Envoyé
spécial :
une approche de l'environnement
à la télévision
française.
(1989-2000)
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Master 2 Histoire et Audiovisuel
Yannick Sellier
Sous la direction de Marie-Françoise Lévy
Juin 2007
Aux générations futures
Fred, extrait de Le Petit Cirque, Paris, Dargaud
Editeur, 2000, [1ère éd. 1973] p. 57
Sommaire
6 Introduction
16 Première partie - Le retour de l'écologie
(1989-1992).
17 Chapitre 1 - La mise en place d'Envoyé
spécial
41 Chapitre 2 - L'affirmation de l'écologie
comme thème d'Envoyé spécial.
65 Deuxième partie - Une redéfinition des
priorités de l'écologie
au sein d'Envoyé spécial
(1992-1997).
66 Chapitre 3 - Vers une conception plus
tempérée
de l'écologie ? (1993-1996).
84 Chapitre 4 - L'environnement devient un enjeu
de santé publique (1995-1997).
102 Troisième partie - Le temps des bilans
(1997-2000).
103 Chapitre 5 - Envoyé spécial,
moteur ou accompagnateur
des politiques publiques ?
127 Chapitre 6 - L'évaluation des moyens employés
et des mécanismes de décision (1998-2000).
142 Conclusion
148 Table des matières.
152 Annexes.
Introduction
En 2007, tout le monde est d'accord, même si les
modalités diffèrent en fonction des partis, l'environnement est
une priorité politique. Les trois principaux candidats des
élections présidentielles, lui consacrent un paragraphe entier
dans leur programme. François Bayrou l'intitule
« Ecologie : déclarer l'urgence » ;
Ségolène Royal veut être la « Présidente
de l'excellence environnementale » ; Nicolas Sarkozy souhaite
« Répondre à l'urgence du développement
durable ». Nicolas Sarkozy et François Bayrou veulent mettre
en place un grand ministère, dans leur gouvernement, qui permette de
prendre en compte l'environnement dans toute décision, nationale et
internationale. Tous les trois souhaitent créer une fiscalité qui
contraigne les pollueurs. Enfin, Ségolène Royal et Nicolas
Sarkozy voient dans la gestion de l'environnement un gage d'avenir pour la
France, c'est à dire la possibilité de créer un secteur
économique innovant et surtout, de créer des emplois.1(*) Que s'est-il donc passé
pour que l'écologie, l'environnement et le développement durable
soient considérés comme des thèmes de campagne
importants ? Est-ce parce que Nicolas Hulot, fervent défenseur de
ces concepts et de leur traduction pratique, leur a fait signer à tous,
au début de l'année, un « pacte
écologique » ? Cette explication est réductrice.
Elle occulte les transformations profondes que connaît la
société française, depuis la fin des années 1980,
en la matière.
Dans le livre « L'écologisme à
l'Aube du XXIe siècle, de la rupture à la
banalisation ? », paru en l'an 2000, sont
présentés les résultats d'une enquête sur
l'engagement écologique au sens large. Les enquêteurs demandent
aux participants de citer les émissions de télévision
à l'origine ou corrélatif d'une sympathie ou d'un engagement
écologiste. Sur 635 réponses, seize personnes citent
spontanément les émissions du Commandant Cousteau ;
vingt-neuf personnes, Thalassa ; trente, Droit de
réponse ; trente et un, La Marche du
siècle ; trente quatre, Envoyé spécial,
ce dernier magazine étant le plus cité. Par ailleurs, lorsqu'ils
mentionnent un événement ayant suscité une prise de
conscience. Si certains remontent jusqu'à la guerre du Viêtnam,
Tchernobyl est considéré comme un puissant déclencheur.
Dans les années 1990, l'enfouissement des déchets
nucléaires et les organismes génétiquement modifiés
(OGM) ont encore précipité une prise de conscience. Ces derniers
faits correspondent plus à des campagnes de presse qu'à des
événements proprement dits, ce qui, selon les enquêteurs,
souligne l'importance des médias2(*). Dans son rapport statistique sur La
sensibilité écologique des Français, l'Institut
Français de l'Environnement et de la Nature (Ifen) s'accorde avec les
enquêteurs précédemment cités. Selon ce rapport,
« Il importe d'étudier la façon dont sont
présentés les enjeux environnementaux dans les
médias ». Pour exemple, la télévision est
considérée, dans les années 1990, par la majorité
des jeunes comme un moyen d'information privilégié sur
l'environnement. Et dans le cas des problèmes de l'eau, la
télévision est la source d'information privilégiée
par un Français sur deux en 1999. 3(*)
> Ecologie, environnement, développement
durable :
Avec la volonté d'apporter un éclairage sur les
récentes transformations de la société française,
nous avons décidé d'étudier l'évolution des
différentes représentations de l'environnement, dont le magazine
Envoyé spécial a été à la fois le
révélateur et le moteur. Ce magazine n'est certes pas le seul
à avoir compté. Mais, du fait de la constance et de la
cohérence de sa programmation, il est évident qu'il a joué
un rôle pour une partie non négligeable des
téléspectateurs, et surtout des téléspectateurs
français, à partir de 1990. Avant de poursuivre cette
réflexion, définissons les termes d'écologie,
d'environnement et de développement durable, autant de termes utiles
à l'enrichissement des problématiques qu'offre un tel sujet.
L'écologie, avant d'être un parti politique, est une science. Les
principes de l'écologie scientifique ont été
définis, en 1866, par Ernst Haeckel, naturaliste allemand, pour
désigner l'étude des relations et interactions entre les
êtres vivants et leur milieu. Avec l'école de sociologie de
Chicago, l'écologie devient urbaine. Elle vise alors à
déterminer des modèles et à expliciter les logiques de
distribution de la population et les phénomènes de
ségrégation4(*).
En 1921, le géographe Vidal de la Blache
réintroduit le terme « environnement » (ayant
quasiment disparu de la langue française depuis le XVe siècle)
dans ses Principes de géographie humaine. L'usage du mot
« environnement » se répand peu à peu hors
des cercles de spécialistes.
L' « environnement » devient un terme populaire
à la fin des années 1960 : l'environnement est alors
défini par et pour les sociétés humaines. Il renvoie
à l'ensemble des systèmes naturels et/ou artificialisés
dans lesquels l'homme, en tant qu'individu et/ou que groupes, intervient ou est
intervenu, soit en les utilisant soit en les aménageant5(*). L'environnement est encore un
espace, le territoire dans lequel se déploient les activités
humaines (habitation, travail, circulation). Il n'a pas de caractère
totalisant, puisqu'au contraire, il introduit une pluralité des univers
et des acteurs. La diversité des approches de l'environnement
proposées par Envoyé spécial en rend compte.
Au cours des années 1980, l'environnement acquiert un
sens plus étroit : celui donné à un secteur de la vie
sociale ayant trait à tout un ensemble de problèmes concernant
d'abord la nature, en ce que celle-ci est exposée, soumise à
l'action destructrice de l'homme et demande à être
protégée ou restaurée. Les hommes, eux-mêmes, sont
toujours concernés, aussi bien que leur univers collectif, puisqu'on les
considère la fois comme cause de et menacé par ces processus.
Enfin, l'environnement fait référence à l'ensemble des
actions humaines liées à ce souci et à ces restaurations.
Par conséquent, il rassemble des dimensions esthétiques,
étiques, techniques, scientifiques, sociales et politiques6(*). Autant de dimensions
qu'Envoyé spécial traite dans ses reportages et que nous
aurons à coeur d'articuler et de désarticuler, pour en comprendre
les évolutions. C'est aussi pourquoi, nous avons
préféré le terme « environnement »
à celui d' « écologie » pour le titre de
ce mémoire.
Néanmoins, ce panel de définitions resterait
incomplet si l'on occultait l'apparition depuis le début des
années 1970, d'une nouvelle mouvance, et d'un véritable parti
politique à la fin des années 1980, en cours de
définition durant les années 1990 : l'écologie
politique. Celle-ci part du principe que le mode de vie, de produire, de
consommer, de se distraire de plusieurs individus assemblés,
remodèle l'environnement. Ce principe est conforme à la
définition de l'environnement que nous avons déjà
donnée. « L'écologie politique est une science sociale,
la politique écologiste est d'abord une politique sociale »
écrit Alain Lipietz dans l'incipit de Qu'est-ce que
l'écologie politique ?. C'est à la fois un mode de
pensée et une discipline de vie que chacun peut appliquer, avec plus ou
moins de conviction, basée sur une forme de respect vis à vis de
soi, des autres et de l'espace dans lequel les hommes et les femmes se meuvent.
Alain Lipietz évoque aussi les conséquences sur la santé
de nos actes, du sort des générations futures. Mais cet incipit,
étant rédigé en 1999, témoigne d'un long processus
de maturation des concepts d'écologie et d'environnement dont
Envoyé spécial s'est fait autant le vecteur que
l'acteur.
Nous reviendrons au cours de ce mémoire sur les
tensions et les discordances qui animent la mouvance écologiste en
France et qui privilégient tantôt une approche naturaliste,
tantôt une approche sociale de l'environnement. Plus subtil et plus
philosophe, dirons nous, Bruno Latour, lui aussi en 1999, tente de
dépasser le cadre de la définition pour imposer l'évidence
de ce qui reste malgré tout une relecture récente des
événements du passé:
Nous ne pouvons faire autrement [que de l'écologie
politique] puisqu'il n'y a pas d'un côté la politique et de
l'autre la nature. Depuis l'invention du mot, toute politique s'est
défini par rapport à la nature dont chaque trait, chaque
propriété, chaque fonction dépend de la volonté
polémique de limiter, de réformer, de fonder, de court-circuiter,
d'éclairer la vie politique. Par conséquent, nous n'avons pas le
choix de faire ou de ne pas faire de l'écologie politique, mais de le
faire subrepticement, en distinguant les questions de nature et les questions
de politique, ou explicitement en les traitant comme une seule question qui se
pose à tous les collectifs7(*).
Et c'est cette dernière option que le magazine
Envoyé spécial a choisie et servie, plus ou moins
consciemment, au cours des années 1990. L'affirmer si vite, dès
l'introduction de notre travail, est une manière de rendre le lecteur
attentif aux définitions qui viennent d'être données, car
chaque mot recouvre un pan de l'histoire humaine et de l'histoire plus
contemporaine des représentations télévisuelles de
l'environnement.
> Pour l'étude d'une
« sensibilité environnementale » et d'une
« culture environnementale » :
Arrivé à ce point du développement de
notre réflexion, on peut dire que l'environnement, tout comme
l'écologie, renvoient à tout et à rien. C'est parce que
l'application des vocables « écologique » ou
« environnemental » à une mesure ou à un
reportage définirait plutôt un certain type d'attentes et de
relations au monde des choses et au monde vivant. Ces attentes et ces relations
bornent remettent premièrement en cause une vision positiviste8(*), fortement ancrée dans la
société française. Attention, loin de nous l'idée
de reprocher à quiconque d'être positiviste. Cette remarque nous
oblige à une digression. Elle met en exergue la difficulté de
traiter d'un tel sujet dans le contexte actuel, sans provoquer les passions ou
sans être accusé de partialité. Et ce, depuis le sommet de
Johannesburg d'août 2002, au cours duquel l'Europe s'est engagée
à continuer résolument ses efforts de législations
environnementale, soutenue par quelques associations très performantes
sur le plan de la communication. Refermons cette parenthèse. Nous
disions donc que la conception positiviste de l'histoire humaine,
héritée d'Auguste Comte et promue par la bourgeoisie du XIXe
siècle, est celle qu'appliquent encore les planificateurs et les
urbanistes fonctionnalistes de l'après-guerre en France. Un point
saillant de cette conception est qu'il n'est de limite à leur action que
celle de la capacité humaine à modeler et remodeler infiniment
les espaces qu'il occupe.
Le prisme de l'écologie permet de percevoir le monde et
l'environnement différemment. La dynamique des interactions entre
l'homme et son milieu de vie, serait plutôt soumise à un principe
d'incertitude (très proche de la théorie physique du chaos) et
limitée par d'autres paramètres sur lesquels les hommes peuvent
parfois influer, sans pour autant les contrôler. Cette perception
nouvelle amène les écologistes à avancer l'idée
d'un « développement soutenable » à la fin
des années 1970. Cette idée, reprise par des personnalités
politiques (Gro Harlem Bruntland en Norvège, Mansour Kalid au Soudan,
respectivement président et vice-président de la Commission
Mondiale de l'Environnement et du Développement) et intellectuelles
(Hans Jonas et Dieter Binrbacher en Allemagne, Edgar Morin et Michel Serres en
France), obtient une reconnaissance internationale dans le rapport Notre
avenir à tous commandé par l'Organisation des Nations Unies
(ONU) et rendu public en 1987. Nous l'appelons aujourd'huis, en France, le
« développement durable ». Nous aurons l'occasion de
revenir, au cours de ce travail, sur les nuances qui distinguent l'idée
d'origine anglo-saxonne de sa récente traduction française.
Le « développement durable »
imbrique des menaces écologiques et économiques auxquelles tous
les gouvernements et toutes les populations doivent se confronter depuis les
années 1960. A partir de cette date, les scientifiques et les
économistes s'intéressent aux conséquences sur
l'environnement et sur les hommes, à court, moyen et long terme, de
l'industrialisation des pratiques de consommation et de production. Pour
exemple, prenons un ouvrage qui fit date : Le printemps
silencieux, publié par la biologiste Rachel Carson en
1962. Ce livre critique l'usage répandu d'insecticides très
performants, dont le DDT, mais menaçant à terme divers
écosystèmes. De même que les spécialistes, les
journalistes participent à cette réflexion. Et ce, dès la
première année de son existence, pour Envoyé
spécial, sachant que la première émission du magazine
est diffusée le 18 janvier 1990. Nous avons ainsi recensé
quatre-vingt-huit reportages en tout de 1990 à 2000.
Nous les avons choisis d'abord parce que l'on y faisait
expressément mention de l'écologie ou de l'environnement, ensuite
parceque les sujets étaient relatifs aux problématiques
évoquées plus haut. Nous n'avons pas voulu appliquer une
définition a priori trop stricte car nous envisageons de
comprendre et d'expliquer la définition actuelle que l'on peut donner de
l'environnement à partir de 1999-2000. Le rapport Notre avenir
à tous l'indique et nous le reformulons pour l'intégrer
à notre propos : les limites, autrement dit la définition
que l'on peut donner du développement durable, de l'écologie
ou de l'environnement, en théorie et surtout en pratique, ne sont pas
absolues ; ce sont celles qu'imposent l'histoire de l'état des
techniques, de l'organisation sociale et des connaissances que l'on
possède à propos de la capacité de la biosphère et
des hommes à supporter les activités humaines.
Certes, ce qui est valable à partir de 1989, le reste
pour l'essentiel jusqu'en 2000. On observe néanmoins, durant cette
décennie, des variantes significatives du traitement et des points de
vue des journalistes sur l'environnement. Nous avons donc croisé les
critères retenus par les concepteurs d'Envoyé spécial
avec ceux des statisticiens pour retenir quelques catégories de
sujets : le traitement des déchets, l'énergie
nucléaire, toutes les formes de pollution (qui se sont
diversifiées au cours de la décennie étudiée) et
les reportage traitant d'actions spécifiques en faveur ou à
l'encontre de la faune et de la flore. S'ajoutent aussi les reportages
mêlant ces différentes dimensions et les traitant à
l'échelle d'une ville, d'une région ou de la Terre entière
(cf. effet de serre). Cette question de l'évolution de l'échelle
et de la taille des groupes concernés par les thématiques de
l'environnement, sera l'une de celles que nous traiterons transversalement au
cours de ce travail.
En 1989, le parti français des Verts entrent
au Parlement Européen créant la stupéfaction. Au
même moment, la télévision publique cherche à donner
de la consistance au « service publique de l'audiovisuel ».
C'est dans ce contexte que se décide et se concrétise
l'avènement d'un magazine d'information et de reportages,
Envoyé spécial, encore diffusé en 2007. Durant
les années 1990, Antenne 2, qui programme le magazine chaque jeudi soir,
intègre le groupe public France Télévisions, pour devenir
France 2. Pendant ce temps, les acteurs de l'environnement se diversifient. Ils
délimitent petit à petit leur domaine respectif de
prérogative. Et tandis qu'on le concevait comme un défi ou un
pari au début des années 1990, l'environnement devient un espace
à gérer et à gouverner9(*). Il s'institutionnalise, perturbant encore un peu plus
les anciens repères sur lesquels les écologistes fondaient la
légitimité de leur militantisme. Envoyé spécial
rend compte de toutes ces transformations et parfois les
précède. L'évolution du traitement, par ce magazine, de
thématiques liées à l'environnement rend compte, sur dix
ans, de l'évolution de ce que nous appelons
« sensibilité environnementale ». Cette
sensibilité correspond aux manières d'appréhender, par la
vue, par l'ouïe, et finalement par l'intellect, le monde qui entoure
à la fois les journalistes et les téléspectateurs.
En l'an 2000 qu'une page se tourne : les aspirations du
début ont cédé le pas à l'action. Le 19 janvier
2001, Paul Nahon et Bernard Benyamin, coordinateurs et présentateurs du
magazine, sont remplacés par Guilaine Chenu et Françoise Joly,
qui ne partagent pas la même conception du monde ni les même
objectifs que leurs prédécesseurs. Preuve s'il en est : le
nombre de reportages sur l'environnement devient insignifiant après
2001. En janvier 2000, Envoyé spécial, pour
commémorer ses dix années d'existence, compose un montage des
reportages diffusés depuis 1990, ayant trait à l'environnement.
Ce montage constitue un condensé de ce que nous appelons
« culture environnementale ». Elle s'appuie sur des
événements qu'Envoyé spécial relate ou
crée, et sur un système de représentations de
l'environnement auquel Envoyé spécial apporte sa
contribution. La formation de cette culture10(*) aboutit à une manière commune de penser
l'environnement, propre à orienter l'action des hommes politiques vers
des normes, contraignantes notamment, applicables à l'a
société dans son ensemble.
> Envoyé spécial et
l'Histoire de l'Environnement.
Ce travail s'inscrit dans le cadre d'une Histoire de
l'environnement, telle qu'elle fut théorisée par Edgar Morin et
Emmanuel Leroy-Ladurie, lors des Rendez-vous de l'Histoire
organisés à Blois en 200111(*). Cette histoire se base sur trois piliers : une
histoire des représentations de l'environnement, une histoire des
sensibilités par rapport à l'environnement et une histoire dite
des « faits naturels » (séismes, pollutions, ...).
Jean-Louis Robert, ayant aussi intervenu dans le cadre de ces
Rendez-vous, explique à ce propos qu' « il n'y a
pas une histoire isolée de l'Homme à l'environnement qui ne soit
pensable sans une histoire des relations des hommes entre
eux. »12(*)
C'est pourquoi l'on peut appliquer cette Histoire à l'étude d'une
société en particulier, autrement dit à l'étude des
évolutions de sa culture, de ses modes de vie et de pensée.
L'Histoire de l'environnement présuppose, comme le faisait Bruno Latour
dans l'extrait cité précédemment, que l'Homme s'est de
tout temps soucié du milieu dans lequel il vivait. A noter cependant que
c'est le président George Pompidou qui, après un voyage à
Chicago, crée pour la première fois au monde, un ministère
de l'environnement en 197113(*). S'intéresser au magazine Envoyé
Spécial, c'est donc tenter de comprendre pourquoi et en quoi les
Français se sont souciés, dans les années 1990,
différemment du milieu dans lequel ils vivaient. L'étude du
traitement par Envoyé Spécial des rapports de l'Homme
à son environnement, correspond dès lors à l'étude
d'un moment particulier de cette Histoire en France.
Afin de mener à bien cette étude, nous avons
donc constitué un corpus de quatre-vingt-huit documents audiovisuels,
dont quatre-vingt-un sont des reportages en première diffusion. Pour
gagner en concision et proposer l'approfondissement de certaines tendances,
nous n'avons pas souhaité les citer de manière exhaustive. Nous
les avons évidemment tous visionnés et analysés. Puis,
nous en avons sélectionnés quelques uns, plus
particulièrement parcequ'ils regroupent les caractéristiques que
l'on retrouve dans divers reportages de la même période ou
traitant de la même problématique. Nous aurions pu choisir de
n'étudier que les reportages sur les déchets ou sur la production
d'énergie nucléaire. Telle n'était pas notre aspiration.
Par ailleurs, ce travail restitue d'abord le discours, les
interprétations et les représentations que propose et
élabore Envoyé spécial. Autrement dit le contexte
et les conditions de productions sont détaillés ; les
reportages sont décrits afin d'en saisir l'essence et l'intention ;
mais la réception, compte tenu de l'impossibilité de consulter le
courrier et les messages minitels des téléspectateurs (ils n'ont
pas été conservés), reste, dans la majeure partie des
cas, liées à ce que nous pouvons potentiellement déduire
au travers des réactions de la presse, des statistiques et de
l'évolution générale de l'histoire culturelle et politique
de la France des années 199014(*).
Nous commencerons par établir l'histoire du magazine
afin de comprendre avec quel état d'esprit, Paul Nahon, Bernard
Benyamin, et les journalistes travaillant pour Envoyé
spécial, abordent les thématiques de l'environnement. Nous
exposerons ainsi les attentes supposées du public en matière
d'information et la conception du journalisme, en pratique et théorie,
du magazine. Nous verrons ensuite comment l'écologie s'affirme au fur et
à mesure des reportages, de 1990 à 1992, comme un thème,
voire comme un véritable souci d'Envoyé spécial.
Nous chercherons notamment à savoir si l'on peut, au cours de cette
période, parler d'un engagement écologiste, et ce en dépit
de ce qu'en disent Paul Nahon et Bernard Benyamin au cours de notre entretien
(cf. annexes).
Nous étudierons ensuite la période de transition
qui s'étend de la fin 1992, après la Conférence de Rio,
à l'été 1997, date à laquelle Dominique Voynet,
membre du parti français des Verts, entre au gouvernement.
Cette période se scinde en deux sous parties: l'une va de 1993
à 1995, se prolongeant jusqu'en 1996, et l'autre de 1995 à 1997.
Au cours de la première, nous analyserons la remise en cause de
l'idéal écologiste et ses conséquences dans le traitement
de l'environnement par Envoyé spécial. Au cours de la
suivante, nous nous intéresserons à une évolution qui
allie environnement de proximité et santé publique.
Enfin, nous avons intitulé la troisième
partie : le temps des bilans. Nous aurions aussi bien pu
l'intituler : le temps du retour à l'action. Puisque par les
événements qu'il initie, dont la « journée sans
voiture », et par le ton qu'il adopte, le magazine renoue avec un
engagement, relativement similaire à mais distinct de celui du
début des années 1990. Nous en analyserons les
caractéristiques pour déterminer en quoi elles annoncent le
passage à une nouvelle étape, dans la prise en compte de
l'environnement, et ce en dépit de l'impression d'un retour au point de
départ.
Première partie :
Le retour de l'écologie.
(1989-1992)
Chapitre 1 :
La mise en place
d'Envoyé spécial.
Ce chapitre, « la mise en place
d'Envoyé spécial » porte sur les quelques mois
qui se sont écoulés entre l'apparition d'une idée et sa
concrétisation. Nous analyserons en quoi cette période a
été fondatrice et quels sont ses prolongements vis à vis
de l'organisation et de l'évolution formelle du magazine au cours des
années 1990.
A- De la nécessité d'un magazine de reportage
à la télévision.
La fin des années 1980 et le début des
années 1990 constituent un moment particulier de l'histoire de la
télévision. La quasi totalité des ménages est alors
équipée d'un poste de télévision et la
télévision est en passe de devenir pour nombre de Français
le principal moyen d'accès au savoir, si ce n'est à
l'information. 1986 a vu l'apparition des chaînes privées dans le
but avoué de libérer le contenu télévisuel d'une
certaine tutelle de l'Etat. Et l'on s'inquiète encore
régulièrement de l'impact de la télévision sur
l'opinion publique, au point d'inquiéter cette même opinion sur
l'impact que pourrait réellement avoir cette
télévision.
a- Une demande accrue d'informations.
Dans les années 1980, avec l'amélioration des
méthodes d'enregistrement et des moyens de communication, se multiplient
les sources potentielles d'information. Conséquemment s'accroît le
volume d'informations transmises. Des intellectuels, au sens large, et des
professionnels demandent alors au service public de télévision
d'accroître le niveau d'exigence dans la présentation et la
sélection des informations15(*). Cette demande est relayée par un public dont
le niveau moyen d'étude n'a cessé de s'élever depuis les
années 1950. La capacité de recul de ce public, par rapport
à l'information transmise, a cependant évolué en
général vers une méfiance critique à défaut
de pouvoir se muer en examen constructif du discours télévisuel -
faute d'instance le lui permettant ou d'éducation. Ceci s'est traduit
par une défiance à l'égard des experts et
décideurs. Et c'est cette même défiance qui a poussé
le public, ou du moins ses représentants autoproclamés, à
demander un accroissement non pas seulement de la quantité mais surtout
de la qualité de l'information, en terme de diversité et de
hiérarchisation.16(*)
Jacques Campet, dans son rapport sur L'avenir de la
télévision publique, remis en septembre 1993 au ministre de
la Communication, rappelle à ce titre que « l'information est
un bien public constitutif de la démocratie »17(*). L'information, tout en
permettant une meilleure connaissance du monde, contribuerait à la
circulation des idées et à la défense des droits
individuels. En effet, elle doit fournir au téléspectateur des
éléments nécessaires à la formation de son
jugement. De la qualité de l'information dépend, en quelque
sorte, la qualité de l'éventuelle participation aux débats
publics, du téléspectateur considéré alors en tant
que citoyen. Pour la commission que préside Jacques Campet, si les
responsables du service public de télévision reconnaissent la
corrélation entre téléspectateur et citoyen, ils
n'assument encore que trop partiellement les conséquences de ce constat.
Autrement dit, ils ne font que peu d'efforts pour proposer aux
téléspectateurs des émissions qui répondent
à leurs aspirations en tant que citoyens. Cela veut dire aussi qu'ils ne
sont pas non plus totalement défaillants.
A la croisée des préoccupations du
téléspectateur en terme de décryptage de l'information et
de participation aux grandes questions qui structurent la société
française dans les années 1990, le traitement de l'environnement
par les médias est jugé décevant. D'une manière
générale et tout au long des années 1990, lorsque les
instituts de sondage les interrogent, les Français s'estiment mal ou en
tout cas insuffisamment informés (que cela concerne l'environnement en
général, ou des sujets comme l'eau, les déchets, et
surtout le nucléaire). Cela se traduit dans l'opinion publique par un
sentiment général et latent d'inquiétude. Les
Français estiment ensuite que la fiabilité des médias en
matière d'information est peu élevée. En 1997, 68% des
Français pensaient qu'on « les prenaient pour des
abrutis » à la télévision et pour 58 % des
Français, les journalistes ne méritent pas leur
confiance.18(*) Donc,
même si les téléspectateurs regardent les émissions
d'Envoyé spécial traitant de l'écologie, rien
n'indique qu'ils adhèrent aux propos ou bien même qu'ils soient
satisfaits de l'information qu'on leur communique. Malgré tout et en
dépit du peu de crédit que le public dit leur prêter, les
médias, et en l'occurrence Envoyé spécial,
restent malgré tout une source d'informations privilégiée,
parce que plus accessible que d'autres supports de l'information (livres,
prospectus)19(*).
b- Les exigences d'un service public rénové.
Toujours dans son rapport sur L'avenir de la
télévision publique, remis en septembre 1993 au ministre de
la Communication, Jacques Campet écrit que le programme d'une
chaîne doit savoir offrir les repères essentiels d'une histoire,
d'une culture, d'un savoir vivre. Il précise encore que
l'indépendance relative du « service public »
à l'égard de l'audience doit favoriser l'innovation, le risque,
la recherche. Cet ensemble de recommandation doit à terme apporter au
téléspectateur, à la fois citoyen et consommateur20(*), des moyens d'information,
d'orientation et d'intelligence21(*). Si Jacques Campet peut émettre, en 1993, de
tels avis, c'est que la commission de réflexion qu'il préside,
peut aussi s'appuyer sur des programmes de référence
passés et contemporains. Parmi lesquels figure Envoyé
spécial ; en témoignent les commentaires qui furent
faits par la suite à son égard :
« Si peu de concession avec autant d'audience
fait l'honneur du service public ... et de téléspectateurs tenus
pour intelligents. »22(*) « un public lui-même informé
et qui attend d'une télévision d'Etat qu'elle fasse ce qu'on
attend d'elle et qu'on n'attend pas toujours de la concurrence
privée. »23(*)
Pour le comprendre, revenons en 1989. Au mois d'octobre de
cette même année, Philippe Guilhaume, le nouveau président
des deux chaînes publiques (Antenne 2 et FR 3), réunit les cadres
de la rédaction à Dijon avec pour objectif de différencier
leur programmation de celle des chaînes privées.24(*) Sa politique se
démarque d'emblée de celle du précédant directeur
d'Antenne 2, Claude Contamine, qui préconisait au contraire de
s'inspirer directement de la programmation des chaînes privées. Ce
dernier n'était pourtant pas parvenu à résoudre les
difficultés que le secteur public accumulait depuis 1986, tant en terme
d'image qu'en terme financier. Et c'est avec la même volonté
d'impulser une dynamique salvatrice à la chaîne publique
généraliste, que les cadres de la rédaction proposent,
lors de cette réunion, de mettre en place « un magazine
d'information à 20h30 ».
En décembre, Jean-Michel Gaillard, directeur
général d'Antenne 2, confie à Paul Nahon et Bernard
Benyamin la gestion et la responsabilité du magazine qui sera
intitulé Envoyé spécial. Cet intitulé se
rapporte aux journalistes de la rédaction en poste à
l'étranger que l'on désigne alors comme des
« envoyés spéciaux ». En complément du
journal télévisé plutôt axé sur
l'actualité nationale, le magazine a pour vocation de traiter plus
spécifiquement de l'actualité internationale et de s'appuyer en
terme d'effectif sur ces « envoyés
spéciaux ». Cependant, dès la préparation de la
première émission, l'effectif est élargi à des
reporters et des cinéastes, de même que l'ambition du magazine en
charge d' « expliquer au téléspectateur le monde
dans lequel il vit »25(*).
La pertinence de la programmation d'un tel magazine sur une
chaîne publique généraliste va donc s'affirmer assez vite.
Et ce d'autant plus que la France s'engage dans un processus accru
d'internationalisation des échanges et des prises de décisions
politiques (Traité de Maastricht et Conférence de Rio en 1992,
création de l'Organisation Mondiale du Commerce en 1994...) pour
lesquels l'ensemble de population française n'est pas encore
nécessairement préparé.
c- Envoyé spécial, le pari
impossible ?
Pourtant lorsque l'idée de lancer un tel programme est
annoncée publiquement, l'enthousiasme de Paul Nahon et Bernard Benyamin
se heurte vite aux réticences des acteurs de l'audiovisuel dans leur
ensemble, en particulier celles des chaînes privées. Et à
ce titre, les rédacteurs des articles de Télérama
(10 janvier 1990) ou du journal Le Monde (15 juin 1990) certes
très favorables à la mise en place d'un tel magazine, se font
surtout l'échos des réserves émises par les
détracteurs quant aux chances de succès d'une telle initiative.
Ce magazine fait en effet suite à une tentative
avortée en 1987, de diffusion irrégulière, le jeudi
à 22h30, d'émissions d'un magazine similaire, Edition
spéciale. Envoyé spécial se distingue
cependant, par la régularité (diffusion hebdomadaire de septembre
à juin) et l'horaire de sa diffusion (en première partie de
soirée). La proposition d'un tel magazine est encore perçue comme
a priori aux antipodes d'une « télévision du
divertissement ». Cette conception, prônée par les
principaux responsables des chaînes de télévision (dont
Claude Contamine), est admise à la fin des années 1980 par la une
large part de l'opinion publique : l'audience d'une chaîne en
première partie de soirée ne saurait être assurée
par d'autres programmes que les jeux télévisés, les
variétés ou les fictions. Dans le même temps s'accumulent
les critiques toujours plus virulentes de la part de certains intellectuels
(dont Michel Serres, un des futurs responsables de La Cinquième) et des
acteurs de l'audiovisuel26(*) ; ils exhortent les chaînes à
diversifier leur offre et à ne pas tenir le téléspectateur
en otage du choix des programmateurs, dicté par l'importance acquise
(surtout depuis l'apparition des chaînes privées entre 1984 et
1986) des recettes publicitaires dans l'équilibre financier des
chaînes de télévision.
Programmer un magazine d'information et le maintenir
constituent donc le commencement du renversement des tendances d'un paysage
audiovisuel qui verra le service public affirmer sa spécificité
et sa cohérence au début des années 1990. Les animateurs
se prévaudront par ailleurs, comme pour s'en féliciter, de
l'austérité de leur magazine qui aurait été
à l'origine de la réussite et du maintien de leur magazine
à une heure de grande écoute. Bernard Benyamin l'explique
ainsi :
« Nous ne ressemblions ni à Drucker, ni
à Foucault, ni à Guillaume Durand. Les
téléspectateurs pensaient sans doute que nous n'étions pas
très souriants, plutôt coincés et que nous avions une
tête d'enterrement. Paradoxalement, ça a joué en notre
faveur. [...] nous aurions [pu faire] un grand show [...]. Ce n'est pas ce que
nous voulions. »27(*).
On peut tempérer cet avis car la logique du
divertissement n'est pas totalement absente de l'esprit de ses concepteurs. La
télévision, c'est aussi du spectacle. Ils en sont conscients.
Leur logique de programmation alternant les sujets difficiles et les sujets un
peu plus légers, l'atteste. D'autres éléments tenant
à la conception des reportages permettent encore de comprendre les
raisons du succès de leurs émissions. Mais avant, voyons le
détail des programmes qui concurrencent et renforcent paradoxalement la
position d'Envoyé spécial tout au long de la
décennie étudiée.
On peut en effet comprendre les réserves des
commentateurs lorsque l'on observe la programmation des chaînes
concurrentes tout au long des années 1990. En 1990-1992, TF1, FR3, La 5
et M6 diffusent le jeudi soir des films et téléfilms. Si la
programmation de M6 et FR3, devenu France 3 en septembre 1992, ne change pas
au cours de la décennie, celle de TF1 évolue pour se stabiliser
à partir de 1994 avec la diffusion de séries telles Julie
Lescaut, Navarro ou encore à partir de 1998, Les Cordiers, juge
et flic. Une telle programmation participe d'une stratégie de
fidélisation d'un public à la manière d'Envoyé
Spécial, mais dans le registre de la fiction. D'autre part,
Envoyé Spécial est plus ou moins concurrencé sur
son propre terrain, tout du moins celui du traitement des faits de
société, à partir de 1992, par la programmation de
soirées Thema, sur la chaîne ARTE, occupant des plages
nocturne du réseau hertzien laissé vacant après
l'échec de La 5. L'émission Envoyé Spécial
semble donc concurrencée sur tous les fronts : par TF1 concernant la
fidélisation d'un public, par ARTE concernant le traitement de sujets de
société, enfin par M6 et France 3 s'agissant du contenu, fiction
contre reportage. En réalité, Envoyé
spécial reste, au moins jusqu'à la fin des années
1990, le seul magazine d'information identifié comme tel par le public
dans le paysage audiovisuel. Ceci lui confèrera en partie les bases de
son maintien.
Sources : résultats accessibles dans le logiciel
Médiacorpus à l'Inathèque à partir de 1995.
Dès 1990, l'émission passe ainsi la barre des 20
% de part de marché. Ensuite et jusqu'en janvier 2000, Envoyé
Spécial draine un public régulier. Même s'il oscille
entre trois millions et sept millions de spectateurs selon les sujets, ceci
équivaut malgré tout à une part de marché moyenne
de 22,1 %, soit environ 4,5 millions de spectateurs chaque jeudi soir28(*). On remarque aussi dans le
graphique des audiences (1995-2000) que la part des femmes qui regardent
Envoyé spécial est constamment un peu plus importante
que celle des hommes. Paul Nahon et Bernard Benyamin précisent dans un
entretien paru en juin 1997 : « Chaque numéro de notre
magazine coûte 1 million de Francs - un Navarro, 5 à 6
millions, un film de cinéma, 2 à 3 millions [pour sa diffusion
seulement] - et rapporte en publicité avant et après
l'émission de 1,3 à 1,5 millions de Francs. C'est rentable mais
pas assez pour une chaîne privée ... »29(*) Le budget de l'émission
a ainsi augmenté de même que sa durée. L'émission
passe, entre 1990 et 1992, de 650 000 F pour 52 minutes30(*), à un budget d'un
million de Francs pour 1h30 d'émission. Tandis que sur le même
temps, le nombre de sujet diminue (pour se stabiliser à une moyenne de
trois par émission) alors que la durée des reportages augmente
(de dix à vingt, voire trente minutes en moyenne).
B- La recherche d'une pratique journalistique
différente.
Tous les indicateurs montrent une rapide stabilisation de la
formule proposée par Envoyé spécial (formule
établie au début des années 1990 et toujours valable en
2007) et surtout un constant équilibre financier du magazine.
Pourquoi ? Nous allons à présent étudier dans le
détail certaines caractéristiques qui président à
l'élaboration, ainsi qu'à l'originalité, de ces
émissions.
a- Envoyé Spécial : prolongement et
rupture avec le journal télévisé.
Envoyé spécial, 22-10-1992, 20h50,
Première image du générique.
Dans la logique de la programmation d'Antenne 2,
Envoyé spécial, que les commentateurs rangent dans la
catégorie du « magazine d'information », a d'abord
été perçu comme un prolongement du journal
télévisé. Au cours du journal de 20h, le
présentateur fait régulièrement l'annonce des reportages
qui seront diffusés dans le magazine, avec un résumé des
sujets et un condensé d'images extraites du reportage. C'est notamment
le cas pour les deux reportages sur les sous-marins nucléaires russes
laissés à l'abandon, en décembre 1992 et en juin 1993, qui
apparaissent dans la rubrique des informations ayant trait à
l'international. Ainsi des reportages qui n'étaient pas
nécessairement et directement liés à l'actualité du
moment (et à l'agenda des hommes politiques) le deviennent. D'autre
part, ce sont les mêmes journalistes (90% de l'effectif
d'Envoyé spécial) qui travaillent à la fois pour
le Journal Télévisé et le magazine31(*), ce que rappelle le
début du générique, avant que n'apparaisse le titre du
magazine, « la rédaction d'Antenne 2 (puis de France 2)
présente ». Paul Nahon et Bernard Benyamin pensent, par
ailleurs, que le passage des journalistes par leur magazine est un acte
formateur pour ces derniers. Dans l'article du Monde datant du 15
janvier 1990, Bernard Benyamin explique que, si les reporters sont
enchantés de pouvoir participer à un tel magazine,
« nombre d'entre eux n'ont jamais réalisé des sujets de
plus de deux minutes. » Or des compétences différentes
sont requises en fonction de la durée d'un reportage, selon qu'il faille
concevoir un reportage de 2 minutes pour le journal
télévisé ou faire un reportage d'abord de 10, puis,
dès 1991, de 20, 30 voire 40 minutes pour Envoyé
spécial.
Paul Nahon, en charge de la production, insiste cependant pour
que le magazine dispose de moyens matériels et surtout de fonds qui lui
soient propres. Ceci afin que la préparation des reportages ne
pâtisse pas d'un éventuel arbitrage entre les moyens
alloués au journal télévisé et ceux alloués
au magazine Envoyé spécial. D'autre part, Paul Nahon et
Bernard Benyamin tiennent à se distinguer résolument du journal
télévisé, jugé trop lapidaire et assimilable
à un flot indifférencié d'images. Leur magazine doit a
contrario pouvoir proposer au téléspectateur un raisonnement
construit et de qualité à partir d'un sujet bien
délimité et identifié32(*). Pour les commanditaires du magazine, il s'agissait
d'abord de proposer des éclairages particuliers sur
l'actualité ; le reportage devait être l'occasion d'un
approfondissement d'un sujet lié à l'actualité. L'objectif
était de rassembler des éléments et d'apporter des
précisions concernant le déroulement d'un événement
récent afin que le téléspectateur puisse mieux le
comprendre.
Envoyé spécial s'affirme en fait
très vite, au delà des limites du « magazine
d'actualité », comme un « magazine de
société ». Paul Nahon et Bernard Benyamin prennent
dans un premier temps, l'habitude de choisir les sujets qu'ils veulent traiter
au cours de leurs futures émissions, en général longtemps
à l'avance (« avec six mois
d'antécédent »33(*) avait précisé Bernard Benyamin).
Même s'ils peuvent modifier la programmation de leurs sujets en fonction
de l'urgence de l'actualité (le début d'une guerre, la
découverte d'un scandale...), le choix des sujets est en
général relativement indépendant et éloigné
de l'actualité quotidienne. Relativement seulement, car Paul Nahon et
Bernard Benyamin ne manquent jamais, au cours du commentaire d'introduction et
lorsque l'actualité s'y prête, de mettre en perspective le sujet
traité avec des événements récents ayant
précédé la diffusion du reportage. Quoiqu'il en soit, Paul
Nahon et Bernard Benyamin souhaitent se faire les médiateurs des acteurs
du monde contemporains. Profitant de la possibilité de recul, de
synthèse, et d'indépendance qui leur est offerte, ils
conçoivent les reportages autrement que comme pure et simple
présentation des faits, comme un cadre de réflexion, comme un
espace de discussion des choix que la société, en France ou
à l'étranger, peut faire. On peut donc définir
Envoyé spécial comme un « magazine de
société ».
La visée d'un tel magazine le distingue donc
fondamentalement de celle du journal télévisé. Le
rôle du journal télévisé est d'abord de relater au
jour le jour l'évolution des décisions que peuvent prendre les
acteurs. Envoyé spécial peut s'octroyer plus facilement
la liberté de poser ouvertement des questions aux
téléspectateurs quant à la pertinence de ces
décisions, laissant le plus souvent le soin ou la charge aux
téléspectateurs de répondre à ces questions.
b- Paul Nahon et Bernard Benyamin, journalistes,
présentateurs et coordinateurs.
Envoyé spécial, 22-10-1992, 20h50,
Deuxième image du générique.
Lorsque l'idée de mettre en place un
« magazine d'information » est lancée, Paul Nahon
est directeur adjoint de l'information chargé des magazines. Paul Nahon
a une formation universitaire en sciences économiques et sociales et
suit un parcours parallèle à celui de Bernard Benyamin, quant
à lui formé à l'école de journalistes de Lille.
Tous deux font leurs premières expériences du journalisme
à France Inter au début des années 1970, puis comme
reporter à la télévision, après l'éclatement
de l'ORTF en 1974 et jusque dans les années 1980. Surpris de se voir
confier si rapidement la responsabilité d'un magazine d'information, ils
s'engagent avec un réel enthousiasme dans la préparation de la
première émission (prévue pour le 18 janvier 1990). Comme
Paul Nahon et Bernard Benyamin le répètent à plusieurs
reprises, ils ne souhaitent pas devenir des vedettes. Lorsqu'au milieu des
années 1990, on leur décernera un « Sept
d'or » pour leur rôle en tant qu'animateur d'Envoyé
spécial, ils le dédiront à leurs confrères et
au peuple algériens.
Par la force des choses, leur personnalité est en fait
très vite associée à l'image de l'émission. Ils ne
sont peut être pas devenu des vedettes, mais leur style a fortement
marqué les téléspectateurs. En effet, ils incarnent le
sérieux des propos tenus, par leur apparence (code vestimentaire strict,
costume et cravate sobres) et par le ton de leur voix (à la fois grave
et concerné) ou leur manière de présenter (en peu de mots,
de façon claire et concise). On peut lire en 1997 dans l'introduction
d'un entretien avec Paul Nahon et Bernard Benyamin, au titre déjà
évocateur - « Envoyé spécial, entre
rigueur et austérité » - « [...]
Envoyé Spécial se distingue par la rigueur de sa ligne
éditoriale, reconnaissable au ton que le magazine a choisi pour
identifier l'événement et lui donner un sens »
34(*).
1991 - Paul Nahon et Bernard Benyamin posant dans le décor
d'Envoyé spécial.
L'enregistrement de l'émission s'effectue en
général en fin d'après-midi, le jeudi, quelques heures
avant la diffusion. Paul Nahon et Bernard Benyamin se partagent l'animation du
magazine et n'apparaissent que rarement en même temps à
l'écran. Lorsque l'un apparaît pour introduire les reportages,
l'autre commente en voix-off le sommaire en images des sujets traités au
cours de l'émission. Leur présence (de même que le
dispositif dans lequel ils évoluent) engage le
téléspectateur à se laisser convaincre.
Derrière l'écran et en tant que coordinateurs de
l'émission, Paul Nahon et Bernard Benyamin consacrent beaucoup de temps
à la préparation de leur magazine. Leur première
tâche est de vérifier le contenu des reportages qu'ils diffusent.
