande qui sortaient par la soute, c'était
formidable ! Bon, quand on voit un truc comme ça, on est
journaliste, on voit les conséquences tout de suite, qui durent pendant
des années lumières sur l'environnement. ça montre
l'état d'un pays, ça montre l'état des forces militaires,
des forces politiques, l'état d'une société ...
Incroyable, ce reportage était formidable !
YS : Justement, vous parlez beaucoup du nucléaire,
mais surtout du nucléaire dans les autres pays ...
BB : Pour une raison simple, le nucléaire en
France est assez propre.
YS : D'accord ...
BB : On ne s'est jamais rien interdit. Si on nous avait
amené un reportage, ou si nous avions pensé qu'un reportage
devait être fait parce qu'une centrale nucléaire rencontrait des
problèmes en France, on l'aurait fait immédiatement.
YS : Et, par exemple, lorsque vous faites un reportage
sur les essais nucléaires au Kazakhstan, est-ce que ça a un
rapport avec les essais nucléaires français ?
PN : Non, on le fait juste parce que le sujet est
intéressant, parce que l'on peut montrer des choses.
BB : Ce qu'il faut bien voir, à mon avis, c'est
que lorsque l'on est arrivé avec Envoyé Spécial,
on avait un terrain énorme à défricher depuis 20 ans, il
n'y avait pas eu de grand magazine d'information. Pendant plus de vingt ans, la
seule source d'information, c'était le journal, et c'était 1 min.
30 dans le journal. C'est à dire que beaucoup, la majorité des
sujets n'arrivaient pas jusqu'au public. Et lorsqu'on est arrivé, on a
pris ça en pleine gueule.
PN : Avec une sorte de persévérance,
puisque l'écologie a changé. Paf, qu'est-ce que l'on trouve
après ? les OGM ! Grand reportage de 52 minutes,
c'était au tout début. On ne parlait absolument pas d'OGM,
à ce moment là.
BB : L'Amiante, c'est nous, on a fait sortir l'Amiante.
YS : Donc, vous êtes précurseurs sur ce
sujet ?
PN : C'était nous, avec Science et Avenir,
il faut vous dire que sur un reportage comme ça, la personne vient,
on parle. Nous, on voit qu'il y a un truc colossal, il faut qu'on
réfléchisse, qu'on se décide très très vite,
c'est à dire dans les 24h, il ne faut pas qu'on se trompe. Parce que
vous voyez les dégâts que ça fait, il faut pas qu'on se
goure.
BB : Mais, ça, je crois que c'est tout à
fait symptomatique de notre démarche. On vous disait tout à
l'heure que l'on était ouvert, évidemment, c'est la moindre des
choses que l'on puisse attendre d'un journaliste. Encore que, enfin bon. A
l'époque, on a immédiatement voulu s'entourer de gens qui
savaient, des gens, des spécialistes dans un certain nombre de domaines.
Science et Avenir, on a pensé effectivement qu'au niveau
scientifique, on était un peu léger, on avait des connaissances
mais pas plus que ça. (intervention de Paul Nahon) On est nul, bon, on
est nul. Ça veut dire que là dessus, et dans d'autres domaines
c'est pareil, ces gens là nous amenaient de l'information, nous
amenaient du concret et à partir de là, on faisait des
reportages.
PN : La grande différence en
télévision, à mon avis, il y a deux façon de
travailler à la télévision ... beaucoup plus qu'ailleurs,
parce que c'est plus sensible ... Soit vous vous nourrissez du discours des
autres, de leur richesse, pour le rendre au téléspectateur, soit
vous pensez que vous êtes au centre du système solaire.
YS : Donc pour les journalistes, lorsque vous parlez
d'écologie, vous prenez des journalistes scientifiques
plutôt ?
PN et BB : Oh, pas du tout ! Surtout pas !
BB : On avait même tendance à faire ...
PN : L'inverse.