D'abord, selon eux, parce que toute hypothèse avancée par un
journaliste doit être prouvée par l'image, si l'on souhaite
susciter l'intérêt du téléspectateur et ne pas
s'attirer les foudres de ceux qui, mis en cause, pourraient leur intenter des
procès. C'est pourquoi, lorsque cela s'avère nécessaire,
les reportages peuvent prendre la forme d'enquêtes et de
démonstrations. D'autre part, en tant que responsables et prestataires
d'un service destiné à un large public, ils se doivent de fournir
un propos compréhensible par chacun. Ainsi Paul Nahon rappelle une
anecdote : un reporter ayant mis en avant le discours d'un tunisien
immigré en France disant « Si mon fils part combattre au
côté des irakiens, je le tue ! », on a
préféré nuancer le propos en insérant plus loin le
discours dans le reportage afin que le téléspectateur ne
s'imagine pas « Comment, ils tuent leurs enfants, ces gens
là ! »35(*). Il ne faut pas se méprendre, leur rôle
n'est pas de contrôler le contenu informatif, mais bien d'accompagner le
journaliste en charge du reportage.
Ainsi, ils organisent aussi à l'attention des
journalistes, des réunions avec des spécialistes, afin de leur
permettre de mieux préparer leur investigation et leur prise de contacts
sur le terrain. Cette pratique qui pourrait paraître normale ou
évidente, ne l'était que parce que le service public en avait les
moyens et donc leur laissait le temps de préparer consciencieusement les
reportages. Enfin, ils programment et choisissent les sujets diffusés.
La ligne éditoriale de leur magazine correspond d'abord à
celle du service public, ensuite aux aspirations de Paul Nahon et Bernard
Benyamin, que ces quelques mots résument : « tolérance,
ouverture, découverte de l'autre, solidarité »36(*). Autant de
références apparemment abstraites qui trouveront leur traduction
pratique dans la manière de traiter l'écologie et renvoient
finalement à une conception humaniste de l'information.
c- Une démarche journalistique : entre
documentaire et reportage.
N'apparaît souvent sur le plateau qu'une seule personne
lorsqu'il s'agit de présenter le journaliste que Paul Nahon et Bernard
Benyamin désignent comme l' « auteur » du
reportage. Par ailleurs, Bernard Benyamin et Paul Nahon invitent des
réalisateurs de cinéma à concevoir des reportages.
Concernant l'écologie, deux réalisateurs ont apporté leur
contribution : Robert Enrico37(*) sur les incendies de forêt en mai 1991, Yves
Boisset sur les ours et les infrastructures routières dans les
Pyrénées en octobre 1992. Présenter le journaliste comme
l'auteur d'un reportage, pour Paul Nahon et Bernard Benyamin, c'est une
manière de préserver le journaliste du
« rapt » du reportage auquel il a
généralement consacré plusieurs semaines et dont
eux-mêmes avaient été victimes en tant que journalistes. Le
journaliste acquiert un droit moral sur son reportage comparable au
« droit d'auteur » pour le cinéma. Entre autres
exemples, Bernard Monsigny réalise en tant que journaliste des
reportages pour Envoyé Spécial et en tant que
cinéaste, des documentaires. Existe donc un constant parallèle
entre une certaine démarche cinématographique (en terme de choix
des images, de montage) et une pratique du journalisme (dont le but est d'abord
de porter à la connaissance de toutes les informations essentielles).
Paul Nahon explique ce parallèle:
« Vous savez très bien qu'à la
télévision les journalistes sont aussi des auteurs38(*). Pas des réalisateurs,
sauf s'ils réalisent leur sujet. Mais quand un journaliste part en
reportage, il a envie de faire oeuvre de cinéaste. En revanche quand les
cinéastes viennent travailler chez nous, ils n'ont qu'une envie c'est
faire oeuvre de journaliste. Ainsi les uns et les autres essaient de se
retrouver à la croisée des chemins. »39(*)
A cela s'ajoutent des titres de reportages évoquant
explicitement des titres de films à succès, produisant une
lecture particulière des éléments du discours
agencés dans le reportage. Entre autres, Massacre à la
tronçonneuse évoque le déboisement comme devant
susciter horreur et frayeur, ou La bataille du rail, reprenant le
titre d'une film de René Clément (1946) sur les sabotages du
chemin de fer par la Résistance française durant la seconde
guerre mondiale, et évoquant les résistances de la population
touchée par le tracé du train à grande vitesse reliant
Paris à Lyon. Paul Nahon et Bernard Benyamin expliquent que :
« Une information est lettre morte sans les
visages, les hésitations, les rires et les larmes. Voilà pourquoi
le bonheur et la tragédie sont souvent présents dans les
reportages, signes tangibles que le monde bouge, change, explose ou
s'apaise. » (...) « Le reportage, c'est le goût
et la saveur, la texture et le relief d'un événement qui ne
serait sans lui que bruit et fureur. Le reportage, c'est la vie, loin des
encadrés stériles et des dossiers austères aux vertus
informatives évidentes mais ennuyeuses. » 40(*).
Paul Nahon précise encore que pour un reportage,
« Comme dans un film, un personnage donne la clef pour entrer dans un
problème. »41(*) et enfin, que le téléspectateur
s'attache « plutôt à un personnage ou à un
groupe de personnes qui vont servir à éclairer l'histoire de leur
pays, et, partant faciliter l'identification du
spectateur. »42(*) Le reportage est donc souvent monté comme une
histoire, ou plutôt comme un ensemble d'histoires singulières
desquelles le téléspectateur peut tirer des enseignements,
parfois une morale ou une loi générale.
Cependant, cette démarche n'est pas pour plaire
à tout le monde. En effet, les théoriciens du journalisme, ou
pour mieux dire certains universitaires et essayistes s'intéressant au
journalisme, revendiquent pour la télévision, au début des
années 1990, l'impartialité du discours informatif. Oubliant que
le simple fait de choisir de traiter telle ou telle information est
déjà le signe tangible d'une subjectivité. Cette
revendication d'impartialité43(*) découle d'une évolution des techniques
de transmission et d'enregistrement de l'information qui distinguerait la
télévision de la presse écrite. La
télévision aurait un impact renforcé, car plus direct et
s'adressant à un public beaucoup plus large, que la presse
écrite. Or le nombre de chaînes accessibles au plus grand nombre
(les chaîne hertziennes) est restreint au début des années
1990 (le câble et le satellite ne sont encore réservés
qu'à une part restreinte de la population). En conséquence de
quoi, la télévision devrait être plus vigilante et surtout
neutre vis à vis de l'information qu'elle transmet. Ceci afin que le
téléspectateur puisse, en toute liberté, se faire une
opinion sur celle-ci sans être trop influencé. Les moyens dont
dispose la rédaction d'une chaîne de télévision
semblent alors aussi plus performants que ceux de la presse écrite.
Cette dernière est cantonnée à l'écrit et à
quelques photos lorsque le journal télévisé diffuse images
animées et commentaires pris sur le vif. La télévision se
distinguerait donc encore de la presse par ses dons d'ubiquité et sa
capacité à rendre le réel. Tandis que la presse serait
plus à même de proposer un regard critique, un recul, par
l'intermédiaire d'une réécriture nécessairement
plus engagée de l'actualité.
Dans cette répartition plutôt schématique
des tâches, et qui néglige par ailleurs le rôle des
émissions radiodiffusées, Envoyé spécial
apparaît un peu comme un électron libre. Certes, ce magazine
s'inscrit dans la tradition du grand reportage des années 1950 aux
années 1970 mais pour un public des années 1990, avec des moyens
techniques et des aspirations différentes. Paul Nahon et Bernard
Benyamin se départent donc d'un caractère prétendument
strict et objectif au profit d'une subjectivité assumée,
corroborée tant du point de vue formel que de celui du fond par les
liens qui rapprochent le journaliste du documentariste.
C- Des moyens au service d'une volonté.
Dans un contexte finalement propice à l'innovation en
matière télévisuelle, Envoyé spécial
a développé une approche particulière du discours
informatif et de la pratique journalistique. Cet effort de renouvellement est
lié en grande partie à l'expérience et au
professionnalisme de Paul Nahon et Bernard Benyamin en matière de
journalisme. Mais cela ne suffit pas. Pour ce faire, ils ont rassemblé
des personnes partageant cette même volonté et leur dynamisme.
L'évolution du décor et du générique, le choix des
sujets traités ont aussi donné consistance et cohérence
à leur démarche. Le tout a d'abord été fait pour
que le téléspectateur se sente en phase avec les propos tenus au
cours des émissions, et ensuite, soit prêt à se laisser
surprendre par des sujets parfois difficiles à aborder.
a- Qui sont les journalistes travaillant
pour Envoyé spécial ?
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h48, Paul
Nahon va s'entretenir avec Georges Golberine à propos du reportage
« Amiante, 50 ans de mensonges ».
Les journalistes sont systématiquement présents
dans Envoyé spécial. Leur présence est
attestée sur le plateau, au début par deux sièges, puis
très rapidement par une table autour de laquelle Bernard Benyamin ou
Paul Nahon s'entretiennent avec le journaliste après que le reportage
ait été diffusé. Le journaliste est alors invité
à s'exprimer sur les conditions de tournage, ses intentions et souvent,
sur les événements qui ont suivi la fin du tournage. Le
journaliste, en apparaissant à l'écran, incarne le propos et les
images du reportage. Il est rendu responsable, surtout du point de vue des
téléspectateurs, de l'information qu'il communique. Il participe
ainsi personnellement à un processus de légitimation du discours
qu'il a produit et qu'Envoyé spécial contribue à
diffuser.
Il faut ici préciser ce que l'on entend par
journaliste. La désignation précise de ceux qui réalisent
ce type de reportages est, selon la définition de la convention
collective nationale du travail des journalistes et avenants des entreprises de
l'audiovisuel, rédigée dans les années 1980 et encore en
vigueur aujourd'huis44(*),
« Journaliste reporter d'images » (JRI). Selon cette
convention, « Il est responsable de la qualité technique de la
prise de vue et co-responsable avec le Rédacteur Reporter du contenu
informatif des images à diffuser. » Il est
précisé par ailleurs qu'il se sert de sa caméra
« comme d'un stylo ». Il se distingue du cameraman par sa
formation journalistique et non purement technique.
Etant donné l'apparition d'un matériel plus
maniable et performant (caméscope, Betacam), on attend du JRI qu'il soit
capable à lui seul de rendre compte de l'information depuis sa recherche
sur le terrain jusqu'à son lancement sur le plateau du studio.
L'équipe de tournage est plus autonome, souvent réduite à
une ou deux personnes, les journalistes. Auxquels il faut ajouter le monteur et
parfois la personne qui dit le commentaire en voix-off (le commentaire
étant rédigé par le journaliste en charge du reportage).
L'efficacité des journalistes et le soin apporté aux reportages
qui sont diffusés sont à noter. Ainsi en 1991, Envoyé
spécial reçoit le prix Albert Londres (prix
récompensant le travail d'un grand reporter de moins de quarante ans)
pour « L'Affaire Farewell », première d'une longue
série de récompenses.
L'effectif des journalistes travaillant pour Envoyé
spécial est principalement composé de personnes issues de la
rédaction d'Antenne 2, puis de France 2. Mais Envoyé
spécial fait aussi appel à des journalistes venant de
maisons de production indépendantes. Concernant notre corpus, on observe
deux tendances45(*). De
1990 à 1994, ce sont surtout des partenariats de la rédaction
avec des organismes reconnus pour leurs compétences en matière de
journalisme scientifique comme NHK pour le Japon, LMK Images pour la France. Ce
à quoi il faut ajouter Spot Images pour les prises de vue satellitaires.
Pour les reportages tournés dans les pays de l'Union Soviétique,
puis de l'ex Union Soviétique après 1991, Paul Nahon et Bernard
Benyamin ont fait aussi appel à la chaîne Master TV de Moscou ou
encore à Est Ouest Production en France.
De 1995 à 1999, c'est la boîte de production Capa
Presse qui se distingue en fournissant sept reportages à
Envoyé Spécial, parmi lesquels cinq sont des sujets
internationaux (au sens où le reportage est tourné dans plusieurs
pays) et deux français sur des sujets sensibles (les nitrates en
Bretagne et les irradiés de Forbach). Dans ses principes, cette agence
s'avère correspondre à l'esprit d'Envoyé
Spécial « être plus prêt des gens, montrer
l'envers du décor, comprendre et enquêter. »46(*) En constante recherche de la
preuve par l'image et poursuivant leurs efforts pour proposer au
téléspectateur un reportage de qualité, Paul Nahon et
Bernard Benyamin ont donc fait d'abord appel à des maisons de production
indépendantes parce que des contraintes logistiques le leur imposaient.
Ils ont aussi fait cet appel pour la liberté de ton ou le renouvellement
de l'approche de l'information que les journalistes de ces maisons de
production apportent au magazine.
Paul Nahon et Bernard Benyamin, parlent dans un livre
consacré à leur émission en 199247(*), d'une
« génération Envoyé
spécial » pour qualifier rétrospectivement
l'équipe des journalistes ayant travaillé pour le
magazine48(*).
Précisons qu'au cours des années 1990, l'âge médian
des journalistes baisse légèrement pour se stabiliser entre 25 et
30 ans. En effet, au début, Paul Nahon et Bernard Benyamin recrutent de
préférence des journalistes ayant une expérience et
surtout d'anciennes connaissances, parmi lesquels Patrick Hesters (quatre
reportages du corpus, de 1991 à 1992) ou Isabelle Staes (cinq reportages
de 1990 à 1992). Puis très vite, Paul Nahon et Bernard Benyamin
demandent à de jeunes reporters ou inversement de jeunes reporters
proposent leurs services. Les journalistes réalisent alors un nombre
plus limité de reportages pour Envoyé spécial.
En général, ce ne sont pas des journalistes
spécialisés. Paul Nahon et Bernard Benyamin les choisissaient
justement parcequ'ils peuvent apporter un regard neuf sur
l'actualité49(*).
Cela ne veut pas pour autant dire que ces journalistes n'étaient pas
préoccupés à titre personnel par les sujets sur lesquels
ils travaillaient. S'agissant de l'écologie, quelques cas particuliers
permettent de s'en rendre compte. François Cornet, qui fait un reportage
sur Tchernobyl et un autre sur une ville roumaine très polluée,
est connu pour avoir couvert en 1978 le naufrage de l'Amoco Cadiz. Lorsque
Georges Golbérine décide de tourner deux reportages, en 1995 et
1996, relatant les effets de l'amiante sur la santé, il avait
déjà publié, en 1992, une enquête qualitative sur
l'hôpital qui avait fait grand bruit et dirigeait alors la
rédaction de Sciences et Avenir. Enfin Marie-Odile Monchicourt,
dont le reportage traite des conditions de travail des scientifiques et du
personnel dans une centrale nucléaire en Lituanie, est aussi productrice
à France Inter et France Culture d'émissions scientifiques.
b- Le dispositif : reflet d'une conception du monde.
Envoyé spécial, 28-06-1999, 21h,
Bernard Benyamin introduit le reportage « Massacre à la
tronçonneuse. »
Dès 1990 et jusqu'en 2000, les émissions
d'Envoyé spécial se déclinent en quelques
étapes : d'abord apparaît le générique de
l'émission, puis le téléspectateur découvre le
sommaire de l'émission en images ; ensuite, chaque reportage est
introduit par Bernard Benyamin ou Paul Nahon. Comme il n'y a
généralement qu'une ou deux personnes au plus sur le plateau
(sauf émission particulière), le décor des
émissions est mis en valeur. Il l'est d'autant plus qu'on en filme les
détails au début de chaque émission. Son évolution,
de même que celle du générique du début, nous
renseigne sur la maturation des conceptions du monde et de l'information du
magazine.
Paul Nahon et Bernard Benyamin le reconnaissent :
« Les premiers temps nous étions très
manichéens. [...] Notre décor était noir et blanc.
Nous avions tendance à ne voir que les misères du
monde.»50(*) Au
début des années 1990, le plateau apparaît très
exigu avec de forts clair-obscur liés autant au choix des couleurs que
des éclairages par faisceaux lumineux. La caméra circule entre
des panneaux verticaux et opaques, donnant l'impression que le plateau se situe
au centre d'un labyrinthe. Les présentateurs apparaissent
littéralement, en début d'émission, au détour d'un
panneau ou à proximité d'un globe après un panoramique de
la caméra dans un décor vide. Ce mouvement de caméra qui
croise le trajet du présentateur sur le plateau correspond à la
mise en scène d'une rencontre (presque fortuite) entre un
téléspectateur désireux d'en savoir plus et un
présentateur prêt à lui donner les renseignements
souhaités (par le biais des reportages proposés).
Envoyé spécial, 22-10-1992, 20h54,
première image après le générique.
Le globe terrestre en mouvement, avec le quadrillage apparent
des longitudes et des latitudes, est un élément récurrent
du dispositif : on le voit constamment, durant l'émission, en
élément seul ou en fond de plateau, en maquette ou en projection
vidéo. Il figure le globe terrestre mais sans le tracé des
frontières entre pays, ni entre continents et océans. Cette
abstraction du décor renvoie sans doute à la
méconnaissance présupposée des
téléspectateurs du monde qui les entoure. En tout cas, cette
représentation invite à dépasser les découpages
géographiques. Le téléspectateur est amené à
percevoir le monde au delà des limites et des frontières pour se
plonger dans le « monde des hommes » plus que dans celui
des Etats.
Envoyé spécial, 22-10-1992, 20h50,
images extraites du générique.
C'est encore à cela que renvoie le fondu
enchaîné des écritures, des foules, des explosions, des
visages (connus et inconnus), avec une nuance en plus : celle de
l'apparente confusion du monde. Apparente parcequ'on y voit des
événements reconnaissables (ici le musicien Rostropovitch jouant
sur les ruines du Mur de Berlin) de la mémoire
télévisuelle et du reportage. La mémoire
particulière des téléspectateurs et la mémoire
globale, celle de l'Histoire, semblent ici se mêler. Ce magazine aurait
donc bien, entre autres missions, pour vocation de proposer des repères
au téléspectateur et pourquoi pas de participer à la
construction d'une certaine mémoire commune, une mémoire
(télé)visuelle de l'humanité.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 20h57,
générique.
Ce désir de fournir des repères s'affirme au
courant des années 1990 avec plus de vigueur pour se transformer en
décryptage de l'information. L'espace du décor s'ouvre peu
à peu. Mais c'est surtout le générique qui change
radicalement. Aux accords agressifs de guitare électrique des premiers
temps se substitue le tempo sec et rapide de percussions acoustiques et
électroniques. Le noir, le blanc et le bleu restent des couleurs
dominantes. Mais la confusion du monde est réduite à
l'état de petits encadrés animés tandis que le nom de
l'émission apparaît de façon claire et nette, dans tous les
sens, sur fond de codes barre et de flèches. Il ne s'agit plus de donner
un sens trop restreint à des images provenant du monde entier.
L'objectif d'Envoyé spécial n'est plus seulement de
mettre à jour des problèmes, mais de les identifier, c'est
à dire de chercher à en déterminer la nature. La
précision des commentaires et le choix des images doivent servir
à mieux organiser ce que l'on porte à la connaissance du
téléspectateur. A la confusion du monde, on préfère
mettre différemment en valeur la mission essentielle du magazine :
celle de rendre compréhensible à tout à chacun (citoyen du
monde ET consommateur) ce que l'on appelle désormais la
« mondialisation » (que cela
concerne les échanges et certaines décisions
politiques).
Envoyé spécial, 28-10-1999, 20h58, Paul
Nahon introduit le reportage « Tableau de chasse».
Dernière évolution du dispositif, le
décor se modernise et s'éclaircit à partir de 1998. Au
bleu nuit se substitue le bleu ciel. Les panneaux verticaux s'espacent et
deviennent translucides. Le générique change lui aussi, pour
renouer en partie avec le fondu enchaîné des débuts, mais
avec des images nouvelles de l'histoire des années 1990. L'ensemble
défile dans des encadrés qui se déplacent horizontalement
sur l'écran. La mélodie désormais prime sur le rythme, et
la voix humaine accompagnée des choeurs renvoie aux images de foules et
portraits visibles sur l'écran. Le magazine propose enfin une vision
plus apaisée du monde. L'information n'est plus associée aux
bruits et à la fureur du monde. On pourrait y voir la reconnaissance
implicite d'éventuels résultats de l'action du magazine, le
téléspectateur étant à présent
rassuré. Quoiqu'il en soit, un espoir (on y voit notamment des
représentations des nouvelles technologies) s'est substituée
à une vision tragique de l'Histoire. L'objectif ne semble plus
être celui de dénoncer en braquant un faisceaux lumineux ou une
caméra à la recherche de responsables, mais bien
d'éclairer, d'expliciter (plus encore que d'expliquer) les tenants et
aboutissants des problèmes qui se posent. Nous verrons par l'analyse des
contenus que l'on peut cependant nuancer ce propos. Car, si les sujets semblent
être abordés de manière moins partisane à la fin des
années 1990, la vigueur du ton et la dramatisation de l'information (au
sens de « mise en histoires ») restent une
caractéristique constante de l'émission.
c- L'environnement comme thématique
d'Envoyé spécial :
un « choix de
société » à l'échelle de la
planète.
Entre sujets sérieux et sujets plus
légers, traités avec une égale exigence,
l'équilibre souhaité du contenu des émissions
d'Envoyé spécial s'inscrit en droite ligne de Cinq
colonnes à la une, premier magazine français de grands
reportages. Antenne 2 veut renouer, en 1990, avec cette tradition du
journalisme de terrain pour la revitaliser. Après 1992, France 2
perpétue et pérennise cette politique. De même que son
illustre prédécesseur, Envoyé spécial est
plutôt éclectique quant au choix des sujets et des approches
(économique, politique, sociologique...) de ces sujets. Nous avons fait
valoir à plusieurs reprises qu'Envoyé spécial
était un « magazine de société »
ouvert sur le monde. Ouvert sur le monde, certes. Le magazine ne néglige
pas les sujets nationaux pour autant. Dans de tel cas, les journalistes
s'évertuent à comparer la France à d'autre pays
européens, ou même de comparer différentes régions
entre elles. Ainsi, que l'on ait affaire à des sujets régionaux,
nationaux ou internationaux, que cela concerne la construction d'un reportage,
la construction d'une émission ou la mise en relation d'une
d'émissions avec d'autres, une logique comparatiste préside. Nous
y reviendrons au cours de ce travail.
Une autre recherche intéressante aurait
été l'étude du traitement des pratiques religieuses
contemporaines et surtout des sectes, auxquelles Envoyé
spécial a consacré de nombreux reportages à partir du
milieu des années 1990. Ces reportages ont eu un écho important
dans l'opinion publique à la fois en terme politique et en terme
critique (au moins un de ces reportages a reçu une récompense).
Envoyé spécial a aussi consacré beaucoup
d'énergie pour couvrir de manière perspicace (autant que cela
soit possible) différents conflits : en Irak, en Yougoslavie,...
Les journalistes se sont investis pour défendre les grandes causes
humanitaires et tenter de poser un regard différent, moins
misérabiliste que de coutume (cf. un reportage sur l'économie de
la débrouille à Dakar entre autres exemples) sur les populations
de pays autres que les pays industrialisés. Envoyé
spécial a finalement abordé les grands thèmes faisant
débat au sein de la société française dans les
années 1990. Ceux que l'on met ici en exergue sont loin de constituer
une liste exhaustive. Rappelons au passage quelques reportages remarquables sur
les nouvelles pratiques urbaines comme les tags, le rap, ou encore sur
l'extrémisme politique, avec des reportages sur le Front National et la
xénophobie. Avec un positionnement éthique particulier lié
un humanisme revendiqué, Paul Nahon, Bernard Benyamin et leur
équipe ont régulièrement animé la vie publique
française par la mise à jour de problèmes irrésolus
ou de thématiques sensibles.
Tableau montrant la progression, de 1990 à 2000,
du nombre de sujets par catégorie dans Envoyé
spécial.
Dans ce cadre de réflexion et avec un état
d'esprit similaire, les journalistes ont traité de l'écologie
politique et de la gestion de l'environnement. Ces thèmes se sont
imposés comme des thèmes majeurs du magazine. Nous avons
recensé 88 reportages (dont une dizaine sont des rediffusions). Mais,
à n'en pas douter, on peut ajouter au moins une dizaine de reportages
qui ont pu nous échapper ou pour lesquels l'écologie ou
l'environnement ne sont pas la thématique centrale. Le graphique
ci-dessus rend compte par année, du nombre de reportages
consacrés à des sujets regroupés par catégorie. On
remarque d'emblée deux années fastes : 12 reportages en 1992
et 17 reportages en 1997 (une grande partie de ceux-ci ayant été
diffusés au cours d'une émission particulière
« Alerte à la pollution). Elles correspondent à deux
temps forts le Sommet de Rio pour 1992, et l'entrée des Verts au
Parlement et au gouvernement après les législatives
anticipées de 1997. L'année 1995, correspondant à un temps
fort de la vie politique française, l'élection
présidentielle, est aussi remarquable.
Si l'on analyse d'une manière globale ce graphique, on
note la constance de sujets emblématiques de l'écologie
liés à la faune et la flore (les feux de forêt, les ours,
les loups et les éléphants), à la perturbation du milieu
de vie (les hommes étant touchés autant que les animaux ou les
plantes, après une marée noire ou du fait de la proximité
d'usines), et enfin au nucléaire (surtout l'arsenal nucléaire
civil et militaire anciennement soviétique). Les déchets et la
pollution de l'eau, thèmes traditionnels depuis les années 1970,
sont aussi régulièrement traités, de même que les
technologies nouvelles permettant l'observation des phénomènes
naturels ou la limitation des effets nocifs de certaines activités
humaines. Dans la catégorie « autres », on a
classé les reportages ayant trait aux acteurs de l'environnement, de
Greenpeace aux chasseurs, ainsi que les sujets globaux comme les
rétrospectives ou des reportages sur le réchauffement climatique.
Enfin, il est à noter le traitement nouveau à partir de 1995,
d'une pollution assez mal connue jusque là, la pollution de l'air
causée par les activités de transport urbain et par l'utilisation
de matériaux dans l'espace domestique, aux propriétés
inquiétantes.
Dans l'ensemble, au début des années 1990, les
reportages correspondent à des piqûres de rappel. Ils sont
généralement l'occasion d'une synthèse à
l'échelon locale de problèmes liés à la non prise
en compte d'un environnement global. Cette tendance perdurera tout au long des
années 1990. Mais à partir du milieu des années 1990, et
surtout entre 1995 et 1997, Envoyé spécial traite de
problèmes nouveaux, anticipant parfois de peu ou s'inscrivant dans des
campagnes de presse à propos de sujets comme l'amiante, les OGM. Enfin,
après 1997, Envoyé spécial fait un retour sur les
enjeux déjà ou trop vite oubliés de l'écologie en
intégrant les données nouvelles dont les journalistes disposent
désormais. Plus encore qu'à la cohérence, les
coordinateurs d'Envoyé spécial sont surtout
attaché à la complémentarité, comme outil de lutte
contre l'oubli, des informations sur le court et le moyen terme. Après
avoir étudié le contenu des reportages plus en détails,
nous reviendrons sur ces affirmations qui peuvent apparaître
péremptoires pour l'instant.
Voyons donc comment s'articulent les différentes
dimensions d'Envoyé spécial en tant que magazine
d'information, de société, et enfin de référence du
service public ayant pour vocation de traiter l'actualité
internationale, lorsque les journalistes décident petit à petit
de rendre compte de l'écologie comme sujet digne d'un peu plus de
considération de la part des téléspectateurs
français.
Chapitre 2 :
L'affirmation de l'écologie
comme thème d'Envoyé
spécial.
(1989-1992)
A- Le retour en force de l'écologie dans l'espace
public.
En 1990, le public est en attente d'informations à
propos de l'écologie. Paul Nahon en donne une explication :
« [...] quand on prend les commandes en 1989, on
a 20 ans de terrain derrière nous. On a vu plein de choses dans le
monde, les déforestations, on a vu les pluies acides ... Moi j'ai
été au Viêtnam pendant très longtemps où j'ai
fait des reportages depuis 1973, j'ai vu l'agent orange, lui au Brésil,
la déforestation. Donc on avait ça inconsciemment, moi j'ai vu en
Afrique, la déforestation avec les énormes troncs des
forêts qui se baladaient sur toutes les routes ... »51(*)
Si le public n'a pas fait le même périple que les
reporters, il a vu malgré tout les images que ceux-ci ont
apportées pour lui pendant une vingtaine d'année. Le public est
donc disposé en 1990, à regarder les reportages cités dans
le chapitre précédent d'un oeil a priori favorable. Pour
le comprendre, un petit retour au début de 1989 s'impose.
a- Un tournant de l'histoire de l'écologie
politique en France (1989-1990).
L'année 1989 marque le passage à une
étape nouvelle dans l'histoire de la prise en compte de
l'écologie comme projet et enjeu politique d'importance nationale. Le 18
juin 1989, neuf membres du parti des Verts français entrent au
Parlement européen. Ils représentent, pour la France, le parti
qui compte le plus de députés. Cet avènement a surpris les
commentateurs de l'époque habitués, jusque là, à ce
que les mandats brigués par les écologistes (de tous les partis
et toutes les mouvances) aient été strictement locaux (au niveau
des communes). Pour certains observateurs, dont Brendan Prendville52(*) et Philippe
Roqueplo52(*), le
résultat de ces élections n'est pourtant pas tellement
surprenant. Notamment si l'on considère l'actualité liée
à l'environnement, particulièrement chargée au cours du
premier semestre de 1989.
Selon eux, l'élément déclencheur aurait
été la sécheresse de 1988, vécue comme une
catastrophe naturelle majeure par les habitants des Etats-Unis. Cette
catastrophe a amené la revue Time à publier en janvier
1989, un numéro intitulé Planet of the Year, the
endangered planet53(*). Cette publication rencontre un écho
amplifié par la presse française, nationale et régionale,
qui consacre un nombre croissant articles à ce sujet. A la
télévision, La Marche du Siècle,
magazine présenté par Jean-Marie Cavada, propose une
émission diffusée le 20 février, spécialement
consacrée aux questions d'écologie et s'inspirant pour
l'essentiel des thématiques développées par le
Time : Planète Terre : on est prié de
laisser cet endroit aussi propre ...54(*) En rassemblant des « invités
prestigieux » dont Emmanuel Leroy-Ladurie, Simone Veil, Brice Lalonde
ou encore Hubert Reeves, cette émission fait date et entraîne de
nouveaux des commentaires dans la presse.
Sur le plan politique, l'Assemblée Nationale tient le 4
mars 1989 un colloque ayant pour titre « Atmosphère et
Climat ». Le 11 mars, un sommet est organisé à la Haye
sur la « Protection de l'atmosphère du globe »,
succédant à celui consacré à la
« défense de l'Ozone », s'étant
déroulé à Londres, du 5 au 7 mars. Enfin les 12 et 13
juin, le Ministère de la Recherche et de la Technologie organise, en
présence du Président de la République, un colloque :
« Planète Terre ».55(*) Membre du parti des Verts et devenu en 1988
secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre Michel Rocard,
chargé de l'environnement et de la prévention des risques
technologiques et naturels majeurs, Brice Lalonde participe activement à
l'organisation de ces diverses réunions. Bien que n'ayant pas les moyens
de ses ambitions (le budget consacré à l'environnement est alors
dérisoire, 0,06% du budget du gouvernement, inférieur à
celui du début des années 1980), il réussit, par un
travail institutionnel et grâce à son pragmatisme politique,
à contribuer à une prise en compte de l'environnement dans les
choix technocratiques. Il créera aussi l'association
Génération Ecologie, à laquelle participent des
personnalités telles qu'Haroun Tazieff (invité de la
« rétrospective écologie »
d'Envoyé spécial le 30 décembre 1991).
Les élections européennes confirment donc un
regain d'intérêt de la part de l'ensemble des Français pour
l'écologie. On peut même penser qu'il reflète les
inquiétudes d'une partie croissante de la population. En effet, selon
les sondages, au début des années 1990, les Français sont
plutôt dubitatifs quant à la capacité des pouvoirs publics
à gouverner sur la base de principes écologiques. Des fractions
significatives de la population se déclarent même pessimistes
à l'égard de l'avenir, tout particulièrement les jeunes de
moins de 30 ans56(*). Or
on l'a dit précédemment, l'âge médian des reporters
travaillant pour Envoyé spécial tourne rapidement
autour de 30 ans. Voyons donc en quoi Envoyé spécial
devient, au début des années 1990, le reflet
d'inquiétudes et le révélateur d'une envie d'agir pour
l'environnement.
b- L'écologie, entre humanitaire et cadre de
vie (janvier 1990-juin 1990).
Envoyé spécial, 18-01-1990, 20h38,
« Soumgaït », commentaire : « un
bidonville où vivent les ouvriers, leurs femmes et leurs
enfants »
Envoyé spécial, 18-01-1990, 20h40,
« Soumgaït », le chimiste énumère les
produits toxiques rejetés par les usines qui obstruent dans l'image
l'horizon.
Dans son article paru le 15 janvier 1990 dans Le
Monde, Laurence Follea attire l'attention de ses lecteurs sur le premier
reportage de la première émission d'Envoyé
spécial. Gilles Rabbin, auteur de ce reportage, était
d'abord parti pour faire un reportage sur le nationalisme en Azerbaïdjan.
En effet, en février 1988, la ville de Soumgaït avait
défrayé la chronique suite à de graves troubles que l'on
avait qualifié alors de « pogrom
anti-arménien » organisé par des azerbaïdjanais.
Parti pour faire le bilan de la quasi guerre civile qui s'en était
suivie, Gilles Rabbin est mis au courant de l'existence d'un
« bidonville » à Soumgaït. Il tourne donc un
reportage sur des personnes résidant dans des habitations
vétustes et asphyxiés par les fumées et rejets d'usines
chimiques. Cette impression d'asphyxie est renforcée par l'inventaire,
énoncé par le chimiste et relayé par le commentateur du
reportage en voix-off, des composés toxiques rejetés par les
usines. Le journaliste montre surtout un « cadre de vie »
sordide et insalubre (multiplication des prises de vue de cheminées, de
tuyaux, de grillages, impression d'emprisonnement et gouttes de pluies visibles
sur l'objectif de la caméra). Ce premier reportage traite d'abord de la
misère d'un peuple puisque l'accent est mis sur les ouvriers des usines
et leurs enfants décrits comme « victimes
impuissantes » d'un « développement industriel
à tout prix ». La pollution atmosphérique y est
finalement abordée comme les écrivains naturalistes du XIXe
siècle pouvaient l'aborder lorsqu'ils décrivaient les
travailleurs manuels ou les pauvres : ce sont des miasmes qui participent
à la détérioration des conditions de vie de quelques uns
dont l'impact reste limité. L'accent est finalement mis sur l'ignorance
supposée des personnes vivant là et victimes à leur insu
(le journaliste ayant donc pour tâche de mobiliser l'énergie de
ces opprimés et surtout de mobiliser celle éventuelle de
téléspectateurs compatissants).
Envoyé spécial, 22-02-1990, 20h40,
« Le nucléaire : danger ? »,
première image du reportage, l'usine de la Hague apparaît à
l'horizon durant tout le reportage.
La deuxième occurrence de notre corpus n'est, elle
aussi, pas directement rattachée à l'écologie. Elle
s'inscrit même à rebours de la radicalité des grandes
manifestations antinucléaires de la fin des années 1970 par
le simple fait de poser une question dans le titre du reportage :
« Le nucléaire : danger ?». Le reportage traite
des conséquences sociales, économiques et accessoirement
environnementales liées à l'implantation du site de retraitement
de la Hague. Il est en quatrième position d'une émission ayant
pour thème général, « le pouvoir en
question ». Bernard Benyamin précise, avant la diffusion du
reportage, que suite à des manifestations ayant duré plusieurs
mois en Bresse, le premier ministre a décidé de geler les
études en cours pour l'implantation d'une nouvelle usine de retraitement
des déchets nucléaire. Il ajoute que le reportage peut être
considéré, pour les interviewés du reportage comme pour le
téléspectateur, comme une « thérapie »
: « la parole, dit Bernard Benyamin, exorcise encore les
démons ». Le reportage s'ouvre sur une longue séquence
aux abords puis au sein d'une église, le temps d'une messe. Le
journaliste fait le portrait de personnes vivant à proximité de
l'usine, employées par elle et s'en accommodant tant bien que mal. Soit
qu'il n'ait pas eu l'autorisation, soit qu'il n'ait pas eu la volonté,
le journaliste n'entre jamais dans l'usine. On ne la voit donc jamais que comme
un élément de horizon, élément étrange dans
un décor pittoresque. Le journaliste nous présente des villageois
et des paroissiens conscients des risques potentiels, mais aussi de la
nécessité (contre l'exode rural) d'une telle installation. Une
petite polémique autour d'éventuelles conséquences sur la
santé est rapidement résolue par un ethnologue, fin analyste des
rumeurs, et par un prêtre dont les dernières paroles constituent
la conclusion du reportage : « quand on ne connaît
pas un problème, je pense qu'on se tait. » L'évocation
de la durée de vie des déchets nucléaires
(« pour des siècles et des siècles »)
constitue le seul bémol d'un reportage qui fait la part belle au paysage
et au caractère typique (ou typé) des intervenants pour qui le
site ne suscite pas une forte angoisse.
Le 8 mars 1990, un reportage
« Décharges : alerte » est diffusé afin
de prévenir les téléspectateurs des problèmes que
pose en France la gestion des déchets, ou pour mieux dire sa non gestion
ou sa mauvaise gestion. Le titre évoque un sentiment d'urgence. On y
voit surtout les riverains des décharges se plaindre et les responsables
locaux se décharger de toute responsabilité. Le sujet reste
encore très localisé (autour de La Baule) et les revendications
s'apparentent plus à des revendications restreintes de type NIMBY (Not
in my backyard, pas dans mon jardin) donc pas nécessairement
partageables par l'ensemble des Français, mais le ton est
déjà plus engagé. Enfin, on annonce le 19 avril, la
« journée de la Terre » organisée le 22 avril
1990, lors de la diffusion de deux reportages, l'un sur l'assèchement de
la mer d'Aral et l'autre annoncé comme le premier reportage occidental
sur les coulisses de Tchernobyl (cette centrale nucléaire ayant pris feu
le 26 avril 1986). Dans leur livre paru en 1992, Paul Nahon et Bernard Benyamin
font explicitement référence à ces émissions :
« Les nouveaux messages minitel et le courrier
reçu après chaque émission montraient que les
Français étaient beaucoup plus préoccupés par les
problèmes d'environnement. Dès le début, nous avons donc
traité des sujets écologiques au sens large du terme. Tchernobyl,
la Mer d'Aral, les déchets nucléaires ... et chaque
problème recevait une très bonne audience.»57(*)
On observe ici une relecture de l'histoire de leur magazine
qui fait l'impasse sur les premiers tâtonnements. Néanmoins cet
extrait rend compte de la réceptivité du public et de leur
engagement rapide en faveur d'une véritable (ou plus efficace selon les
domaines) prise en compte de l'environnement. A force de se mettre du
côté des plus faibles et de décrire leurs souffrances, la
complaisance attendue laisse rapidement place à une réelle
indignation qui ne va pas cesser d'augmenter jusqu'en 1992. Le courrier des
téléspectateurs, tel qu'évoqué ici, montre que ce
sentiment est partagé par une part de la population française.
Envoyé spécial, de vitrine de la misère du monde,
fait rapidement du journalisme un instrument de combat contre cette
misère. Comment ? Par l'adoption sincère d'une
rhétorique militante qui fait de l'écologie à la fois une
cause humanitaire et de l'environnement un cadre de vie et un
écosystème à protéger.
c- Une réappropriation de la rhétorique
militante (avril 1990-décembre 1991).
Paul Nahon le souligne à nouveau dans un entretien
réalisé pour la revue Cinémaction en
199758(*) :
Envoyé spécial, 28-06-1990, 21h07,
« Massacre à la tronçonneuse » - plan
resserré sur un arbre arraché à la pelleteuse.
« Le troisième pilier [après celui
d'un regard différent sur l'actualité et la question des droits
de l'homme], c'était l'écologie, au sens large, avec pour maxime
le respect de la planète (à l'époque ce thème
était relativement peu traité à la
télévision) et la question qui en découle : quel
monde allons nous laisser à nos enfants ? ».
Suite à une enquête parue dans 50 millions de
consommateurs, Paul Nahon et Bernard Benyamin envoient Isabelle Staes
faire un reportage sur la pollution des nappes phréatiques en Bretagne,
région la moins bien classée, selon cette revue, en terme de
qualité de l'eau. C'est suite à ce reportage (sur lequel
nous reviendrons) et à celui sur les décharges, que Paul Nahon et
Bernard Benyamin font un appel aux téléspectateurs pour que
ceux-ci leur envoient des propositions de sujets relatifs à
l'environnement. En fonction de l'intérêt de la proposition, ils
promettent de faire un reportage. C'est ainsi qu'a pu être tourné
et monté en quelques semaines (le temps de la diffusion des matchs de la
coupe du monde de football 1990) un reportage sur la déforestation
liée à l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert
en région parisienne. Ce reportage remporte un franc succès en
terme d'audimat d'après Paul Nahon et Bernard Benyamin. Même s'ils
ne renouvellent pas d'appel à témoins similaire concernant
l'environnement, cela ne les empêchera pas par la suite, d'être
avertis
par les populations et d'étudier les
possibilités de
faire un reportage sur tel ou tel
problème.
Envoyé spécial, 28-06-1990, 21h07,
« Massacre à la tronçonneuse », mouvement de
caméra de la cime des arbres au fond du gouffre.
Le reportage est donc présenté ainsi :
« Envoyé spécial pour arrêter ce
« Massacre à la tronçonneuse » ». A
l'engagement se substitue donc l'action des journalistes sur le réel. Ce
à quoi, s'ajoutent quelques positions de bases que Paul Nahon et Bernard
Benyamin défendront au moins jusqu'en 1992 : au cours de
l'introduction, Bernard Benyamin parle de la « lutte du pot de terre
conte le pot de fer ». Cette expression est reprise mot pour mot dans
l'introduction du reportage diffusé le 3 janvier 1991, « La
bataille du rail », et elle restera en filigrane de nombreux
reportages dénonçant le cynisme des autorités, de ceux qui
détiennent le pouvoir économique ou politique quel que soit le
pays où se situe l'action. A cela, Envoyé spécial
oppose la mobilisation spontanée (bien que simulée pour les
besoins du reportage) d'une population pour une cause présentée
comme légitime (bien qu'elle soit en désaccord avec la
légalité puisque le bois en question est la
propriété de la société d'exploitation de la
carrière). Remarquons l'utilisation de prises de vue d'un particulier,
commentées par celui-ci en voix-off, choqué par la violence avec
laquelle les arbres ont été arrachés par des tracteurs. La
violence de la technique (dynamitages, grosses machines en plans
rapprochés, panoramique et vue aérienne sur le trou béant
de la carrière que les intervenants associent à un paysage
lunaire) est opposée à la beauté de la nature (un
naturaliste parle de la diversité de la forêt et l'on a plusieurs
gros plans sur des salamandre et des fleurs qui témoignent de la
fragilité de cet écosystème). Le caractère froid et
industrieux de ceux qui l'utilisent (le directeur de
l'exploitation de la carrière nie Envoyé spécial,
28-06-1990, 21h10, « Massacre à la
tronçonneuse », le naturaliste montre au
téléspectateur une salamandre et des orchidées,
grâce au zoom de la caméra, commentaire : « Ce
serait regrettable ».
l'importance de la forêt) contraste avec les
scènes de convivialité (on explique ainsi que les réunions
à la mairie se
poursuivent chez les particuliers, que des amitiés sont
nées et enfin que partis et syndicats de tous bords se sont
ralliés à la cause des habitants). Cette dichotomie est encore
renforcée par l'utilisation de la musique de fanfare joyeuse et
légère extraite de la bande originale d'Amarcord de
Fellini associée à l'ambiance festive des mobilisations ; et
d'une musique faite de grands accords avec cordes frottées (violoncelles
et contrebasses) et percussions (timbales et cymbales) à chaque fois
qu'apparaît la carrière. Le reportage se conclue sur les propos
tenus par un homme (aux allures de Jean Gabin). Il décrit le changement
radical du paysage qu'a entraîné l'implantation de la
carrière à ciel ouvert, le changement du microclimat que la
déforestation pourrait entraîner. Enfin, il évoque le sort
des générations qui le suivront : certes, un reboisement est
envisagé mais il faut de 50 à 100 ans pour que les arbres
repoussent. Puis un silence de quelques secondes intervient à la fin du
reportage avant le retour sur le plateau d'Envoyé
spécial. Ce silence est un autre des procédés
récurrents d'Envoyé spécial, le temps de
permettre au téléspectateur de réfléchir et de
« digérer » les propos tenus dans le
reportage : nous n'avons pas affaire à un arrêt brutal mais
à des points de suspension, avec cette question implicite, mais que
va-t-il donc advenir de toutes ces personnes ?
Envoyé spécial, 28-06-1990, 21h05,
« Massacre à la tronçonneuse », humour et
spontanéité de la mobilisation mis en valeur.
Concernant l'évolution générale du
magazine Envoyé spécial, nous pouvons dire que dans un
premier temps, le prisme de l'écologie politique permet aux journalistes
de mettre à jour des problèmes sociaux ignorés ou presque,
parceque négligés par les autorités publiques au cours des
années 1980. Ces problèmes résultent de choix de
société entérinés par les gouvernements dans les
années 1970 au nom d'une idée du progrès technique et
d'une conception de la planification des activités économiques
qui a pendant longtemps marginalisé la concertation des populations
locales, et qui suscitent de nouveau la controverse à partir de 1989.