BB : Oui, on avait tendance plutôt à prendre
quelqu'un qui ne savait rien sur le sujet, pour lui permettre d'aller jusqu'au
fond, pour lui permettre d'avoir un regard neuf, innocent, pas pollué
par un certain nombre de gens ou d'idées. Vous avez remarqué, y
compris dans l'écologie, qu'il y a une idéologie. Et
qu'effectivement, il faut se garder d'un certain nombre de choses à
droite comme à gauche qui ont tendance à dénaturer le
discours initial. Donc précisément, lorsqu'on partait en Egypte
pour faire les « frères musulmans », on allait pas
prendre le spécialiste des affaires arabes au sein de la
rédaction. En revanche, on organisait des rencontres au cours de la
préparation entre les plus grands spécialistes sur le monde arabe
pour que le journaliste soit nourri de tout ça et fasse sa propre
enquête. Ça a été la même chose sur
l'écologie.
YS : Pour les relations avec les
téléspectateurs, vous avez demandé pour Massacre
à la tronçonneuse aux téléspectateurs de vous
apporter un sujet. Comment ça s'est passé, pourquoi vous avez
choisi cette forme ? Vous n'avez pas renouvelé l'expérience
...
BB : C'est très simple, c'est la même
démarche encore une fois, aller vers les autres. C'est de dire, vous qui
savez, faites nous savoir. Dites-nous ce qui se passe autour de vous et s'il y
a des choses à dire, à dénoncer, allez-y !
Très vite Massacre à la tronçonneuse est
arrivé et on l'a immédiatement fait, et avec quel succès.
Beaucoup de gens l'on regardé, ont été horrifiés,
machin, tout ça ... Le problème, c'est qu'il y a très peu
de choses exploitables qui nous arrivent. Il faut jamais croire que ... Mais on
part du postulat suivant, vous lancez un appel, que ce soit aux
téléspectateurs, que ce soit dans les milieux scientifiques, que
ce soit avec des journalistes spécialisés. Vous leur dites :
« Tout ce que vous avez de meilleur, vos pépites, faites nous
le savoir, nous, on en fera des reportages. » Si vous avez un rendu
de un pour cinquante, c'est formidable. Vous avez gagné. Il ne faut pas
se faire trop d'illusions. Les gens vont dire - je dis n'importe quoi :
« Mes poubelles, y viennent les ramasser une fois par semaine, au
lieu de trois fois par semaine ». On va pas faire un reportage
là dessus. Massacre à la tronçonneuse, c'est le
type même de l'exemple à contrario où c'est un truc
absolument formidable, et là on s'y précipite et on y va,
évidemment.
YS : Et pour un autre, c'est La Rochelle,
l'Utopie , vous avez demandé au maire, je crois, de ...
BB : Mais nous sommes à l'initiative, les gens le
savent pas. Bien vu ! Nous étions en train de parler un jour au
cours d'une réunion informelle entre Paul Nahon et moi - et nous
n'avions que des réunions informelles, il n'y avait pas de
réunion toutes les semaines pour réfléchir à telle
heure, tel jour -, on se disait en fait, pour faire baisser la pollution dans
tout le monde, ben, il faudrait qu'un jour par an, on décide, «
hop, on va pas prendre de voiture. » Et là, on verrait le taux
descendre d'un seul coup. Ah, mais oui, effectivement ! C'est que du bon
sens, hein. Sauf que quand vous êtes à la
télévision, que vous êtes journalistes, que vous avez une
émission comme Envoyé spécial, vous avez peut
être les moyens de convaincre les gens de mettre en pratique votre
idée. Donc on a commencé à téléphoner
partout en leur disant : « est-ce que vous êtes
prêts à vous associer à une idée qu'on a eue, de
faire une journée sans voiture ? » Et le maire de la
Rochelle a dit tout de suite « Banco ! » C'est le seul
qui a dit « oui ! » tout de suite. L'idée a
fleuri, mais on a oublié que nous étions à l'origine de
cette idée là.
PN (revenant et mis au courant) : La Rochelle ?
Mais, c'est nous qui avons eu l'idée. On a appelé le maire,
PS/vert je crois, il répond « ouai, euh... », et le
lendemain « D'accord, on va faire une journée, 24 heures sans
voitures. »
BB : Maintenant est-ce qu'on en a la conscience
claire ? Non. Au départ, c'est une idée bête comme
chou, y'a de la pollution, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour baisser la
pollution ? Et de façon idiote, le bon sens populaire, ben si les
voitures ne roulaient pas pendant un jour, ça ferait descendre, et
comment !
PN : Nous, ce qu'on voit, on habite Paris, on habite les
grandes villes, on est dans le monde entier. On voit des bagnoles, des
bagnoles, des bagnoles .... Un moment donné, c'est plus possible, il va
se passer quelquechose. Donc voyez, on ne réfléchit pas, on ne se
parle pas ... c'est des trucs qu'on sent ça au pif
BB : De la même manière, la dette du Tiers
Monde, où ils sont en train de crever en Afrique, pourquoi est-ce que
chaque Français ne donnerait pas un euro ? Et c'est fini, on en
parle plus. Ce sont des trucs totalement utopiques. Sauf qu'encore une fois,
quand vous êtes journalistes, que vous êtes à la tête
d'un grand magazine, qui passe à 20h50,...
PN : ... dans le service public ...
BB : Vous vous dites, et pourquoi on lancerait pas
l'idée, c'est ce qu'on a fait avec les voitures.
YS : Je voudrais à présent savoir, si avec
le ministère de l'environnement, ou les différents
ministères ...
BB : Rien, aucun contact.
YS : C'est étonnant, parce que vous traitez de
l'environnement de manière récurrente.
PN : Rien, pas un retour, pas un coup de fil,
rien !
BB : D'ailleurs, je ne me rappelle pas qui était
ministre de l'environnement à l'époque ... Et j'allais dire,
pourquoi faire ? ... Et je vous rassure, aucune association
particulière non plus, aucun parti, rien !
YS : Vous êtes tout seuls, vous y allez !
BB : Y'a des gens, on écoute, ils nous disent
« Ah, y'a ça - Ah ok ? y'a ça, on y
va ! »
PN : On a ouvert nos yeux et nos oreilles. Nous sommes
citoyens du monde, on a une responsabilité journalistique dans le
service publique, on a un magazine en `prime time' qui touche 4, 5, 6 millions
de téléspectateurs et il faut faire des choses sérieuses.
YS : Je vois cependant qu'il y a des attaques
récurrentes de la haute administration. Vous ne citez pas de ministres,
c'est vrai, on ne les voit jamais qu'à de rares exceptions. Par exemple
dans La France défigurée, vous citez des documents
...
PN : Merveilleux reportage !
BB : Encore une fois, on ne s'interdisait rien. Si
quelqu'un nous avait amené la preuve que le Président de la
République est coupable de je ne sais pas quoi, s'il avait les preuves,
on y allait. Louis Bériot, par exemple, avait pendant très
longtemps responsable d'un programme, hebdomadaire je crois, La France
défigurée. On est allé le voir en lui disant :
« Ce programme n'existe plus, mais pour autant la France n'est plus
défigurée ? » Il nous a répondu
« Oh la la ! Si vous saviez ? Par exemple les
gravières. » Eh bien, allons-y alors. C'était aussi
simple que ça.
PN : Et on vérifiait la qualité du
reportage et les preuves apportées. Si on ne voyait pas les
gravières, on ne montrait pas. Il faut des preuves évidemment.
YS : Par rapport aux écologistes, on a un moment
un reportage sur les Commandos de l'écologie, en 1995, sur
Greenpeace. Alors pourquoi ce reportage alors que les Verts et les
écolos connaissent des déboires électoraux ?
BB : Je vais vous dire pourquoi. Parce qu'il y avait une
dérive à l'époque, le dernier livre de Jean-Christophe
Ruffin y fait référence, ce qu'on a appelé à
l'époque les « écolo facho ». Sous
prétexte qu'il y avait un certain nombre de problèmes de
l'environnement, on appliquait des méthodes les pires, parfois assez
fascistes, d'où les « écolo facho », qu'il
fallait le dénoncer. Et on a été les premiers à
dénoncer ce qui n'allait pas mais sans pour autant mettre en
péril la vie d'autres personnes ou à utiliser des méthodes
extrêmement violentes.