Ces questions sont restées en suspend. Paul Nahon et Bernard Benyamin,
nous l'avons vu, s'en rendent rapidement compte et c'est pourquoi, ils
décrètent l'état d'urgence. Les titres des reportages
suivants en témoignent: «Méditerranée en
danger » (11-11-1990), « Défense de tuer »
(7-03-1991), « Tchernobyl, le mensonge » (25-04-1991),
« SOS Terre » (23-05-1991) ou encore « Cote
d'alerte » (5-03-1992).
Envoyé spécial fait encore appel
à l'équipe de La France défigurée
(magazine télévisé militant diffusé dans les
années 1970) pour effectuer un reportage intitulé lui aussi
La France défigurée (le reportage annoncé le 28
février ayant été diffusé le 21 mars 1991). Le ton
très sarcastique, contrastant avec la pondération plus commune
des commentaires de reportages du début des années 1990, a marque
un autre tournant dans l'émission, celui de la subjectivité
assumée des propos tenus par les journalistes. Jusque là, il
s'agissait de présenter les différents acteurs d'une
confrontation, victimes, responsables ou observateurs. Certes, on la faisait
d'une manière avantageuse, à l'image et dans le commentaire, pour
les victimes et les observateurs, mais sans une prise de parti avouée ou
préalable. Durant l'année 1991, Paul Nahon et Bernard Benyamin se
démarquent donc de leur pudeur ou de ces apparences
d'impartialité que l'on prête alors à tord au journaliste
de télévision.
Les critiques qui ont été adressées
à l'émission, à l'occasion de la diffusion de certains
reportages, et l'analyse de la rétrospective de décembre 1991
consacrée à l'écologie permettent de saisir la logique et
les conséquences éventuelles d'un tel engagement en faveur de
l'écologie politique, et principalement en matière de
défense de la nature et des victimes d'un environnement hostile, sur
l'opinion publique française.
B- Vers une écologie radicale ?
Nous avons vu que pour servir son propos,
Envoyé spécial employait des moyens assez simples.
L'émission oppose, de 1990 jusqu'en 1992, de manière presque
systématique les partisans d'un respect de l'environnement contre les
personnes accusées de l'instrumentaliser au profit d'un groupe
d'intérêts restreint.
D'un côté, il y aurait ceux qui habitent à
un endroit ou/et qui l'apprécient, ceux qui en sont les
bénéficiaire légitimes. De l'autre, il y auraient ceux qui
l'utilisent, qui transforment l'environnement, sans que l'on ne sache jamais
trop pourquoi (sauf quand il s'agit de dénoncer en sus des
bétonneurs et des goudronneurs), et qui feraient de la
nécessité économique le paravent (explicite ou implicite)
de profits irraisonnés et d'une irresponsabilité (impossible
à estimer mais que l'on juge grave de toute façon).
L'usage de tels procédés a amené certains
intellectuels et scientifiques à s'élever contre la
radicalité du discours médiatique en faveur de l'écologie,
dont Envoyé spécial serait à première vue
un digne représentant. Mais cette radicalité tient-elle des
propos tenus ou de la démarche adoptée pour construire les
reportages ? Une analyse du reportage comme espace de confrontation possible
entre des points de vue différents, permettra en fin de compte
d'expliquer ce qui a porté les reporters à accentuer les
antagonismes dans un premier temps et à les rechercher par la suite.
a- Un manifeste radical pour une prise en compte de
l'environnement.
La rétrospective consacrée à
l'écologie le 30 décembre 1991 est l'une des rares
émissions tournées en public et la seule de notre corpus ;
ceci nous renseigne sur l'importance conférée à cette
émission, bilan de deux années de travail. Paul Nahon et Bernard
Benyamin ont demandé à Haroun Tazieff de choisir trois
reportages. Nous l'avons déjà signalé mais
rappelons-le : Haroun Tazieff, vulcanologue connu du grand public, fait
partie de l'association Génération écologie
(fondée en 1990). Avant de nous intéresser aux propos qu'il tient
sur les reportages, intéressons-nous à la séquence/clip
qui intervient au début de l'émission après le sommaire en
images de l'émission.
Brusquement, d'un pas rapide, Paul Nahon entre dans le champ
par la droite du cadre sur deux coups de percussions électroniques, et
se campe devant
un grand écran pour annoncer au
téléspectateur : « Voilà pour le sommaire.
Nous avons décidé de commencer par la Terre. En effet en 1991, de
nouvelles catastrophes écologiques sont venues un peu plus assombrir
l'avenir de la Terre. » La caméra le filme désormais en
forte contre-plongée renforçant
l'impression que le présentateur sermonne le
téléspectateur. Paul Nahon détaille ensuite une
quantité de dégradations : espèces de la faune et de
la flore en voie de disparition (« la mort d'ici l'an 2000,
déjà, de 140 000 espèces végétales et
animales »), l'étendue de la déforestation
(« chaque minute disparaissent l'équivalent de 5 terrains de
football »), etc. Envoyé spécial, 30-12-1991,
21h, « Rétro 1991 : l'Ecologie », une des
surimpressions de la séquence/clip au début de
l'émission.
Tandis qu'il accumule ce que le téléspectateur
peut comprendre comme des accusations, défilent sur l'écran en
montage rapide, des plans aériens de forêt et rapprochés
d'animaux alternant avec des plans sur les feux de forêt et les nappes de
pétrole (tirées des reportages « Exxon
Valdez » et « Koweit, l'enfer »), des prises de
vue de la mer et du désert (notons ici que le désert
n'évoque pas un horizon lointain mais bien la désertification qui
peut menacer tout à chacun). A la fin de la séquence, des visages
apparaissent dans les panaches de fumées d'usine, visages d'enfants aux
regards durs, inspirant la pitié (ceux du reportage « la ville
noire ») ainsi que celui d'une mère et de son enfant
(peut-être extrait d'un reportage sur Tchernobyl). Paul Nahon conclue la
séquence par cette sentence : « C'était un cri
d'alarme, car la Terre est en danger ».
Le message de cette séquence semble clair : il est
temps pour les hommes (les Français ici étant
considérés comme faisant partie d'un tout, l'humanité sur
la terre) de se soucier un peu plus de leur environnement afin qu'il ne
ressemble pas à l'univers de la grisaille, de la saleté et de la
rouille des usines (gardons à l'esprit que les images d'usines
vétustes et anciennes sont toutes extraites de reportages sur la
pollution causée par les complexes industriels de l'union
soviétique). On peut mettre en regard cette séquence avec les
propos tenus par Michel Serres dans son livre Le contrat naturel. Ce
livre, publié en 1990 et ayant connu un succès polémique,
était favorable à une adéquation forte des choix de
société avec les contraintes d'une « nature »
jusque là méprisée. C'est surtout un livre à charge
contre les habitants des pays industrialisés accusés de
« détester les enfants »59(*) (puisque les occidentaux en
font peu), de « parasites »60(*)(qui condamne à mort celui qu'il pille, au
l'occurrence le globe terrestre). Pour lui, les Hommes,
« agglutinés » dans les mégalopoles,
associés à un « magma humain »61(*), ont perdu tout contact avec
la « nature » à force de ne plus l'observer que de
loin (les savants, administrateurs et journalistes, seuls encore à s'en
soucier, travaillent dans des bureaux et utilisent un langage qui les
éloigne de l'objet de leurs soucis). Afin que l'Homme redevienne
hôte de la Terre, respectueux de celle-ci, il faut mettre en place un
« contrat naturel » basé sur la
réciprocité « où notre rapport aux choses
laisserait maîtrise et possession pour l'écoute admirative, la
contemplation et le respect »62(*).
Toutes choses que la séquence/clip, décrite plus
haut, aurait pour but d'instaurer. Paul Nahon et Bernard Benyamin partagent
donc avec Michel Serres une même volonté de voir la planète
Terre reconsidérée comme un écrin de verdure. Ecrin que
l'action des hommes aurait déjà commencé à
détériorer et qu'ils pourraient finir par détruire
totalement. D'où l'alternance d'images de nature intacte et d'images de
nature polluée aboutissant au paroxysme : l'image d'une
humanité asphyxiée par la fumée des usines, de ses propres
usines. Le regard qu'ils posent sur l'action humaine est certes aussi
alarmé que celui de Michel Serres. Cependant les hommes apparaissent
plutôt comme des victimes malheureuses (à la responsabilité
limitée, pour une majorité d'entre eux) de leur propre
aveuglement. Cette séquence, mise en exergue en début de
l'émission sans qu'aucune annonce n'ait été faite,
revêt une particulière importance pour comprendre le
positionnement d'Envoyé spécial. La tâche de ce
magazine est bien celle d'« ouvrir les yeux » des
téléspectateurs sur les menaces (plus que de les expliquer pour
l'instant) qu'ils font apparemment encourir à leur environnement ainsi
qu'à leurs enfants.
Après une première rétrospective
consacrée aux actions humanitaires et avant celle consacrée
à la chute de l'Union Soviétique, la rétrospective sur
l'écologie annoncée dans le sommaire est diffusée. Haroun
Tazieff a retenu trois reportages : la pollution en mer
Méditerranée, les incendies des puits de pétrole au
Koweït et l'éruption du Pinatubo, trois reportages desquels on a
extrait les images les plus impressionnantes. Ces images sont commentées
sur le plateau par Haroun Tazieff. A propos du Koweït, il précise
que ce n'est pas une catastrophe d'ampleur mondiale mais bien seulement
d'ampleur régionale. A propos du Pinatubo, il note que c'est une
catastrophe naturelle et non pas une catastrophe écologique. Il n'y a
que la pollution en Méditerranée qui soit vraiment
considérée comme ayant trait à l'écologie et
surtout « au manque de sens civique de trop de nos Envoyé
spécial, 30-12-1991, 21h54, « Rétro 1991 :
l'Ecologie », Haroun Tazieff s'entretient avec Paul Nahon et Bernard
Benyamin.
concitoyens ». Bernard Benyamin qualifie la
rétrospective de « catalogue de l'horreur », Paul
Nahon se demande s'il y a encore un espoir pour les générations
futures. Haroun Tazieff tempère leur désappointement par un
certain relativisme : l'Homme a surmonté bien des malheurs depuis
la nuit des temps. Enfin, Haroun Tazieff fait un appel pour la mise en place
d'un « super ministère de l'environnement » et en
tout cas d'un ministère qui aurait les moyens d'influer
résolument sur la politique des autres ministères.
Pour Paul Nahon et Bernard Benyamin, la conception de
l'écologie est donc encore assez vague à la fin de 1991.
L'écologie correspond d'abord à un ensemble de problèmes
qu'il faut résoudre à l'échelle du globe (cf.
séquence/clip). Ces problèmes sont liés à des
dysfonctionnements de la gestion de l'environnement et à l'action de
personnes mal intentionnées ou négligentes (cf. les reportages de
la rétrospective). Enfin, cet environnement est envisagé
principalement sous l'angle « naturel » (la
biosphère), leur conception de l'environnement se rapprochant finalement
de celle défendue par les différentes mouvances
écologistes de la fin des années 1980.
b- Le traitement des thématiques de
l'écologie : sujet de controverses.
Cette manière de prendre position en faveur de
l'écologie politique n'est pas pour plaire à tout le monde. Dans
leur rapport sur Les représentations de l'environnement à la
télévision63(*), Régine Chaniac et Jacqueline Chervin
font l'analyse du reportage « Le problème de l'eau : Eau
secours » déjà mentionné et diffusé le 10
mai 1990.
Envoyé spécial, 10-05-1990, 20h42,
« Eau secours », début du reportage, coloration en
rose de l'image avec bruit électronique évoquant
l'ébullition, cette coloration permet de montrer à l'écran
les nitrates qui sont invisibles dans l'eau.
Elles reprochent au reportage d'être alarmiste :
les lieux ne sont pas situés (on pourrait croire que toute la Bretagne
est touchée), il y a une accumulation de toutes les catastrophes
liées à la pollution de l'eau. Les familles interviewées
sont « coincées » dans le rôle de victimes et
le registre de la plainte. Les solutions ne sont pas envisagées ou alors
avec soupçons (les solutions existent suivies d'un MAIS « mais
cela coûte cher », « mais il faut attendre
longtemps »). L'essentiel est de montrer la pollution et ses ravages.
Les personnes âgées interrogées rappellent les dangers du
progrès et un pêcheur nostalgique parle de l'eau comme d'un
symbole oublié de la pureté. Cette série de plainte est
confortée par un médecin qui énonce les maladies
liées à la consommation d'une eau polluée. Régine
Chaniac et Jacqueline Chervin ironisent encore sur le sort et le rôle des
agriculteurs « car être pollueur, c'est pas drôle.
En plus la pollution les gêne aussi » Puis l'on revient sur les
catastrophes : un stock d'eau de source contaminé, les
égouts se déversant dans la rivière et le nombre de
poissons qui diminue dans les rivières. Régine Chaniac et
Jacqueline Chervin épinglent ici une certaine naïveté des
propos ainsi que la répartition des rôles jugée
caricaturale (d'un côté des agriculteurs confus, de l'autre des
consommateurs dépités et entre les deux des personnes
âgées indifférentes ou ignorantes). L'approche
d'Envoyé spécial apparaît comme simpliste et
généraliste, avec en sus une tendance à l'accumulation qui
dessert l'intelligence du propos. L'apparente empathie du reporter pour son
sujet révèlerait un manque de recul propre à affoler les
personnes les plus crédules ou les moins méfiantes.
Envoyé spécial, 10-05-1990, 20h50,
« Eau secours », après avoir vu la mère
enceinte cuisiner avec de l'eau en bouteille, le père interrogé
dans le jardin indique qu'il ne paiera pas la totalité de la facture
puisque la famille ne peut se servir librement de l'eau courante.
L'accumulation n'est cependant pas seulement un moyen de
garder l'attention en faisant peur au téléspectateur, elle permet
aussi un inventaire plutôt exhaustif de tous les maux que la pollution de
l'eau peut entraîner dans une région. Si aucune situation
géographique n'est mentionnée, les journalistes ne plongent pas
totalement le téléspectateur dans la confusion : plusieurs
fois au cours du reportage, sont mentionnés les taux de nitrate
acceptables ou dangereux afin que le téléspectateur puisse les
mémoriser et vérifier à son tour si son eau est potable ou
non. Bernard Benyamin parle d'ailleurs en introduction du reportage, d'une
« prise de conscience nationale ». Rappelons enfin que ce
commentaire, ou plutôt cette critique, a été
rédigé en 1995 après que des mesures aient
été prises en la matière. Or en 1990, si des rapports
d'expert existent, le problème n'est pas encore ou assez mal connu. On
peut penser qu'Isabelle Staes découvre sur place, de même que le
téléspectateur devant son écran, l'ampleur des
implications d'une telle pollution. Régine Chaniac et Jacqueline Chervin
l'expliquent, par ailleurs, dans leur rapport63(*) : on est passé durant les années
1980, d'une représentation dans les médias d'une pollution de
l'eau qui affecte la faune et la flore des rivière à une
pollution qui affecte les nappes phréatiques. Ainsi ce reportage
correspond d'abord à un état des lieux (forcément
négatif) et à un exercice de prévention
(généralement inquiétant) sur les risques et les
conséquences de la pollution de l'eau.
En 1992, Envoyé spécial est encore
vivement critiqué pour le simplisme des propos tenus ainsi que,
à la différence de la critique précédente, pour son
esprit partisan et foncièrement proche des écologistes. Le
reportage en cause est celui d'Yves Boisset, « Danse avec les
ours », réalisé durant les mois d'août et
septembre, et diffusé le 22 octobre 1992. Marianne Bernard, auteur de
Génération démagogie64(*), ayant suivi de près, en tant que
journaliste, les négociations concernant l'aménagement d'espaces
pour les ours dans les Pyrénées, nous renseigne sur l'indignation
d'une partie des pyrénéens qui se sont sentis caricaturés
dans le reportage. Suite à la diffusion du reportage, André
Labarrère (PS), François Bayrou (UDF) et Michel Inchanspé
(RPR) écrivent, au CSA et à l'attention d'Hervé Bouygues,
une lettre d'indignation invoquant un droit de réponse.
Envoyé spécial, 22-10-1992, 21h22,
« Danse avec les ours », un des intervenants les plus
présents et les plus mouvementés : «Les écolo,
ce sont ceux qui taillent leur haie, peignent leur maison, et font de cette
région, une région accueillante, c'est ça les
écolo, pas ceux qui viennent semer des seringues dans leurs
réunions ! »
Le titre du reportage rappelle
déjà celui d'un autre film à succès, Danse avec
les loups, traitant des rapports conflictuels entre une armée et
des indiens en Amérique du Nord. Yves Boisset parle, quant à lui,
d'une « ambiance de western » pour qualifier les
relations qu'entretiennent les différents
intervenants. L'alternance des plans renforce en effet l'opposition entre
écologistes et naturalistes d'un côté, élus et
responsables de l'aménagement du territoire de l'autre. Les habitants
(âgés pour la plupart et aux accents locaux) sont
départagés entre les deux camps. Pour Marianne Bernard, le
reportage d'Yves Boisset s'apparente à un pamphlet contre les
élus et contre les journalistes locaux. Pour réaliser son
reportage, Yves Boisset s'est fait accompagné par Marc-André
Rendu, tenant de la rubrique « environnement » au journal
Le Monde. Or, le 11 août et le 27 août 1992, ce
journaliste écrit deux articles : l'un (« Guérilla
dans les Pyrénées ») écourtant et
interprétant les propos d'un élu désappointé, Jean
Lasalle (Président du Parc National et membre du Comité
intervalléen de négociation concernant la présence de
l'ours dans les Pyrénées) ; et l'autre relançant une
polémique à propos de l'amélioration, nécessaire ou
non, des infrastructures routières en vallée d'Aspe. Marianne
Bernard aurait préféré qu'Yves Boisset choisisse un
journaliste de la région (d'un quotidien ou de la rédaction de
France 3) et accuse Envoyé spécial de parisianisme
(« Peut-on faire confiance aux journalistes de province ?
Voilà une question bien parisienne. ») Au final, Yves Boisset
se serait laissé berner ou emporter par l'envie de faire un reportage
avec des personnages aux positions bien tranchées.
Envoyé spécial, 22-10-1992, 21h31,
« Danse avec les ours », Le maire explique qu'ils
n'auraient pas du laisser l'ours « vaquer autour de leur
village » et qu'il aurait du « aller le
descendre ». Suit une image d'ours, puis l'image d'une ancienne
batture.
Marianne Bernard considère que c'est aussi un manifeste
« poétique » à la gloire des ours dans la
droite ligne du film à succès de Jean-Jacques
Annaud, L'ours (1988). Elle reconnaît qu'Yves Boisset
réussit à faire des Pyrénées « un
décor de rêve » (ainsi que le dit Bernard Benyamin en
introduction du reportage). Elle lui reproche cependant, d'avoir utilisé
les images d'ours d'Europe centrale, extraites, sans que cela soit
précisé, de la « La montagne des ours », un film
produit par la Maison de Valérie. Il aurait été
préférable, précise-t-elle, qu'il utilise les images des
archives de la rédaction locale de France 3. De plus, la Maison de
Valérie est une entreprise privée commercialisant des produits de
jardinage et de bien être, défendant la cause des ours, par
l'intermédiaire d'une association qu'elle contrôle, pour des
raisons de marketing. Marianne Bernard accuse donc Yves Boisset de servir, plus
ou moins directement, les intérêts de la Maison de Valérie
alors en conflit ouvert avec les municipalités de plus en plus
méfiantes quant à la finalité des actions de cette
entreprise et de son association.
Le reportage d'Yves Boisset brille aussi par la quasi absence
de commentaires. Il laisse les personnes parler et donne l'impression, par le
montage, qu'elles se répondent. Les interventions ont
systématiquement pour contrepoint une image qui renforce ou
dément leurs propos. Marianne Bernard parle d'un
« découpage et d'un montage d'une subtilité
machiavélique » qu'elle décrit ainsi :
« La fracture de la société est
incarnée par des individus pro tunnel aux accents primaires, parfois
fachos, inconscients du massacre qui se prépare ... s'opposant à
l'intelligence bien pensante, raisonnée, au langage mesuré et
châtié. [...] Avec en alternance, l'image d'une maman ours
attendrissante avec ses deux oursons ... contre l'image insupportable de
violence de la montagne explosée à coups de dynamite. [...]
Le réalisateur a glissé des photos de battues de l'ours avec
fac-similé d'articles de presse annonçant la mise à mort
du plantigrade. Rien n'indique que ces faits datent des années 1950 ou
que ces documents sont aussi tirés du film de la Maison de
Valérie. Chacun peut croire que l'on tue encore les ours de nos jours...
»65(*)
Envoyé spécial, 22-10-1992, 21h43,
« Danse avec les ours », Commentaire sur la
1ère image : « Pourquoi l'Europe de
Maastricht voudrait-elle construire une autoroute dans une si belle
vallée ?» Suit l'image du chantier d'élargissement de
la route départementale (trop étroite et dangereuse). Puis un
écologiste, explique qu'il y aurait des rumeurs de transport de produits
toxiques.
L'émotion est portée à son comble lors de
l'annonce, en guise de conclusion du reportage, d'un projet d'autoroute et de
déchetterie industrielle. Ce projet est pourtant formellement
démenti dans le Journal Officiel des Communautés
Européennes, le 24 septembre 1992. Diffusé après le
référendum du 20 septembre sur le Traité de Maastricht, ce
reportage donne une image peu reluisante de l'Europe et de ses intentions.
Ensuite, les négociations en cours, avec Brice Lalonde, ministre de
l'Environnement, se trouvent contrariées par la diffusion d'un tel
reportage. En effet, l'opinion publique est relativement favorable au maintien
de l'ours dans les pyrénées. Le reportage renforce donc la
pression médiatique sur les négociations ainsi que les tensions
entre les participants de celles-ci.
Les écologistes, enfin, sont représentés
comme des personnes sympathiques (on les voit chanter, marcher pieds nus, l'un
d'eux tient un petit hôtel pour les randonneurs) et rêveuses
(interrogée devant une cascade, une écologiste parle du
côté mystique de l'ours sur fond de musique de flûte de
pan). Ce sont aussi des héros et le reportage conte leurs
exploits (l'un s'est couché devant une pelleteuse, d'autres ont
investi le chantier pour empêcher les artificiers de dynamiter la
montagne, enfin une partie de l'hôtel tenu par un écologiste a
été le théâtre d'un incendie criminel). Ce reportage
correspond, pour ce qui concerne les sujets tournés en France entre 1990
et 1992, le point d'orgue d'un positionnement d'Envoyé
spécial en faveur des mouvements écologistes.
c- Le reportage : espace et outil de confrontation.
Jean-Louis Peytevin écrit, en
1992, que parler d'écologie est la chose la mieux
partagée au monde. Tout à chacun dès lors qu'il est
électeur ou consommateur peut prétendre être
spécialiste et parler infiniment des problèmes de
l'environnement. Selon lui, l'écologie s'adresse à tous et peut
prendre en considération l'avis de chacun. Ce serait dès lors une
formidable machine à consensus66(*). En présentant les problèmes qui
affectent l'environnement comme un fléau de type mondial comparable
à la guerre ou la maladie, la rétrospective
« écologie » d'Envoyé spécial,
de décembre 1991, irait en ce sens. La perception écologiste
de problèmes particuliers affectant l'environnement de quelques un, est
déjà plus sujette à controverses. Les reportages de cette
période auraient même tendance à rendre compte, surtout
à partir de 1991, de conflits ouverts, parfois violents, à propos
de la préservation d'une forêt ou d'une espèce animale, de
la gestion des ressources en eaux ou des déchets dans une région
ou une ville.
Aussi sommes-nous amenés à penser que c'est
justement, parce que le consensus est difficile à trouver, que les
reportages sont tournés et diffusés. Jean-Louis Peytevin le
confirme d'ailleurs en remarquant que « longtemps confiné dans
un petit monde de militants sympathiques, un immense discours est en train de
se structurer »67(*). Envoyé spécial contribue,
d'une part, à la structuration de ce discours en confrontant le
téléspectateur avec les propos de personnes impliquées
dans ou des situations relatives à la prise en compte et à la
gestion de l'environnement. D'autre part, du fait de choix dans le montage des
reportages, Envoyé spécial réfute souvent les
arguments des uns (responsables politiques ou économiques) et valide
l'argumentation des autres (en l'occurrence, les écologistes et les
« victimes » des dommages causés à
l'environnement). Envoyé spécial se pose donc à
la fois en observateur et arbitre d'un espace public en construction concernant
les questions environnementales.
En 1974, dans un rapport pour le Conseil de l'Europe sur
« Le rôle de la télévision dans la
participation des citoyens à la planification et à
l'aménagement de leur environnement », Manfred Eisenbeis note
que les citoyens sont confrontés, dans leur quotidien, à des
évolutions technologiques et économiques de portée
mondiale, ainsi qu'aux décisions erronées des autorités et
institutions compétentes68(*). Selon lui, l'idéal serait qu'il puissent
participer à l'élaboration des lois et mesures les concernant,
cependant il y a des limites et des obstacles à cette participation. Les
situations et les objectifs de départ sont différents selon les
citoyens (un maire, un agriculteur, une femme jeune ou un retraité n'ont
pas la même façon de considérer l'environnement).
D'où la difficulté pour un journaliste d'adopter un point de vue
ou une manière de concevoir le reportage qui respecte la
disparité du positionnement des acteurs sur le terrain. Les citoyens
sont ensuite insuffisamment informés. On a pu s'en rendre compte par les
interventions d'individus lambda, limitées souvent à
l'emportement ou l'impuissance, dans les reportages. Mais il faut ici se
méfier. Le journaliste peut choisir de ne sélectionner que des
individus ignorants afin que le propos de son reportage puisse être
justifié (pour le téléspectateur autant que pour les
coordinateurs du magazine). Quoiqu'il en soit, Manfred Eisenbeis prévoit
déjà en 1974 que « l'effort porterait principalement
sur les émissions à caractère informatif. » et
insiste sur la nécessité de « montrer la participation
des citoyens à la planification, à la création et à
la conservation de leur environnement. » 69(*)
Pour la période 1990-1992, le principal reportage
traitant de cette problématique est diffusé le 14 février
1994 et a pour titre la « bataille du rail ». Il est
tourné à la veille de la fixation du tracé
définitif de la ligne de train à grande vitesse reliant Paris
à Lyon. Dans l'introduction du reportage, il est question de l'arbitrage
entre intérêt particuliers et intérêt
général. Une séquence du reportage est consacrée
aux séances de répétition d'un spectacle monté par
les futurs riverains de la ligne de chemin de fer. Leur but est de parodier la
prise de décision, l'un d'eux dit : « on ne peut pas
être en permanence des machines à voter et dire : tiens,
gérez pour nous ». Un autre ajoute : « nous
n'avons jamais accepté que les autres décident pour nous
même ». A la fin du reportage, le ministre des transports,
Louis Besson intervient sur le plateau : il indique avoir essayé
de choisir « le trajet le plus court » afin qu'il y ait
« le moins de gênés ». Il comprend le
désarroi de certaines personnes mais rappelle que « 23
millions de passagers, c'est 18% de moins pour les avions et 15% de moins sur
les autoroutes ». Enfin de compte, il précise que
« des améliorations sont encore possibles » mais
qu'il est « contre une opposition stérile ».
Envoyé spécial va donc s'affirmer durant les
années 1990, comme le révélateur en même temps que
le moteur de formes nouvelles de communication et de médiation.
Jusqu'à ce qu'en 1997, une commission nationale du débat public
soit mise en place afin de mener, avec plus d'aisance, la concertation des
populations concernées par l'aménagement du territoire ou la mise
en valeur de composantes de leur environnement.
Nous devons à présent nuancer l'idée
qu'Envoyé spécial se soit engagé pour la
défense d'une vision radicale de l'écologie ou même que le
magazine se soit engagé, pour défendre l'écologie
politique. En fait, Envoyé spécial s'est
réapproprié la rhétorique militante des
écologistes, non pour des raisons nécessairement
idéologiques, mais plus simplement pour réussir à traiter
de thèmes ou de problèmes liés à l'environnement.
En effet, les écologistes sont les seuls, jusqu'au début des
années 1990, à proposer une approche cohérente de
l'environnement et véritablement différente de l'approche,
désapprouvée, de la gestion du territoire par les industriels et
les membres de la haute administration. Ceux-ci sont plusieurs fois
stigmatisés comme irresponsables ou corrompus dans les reportages de
cette période (cf. « Massacre à la
tronçonneuse », « La France
défigurée », « Montchanin, la décharge
du diable »). Autrement dit, au tout début des années
1990, le panel des modèles en matière de communication
environnementale paraît encore assez restreint. D'un côté,
on justifierait un progrès technique, une industrialisation et l'essor
d'une logique économique sans bornes. De l'autre, on devrait
récuser tout cela au profit d'une harmonie de l'homme avec la nature,
son environnement, la Terre.
En choisissant le deuxième camp, Envoyé
spécial se fait donc bien l'instrument d'une promotion, plus ou
moins volontaire, de l'écologie politique. Mais dans les faits, le
magazine ne fait que traiter de thèmes liés à
l'environnement à la manière des écologistes sans
nécessairement partager toutes leurs convictions. Il est ainsi plusieurs
fois question de la querelle entre les anciens et les modernes
(littéralement en introduction des reportages « Le
nucléaire : danger ? » et « La bataille du
rail », et en filigrane d'autres reportages) sans que la question
soit tranchée. Et pour cause, l'enjeu de la période suivante
1992-1995 sera justement de réussir à se départir d'une
rhétorique pro écologiste (élaborée à la fin
des années 1970) sans pour autant négliger les thèmes de
l'environnement. Cet enjeu est déjà en germe au cours de la
période 1990-1992, car cette période correspond à
l'arrivée de nouveau acteurs dans l'espace public concernant
l'environnement. Ces acteurs ont des objectifs différents de ceux
défendus par les écologistes et/ou véhiculés
par les médias dont Envoyé spécial: ce sont les
hommes et femmes politiques en tant que décideurs et les scientifiques
en tant qu'experts au service de ces derniers.
Deuxième partie :
Une redéfinition des priorités
de l'écologie au sein
d'Envoyé spécial.
(1992-1997)
Chapitre 3 :
Vers une conception plus
tempérée de l'écologie ?
(1993-1996)
Lorsque le magazine scientifique E=M6 devient, pour
quelques numéros, une émission d'une heure et demie
diffusée le dimanche soir en « prime time », la
première émission, diffusée en juillet 1992, a pour titre
« Mauvais temps sur la planète »70(*). E=M6, redevenue une
émission hebdomadaire programmée le dimanche soir, traitera de
manière récurrente, de même qu'Envoyé
spécial, de sujets liés à l'environnement. Le
magazine C'est pas sorcier consacrera aussi plusieurs de ses
émissions à cette thématique. Suivront ensuite,
des émissions spécifiques comme Gaïa sur la
Cinquième et Ecolo 6, Elément Terre sur M6 (7minutes par
semaine). Au cours de la période 1993-1996, l'environnement n'est plus
considéré comme l'objet d'un engouement passager. Du fait d'une
multiplicité de programmes le traitant d'une manière plus ou
moins spécifique, l'environnement, tel qu'Envoyé
spécial le conçoit, évolue. Cette conception
évolue aussi du fait d'autres facteurs que nous allons détailler
dans les deux prochains chapitres.
A- La remise en question des convictions
écologistes véhiculées par
Envoyé spécial.
Durant les années 1993 et 1994, le ton des reportages
se fait moins virulent. Le nombre de reportages consacrés à des
thèmes environnementaux diminue sensiblement (cf. graphique p. 25). Et
suite à la Conférence de Rio (juin 1992), les thèmes
liés à l'écologie sont plutôt abordés dans le
cadre international. Pourquoi ? La réponse n'est pas aussi
évidente que l'on pourrait le croire.
a- L'environnement, désormais sujet de
préoccupation sociale et politique.
De 1989 à 1994, un effort de législation est
produit dans le domaine de l'environnement. Une loi sur les déchets est
adoptée en 1992, avec pour objectif, la fermeture des décharges
sauvages, la mise aux normes des décharges publiques et l'introduction
du tri sélectif d'ici l'an 2000. Une loi sur le bruit est adoptée
le 31 décembre 1992. Enfin, une loi très discutée sur la
mise en valeur et la protection des paysages est rédigée en 1992
et adoptée le 8 janvier 1993. Cette dernière loi est
particulièrement importante car elle normalise plusieurs
problématiques liées à la gestion de
l'environnement : l'impact visuel de toute infrastructure, la consultation
des populations, les liens entre Etat et collectivités locales. Un
immeuble, une chaumière, une usine, un jardin sont désormais
autant de composantes du paysage. A la logique de préservation et de
sanctuarisation de quelques sites remarquable, se substitue une logique de
l'urbanisation applicable à l'environnement quotidien de l'ensemble des
Français71(*).
Qu'elles concernent le bruit, les déchets ou le paysage, ces lois ne
correspondent donc plus à une prise en compte plus ou moins vague de
l'environnement. Elles sont une réponse précise à des
attentes qu'Envoyé spécial a relayées durant la
période 1990-1992.
L'évolution de la représentation du traitement
des déchets en est un bel exemple. Au cours du premier reportage sur les
décharges, diffusé le 8 mars 1990 dans Envoyé
spécial, le Maire de Campbon (près de La Baule)
déplore l' « impuissance des communes et la
négligence de chacun». Suit une séquence décrivant la
décharge aménagée de la ville de Nantes. La gestion des
déchets semble dépendre du bon vouloir de chacun. Le reportage du
28 mai 1992, « Que faire de nos poubelles ?», rend compte
d'autres solutions dont le tri sélectif en Allemagne alors que la loi
sur les déchets est discutée au Parlement. Anne Pousinet, auteur
du reportage, ne déplore plus le manque de moyens mais la faible prise
de conscience des Français. Le 20 octobre 1994, enfin, est
diffusé un reportage intitulé « On achève bien
les autos », sur les efforts des constructeurs pour améliorer
la traçabilité des matériaux employés en vue du
recyclage des épaves automobiles et de la récupération des
éléments d'occasion. La mise en place de nouvelles lois, la
définition de nouveaux domaines de compétences et l'introduction
de moyens nouveaux pour endiguer les problèmes liés à
l'environnement, incite donc les journalistes d'Envoyé
spécial à faire évoluer leur propos et à se
focaliser moins sur la mise en exergue des problèmes. La France n'est
plus par conséquent, l'objet de tous les tourments : ce qui
explique la rareté des sujets la concernant jusqu'en 1995.
Sur le plan international, les représentants de 168
pays se rassemblent à Rio pour le très médiatisé
« Sommet de la Terre ». La biodiversité, les
changements climatiques et la protection des forêts sont les principaux
points abordés. A cette occasion est introduite la notion de
« développement durable », essai de traduction
juridique du souci constant dont Envoyé spécial se fait
l'écho depuis 1990 : à savoir le sort réservé
aux générations futures. Un article paru dans Le Monde
du 24 mai 1994, rend compte, enfin, du paradoxe principal dont vont être
affectées les mouvances écologistes :
« Le sommet de la Terre a pu apparaître
comme une victoire des mouvements écologistes En réalité,
ce fut tout le contraire. Certes, les associations y ont tenu forum sur la
plage. Mais les choses sérieuses se passaient ailleurs, comme si l'on
assistait à une confiscation de l'écologie par les diplomates,
les industriels, et les scientifiques. En publiant, leur appel de Heidelberg
à la veille du sommet, les scientifiques avaient clairement
indiqué que l'écologie était une chose trop
sérieuse pour être laissée aux écologistes
déchirés entre doux rêveurs et dangereux gêneurs. En
finançant l'organisation du sommet ainsi que ses multiples expositions
et manifestations, les industriels avaient à leur manière
rappelé qu'il n'y a pas de politique environnementale possible sans leur
collaboration. Quant aux diplomates et aux politiques, ils ont finalement
parvenus à tirer toute la couverture à eux en se
présentant comme les premiers défenseurs de la
planète. »
b- Les déboires du mouvement écologiste en
France :
L'écologie, au sens où on l'entendait, comme
politique de défense de la Nature, n'est donc plus seulement l'affaire
des écologistes. Ces derniers tentent, par ailleurs, en France, de se
défaire de cette image qu'ils trouvent trop réductrice. En effet,
au sein même du parti des Verts, ceux qui, à sa
tête, défendaient un strict point de vue naturaliste comme
Antoine Waechter (qui fondera en 1994, Le Mouvement écologiste
indépendant), sont remplacés par d'autres désireux
d'intégrer résolument la dimension sociale de l'écologie,
dimension présente dès l'origine mais jusque là assez
négligée. Dominique Voynet, successivement porte-parole des
Verts en 1992, puis secrétaire général des
Verts européens au Parlement européen avant d'être
la candidate du parti des Verts, en 1995, pour l'élection
présidentielle, s'attache à évacuer les concepts de
« nature » et autres du même acabit afin de
rapprocher le parti des écologistes des mouvement alternatifs de
gauche72(*). Le projet
écologiste évolue résolument vers une corrélation
entre justice sociale, pacifisme et gestion de l'environnement. Cherchant non
plus seulement à faire pression mais à proposer un
véritable projet politique, le discours des écologiste, de
libérateur qu'il avait pu être à l'origine, devient peu
à peu normatif, voire d'après certains observateurs,
autoritaire.73(*)
Cela s'explique aussi par le fait que la France se dote d'un
arsenal juridique en matière d'environnement. Ce qui ne manque pas
d'éveiller l'intérêt des intellectuels et en particulier de
ceux travaillant dans le domaine de la philosophie politique à partir de
1992. Luc Ferry et Dominique Bourg sont de ceux-là. Ils ne nient pas
l'importance d'une prise en compte de l'environnement en rapport avec les
nouvelles attentes de la population. Ils demandent juste aux gouvernants et aux
médias de rester vigilants. Pour les premiers, il importe de ne pas
céder à l'affolement, pour les seconds, il s'agit de ne pas le
susciter, afin que la discussion et l'application des lois sur l'environnement
se fassent selon des règles démocratiques. Tous deux craignent
que ne s'impose une tendance à l' « écologie
profonde », « deep ecology » encore
appelée « écologie radicale » qui concevrait
la Nature comme supérieure ou égale à l'Homme. Selon,
Dominique Bourg, la Nature ne peut ni ne doit être une instance
normative. Il s'oppose à l'idée de toute instauration d'un
« contrat naturel ». Pour lui, c'est de la tension entre
responsabilité vis à vis d'un bien commun et liberté
individuelles que naît la défense des intérêts
propres à la Nature. Ces intérêts de s'imposent donc pas
a priori mais bien a posteriori d'un débat
démocratique74(*).
Analysant les évolutions récentes de la mouvance
écologiste française, Luc Ferry estime en 1992, que :
«Sur le plan intellectuel, philosophique même,
seule la `deep ecology' peut prétendre à une vision politique
globale - mais il lui faut pour cela revêtir les oripeaux du romantisme
néo-conservateur ou néo-gauchiste. Si l'écologie veut
échapper à ces archaïsmes dérisoires et dangereux, si
elle accepte de se dire réformiste, elle devra reconnaître qu'elle
est un groupe de pression exprimant une sensibilité qui pour être
partagée par l'immense majorité n'a pas à elle seule
vocation au pouvoir ? (...) Politique, l'écologie ne sera pas
démocratique ; démocratique, il lui faudra renoncer au
mirage de la grande politique. »75(*)
Cette citation nous renseigne, d'abord, sur la
défiance à l'égard des écologistes qui gagne une
partie des Français après l'engouement qu'ils avaient pu susciter
jusqu'en 1992. Cette citation permet de comprendre aussi l'importance pour une
chaîne de télévision du service publique, et a
fortiori pour un magazine du type d'Envoyé spécial
d'essayer de relayer auprès des téléspectateurs,
également citoyens, la confrontation des points de vue concernant des
points précis de l'environnement. L'enjeu est ici le suivant :
comment participer à la démocratisation des prises de
décision en matière environnementale ? Et en particulier,
comment informer les citoyens des problématique, soulevées par
l'adoption de mesures visant à protéger ou mettre en valeur leur
environnement, autres que celles rattachées directement à
l'harmonie entre les hommes et leur environnement naturel ?
c- « Les commandos de
l'écologie », une autocritique déguisée.
Le 24 mai 1994, l'article du journal Le Monde
cité précédemment relate ce paradoxe : en
France, si les thèses écologistes sont populaires, ceux qui les
défendent le sont moins. Les témoignages des
éco-conseillers au niveau local, recueillis par Florence Rudolf,
l'attestent. Ceux que l'on qualifie péjorativement
d'« écolos » sont perçus comme
« peu crédibles »,
« ridicules », voire
« extrêmes. »76(*). Il n'est donc pas étonnant que les
écologistes n'arrivent à convaincre et à ne rassembler
qu'un peu plus d'un million d'électeurs (3,32 % des suffrages
exprimés77(*)), ce
qui constitue le deuxième plus mauvais résultat au premier tour
de l'élection présidentielle de 1995. Ce score
déçoit beaucoup les écologistes qui avaient soutenus
Dominique Voynet78(*) et
conforte ceux pour qui l'écologie politique ne peut constituer un projet
fiable. Envoyé spécial diffuse, le 7 septembre de la
même année, le seul reportage du corpus consacré
entièrement à un mouvement écologiste, et en l'occurrence
à l'association Greenpeace. Intitulé « Les commandos de
l'écologie », ce reportage a été
réalisé par Jean-Marie Hosatte pour le compte de la maison de
production CAPA. Il a nécessité 8 mois de tournage pour une
durée de 50 minutes alors que, d'une manière
générale, les reportages diffusés par Envoyé
spécial durent de 25 à 35 minutes. C'est donc un document
remarquable tant par sa forme que par son contenu.
Envoyé spécial, 07-09-1995, 22h07,
« Les commandos de l'écologie ». 1- Ancien
directeur de Greenpeace France : « Ils ne peuvent pas faire dans
la dentelle, ils en sont réduits à un discours de
propagande ». 2- Ancien directeur de Greenpeace Hollande pense
avoir plus agi pour faire de la publicité à Greenpeace que pour
l'environnent. 3- Commentaire : « Greenpeace a des donateurs,
elle n'a pas d'adhérents »
Le reportage relaie, en fait, à l'écran les
travaux de sociologues ayant étudié le milieu de
l'écologie. Leurs études ont permis de se rendre compte que
derrière la proclamation de l'état d'urgence écologique
(cf. les déclarations du « Sommet de la Terre »
à Rio), existent les intérêts sociaux d'associations se
professionnalisant, en quête de légitimité et de
reconnaissance.79(*) Parmi
elles, l'une des plus influentes sur les scènes nationales et sur la
scène internationale : Greenpeace. Cette association est connue
alors pour ses opérations musclées qu'elle a menées contre
les tankers, les baleiniers, les chasseurs de phoques, etc. Elle est aussi
connue en France depuis que les services secrets français ont, en 1985,
coulé deux de ses bateaux à Auckland (Nouvelle Zélande) en
tuant un membre de l'équipage du Rainbow Warrior.
Greenpeace s'était opposée aux essais nucléaires
français dans les îles de l'océan Pacifique. Cet
« accident » n'avait pas suscité de compassion car
les Français estimaient que l'action de l'association s'opposait aux
intérêts de leur pays en matière de défense
nationale. Le nombre d'adhérents avait chuté en 1986, obligeant
l'association à fermer ses locaux de 1987 à 1990.80(*)
Ce reportage s'inscrit donc dans la veine de la
défiance à l'égard des mouvements écologistes que
l'on juge excessifs. Ce ne sont pourtant pas tant les actions, que le
journaliste qualifie de courageuses, qui sont reprochées aux militants.
C'est plutôt la conception du monde que les dirigeants de l'association
véhiculent : à savoir un monde effrayant peuplé de
mensonges. Cette idée est reformulée de différentes
manières au cours du reportage. Même si le commentaire en voix-off
disqualifie les images et tente d'en montrer le côté racoleur,
cela n'empêche pas le journaliste de commencer son reportage avec un
montage des séquences les plus spectaculaires, tournées par les
militants au cours de leurs actions. Cela permet à la foi de tenir en
éveil le téléspectateur et de rappeler l'historique des
combats de
Greenpeace contre les tankers, pour les bébés
phoques, contre les baleiniers ou encore contre les rejets polluants d'usines
chimiques. Les images défilent à l'écran sur une musique
de rock du début des années 1980, scandant le mot
« fire » (feu) à plusieurs reprises.
Envoyé spécial, 07-09-1995, 22h08,
« Les commandos de l'écologie ». 1 - Prise de vue
de la réunion / commentaire : « Impossible de filmer la
réunion. Là s'arrête la transparence. Il ne faut que les
adhérents voient les luttes de pouvoir entre défenseurs de la
planète » 2 - Commentaire : « le tout puissant
directeur de la communication ».
On insiste par la suite et à plusieurs reprises que le
but de l'association est constamment d'effrayer les donateurs potentiels afin
qu'ils soient plus généreux. Un intervenant évoque
l'idée qu'il faut que les donateurs en aient pour leur argent, en voyant
jusqu'où peut aller Greenpeace. Il est dit, au milieu du reportage,
qu'en vertu d'un « principe de précaution »,
récemment introduit et défini en France, « le moindre
doute vaut condamnation » pour Greenpeace. Interrogé à
propos de ce reportage, Bernard Benyamin explique que :
« [...] il y avait une dérive à
l'époque [...], ce qu'on a appelé les « écolo
fachos ». Sous prétexte qu'il y avait un certain nombre de
problèmes de l'environnement, on appliquait les méthodes les
pires, parfois assez fascistes, d'où les « écolo
fachos », qu'il fallait dénoncer. Et on a été
les premiers à dénoncer ce qui n'allait pas mais sans pour autant
mettre en péril la vie d'autres personnes ou à utiliser des
méthodes extrêmement violentes. »81(*)
Envoyé spécial, 07-09-1995, 22h22,
« Les commandos de l'écologie ».
Une mise en images du travail de journalistes. Champ sur
l'action des militants de Greenpeace devant le siège de l'Organisation
des Nations Unies à New York. Contre-champ sur les journalistes
reconnaissables à leurs appareils photographiques et à leurs
caméras.
Le reportage compare ensuite l'organisation de Greenpeace
à une organisation sectaire. Ses dirigeants sont décrits comme
des lobbyistes confirmés et adeptes d'une discrétion coupable
(jugée contraire à la transparence démocratique). Leur
discours se résumerait à une propagande, à des slogans
réducteurs. D'après le reportage, un bon militant de Greenpeace
doit savoir se fondre dans la masse de l'association, afin qu'aucune
personnalité trop forte ne perturbe son fonctionnement et son message.
De nombreux détracteurs de Greenpeace sont interrogés :
entre autres, au début, un ancien directeur de Greenpeace France
démis de ses fonctions récemment, suite à son
désaccord avec les stratégies de Greenpeace ; vers la fin, un
membre fondateur de Greenpeace qui qualifie l'association de « monstre qui
a échappé à son créateur ». On apprend,
de la bouche de l'ancien ministre de l'environnement, Brice Lalonde, que
l'argumentaire officiel de la France contre les baleiniers a été
rédigé par Greenpeace.
Au final, le journaliste reconnaît à demi-mot
les résultats positifs de l'action de Greenpeace pour l'environnement.
Il dénonce cependant l'interventionnisme, l'ingérence et les
modes d'intervention de l'association. Et ce d'autant plus, qu'elle semble
échapper à tout contrôle démocratique ainsi que bien
(trop) souvent à la légalité. Cette association
s'appuierait sur la seule légitimité que lui confère un
impact médiatique fort et entretenu. Bernard Benyamin conclue son
entretien avec Jean-Marie Hosatte, ainsi que l'émission, par cette
phrase : « Derrière Greenpeace, il y a moi, il y a la
fascination des téléspectateurs pour les images chocs ;
Greenpeace a compris depuis vingt cinq ans que l'on est entré dans
l'aire de la communication et l'association s'appuie sur ce quatrième
pouvoir. »
Outre la reconnaissance de la responsabilité des
journalistes, ce reportage constitue un renversement de perspectives pour
Envoyé spécial qui, jusqu'en 1992, traite les
thématiques écologistes pareillement que ceux et celles qui les
défendent, avec le souci de les valoriser et de valoriser, par la
même occasion, l'action du magazine. Ce reportage est l'occasion pour
Envoyé spécial d'entamer résolument un travail de
décontextualisation, c'est-à-dire de séparation des
thématiques écologistes de la sphère militante.
Conséquence directe, en 1995 et 1996, les écologistes
disparaissent quasiment des reportages traitant de thématiques
liées à l'environnement.
B- Les applications de la science en
questions :
Jacqueline Chervin dans son étude sur le Traitement
des thèmes scientifiques dans le journal
télévisé82(*), observe qu'à la fin des années
1970, on parle des sciences à la télévision surtout pour
éviter les mouvements contestataires et notamment les manifestations
antinucléaires. La période suivante, 1975-1985, correspond
à une période d'évaluation des risques. Après 1985,
les perspectives se confondent et les thèmes sur l'environnement
deviennent prédominants. L'aspect revendicatif décroît
tandis que les journaux font un inventaire constant et désordonné
des problèmes liés à l'environnement, des catastrophes
naturelles aux catastrophes industrielles type Tchernobyl. La critique d'un
monde dominé par l'industrie et le commerce, auxquelles les techniques
et les sciences sont indéfectiblement rattachées, devient
persistante.
Les scientifiques, qu'ils soient indistinctement
français ou étrangers, sont amenés à jouer un
rôle actif dans les reportages d'Envoyé spécial.
Pour la France, leur contribution s'affirme surtout à partir de 1992. A
titre d'experts, de même que certains universitaires et naturalistes
proches des écologistes, ils participent à l'élaboration
des normes d'application des lois que l'on a détaillé
précédemment83(*). Présents en tant que responsables,
observateurs et potentiels réparateurs des troubles qu'une application
de leurs recherches à l'industrie a pu causer. Le statut et le
rôle qu'on leur assigne vis à vis de l'environnement sont
complexes. On peut malgré tout, si l'on détaille
l'évolution de leur rôle et statut dans les reportages jusqu'en
1996, en donner un meilleur aperçu.
A- Les scientifiques, défenseurs ou
détracteurs de l'écologie politique ?
En 1990, lors d'une conférence tenue à
Genève, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat
(GIEC), composé en partie de scientifiques, annonce publiquement un
réchauffement assez rapide au cours du prochain demi-siècle, de
l'atmosphère terrestre84(*). Ils apparaissent dès lors comme les moteurs
de la contestation écologistes. Concernant Envoyé
spécial et l'environnement, c'est le journaliste Patrick
Hesters, qui le premier, donne véritablement la parole aux
scientifiques. Ceux-ci n'interviennent pas seulement en tant
qu'intervenants ponctuels comme dans d'autres reportages, mais occupent la
majorité du temps de parole et d'image. Son premier reportage sur
Tchernobyl, faisant suite à celui de François Cornet, a
été fait en partenariat avec la chaîne NHK de Tokyo,
chaîne reconnue internationalement pour la qualité de ses
émissions scientifiques85(*), et propose au téléspectateur de suivre
l'enquête d'un médecin japonais parti faire des mesures de la
radioactivité dans différents secteurs plus ou moins proches de
Tchernobyl. Ses reportages suivants, diffusés en mai 1991 et en mars
1992, sont consacrés l'un à l'effet de Serre et l'autre au trou
dans la couche d'Ozone. Ils rendent compte des différents entre
scientifiques quant aux mesures et aux conséquences éventuelles
de ces phénomènes. Son dernier reportage (pour ce qui concerne
notre corpus) « Sous haute surveillance » diffusé en
mai 1992, est consacré à l'observation par satellite des
phénomènes météorologiques, géologiques, et
forestiers depuis l'espace.
En parallèle, et suite à la rédaction par
Jean Audouze et Jean-Claude Carrière du rapport intitulé
Science et Télévision, remis en 1988 aux ministres de la
Recherche et de la Communication, s'est ouverte une période de
débats sur la place que doivent et peuvent occuper les sciences dans la
programmation télévisuelle. Profitant de la redéfinition
pour la télévision du partage des réseaux hertziens en
1992, Hubert Curien, ministre de la Recherche, encourage la mise en place d'un
magazine scientifique mensuel à la télévision. Une
proposition de la société de production LMK est retenue.
Cependant le 12 octobre 1992, la diffusion du magazine est annulée,
à quelques jours du festival international de l'Audiovisuel Scientifique
de Paris. Hubert Curien, voyant ses efforts anéantis, manifeste son
mécontentement et Hervé Bouygues lui propose, en solution de
rechange, de consacrer une partie de l'émission d'Envoyé
Spécial, une fois par mois à un sujet scientifique. La
tentative tourne court car Paul Nahon ne parvient pas à s'entendre avec
les scientifiques, qui auraient mal accueillis les journalistes et exigé
de pouvoir contrôler le montage des reportages86(*). En 1993, dans la conclusion
de son rapport sur L'avenir de la télévision publique,
déjà cité, Jacques Campet rappelle que parler des sciences
à la télévision doit rester une des priorités du
service public. C'est pourquoi, même si les tentatives officielles
restent sans suite, les journalistes d'Envoyé spécial ne
négligeront pas pour autant de faire appel aux scientifiques.
Cependant, leur tâche se complique à partir de
1992. Car cette année marque la rupture entre une partie importante des
scientifiques et les partisans de l'écologie politique. Le 3 juin 1992,
à la veille du « Sommet de la Terre », est
publié, dans Le Monde et dans d'autres grands quotidiens
à l'étranger, un appel qui sera aussi largement diffusé et
discuté dans la communauté scientifique : l'Appel de
Heidelberg. L'extrait suivant donne les raisons de la rupture
précédemment évoquée :
« Nous adhérons totalement aux objectifs
d'une écologie scientifique axée sur la prise en compte, le
contrôle et la préservation des ressources naturelle. Toutefois,
nous demandons formellement par le présent appel que cette prise en
compte, ce contrôle, cette préservation soient fondée sur
des critères scientifiques et non sur des préjugés
irrationnels »
Cet appel s'insurge contre une confusion qui amène
l'opinion publique à accuser le progrès technique d'être la
cause de nuisances, alors que les responsabilités s'établissent
d'abord au niveau des structures politiques et économiques :
« Les plus grands maux qui menacent notre
planète sont l'ignorance et l'oppression et non pas la science, la
technologie et l'industrie dont les instruments, dans la mesure où ils
sont gérés de façon adéquate, sont des outils
indispensables qui permettent à l'humanité de venir à
bout, par elle-même et pour elle-même, de fléaux tels que la
surpopulation, la faim et les pandémies. »
Les sciences seraient donc la panacée
de déséquilibres écologiques à l'échelle
globale. Ensuite, la remise en question du rôle des scientifiques par
l'écologie politiques est ici associée à une remise en
cause de l'utilité des sciences et à terme, des scientifiques.
Enfin, les scientifiques seraient les seuls capables de proposer aux hommes
politiques et aux responsables économiques les outils adéquats
pour répondre de manière satisfaisante à l'interrogation
des populations et aux défis futurs qu'impose la gestion de
l'environnement. Les scientifiques demandent donc un peu plus que le simple
respect pour leurs recherches, la reconnaissance de facto de la
pertinence de leurs conclusions. Comment, dès lors pour
Envoyé spécial, parvenir à distinguer
l'importance du bénéfice, des implications dangereuses de
l'application des recherches scientifiques vis à vis de
l'environnement et de la vie sur Terre ?
b- Les conséquences du mauvais usage de technologies
jugées obsolètes.
De fin 1992 à 1996, Envoyé spécial
consacre une série de reportages aux applications militaires et
civiles de l'énergie nucléaire dans les pays de l'ex-Union
Soviétique. Deux reportages sont diffusés, à six mois
d'intervalle, sur les sous-marins nucléaires russes en rade dans des
bases navales désaffectées. Le premier, diffusé le 3
décembre 1992 et intitulé « La Grande
Menace », est présenté par Paul Nahon comme
révélateur d'« un drame humain » et
d'« un drame écologique ». Il est
réalisé par deux journalistes russes. L'un d'eux, Serge Kostine,
a écrit, en collaboration avec un amiral, Lev Giltson, un livre, paru
aux éditions Robert Laffont en 1992, sur le sujet. De même que le
livre, le reportage fait état des fuites radioactives qui affectent les
hommes travaillant à bord, et qui risquent, à terme, d'affecter
l'ensemble des mers du globe. Sur les images d'un arsenal rouillant et
abandonné, le commentaire en voix-off se fait imprécateur :
« Regardez, c'est ce qui reste de l'incurie et de
l'ignorance. » Serge Kostine indique qu'il a tourné son
reportage sans autorisation mais que le bilan qu'il a établi
était nécessaire, qu'il fallait le porter à la
connaissance du plus grand nombre.
Le 10 juin 1993 est diffusé un reportage sur les plus
gros sous-marins nucléaires que possède la Russie, alors en fin
de vie. Le propos du reportage, d'une durée de 50 minutes, est
comparable au précédent. Il est seulement plus
détaillé et les prises de vue sont d'une meilleure
qualité. Paul Nahon se rappelle du reportage :
« On voyait les gens prendre les objets
radioactifs à pleine main, [...] on voit tout de suite les
conséquences qui durent pendant des centaines d'années sur
l'environnement. Ça montre l'état des forces militaires,
l'état des forces politiques, l'état d'une
société... »87(*)
Ce reportage sera rediffusé le 29 janvier 1998 dans la
rubrique Post Scriptum88(*) d'Envoyer spécial et le 7
septembre 2000. L'icône du « cimetière de sous-marins
nucléaires », menaçants avant comme après la
fin de l'Union soviétique (décembre 1991), s'impose ainsi dans
l'imaginaire des téléspectateurs, et à terme dans
l'imaginaire collectif. Et ce d'autant plus qu'un reportage tourné en
1992 ou 1993 dans une situation particulière reste apparemment valable
une dizaine d'années plus tard.
Une autre série de reportage est consacrée en
propre aux scientifiques qui ont contribué en leur temps à la
puissance nucléaire russe et qui dans les années 1990, tentent,
avec des moyens dérisoires, d'en endiguer les effets les plus nocifs.
Deux reportages, diffusés le 17 novembre 1994 et le 9 mars 1995,
là encore à quelque mois d'intervalle, intitulés
respectivement « Ignalina, mon amour » (en
référence au titre d'un autre film « Hiroshima, mon
amour ») et « Les portes de l'enfer ». Ces
deux reportages, l'un tourné en Lituanie, l'autre en Sibérie,
montrent l'épuisement d'un personnel scientifique compétent et
dévoué, mais dépité. Les scientifiques sont
décrits comme des héros malgré eux, obligés de
travailler au maintien, tant bien que mal, d'installations vétustes au
péril de leur propre vie. On fait mention, dans les deux reportages, de
la quantité importante de radioactivité à laquelle ils
sont confrontés dans leur environnement de travail. Ce sont aussi des
personnes que l'on présente comme prises à leur propre
piège, puisqu'elles ont souvent contribué activement,
étant jeunes, à l'application de normes techniques propre
à la Russie, en désaccord avec les normes internationales de
sécurité. On y voit encore des ingénieurs physiciens,
assis sur des sièges cassés et inconfortables, manipulant dans
des éprouvettes, sans protection particulière, des produits
qualifiés de dangereux. Un commissaire à l'énergie
atomique intervient, directement dans le cours du premier reportage et suite
à la diffusion du second, pour saluer le courage des scientifiques,
insister sur la l'instabilité accrue des installations liées
à l'énergie nucléaire dans les territoires de l'ex-Union
Soviétique et rappeler la nécessité d'une aide
internationale et européenne.
Selon Anna Bystrova, de l'académie des Sciences de
Russie, bien que la situation écologique de l'ex-Union Soviétique
soit catastrophique, l'écologie n'est pas l'une des priorités
énoncées par les nouveaux dirigeants. Ceux-ci doivent en effet
faire face à la mise en place de nouvelles institutions, aux troubles
sociaux et économiques engendrés par le passage d'une
économie étatiste à une économie plus
libérale, sans parler du réveil de revendications nationalistes.
Dans le même temps, l'état de l'environnement, et en particulier
le niveau des pollutions (eau, air et sol) dans les territoires de l'ex-union
soviétique restent un constant sujet de préoccupation pour les
pays européens. D'où l'importance pour Envoyé
spécial de traiter ou de diffuser des sujets négligés
par les uns, et ignorés par la population des pays européens.
Anna Bystrova propose en outre l'utilisation et la reconversion du potentiel
scientifique dans la remise en état et la protection de
l'environnement89(*). Ses
propositions et ses constats datent de 1991. Cependant, les reportages
diffusés par Envoyé spécial semblent rendre
compte d'une aggravation de la situation écologique au milieu des
années 1990 et d'un enlisement des scientifiques dans leur propre
misère, surtout pour ce qui concerne la Russie.
Envoyé spécial, 25-04-1996, 22h40,
« L'accusé de Tchernobyl », dernières images
du reportage : 1- l'ingénieur et directeur face au sarcophage de
« sa » centrale incendiée ; 2- le même
s'éloignant, dans la rue principale, d'une ville désertée,
Pripiat.
Le traitement médiatique de la catastrophe de
Tchernobyl est un autre sujet de recherche qui se suffirait à
lui-même. Envoyé spécial a diffusé six
reportages au sujet de l'événement et de ses conséquences,
de 1990 à 1996. C'est un événement qui a d'abord
marqué la mémoire de Paul Nahon et Bernard Benyamin90(*). Au fur et à mesure des
reportages, le téléspectateur découvre l'étendue
géographique des retombées du nuage radioactif formé lors
de l'incendie de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986. De même
que les journalistes, il découvre aussi l'ampleur des problèmes
sanitaires (leucémies, cancers, malformations à la naissance) et
des troubles psychologiques (abandon précipité d'une maison
familiale, des personnes âgées dans une zone sinistrée ou
rupture obligée avec des traditions) auxquelles les populations les plus
touchées sont confrontées, et surtout, évidemment, les
habitants évacués dans un rayon de 30 km autour de la centrale.
Le spectaculaire de l'événement laisse vite place, dans la
série des reportages, au désarroi des populations
abandonnées à leur propre sort et se mobilisant petit à
petit. En 1995, le gouvernement de Kiev annonce la fermeture des deux
réacteurs, du même type que celui de la centrale incendiée,
encore en activité sur le site de Tchernobyl. Le 25 avril 1996,
l'émission d'Envoyé spécial fait un bilan qui
clôt définitivement la série des reportages
consacrés aux pays que l'on dit alors d'Europe Centrale et Orientale.
Dans cette émission, le montage des reportages diffusés depuis
1990, intitulé « Tchernobyl, 10 ans après »,
précède une interview du directeur de la centrale tout juste
sorti de prison, après avoir été condamné, en 1986,
à dix années de détention. Son dernier mot est celui d'une
longue série de reportages : « Personne n'était
préparé, aujourd'huis, non plus, personne n'est
préparé. »
A partir de 1995, le processus d'élargissement de
l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale est
engagé. Depuis 1989, la Communauté européenne, par
l'intermédiaire notamment des Etats membres qui la composent, dont la
France, est en étroite relation avec ces pays. Ceux-ci ont ainsi pu
bénéficier de divers programmes de coopération,
renforcés un peu plus chaque année. A partir de 1995, il n'y a
plus lieu pour Envoyé spécial de s'inquiéter de
l'abandon de ces pays. La rediffusion de reportages au sujet de ces pays permet
néanmoins pour les téléspectateurs réguliers de se
remémorer, et pour Paul Nahon et Bernard Benyamin, de montrer une
nouvelle fois la fragilité de ces pays aux nouvelles
générations de téléspectateurs ou à ceux qui
n'auraient pas vu les reportages lors de leur première diffusion. Dans
les faits, le tournage de reportages est aussi rendu plus difficile à
cause du ressaisissement de ces pays. Ces derniers reprennent rapidement le
contrôle de leur image à l'étranger. Pour exemple, une loi
instaurée au milieu des années 1990 en Russie interdit de
communiquer sur le délabrement des bases navales. Lors d'une rediffusion
en 1998, Gilles Rabine indique que certains intervenants de son reportage
« Octobre Rouge » ont été traduits en justice
pour cause de trahison, et qu'un réalisateur qui s'aventurerait
là-bas pourrait très vite être accusé d'espionnage.
Les scientifiques, employés dans la recherche ou
l'ingénierie, apparaissent, au final, vulnérables et
dépendants des choix d'une administration aux méthodes (absence
de plan d'urgence) ou aux objectifs contestables (l'enrichissement de l'uranium
en vue de la fabrication de bombes atomiques pour « Les portes de
l'enfer »). On insiste beaucoup au cours de ces reportages sur la
vanité des efforts des scientifiques : ils se seraient investis
pendant cinquante ans pour le régime communiste avec en contrepartie le
sentiment d'avoir contribué à leur propre anéantissement.
La politique nucléaire de l'Union Soviétique semble être,
dans Envoyé spécial, la parabole de la perte de sens du
progrès technique mal maîtrisé.
Cet ensemble de reportages n'est donc pas pour rassurer la
population française. Jean Gimpel publiait déjà en 1992,
un livre aux éditions du Seuil intitulé La fin de
l'avenir. Il voyait dans l'écologie politique un gage de
scepticisme propre à une nation vieillie et conservatrice,
parcequ'inquiète vis à vis de l'avenir. Quatre ans plus tard, le
20 août 1996, le journal Le Monde publie une somme d'articles
dans sa rubrique « Horizons » autour du
thème : « Le progrès, une idée
morte ? ». On y parle de l'incertitude et d'une angoisse latente
dont seuls les écologistes auraient été
véritablement conscients. « La confiance dans l'avenir s'est
muée en perplexité, voire en désenchantement »,
écrit Thomas Ferenczi.91(*) Remarquons enfin que les journalistes utilisent le
prisme de l'écologie pour analyser la chute de l'Union
Soviétique. Ils associent la décadence d'un idéal
communiste au délabrement de l'environnement. L'impossibilité ou
les possibilités de son amélioration sont donc
révélatrices de l'état d'une société, d'un
système politique ou économique.
Fort de cet enseignement, les journalistes
réinvestissent à partir de 1995, l'hexagone au sein duquel de
nouvelles controverses se préparent. Les scientifiques interviennent,
cette fois encore, dans les reportages de Envoyé
spécial, non plus en tant qu'acteurs, mais à
présent en tant qu'experts au service d'un Etat, d'une administration ou
des citoyens. Les problèmes liés à environnement, de
globaux et lointains qu'ils paraissaient, acquièrent soudain une
réalité plus palpable et quotidienne, préalable d'un
retour à l'écologie politique, mais à une écologie
politique différente de celle du début des années 1990.
Chapitre 4 :
L'environnement devient
un enjeu de santé publique.
(1995-1997)
A- Problèmes d'environnement : retour en
France
Au début des années 1990,
l'environnement était appréhendé d'une manière
assez floue entre « cadre de vie »,
« nature » et « humanitaire », tous ces
termes étant liés à l'écologie politique. Du fait
de l'instauration de lois envisageant une gestion de l'environnement et de la
remise en cause d'un discours écologiste extrême, les vocables
écologistes perdent leur pertinence au profits de vocables tenus pas les
experts, plus proches d'une écologie scientifique. Tous deux parlent
d'une même réalité, mais de manière
différente. Les uns accusent, leurs preuves correspondent à une
dénonciation. Les autres observent et fondent leurs conclusions sur des
critères vérifiables. Tous deux apportent donc des preuves de
nature différentes. Voyons ce que le regard des experts, a priori
plus convaincant, change dans le traitement de l'environnement par
Envoyé spécial ?
a- L'appréhension nouvelle de la pollution
atmosphérique.
Le 16 janvier 1992, suite à deux
reportages l'un tourné à Soumgaït (Azerbaïdjan),
l'autre à Komchamica (Roumanie), Envoyé spécial
achève un cycle de reportages sur les sites industriels les plus
pollués de l'ex-Union Soviétique avec la diffusion d'un reportage
tourné à Katowice (Pologne). Envoyé spécial
fête alors son deuxième anniversaire et sa 80e
émission. La diffusion d'un reportage, par son propos, comparable
à celui diffusé deux ans auparavant, n'est pas anodine. C'est une
preuve pour le téléspectateur de la continuité et du
maintien de convictions partagées par Paul Nahon et Bernard Benyamin. Le
reportage commence par l'alternance de plans établissant un lien de
cause à effet entre d'un côté un accouchement difficile et
de l'autre un nuage de fumée envahissant l'écran par
intermittence. Plus tard dans le reportage, un médecin démontre
que les rejets du complexe sidérurgique, encore en fonction, affectent
le corps humain. Il a amassé depuis deux ans les photos d'enfants mal
formés, dont il assure que le nombre augmente chaque année. Une
autre séquence, dans un hôpital, montre plusieurs dizaines
d'enfants dont le système nerveux a été atteint suite
à une ingérence de plomb et de césium. Ils sont
couchés dans des lits et paralysés. Enfin, alors que des plans
subjectifs montrent les usines qui défilent à travers les vitres
d'un tramway, un homme de passage dit : « Toute la gamme de ce
qui peut polluer, on fera de nous des
dégénérés ! ». L'asphyxie des
populations locales est donc visible ; elle est fortement liée
à la présence d'usines.
Le 19 mars 1992, Envoyé spécial diffuse
un reportage sur la circulation automobile autour de Paris, appelé
« Paris phérique ». Si la présentation du
reportage (« Comment vivent tous ces gens ? Comment vit-on dans
cet enfer ?») laisse présager un propos virulent, il est
finalement plutôt question de faire le portrait du conducteur type (le
journaliste parle d'un « homopériphéricus »)
qui ne se soucie pas, s'habitue à l'encombrement des voies
d'accès à la capitale et éprouve un certain sentiment de
liberté (à l'inverse des transports en commun, il peut
écouter sa musique, il a de l'espace et peut fumer). Les riverains du
périphérique sont partagés quant à eux. D'un
côté, il y a ceux qui ne supportent pas le bruit. On voit un
professeur d'école se lever le matin et enlever les couvertures qu'il
accroche tous les soirs à ses fenêtres et qui lui servent
d'isolants acoustiques. D'un autre côté, il y a ceux qui s'en
accommodent et profitent du spectacle des voitures. Ainsi une vieille dame
trouve que la nuit, le périphérique ressemble à un sapin
de Noël. En bruit de fond, on entend des extraits de radios très
écoutées, Fip et Europe 1. Il n'y a pas une volonté, de
la part du journaliste, de dramatiser : le trafic automobile semble donc
surtout distrayant et les mécontents sont apparentés à des
« râleurs ».
Envoyé spécial, 19-01-1995, 21h04,
« A bout de souffle », avant l'affichage du titre, 1- ville
de Paris (bruit sourd) ; 2- le périphérique apparaît
au loin (timbales et ronronnement des moteurs ; 3- vue sur le
périphérique, les voitures roulant au pas croisent un RER
circulant sans encombre.
En 1995, tout change. Le 19 janvier 1995, Paul Nahon introduit
le reportage « A bout de souffle » en déclarant
qu'un lien existe désormais entre pollution de l'air et problèmes
respiratoires (lien formellement établi par des scientifiques à
Paris lors des pics de chaleur de l'été 1994). Or, selon les
statistiques, de 1992 à 1998, on a d'autant plus tendance à
trouver mauvais l'état de l'environnement que l'on parle de territoires
vastes et éloignés (depuis sa région jusqu'au monde
entier)92(*). Le reportage
va donc, en 1995, à l'encontre d'un avis plutôt favorable de la
population vis à vis de son propre environnement. Nous avons pu en
rendre compte par l'analyse de la séquence/clip diffusée le 30
décembre 1991, de même que par celle de la série des
reportages dans l'ex-Union Soviétique. Rappelons encore que 75% de la
population française est urbaine dans les années 1990. Autrement
dit, l'ensemble de la population française est concerné,
même si cela ne veut pas dire que tous les français se sentent
concernés (cf. statistique précédente).
Envoyé spécial, 19-01-1995, 21h06,
« A bout de souffle », alternance de plan sur pot
d'échappement avec bruit de moteur et enfants à l'arrière
d'une voiture (image d'un enfant prisonnier ou victime du mode de transport de
ses parents ?) ou derrière un vélo (image d'un adulte
conscient ou inconscient des risques encourus par lui et son enfant ? /
concurrence vélo- voiture sur l'axe de circulation).
Le reportage « A bout de souffle »
commence par un plan général et aérien sur les toits de
Paris au petit matin. Une musique sourde se fait entendre, des timbales
retentissent, tandis que soudainement apparaît à l'écran un
flot incessant de voitures, cadrées en plans serrés. Le
commentaire indique que « chaque matin, 1,6 millions de
véhicules entrent dans Paris », en renforçant ainsi
l'impression d'un envahissement. Les plans rapprochés et les gros plans
se multiplient donnant à voir une mer de véhicules au milieu
desquelles surnagent les corps de coureurs, de cyclistes ou de passants
attendant devant un passage piéton et observant le flot incessant des
voitures. Enfin, les gros plans sur la fumée noire des pots
d'échappements s'intercalent avec les prises de vue d'un marathon ou de
bébés dans leur poussette. Tandis que le commentaire indique
qu'il est désormais fort déconseillé de promener son
enfant en poussette, et que « certains jours, courir peut avoir des
conséquences mortelles».
Soudain, Paris devient une ville asphyxiée comparable
à Katowice. Une séquence longue se passe dans un hôpital
dans lequel on voit des enfants souffrir de problèmes respiratoires.
Puis le reportage se focalise sur le cas d'un enfant obligé de vivre
dans un refuge aéré à la montagne, à 900 km de sa
famille. L'enfant dit que, lors des pics de pollution, en période de
forte chaleur, il sent qu'il étouffe. Le reportage se conclue sur ces
quelques mots : « Dans toutes les villes de France, il y a trop
de voitures. [...] Les docteurs ont déjà lancé un
cri d'alarme, la santé de nos enfants est menacée. »
Josée Blanc Lapierre, lors de son entretien avec Paul
Nahon, désigne l'accusé principal de cette pollution : le
véhicule particulier (la « voiture ») et non pas les
industriels (« qui ont fait des efforts »). Elle rappelle
qu'un trajet sur deux fait moins de 3 km. Selon elle, les personnes n'utilisent
pas assez les autres moyens de transports mis à leur disposition tels
que les transports en commun (Tramway à Grenoble) et les modes de
transport propres (vélos à la Rochelle). Elle estime aussi qu'il
faut enfin améliorer la qualité de l'essence. Ce reportage sera
rediffusé le 6 avril 2000, confirmant qu'un changement des comportements
de chacun s'impose.
Ceci étant dit, ce reportage marque un tournant dans la
perception par les Français de leur environnement et de leur
responsabilité individuelle vis à vis de celui-ci. L'image type
de la pollution industrielle cède la place à
l'amélioration nécessaire du comportement et des pratiques
citadines. Avec la question des déchets, ce changement de perception
était déjà amorcé. Avec les conséquences
sanitaires de la pollution atmosphérique, la gestion de l'environnement
participe désormais pleinement de l'amélioration des conditions
de vie, au même titre que la sécurité en ville.
b- Mobilisation et prévention.
En conclusion de son livre, Climat sous surveillance,
Philippe Roqueplo nous renseigne sur la difficulté pour toute personne
de se rendre compte, en ouvrant les volets le matin, d'un éventuel
changement du climat. Il en est de même pour la pollution
atmosphérique. Dans le reportage « A bout de
souffle », différents moyens sont utilisés pour essayer
de mettre en image une pollution a priori invisible. A priori,
car dès les premières images, les plans rapprochés
montrent des pots d'échappement laissant échapper des
fumées noires, signes tangibles d'une émanation toxique. Ces gaz
d'échappement sont mis en parallèle avec le résultat d'une
expérience (cf. images p. 74) : un professeur montre au
téléspectateur des filtres qui recueillent l'équivalent,
en poussières et gaz, de ce qui se dépose dans les
alvéoles pulmonaires d'un parisien pour un temps donné. Le
brouillard matinal et la grisaille du ciel parisien sont aussi donnés
comme des indicateurs (comparable au smog londonien). Les données des
organismes contrôlant la qualité de l'air sont aussi
utilisées, on montre au téléspectateur des cartes et
graphiques avec des zones en rouge (couleur du danger). Ces derniers
indicateurs n'apparaissaient pas (ou très rarement) au début des
années 1990 : les intervenants se contentaient
d'énumérer des produits chimiques, ils les comparaient à
des poisons sans véritables preuves. La nouveauté, ce sont les
expériences et les études menées pour s'assurer des effets
de l'environnement sur la santé, que l'on essaie de montrer (alors
qu'auparavant ces études étaient assez vaguement
évoquées). Enfin, la séquence dans l'hôpital avec
les enfants atteints de problèmes respiratoires permet de montrer les
effets sur la santé de la pollution atmosphérique. D'après
les médecins interrogés dans le reportage, ils ne sont que
potentiels (on parle d'aggravation des difficultés respiratoires pour
les personnes prédisposées). Mais lorsqu'ils sont repris dans le
commentaire, en voix-off, on insiste sur le nombre de décès et on
élude le concept de prédisposition.
Envoyé spécial, 19-01-1995, 21h17,
« A bout de souffle », un scientifique montre
l'installation sur un toit de Paris permettant de savoir ce qu'un homme
respire. 1- présentation de l'installation, 2- le filtre blanc avant
l'expérience, 3- le filtre noir après l'expérience(couleur
liée à la concen- tration des poussières dans
l'atmo-sphère en milieu urbain).
Dans les faits, de nombreuses études, menées
notamment aux Etats-Unis, confirment que les facteurs environnementaux sont
à l'origine d'une croissance de certains problèmes de
santé, des petits troubles respiratoires jusqu'aux cancers, d'avantage
que les facteurs génétiques. Ainsi et entre autres, le Center
of Disease Control (Etats-Unis) indique une augmentation, entre 1982 et
1992, de 52% du nombre de personnes asthmatiques et de la mortalité
associée qui apparaît liée à l'environnement. En
Europe, le lien entre la pollution chimique liée au transport et la
santé est effectué en 199493(*). Mais les scientifiques Français, soucieux de
ne pas affoler les populations et de ne pas jouer les oiseaux de mauvais
augure, sont souvent très tempérés dans les reportages.
Ils expliquent que les données sont encore à vérifier,
qu'on ne peut tirer de conclusions trop hâtives.
Le magazine est donc amené à optimiser le
statut de « connaissances molles » sur l'environnement afin
de pouvoir fonder la prise de « décisions
dures »94(*).
C'est ce que l'on peut conclure des propos tenus pat José Blanc Lapierre
après la diffusion de son reportage. Son reportage mobilise
déjà toutes les ressources dont on peut disposer, à savoir
un stock de connaissances et d'événements. Le passage de la
mobilisation à optimisation des ressources disponibles s'effectue par la
recherche d'exemples, et surtout, par le choix de moyens esthétiques et
rhétoriques qui puissent rendre les exemples significatifs.
Conformément aux intentions de Paul Nahon et Bernard Benyamin, les
téléspectateurs, qui ne seraient pas encore informés, le
sont. Mais ce n'est pas tout. Les recommandations explicites de José
Blanc Lapierre et celles implicites contenues dans les images, incitent les
téléspectateurs à adopter un autre comportement.
Cette tendance se renforce au fur et à mesure des
années 1995 et 1996. D'autant plus que se discute, à l'initiative
de Corinne Lepage, Ministre de l'environnement du gouvernement Juppé,
une « loi sur l'air ». Cette loi instaure notamment
l'obligation de se doter d'un pot catalytique et l'obligation de trouver des
substituts au diesel (car c'est le carburant qui produit le plus de particules
en suspension dans l'air). La loi est adoptée en dépit de
très fortes pressions de la part des industriels95(*). Dans un tel contexte, les
reportages suivants sur la pollution atmosphériques, ainsi que d'autres
présentant l'environnement comme facteur de risque, s'apparentent (de
nouveau mais différemment) à une mobilisation citoyenne, ainsi
qu'à une campagne de prévention sanitaire.
B- Le « principe de précaution »
à l'écran.
Au cours de l'entretien suivant la diffusion du reportage
« Octobre rouge » le 10 juin 1993, le commandant
français du sous-marin L'inflexible fait mention d'une
« culture de sûreté » qui serait propre aux
Français. Le « manque de culture de
sûreté » est encore formulé comme un reproche
dans le reportage « Ignalina, mon amour » diffusé le
27 novembre 1994. Enfin, Hervé Bernard, commissaire à
l'énergie atomique, parle d'une « culture de
sûreté » différente après la diffusion du
reportage « Les portes de l'enfer » le 9 mars 1995. Cette
« culture de sûreté » est à chaque fois
rattachée à un domaine précis, à savoir la
maîtrise des effets sur l'environnement de l'utilisation de
l'énergie nucléaire. Plus largement, cette expression rend compte
d'une relative assurance, d'une confiance dans les installations
françaises, de divers responsables et administrateurs, civils ou
militaires. En 1999, l'Institut français de l'environnement (IFEN)
conclue encore son état des lieux par ce propos rassurant :
« Notre pays semble moins vulnérable que ses voisins aux
catastrophes naturelles et technologiques »96(*).
L'Etat, qui s'est doté, au cours des années 1980
et 1990, d'un arsenal juridique pour mieux contrôler les effets de
l'activité humaine sur son environnement, croit donc, jusqu'en 1999,
maîtriser ces effets. L'instauration du « principe de
précaution », inscrit dans la loi du 2 février 1995 relative
à la protection de l'environnement, correspond, dans l'esprit du
gouvernement et de la haute administration, à l'amélioration
nécessaire mais marginale d'un système de protection qui
fonctionnerait déjà plutôt bien. Cette loi
précise : « En l'absence de certitude, compte tenu de
l'état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la
menace d'atteintes graves et irréversibles doit conduire à
l'adoption de mesures proportionnées à un coût
économiquement supportable. »97(*) Reste à identifier les « atteintes
graves et irréversibles », et à les considérer
comme des « menaces ». Ceci n'est pas une tâche
facile étant donné la faible propension des pouvoirs publics (cf.
la « culture de sûreté ») et des scientifiques
dans leur ensemble (cf. la tempérance de leurs propos) à
reconnaître la gravité d'une situation. Pour s'en rendre compte et
rendre compte de l'action du magazine Envoyé spécial,
voyons le cas de l'amiante.
a- Pollution domestique et enjeux politiques.
Le premier reportage consacré aux substances toxiques
dans l'espace domestique est diffusé le 12 janvier 1995. En 1985, le
transformateur d'un immeuble de Reims brûle, les pompiers interviennent
sans protection particulière et les habitants de l'immeuble
réintègrent peu après leur appartement. Or le
transformateur contient du pyralène, substance utilisée dans les
années 1960 et 1970. Trois mois après l'incident, les habitants
doivent quitter leur appartement tandis que leurs meubles sont
évacués par des hommes en combinaison blanche.
L'étonnement et l'inquiétude des premiers temps se sont
transformés en colère face à une administration incapable
de les informer sur les risques qu'ils ont pu encourir. En 1986, une directive
européenne a interdit la production de pyralène. La France s'est
engagé en 1992 à détruire d'ici l'an 2000 les quelques
50 000 transformateurs de ce type encore en circulation.
Or de nombreuses entreprises possèdent des
transformateurs de la sorte sans toujours le savoir. Outre les risques encourus
en cas d'accident, les condensateurs, radiateurs et
l'électroménager contenants du pyralène sont souvent
envoyés chez le ferrailleur ou jetés dans une décharge
(contribuant lors de leur désagrégation à la pollution de
la terre et des eaux de ruissellement). Ce reportage met en évidence
plusieurs carences de l'Etat : un défaut flagrant d'information des
populations, le caractère dissuasif de la démarche à
entreprendre pour se débarrasser d'un appareil contenant du
pyralène (il en coûte 1000 Francs au particulier qui doit
contacter la DRIR ou la préfecture), l'absence de questionnement vis
à vis de l'usage toujours plus répandu et de la toxicité
de nouvelles substances chimiques.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h02,
« Amiante, 50 ans de mensonge », au début du
reportage : montage-cut de diverses épitaphes servant à
montrer le cynisme de l'usine Eternit (fabricant d'amiante) qui a
« sacrifié » (le mot est de George Golberine) ses
ouvriers.
Le 28 septembre 1995, un autre reportage est diffusé
à propos d'un produit dont on va entendre parler beaucoup plus
longuement et qui va marquer l'esprit des Français : l'amiante.
L'amiante est matériau de construction des années 1960 et 1970
employé un peu partout des écoles aux immeubles, des
entrepôts aux maisons individuelles. Au cours de l'introduction du
reportage, Bernard Benyamin avance des estimations propres à faire
paniquer : d'après lui et le pneumologue
interrogé au cours du reportage, si aujourd'huis de
2000 à 3000 personnes meurent chaque années des suite d'un cancer
provoqué par l'ingestion d'amiante, on pourrait passer, après
l'an 2000, à 10 000 personnes par an (plus que les accidents de la
route, précise-t-on dans le reportage). Le reportage a
nécessité huit mois d'enquête, ajoute Bernard Benyamin.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h07,
« Amiante, 50 ans de mensonge », image extraite d'un
débat télévisé. Jean-François Girard,
Directeur Général de la Santé, affirme qu'il n'existe que
des mésothéliomes professionnels et que le
mésothéliome environnemental n'existe pas. On entend, des hommes
placés hors champ autour de lui, hurler : « c'est
faux , c'est faux ! »
Le problème n'est pas récent, il date des
années 1970. Georges Golberine, rédacteur en chef de la revue
Sciences et Avenir et auteur du reportage, a recensé 4222
études scientifiques, depuis les années 1970, confirmant que
l'amiante est un produit toxique et cancérigène. Le défi
pour le journaliste est de faire reconnaître aux autorités
publiques qu'il existe un mésothéliome (cancer dû à
l'amiante) environnemental à côté du
mésothéliome professionnel (reconnu quant à lui par le
Ministère de la santé). L'ouverture du reportage débute
ainsi sur les images d'un enseignant alité, décédé
peu après les pises de vue, qui dit avoir ressenti les symptômes
bien après avoir été mis en contact avec l'amiante.
De nouveau se pose le problème de l'information des
intéressés, à commencer par un ancien ouvrier qui dit
n'avoir jamais été mis au courant des risques qu'il encourait. On
voit en effet les images d'ouvriers manipulant l'amiante sans protection
(images d'archives et images récentes). Au dilemme emploi/santé,
Georges Golberine oppose les cas de l'Italie et de l'Allemagne qui ont interdit
l'utilisation de l'amiante et l'ont remplacé par d'autres
matériaux. L'ensemble du reportage est enfin articulée autour de
l'histoire d'un homme ayant un peu plus de 30 ans et boucher de profession. Le
téléspectateur apprend que lorsque cet homme était plus
jeune, il jouait dans le jardin de ses voisins. La mère de ce voisin
secouait souvent les habits du père qui travaillait alors à
l'usine fabricant l'amiante. C'est là qu'il aurait ingéré
l'amiante, cause de sa maladie quelque vingt années plus tard. Le
téléspectateur voit décliner la santé de cet homme
tout au long du reportage. A la fin du reportage, écrit en blanc sur
fond noir, on apprend que l'homme est mort avant que le reportage ne soit
diffusé.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h05,
« Amiante, 50 ans de mensonge », image extraite de la
séquence sur le plateau d'Envoyé spécial,
après la diffusion du premier reportage, « Mortel
Amiante ». La Ministre de la Santé invite les personnes
atteintes du mésothéliome environnementale à saisir la
justice afin que leur mal soit reconnu et indemnisé.
A la suite du reportage, interviennent tour à tour, le
ministre de la santé Elisabeth Hubert et l'auteur du reportage, Georges
Golberine. Elisabeth Hubert rappelle qu'il existe une législation et une
réglementation auxquelles doit se conformer le milieu professionnel.
Elle promet des inspections renforcées dans les usines. Concernant les
établissements publics, un dossier est en cours depuis mai 1995 et
devrait aboutir à une sanction pénale d'ici fin 1999. Enfin
concernant l'usage domestique, un rapport a été commandé
à l'Inserm avec des résultats attendus pour 1996. Georges
Golberine, insatisfait des réponses apportées au problème
qu'il pose, s'insurge contre la lenteur de toutes ces démarches
administratives alors que l'urgence lui semble absolue. Emu par le fait que les
personnes qu'il a interrogées, soient mortes avant la diffusion du
reportage, Georges Golberine demande une interdiction immédiate de la
production et de l'usage de l'amiante.
Il semble que ce reportage ait eu un impact
significatif ; d'autant plus que la presse s'empare de cette affaire alors
que Georges Golberine fait paraître, dans la revue Sciences et
Avenir du mois d'octobre 1995, un dossier sur la présence d'amiante
dans les lycées. Pour se convaincre de l'impact de ce reportage, voyons
ce que le sénateur Henri Révol écrit en 1996, de
l'évolution du rapport intitulé « L'amiante dans
l'environnement de l'homme : ses conséquences et son
avenir ». Dans l'introduction de ce rapport, il explique que l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a
été saisi d'une demande d'étude par le Bureau de
l'Assemblée Nationale à partir du 21 juin 1995. L'Office
parlementaire rencontre des problèmes d'organisation interne qui
empêchent la mise en place rapide d'une commission. Autrement dit, au
mois de septembre, le groupe chargé de traiter ces problèmes
commence à peine à travailler. Le sénateur Henri
Révol précise que le travail de cette commission
« s'est inscrit dans un contexte un peu particulier et
controversé, celui de savoir s'il fallait ou non interdire
l'amiante » et alors que la commission « n'en était
qu'au préliminaires de son étude, la décision d'interdire
l'amiante a été prise le 3 juillet 1996 ». Cette
décision a été prise par Jacques Barrot, nouveau Ministre
des Affaires Sociales, échaudé par l' « affaire du sang
contaminé », annonçant l'interdiction de la
fabrication, de l'importation et de la mise en vente de produits contenant de
l'amiante à compter du 1er janvier 1997. Il n'est pas anodin
de remarquer que le nom de Georges Golberine est inscrit dans la liste de ceux
qui se sont exprimés devant le groupe de parlementaires en charge du
dossier.