YS : Et est-ce que vous avez lu Luc Ferry, Le Nouvel
Ordre Ecologique, ou d'autres livres ?
BB : Non.
PN : Non, on est incultes ... En filigrane de vos
questions, si je puis me permettre, vous posez la question de savoir si on
travaillait main dans la main avec quelqu'un. Eh bien, non !
YS : J'avoue que je cherche ... vous travaillez donc tout
seuls, il n'y a personne qui...
PN : Je vous jure que non.
BB : Aux innocents, les mains pleines. En plus, quand on
est arrivé, on avait aucune formation, aucune spécialisation sur
l'environnement. Rien de rien.
PN : Et on envoyait sur le terrain des gens curieux qui
n'avaient pas d'expérience, et qui posaient des questions ...
BB : A contre-emploi.
PN : Exemple, pas seulement sur l'écologie, on n'a
pas fait seulement des reportages sur l'écologie, dans le conflit
israélo-palestinien, on envoyait des gens un peu frais, un peu curieux,
et qui n'avaient pas d'idéologie plaquée, les bons d'un
côté, les noirs, les verts. Donc on envoyait des gens curieux,
intelligents et curieux ... Quand on envoie un jeune journaliste à Gaza,
il a 24 ans, il a jamais mis les pieds là bas, donc il arrive tout
frais. Il commence « Gaza, territoire palestinien. » Je lui
ai dit non « Gaza, territoire égyptien ...
occupé ! » Le jeune me dit « Mais vous
déraisonnez complètement » - « Pas du tout,
va revoir tes manuels d'Histoire ».
BB : Première guerre du Golfe, on fait un
reportage sur une famille d'immigrés de la deuxième ou
troisième génération qui a des enfants en âge de
partir faire la guerre. La France s'est engagée dans le premier conflit
en Irak. « Si votre fils doit combattre contre les irakiens,
qu'est-ce que vous faites ? » Et le type dit à un moment
donné : « Si mon fils part lutter avec les irakiens,
je le tue ! ».
PN : Il faut que tu précises que c'était un
tunisien !
BB : C'est ce que j'ai dit, c'était un
immigré de la troisième génération. Et
immédiatement le journaliste, il met ça en avant. Je lui dis
« Mais attends, non, c'est une question de culture, quand on dit je
le tue, ça veut dire, je lui fous une raclée, je l'enferme
à la maison, etc. Mais je ne vais pas le tuer. Il ne faut pas prendre
ça au pied de la lettre. » Là, on intervenait
systématiquement parce que le téléspectateur qui
reçoit ça, il se dit « Mais qu'est-ce que c'est que ces
gens là, ils tuent leurs enfants ? »
YS : Sinon, dans vos reportages, je vois beaucoup de
séquences avec des chansons traditionnelles, un côté un peu
ethnologique. Par exemple, dans le reportage sur la Mer d'Aral, on voit des
enfants costumés, des groupes de femmes qui chantent. Et on voit
ça dans beaucoup de reportages, pourquoi ?
BB : Mais parce que la télévision est un
spectacle total. Il y a de l'image, il y a du son, il y a des gens.
PN : Et puis, ce sont les reporters, qui sont sur place,
qui le font, s'ils le font, c'est qu'ils ont raison. C'était eux qui
étaient sur le terrain, pas nous. Si c'était à contre
sens, on enlève la séquence.
YS : Pour Tchernobyl, vous avez une série de
reportages, 5 ans après, 10 après, le retour, pourquoi ?
PN : Deus raisons, trois raisons. C'est quand même
un événement mondial.
BB : Et on s'en aperçoit tout de suite, à
l'inverse de certains de nos confrères.
PN : Pour quelle raison, moi j'étais
rédacteur en chef d'un week-end. Ou même pas, on était tous
les deux. Tchernobyl, ça tombe un week-end, un samedi ou un dimanche. Un
samedi, moi, j'assiste à la conférence d'Antenne 2. Y'a un
spécialiste scientifique qui nous dit le nuage ne peut pas arriver en
France.