Cela n'empêche pas George Golberine de préparer
durant ce temps un autre reportage intitulé « Amiante, 50 ans
de mensonges ». Et tandis que le sénateur Henri Révol
salue dans son rapport la prise de conscience salvatrice du gouvernement
Juppé, éconduit lors des législatives anticipées de
1997, George Golberine met à jour un scandale dans lequel de nombreux
ministères ont été impliqués. En effet, des
membres de ces ministères s'étaient associés
officiellement à des industriels de l'amiante et à des
scientifiques pour créer un bureau, dans les années 1980, qui
permette de défendre les intérêts de l'amiante. Bernard
Kouchner (en tant qu'ancien ministre de la Santé) et Brice Lalonde (en
tant que ministre de l'environnement) déclarent ignorer tout de cette
affaire. L'incapacité et les limites de la gestion par l'Etat d'un
problème, pourtant connu depuis les années 1970 et mis au jour
dès 1975, sont donc prouvées.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h25,
« Amiante, 50 ans de mensonge », la locataire d'une maison,
appartenant à Domofrance, dit qu'il n'y a pas de danger. La preuve, elle
s'en est débarrassée avec son mari (parcequ'elle trouvait le
matériau inesthétique) il y a longtemps et elle n'est pas
tombée malade. Ce que la presse raconte, c'est du vent.
George Golberine retrace aussi les étapes des
débats qui ont suivi la diffusion du reportage. Elisabeth Hubert avait
appelé sur le plateau d'Envoyé spécial les
victimes de l'amiante à se constituer en associations, ce qu'ils font en
1996. Le reportage est donc l'occasion de rassembler une galerie des portraits
de victimes. Georges Golberine décline encore la liste de toutes les
précautions à prendre afin de se débarrasser de l'amiante.
A cet effet, il va notamment voir le responsable de Domofrance ayant
proposé à ceux qui le voulaient des travaux de
désamiantage (à leur frais). Pour lui, l'amiante n'est qu'une
menace psychologique : il estime donc avoir fait une opération de
communication plutôt qu'une opération de santé publique.
George Golberine, lors de son entretien avec Paul Nahon, revient sur le dossier
de l'Inserm remis à Jacques Barrot en juillet 1996. Il lui reproche son
manque de clarté à propos de l'estimation des doses mortelles
d'amiante. Et au final, en dépit de la campagne de presse que cette
affaire a suscité, George Golberine s'inquiète du fait que les
personnes ne fassent pas plus le lien entre l'amiante et la maladie.
Remarquons, pour terminer, que ce lien n'est
évident pour personne. Un article paru dans le journal Le Monde
du 17 juin 1997, rend compte de l'émergence d'une nouvelle discipline,
la « santé environnementale » introduite par le
rapport, rendu public la veille, de l'Institut National de l'environnement
industriel et des risques (Ineris). Pour cet institut, si les problèmes
de toxicité aiguë sont en passe d'être
maîtrisés, ce qui les inquiète, ce sont plutôt les
effets sur la santé d'une toxicité chronique, provoquée
par de faibles doses d'exposition répétée dans le temps.
Etant donné la difficulté de mettre en évidence cette
toxicité au long cours, vue la complexité des substances
incriminées, l'Ineris admet, le 16 juin 1997, que
« L'affirmation d'une relation de cause à effet, prête a
discussion voire à spéculation. ». Pendant ce temps,
les journalistes et Envoyé spécial essaient, dans la
limite de leurs moyens d'appliquer l'adage « Mieux vaux
prévenir que guérir ».
b- Une pédagogie du risque ?
Pour les hommes politique, selon André Ashiéri,
un problème est dit de « santé publique »
quand son importance et sa visibilité dépassent l'évidence
de la sphère de l'événement individuel. Le
pyralène, l'amiante, la « vache folle », ou encore
le « sang contaminé, incitent les administrateurs et les
universitaires à créer, en 1999, le concept de
« sécurité sanitaire environnementale ». Ceci
afin de répondre, selon une logique pluridisciplinaire, à la
multiplication des sources d'exposition et de contamination de l'homme par son
environnement98(*). La
mise en évidence des risques sanitaires liés à
l'environnement n'est cependant pas une nouveauté. La fin du XIXe
siècle a vu se développer, avec le mouvement hygiéniste,
de nombreuses règles portant sur l'alimentation en eau, l'habitat
insalubre et les établissements dangereux et incommodes. La
nouveauté, c'est la mise en évidence et surtout la reconnaissance
officielle de l'impact retardé sur la santé humaine de
l'imprégnation des milieux par des substances toxiques issues de
l'activité industrielle et des matériaux employés au
quotidien dans les années 1970 et 198099(*).
C'est pourquoi, nous avons pu dire que les reportages
associent mobilisation citoyenne et prévention sanitaire. Car sans
mobilisation de la population et des médias, les risques sanitaires sont
difficilement reconnus par les autorités. Pour le comprendre, faisons un
détour par la mise en place des administrations locales chargées
de l'environnement. Au début des années 1990, de nombreuses
municipalités sont tentées de rebaptiser
« environnement » le bureau municipal de l'hygiène.
En effet, ce dernier a souvent été chargé de recueillir et
traiter les plaintes du voisinage. Autrefois basé sur la
salubrité publique, ce service voit élargir ses
compétences mais sur une base pas toujours compatible avec l'approche
environnementale. Par conséquence se pose rapidement le problème
de la (re)qualification des personnels. L'efficacité des bureaux
municipaux chargés de s'occuper de l'environnement, s'en ressent dans un
premier temps.
Or, d'un autre côté, les nouvelles lois
amènent à considérer l'environnement comme un
problème de santé publique. Et un tel problème
relève de l'Etat, au niveau local, du préfet. Il y a donc une
interférence, voire une incohérence entre les différents
échelons de compétence : ainsi le préfet de Loire
Atlantique a pu casser un arrêté de lutte contre le bruit pris par
le maire de Nantes pour abus de pouvoir100(*). La structure municipale, ne pouvant jouer un
rôle moteur, en est souvent réduite à jouer le rôle
de « bureau des plaintes ». Le premier reportage sur le
pyralène en rend compte, en mettant en cause l'incapacité de la
municipalité de Reims à prendre des mesures efficaces. Cette
situation dure au moins jusqu'au milieu des années 1990, le temps que la
loi du 6 février 1992 sur la décentralisation (des
compétences et responsabilités) fasse ses effets. Nous allons
voir qu'à partir de 1997, les municipalités réussissent
à prendre de plus en plus d'initiatives, en matière
d'environnement, au niveau local.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h13,
« Amiante, 50 ans de mensonge » Le journaliste a
ramassé un bout d'amiante qu'il effrite. On voit les bouts d'amiante
s'envoler dans le vent. Il montre ici les défaillance d'une
décharge sensée être aux normes (l'amiante devrait
être enfouie sous la terre) et les risques encourus par les personnes
résidant ou se promenant autour de la décharge.
En attendant, le journaliste assume en 1995 et 1996, un
rôle d'évaluation publique de l'état de l'environnement,
rôle que ne peut assumer la commune à l'échelon local et
que les experts assument au niveau de l'Etat. Il permet véritablement de
faire le lien, de jouer le médiateur entre la population et les pouvoirs
publics. Le cas de l'amiante est particulièrement exemplaire à ce
titre. Le journaliste par l'intermédiaire du reportage qu'il
réalise, donne à la population une capacité de se
mobiliser. Le journaliste peut aussi l'accompagner si elle est capable de se
mobiliser, en mettant à sa disposition des instruments
d'évaluation. La pollution atmosphérique associée aux
fumées noires du pot d'échappement ou les symptômes
décrits en sont des exemples. Par ailleurs, le journaliste exhorte
souvent, plus ou moins directement, les téléspectateurs à
être plus vigilants vis à vis des prises de décision
concernant leur environnement proche ou lointain. C'est pourquoi, nous pouvons
parler d'une pédagogie du risque. En utilisant les moyens dont il
dispose, c'est à dire le ton et la brièveté des
commentaires, ou encore la force des images, le journaliste crée une
brèche dans la vision du monde, le modèle de
référence, le rapport à la connaissance du
téléspectateur. L'angoisse suscitée par le reportage est
sensée être salvatrice puisqu'elle implique une
discontinuité, préalable de l'éventuelle prise de
conscience d'un danger représenté comme immédiat101(*).
Le reportage prépare enfin le
téléspectateur à un questionnement nécessaire,
même si celui-ci est rapidement perçu par les personnes mises en
cause comme de la provocation. Or c'est ce questionnement qui permet de passer
du discours technique à la prise de postions politiques. Du fait de
l'augmentation des reportages du type de celui sur l'amiante, l'homme politique
se voit obligé de dépasser l'assurance de maîtrise des
éléments dont il pouvait se vanter, pour intégrer la
dimensions telles que la non prédictibilité,
l'instabilité, l'irrégularité, le non sens et le
désordre102(*).
Tout ce que les journalistes mettent cependant en valeur comme des erreurs et
des défauts de la part des responsables, du simple fait que ceux-ci se
présentent encore dans leurs discours, comme des personnes
infaillibles.
Envoyé spécial, 19-09-1996, 21h08,
« Amiante, 50 ans de mensonge », Formation de l'association
des victimes de l'amiante. 1- Gros titre sur le journal que lit une personne du
public : « La révolte des victimes ». 2-
Descriptions des statuts de l'association.
c- L'émergence d'une éthique de
l'environnement.
Sous le haut patronage de Jacques Chirac, un colloque est
organisé, le 13 décembre 1996, à la Sorbonne :
« Ethique et environnement». Dans son discours d'introduction,
Corinne Lepage, Ministre de l'environnement, en appelle à une approche
pluridisciplinaire de l'environnement ainsi qu'à une confrontation des
expériences, prenant acte du fait que « l'environnement
devient en soi une confluence de questions économiques, scientifiques,
sociales, politiques et morales. »103(*) Selon l'édition 2000 du dictionnaire
Petit Larousse, l'éthique est d'abord la partie de la
philosophie qui étudie les fondements de la morale. C'est aussi, ce qui
nous intéresse tout autant sinon plus, un ensemble de règles de
conduite. L'environnement impose donc de réfléchir de nouveau aux
valeurs morales qui fondent notamment le système politique le prenant en
compte. Cette dimension occultée en France jusqu'en 1992 (jusqu'à
ce que les philosophes tels que Luc Ferry s'en inquiètent), est
cependant et dès l'origine ressentie très fortement par les
journalistes.
Ceux-ci, durant les séquences plateau, apparaissent ou
se disent souvent en empathie avec la misère, les blessures, les
souffrances, voire les deuils de ceux qu'ils ont rencontré au cours du
tournage de leur émission. Au cours du visionnage des reportages du
corpus, nous nous sommes ainsi aperçu que les pleurs des personnes sont
souvent pris en gros plan (même si la personne se détourne de la
caméra ou demande que l'on arrête de filmer) : ce qui rend le
moment difficilement supportable pour un téléspectateur
éprouvé, de manière récurrente et sur des plans
différents, tout au long du reportage. Avec l'introduction du
« principe de précaution », l'exigence
éthique, proche de la déontologie en médecine, devient la
composante d'un environnement repensé, non plus en terme de
« nature », de « paysage », mais en
terme d'interaction, de relation directe entre l'activité humaine et les
conséquences sur la vie des hommes impliqués ou non dans cette
activité.
Le rapport Bruntland, commandé par les Nations Unies,
intitulé « Notre avenir à tous » (traduit de
l'anglais « Our common future ») et publié en 1987,
rendait compte des problèmes environnementaux d'une manière
globale. Il y était question du « sort des
générations futures ». Ainsi peut-on lire dans ce
rapport des propos du type : « L'incapacité de l'homme
à intégrer ses activités dans cette structure (la Terre)
est actuellement en train de modifier de fond en comble les systèmes
planétaires. »104(*). Or dans son livre sur La responsabilité
envers les générations futures, publié en
français en 1994, Dieter Birnbacher, explique que d'une manière
générale, la population marque une certaine indifférence
envers l'avenir. Cette indifférence est seulement tempérée
par l'intérêt des individus pour le destin futur de ceux qui leur
sont proches. Tous les membres des « générations
futures » n'ont donc pas la même signification :
l'individu ne s'intéresserait qu'au bien futur des membres d'un groupe
étroitement limité, auquel il appartient, et ce d'une
manière approximative dans où le bien futur le
préoccupe105(*).
Or avec l'amiante, le pyralène et bientôt les
organismes génétiquement modifiés, l'individu se sent plus
que jamais concerné. Certes, ces produits, peuvent encore affecter
l'environnement naturel (la Seine pour le pyralène, la perturbation des
équilibres écologiques pour les organismes
génétiquement modifiés). Mais ils affectent d'abord et
surtout (d'après les journalistes) ou du moins, ils risquent d'affecter
(selon les experts et les scientifiques) la santé des personnes et des
Français en l'occurrence. Nous l'avons dit l'environnement n'est plus
seulement quelquechose à protéger, à préserver, il
s'agit à présent de l'assainir pour le bien immédiat de
tous. En termes éthiques, c'est un droit et une responsabilité
qui incombe à chacun en fonction de son domaine de compétence.
Si la moralisation de la nature aurait pu avoir pour
conséquence un certain immobilisme et un défaut d'autonomie de la
personne humaine, l'éthique, appliquée à l'environnement,
permet au contraire d'envisager l'environnement comme une dynamique. Corinne
Lepage, dans sa dernière allocution le 13 décembre 1996, se sent
encore obligée de rappeler que l'approche politique de l'environnement
« n'est plus une affaire d'utopistes, de rêveurs baba cool mais
une affaire de responsables politiques, économiques, confrontés
à la réalité. Autrement dit, l'éthique est une
partie de cette réalité que le travail des journalistes
conditionne et façonne en partie. L'éthique, associée
à l'environnement, dans le discours de Corinne Lepage renvoie
expressément à trois dimensions106(*).
Elle est « humaniste » car les
Français sont parfaitement capables de s'extirper par leurs propres
moyens des difficultés rencontrées en la matière sans
verser dans les extrêmes que sont la seule logique de la
rentabilité économique et l'abrogation des droits de l'Homme.
Elle comporte un enjeu de solidarité au présent, contre
l'oubli du passé (cf. pour Envoyé spécial, les
rétrospectives et les rediffusions) pour une prise en compte du futur
(cf. pour Envoyé spécial, les recommandations, les
estimations, l'omniprésence de la figure de la mère et de
l'enfant). L'éthique, en ce qui concerne l'environnement, est enfin un
enjeu politique, une manière de chercher et de trouver un sens dans la
vie.
En 1996, le Pape Jean-Paul II fait un appel en faveur d'une
éducation universelle à la responsabilité
écologique. Il va de soit à présent qu'Envoyé
spécial participe de cette éducation. Du fait de leurs
expériences au cours de la période 1992-1996, pour ce qui est de
l'éthique, les journalistes tirent des enseignements similaires à
ceux de Corinne Lepage. Le montage, le commentaire et la diffusion du reportage
sont autant de manière de rendre compte de cette expérience. La
sensibilité d'Envoyé spécial est souvent en phase
ou précède de peu l'évolution générale de la
sensibilité de la société en matière
d'écologie. Quand elle ne l'influence pas directement. Le cas de
l'amiante en fut un exemple, la « journée sans
voiture » initiée, en France, par le magazine en est la
concrétisation.
Troisième partie :
Le temps des bilans.
(1997-2000)
Chapitre 5 :
Envoyé spécial,
moteur ou accompagnateur
des politiques publiques ?
(1997-1999)
Lors d'élections législatives anticipées
et suite à un accord électoral avec le parti socialiste, huit
écologistes entrent pour la première fois dans l'Assemblée
Nationale en mai 1997. En juin 1997, Lionel Jospin, Premier Ministre du nouveau
gouvernement mis en place, confie à Dominique Voynet un grand
ministère de l'Aménagement du territoire et de
l'Environnement107(*).
L'intitulé du ministère se distingue de l'intitulé du
secrétariat d'état que l'on avait déjà
confié à autre écologiste, Brice Lalonde (Cf. chapitre 2).
Un renversement des perspectives s'est donc opéré durant les
années 1990.
Le chargé de l'environnement avait auparavant surtout
pour tâche d'avertir la population des dangers qui la menaçait, et
d'y pallier en cas de danger effectif. Si en 1997, le rôle de
prévention reste un rôle essentiel de la ministre chargée
de l'environnement, ses compétences s'élargissent pour s'inscrire
concrètement dans la logique de l'aménagement du territoire. Le
contexte est de nouveau favorable aux écologistes et à leurs
projets, tandis que l'environnement devient, à la fin des années
1990, une affaire de gestion et un élément nécessaire de
la communication des hommes politiques et des entrepreneurs.
Envoyé spécial essaie par
conséquent, durant cette période, de construire un discours
à la fois incitatif et réfléchi sur l'environnement, qui
permette de distinguer le propos du magazine de tous ceux qui font
désormais de l'écologie leur raison d'exister et de
persévérer. Parmi les thèmes majeurs
développés par Envoyé spécial sur la
période, on note le réinvestissement des espaces naturels (que
l'on doit notamment au développement récent d'un
« tourisme vert ») ; les solutions politiques,
économiques et les pratiques citoyennes envisagées pour limiter
des pollutions engendrées par la mécanisation,
l'industrialisation, constante au cours des années 1990, des pratiques
de production et par un mode de vie citadin.
A- « Alerte à la pollution »,
plus qu'un cri d'alarme,
une sensibilisation de l'opinion.
Depuis le début des années 1990, et avec de
nouveau plus de force à partir de 1995, une idée est en
germe au sein de l'administration en charge de l'environnement : donner un
rôle actif à la société civile afin qu'en cas de
situation délicate, tout ne soit pas immédiatement confié
à une structure d'Etat sous commandement unique. Cette idée
était déjà à l'origine des première
manifestations antinucléaires à la fin des années 1970,
mais elle n'a de traduction concrète qu'avec la mise en place de
nouvelles lois (notamment celles sur le paysage) et la décentralisation
progressive, depuis les années 1980, des responsabilités, et
bientôt des budgets, en matière d'environnement.
Parallèlement, dans le magazine, nous notons une
évolution du statut du téléspectateur. Du récepteur
passif d'un discours parfois trop simplifié (au risque d'être
qualifié de simpliste pour ce qui concerne la période 1990-1992)
et de témoin impuissant d'événements globaux ou de
situations présentées comme inextricables, le
téléspectateur va être désormais
considéré comme un acteur autonome et surtout responsable d'un
environnement plus restreint et plus proche de lui. Cela se traduit, en
pratique, par une initiative de Paul Nahon et Bernard Benyamin. En mai 1997,
ceux-ci téléphonent à différents maires pour voir
si l'un d'eux serait prêt à organiser, dans sa ville, une
« journée sans voiture ». C'est le maire de La
Rochelle, Michel Crépeau, à la fois proche des
écologistes, des socialistes et ancien chargé de l'environnement
au niveau du gouvernement, qui répond positivement à leur
appel108(*).
a- Le renouveau de l'engagement d'Envoyé
spécial.
Envoyé spécial, 25-09-1997, 20h59,
« La Rochelle, l'utopie ? », installation du panneau
annonçant les dispositifs mis en place pour la
« journée sans voiture ».
La première manifestation officielle appelée
« journée sans voiture », s'est
déroulée à Reykjavik, une ville de 100 000 habitants
et capitale de l'Islande, en juin 1996. L'expérience de La Rochelle,
chef lieu du département de la Charente-Maritime et ville comparable, en
taille à Reykjavick (100 000 habitant si l'on compte
l'agglomération), s'est déroulée le 9 septembre 1997.
C'est la première de ce type pour ce qui concerne la France. Elle
acquiert rapidement un niveau international pour devenir en 1998,
l'European Mobility Week, organisée depuis, chaque
année, entre le 16 et le 22 septembre, avec obligation pour les
participants d'organiser, le samedi ou le dimanche précédant le
22 septembre, une « journée
sans voiture »109(*). Lorsque nous avons demandé à Paul
Nahon et Bernard Benyamin comment leur était venu l'idée, ils ont
répondu que c'était une affaire de « bon sens ».
Se rendant compte que la voiture est un facteur aggravant de la pollution
atmosphérique dans les villes, ils en seraient tout naturellement venus
à l'idée d'organiser une
« journée sans voiture ».110(*) Nous ne pouvons donc rien
conclure quant à l'origine de cette idée. Toujours est-il qu'elle
va rencontrer un succès grandissant, au fur et à mesure des
années, pour ne plus seulement être cantonnée dans les
limites d'une manifestation ou d'une expérience ponctuelle.
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h,
« La Rochelle, l'utopie ? », 1- Maxime Bonno, adjoint
au Maire de La Rochelle, lors d'une réunion publique :
« C'est fini, on pourra plus continuer comme ça, il faut
inventer les transport du XXIe siècle ! » 2- vue sur la
circulation routière de La Rochelle.
Les notions de « bon sens » ou
d' « ouverture vers les autres »,
évoquées plus haut et énoncées plusieurs fois par
Paul Nahon et Bernard Benyamin au cours de notre entretien, renvoient au
« scepticisme » tel qu'Isabelle Stengers, auteur d'un
article sur le développement durable, le définit, c'est à
dire comme une exigence de lucidité :
La proposition de durabilité semble l'expression de
la sagesse la plus élémentaire. Faire intervenir activement le
long terme dans la décision, tenter d'en imaginer les
conséquences, se donner les moyens de les rendre discutables et
repérables pour pouvoir prendre en compte leur éventuelle non
conformité par rapport aux anticipations qui ont justifiés la
décision, tout cela porte un nom : penser. 111(*)
C'est bien ce que font Paul Nahon et Bernard Benyamin, ainsi
que le Maire de la Rochelle et ses administrés, en 1997. Aux
journalistes, d'après Paul Nahon et Bernard Benyamin, il incombe de
proposer un espace de discussion et de réflexion sur les choix que fait
la société, en l'occurrence en matière de transport. Et
c'est ce qui transparaît dans le reportage, « La Rochelle,
l'utopie ? » : une effervescence de confrontations et de
propositions. Ce reportage, de Jean-Pierre Métivet, rend compte de
l'organisation et du déroulement de la « journée sans
voiture » organisée le 9 septembre 1997 à La Rochelle.
Il est diffusé au cours d'une émission tournée en direct
de cette ville et intitulée « Alerte à la
pollution ».
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h04,
« La Rochelle, l'utopie ? », 1-
Monsieur venu rendre un vélo emprunté, se dit conquis et avoir
repris le goût du vélo, il veut s'en acheter un. 2- Des dames d'un
certain âge empruntent des vélos. 3- Le ballet des voitures
électriques.
Un article, paru le 25 septembre 1997 dans Le Figaro
à son sujet, fait mention d'une statistique selon laquelle 82% des
Français estiment que l'invasion d'oxydes d'azote et de souffre dans
l'atmosphère constituent une menace grave pour leur santé.
L'auteur de cet article ajoute que cela ne les empêche pas, pour la
majorité d'entre eux, de préférer leur véhicule aux
transports en commun. C'est pourquoi Envoyé spécial
décide de monter une émission dans laquelle la pollution
atmosphérique occupe la première et majeure partie de
l'émission. Par ailleurs, cette émission donne une part
importante du temps de parole à la population, c'est à dire
à des individus qui ne sont ni responsables, ni scientifiques ou
experts, à La Rochelle mais aussi dans d'autres grandes villes à
travers le monde.
« La Rochelle, utopie ? » commence
par divers plans, alternant des prises de vue de la ville de type carte postale
(La Rochelle est une destination touristique, on voit donc le port, des
bâtiments historiques) et des prises de vues plus conformes à ce
que l'on se représente de la pollution atmosphérique en ville
(des plans aériens et des plans rapproché de voitures circulant
les unes derrière les autres, un cycliste coincé entre deux files
de voitures, pareillement au reportage du 19 janvier 1995). En fond sonore, on
entend une musique d'un film de Tati, Les vacances de M. Hulot, (qui
rappelle fortement la musique du reportage « Massacre à la
tronçonneuse » de juin 1990) et les réceptionnistes
répondant aux interrogations de particuliers à la veille de la
journée « 24 heures sans voitures ». Le journaliste
explique que chaque jour 30 000 voitures gagnent le centre ville et que la
moitié n'a rien à y faire. A la thématique de
l'envahissement de l'espace urbain par les véhicules particuliers, s'en
ajoute une autre, celle dont le journalise parle avec familiarité :
« l'attachement des Français pour leur bagnole »
dont il faut se défaire.
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h15,
« La Rochelle, l'utopie ? », L'épicier :
« Zéro voiture, zéro client ! Je ne veux pas que
des voitures mais je veux aussi des voitures »
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h04,
« La Rochelle, l'utopie ? », Le Maire de La
Rochelle : « j'signale que cette voiture est électrique
et qu'on aille pas dire que le Maire circule dans un autre
véhicule » / Le journaliste (voix-off): « Y'a
quand même des râleurs ? » / Le Maire :
« Oui, ben ça, on le ferait pas, y'aurait quand même des
râleurs ! »
Le téléspectateur voit aussi plusieurs
réunions rassemblant des responsables associatifs, des responsables
municipaux du transport et de la sécurité, ou encore des
citoyens. Tout se fait dans la « concertation » (le mot est
répété plusieurs fois au cours du reportage) et de
manière spontanée. Les divers intervenants, à commencer
par le Maire de la ville, apparaissent toujours enthousiastes. Leurs discours
sont souvent improvisés, mêlant humour et provocation. Pour
exemple, Michel Crépeau, indique au cours d'une réunion, que la
gêne causée par l'expérience vaut bien celle causée
par une braderie, et que l'avenir du transport en ville vaut bien l'engouement
annuel pour « les vieilles chaussettes et les chemises
démodées ». Il faut ici noter que la prise en compte de
la qualité de l'environnement est présentée comme un gage
d'avenir.
Le reportage montre des personnes sceptiques mais rarement de
mauvaise volonté. Un conducteur aimerait voire le taxi électrique
qu'il conduit gratuitement durant cette journée, se répandre et
s'améliorer en terme d'autonomie. Le journaliste en conclue que
« les professionnels ne voient pas ces véhicules d'un mauvais
oeil, ils y sont même plutôt attentifs ». Après la
diffusion du reportage, sur le plateau, le journaliste avoue qu'il pensait
rencontrer des habitants goguenards. Au lieu de cela, il a pu s'apercevoir que
des personnes pouvaient discuter entre elles de la pertinence de
l'expérience. Le journaliste commente : « Dans les rues,
c'est un forum permanent où rien n'est ou tout blanc, ou tout noir,
où les personnes peuvent être à la fois
intéressées et gênées par
l'expérience. » Le reportage fait aussi état de
quelques petits désagréments comme un ouvrier obligé de
transporter ses outils avec une brouette ou un motard ne voulant pas garer sa
moto sur les parkings mis à sa disposition de peur qu'on lui la vole. Le
cas des petits commerçant est un peu plus critique car leurs clients,
habitués à mettre leurs achats dans le coffre de leur voiture, ne
se sont pas déplacés.
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h15,
« La Rochelle, l'utopie ? », Les rues de La Rochelle
sont un « forum permanent. » 1- « On fait de La
Rochelle une ville de vieux. Marcher à pied, c'est retourner au
Moyen-Âge ! » 2- Des personnes contestent. 3- La dame a
été mise en congé sans solde pour la journée, mais
elle est contente car elle peut se reposer et flâner.
Mais dans l'ensemble, le reportage met l'accent sur l'ambiance
festive : des personnes à cheval, des mamans se promenant avec leur
poussette, un grand bi, des skates, des rollers, des voitures
électriques. Tout le monde se croise et l'organisation des transports
s'en trouve d'ailleurs perturbée. Michel Crépeau, revenant sur
l'expérience après la diffusion du reportage, dit avoir
été un peu déçu par le tournant qu'a pris
l'expérience qu'il souhaitait mener. Il aurait
préféré que la journée se soit passée comme
à l'ordinaire ; son objectif était avant tout de tester des
solutions et modes de transports alternatifs au véhicule particulier
à essence. Au cours du reportage, l'adjoint au maire détaille
ainsi de nombreux projets ayant pour vocation de donner une suite à ce
qu'il considère, lui aussi, comme une expérience grandeur nature.
Il propose, entre autres, une mise à disposition de voitures
individuelles électriques municipales, d'un terminal hors de la ville
pour éviter que les camions n'encombrent le centre ville.
Le journaliste signale et montre que la ville s'est
récemment dotée de capteurs. Il ajoute que la pollution
atmosphérique et sonore, causée par la circulation automobile,
touche les agglomérations de toutes tailles, et pas seulement les plus
grandes. Le journaliste tire, en fin de reportage, un bilan de
l'expérience devenue manifestation : si les émissions de
sons et de gaz d'échappement ont chuté, la qualité de
l'air ne s'est évidemment pas améliorée d'un seul coup.
Pour donner encore un exemple du statut conféré au journaliste,
en tant que juge et observateur, nous avons remarqué deux
séquences permettant de comparer le bruit d'une ville avec et sans
voitures. La première est signalée par le journaliste : au
cours du reportage, il fait une pause dans son commentaire, intentionnellement,
pour que le téléspectateur écoute le bruit des rues. La
seconde est laissée à l'attention du
téléspectateur, en conclusion du reportage, après que les
voitures aient réinvesti le centre de La Rochelle. Dans la
première séquence, on entend les personnes parler, rire, le bruit
des vélos et le doux bruit des voitures électriques, bref une
diversité sonore que couvre le bruit monotone des moteurs, dans la
seconde. Il n'est donc pas fait seulement appel à l'intellect mais aussi
à la sensibilité du téléspectateur. En cela et sur
d'autres points énoncés précédemment, cette
opération permet, d'abord sur place, une sensibilisation des personnes
aux nuisances causées par l'automobile. Elle permet ensuite la
sensibilisation des téléspectateurs, ceux-ci pouvant poursuivre
chez eux la conversation engagée par les personnes interrogées
dans les rues de La Rochelle et pourquoi pas demander à leur
municipalité de tenter l'expérience dans leur ville respective.
b- Approche comparatiste et éducation à
l'environnement.
En 1978, l'Unesco adopte dans un rapport
final, lors de la conférence intergouvernementale de Tbilissi112(*), les préceptes d'une
éducation à l'environnement. Selon ce rapport, l'éducation
à l'environnement s'appuie, premièrement, sur la prise de
conscience de ce qu'est l'environnement, des relations qui le relient
l'individu et à la société, et enfin, des solutions devant
aider à résoudre les problèmes liés
écologie. Pour ce faire, il faut acquérir certaines connaissances
(par exemple, qu'est-ce qu'un écosystème ? quel est l'impact
de telle ou telle activité humaine ?). Cela passe aussi par
l'acquisition de valeurs parmi lesquelles signalons
« développer un esprit critique à l'égard des
valeurs sociales » et « accroître la motivation
à agir pour l'environnement. » Il s'agit enfin
d'acquérir certaines compétences parmi lesquelles
« élaborer, mettre en oeuvre et évaluer un plan
d'action » ou encore « communiquer (informer, discuter,
négocier, convaincre) ». Tout ceci devant à terme
susciter chez l'intéressé une capacité d'analyse et une
volonté d'agir pour l'environnement (aménager sa maison pour
économiser l'énergie, réduire le nombre de petits parcours
en voiture, organiser dans sa ville une journée sans voiture). En
comparant les critères d'une éducation à l'environnement
avec tout ce que nous avons pu détaillé de la construction et de
la contextualisation des reportages sur l'environnement, diffusés dans
Envoyé spécial, nous pouvons affirmer que
l'émission a participé, d'une manière ou d'une autre,
à l'éducation à l'environnement d'une partie au moins du
public, régulier ou non, du magazine
Cependant on peut rétorquer que l'information n'est
a priori nullement synonyme de savoir ou connaissance (et confondre
par la même occasion, éducation et instruction). Savoir et
connaissance exigent recul, discussion, aide : un savoir, c'est une
information que l'on s'est appropriée113(*). Pour acquérir un savoir, l'individu a besoin
d'une aide, d'un être humaine qui lui explique l'information pour en
exhiber les constituants et surtout pour les faire comprendre par le
destinataire. N'était-ce pas la mission que s'étaient
assignés Paul Nahon et Bernard Benyamin lors de la fondation de
leur magazine ? Mais Louis Porcher, s'intéressant au lien entre
éducation et communication de l'information, émet une
réserve : considérant que les médias concourent
à la massification et non pas à l'individualité, ils ne
peuvent délivrer, selon lui, qu'une information et non pas construire un
savoir114(*). Nous ne
sommes cependant pas d'accord avec ce point de vue globalisant car chaque
téléspectateur est capable de discuter en famille ou avec des
amis de ce qu'il a vu, de porter un jugement critique et de considérer,
à titre individuel, les informations, participant de l'acquisition d'une
connaissance, qui lui sont transmises. Et même, si nous prenions en
compte ce point de vue, l'éducation nationale, du fait de la conception
républicaine sur laquelle repose son système d'apprentissage, ne
concourt-elle pas autant à la massification que les médias ?
Laissant cette question ouverte, reprenons le fil de notre
réflexion. Lucie Sauvé, dans son livre Education et
environnement à l'école secondaire, apporte encore quelques
précisions concernant l'éducation à l'environnement. En
les accommodant à notre propos, nous observons qu'Envoyé
spécial contribue en effet à cette éducation, en
essayant de faciliter pour chaque téléspectateur la
découverte de sa place dans la société.
L'éducation, par ailleurs, ne se résume pas à
l'acquisition de connaissances, elle est plutôt un processus qui permet
l'acquisition d'une attitude face aux événements de la vie. La
dimension affective, qui fait que l'on peut apprécier ceci ou cela, est
partie intégrante de cette éducation. Or que ce soit par l'image
ou par les sons (la musique qui instaure une ambiance), Envoyé
spécial intègre résolument cette dimension affective.
L'éducation à l'environnement doit surtout permettre de faire de
l'environnement une préoccupation à la fois quotidienne et
transversale115(*).
Envoyé spécial s'est depuis le début donné
pour objectif de transmettre l'information au téléspectateur et
de lui proposer une organisation de ces informations. Par les
rétrospectives, les rediffusions et le traitement sur le moyen terme de
sujets similaires (cf. la pollution atmosphérique), le magazine permet
au téléspectateur attentif ou à un public régulier
d'établir des liens entre les nouvelles informations et les
connaissances antérieures116(*).
Dans des termes plus concrets et entres autres exemples, dans
le reportage suivant la diffusion de « La Rochelle,
l'utopie ? », à savoir au début du reportage
« Paris brûle-t-il ? », on voit une dame se
faire contrôler et se rendre compte, à son grand
étonnement, que sa voiture émet des gaz d'échappements
dont la qualité n'est pas en conformité avec les normes en
vigueurs. On la voit ensuite qui reçoit une contravention. Cela incite
assez logiquement les téléspectateurs à un peu plus de
vigilance et pourquoi pas, à se doter rapidement d'un pot catalytique,
en accord avec la nouvelle « loi sur l'air ». Autre
exemple, dans le chapitre précédent, nous avons abordé les
limites d'une certaine conception de la responsabilité envers les
générations futures. L'avenir est difficilement
représentable et sa représentation est généralement
peu convaincante. Or, si cela est valable pour ce qui est éloigné
dans le temps, cela est beaucoup moins valable pour ce qui est
géographiquement et socialement éloigné, dans la mesure
où par principe, ce qui est éloigné spatialement peut
être intégré à tout moment dans la perception du
contemporain117(*). Et
Envoyé spécial a très tôt
développé une approche comparatiste qui permette, en
matière d'environnement comme sur d'autres sujets, d'aller voir ce qui
se fait au-delà des frontières de l'hexagone.
Voyons à présent l'apport éventuel et
les limites d'une telle approche. Remarquons auparavant que l'école n'a
abordé, jusqu'ici, qu'imparfaitement cet aspect de
l'éducation ; ceci explique, en partie, les craintes qu'a
suscitées et que suscite encore la récente internationalisation
des échanges de biens et de services (depuis la création de
l'organisation mondiale du commerce en 1994 et l'ouverture d'un espace de libre
échange européen redéfini en 1995). Envoyé
spécial essaie donc de pallier ces craintes. En montrant qu'en
matière de gestion de l'environnement, d'autres pays sont plus en avance
ou ont adopté des solutions différentes, le magazine ne pointe
pas seulement les faiblesses de la France mais encourage aussi les
Français à s'intéresser aux habitants des pays alentours
autrement que comme de potentiels concurrents. On a déjà
mentionné, à propos du traitement des déchets, un
reportage diffusé le 28 mai 1992, dont le contenu est comparable aux
vidéos institutionnelles diffusées dans les écoles sur le
même sujet. On y voit une dame allemande préparer sa salade et
montrer dans quelle poubelle elle jette chaque détritus. Le reporter
montre ensuite comment une boîte ayant contenu du lait, après
avoir été recyclée (on voit les étapes de ce
recyclage), devient un meuble. Le 23 mai 1996, est diffusé un reportage
du même genre, « Histoire d'eaux », sur le traitement
des eaux usées et l'approvisionnement en eau potable de trois grandes
villes : Paris, Moscou et New York.
Cependant cette approche comparatiste n'empêche pas les
clichés, elle les retravaille plutôt à l'aune de
l'environnement. Que les Allemands soient en avance sur les Français au
niveau de la gestion de l'environnement, c'est sans doute un fait, c'est aussi
devenu, en France, un stéréotype. Le journal, Le Figaro,
attentif à la programmation d'Envoyé spécial fait
état des faiblesses d'un reportage diffusé le 12 juin 1997. Ce
reportage a pour vocation d'encourager les Français à retrouver
le goût du vélo (moyen de locomotion présenté comme
propre et pratique). L'objectif est aussi de demander à la
municipalité parisienne de poursuivre ses efforts par
l'aménagement de nouvelles pistes cyclables, en montrant ce qui se fait
ailleurs :
« Le sujet étant rarement
évoqué, on ne pourra que s'en féliciter. Raison de plus
pour être exigeant et regretter qu'Anne Ponsinet et Christian Hirou aient
abordé ce thème de façon si banale. [...]
l'inévitable reportage sur Amsterdam [...]
Pourquoi la capitale est-elle quasiment la dernière
pièce d'un jeu de dominos à avoir basculé, très
longtemps après Bordeaux, Grenoble, Strasbourg, Brest, Nantes ou
Chambéry ? L'occasion était pourtant belle de montrer
comment le vélo est entré à Paris, puis est devenu une
priorité politique, et non l'inverse.
Plutôt que d'aller à Amsterdam, pourquoi ne
pas être allé enquêter Strasbourg, où 15% des
déplacements mécanisés se font à vélo, soit
le double de la moyenne nationale ? Là encore, la petite reine
surprend, elle est girondine, plutôt que jacobine. »118(*)
Envoyé spécial multiplie malgré
toutes les tentatives pour faire découvrir ou redécouvrir aux
téléspectateurs, les usages en matière d'environnement,
des autres habitants de la planète. Avec l'expérience et à
partir de 1995, le magazine intègre de plus en plus, au sein d'un
même reportage ou d'une même émission, plusieurs approches
d'un même problème dans différents pays, sur divers
continents. En septembre 1997, à l'occasion de la diffusion de
l'émission spéciale « Alerte à la
pollution », la presse se fait d'ailleurs l'écho de ces
efforts. En témoigne, cet extrait du journal La Croix,
condensé des reportages diffusés au cours de
l'émission :
« A chaque ville son remède. Los Angeles
se lance avec efficacité dans « la bataille du
smog » grâce à de sévères inspecteurs de
terrain, le développement du covoiturage ou du travail à la
maison. Athènes pratique la circulation alternée et interdit aux
particuliers de rouler en diesel. Au Brésil, il est défendu de
circuler en centre-ville et à Singapour, seuls les riches peuvent
rouler. Quel effort sommes-nous prêts à faire et combien d'argent
prêts à investir ? Bonne question posée par Los
Angeles. [...] »119(*)
La dernière question renvoie bien à
l'éducation à l'environnement que nous avons évoqué
plus haut. Cette réflexion se poursuivra, avec constance, jusqu'en 2000.
Voyons à présent comment, Envoyé spécial a
abordé cette question cruciale, celle du financement et de
l'économie engendrée par un nouveau rapport des hommes à
leur environnement.
B- La gestion de l'environnement et les entrepreneurs.
Dans la bataille qui tantôt oppose,
tantôt rallie les industriels et les entreprises à la prise en
compte de la qualité d'un environnement sain et respecté, se joue
à court terme, une question d'argent et d'intérêts, et
à moyen terme une question de légitimité du discours et de
pouvoir. Le propos d'Isabelle Stengers, auteur d'un article sur le
« développement durable », nous apporte un
éclairage intéressant à ce sujet. Selon, elle :
Les représentants de ce que l'on appelle les
nécessités économiques sont nombreux et dotés d'un
discours admis comme compétents : inventif articulé et
puissant, capable même de se représenter en garant de la
satisfaction des besoins et du bien être des populations.
Les questions liées à l'environnement se
présentent, elles, en ordre dispersé et ceux qui les expriment
peuvent toujours être contestés, définis comme peu
objectifs, comme solidaires de valeurs subjectives car l'environnement donne
rarement à ses représentants le pouvoir de la
démonstration. Sauf lorsque celle-ci est devenue redondante : tel
développement, en effet, n'est pas durable.120(*)
Le temps qui opposait les partisans d'une croissance
zéro (comme pouvait la préconiser le Club de Rome en
1968) aux partisans d'un développement à tout prix, est
passé. Dans les années 1990, les lois concernant l'environnement
se font plus contraignantes. Le « bien être
collectif » devient, du fait de l'application de ces lois, un enjeu
commun à l'économie et à l'écologie politique. Dans
Envoyé spécial, les industriels et entrepreneurs qui
étaient, avant 1992, mis presque tous sur le banc des accusés, se
trouvent à partir de 1997 départagés entre non pas les
bons et les méchants, mais plutôt entre les adjuvants et les
opposants à une gestion de l'environnement concertée avec les
citoyens et leurs représentants. Voyons en quels termes
Envoyé spécial se fait à la fois porte-parole et
critique des industriels, en particulier dans les domaines de l'agroalimentaire
et du transport routier
a- Envoyé spécial à l'épreuve
de la communication environnementale.
En 1991, la Chambre du Commerce International publie une
« Charte pour le développement durable » applicable
aux entreprises. En 1992, la Déclaration de Rio considère que
« l'environnement doit faire partie intégrante du processus de
développement et ne peut être considéré
isolément »121(*). Certains entrepreneurs et industriels essaient
alors de conformer leurs activités à ces nouvelles attentes.
Lorsqu'en France, certaines de ces attentes deviennent des obligations
(ex. : loi de 1985 obligeant les industriels de la vallée du
Rhône à réduire leurs rejets polluants), les industriels et
entrepreneurs valorisent leurs efforts, consentis bon gré mal
gré, par une communication, interne et externe à l'entreprise,
de leurs actions en faveur de l'environnement. Pour Michel Ogrizek,
théoricien de la communication environnementale au début des
années 1990 : « Le discours environnemental est le seul
susceptible d'allier éthique et technique »122(*). Il permet entre autres de
résoudre partiellement un problème posé au début
des années 1990, à savoir le progrès technique,
prôné d'abord par les industriels et entrepreneurs avant les
scientifiques, est-il compatible avec une réelle amélioration des
conditions mais aussi de la qualité de vie ?
Avec les industriels, les agriculteurs ont, pendant
longtemps, été dénoncés comme partisans d'un mode
de croissance « prédateur » de l'environnement. A la
fin des années 1980, la découverte de concentrations importantes
de nitrates dans les nappes phréatiques provenant des produits
employés par les agriculteurs pour améliorer le rendement de
leurs terres, provoque une remise en cause globale de la profession. Si bien
qu'au début des années 1990, la Fédération
Nationale des Syndicats d'Exploitations Agricoles et la
Confédération Paysanne proposent un contrat social entre les
agriculteurs et la nation à propos de la Nature123(*). Des mesures sont prises
pour réduire les externalités négatives de
l'activité agricole. Et avec la loi sur le paysage, les agriculteurs
acquièrent un nouveau statut : ils se posent en gardiens d'une
certaine image de la France, celle des campagnes entretenues par les
« paysans ». Image en adéquation avec les nouvelles
attentes d'une population française, essentiellement citadine, qui
considère les territoires hors des villes principalement comme des lieux
de promenade.
Parallèlement le pouvoir des municipalités et
celui des consommateurs se renforce. En 1995, la Commission européenne
propose une « Charte des dix commandements de la consommation
durable ». Cette charte impose à la fois des droits et des
devoirs à un consommateur considéré comme plus responsable
et autonome. Suivent, la même année, la « crise de la
vache folle » et la mise en place du « principe de
précaution ». Le citoyen et consommateur, de suspicieux qu'il
était, est amené à devenir vigilant. Envoyé
spécial se fait donc l'instrument de cette vigilance en tentant de
décoder, pour le téléspectateur, les tenants et les
aboutissants de la récente évolution des techniques agricoles et
de leur impact sur l'environnement. En effet, Après la
mécanisation et l'utilisation de substances chimiques, les
avancées de la biologie, et notamment de la génétique,
permettent d'envisager à partir de 1997, une amélioration
décisive des conditions et du gain de production. L'autorisation en
France, fin 1997-début 1998, de la culture à caractère
expérimental du maïs transgénique braque contre Dominique
Voynet les scientifiques et associations, relayés par la presse et
l'audiovisuel. Pourquoi ?
Envoyé spécial, 25-09-1997, 21h40, fin
du reportage « Les lobbies ». Corinne Lepage, ancienne
ministre de l'environnement, explique la difficulté qu'elle a
rencontrées pour mettre en place la « loi sur
l'air » / Dominique Voynet, nouvelle ministre de l'environnement, se
dit forte de son expérience de militante pour savoir distinguer les
intérêts réels des manipulations. / Une mise en abîme
du rôle de la télévision et du magazine d'information.
Tous deux permettent un dialogue entre intervenants éloignés en
même temps qu'une confrontation : les engagements seront-ils
tenus ? L'avenir et Envoyé spécial le diront aux
téléspectateurs.
Le magazine Envoyé spécial, traitant de
ce sujet au cours de deux reportages, diffusés un peu avant et un peu
après la controverse, témoigne d'u- ne radicalisation, quelque
peu contradictoire, du discours à l'encontre des organismes
génétique-
ment modifiés (OGM).
Paul Nahon et Bernard Benyamin reviennent, en 2007, sur leur
prise de position :
« Sur les OGM, on a tapé bien fort contre
MONSANTO. Très bien. Je m'interroge aujourd'huis, est-ce que ce sont
vraiment des choses nuisibles ? Je ne suis pas sûr. [...] Quand on
voit aujourd'huis, José Bové et sa bande d'agriculteurs qui
saccagent les cultures, moi ça me fait hurler. Et je me dis :
est-ce qu'on est pas en train de passer à côté d'un vrai
progrès ? [...] Aujourd'huis, peut-être par réaction,
je ferai quelquechose pour réhabiliter les OGM. »
Petit retour, dix années en arrière. Le 17 avril
1997, Envoyé spécial diffuse « Les graines du
futur », l'un des premiers reportages sur le sujet en France. Les
précautions de langage du commentaire en voix-off en témoignent.
Le début du reportage présente un Parlement européen peu
intéressé par le sujet (images d'un hémicycle quasiment
vide) et peu compétent dans le domaine (troubles d'une
députée qui avoue n'être pas chimiste mais juriste). Une
loi, adoptée le 16 janvier 1997, sur l'étiquetage des produits
contenant des organismes génétiquement modifiés, est
jugée peu cohérente, puisque l'on doit indiquer, par
exemple, la présence d'OGM dans un concentré de tomates mais pas
obligatoirement dans les ingrédients employés pour la fabrication
d'une pizza. Plus que l'expression d'une inquiétude, cette mise en
situation légitime d'abord l'enquête que mènent les
journalistes Florence Mavic et Hervé Pozzo pour essayer de comprendre et
de faire comprendre ce que sont les OGM et quels sont leurs apports. Le
reportage se poursuit donc, assez logiquement, à l'intérieur de
laboratoires où des scientifiques expliquent au
téléspectateur, grâce à des schémas et des
images de synthèses, en quoi consiste une « manipulation
génétique ». D'autres personnes interviennent pour
énumérer les avantages divers et variés des nouvelles
semences obtenues : combattre les insectes nuisibles, produire plus
proprement en dépensant moins d'énergie, et argument ultime,
éliminer la faim dans le monde. Après la diffusion du reportage,
les journalistes soulignent le fait que les OGM n'apportent rien aux
consommateurs, c'est à dire qu'ils ne sont ni bénéfiques
ni menaçants. Mais ils permettent aux utilisateurs et aux fabricants -
et plus aux seconds qu'aux premiers étant donné le coût -
de ces semences, d'augmenter leurs ressources financières.
Interrogés au cours du même reportage, certains
scientifiques expriment néanmoins leurs doutes : les effets sur la
faune (perturbation éventuelle de la chaîne alimentaire) et sur la
flore (risque de contamination des autres plantes du fait de la pollinisation)
sont inconnus. D'autre part, les journalistes évoquent une
méfiance, toute relative, des consommateurs. A ce propos, l'insuffisance
d'information des consommateurs constitue le principal reproche du reportage
à l'encontre des industriels du secteur agroalimentaire. Mais un
responsable de Nestlé, interrogé dans son bureau après
quelques plans montrant la modernité de l'architecture du siège
social, assure que des critères de qualité très stricts
sont respectés. D'autre part, après qu'un des journalistes l'ait
interrogé sur un éventuel « amalgame des OGM avec la
« vache folle » », un membre de Greenpeace France
répond qu'il s'inquiète avant tout de l'insuffisance des
réactions des pouvoirs publics face à une crise ou à un
danger éventuel. Un représentant de MONSANTO (un des plus gros
fournisseurs mondiaux de semences et de produits servant à
amélioration des cultures) ajoute, en substance qu'« Il
faut expliquer aux Français que la même chose est produite dans
les même conditions ». Ce que font les journalistes, comme nous
l'avons vu plus haut, mais avec des intentions différentes de MONSANTO.
En effet, en dépit de leur côté rassurant,
tous les discours sur le sujet restent assez flous. Les journalistes le
soulignent d'ailleurs dans le commentaire et les problèmes sur lesquels
on se focalise, sont d'une part, un manque d'information -du côté
des scientifiques-, de l'autre, un défaut d'information - du
côté du secteur agroalimentaire. Des détails confirment une
prise de position défavorable aux OGM. Le premier, c'est l'utilisation,
en fond sonore, du poème symphonique « L'apprenti
sorcier», composé par Paul Dukas. Le second, c'est la conclusion du
reportage, sur fond de musique chorale (une métaphore musicale de
l'Humanité ?): « Manger n'est pas sans danger [observer
la consonance des mots danger/manger] La vie sera-t-elle réellement
meilleure ? » « La Nature fait très bien
les choses toute seule. ». L'introduction des OGM se fera donc
« pour le meilleur et pour le pire »
(« pire » étant le dernier mot du reportage !).
Si comme le dit MONSANTO, l'utilisation des OGM ne change vraiment rien, alors
pourquoi les utiliser ? Et si ça change quelquechose, est-il alors
bien raisonnable de les utiliser ? Les journalistes se prononcent donc
implicitement pour une application du « principe de
précaution » et pour une interdiction, pour la France et pour
le moment, de la consommation et de la plantation d'OGM.
Le 16 septembre 1999, le ton et le titre du reportage
« L'or vert » se font plus vindicatifs. Le premier conseil
de prudence des journalistes ayant été mal perçu, le
discours se fait plus radical afin d'être entendu. Aux OGM s'ajoute, dans
le reportage, une autre problématique : celle de la
« brevetabilité du vivant ». Le reportage commence
en Amazonie par une malédiction, lancée à l'encontre de
ceux qui, non initiés par les indiens, tenteraient de s'approprier les
plantes médicinales de leurs ancêtres ; ces plantes
provoqueraient alors folie et toxicomanie. Or ceux qui, justement, essaient de
faire un inventaire mondial et complet des plantes médicinales et de
leurs propriétés, travaillent, pour l'essentiel et d'après
le reportage, dans l'entreprise MONSANTO. La malédiction leur est donc
indirectement adressée. Et pour cause.
Pascal Stellata, auteur du reportage, fait la description
d'une entreprise qui cache mal son jeu. Derrière des apparences
écologistes, derrière la volonté de nourrir et de
guérir le monde, MONSANTO possèderait dans ses serres
« des milliers de plantes prêtes à envahir le
marché mondial ». Par ailleurs, le lourd passé de
l'entreprise doit faire craindre les conséquences néfastes
de la propagation d'OGM dont MONSANTO est le premier promoteur. Ainsi voit-on
quelques images tirées des archives de l'Institut National de
l'Audiovisuel : épandage de PCB, dioxine et agent orange
utilisé durant la guerre au Viêtnam. Autant de maux qui ont
affecté la terre et les humains, et dont MONSANTO serait responsable par
un biais ou par un autre. « MONSANTO dirige tout, contrôle
tout. », explique-t-on encore en voix-off. Des agriculteurs
français, mécontents, disent que MONSANTO verrouille le
marché de la semence en introduisant un gène stérilisateur
qui empêcherait de réutiliser la semence d'une année
à l'autre. Vérité ou simple rumeur ? MONSANTO est
implicitement accusé à la fois de piller les ressources des pays
en développement et d'être un acteur de la dégradation
passée, et donc à venir de l'environnement.
Concernant les OGM proprement dit, un des scientifiques, ayant
déjà exprimé ses réserves quant à l'impact
sur la faune et la flore dans le reportage de 1997, intervient de nouveau dans
ce reportage. Le Premier Ministre lui a confié un travail d'expertise en
1998. En 1997, le scientifique travaillait encore sur logiciel
informatique ; on le voit ici travailler sur le terrain. Ses travaux l'ont
amené à tempérer son jugement. L'impact sur la faune et la
flore est apparemment moins significatif qu'il ne le pensait quatre ans
auparavant. Les OGM ne seraient donc pas nécessairement un mal. On
s'aperçoit que le reportage, en étant complémentaire,
semble soudainement contradictoire. En revenant sur le cas des agriculteurs
français, on se rend compte qu'ils ne se prononcent pas tous et
unanimement contre la production d'OGM. Ils reprochent simplement à une
entreprise de profiter d'une situation (temporaire ?) de monopole. Dans
les faits, un sondage réalisé par l'Ifen, montre que 80% des
agriculteurs sont prêts à planter des OGM, en 1998124(*). Ce qui est en jeu, plus
qu'une question de santé ou d'environnement, c'est une question
éthique et une question politique. Comment faire en sorte de mettre
réellement au service de l'humanité les bénéfices
de la recherche scientifique couplée aux savoirs ancestraux ? Dans
le reportage, un membre du ministère de la Recherche intervient pour
expliquer que les Français, associés à d'autres pays
européens, se sont lancés dans un programme de recherche
similaire afin de rendre public, c'est à dire accessible au plus grand
nombre, le résultat de leurs investigation et de casser la situation de
monopole dont MONSANTO profite avec quelques autres entreprises.
Que ce soit l'agriculture biologique, les OGM ou la
brevetabilité du vivant (qui concerne surtout les entreprises
pharmaceutiques), ce ne sont jamais vraiment les conséquences sur
l'environnement qui sont mises en avant. Ces conséquences seraient
plutôt la toile de fond d'une scène publique sur laquelle
s'affrontent, dans un jeu de dupes, nous disent les journalistes, le secteur
privé et le secteur public. Chacun veut tirer la couverture vers soi et
montrer en quoi il agit pour l'environnement, pour le bien des
générations futures ou pour une écologie repensée
à l'aune du progrès scientifique. Acteurs privés et
publics utilisent toutes les stratégies de la communication
environnementale. Face à tant de bonnes intentions affichées, la
confusion du journaliste le porte à accuser tantôt les uns,
tantôt les autres de désinformation. Et les
téléspectateurs ne sont pas plus avancés que les
journalistes.
Puisque les recherches menées par le scientifique ne
sont pas présentées comme suspectes et que le ministère de
la Recherche apparaît comme le garant d'une publicité et d'une
transparence des recherches, on peut estimer que le dernier reportage corrobore
l'action de l'Etat et l'autorisation de Dominique Voynet. Et ce en
dépit de tout ce que nous avons pu dire au début de l'analyse.
Cependant, fait remarquable, le consommateur s'exprime peu dans le premier et
ne s'exprime pas dans le deuxième reportage sur les OGM. Il semble exclu
des discussions concernant les OGM. Et ce n'est pas q'une impression puisque
Le livre blanc sur la sécurité alimentaire,
rédigé dans le même temps par la Commission
Européenne, exprime le souhait que s'impose une communication sur le
risque. Autrement dit, faisant référence à un
modèle vertical venu d'en haut, les pouvoirs publics se borneraient
à expliquer la solution retenue sans pour autant y associer la
société civile125(*). Les reportages d'Envoyé spécial
rendent compte de cette communication à sens unique.
Parallèlement, ils s'en font aussi l'instrument. Mais le ton
employé, critique voire acerbe, constitue une tentative pour avertir
malgré tout le téléspectateur et lui permettre de
réintégrer le processus des prises de décision.
b- L'environnement, un secteur économique en
devenir.
En 2001, au concours d'entrée d'HEC, est
proposé le sujet suivant : « Protection de
l'environnement et développement économique ».
Catherine Fabre, professeur agrégée d'économie et de
gestion, intitule une partie de son corrigé : « Effets
sur le progrès technique : la protection de l'environnement comme
locomotive d'un futur décollage économique. ». Son
propos s'appuie sur la théorie des cycles d'innovation de Schumpeter,
théorie articulée autour de la notion de «
destruction créatrice » et illustrée par des exemples
ayant trait à l'économie des services et aux énergies
renouvelables. Considérant les limites du modèle de croissance
défini dans les années 1960 et poursuivi jusque dans les
années 1990, Catherine Fabre ne déplore pas cet état de
fait. Au contraire, elle propose d'en faire les conditions d'un nouveau
départ pour l'industrie. Ce corrigé nous renseigne sur
l'état d'esprit optimiste de futurs entrepreneurs sensés
être innovants et réalistes.
La promotion de l'environnement comme un secteur
économique d'avenir date, en fait, du début des années
1990. Mais c'est à la fin des années 1990 qu'Envoyé
spécial rend compte des tentatives réussies de
concrétisation de cette idée. La première traduction
pratique de cette idée a entraîné le développement
d'une communication environnementale associée, après 1995,
à une communication sur le risque. Nous avons vu à quel point les
repères d'Envoyé spécial pouvaient être
brouillés par cette communication, et par conséquent ceux de la
population. La seconde traduction pratique a été - et est encore
- le développement d'un secteur nouveau, alliant technologie et esprit
d'entreprise. Envoyé spécial s'érige, à
partir de 1997, d'abord en analyste puis en promoteur de ce nouveau
secteur.
Le 6 février 1997, Envoyé spécial
diffuse un reportage sur « Les produits biologiques ».
Ce reportage oppose deux visions de l'agriculture, chacune défendue par
un agriculteur. L'un est jeune. L'autre, plus âgé, décrit
les méfaits - appauvrissement des sols et endettement des agriculteurs -
découlant de la mécanisation et de l'utilisation, accrue dans les
années 1960, de pesticides et d'engrais. En dépit de ces
avertissements, le plus jeune pratique ces méthodes car elles sont,
d'après lui, un gage nécessaire de productivité.
Aveuglement, inconscience ou manque d'expérience ? La journaliste,
Françoise Vallet, répond indirectement à cette question en
présentant, par la suite, une ferme école fondée en 1983,
en Bourgogne. La journaliste précise qu'elle rassemble une trentaine
d'intervenants dont des chercheurs de l'Institut National de Recherche
Agronomique. La directrice de l'établissement, intervenant dans le
reportage, revendique, pour son école et ses élèves, un
état d'esprit mêlant curiosité, courage et innovation. Elle
souhaite faire de ses élèves de futurs agriculteurs aussi
attentifs et responsables que performants. L'agriculture biologique est donc
présentée comme un mode de production possible et
différent du mode industriel et dominant de production agricole.
La journaliste essaie de rester critique. L'appellation
« produits biologique » est considérée comme
un effet de mode, propre à Paris. Un boulanger explique ainsi que
« le pain bio, c'est pour la Parisiens, nous on le vend sous
l'appellation « pain de campagne » ». Cette
appellation répondrait d'abord au besoin de consommateurs souhaitant
rétablir un lien de confiance et de proximité avec l'exploitant
agricole. Un vendeur sur le marché parle de « la coupure entre
le monde de la production et le monde de la consommation »,
thème déjà développé en 1990, dans le livre
de Michèle Serres, Le contrat naturel. La journaliste remet,
par ailleurs, en question une idée reçue selon laquelle les
« produits bio » seraient meilleurs pour la santé.
Elle leur accorde simplement une qualité nutritionnelle
supérieure et l'absence de produits chimiques.
Ces quelques réserves n'altèrent pas un propos
plutôt favorable, voire très favorable à l'agriculture
biologique puisque la journaliste déplore une « France en
retard » par rapport à ses voisins européens,
l'Autriche, l'Allemagne et la Suède. La journaliste montre ainsi une
cantine dans laquelle on ne mange que des produits issus de l'agriculture
biologique ; la compagnie Lufthansa se vante de réussir à
proposer, en première classe et en classe affaire, un menu bio de
qualité et économique à la fois. Enfin, le vieil
agriculteur conclue le reportage en disant : « J'ai compris que
la Terre m'a été cédée, je n'en suis que le
gérant. La Terre est un patrimoine vivant. J'ai compris que nous avions
pour rôle avec la technique qu'on a aujourd'huis, de
l'enrichir. » Et le reportage se termine sur une image de champ de
blé, baignant dans la lumière d'un soleil couchant, sur fond de
musique chorale : une évocation de la terre nourricière.
La journaliste précise au cours du reportage, qu'en
France, l'agriculture biologique est associée à une vision
traditionnelle de l'agriculture prônée par les écologistes
et les « baba cool ». La tâche première, pour
Envoyé spécial, est donc de la réhabiliter en
présentant l'agriculture biologique comme innovatrice et pouvant
susciter des vocations. Ce reportage témoigne de la force acquise par le
développement d'une pensée écologiste, et pour mieux dire
environnementale modernisée. Dans ce reportage, nous l'avons vu, les
« baba cool » sont évoqués comme un mauvais
souvenir qu'il faut dépasser pour ne pas nuire à la
crédibilité de personnes qui se présentent comme les
nouveaux défenseurs et gestionnaires d'un environnement de
qualité.
Un autre reportage « Main basse sur les
ordures », diffusé le 11 septembre 1997, met encore en valeur
les réticences et la lenteur des évolutions dans une
période de transition. La loi de juillet 1992 avait annoncé la
fin des décharges pour 1992. Le premier constat, c'est que cette
disparition ne sera peut être pas aussi rapide qu'on l'avait
annoncée. Ainsi, tandis qu'à Marseille, le nouvel Adjoint au
Maire parcourt une zone d'assainissement de la décharge, en cours
d'expérimentation, le journaliste montre, images d'archives CAPA
à l'appui, que la situation n'a en fait pas beaucoup
évolué depuis le début des années 1990. Par
ailleurs, certaines villes, comme Bordeaux, contournent la loi, en envoyant
leurs déchets dans des départements voisins, en l'occurrence la
Vienne. Des personnes interviennent pour faire part de leur déception
à ce sujet (« Notre beau cadre vert est
pollué ») et du « grand mépris de ceux qui
nous dirigent ». Ce transfert de déchets semble en effet
profiter aux syndicats de communes qui les recueillent, moyennant une
compensation financière. Au terme de cette première partie, les
pouvoirs publics locaux semblent incapables de se saisir efficacement du
problème.
Le journaliste, Pierre-Marie Bernoux, présent ensuite
le marché « lucratif » qui s'organise autour du
traitement des déchets. EDF, la Lyonnaise des Eaux et Bouygues sont
autant d'entreprises citées et intéressées par ce
marché encore en développement en 1997. Lors de son entretien
avec Paul Nahon, le journaliste indique ainsi qu' « en France,
nous en sommes encore au stade des choix » et qu'un
« rapport récemment publié prévoit une
augmentation à venir de la facture des déchets ». Parmi
les modes anciens et remis aux normes du jour, l'incinération est
présentée comme un mode de traitement des déchets propre
mais peu satisfaisant.
Un panache, sortant de la cheminée d'une usine et
filmé en plan rapproché, rompt avec l'idée de pollution
que connote ce cadrage, puisque, constitué de vapeur d'eau, on le dit
aussi « propre qu'un bébé ». Pourtant, d'une
tonne d'ordures résultent trois cents kilos de déchets ultimes
dont
on ne sait que faire. Le problème des déchets
n'est donc pas résolu. Un autre mode de traitement des déchets,
la collecte sélective suivie du recyclage, paraît plus recevable.
Cependant, en 1997, les usines de recyclage sont encore rares en France. Le
journaliste l'indique et montre une de ces usines, située à
Rambouillet.
Envoyé spécial, 04-11-1999, 22h22,
« Les roues de la colère ». 1- fond sonore :
musique burlesque, solo de flûte. Voix-off : En France, nous en
sommes encore à étudier la montagne. 2- Le ministre des
transports rappelle la priorité donnée aux voitures dans les
années 1960 et les efforts récemment déployés.
Voix-off : cela ne suffira pas, la montagne est menacée d'asphyxie
d'ici 2010.
Envoyé spécial, 04-11-1999, 22h13,
« Les roues de la colère ». Gare de ferroutage en
Italie.
L'environnement devient donc peu à peu, non plus
seulement un objet d'attention, mais surtout un espace propice aux actions.
Actions que relatent Envoyé spécial avec plus ou moins
de méfiance. Les entrepreneurs sont-ils réellement capables
d'agir à la fois dans leur intérêt et dans
l'intérêt de la communauté ? A la toute fin des
années 1990, Envoyé spécial montre toute une
série d'ingénieurs et d'entrepreneurs fiers de leurs actions et
leur donne des raisons d'être fiers. Des plans généraux et
en plongée permettent ainsi de faire découvrir aux
téléspectateurs le gigantisme de nouvelles installations. Ils
voient les ateliers modernes dans lesquelles se fabriquent les éoliennes
produisant de l'électricité au Danemark (« Pour
quelques degrés de plus », 4 novembre 1999), et en Italie ou
en Suisse, les immenses gares et tunnels de ferroutage qui permettent
d'acheminer, par train, les camions transportant de la marchandise
(« Les roues de la colère », 2 décembre
1999).
Ces raisons d'espérer en un avenir meilleur contrastent
pourtant avec l'incapacité des pouvoirs publics français à
réformer leur pratique politique et à encourager ces initiatives.
Ce à quoi s'ajoute la faiblesse des pouvoirs européens et la
pression d'autres industriels, dont les intérêts sont
contrariés, autant d'obstacles qui renforcent les doutes et l'engagement
d'Envoyé spécial. Le détail de ces
éléments contrariants fait l'objet du dernier chapitre de ce
mémoire.
Chapitre 6 :
L'évaluation des moyens employés et des
mécanismes de décision.
(1998-2000)
A- Le revers des lois de protection de la faune et de la
flore.
Hans Jonas explicite la
responsabilité de l'Homme envers son environnement en ces termes.
Certes, le pouvoir des tigres et des éléphants est grand, celui
des fourmis et des termites plus grand, celui des bactéries et des virus
encore plus grand. Mais c'est un pouvoir aveugle et non libre. Il trouve sa
limite naturelle dans l'antagonisme de toutes les forces qui vaquent à
leur fin naturelle, aveuglément et sans le choisir. L'Homme, doué
d'un libre arbitre et détenteur du savoir, possède un pouvoir
émancipé de l'ensemble. Par conséquent, il est le
gérant de toutes les autres fins en soi, qui tombent d'une
manière ou d'une autre sous la loi de son pouvoir126(*). Cet état de fait a
rapidement été perçu par de nombreux militants
écologistes de manière assez dramatique.
L'Homme ayant aussi le pouvoir de se détruire et donc
de détruire tout ce qui l'entoure, il fallait tout faire pour limiter ce
pouvoir, par la force des lois ou par celle d'autres moyens moins avouables. En
1992, dans son livre Le nouvel ordre écologique, Luc Ferry
reproche aux écologistes de considérer la biosphère comme
un modèle à imiter. Cela revient à affirmer que l'ordre du
monde est intrinsèquement bon et que toute corruption ne peut
émaner que de l'espèce humaine, polluante et vaniteuse. Les
écologistes ne retiendraient de la Nature que l'harmonie, la paix et la
beauté occultant ce qui, en elle, est haïssable. Car la Nature est,
autant que l'Homme, génératrice de violence et de mort127(*). Après avoir
été les introducteurs, plus ou moins conscients, d'une version
popularisée de l'« écologie profonde » de
1990 à 1992, Paul Nahon et Bernard Benyamin remettent en question
à la fin des années 1990, le point de vue qu'ils avaient pu
défendre au début des années 1990.
a- Une analyse du « développement
durable ».
Le 7 mars 1991, était diffusé un reportage
« Défense de tuer » tourné dans le parc
naturel de Tanzanie et décriant le commerce de l'ivoire et
l'extermination des éléphants. Le 5 mars 1998, au début
d'une émission tournée en direct du Cameroun, est diffusé
un reportage intitulé « Le prix de la
défense ». Ce reportage d'une durée inhabituelle, 43
minutes, a été préparé par le journaliste Alexandre
Valenti qui reproche aux « Occidentaux » de protéger
les éléphants au détriment des hommes qui vivent sur le
même territoire. En effet, depuis le moratoire de 1989, le commerce de
l'ivoire est interdit, de même que l'abatage des éléphants.
Cela a eu pour conséquence une augmentation de leur nombre dans un
espace disponible restreint.
Le reportage débute par un gros plan sur l'oeil
« expressif » d'un éléphant. Ce
stéréotype renvoie à l'image que l'on se fait de l'animal,
à la fois affectueux et intelligent. La tâche que se donne le
journaliste, est d'ébranler ce stéréotype et de
dépasser la compassion, jugée distante et facile, des
téléspectateurs à l'égard de l'animal. Pour ce
faire, le reportage retrace les étapes de l'histoire au cours de
laquelle ce stéréotype s'est forgé. Durant les
années 1980, explique le journaliste, l'augmentation des braconnages et
l'absence de politique de conservation (images de cadavres et d'objets en
ivoire manufacturés) avait fait craindre une extinction rapide de ces
animaux. La presse et les médias s'étaient alors émus en
Europe et aux Etats-Unis (images de coupures de presse) et un traité
international avait été rapidement rédigé.
Problème : le traité ignore les relations écologiques
spécifiques à chaque pays, l'Afrique étant
considérée comme un territoire indifférencié.
D'autre part, ce traité implique des investissements que les pays
concernés, en Afrique, ne peuvent pas tous supporter.
Le journaliste prend le cas du Botswana, un pays grand comme
la France et dont les deux tiers de la surface sont recouvert par le
désert. Le Botswana a aménagé un parc avec 30 000
éléphants. Les ressources du pays étant assurées
par l'exploitation de mines de diamants et la volonté des responsables
politiques aidant, le Botswana peut financer une armée contre les
braconnages. « Mais rares sont les pays qui dans une Afrique
appauvrie peuvent y mettre autant de moyens. », rappelle le
journaliste. En dépit de ces conditions idéales de
préservation, la saturation du parc menace son équilibre, la
flore et à terme la survie des éléphants et des 139 autres
espèces animales vivant dans le parc. D'autre part, les
éléphants, ne pouvant tous être contenus dans un parc, se
déplacent dans d'autres territoires, notamment dans les exploitations
agricoles. Ainsi, le téléspectateur rencontre, par
l'intermédiaire de son écran de télévision, un
exploitant qui dit avoir perdu cinq à dix hectares. Celui-ci est alors
à côté du cadavre d'un éléphant qu'il a
abattu au milieu d'un de ses champs.
Le journaliste pose alors la question cruciale : que
faire de l'excédent d'éléphants ? Il prend le cas du
Zimbabwe, autre pays à la politique de conservation exemplaire et
confronté au même problème. Un intervenant explique, qu'en
1986, le pays gérait la population d'éléphants comme un
cheptel. On tuait les éléphants par famille entière en
temps de sécheresse et sous tutelle du gouvernement (images d'un
abattage, durant lequel on entend seulement le bruit des fusils, de quoi
éprouver la sensibilité des téléspectateurs). Cela
permettait de conditionner cent tonnes de viande qui alimentait, pour un an,
les villages de la région. Les peaux étaient transformées
en cuir velouté et rapportaient 2 millions (de quoi ? on ne sait
pas) de recette. Les images d'un entrepôt, dans lequel sont encore
entassées des peaux d'éléphants, permettent de se rendre
compte qu'un pan de l'économie du pays s'est effondré, comme le
dit le journaliste. Les responsables du parc voudraient pouvoir vendre le stock
accumulé pour réinvestir l'argent dans la protection de la faune
mais le moratoire le leur interdit. Afin de ménager la
sensibilité des plus fervents partisans de la défense de la
Nature, le Parc Kruger, en Afrique du Sud, expérimente la contraception
pour éviter l'abatage des éléphants. Mais il est dit, dans
le reportage, que cela coûte très cher et qu'il serait difficile
de concevoir un tel programme de contraception pour un vaste troupeau
d'éléphants.
Après le reportage, un membre de WWF France est
interrogé. Il estime le reportage très complet. Selon lui, il
faut en effet prendre en compte l'évolution récente des pays
africains et considérer la question au cas par cas. Le journaliste
insiste, quant à lui, pour qu'on en finisse avec l'hypocrisie et les
valeurs esthétisantes de la faune sauvage. Il rappelle au passage que
l'éléphant est devenu le fonds de commerce de nombreuses
associations écologistes et des agences touristiques. D'une
manière plus générale, ce reportage pose la question du
partage de l'espace entre hommes et animaux. Partage, encore moins
évident, lorsqu'il s'agit de la France, nous le verrons bientôt.
Mais avant de poursuivre cette réflexion, remarquons que ce reportage et
d'autres sur des sujets similaires, ont alimenté une polémique
s'agissant des conséquences pratiques de la notion de
« développement durable » et de
« préservation de l'environnement » à
l'échelle de la planète.
De même que les intervenants dans Envoyé
Spécial, certains ont craint - et craignent encore - que
l'écologie soit passée au premier plan des préoccupations
et des financements de la coopération internationale lésant les
besoins des populations les plus démunies à l'intérieur
des pays « émergés » ou « en
développement »128(*). Ce fut un point crucial de discussion lors du
sommet de Johannesburg en août 2002. Durant cette période, c'est
à dire de la fin des années 1990 au début des
années 2000, des économistes et des sociologues, dont Alain
Lipietz, ont proposé que l'on parle (à nouveau) de
« développement soutenable » (plus proche du concept
anglais de « sustainable development »). D'autres ont
proposés que, sur le modèle de l'Indicateur de
Développement Humain, soit construit un panel d'indicateurs mesurant et
évaluant le bien-être en corrélation avec les ressources,
la durabilité, les normes sociales, économiques et
environnementales129(*).
Envoyé spécial se fait donc ici précurseur
d'interrogations qui ne sont pas évidentes à faire partager,
parcequ'elle vont à l'encontre d'idées reçues ou convenues
par une large part des téléspectateurs, voire des responsables
politiques à la fin des années 1990. Voyons un peu plus en
détails quels sont les tenants et les aboutissants de cette remise en
cause globale de ce qu'était l'écologie du début des
années 1990.
b- Ecologistes, éleveurs et chasseurs : entre
confrontation et conciliation.
En 1998, Jean-Claude Genot, proche des écologistes,
publie un livre Ecologiquement correct ou protection contre
nature ?. Dans la première partie de son livre, il
établit un inventaire de tous les vocables récemment apparus pour
en critiquer la pertinence et l'esprit contraire à une conception
naturaliste de l'écologie. Il conçoit avec difficulté et
ironie que l'on soit passé de la « nature » à
l' « environnement », de la
« protection » à la « gestion »,
et de « prédateur » à
« espèce à problème »130(*). Ses propos
révèlent la persistance de désaccords non
résorbés suite à l'évolution de la mouvance
écologiste française durant la période 1992-1995 (cf.
chapitre 3). Ils traduisent aussi une certaine perte de sens et de
repères. Que signifie l'environnement à la fin des années
1990 ? Certains irréductibles, comme Jean-Claude Genot,
répondent à cette question par un retour aux valeurs et aux
thèmes de base, défendus par l'écologie telle qu'elle fut
définie au cours des années 1970 et 1980.
Jean-Claude Genot pense ainsi que les bergers ont une
« haine ancestrale » de l'ours et du loup, que les
élus locaux éprouvent une forme de « rejet »
et que les chasseurs ressentent une « haine plus
actuelle »131(*). Les Français ne sont pas aussi radicaux que
lui, même si, en 1997, 70% d'ente eux ne sont pas d'accord pour affirmer
qu'il faut tuer les loups qui viennent dans les forêts de France. Ils
apparaissent, par ailleurs, divisés sur la légitimité de
la chasse. En 1992, la moitié des Français considère que
les chasseurs favorisent l'équilibre de la forêt (de même
que pour les agriculteurs, celui de la campagne). En 1998, ils sont 83%
à condamner l'autorisation de la chasse pendant la période de
reproduction des animaux. Et globalement, si les aspects les plus
légitimes de la chasse ne sont pas ignorés, les
inconvénients écologiques et moraux prévalent pour une
majorité. Ainsi les trois-quarts des Français voient en la chasse
une activité dangereuse pour les espèces sauvages
protégées132(*).
Or le loup et l'ours sont des espèces
protégées en Europe. Envoyé spécial leur
consacre en 1999, deux sujets : « Le retour des
loups » de Claude Andrieux (4 mars 1999) et « Tableau de
chasse » (28 octobre 1999). De même que Jean-Claude Genot, Paul
Nahon et Bernard Benyamin cherchent alors à comprendre
« Pourquoi une dizaine d'ours, une vingtaine de loups et peut
être une quarantaine de lynx suscitent autant d'opposition, de haines et
d'énergies dépensées à
combattre ? »133(*) En effet, les lois réduisant la
période de chasse, décidées et soutenues par Dominique
Voynet, causent, durant l'année 1998, de grandes manifestation de
chasseurs et la création d'un nouveau parti « Chasse,
pêche, nature et tradition » (CPNT), avec l'entrée au
Parlement Européen de six députés issus de cette
formation. Tandis que, dans le même temps, la réapparition du loup
suscite la colère des éleveurs, toujours dirigée contre
Dominique Voynet (admonestée par un manifestant au cours du reportage
« Le retour des loups »). Première remarque :
les reportages que nous allons analyser, sont moins orientés qu'un
reportage du type « Danse avec les ours ». Ainsi, les
revendications des éleveurs et des chasseurs sont exposées comme
aussi légitimes que celles des écologistes ou des
naturalistes.
Envoyé spécial, 04-03-1999, 21h32,
« Le retour des loups ». 1- Morsure d'un loup. 2- Le berger
reconnaît que les chiens errants causent des dégâts, mais en
trente ans de métier, ils n'ont jamais attaqué son troupeau dans
les alpages.
Le reportage « Le retour des loups »
commence par une séquence au cours de laquelle le
téléspectateur voit plusieurs cadavres amputés de
chèvres. La mise en image donne l'impression de découvrir, en
même temps que le berger, l'ampleur des dégâts. Les deux
bergers ont par ailleurs du mal à s'exprimer. L'un d'eux, assez jeune et
sensible, pleure et dit: « Avant je l'aimais bien le loup, mais
maintenant, si je le vois, je le tue. ». L'autre essaie de parler mais
s'éloigne plusieurs fois de l'objectif de la caméra, l'air
atterré, pour finir par dire « Je suis
bloqué,... ». Les bergers apparaissent sincèrement
déroutés et le téléspectateur ne peut que compatir.
Le journaliste attire néanmoins l'attention du
téléspectateur sur le fait que les loups sont loin d'avoir fait
autant de
dégâts que les chiens errants n'en font
généralement. Le véritable problème qui se pose
pour les autorités publique et que pose le reportage, ce n'est pas tant
l'étendue des dégâts mais la reconnaissance officielle de
ceux-ci et leur indemnisation. Ainsi voit-on les images d'une expertise dans un
laboratoire confirmant que dans Envoyé spécial,
28-10-1999, 21h17, « Tableau de chasse ». Voix-in : choeur
entonné par les chasseurs attablés. Voix-off :
« La convivialité brute un monde d'homme des cuisines à
la table et la peur de perdre tout ça devant des idées nouvelles,
devant des idées convenables. »
le cas évoqué plus haut, ce sont bien des
attaques de loups, venus des Abruzzes. Un responsable de l'Isère donne,
par ailleurs, le montant des indemnisations perçues par les bergers.
Dans le reportage « Tableau de chasse », c'est un
cuisinier, spécialiste de la préparation des gibiers, qui
explique que la chasse est d'abord un art de vivre, mêlant
convivialité et traditions. Alors que le journaliste lui pose la
question : « Est ce que vous croyez que la chasse, ça va
encore avec la société d'aujourd'huis ? ». Le
cuisinier répond : « Bien sûr, la chasse, c'est un
loisir, et plus qu'un loisir c'est un art de vivre. C'est encore accessible
à tout le monde. Si on continue comme ça, seuls les riches
pourront se payer la chasse. ... Et puis moi, j'ai grandi avec la
bécasse qui cuisait sur le poêle. Je ne sais faire que ça.
Si on me l'enlève qu'est-ce que je deviens ? » D'autres
séquences viennent étayer ce propos.
Envoyé spécial, 04-03-1999, 21h32,
« Le retour des loups ». Echanges animés entre
berger (à gauche) et écologiste (à droite).
D'autre part, même en colère, chasseurs et
éleveurs paraissent plutôt raisonnables. En tout que plus
tempérés dans leur jugement que ce que la presse et le journal
télévisé avaient pu relater des manifestations auxquels
ils ont participé (dans les deux reportage, cet aspect est
évoqué par les intervenants. Un berger, le plus touché par
la vague d'attaques de troupeau de l'année passée, accepte de
discuter, devant la caméra, avec un écologiste. Le berger
s'énerve : "Il n'y pas un écolo, pas un journaliste, pas
élu qui est venu me voir ... ! On aurait pu au moins, me
prévenir." Ce à quoi l'écologiste répond
« Je comprends » et « Le loup, c'est un peu un
bouc émissaire ». Le berger réplique :
« Garder ses moutons avec un fusil, en l'an 2000, c'est beau, tiens
! ». Il s'éloigne, suivi de près par
l'écologiste qui lui dit « Vous savez, on peut discuter, on
peut trouver des solutions ! ». Cet échange n'est peut
être pas le témoignage d'une entente cordiale mais, en tout cas,
celui d'une entente possible. A la fin du reportage « Tableau de
chasse », à la question du journaliste
« Qu'est-ce qui a changé en soixante ans de
chasse ? », le plus vieux chasseur de la commune d'Azur, en
Aquitaine, répond : « Y'avait de tout avant, des
lièvres, des ci, des là, ça a changé. Si vous
saviez ce que j'ai tué comme alouettes et comme palombes. Aujourd'huis,
faut plus en tuer et c'est normal, car il n'y en a plus autant. »
Un biologiste, Jean François Dobrémez,
présenté comme médiateur entre bergers, naturalistes et
collectivités explique : « Il faut bien comprendre le
désarroi des éleveurs, que ça leur fait du mal de voir
leur bêtes mortes ou blessées. Cependant il faut aussi que les
éleveurs prennent conscience que les autres membres de la
société ont des attentes. » Il ajoute, après un
panoramique latéral sur le versant boisé d'une montagne,
« Imaginez une France sans château, sans cathédrale. Ce
serait un peu comme une nature sans loup, sans ours, sans Lynx. »
Notons ici que le 23 octobre 1997, après la diffusion d'un reportage sur
un sujet proche, « L'ambassadeur des ours », le journaliste
comparait déjà l'ours des Pyrénées aux
cathédrales romanes. Ce phénomène qui consiste à
assimiler les composantes vivantes de environnement à un patrimoine (et
non plus seulement le paysage), le « patrimoine
biologique » diront certains, est un phénomène nouveau.
Ce phénomène nous renseigne sur le consensus, rassemblant
l'ensemble des membres de la communauté, à propos de la
défense d'une certaine biodiversité. D'où l'absence de
réactions trop vives vis à vis des écologistes, voire
même une certaine entente avec eux.
Envoyé spécial, 28-10-1999, 21h29,
« Tableau de chasse ». Réunion de chasseurs membres de
l'ANCER .
Dans le reportage, « Tableau de chasse »
est présentée l'Association Nationale des Chasseurs
Ecologiquement Responsables. D'après le commentaire en voix-off du
reportage : « La gestion des espèces est devenue une
priorité et l'on ne perd pas la face, si l'on rentre
bredouille. » De nombreux inserts sur la table
montrent des chasseurs et des écologistes réunis
autour d'une table sur laquelle sont disposées des bouteilles de jus de
fruit et des sodas, avec des cacahuètes. Il n'y a pas de boisson
alcoolisée et de charcuterie, du type saucisson. Au contraire des
chasseurs proches du mouvement « Chasse, Pêche, Nature et
Tradition », qui se disent défenseurs d'une vision
traditionnelle de la chasse Envoyé spécial, 28-10-1999,
21h09, « Tableau de chasse ». Jean-Saint Josse, chef du parti
CPNT et député européen : « Vous êtes
polis, polis mais cons ! » (Les autres ont bu le vin qu'il a
apporté mais qui n'est pas bon.)
au début du reportage. Le journaliste en déduit
que « Un peu partout en France, des chasseurs apprennent à
maîtriser leur passion. », et qu' « Aussi
étonnant que cela puisse paraître, chacun comprend et
tolère l'autre. » Le journaliste interroge un chasseur :
« Comment vous réagissez quand on dit, « Les
chasseurs, c'est des gros cons » ? - Mais il y en a,
et malheureusement, c'est eux qu'on retiendra. »
Envoyé spécial, 04-03-1999, 21h53,
« Le retour des loups ». 1- Cris divers :
« A bas le loup ! », « Vive le
loup !» 2- Le berger sensible du début : « Je
ne dors plus, si c'est pour arrêter qu'elles [il parle de ses brebis et
ses chèvres] se fassent tuer, alors je serai content d'être
là. »
Pour autant, tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes.
L'échange, précédemment évoqué, entre
journaliste et chasseur le stipule. Dans « Le retour du
loup », l'échauffourée entre bergers manifestants et un
homme est un autre exemple. Cet homme, en chemise et veston, encore
dépenaillé, se dit parfaitement d'accord avec le principe de la
manifestation mais il s'oppose à une image trop négative du
loup ; il propose en guise de morale au téléspectateur, par
l'intermédiaire du journaliste qu'il interroge : « alors
qui est le loup là dedans, hein, qui est le loup ? ».
Dans « Tableau de chasse », une autre séquence
révèle le scepticisme du journaliste. Le journaliste suit alors
une femme, sorte d'amazone des temps modernes, chassant à l'arc.
Après qu'elle lui ait chuchoté « c'est un instant
privilégié », le journaliste lui pose la question
« Parce que vous être en train de tuer ? ». La
femme se ressaisit alors et à voix haute : « Tuer, tuer,
ce n'est pas un mot que j'aime bien. Ce n'est pas tuer froidement,
mécaniquement. C'est traquer l'animal toute la journée et tomber
sur lui au moment où l'on est fatigué. On a mérité
l'animal ... bon, il se peut qu'on ne tire pas ». Enfin, Le membre
d'une association écologiste du sud ouest, la SEPANSO, indique qu'il n'a
« pas de haine à l'encontre des chasseurs, mais de la haine
à l'encontre de tous ceux qui font du mal à la
société. Rendez-vous compte, ces pauvres gens qui, quinze jours
après l'ouverture de la chasse, voient leur chat se faire
fusiller. » D'autres exemples émaillent les deux
reportages.
Pourtant, même lorsque le journaliste les pousse dans
leur retranchement, les intervenants restent toujours courtois. A
côté des diatribes et des mouvements de colère, que nous
avons pu relever dans des reportages comme « Massacre à la
tronçonneuse » ou « Danse avec les ours »,
que ce soit à l'encontre des machines, des ours ou des
écologistes, on peut dire, qu'à la fin des années 1990,
les intervenants restent tous dans les limites du politiquement correct. Les
mouvements d'humeur ne sont jamais que des dérapages et
présentés comme tels par le journaliste ou les intervenants. Les
journalistes élaborent donc une véritable réflexion sur
les diverses pratiques de la chasse et de même que sur les
différentes manières de garder un troupeaux. Cette
réflexion reste néanmoins orientée en faveur des
écologistes, car ils ont toujours le dernier mot et les propos leur
étant favorables occupent la majeure partie de la fin des deux
reportages.
Envoyé spécial, 04-03-1999, 21h57,
« Le retour des loups ». Paysages enchanteurs et regard
attendrissant du loup.
B- 1999, le retour d'un discours radical ?
Envoyé spécial est accusé dans
un article du journal Libération paru le jeudi 18
février 1999, de céder à la logique de
l' « info-tainment », c'est à dire de
l'information divertissement ou de l'information spectacle. La
rédactrice de cet article, Marie-Dominique Arrighi rapporte des propos
de Bernard Benyamin analysant qu' « Il y a une cannibalisation des
reportages d'une chaîne à l'autre. La seule manière de se
différencier, c'est de faire toujours plus. En prenant des risques avec
la réalité. » En effet, Envoyé
spécial est directement concurrencé, sur son propre terrain,
à la fin des années 1990, par l'apparition de nouveaux magazines
de reportages, axés sur la société ou sur
l'économie : Combien ça coûte et Sans
aucun doute sur TF1, Ça se discute sur France 2, Zone
interdite sur M6.
Envoyé spécial, 04-11-1999, 21h37,
« Pour quelques degrés de plus ». 1-
Schéma expliquant l'effet de serre. 2- L'effet de serre
nécessaire au maintien de la vie sur terre. 3- Accroissement de l'effet
de serre par rejet de gaz dans l'atmosphère. (image Greenpeace)
Marie-Dominique Arrighi reproche par ailleurs à Paul
Nahon et Bernard Benyamin, de parler de « personnage » pour
désigner les intervenants des reportages diffusés. Elle assimile
cette désignation au problème rencontré par M6, cherchant
d'abord les personnages et leurs histoires, construisant l'information ensuite.
L'émotion suscitée ne parviendrait, selon elle, qu'à
procurer au téléspectateur un « vernis de
compréhension ». Or si l'on considère que la
télévision est la première source d'information en
matière d'environnement pour une majorité de Français, il
est remarquable d'observer, en parallèle, une hausse du niveau de
connaissances sur le sujet, au cours des années 1990, même si des
lacunes persistent. Par exemple, la confusion entre couche d'ozone et effet de
serre a tendance à s'estomper134(*).