BB : Le tout corroboré par un gouvernement. (rires
entendus)
PN : Moi je ne suis pas spécialiste, je
m'interroge. Le nuage peut pas arriver jusqu'en France ? A
l'époque, hein, deux jours après. Ça m'a paru
complètement fou, je n'avais pas de preuves pour prouver le contraire.
Est-ce que les frontières arrêtent les vents ? Impossible,
donc du bon sens. Troisièmement, y avait un personnage sur cette
affaire, qui est maintenant sur France 3, c'était Patrick Hesters. Il
nous a beaucoup aidé, il avait tous les contacts. Il allait là
bas. Il s'est défoncé. Et lui, il avait la caution scientifique.
BB : Et on a eu les images, c'était hallucinant.
YS : Mais, vous l'avez quand même gardé sur
le long terme ?
PN : Parce qu'il fallait le revoir à chaque
fois ! Parce qu'encore une fois, on ne traite pas en un reportage
quelquechose d'aussi grave. Il y a des fuites radioactives, on voit les
conséquences sur la population, sur la faune, sur la flore, qui vont
durer pendant des centaines d'années. Si on était encore à
Envoyé Spécial, on retournerait là bas. Qu'est-ce
qu'ils ont fait ? Combien ça coûte ? Les cancers, pas
les cancers ? Je pense qu'on mettrait autre chose. Je pense qu'il y a une
immense corruption là dedans. Où est passé l'argent du
sarcophage ? Bon bref, etc., etc., évidemment.
YS : Ce que je veux dire, c'est que vous avez
traité de ça en particulier, mais il y en a d'autres que vous
n'avez pas traités, comme Bhopal, par exemple. Pourquoi ?
BB : Vous avez raison. Parce qu'en Inde, c'est toujours
très compliqué de filmer. Il faut des autorisations. C'est pire
que dans le pire des régimes soviétiques. En tout cas, c'est
extrêmement complexe.
PN : Il faut demander des autorisations. Je pense
qu'aujourd'huis, on l'aurait fait.
YS : Et Tchernobyl, alors ils vous disent oui ?
PN : Oui, tout de suite.
BB : Parce qu'ils avaient envie de montrer que tout
allait bien.
PN : Ils avaient besoin d'argent, de l'aide
internationale et européenne. Mais Bhopal, on n'a pas réussi
à le faire. Je pense qu'on a eu tord. Si à l'époque, les
petites caméras marchaient, on envoyait une seule personne faire du
tourisme. Enfin, vous avez raison, on a raté Bhopal.
YS : Et d'autres ...
PN : Non mais on a raté plein de choses
YS : Et est-ce que vous avez des regrets, des choses que
vous auriez voulu traiter ?
PN : Oui, on a des regrets évidemment. On aurait
pu faire mille fois plus. Mais quand on a fait l'amiante et les OGM, on est pas
trop mal, quoi.
YS : Une dernière chose, j'ai lu dans une
interview que vous avez donné que vous aviez eu des problèmes
avec des entreprises qui refusaient que vous diffusiez tel ou tel reportage,
est-ce que ça a influencé vos choix ?
PN : Tout le temps, tout le temps, mais non ça n'a
rien changé.
BB : Pas seulement sur l'écologie, sur le Front
National, sur les sectes, etc. Tout le monde a toujours voulu nous interdire.
Et on allait au tribunal, et on gagnait à chaque fois. On a gagné
à chaque fois.
YS : En gros, vous ne vous êtes pas mis de
barrière, pas d'autocensure, des choses que vous ne mettiez pas ?
PN : Non, sauf quand le sujet n'était pas
très bon. Vous savez c'est un métier de relations humaines. On
discute avec les journalistes, quand ils nous disent ça, ça et
ça, c'est du béton. On leur fait confiance et on y va. Vous
savez, la vérité, c'est la table de montage, on voit s'ils ont
les preuves ou pas les preuves. Comme nous, on était sans arrêt
sur les tables de montage, on voyait très bien. On ne peut pas mentir en
télévision, il faut le son, il faut l'image, il faut la preuve.