Envoyé spécial, 04-11-1999, 21h34,
« Pour quelques degrés de plus ».
Procédé par accumulation ; l'apocalypse, promise par la
Bible, serait-elle proche ?
A ce propos, Envoyé spécial diffuse un
reportage « Pour quelques degrés de plus », le 4
novembre 1999. Par la forme et par le ton employé, ce reportage renoue
avec la rétrospective de décembre 1991. Les soupçons du
journal Libération ne sont pas totalement infondés.
Juste après que le titre se soit affiché, le commentaire en
voix-off annonce : « Le pire n'est jamais sûr, mais il ne
faut pas y compter. ». Le journaliste ajoute que l'année 1998
a été l'année des catastrophes avec pour bilan,
près de 30 000 morts. S'affichent ensuite, en montage rapide, toute
une série de plans sur des destructions : tornades, fonte des
glaciers, incendies, inondations. De nouveau des enfants apparaissent, mais
plus seulement en insert. Ils sont désormais au coeur même des
événements et les enfants souffrant de malnutrition d'Afrique ont
remplacé les portraits d'enfants sales tirés de reportage
tournés en Europe Centrale et Orientale. Les images sont beaucoup plus
violentes, même dans leur enchaînement. Il n'y a plus de place pour
les plans aériens sur les forêt du Canada, seules comptent les
catastrophes passées, mauvais présage des catastrophes à
venir. A noter, ici, l'utilisation d'images de Greenpeace. Envoyé
spécial semble se rallier à leur cause puisque les images
servent le propos de l'émission et ne desservent plus l'image de
l'association.
Nous l'avons dit, nous nous en sommes aperçu au fil des
analyses, l'environnement est devenu progressivement un donné pour la
population, au point que l'on a pu parler de « verdissement de
l'opinion publique » (cf. Jean-Paul Bozonnet). L'environnement est
aussi devenu une préoccupation constante et grandissante des pouvoirs
publics, tant et si bien que l'on a craint, au début des années
1990, une déresponsabilisation et une déconscientisation des
acteurs et groupes sociaux concernés135(*). Pourtant, Bernard Benyamin fait le constat inverse
d'un environnement qui serait devenu au cours des
années 1990, non plus seulement une affaire d'Etat, mais l'affaire de
l'homme de la rue136(*).
Certes les reportages et actions d'Envoyé spécial ont
permis à tout à chacun de saisir quel était sa propre
responsabilité par rapport à l'environnement. Pourtant, ce sont
biens les responsables politiques et les responsables économiques, non
démocratiquement élus, qui restent aux commandes. Et c'est
précisément ce que dénonce le reportage « Pour
quelque degré de plus ».
Envoyé spécial, 04-11-1999, 21h49,
« Pour quelques degrés de plus ». Voix-off :
« Le Parlement, la Commission, c'est d'abord des kilomètres de
couloir. Derrière ces portes se décide 80% de la
législation environnementale. »
Ainsi, la Commission européenne est
présentée comme un dédale de couloirs aux portes closes,
derrière lesquelles se discutent l'essentiel de la législation en
matière d'environnement sans aucun contrôle apparent mais sous la
pression très visible de différents lobbies industriels. A
commencer par les constructeurs Français de voiture. Il est dit au cours
du reportage, par exemple, que Renault refuse de parler et que l'on tient des
propos convenus sur l'effet de Serre, chez Peugeot. Un député
européen explique les coulisses de la manipulation : le reporter
montre un registre dans lequel sont consignés tous les
« cadeaux d'entreprise » reçus par les
députés. Enfin, il va à la rencontre d'ingénieurs
travaillant sur des solutions innovantes comme la voiture à air
comprimé, « au grand mépris »,
précise-t-on en voix-off, « des industriels ». En
guise de conclusion, une image de la mer avec en fond des éoliennes
installées offshore : « Des solutions existent. L'effet
de Serre n'est pas un problème. Nous devons juste accepter d'en payer le
prix pour ne pas le faire supporter demain à nos enfants. »
Cette recommandation s'adresse d'abord aux fonctionnaires européens et
aux grands groupes industriels, elle s'adresse aussi aux
téléspectateurs, citoyens, consommateurs et contribuables.
Envoyé spécial, 04-11-1999, 21h49,
« Pour quelques degrés de plus ». Un
député européen explique comment les industriels font
pression sur les membres des différentes commissions en charge de
dossiers comme la « taxe sur les énergies » ou
l'« écotaxe ». Certains se voient ainsi
régulièrement proposer 10 000 euros pour une
conférence, avec trajet payé et discours préparé.
Il dit pour plaisanter : « Le public dirait que c'est de la
corruption ! »
Dans la rétrospective « Envoyé
Spécial, 10 ans : Environnement ». Bernard Benyamin se
fait de nouveau l'écho de cette inquiétude. Les gouvernements
font-ils vraiment tout leur possible ? Le sort des Hommes est-il
condamné ? En introduction de la rétrospective et en direct
depuis la baie de Rio, il indique « toutes les résolutions
adoptées ici semblent aujourd'huis lettre morte. » Le
reportage d'une heure qui suit est un montage de reportages sur divers sujets.
Par ordre d'apparition : Tchernobyl, La Hague, les complexes industriels
de l'ancienne Union Soviétique, la marée noire d'Exxon
Valdez, la pollution en Méditerranée, la question des
déchets, la pollution de l'eau, la pollution de l'air,
l'expérience de la Rochelle, la conclusion du reportage « SOS
Terre ». Mis à part les sujets concernant la pollution de
l'air, on remarque une proportion écrasante d'extraits de sujets
tournés avant 1995, et surtout entre 1990 et 1992. Bernard Benyamin,
lors d'un entretien avec responsable brésilien de l'environnement, note
la lenteur, à comprendre comme l'inefficacité
avérée des traités internationaux. Son vis à vis
est beaucoup plus optimiste. Selon lui, les gouvernements ont fait un pas
essentiel et il reste encore bien des efforts à fournir, mais il pense
que l'on y arrivera.
Est-ce parcequ'ils sont constamment confrontés à
l'urgence de l'actualité ? Est-ce par compassion avec les
populations en détresse que les journalistes
rencontrent, que Paul Nahon et Bernard Benyamin se montrent sans
cesse impatients? Est-ce encore parcequ'ils souhaitent donner des raisons aux
téléspectateurs de se mobiliser, que les animateurs
d'Envoyé spécial renouent avec le ton plus franchement
favorable à une la prise en compte d'un environnement renouvelé?
Autant de réponses contenues dans autant de questions. Autant de
réponses qui ne sont pourtant pas suffisantes. La médiatisation
de l'environnement a eu en fait deux conséquences : d'un
côté une institutionnalisation, de l'autre une instrumentalisation
du discours environnemental par la communication, la politique et
l'économie137(*).
L'écologie est devenue une idée tellement ordinaire à la
veille de l'an 2000, que Paul Nahon et Bernard Benyamin se doivent, afin de
dépasser l'évidence consensuelle, de replonger le
téléspectateur dans la réalité des problèmes
du passé proche. Certains sont en cours de résolution, certains
ne sont que les précurseurs d'autres à venir. Dans les deux cas,
il s'agit de maintenir éveillé la conscience vive du
téléspectateur : ce qui explique le retour d'un ton plus
engagé.
CONCLUSION
> Envoyé spécial et la
fabrication d'une histoire de l'environnement.
De 1990 à 2000, Envoyé
spécial a fabriqué, par l'intermédiaire des
reportages diffusés sur le sujet, une histoire de l'environnement. Il
convient à présent de l'écrire, en la condensant, pour en
faire ressortir les idées directrices.
Au début de cette histoire, il y a la Terre, et
l'idéal que l'on s'en fait, la Nature. Les hommes paraissent unis par un
destin commun qui conditionne le sort des générations futures.
Localement, des hommes et des femmes essaient de se battre contre la
fatalité de l'histoire. Les anciennes « démocraties
populaires » doivent faire face au désarroi des populations
asphyxiées par des usines en état d'obsolescence et surtout
à l'héritage écologique laissé par l'Union
Soviétique : zonage des activités économiques, manque
de moyens pour maîtriser la production d'énergie nucléaire.
D'autres hommes, d'autres femmes luttent aussi dans des combats,
présentés par les journalistes comme perdus d'avance. Les uns
veulent préserver quelques hectares de forêts,
propriété d'une entreprise. Les autres s'opposent au tracé
d'un TGV ou au maintien d'une décharge de déchets industriels.
Les journalistes apportent alors leur soutien ainsi que
potentiellement celui, moral ou financier, des téléspectateurs.
Par delà les exagérations et la maladresse des journalistes, la
réalité des difficultés auxquelles se confronte la
population, est exposée et l'on ne peut l'ignorer. Or la population
dispose alors rarement d'autres moyens, logistiques ou juridiques, pour enrayer
rapidement les problèmes de leur environnement. Les reportages
constituent donc une sorte de palliatif temporaire et surtout, un moyen, pour
la population concernée par des problèmes d'environnement, de
s'exprimer. C'est pourquoi les journalistes déplorent souvent jusqu'en
1995, le manque de compétences des pouvoirs locaux en France. Ils
rappellent aussi, dans le cas des pays de l'ex-Union Soviétique,
l'aveuglement et les déficiences d'un pouvoir bureaucratique et
centralisé. En France, c'est la haute administration, et son corollaire,
la technocratie, qui sont visés.
Au début des années 1990, les écologistes
se voient dépossédés des thématiques qu'ils
défendaient, par des journalistes soucieux de ne pas leur laisser le
monopole de la communication environnementale. Le rôle des journalistes
s'affirme avec d'autant plus de vigueur que les écologistes sont
soupçonnés d'agir d'abord pour eux et ensuite contre la
démocratie et les droits de l'homme. Les écologistes que l'on dit
radicaux, privilégieraient trop l'environnement au détriment des
activités humaines, et donc de la survie de l'espèce humaine.
Autrement dit, les journalistes prennent peu à peu conscience de la
responsabilité qui leur incombe vis à vis de l'environnement.
Avec l'adoption d'une législation plus contraignante, c'est à
dire après 1992, les journalistes deviennent les garants d'une certaine
transparence des décisions. Pour se distinguer du militantisme
écologique, ils tentent d'adopter - et y parviennent parfois - un
minimum d'esprit critique. Le ton se fait plus apaisé et des solutions
sont enfin aussi envisagées.
En parallèle, les journalistes décèlent
un ensemble de poisons, de substances toxiques ou dangereuses, qui menacent la
vie sur Terre, et d'abord celle des hommes. Dès le début des
années 1990, les campagnes françaises sont concernées par
la découverte de substances toxiques dans les nappes phréatiques.
Les villes de France semblent, dans un premier temps, épargnées,
à l'inverse des centres urbains des pays « en
développement » ou « émergeants »,
là où les problèmes liés à l'environnement
sont visibles. Puis, à partir de 1995, alors que les
problèmes liés à l'environnement étaient contenus,
jusque là, à la périphérie des villes, ils
investissent l'espace urbain, voire l'espace domestique. Ils deviennent enfin
perceptibles grâce au perfectionnement des instruments de mesure.
L'environnement alors n'est plus simplement considéré comme un
espace à préserver et à défendre, mais comme un
répertoire de menaces potentielles pour la santé, voire pour la
survie des populations.
Enfin, la gestion de l'environnement révèle,
après 1997, les discordances de la société
française. Une première ligne de partage, la plus
évidente, s'établit entre les tenants de la modernité et
ceux de la tradition138(*). En l'occurrence, les écologistes, et surtout
les naturalistes sont alors le plus souvent considérés par les
journalistes, comme des progressistes. Ainsi, un certain consensus rassemble
les deux parties en présence, à propos de la possible
conservation d'une faune sauvage et corrélative au développement
d'un « tourisme vert ». En dépit de ce consensus, de
vives oppositions persistent car les éleveurs, les chasseurs et
certaines collectivités réduites sentent leur ancien domaine de
prérogative contrarié, voire contesté par ce que l'on pose
et qui s'imposent comme des progressiste. Les journalistes jouent alors les
conciliateurs : ils essaient de rassembler dans un même reportage,
des points de vue divergents, auxquels les téléspectateurs
peuvent se confronter d'une manière ou d'une autre.
La deuxième ligne de partage pourrait amener certains
historiens engagés à considérer
l'appellation « trente glorieuses » comme au moins
aussi cynique que l'appellation « belle époque ». Elle
oppose les tenants du conservatisme à ceux de l'innovation. D'un
côté, du mauvais côté selon les journalistes
d'Envoyé spécial, se trouvent les industriels, ayant
établie leur fortune et leur pérennité, sur la
consommation, en masse, de voitures, d'électroménager, de toutes
sortes d'objets et de nourriture. A ceux là, il faut ajouter tous ceux
qui ont pu fournir l'énergie nécessaire à ce
développement, à savoir les gérants de l'industrie
pétrochimique et de la production d'énergie nucléaire -
même si ces derniers sont moins directement visés par
Envoyé spécial. De l'autre côté, du
côté des ingénieurs, se retrouvent tous ceux qui s'occupent
du recyclage, du développement et de la propagation des énergies
nouvelles et renouvelables, ou encore des modes de transport propres et de
production agricole respectueux des écosystèmes. Les journalistes
se montrent, ici, beaucoup plus partisans et beaucoup moins conciliants. Ce qui
apparaît dans tous les cas, c'est qu'après l'amélioration
des conditions de vie en terme de confort, les Français aspirent
désormais à l'amélioration de la qualité de leur
vie, c'est à dire à un perfectionnement de l'amélioration
première des conditions de vie.
> La construction à l'écran d'un
espace de discussion sur l'environnement.
Envoyé spécial oscille, au sein
même des reportages que le magazine diffuse, entre plusieurs approches de
l'environnement : une approche naturaliste, une approche
événementielle et une approche plus technique mêlant
économie, science et politique. A ce propos, nous pourrions même
ajouter qu'Envoyé spécial, par la
diversité de ses approches, a pu constituer un
« brouillon » de l'environnement en France, d'abord pour
les écologistes et leur sympathisants, ensuite pour les responsables
politiques et économiques. Au cours des années 1990 et pour le
dire familièrement, Envoyé spécial est là
pour mettre le doigt où ça fait mal. Autrement dit, le magazine
renseigne surtout les téléspectateurs sur les symptômes
d'un environnement défaillant, afin de les prévenir et à
défaut de pouvoir le guérir.
En cela, Paul Nahon et Bernard Benyamin rejoignent les
aspirations du rapport Notre avenir à tous qui
déplorait, en 1987, que les pratiques en matière d'environnement
n'interviennent le plus souvent qu'a posteriori : le reboisement,
la restauration d'un centre urbain, la réhabilitation d'un espace
industriel... L'ensemble des reportages d'Envoyé spécial
peuvent être considérés sous l'angle de la
prévention, de l'alerte et donc de l'anticipation d'une
éventuelle dégradation de l'environnement. Il serait pourtant
injuste de considérer les reportages d'Envoyé
spécial seulement comme des gardes fous de l'environnement. Au
delà des faits, importent les discours, témoignages,
explications, observations de personnes que l'on aurait peut être pas pu
entendre si les journalistes ne leur avaient donné la parole. Au
delà de l'information brute, importe donc la création d'un espace
public audiovisuel dans lequel on découvre toutes les opinions sur
l'environnement, françaises, européennes ou
étrangères.
Dressons à présent une typologie des rapports
que les journalistes entretiennent avec les téléspectateurs vis
à vis de l'environnement. Ce sont pour la plupart, des rapports
indirects. Les journalistes conseillent, préviennent et parfois
sermonnent. Ils souhaitent implicitement rendre le téléspectateur
responsable de ses actes et que ce dernier se départisse de ses
réticences à agir au quotidien pour l'environnement. Agir pour
l'environnement, cela peut aller de l'économie d'énergie à
l'utilisation de produits moins polluants, en passant par
l'intérêt que suscitent les propositions en matière
d'environnement de tel ou tel candidat à une élection.
Les journalistes entretiennent ensuite des rapports plus
directs avec les téléspectateurs. Bien que nous n'en n'ayons pas
trouvé de traces, Paul Nahon et Bernard Benyamin se font l'écho
du courrier et des messages minitels qu'on leur envoie. Ils ont fait des
émissions en fonction de sujets que les téléspectateurs
pouvaient leur suggérer ou de sujets que les
téléspectateurs avaient envie de revoir. Enfin, comme à la
Rochelle, les journalistes peuvent agir sur le réel en initiant des
expériences originales, puis en observant et rendant compte à
tous des résultats de l'expérience.
Les journalistes font alors presque office de sociologues, en
tant qu'analystes des mutations contemporaines des sociétés
humaines. Presque avons-nous dit, car les journalistes confondent souvent la
hiérarchisation des idées propre à une explication avec
celle des valeurs. Est-ce à dire que les journalistes sont des
intellectuels139(*) ? S'ils le sont, ils ne l'assument ou ne
l'avouent pas toujours. Quoiqu'il en soit la méthode des journalistes
d'Envoyé spécial est souvent très proche de celle
d'Emile Zola qui intitulait, un siècle auparavant, un article
dénonçant la défaillance du jugement ayant condamné
le capitaine Dreyfus : « J'accuse... ». Les
journalistes sont en effet prompts à vouloir déceler le mensonge
et proclamer haut et fort la vérité, en oubliant souvent que
c'est avant tout leur vérité. La prise en compte de
l'environnement recèle par ailleurs à une certaine éthique
que les journalistes n'ont eu de cesse de valoriser en la présentant,
nous l'avons vu, par eux comme progressiste. A ce propos, Yves Michaud
écrit :
Nous jugeons en fait très peu de situations
concrètes et vécues [...] mais sur image et sur récit
constitués en séquence et tout prêts pour la
médiatisation. [...] Les principe général de condamnation
de la violence [à laquelle on peut rattacher les problèmes
touchant l' environnement] perd son caractère de
généralité abstraite destinée à commander
l'appréciation des cas concrets : il devient un cas particulier
dans la série des cas particuliers, celui de l'engagement moral en soi
ou, selon l'expression de Hegel dans la Phénoménologie de
l'esprit, celui de la vision morale du monde, qui trouve sa
concrétisation dans la personne de l'intellectuel
médiatique.140(*)
Les journalistes se sont, plus ou moins directement,
affrontés aux réticences d'autres intellectuels plus
conventionnels tels Luc Ferry, et d'autres membres de la société
française. Inversement, ils ont pu soutenir les thèses
défendues par des membres de cette société, en premier
lieu les sympathisants des écologistes, et des intellectuels tels Michel
Serre ou Serge Moscovici. Certes, leur mode d'interpellation ne passe pas par
l'écrit. Néanmoins, le montage des reportage prend souvent
l'allure, non pas tant d'une enquête comme on a pu le dire, mais
plutôt d'une argumentation. Ainsi, certains reportages ressemblent
à des pamphlets, d'autres sont didactiques, d'autres encore travaillent
à la promotion de telle ou telle idée. L'environnement a
finalement permis aux journalistes d'Envoyé spécial
d'assurer la crédibilité et la légitimité de leur
propos et de leur pratique du journalisme. Inversement, les journalistes ont pu
assurer la légitimité et la crédibilité qui
manquaient à l'environnement pour qu'il soit enfin pris en
considération, par une majeure partie de la population française
et donc, par l'ensemble des responsables économiques et politiques du
pays.
Table des matières
4 Sommaire
6 Introduction
8 Ecologie, environnement, développement
durable.
10 Pour l'étude d'une « sensibilité
environnementale »
et d'une « culture
environnementale ».
14 Envoyé spécial et l'Histoire de
l'Environnement.
16 Première partie - Le retour de l'écologie
(1989-1992).
17 Chapitre 1 - La mise en place d'Envoyé
spécial
18 De la nécessité d'un magazine de reportage
à la télévision.
18 Une demande accrue d'informations.
20 Les exigences d'un service public
rénové.
21 Envoyé spécial, le pari
impossible ?
25 La recherche d'une pratique
journalistique différente.
25 Envoyé Spécial : prolongement
et rupture avec le journal télévisé.
27 Paul Nahon et Bernard Benyamin, journalistes,
présentateurs et coordinateurs.
29 Une démarche journalistique : entre
documentaire et reportage.
32 Des moyens au service d'une volonté
32 Qui sont les journalistes travaillant pour
Envoyé spécial ?
35 Le dispositif, reflet d'une conception du monde.
38 L'environnement comme thématique
d'Envoyé spécial :
un « choix de société »
à l'échelle de la planète.
41 Chapitre 2 - L'affirmation de l'écologie
comme thème d'Envoyé spécial.
42 Le retour en force de l'écologie dans l'espace
public.
42 Un tournant de l'histoire de l'écologie politique en
France (1989-1990).
44 L'écologie, entre humanitaire et cadre de vie
(janvier 1990-juin 1990).
47 Une réappropriation de la rhétorique
militante
(avril 1990-décembre 1991).
52 Vers une écologie radicale ?
52 Un manifeste radical pour une prise en compte de
l'environnement.
56 Le traitement des thématiques de
l'écologie : sujet de controverses.
61 Le reportage : espace et outil de
confrontation.
65 Deuxième partie - Une redéfinition des
priorités de l'écologie
au sein d'Envoyé spécial
(1992-1997)
66 Chapitre 3 - Vers une conception plus
tempérée
de l'écologie ? (1993-1996).
67 La remise en question des convictions écologistes
véhiculées par Envoyé
spécial.
67 L'environnement, désormais sujet de
préoccupation
sociale et politique.
69 Les déboires du mouvement écologiste en
France.
71 « Les commandos de
l'écologie », une autocritique déguisée.
76 Les applications de la science en question.
76 Les scientifiques, défenseurs ou
détracteurs de l'écologie politique ?
79 Les conséquences du mauvais usage de technologies
jugées obsolètes.
84 Chapitre 4 - L'environnement devient un enjeu
de santé publique (1995-1997).
85 Problèmes d'environnement : retour en France.
85 L'appréhension nouvelle de la pollution
atmosphérique.
88 Mobilisation et prévention.
91 Le « principe de précaution »
à l'écran.
92 Pollution domestique et enjeux politiques.
96 Une pédagogie du risque ?
99 L'émergence d'une éthique de
l'environnement.
102 Troisième partie - Le temps des bilans
(1997-2000).
103 Chapitre 5 - Envoyé spécial,
moteur ou accompagnateur
des politiques publiques ?
105 « Alerte à la pollution »,
plus qu'un cri d'alarme,
une sensibilisation de l'opinion.
105 Le renouveau de l'engagement d'Envoyé
spécial.
110 Approche comparatiste et éducation à
l'environnement.
115 La gestion de l'environnement et les entrepreneurs
116 Envoyé spécial à
l'épreuve de la communication environnementale.
122 L'environnement, un secteur économique en
devenir.
127 Chapitre 6 - L'évaluation des moyens employés
et des mécanismes de décision (1998-2000).
128 Le revers des lois de protection de la faune et de la
flore.
128 Une analyse du « développement
durable ».
131 Ecologistes, éleveurs, chasseurs, entre
confrontation et conciliation.
137 1999, le retour d'un discours radical ?
142 Conclusion
143 Envoyé spécial et la fabrication
d'une histoire de l'environnement.
145 La construction à l'écran d'un espace de
discussion
sur l'environnement.
148 Table des matières.
152 Annexes
153 Sources audiovisuelles.
163 Sources complémentaires.
(entretiens, sources écrites, presse, rapports
officiels et statisitiques)
166 Bibliographie.
170 Entretien avec Paul Nahon et Bernard Benyamin.
188 Liste des journalistes.
193 Liste des intervenants extérieurs.
194 Conditions particulières de production.
196 Chronologie : l'environnement (1986-2000).
Annexes
Sources audio-visuelles
(classées par ordre chronologique)
Envoyé Spécial est un magazine
d'information politique, économique et sociale, diffusé depuis le
18 janvier 1990, sur la même chaîne, Antenne 2 (A2) devenue en
septembre 1992, France 2. Cette émission a été
présentée par Paul Nahon et Bernard Benyamin jusqu'en janvier
2001. La grande majorité des documents présentés ici avait
été indexée dans le moteur de recherche de
l'Inathèque, soit dans la catégorie
« écologie », soit dans la catégorie
« environnement ». Après quelques
vérifications concernant l'ensemble des émissions
d'Envoyé Spécial, voici les documents qui ont
été retenus, conformément aux paramètres choisis
pour constituer mon corpus.
Les documents (reportage et/ou plateau) sont classés
selon un ordre chronologique, par « saison »,
c'est-à-dire de septembre à juin. Durant les mois de juillet et
d'août, certains reportages sont rediffusés le dimanche entre
midi, cela ne concerne cependant que très peu des documents retenus.
Pour établir l'identité de chaque document, les critères
sont les suivants : la date de diffusion / l'auteur (ou les participants,
si c'est un plateau) / le titre du reportage / le lieu et la
société de production / l'heure de diffusion / la durée du
reportage / entre crochets, quelques mots du sujet du reportage (ou
éventuellement du plateau). Remarque : généralement,
chaque reportage est suivi d'un entretien avec l'auteur du reportage.
N'apparaissent ici que les plateaux qui sortent de l'ordinaire, autrement dit
lorsque des intervenants extérieurs sont invités à
s'exprimer sur le contenu des reportages diffusés.
18 janvier 1990, Rabine Gilles,
« Soumgait URSS », Paris, Production propre,
20h35, 11 min 30. [une ville en Russie, 19 usines chimiques, pollution
atmosphérique]
22 février 1990, Guimier Pascal,
« Le nucléaire : danger ? , La
Hague », Paris, Production propre, 20h40, 12 min 50. [en France, une
usine de retraitement des déchets nucléaires]
8 mars 1990, Staes
Isabelle, « France : décharges
publiques », Paris, Production propre, 20h40, 10 min 15.
[décharges à ciel ouvert et nuisances de ces décharges
pour l'entourage]
19 avril 1990, Cornet François,
« Tchernobyl Traumatisme », Paris, Production propre,
20h40, 22 min. [état des lieux 4 ans après la
« catastrophe de Tchernobyl] / Botta Ettore,
« Aral le désert », France, East Ouest
Productions, 20h40, 9 min 14. [sur l'assèchement de la mer d'Aral]
10 mai 1990, Staes Isabelle,
« Le problème de l'eau, Eau
secours ! », Paris, Production propre, 20h40, 15 min 30.
[en France, la sécheresse, et en Bretagne, la pollution due au lisier et
aux nitrates]
28 juin 1990, Seban Jean-Marc, Levasseur
Michel, « Massacre à la
tronçonneuse », Paris, Production propre, 20h30, 12 min
41. [en région parisienne, contre l'établissement d'une mine
à ciel ouvert devant entraîner la disparition d'espèces
protégées et d'une partie de la forêt]
27 septembre 1990, Gintzburger Anne,
« Exxon Valdez », Paris, Production propre, 20h45,
22 min 24. [à propos du naufrage d'un pétrolier en Alaska]
11 octobre 1990, Hay Thierry,
« Méditerranée en danger, les éboueurs de la
mer », Paris, Production propre, 20h30, 15 min 33. [la mer
transformée en dépotoir]
3 janvier 1991, Cornet François,
« La ville noire », Paris, Production propre,
20h54, 20 min. [industrie métallurgique roumaine, pollution
atmosphérique, saturnisme, risque industriel]
14 février 1991, Perrin Eric,
« La bataille du rail », Paris, Production propre,
21h, 22min47 + plateau Louis Besson (Ministre des
transports)/Benyamin Bernard, 21h22, 4min10. [à propos du tracé
du TGV Méditerranée]
7 mars 1991, Staes Isabelle,
« Défense de tuer », Paris, Production
propre, 21h20, 16 min 54. [Tanzanie, Parc Naturel, le commerce de l'ivoire
entraîne l'extermination des éléphants]
21 mars 1991 [annoncé pour le 28
février], Beriot Louis, Breux Yves « La France
défigurée », Paris, Production propre, 21h26, 24
min + plateau Brice Lalonde/ Benyamin Bernard, 21h46, 2 min 54. [béton
> besoin de gravier > gravière = menace pour les cours d'eau]
25 avril 1991, Hesters Patrick,
« Tchernobyl, le mensonge », Tokyo, Nippon Hoso
Kyokai (NHK), 20h50, 26 min. [ Un médecin japonais mène son
enquête sur les conséquences de l'explosion du réacteur
nucléaire sur la santé ]
9 mai 1991, Enrico Robert (cinéaste),
« Terre Brûlée », Paris, Production
Propre, 20h40, 32 min.[les incendies dans le Var]
23 mai 1991, Hesters Patrick,
« SOS Terre », Paris, Production Propre, 20h50, 29
min 58. [ déforestation, effet de serre, désertification]
12 septembre 1991, Staes Isabelle,
« Koweit, l'enfer », Paris, Production Propre,
1991, 20h53, 26 min 37.[ incendie des puits de pétrole au Koweït]
[impossible de consulter]
30 décembre 1991,
Tazieff Haroun (commentaire), « Rétro 1991 :
l'écologie », Paris, Production propre/ Royaume Uni,
Visnews/ Londres, Worldwige Television News, 20h55, 20 min. [les incendies de
puits de pétrole au Koweït, la pollution en
Méditerranée, l'éruption du Pinatubo aux Philippines,
évocation d'un super-ministère de l'environnement doté
d'un vrai budget et d'un réel pouvoir]
16 janvier 1992, Binet Richard,
« Né à Katowice », Paris, Production
Propre, 20h56, 10 min. [Pologne, pollution atmosphérique liée
à l'industrie > handicaps et malformations]
5 mars 1992, Paringaux Rolland Pierre,
« Cote d'alerte », Paris, Production Propre/ LMK
Images, 20h53, 20 min 40. [défiguration du littoral breton par les
installations touristiques] / Hesters Patrick (en partenariat
avec le Centre National d'Etudes Spatiales), « Ozone, la
menace », Paris, Production Propre, 20h45, 23 min 18. [cri d'alerte
des scientifiques quant au trou de la couche d'ozone dans
l'hémisphère nord] [impossible de consulter]
19 mars 1992, Chignac Frédéric,
Gauchard Jean Yves, « Paris phérique »,
[production non spécifiée], 20h45, 23 min 18. [comment l'Homme
vit avec son environnement urbain, le périphérique entre prison
et évasion]
28 mai 1992, Hesters Patrick,
« Sous haute surveillance », Paris, Production
Propre/ Toulouse, Spot Image, 20h54, 26 min. [les évolutions de
l'environnement observées par le satellite Spot] /
Staes Isabelle, « Montchanin, la décharge du
diable », Paris, Production Propre, 21h22, 23 min. [Saône
et Loire, déchets enfouis, risque d'explosion et pour la santé]
/ Pousinet Anne, « Que faire de nos
poubelles ? », Paris, Production Propre, 21h48, 23 min. [le
volume des déchets augmente en France et en Europe, que faire ?]
/ Millet Sylvie, Zscheh Heinz, « C'est la mer
blanche qu'on assassine », [production non
spécifiée], 22h14, 11 min. [en Russie, rejet de déchets
toxiques et radioactifs dans la mer par des complexes militaro-industriel]
11 juin 1992, Hesters Patrick,
« SOS Terre », Paris, Production Propre, 20h50, 29
min 58. [rediffusion]
25 juin 1992, Binet Richard,
« Alerte en Méditerranée », Paris,
Production Propre, 20h55, 17 min. [ algue tueuse, étouffe la flore
sous-marine]
22 octobre 1992, Boisset Yves
(réalisateur), « Danse avec les ours »,
Paris, Production Propre, 21h16, 30 min 38. [dans les Pyrénées,
partisans et opposants à l'élargissement d'une route dans un
endroit où vivent encore des ours]
3 décembre 1992, Costelle Anne,
Kostine Serguei, « La grande menace »,
Pathé France, 20h49, 23 min 26.[en Russie, cimetière de
sous-marins nucléaires]
4 mars 1993, Fottorino Eric,
« La mort en eau douce », Paris, LMK Images,
21h27, 23 min 21. [en France, la faune et la flore de la plus grande
étendue d'eau salée sont menacés par l'introduction d'eau
douce, déversée par une centrale électrique d'EDF]
6 mai 1993, Pierrot Eric, Eudes Yves,
« Satellite, le 3e oeil », Paris,
Production Propre/LMK Images, 21h27, 23 min 21. [observation par satellites des
phénomènes humains et naturels ] / Monsigny
Bernard, « Musiciens du bruit », Paris, Production
Propre/LMK Images, 21h27, 20 min 17. [environnement et pollution sonore, la
ville et le bruit]
10 juin 1993, Grigoriev Basile, Mitkova
Tatiana, « Octobre rouge », Moscou, Master TV
Moscow/ Paris, SHK, 20h53, 50 min 38. [ sur les sous-marins russes Typhoon,
trop gros et laissés à l'abandon ] + Plateau Grigoriev Basile/
Commandant Dupuy Montbrun/ Nahon Paul/ Benyamin Bernard, 21h50, 8 min 33.
16 septembre 1993, Sempère Claude,
« La guerre du feu », Paris, Production Propre,
21h, 29 min 34. [dans la région PACA, faire face aux incendies en
été]
9 décembre 1993, Fourniou
Valérie, « Après le déluge »,
Paris, Production Propre, 21h55, 25 min 55. [en Camargue, conséquences
écologiques, quelques mois après que le Rhône ait repris en
quelques heures son cours naturel suite à des inondations]
[impossible de consulter]
17 mars 1994, Abramovici Pierre,
« Dangers mortels », Paris, LMK Images, 22h11, 26
min 48. [en Europe, la question du stockage des déchets radioactifs]
20 octobre 1994, Monsigny Bernard,
« On achève bien les autos », Paris, Point
du Jour, 21h48, 22 min 13. [recyclage des épaves d'automobiles, en
expansion et en mutation]
17 novembre 1994, Monchicourt Marie-Odile,
Monsigny Bernard, « Ignalina, mon amour », Paris,
Production Propre, 21h30, 25 min 25. [en Lituanie, les occidentaux redoutent
une catastrophe de type Tchernobyl]
22 décembre 1994, Binet Richard,
« Alerte en Méditerranée », Paris,
Production Propre, 20h55, 17 min. [rediffusion, algue tueuse, étouffe la
flore sous-marine] + Plateau Professeur Meinez [constat d'échec
concernant les algues tueuses], 21h22, 4 min.
12 janvier 1995, Jauve Sophie, «
Alerte au Pyralène », Paris, Production Propre,
20h55, 20 min 15. [en France, après qu'un transformateur ait pris feu
dans un immeuble, les habitants de l'immeuble sont atteints de cancer, crainte
des pompiers]
19 janvier 1995, Blanc Lapierre José,
« A bout de souffle », Paris, Production Propre,
21h, 24 min 23.+ Plateau Docteur Etienne Jean-Louis/ Nahon Paul, 21h25, 5 min
17. [Pollution de l'air en France, parle des moyens de réduire cette
pollution due notamment à l'usage des véhicules des
particuliers]
2 février 1995, Segiwa Shuntaro,
« Bombes à retardement », Tokyo, Nippon
Hoso Kyokai (NHK), 22h, 39 min 26. [Kazakhstan, après des essais
nucléaires, conséquences sur la population]
16 février 1995, Himbert Marie-Noelle,
« Brûlés sans flamme », Paris, CAPA
Production, 21h45, 31 min 24. [N'importe qui peut ramasser des objets
radioactifs perdus dans la nature, on appelle cela le « petit
nucléaire »]
9 mars 1995, Grigoriev Basile,
« Les portes de l'enfer », Paris, SHK Production,
21h40, 38 min 55. [reportage en Russie sur les « Cités
interdites de l'atome » qui sortent aujourd'huis de l'ombre]
16 mars1995, Le Masson Eric,
« la Bête », Paris, Production Propre,
21h05, 24 min 17. [dans les Vosges, retour sur un loup s'y promenant par
l'intermédiaire de nombreuses personnes proches de la nature]
25 mai 1995, De Boch Leo,
« Tchernobyl neuf ans après », Royaume Uni,
Peter Suetens Production, 20h55, 31 min 27.+ Plateau Michel
Barnier/ Bernard Benyamin, 20h25, 5 min 30.
22 juin 1995, Sempère Claude,
« Les chasseurs de primes », Paris, Production
Propre, 20h50, 30 min 10. [en Corse, les paysans allument des feux pour obtenir
des indemnités, loi du silence] [impossible de
consulter]
7 septembre 1995, Hosatte Jean-Marie, «
Les commandos de l'écologie », Paris, CAPA
Production, 22h30, 49 min 42. [rétrospective sur Greenpeace, actions,
histoire et siège dans le monde]
28 septembre 1995, Golberine Georges,
« Mortel Amiante », Paris, en partenariat avec
Science et Avenir/Sertis, 21h, 26 min 58. + Plateau Hubert Elisabeth
(ministre de la Santé)/ Benyamin Bernard, 21h26, 11 min 54. [à
propos des conséquences sur la santé d'un matériau de
construction couramment utilisé, l'amiante]
14 décembre 1995, Crotta
Frédéric, « La voiture du 3e
type », Paris, Production Propre, 22h, 20 min 5. [ sur les
voitures électriques, qui polluent moins]
11 janvier 1996, Hay Thierry,
« Méditerranée en danger, les éboueurs de la
mer », Paris, Production propre, 22h00, 15 min 33. [rediffusion
+ « Le XXe siècle aura été celui de la
sensibilisation, le XXIe siècle sera peut être celui de
l'action]
7 mars 1996, Hesters Patrick,
« SOS Terre », Paris, Production Propre, 22h05, 29
min 58. [ rediffusion]
14 mars 1996, Cornet François,
« La ville noire », Paris, Production propre,
22h10, 20 min. [rediffusion, François Cornet fait le point sur les
usines métallurgiques de Roumanie, depuis 1991]
25 avril 1996, Montage d'archives
d'Envoyé Spécial, « Tchernobyl, 10 ans
après », Paris, Production Propre/ Tokyo, Nippon Hoso
Kyokai (NHK), 20h55, [durée non spécifiée].
/ [auteur non spécifié], « L'accusé
de Tchernobyl », 20h55, [durée non
spécifiée]. [ Interview de l'ancien directeur de la centrale
nucléaire de Tchernobyl, Victor Boukhanov ]
23 mai 1996, Blanc Lapierre José,
« Histoire d'eau », Paris, Production Propre/
Paris, Canal Plus, 21h, 35 min 35. [Paris, New York, Moscou, reportage sur
l'eau potable]
12 juin 1996, Binet Richard,
« Alerte en Méditerranée », Paris,
Production Propre, 20h55, 17 min. [rediffusion]
19 septembre 1996, Golberine Georges,
« L'amiante, 50 ans de mensonges », Paris, en
partenariat avec Science et Avenir/Sertis, 21h, 35 min.
9 janvier 1997, Trillat Marcel,
« La guerre des pierres », Paris, Production
Propre, 20h50, 37 min 25. [dans les Pyrénées Atlantiques,
débat autour de l'établissement d'une carrière à
ciel ouvert]
6 février 1997, Vallet
Françoise, « Produits biologiques », Paris,
Production Propre, 21h, 32 min. / Casa Jérôme,
Poiret Philippe, « La guerre du courrier », Paris,
Capa Production, 21h40, 27 min. [en France et aux Etats-Unis, nuisances
nocturnes dues à la proximité d'un aéroport quant au
courrier postal acheminé par avion]
3 avril 1997, Costelle Anne,
Kostine Serguei, « La grande menace », Pathe
France, 22h, 23 min 26. [rediffusion, retour sur les épaves
nucléaires russes, « rien n'est fait, c'est
épouvantable ! »]
17 avril 1997, Mavic Florence, Pozzo
Hervé, « Les graines du futur », Paris,
Production Propre, 21h, 34 min. [enquêtes sur des graines appelées
OGM]
12 juin 1997, Pousinet Anne,
« La ville à vélo », Paris,
Production propre/ Bry-sur-Marne, Institut Nationale de l'Audiovisuel, 20h56,
29 min 46. [ Paris, Amsterdam, une ville à vélo, c'est possible ]
11 septembre 1997, Bernoux Pierre-Marie,
« Main basse sur les ordures », Paris, Canal Plus,
22h30, 25 min 43. [en France, faire disparaître toutes les
décharges d'ici 2002, le problème des ordures
ménagères]
25 septembre 1997, « Alerte
à la pollution !», en direct de La Rochelle.
- Metivet Jean-Pierre, « La Rochelle,
l'utopie », Paris, Production propre, 21h, 21 min 40.
[« 24h sans voiture », les bons résultats d'une
expérience lancée par le maire de La Rochelle]+ Plateau,
Métivet Jean-Pierre/Crepeau Michel (ancien ministre de l'environnement
et maire de La Rochelle)/ Nahon Paul, 21h20, 5 min 44.
- Molinier Agnès, Levy Daniel, « Paris,
brûle-t-il ? », Paris, Production propre, 21h26, 9
min 9. [les instruments de la mesure de la pollution atmosphérique
à Paris ]
- De Banville Marc, « Les
lobbies », Paris, CAPA Production, 21h35, 5 min 26. [lobbies
pétroliers et automobiles pour la sauvegarde du diesel, regret d'un
ancien ministre et enthousiasme du nouveau ministre] + Plateau Molinier
Agnès/ Pommereau Jean-Pierre (directeur de recherche au CNRS)/ Nahon
Paul, 21h42, 4 min 37.
- Molinier Agnès, « La bataille du
Smog », Paris, Production propre, 21h47, 10 min 38. [Los
Angelès, les solutions apportées : covoiturage, travail
à domicile, bonus/malus pour les entreprises]
- Molinier Agnès, « L'acropole
asphyxiée », Paris, Production propre, 21h57, 9 min 48
[Athènes, la ville la plus polluée d'Europe]
- Caza Jérôme, « Méga
Pollution » Paris, CAPA Production, 22h, 6 min 40. [les
mégalopoles les plus polluées et les solutions apportées]
+ Plateau, Pochon (représentant du Centre d'étude pour un
développement agricole plus autonome (CEDAPA))/ Nahon Paul, 22h22, 6
min.
- De Banville Marc, « La vallée de la
chimie », Paris, CAPA Production, 22h10, 5 min 13. [dans la
vallée du Rhône, réhabilitation d'un ancien site de la
pétro-chimie, amorcée il y a 20]
- De Banville Marc, « Alertes aux
nitrates », Paris, CAPA Production, 22h16, 5 min 42. [les
conséquences de l'agriculture intensive en Bretagne]
- Caza Jérôme, « Hommes
Bulles », Paris, CAPA Production, 22h39, 8 min 29. [village
étrange construit à l'usage des chimico-sensibles, allergiques
à la pollution de la vie citadine quotidienne]
23 octobre 1997, Rochot Philippe,
« L'ambassadeur des ours », Paris, Production
propre, 21h55, 26 min 17. [ dans les Pyrénées, reportage sur ceux
qui s'occupent des ours ]
29 janvier 1998, Grigoriev Basile, Mitkova
Tatiana, « Octobre rouge », Moscou, Master TV
Moscow/ Paris, SHK, 22h00, 50 min 38. [rediffusion]+ Duplex,
Rabine Giles, Paris, Production Propre, 22h50, 3 min 34. [refus des
autorités russes ; bases navales russes, un danger pour
l'Europe]
5 mars 1998, Valenti Alexandre,
« Le prix de la défense », Paris,
Production propre/[production non spécifiée], 21h11, 43 min.
[depuis le moratoire de 1989, l'augmentation du nombre
d'éléphants pose problème car ils détruisent tout
sur leur passage] + Plateau (en direct du parc naturel de Ouaza au Cameroun),
Greth (WWF)/ Valenti, 21h55, 14 min 30. / Thomas Johnson,
« Les dents du ciel », Paris, CAPA Production,
22h02, 27 min 35.[en Madagascar, invasion de criquets, dilemme entre les
problèmes liés à l'usage des pesticides et la destruction
des récoltes]
9 avril 1998, Hamon Hervé,
« Chasseurs de tempête », [production non
spécifiée], 20h50, 41 min 22. [ en France, les mesures prises
contre l'échouage des bateaux, l'Abeille Flandres remorque les
bateaux en cas de tempête ]
14 janvier 1999, Johnson Thomas,
« La leçon des grands singes », Paris,
Production propre/ CAPA Production, 21h, 49 min 48.[90% du génome humain
menacé par la déforestation]
18 février 1999, Bonnet
Frédéric, « Animaux, le marché
sauvage », Paris, Morgane Production, 20h50, 35 min 44.
[à propos du trafic d'animaux sauvages]
4 mars 1999, Andrieux Claude,
« Le retour des loups », Paris, Théo
Presse, 20h50, 26 min 36. [les loups réintroduits qui attaquent les
troupeaux de moutons]
16 septembre 1999, Stelleta Pascal,
« L'or vert », Paris, Production Propre, 20h57, 55
min [Monsanto, entreprise tournée vers la production d'OGM +
brevetabilité du vivant]
28 octobre 1999, Carpentier Jean-Michel,
« Tableau de chasse », Paris, Production propre, 20h55,
34 min 10. [la crainte des chasseurs face aux nouvelles régulations]
4 novembre 1999, Cancella Kieffer Michaela,
« Pour quelques degrés de plus », Paris,
Galaxie Presse, 20h50, 27 min 55. [les conséquences du
dérèglement climatique, si les gaz à effet de serre
augmentent, difficulté de sensibiliser les grands patrons de
l'industrie, les autorités doivent absolument agir pour réduire
la production de gaz]
2 décembre 1999, Guyot Didier,
« Les roues de la colère », Paris,
Production propre, 20h50, 22 min 09. [engorgement du Tunnel du Fréjus,
pollution de l'air, pollution sonore et destruction du paysage, à propos
des conséquences néfastes du transport routier]
13 janvier 2000, 10 ans,
Environnement, en direct de la Baie de Rio de Janeiro.