Et l'image, c'est la preuve.
BB : Il faut être très rigoureux. Ne rien
laisser passer qui ne soit pas prouvé. Sinon on en prend plein la
gueule.
YS : Et vous avez eu un exemple, dans le champ de
l'écologie, où vous pensez que vous êtes allé trop
loin ?
BB : Je vais vous donner un exemple qui va vous faire
hurler. Sur les OGM, on a tapé bien fort contre Monsanto.
Très bien. Je m'interroge aujourd'huis : est-ce que
vraiment ce sont des choses nuisibles ? Je ne suis pas sûr. Une fois
que vous avez rencontré Axel Kahn qui vous explique évidemment
qu'il y a le cours de la science et du progrès. Quand on voit
aujourd'huis José Bové et sa bande d'agriculteurs, qui saccagent
les cultures, etc. Moi, ça me fait hurler. Et je me
dis : « est-ce qu'on n'est pas en train de passer à
côté d'un vrai progrès de
l'agriculture? »
PN : Pour l'humanité.
BB : Je me pose la question, voyez-vous, alors que le
sujet était vraiment à charge. Peut-être qu'aujourd'huis,
peut être que par réaction, je ferai quelquechose pour
réhabiliter les OGM.
PN : Mais il y a besoin d'un débat national,
ça c'est sûr.
YS : C'est un peu comme les éléphants, vous
les avez défendus au début de 1990 dans Défense de
tuer et après...
BB : Exact, et après, on s'est aperçu
qu'ils ravageaient les villages. Le problème, il est là. On
parlait au début d' « écolo facho », etc. Et
je parlais de l'idéologie sur l'environnement. Je pense qu'à
partir du moment, où il y a idéologie, il y a plus moyen de
discuter. On a pas hésité à se remettre en cause et
à se dire : notre position, à un moment donné de
l'Histoire de ce secteur, faisait que, il fallait effectivement interdire
l'abattage des éléphants. 10 ans plus tard, ça n'est plus
du tout le même problème. Eh bien, on n'hésite pas à
revenir là dessus et à dire, à l'époque,
l'interdiction était valable mais plus aujourd'huis. Alors
qu'aujourd'huis on voit de plus en plus, et en particulier chez les politiques,
des gens qui prennent une position et qui n'en démordent plus,
malgré les démentis, malgré les preuves qu'on peut leur
apporter, ils restent sur leur position.
YS : À propos, de l'Amiante, vous avez fait un
reportage en 1995, ça a beaucoup bougé les choses, il y a eu une
loi interdisant la production d'amiante en France, et pourtant vous êtes
revenus sur le sujet en 1996, pourquoi ?
BB : Parce que le sujet n'était pas
épuisé.
PN : Vous vous rendez compte, il y a 12 ans, un sujet
à 20h50, « ... il y a un grave problème dans ce pays,
partout il y a de l'amiante. » Il y a eu un vent de panique absolu en
France. Vous vous rendez compte à 20h50, parce que, la tradition ... il
y a aujourd'huis Capital, Zone Interdite, etc.... Bon, mais
à l'époque, on était pratiquement les seuls à 20h50
pour 5, 6 millions de téléspectateurs. C'était
incroyable.
BB : Et on leur amenait quand même des sujets
lourds. C'était pas les riches à Saint Trop'.
YS : Pour reprendre la chronologie ; jusqu'en 1992,
vous êtes plutôt proche, en tout cas moi ce que j'en voie,
peut-être pas vous, mais le magazine est plus proche de l'écologie
politique. Après 1992, on a une sorte de flottement. Jusqu'en 1995,
où on a les fameux « Commandos de
l'écologie ». Et à partir de 1998, on a de nouveau une
remontée de l'écologie politique avec notamment la multiplication
des reportages animaliers.
PN : ça n'est pas calculé.
YS : Oui, enfin, j'ai un regard extérieur.
BB : De toute façon, on a pas une conscience
claire de traiter, de pas traiter, de mettre l'accent là dessus et pas
là dessus. Ça fait partie de notre évolution
personnelle.
YS : Oui, mais vous êtes quand même en phase
avec une actualité ...
PN : Oui l'actualité est là aussi, sauf que
ce qui est intéressant dans ce métier, c'est d'aller au contraire
des idées reçues. En 1990, personne n'avait conscience de
l'importance de l'écologie. Après on renverse la vapeur,
peut-être que ces gens là se trompent et nous trompent sur
certains points. D'où les « commandos
écolo ». Aujourd'huis, si on était à la
tête d'Envoyé Spécial, moi je poserai la
question : pourquoi l'Iran est la seule nation à qui l'on interdit
le nucléaire, pourquoi ? Le Pakistan l'a, l'Inde, l'Israël
l'a, pourquoi ? Au lieu de dire, c'est un scandale. Montrons d'abord
pourquoi et disons après voilà les problèmes qui se
posent.
BB : Ce qui pose problème c'est que l'Iran a un
président qui dit « Demain, on raye Israël de la
carte ». Mais que l'Iran ait l'arme nucléaire, pourquoi
pas ? Puisque l'Inde l'a.
PN : Bon, il y a quelques semaines, je mangeais avec des
Iraniens, extrêmement riches et cultivés, parlant notre langue
à perfection, qui vivent sur place, qui ont en horreur les Ayatollahs et
qui sont pour le nucléaire. Parce qu'ils ont peur de l'Inde, du Pakistan
... Donc, on aurait fait ça.
YS : D'accord, donc je vais poser une dernière
question. Peut-être pas si simple, puisqu'il y a quand même une
soixantaine de reportages. Par rapport, à l'écologie est-ce que
vous avez vu une évolution des positions des
téléspectateurs au cours des années 1990 ?
BB : C'est très compliqué comme vous savez
... on a jamais choisi de faire un reportage en fonction d'une idéologie
qu'on aurait voulu appliquer, etc., on l'a fait au fur et à mesure. En
fait, pendant très longtemps l'écologie, c'était l'affaire
des gouvernants, c'était des gens qui étaient au dessus de nous,
et c'est eux qui devaient prendre les mesures pour machin, etc. Aujourd'huis,
on voit des réactions où l'homme de la rue se
dit : « qu'est-ce que je peux faire, moi, pour
améliorer la qualité de l'air, la qualité de
l'eau ? »
PN : Est-ce qu'on y a contribué ? Sans doute
pour une goutte, 1 %, plutôt 0, 00000 1%.
BB : Vous savez ce qu'on dit toujours, lorsqu'on fait une
émission à la télé, si lorsqu'on fait un magazine
du type Envoyé Spécial, si à la fin du magazine,
il y a une personne en France, une seule, qui a pris conscience d'un
problème, c'est formidable, on a gagné notre pari.
PN : Et dire qu'on a eu un rôle, absolument pas. On
n'a aucun retour sur rien. On a simplement les chiffres qui nous disent, il y a
5 millions. Maintenant, est-ce que le chien était devant la
télé ? On ne sait pas.
BB : On accompagne, ou au mieux on devance une prise de
conscience.
> Commentaires :
Paul Nahon s'est absenté pendant 10 minutes. Bernard
Benyamin a beaucoup plus pris la parole, n'hésitant pas à couper
Paul Nahon. Il semble que dans le duo, Bernard Benyamin soit celui qui
communique tandis que Paul Nahon serait plutôt celui qui gère le
magazine. Il lui faut aussi plus de temps pour réfléchir avant
qu'il ne prenne la parole. D'où l'importance quantitative des propos de
Bernard Benyamin.
Autocritique : j'ai trop parlé et ne leur ai pas
laissé le temps de réfléchir ou de rassembler leur
souvenirs. J'enchaînais trop vite les questions. On a certes
abordé de nombreux points, mais j'aurais souhaité en approfondir
quelques uns. Enfin, je regrette de n'avoir pu interroger (faute de temps)
d'autres personnes, et en particulier des journalistes.
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