Montage de 14 reportages réalisés par
l'équipe de journalistes d'Envoyé Spécial,
Paris, Production propre, 1h45, 1h57.
Sources complémentaires
(par ordre chronologique selon les types de documents)
>> Entretiens
Azoulay Minou (coordination), Benyamin Bernard, Nahon Paul,
Envoyé Spécial, le livre, Edition n°1/Michel
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Doussot Michel, « Entretien avec Paul
Nahon », Télé Scope, n°131, Paris, 18-24 mai
1996, p. 13
Rey Jean-Noël (propos recueillis par), Benyamin Bernard,
Nahon Paul, « Envoyé Spécial : rigueur et
austérité », Les magazines de reportage
à la télévision , CinémAction,
n°84, 3e trimestre 1997, pp.. 70-79
Fleury Claire, « L'avènement du
jeudi », Télé Obs, Paris, 30 mai-3 juin 1998, p.
10
Sellier Yannick (entretien réalisé par),
Entretien avec Paul Nahon et Bernard Benyamin, Paris, Siège de
France Télévisions, février 2007, 45 min.
>> Sources écrites
[auteur inconnu], Notice de la collection
« Envoyé Spécial », Paris, extraite de
la base de donnée Archives TV de l'Inathèque en janvier
2006, 4 p.
> Presse
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spécial
[auteur inconnu], « URSS Nouveaux
témoignages sur les violences en Azerbaïdjan »,
Le Monde, Paris, 14 mars 1988, p. 4
Follea Florence, « Jeudi 18 janvier
Envoyé spécial : A2, 20h35, la rédaction d'A2
mobilisée », Le Monde, Paris, 15 janvier 1990, p. 13
Dufour Jean-Paul, « Les victimes oubliées
de « l'autre » nucléaire », Le Monde,
Paris, 16 février 1995, p. 15
Montvalon Jean-Baptiste de, « Envoyé
spécial, France 2, 20h50 », Le Monde (supplément
Télévision Magazine), Paris, 22 novembre 1993, p. 17
Strazzulla Jérôme, « La ville sur
deux roues », Le Figaro, Paris, 12 juin 1997, p. 33
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l'Homme, « Envoyé spécial » », La
Croix, 25 septembre 1997, p. 23
Latil Sophie, « Envoyé spécial,
France 2, 20h50, Alerte à la pollution », Le Figaro,
Paris, 25 septembre 1997, p. 35
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magazines d'information à la télévision »,
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*Presse quotidienne / Ecologie
[collectif] « Appel de
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Cans Roger, « Rigueur scientifique contre
coquecigrues écologistes », Le Monde, Paris,
1 juillet 1992, p. 13
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Auteur inconnu, « Envoyés
Spécial : la 200e »,
Télérama, n° 2351, Paris, 1er
février 1995, p. 119
Doussot Michel, « Aux commandes d'Envoyé
Spécial », Télé Scope, n°131, Paris,
18-24 mai 1996, p. 12
Auteur inconnu, « Envoyé
Spécial : la 300e »,
Télérama, n° 2475, Paris, 18 juin 1997, p. 133
Cornu Francis, « Envoyé Spécial,
l'info en vedette. », La construction de l'information
télévisée, Dossiers de l'Audiovisuel,
n°76, INA/Documentation Française, nov.-dec., 1997, pp.. 39-40
Fleury Claire, « Un Français sur quatre
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présidée par), « L'avenir de la
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parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
Rapport d'information n°41, 1997-1998, [n. p.] (source : Internet)
Chaniac Régine, Apport des techniques de
communication médiatique à la sensibilisation à
l'environnement, rapport d'étape pour le ministre de
l'environnement, 1999, 34 p.
*Statistiques sur l'environnement
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qu'en disent les Français, Paris, Ministère de
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française, 1999, 218 p.
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publique », Orléans, Edition Tec et Doc, 2000, 187 p.
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1995, 64 p.
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médiatique : la construction du miroir social, Paris,
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Télévision
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*Environnement / thématiques
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« Paysage », Monuments historiques, n°192,
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[collectif], « Nouvelles relations aux savoirs
et aux pouvoirs », Alliage, n°40, automne 1999, pp.. 22-80.
[collectif], « Pour une culture du
risque », Alliage, n°48-49, automne 2001, pp.. 27-190.
[collectif] « 2001 Energie, les défis
à venir », Sciences et Vie, Hors Série n°
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Tiberghien Gilles, Nature, Art, Paysage, Arles, Actes
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Vinaver Kristina, La crise de l'environnement à
l'Est, Paris, L'Harmattan, 1993, 190 p.
*Ecologie scientifique :
Colinvaux Paul, Invitation à la science de
l'écologie, Paris, Editions du Seuil, Coll. « Points
Science », 1993, 256 p.
Matagne Patrick, Comprendre l'écologie et son
histoire, Paris, Editions Delachaux et Niestlé, Coll.
« Bibliothèque du naturaliste », 2002, 208 p.
>> Documentation
complémentaire :
*Histoire politique et sociale
Becker Jean-Jacques, Histoire politique de la France
depuis 1945, Paris, Armand Collin, coll. « Cursus »
Paris, 2000, 250 p.
Borne Dominique, Histoire de la société
française depuis 1945, Paris, Armand Collin, coll.
« Cursus » Paris, 2000, [3e éd.], 190 p.
Winock Michel, La fièvre hexagonale, Les grandes
crises politiques (1871-1968), Paris, Ed. du Seuil, Coll.
« Points Histoire », 2001 [1ère
éd. 2001]480 p.
*Mises en perspective
Blum Sylvie, Dumas François (dossier coordonné
par), Science et Télévision, Dossiers de l'Audiovisuel
[n°31], Institut National de l'Audiovisuel/La documentation
Française, mai/juin 1990, pp.. 10-52
Gimpel Jean, La fin de l'avenir. Le déclin
technologique, la crise de l'occident, Paris, Editions du Seuil, 206 p.
Hans Jonas, Le principe de responsabilité,
Une éthique pour la civilisation technologique, Paris,
Flammarion, Coll. : « Champs», 1998
[1ère éd. 1979], 480 p.
Michaud Yves Changements dans la violence, essai sur la
bienveillance universelle et la peur, Paris, Odile Jacob, 2002, 290 p.
Steiner George, Dans le château de Barbe-Bleue,
Notes pour une redéfinition de la culture, Paris, Gallimard, Coll.
« Folio Essais », 2004, 160 p.
Entretien avec Paul Nahon et Bernard Benyamin
(Bureau de Paul Nahon à France 3 ;
Mercredi 31 octobre ; 45 minutes)
réalisé par Yannick Sellier.
Yannick Sellier (YS) : Je voudrais d'abord
connaître votre formation de départ, ce que vous avez fait avant
Envoyé spécial. Je sais que vous avez été
journalistes, reporters et j'aimerai d'emblée savoir si vous aviez un
engagement quelconque dans l'écologie ?
Bernard Benyamin (BB) : Non pas du tout, ni l'un ni
l'autre. Pour aller vite, on a eu des formations tout à fait
parallèle puisqu'il a commencé à la radio, c'est
ça ? ...
Paul Nahon (PN) : ... après une licence de science
éco, où je travaillais parallèlement. Donc rien à
voir avec l'écologie.
BB : Moi, j'ai travaillé à l'école
de journalistes de Lille, ensuite, j'ai été travaillé
à France Inter avant d'arriver à France 2, donc non ... formation
parallèle et rien à voir avec l'écologie.
YS : ok, d'accord, alors pourquoi en êtes-vous
venus à traiter les thèmes de l'écologie, et ce dès
le premier numéro ?
BB : le premier numéro, c'était
« Soumgait », un reportage de Gilles Rabine ...
PN : Non moi je ferais une réponse, votre question
est trop fermée ... je vais vous dire pourquoi ... parce que je pense
que le devoir d'un journaliste, encore une fois, c'est de s'intéresser
à tout. Et que pardon, mais en toute humilité, nous avons
été à partir de 1990, parcequ'on était journaliste,
parcequ'on a eu une formation pendant 20 ans, quand on a commencé
Envoyé Spécial, on a eu cette curiosité
formidable, qui est le rôle fondamental d'un journaliste de
défricher tout ce qu'il y a de plus important dans la
société. On nous avait demandé de faire un magazine de
société, sur la société française, sur
l'international, sur les grandes mutations du monde, et il nous paraissait
absolument évident de nous intéresser à l'écologie
comme autre chose. Comme sur, on a été aussi précurseur au
niveau des sectes ...
YS : c'est vrai, mais par rapport à ces questions
d'environnement, d'écologie, vous avez quand même dit que
c'était l'une de vos préoccupations premières.
BB : Elle est devenue, c'est devenu ...
YS : c'est ce que je voulais savoir, est-ce que
c'était avant, ou est-ce que c'était pendant ?
BB : C'est pendant, c'est pendant et après ...
Paul a tout a fait raison, on avait aucun a priori ni pour ni contre
l'écologie. Nous, on était journalistes, on avait la charge
d'essayer d'expliquer le monde dans lequel on vivait, le mieux possible, donc
on était obligé de s'intéresser à tout et n'importe
quoi. Et le premier numéro, on s'est dit qu'est-ce qu'on va faire ?
On a commencé à faire le tour, d'abord des correspondants, des
gens avec qui on avait envie de travailler, etc. Et ce sont ces gens là
qui nous ont amené les sujets au début. Moi j'avais aucune, on
avait aucune idée de ce qui se passait à Soumgaït. C'est
Gilles Rabine qui est venu ...
PN : Sauf que, quand on prend la commande
d'Envoyé Spécial en 1990, ...
BB : J'ai dit au début ...
PN : Si je puis me permettre de contredire mon ami
Bernard, sauf que quand on prend les commandes en 1989, on a 20 ans de terrain
derrière nous. On a vu plein de choses dans le monde, les
déforestations, on a vu les pluies acides ... Moi j'ai été
au Viêtnam pendant très longtemps où j'ai fait des
reportages depuis 1973, j'ai vu l'agent orange, lui au Brésil, la
déforestation. Donc on avait ça inconsciemment, moi j'ai vu en
Afrique, la déforestation avec les énormes troncs des
forêts qui se baladaient sur toutes les routes ...
BB : Mais pour être sincère Paul, pour
être sincère, c'est au fur et à mesure que c'est venu,
c'est à dire que même si au début, on avait envie de faire
d'abord un bon reportage, qui explique encore une fois, le monde dans lequel on
vivait, il se trouve que dans le premier numéro - mais je pense que
c'est un hasard, hein, très sincèrement - il y avait
Soumgaït. Sauf qu'au fur et à mesure qu'on a commencé
à gratter et à commander des journalistes, à parler avec
des journalistes qui revenaient et voyaient des choses dont on n'avait pas
idée. C'est là, effectivement, qu'a commencé à
naître, si on peut appeler ça entre guillemets, une
« conscience écologique » chez nous.
YS : Maintenant, quelques détails techniques pour
savoir comment vous préparez une émission. Les séquences
plateaux, sont-elles préenregistrées ou enregistrées en
direct ?
PN : Non, non, elles sont enregistrées le jour
même à deux heures, trois heures de la diffusion. Dans
l'après midi.
BB : Sauf pour les émissions tournées en
direct.
YS : Evidemment. Les auteurs des reportages qui
interviennent ensuite sur le plateau, est-ce qu'ils voient leur
reportages ?
PN et BB : c'est eux qui l'on fait !
YS : Non, parcequ'on a toujours l'impression, qu'ils
l'ont vu juste avant...
PN : Il n'y a pas de mise en scène, cependant
quand on est arrivé à France 3 ou France 2, bon Antenne 2
à l'époque, nous on s'est dit que si un jour on avait un
magazine, pour rendre à césar ce qui est à césar,
il faut faire venir la personne qui a fait le reportage. Pour dire au
téléspectateur, c'est pas nous qui avons fait le reportage, c'est
lui. La voix que vous venez d'entendre, voilà le visage.
BB : Nous, on avait été victime en tant que
reporters, on va dire du rapt de certains reportages, que nous avions fait, par
la personne qui présentait. Pour le téléspectateur, en
gros, celui qui présente, c'est celui qui fait tout, or notre rôle
a tout de suite été de dire « attendez, ce n'est pas
nous qui avons fait ce reportage, c'est cette personne là. Ça
nous paraissait la moindre des choses, de reconnaître les mérites
de chacun.
YS : Mais, ce qu'il y a, c'est que vous dites toujours
que vous contrôlez, ma foi, c'est peut être un peu fort, mais
disons que vous vérifiez le montage, vous vérifiez le contenu
... ?
BB : Mais c'est la base, du métier de journaliste.
Le B A BA, c'est de vérifier les informations. A partir du moment,
où les informations sont vérifiées, on peut y aller, et on
a toujours tenu le même discours à tout les journalistes :
« vous voulez - je dis n'importe quoi - mettre en accusation le
président de la république, vous avez des preuves ? Si vous
avez des preuves, on y va, mais il faut que le preuves soient
béton »
YS : Bon là, vous me parlez de preuve, mais n'y
avait-il pas aussi de considération, du style comment garder l'attention
du téléspectateur sur des sujets qui sont pas toujours
évident ?
BB : C'est notre rôle, je l'ai dit dès le
début, il fallait qu'on essaie d'expliquer le monde, donc partant de
là, il fallait, on allait devoir aborder des sujets assez complexes et
essayer effectivement de les rendre le plus publique possible pour que les gens
comprennent ce qui se passe. Et sur quelle Terre, ils vivent.
YS : Autres considérations techniques, les
programmations des sujets, est-ce que vous décidez des sujets
... ?
BB : Très longtemps à l'avance ! Pour
permettre au journaliste de faire son enquête et de mener à bien
... Cela dit, les temps de tournage ont toujours été
respectés. Ce qu'il y avait peut être à l'époque en
tout cas, c'est qu'on donnait un peu plus de temps aux journalistes pour
préparer. Ils avaient vraiment le temps de préparer. Et à
partir du moment, où ils avaient l'équipe, etc. ..., ça se
tournait très rapidement. Pourquoi ? Parce que les gens
étaient très, très, très préparés.
YS : D'accord, et en général, le temps,
c'est un mois, trois mois ... ?
BB : Non, ça dépend des reportages, vous
avez des reportages qu'on a pu lancer avec 6 mois d'antécédent,
et il y en a d'autres qui ont été faits en trois jours. Ça
dépend de l'actualité. On a souvent mis en avant - c'est un peu
inconscient, c'est un peu difficile de dire ça - on a eu le nez pour un
certain nombres de choses. Encore une fois, Paul vous a dit, on avait 20 ans de
terrain derrière nous. Il y avait des choses qui se passaient dans la
société, dans l'air du temps. Je pense que pratiquement à
chaque fois, on a été parmi les premiers à le sentir. Et
donc à lancer tout de suite un reportage. Et lorsque le reportage
arrivait à maturation, c'est à dire à l'antenne, à
ce moment là, il était en adéquation parfaite avec ce que
la société ... Mais ça, c'est difficile à expliquer
...
PN : ça dépend du travail, du bol, du pif,
c'est ça hein ... et de l'expérience.
YS : Par rapport aux rediffusions, vous rediffusez
parfois des sujets à 5 ans, voire à 7, 8 ans d'écart avec
la même présentation. Alors pourquoi des rediffusions et pas un
nouveau reportage ?
BB et PN : Mais en général, il y avait
toujours un retournage pour savoir ce que c'était devenu.
YS : Mais pourtant, dans mon souvenir, j'en ai un,
Komchamica ...mais sinon, du reste ...
BB : Komchamica, peut-être, ça veut dire que
rien ne s'était passé depuis.
PN : S'il n'y avait pas de retournage, c'est la situation
n'avait pas changé. Le reporter nous disait :
« voilà, j'ai enquêté ultérieurement, la
situation est toujours la même. »
YS : ça veut dire que pour les sous-marins
nucléaires russes, ...
PN : Oh la la ! je peux vous dire que la situation
n'a pas changé ... Les sous-marins nucléaires, c'était un
sujet colossal, ça c'est un journaliste russe. Ils étaient deux
en fait. Le titre, « Octobre rouge », c'était un
film. C'était un reportage fait pendant la chute du mur, un peu avant ou
un peu après, on voyait les gens prendre les objets radioactifs à
pleine main, les quartiers de viande qui sortaient par la soute, c'était
formidable ! Bon, quand on voit un truc comme ça, on est
journaliste, on voit les conséquences tout de suite, qui durent pendant
des années lumières sur l'environnement. ça montre
l'état d'un pays, ça montre l'état des forces militaires,
des forces politiques, l'état d'une société ...
Incroyable, ce reportage était formidable !
YS : Justement, vous parlez beaucoup du nucléaire,
mais surtout du nucléaire dans les autres pays ...
BB : Pour une raison simple, le nucléaire en
France est assez propre.
YS : D'accord ...
BB : On ne s'est jamais rien interdit. Si on nous avait
amené un reportage, ou si nous avions pensé qu'un reportage
devait être fait parce qu'une centrale nucléaire rencontrait des
problèmes en France, on l'aurait fait immédiatement.
YS : Et, par exemple, lorsque vous faites un reportage
sur les essais nucléaires au Kazakhstan, est-ce que ça a un
rapport avec les essais nucléaires français ?
PN : Non, on le fait juste parce que le sujet est
intéressant, parce que l'on peut montrer des choses.
BB : Ce qu'il faut bien voir, à mon avis, c'est
que lorsque l'on est arrivé avec Envoyé Spécial,
on avait un terrain énorme à défricher depuis 20 ans, il
n'y avait pas eu de grand magazine d'information. Pendant plus de vingt ans, la
seule source d'information, c'était le journal, et c'était 1 min.
30 dans le journal. C'est à dire que beaucoup, la majorité des
sujets n'arrivaient pas jusqu'au public. Et lorsqu'on est arrivé, on a
pris ça en pleine gueule.
PN : Avec une sorte de persévérance,
puisque l'écologie a changé. Paf, qu'est-ce que l'on trouve
après ? les OGM ! Grand reportage de 52 minutes,
c'était au tout début. On ne parlait absolument pas d'OGM,
à ce moment là.
BB : L'Amiante, c'est nous, on a fait sortir l'Amiante.
YS : Donc, vous êtes précurseurs sur ce
sujet ?
PN : C'était nous, avec Science et Avenir,
il faut vous dire que sur un reportage comme ça, la personne vient,
on parle. Nous, on voit qu'il y a un truc colossal, il faut qu'on
réfléchisse, qu'on se décide très très vite,
c'est à dire dans les 24h, il ne faut pas qu'on se trompe. Parce que
vous voyez les dégâts que ça fait, il faut pas qu'on se
goure.
BB : Mais, ça, je crois que c'est tout à
fait symptomatique de notre démarche. On vous disait tout à
l'heure que l'on était ouvert, évidemment, c'est la moindre des
choses que l'on puisse attendre d'un journaliste. Encore que, enfin bon. A
l'époque, on a immédiatement voulu s'entourer de gens qui
savaient, des gens, des spécialistes dans un certain nombre de domaines.
Science et Avenir, on a pensé effectivement qu'au niveau
scientifique, on était un peu léger, on avait des connaissances
mais pas plus que ça. (intervention de Paul Nahon) On est nul, bon, on
est nul. Ça veut dire que là dessus, et dans d'autres domaines
c'est pareil, ces gens là nous amenaient de l'information, nous
amenaient du concret et à partir de là, on faisait des
reportages.
PN : La grande différence en
télévision, à mon avis, il y a deux façon de
travailler à la télévision ... beaucoup plus qu'ailleurs,
parce que c'est plus sensible ... Soit vous vous nourrissez du discours des
autres, de leur richesse, pour le rendre au téléspectateur, soit
vous pensez que vous êtes au centre du système solaire.
YS : Donc pour les journalistes, lorsque vous parlez
d'écologie, vous prenez des journalistes scientifiques
plutôt ?
PN et BB : Oh, pas du tout ! Surtout pas !
BB : On avait même tendance à faire ...
PN : L'inverse.
BB : Oui, on avait tendance plutôt à prendre
quelqu'un qui ne savait rien sur le sujet, pour lui permettre d'aller jusqu'au
fond, pour lui permettre d'avoir un regard neuf, innocent, pas pollué
par un certain nombre de gens ou d'idées. Vous avez remarqué, y
compris dans l'écologie, qu'il y a une idéologie. Et
qu'effectivement, il faut se garder d'un certain nombre de choses à
droite comme à gauche qui ont tendance à dénaturer le
discours initial. Donc précisément, lorsqu'on partait en Egypte
pour faire les « frères musulmans », on allait pas
prendre le spécialiste des affaires arabes au sein de la
rédaction. En revanche, on organisait des rencontres au cours de la
préparation entre les plus grands spécialistes sur le monde arabe
pour que le journaliste soit nourri de tout ça et fasse sa propre
enquête. Ça a été la même chose sur
l'écologie.
YS : Pour les relations avec les
téléspectateurs, vous avez demandé pour Massacre
à la tronçonneuse aux téléspectateurs de vous
apporter un sujet. Comment ça s'est passé, pourquoi vous avez
choisi cette forme ? Vous n'avez pas renouvelé l'expérience
...
BB : C'est très simple, c'est la même
démarche encore une fois, aller vers les autres. C'est de dire, vous qui
savez, faites nous savoir. Dites-nous ce qui se passe autour de vous et s'il y
a des choses à dire, à dénoncer, allez-y !
Très vite Massacre à la tronçonneuse est
arrivé et on l'a immédiatement fait, et avec quel succès.
Beaucoup de gens l'on regardé, ont été horrifiés,
machin, tout ça ... Le problème, c'est qu'il y a très peu
de choses exploitables qui nous arrivent. Il faut jamais croire que ... Mais on
part du postulat suivant, vous lancez un appel, que ce soit aux
téléspectateurs, que ce soit dans les milieux scientifiques, que
ce soit avec des journalistes spécialisés. Vous leur dites :
« Tout ce que vous avez de meilleur, vos pépites, faites nous
le savoir, nous, on en fera des reportages. » Si vous avez un rendu
de un pour cinquante, c'est formidable. Vous avez gagné. Il ne faut pas
se faire trop d'illusions. Les gens vont dire - je dis n'importe quoi :
« Mes poubelles, y viennent les ramasser une fois par semaine, au
lieu de trois fois par semaine ». On va pas faire un reportage
là dessus. Massacre à la tronçonneuse, c'est le
type même de l'exemple à contrario où c'est un truc
absolument formidable, et là on s'y précipite et on y va,
évidemment.
YS : Et pour un autre, c'est La Rochelle,
l'Utopie , vous avez demandé au maire, je crois, de ...
BB : Mais nous sommes à l'initiative, les gens le
savent pas. Bien vu ! Nous étions en train de parler un jour au
cours d'une réunion informelle entre Paul Nahon et moi - et nous
n'avions que des réunions informelles, il n'y avait pas de
réunion toutes les semaines pour réfléchir à telle
heure, tel jour -, on se disait en fait, pour faire baisser la pollution dans
tout le monde, ben, il faudrait qu'un jour par an, on décide, «
hop, on va pas prendre de voiture. » Et là, on verrait le taux
descendre d'un seul coup. Ah, mais oui, effectivement ! C'est que du bon
sens, hein. Sauf que quand vous êtes à la
télévision, que vous êtes journalistes, que vous avez une
émission comme Envoyé spécial, vous avez peut
être les moyens de convaincre les gens de mettre en pratique votre
idée. Donc on a commencé à téléphoner
partout en leur disant : « est-ce que vous êtes
prêts à vous associer à une idée qu'on a eue, de
faire une journée sans voiture ? » Et le maire de la
Rochelle a dit tout de suite « Banco ! » C'est le seul
qui a dit « oui ! » tout de suite. L'idée a
fleuri, mais on a oublié que nous étions à l'origine de
cette idée là.
PN (revenant et mis au courant) : La Rochelle ?
Mais, c'est nous qui avons eu l'idée. On a appelé le maire,
PS/vert je crois, il répond « ouai, euh... », et le
lendemain « D'accord, on va faire une journée, 24 heures sans
voitures. »
BB : Maintenant est-ce qu'on en a la conscience
claire ? Non. Au départ, c'est une idée bête comme
chou, y'a de la pollution, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour baisser la
pollution ? Et de façon idiote, le bon sens populaire, ben si les
voitures ne roulaient pas pendant un jour, ça ferait descendre, et
comment !
PN : Nous, ce qu'on voit, on habite Paris, on habite les
grandes villes, on est dans le monde entier. On voit des bagnoles, des
bagnoles, des bagnoles .... Un moment donné, c'est plus possible, il va
se passer quelquechose. Donc voyez, on ne réfléchit pas, on ne se
parle pas ... c'est des trucs qu'on sent ça au pif
BB : De la même manière, la dette du Tiers
Monde, où ils sont en train de crever en Afrique, pourquoi est-ce que
chaque Français ne donnerait pas un euro ? Et c'est fini, on en
parle plus. Ce sont des trucs totalement utopiques. Sauf qu'encore une fois,
quand vous êtes journalistes, que vous êtes à la tête
d'un grand magazine, qui passe à 20h50,...
PN : ... dans le service public ...
BB : Vous vous dites, et pourquoi on lancerait pas
l'idée, c'est ce qu'on a fait avec les voitures.
YS : Je voudrais à présent savoir, si avec
le ministère de l'environnement, ou les différents
ministères ...
BB : Rien, aucun contact.
YS : C'est étonnant, parce que vous traitez de
l'environnement de manière récurrente.
PN : Rien, pas un retour, pas un coup de fil,
rien !
BB : D'ailleurs, je ne me rappelle pas qui était
ministre de l'environnement à l'époque ... Et j'allais dire,
pourquoi faire ? ... Et je vous rassure, aucune association
particulière non plus, aucun parti, rien !
YS : Vous êtes tout seuls, vous y allez !
BB : Y'a des gens, on écoute, ils nous disent
« Ah, y'a ça - Ah ok ? y'a ça, on y
va ! »
PN : On a ouvert nos yeux et nos oreilles. Nous sommes
citoyens du monde, on a une responsabilité journalistique dans le
service publique, on a un magazine en `prime time' qui touche 4, 5, 6 millions
de téléspectateurs et il faut faire des choses sérieuses.
YS : Je vois cependant qu'il y a des attaques
récurrentes de la haute administration. Vous ne citez pas de ministres,
c'est vrai, on ne les voit jamais qu'à de rares exceptions. Par exemple
dans La France défigurée, vous citez des documents
...
PN : Merveilleux reportage !
BB : Encore une fois, on ne s'interdisait rien. Si
quelqu'un nous avait amené la preuve que le Président de la
République est coupable de je ne sais pas quoi, s'il avait les preuves,
on y allait. Louis Bériot, par exemple, avait pendant très
longtemps responsable d'un programme, hebdomadaire je crois, La France
défigurée. On est allé le voir en lui disant :
« Ce programme n'existe plus, mais pour autant la France n'est plus
défigurée ? » Il nous a répondu
« Oh la la ! Si vous saviez ? Par exemple les
gravières. » Eh bien, allons-y alors. C'était aussi
simple que ça.
PN : Et on vérifiait la qualité du
reportage et les preuves apportées. Si on ne voyait pas les
gravières, on ne montrait pas. Il faut des preuves évidemment.
YS : Par rapport aux écologistes, on a un moment
un reportage sur les Commandos de l'écologie, en 1995, sur
Greenpeace. Alors pourquoi ce reportage alors que les Verts et les
écolos connaissent des déboires électoraux ?
BB : Je vais vous dire pourquoi. Parce qu'il y avait une
dérive à l'époque, le dernier livre de Jean-Christophe
Ruffin y fait référence, ce qu'on a appelé à
l'époque les « écolo facho ». Sous
prétexte qu'il y avait un certain nombre de problèmes de
l'environnement, on appliquait des méthodes les pires, parfois assez
fascistes, d'où les « écolo facho », qu'il
fallait le dénoncer. Et on a été les premiers à
dénoncer ce qui n'allait pas mais sans pour autant mettre en
péril la vie d'autres personnes ou à utiliser des méthodes
extrêmement violentes.
YS : Et est-ce que vous avez lu Luc Ferry, Le Nouvel
Ordre Ecologique, ou d'autres livres ?
BB : Non.
PN : Non, on est incultes ... En filigrane de vos
questions, si je puis me permettre, vous posez la question de savoir si on
travaillait main dans la main avec quelqu'un. Eh bien, non !
YS : J'avoue que je cherche ... vous travaillez donc tout
seuls, il n'y a personne qui...
PN : Je vous jure que non.
BB : Aux innocents, les mains pleines. En plus, quand on
est arrivé, on avait aucune formation, aucune spécialisation sur
l'environnement. Rien de rien.
PN : Et on envoyait sur le terrain des gens curieux qui
n'avaient pas d'expérience, et qui posaient des questions ...
BB : A contre-emploi.
PN : Exemple, pas seulement sur l'écologie, on n'a
pas fait seulement des reportages sur l'écologie, dans le conflit
israélo-palestinien, on envoyait des gens un peu frais, un peu curieux,
et qui n'avaient pas d'idéologie plaquée, les bons d'un
côté, les noirs, les verts. Donc on envoyait des gens curieux,
intelligents et curieux ... Quand on envoie un jeune journaliste à Gaza,
il a 24 ans, il a jamais mis les pieds là bas, donc il arrive tout
frais. Il commence « Gaza, territoire palestinien. » Je lui
ai dit non « Gaza, territoire égyptien ...
occupé ! » Le jeune me dit « Mais vous
déraisonnez complètement » - « Pas du tout,
va revoir tes manuels d'Histoire ».
BB : Première guerre du Golfe, on fait un
reportage sur une famille d'immigrés de la deuxième ou
troisième génération qui a des enfants en âge de
partir faire la guerre. La France s'est engagée dans le premier conflit
en Irak. « Si votre fils doit combattre contre les irakiens,
qu'est-ce que vous faites ? » Et le type dit à un moment
donné : « Si mon fils part lutter avec les irakiens,
je le tue ! ».
PN : Il faut que tu précises que c'était un
tunisien !
BB : C'est ce que j'ai dit, c'était un
immigré de la troisième génération. Et
immédiatement le journaliste, il met ça en avant. Je lui dis
« Mais attends, non, c'est une question de culture, quand on dit je
le tue, ça veut dire, je lui fous une raclée, je l'enferme
à la maison, etc. Mais je ne vais pas le tuer. Il ne faut pas prendre
ça au pied de la lettre. » Là, on intervenait
systématiquement parce que le téléspectateur qui
reçoit ça, il se dit « Mais qu'est-ce que c'est que ces
gens là, ils tuent leurs enfants ? »
YS : Sinon, dans vos reportages, je vois beaucoup de
séquences avec des chansons traditionnelles, un côté un peu
ethnologique. Par exemple, dans le reportage sur la Mer d'Aral, on voit des
enfants costumés, des groupes de femmes qui chantent. Et on voit
ça dans beaucoup de reportages, pourquoi ?
BB : Mais parce que la télévision est un
spectacle total. Il y a de l'image, il y a du son, il y a des gens.
PN : Et puis, ce sont les reporters, qui sont sur place,
qui le font, s'ils le font, c'est qu'ils ont raison. C'était eux qui
étaient sur le terrain, pas nous. Si c'était à contre
sens, on enlève la séquence.
YS : Pour Tchernobyl, vous avez une série de
reportages, 5 ans après, 10 après, le retour, pourquoi ?
PN : Deus raisons, trois raisons. C'est quand même
un événement mondial.
BB : Et on s'en aperçoit tout de suite, à
l'inverse de certains de nos confrères.
PN : Pour quelle raison, moi j'étais
rédacteur en chef d'un week-end. Ou même pas, on était tous
les deux. Tchernobyl, ça tombe un week-end, un samedi ou un dimanche. Un
samedi, moi, j'assiste à la conférence d'Antenne 2. Y'a un
spécialiste scientifique qui nous dit le nuage ne peut pas arriver en
France.
BB : Le tout corroboré par un gouvernement. (rires
entendus)
PN : Moi je ne suis pas spécialiste, je
m'interroge. Le nuage peut pas arriver jusqu'en France ? A
l'époque, hein, deux jours après. Ça m'a paru
complètement fou, je n'avais pas de preuves pour prouver le contraire.
Est-ce que les frontières arrêtent les vents ? Impossible,
donc du bon sens. Troisièmement, y avait un personnage sur cette
affaire, qui est maintenant sur France 3, c'était Patrick Hesters. Il
nous a beaucoup aidé, il avait tous les contacts. Il allait là
bas. Il s'est défoncé. Et lui, il avait la caution scientifique.
BB : Et on a eu les images, c'était hallucinant.
YS : Mais, vous l'avez quand même gardé sur
le long terme ?
PN : Parce qu'il fallait le revoir à chaque
fois ! Parce qu'encore une fois, on ne traite pas en un reportage
quelquechose d'aussi grave. Il y a des fuites radioactives, on voit les
conséquences sur la population, sur la faune, sur la flore, qui vont
durer pendant des centaines d'années. Si on était encore à
Envoyé Spécial, on retournerait là bas. Qu'est-ce
qu'ils ont fait ? Combien ça coûte ? Les cancers, pas
les cancers ? Je pense qu'on mettrait autre chose. Je pense qu'il y a une
immense corruption là dedans. Où est passé l'argent du
sarcophage ? Bon bref, etc., etc., évidemment.
YS : Ce que je veux dire, c'est que vous avez
traité de ça en particulier, mais il y en a d'autres que vous
n'avez pas traités, comme Bhopal, par exemple. Pourquoi ?
BB : Vous avez raison. Parce qu'en Inde, c'est toujours
très compliqué de filmer. Il faut des autorisations. C'est pire
que dans le pire des régimes soviétiques. En tout cas, c'est
extrêmement complexe.
PN : Il faut demander des autorisations. Je pense
qu'aujourd'huis, on l'aurait fait.
YS : Et Tchernobyl, alors ils vous disent oui ?
PN : Oui, tout de suite.
BB : Parce qu'ils avaient envie de montrer que tout
allait bien.
PN : Ils avaient besoin d'argent, de l'aide
internationale et européenne. Mais Bhopal, on n'a pas réussi
à le faire. Je pense qu'on a eu tord. Si à l'époque, les
petites caméras marchaient, on envoyait une seule personne faire du
tourisme. Enfin, vous avez raison, on a raté Bhopal.
YS : Et d'autres ...
PN : Non mais on a raté plein de choses
YS : Et est-ce que vous avez des regrets, des choses que
vous auriez voulu traiter ?
PN : Oui, on a des regrets évidemment. On aurait
pu faire mille fois plus. Mais quand on a fait l'amiante et les OGM, on est pas
trop mal, quoi.
YS : Une dernière chose, j'ai lu dans une
interview que vous avez donné que vous aviez eu des problèmes
avec des entreprises qui refusaient que vous diffusiez tel ou tel reportage,
est-ce que ça a influencé vos choix ?
PN : Tout le temps, tout le temps, mais non ça n'a
rien changé.
BB : Pas seulement sur l'écologie, sur le Front
National, sur les sectes, etc. Tout le monde a toujours voulu nous interdire.
Et on allait au tribunal, et on gagnait à chaque fois. On a gagné
à chaque fois.
YS : En gros, vous ne vous êtes pas mis de
barrière, pas d'autocensure, des choses que vous ne mettiez pas ?
PN : Non, sauf quand le sujet n'était pas
très bon. Vous savez c'est un métier de relations humaines. On
discute avec les journalistes, quand ils nous disent ça, ça et
ça, c'est du béton. On leur fait confiance et on y va. Vous
savez, la vérité, c'est la table de montage, on voit s'ils ont
les preuves ou pas les preuves. Comme nous, on était sans arrêt
sur les tables de montage, on voyait très bien. On ne peut pas mentir en
télévision, il faut le son, il faut l'image, il faut la preuve.
Et l'image, c'est la preuve.
BB : Il faut être très rigoureux. Ne rien
laisser passer qui ne soit pas prouvé. Sinon on en prend plein la
gueule.
YS : Et vous avez eu un exemple, dans le champ de
l'écologie, où vous pensez que vous êtes allé trop
loin ?
BB : Je vais vous donner un exemple qui va vous faire
hurler. Sur les OGM, on a tapé bien fort contre Monsanto.
Très bien. Je m'interroge aujourd'huis : est-ce que
vraiment ce sont des choses nuisibles ? Je ne suis pas sûr. Une fois
que vous avez rencontré Axel Kahn qui vous explique évidemment
qu'il y a le cours de la science et du progrès. Quand on voit
aujourd'huis José Bové et sa bande d'agriculteurs, qui saccagent
les cultures, etc. Moi, ça me fait hurler. Et je me
dis : « est-ce qu'on n'est pas en train de passer à
côté d'un vrai progrès de
l'agriculture? »
PN : Pour l'humanité.
BB : Je me pose la question, voyez-vous, alors que le
sujet était vraiment à charge. Peut-être qu'aujourd'huis,
peut être que par réaction, je ferai quelquechose pour
réhabiliter les OGM.
PN : Mais il y a besoin d'un débat national,
ça c'est sûr.
YS : C'est un peu comme les éléphants, vous
les avez défendus au début de 1990 dans Défense de
tuer et après...
BB : Exact, et après, on s'est aperçu
qu'ils ravageaient les villages. Le problème, il est là. On
parlait au début d' « écolo facho », etc. Et
je parlais de l'idéologie sur l'environnement. Je pense qu'à
partir du moment, où il y a idéologie, il y a plus moyen de
discuter. On a pas hésité à se remettre en cause et
à se dire : notre position, à un moment donné de
l'Histoire de ce secteur, faisait que, il fallait effectivement interdire
l'abattage des éléphants. 10 ans plus tard, ça n'est plus
du tout le même problème. Eh bien, on n'hésite pas à
revenir là dessus et à dire, à l'époque,
l'interdiction était valable mais plus aujourd'huis. Alors
qu'aujourd'huis on voit de plus en plus, et en particulier chez les politiques,
des gens qui prennent une position et qui n'en démordent plus,
malgré les démentis, malgré les preuves qu'on peut leur
apporter, ils restent sur leur position.
YS : À propos, de l'Amiante, vous avez fait un
reportage en 1995, ça a beaucoup bougé les choses, il y a eu une
loi interdisant la production d'amiante en France, et pourtant vous êtes
revenus sur le sujet en 1996, pourquoi ?
BB : Parce que le sujet n'était pas
épuisé.
PN : Vous vous rendez compte, il y a 12 ans, un sujet
à 20h50, « ... il y a un grave problème dans ce pays,
partout il y a de l'amiante. » Il y a eu un vent de panique absolu en
France. Vous vous rendez compte à 20h50, parce que, la tradition ... il
y a aujourd'huis Capital, Zone Interdite, etc.... Bon, mais
à l'époque, on était pratiquement les seuls à 20h50
pour 5, 6 millions de téléspectateurs. C'était
incroyable.
BB : Et on leur amenait quand même des sujets
lourds. C'était pas les riches à Saint Trop'.
YS : Pour reprendre la chronologie ; jusqu'en 1992,
vous êtes plutôt proche, en tout cas moi ce que j'en voie,
peut-être pas vous, mais le magazine est plus proche de l'écologie
politique. Après 1992, on a une sorte de flottement. Jusqu'en 1995,
où on a les fameux « Commandos de
l'écologie ». Et à partir de 1998, on a de nouveau une
remontée de l'écologie politique avec notamment la multiplication
des reportages animaliers.
PN : ça n'est pas calculé.
YS : Oui, enfin, j'ai un regard extérieur.
BB : De toute façon, on a pas une conscience
claire de traiter, de pas traiter, de mettre l'accent là dessus et pas
là dessus. Ça fait partie de notre évolution
personnelle.
YS : Oui, mais vous êtes quand même en phase
avec une actualité ...
PN : Oui l'actualité est là aussi, sauf que
ce qui est intéressant dans ce métier, c'est d'aller au contraire
des idées reçues. En 1990, personne n'avait conscience de
l'importance de l'écologie. Après on renverse la vapeur,
peut-être que ces gens là se trompent et nous trompent sur
certains points. D'où les « commandos
écolo ». Aujourd'huis, si on était à la
tête d'Envoyé Spécial, moi je poserai la
question : pourquoi l'Iran est la seule nation à qui l'on interdit
le nucléaire, pourquoi ? Le Pakistan l'a, l'Inde, l'Israël
l'a, pourquoi ? Au lieu de dire, c'est un scandale. Montrons d'abord
pourquoi et disons après voilà les problèmes qui se
posent.
BB : Ce qui pose problème c'est que l'Iran a un
président qui dit « Demain, on raye Israël de la
carte ». Mais que l'Iran ait l'arme nucléaire, pourquoi
pas ? Puisque l'Inde l'a.
PN : Bon, il y a quelques semaines, je mangeais avec des
Iraniens, extrêmement riches et cultivés, parlant notre langue
à perfection, qui vivent sur place, qui ont en horreur les Ayatollahs et
qui sont pour le nucléaire. Parce qu'ils ont peur de l'Inde, du Pakistan
... Donc, on aurait fait ça.
YS : D'accord, donc je vais poser une dernière
question. Peut-être pas si simple, puisqu'il y a quand même une
soixantaine de reportages. Par rapport, à l'écologie est-ce que
vous avez vu une évolution des positions des
téléspectateurs au cours des années 1990 ?
BB : C'est très compliqué comme vous savez
... on a jamais choisi de faire un reportage en fonction d'une idéologie
qu'on aurait voulu appliquer, etc., on l'a fait au fur et à mesure. En
fait, pendant très longtemps l'écologie, c'était l'affaire
des gouvernants, c'était des gens qui étaient au dessus de nous,
et c'est eux qui devaient prendre les mesures pour machin, etc. Aujourd'huis,
on voit des réactions où l'homme de la rue se
dit : « qu'est-ce que je peux faire, moi, pour
améliorer la qualité de l'air, la qualité de
l'eau ? »
PN : Est-ce qu'on y a contribué ? Sans doute
pour une goutte, 1 %, plutôt 0, 00000 1%.
BB : Vous savez ce qu'on dit toujours, lorsqu'on fait une
émission à la télé, si lorsqu'on fait un magazine
du type Envoyé Spécial, si à la fin du magazine,
il y a une personne en France, une seule, qui a pris conscience d'un
problème, c'est formidable, on a gagné notre pari.
PN : Et dire qu'on a eu un rôle, absolument pas. On
n'a aucun retour sur rien. On a simplement les chiffres qui nous disent, il y a
5 millions. Maintenant, est-ce que le chien était devant la
télé ? On ne sait pas.
BB : On accompagne, ou au mieux on devance une prise de
conscience.
> Commentaires :
Paul Nahon s'est absenté pendant 10 minutes. Bernard
Benyamin a beaucoup plus pris la parole, n'hésitant pas à couper
Paul Nahon. Il semble que dans le duo, Bernard Benyamin soit celui qui
communique tandis que Paul Nahon serait plutôt celui qui gère le
magazine. Il lui faut aussi plus de temps pour réfléchir avant
qu'il ne prenne la parole. D'où l'importance quantitative des propos de
Bernard Benyamin.
Autocritique : j'ai trop parlé et ne leur ai pas
laissé le temps de réfléchir ou de rassembler leur
souvenirs. J'enchaînais trop vite les questions. On a certes
abordé de nombreux points, mais j'aurais souhaité en approfondir
quelques uns. Enfin, je regrette de n'avoir pu interroger (faute de temps)
d'autres personnes, et en particulier des journalistes.
Les journalistes
[ Journalistes classés par ordre d'importance,
et reportages classés par ordre chronologique en
fonction de cette importance
*
Pour chaque reportage, l'ordre des indications données
est le suivant :
Date de diffusion, titre du reportage, heure de diffusion,
durée. Si pas spécifié, lieu : Paris,
production : Antenne 2, puis France 2 à partir de septembre
1992]
Période 1 - 1990 - juin 1992
Staes Isabelle
> 8 mars 1990, « France :
décharges publiques », 20h40, 10 min 15.
[ décharges à ciel ouvert et nuisances de ces
décharges pour l'entourage]
> 10 mai 1990, « Le problème de l'eau,
Eau secours ! », 20h40, 15 min 30.
[ en France, la sécheresse, et en Bretagne, la
pollution due au lisier et aux nitrates ]
> 7 mars 1991, « Défense de
tuer », Paris, 21h20, 16 min 54.
[ Tanzanie, Parc Naturel, le commerce de l'ivoire
entraîne l'extermination des éléphants]
> 12 septembre 1991, « Koweit,
l'enfer », 1991, 20h53, 26 min 37.
[ incendie des puits de pétrole au Koweït]
> 28 mai 1992, « Montchanin, la
décharge du diable », 21h22, 23 min.
[ Saône et Loire, déchets enfouis, risque
d'explosion et pour la santé ]
Hesters Patrick
> 25 avril 1991, « Tchernobyl, le
mensonge », Tokyo, NHK, 20h50, [durée non
spécifiée].
[ Un médecin japonais mène son enquête sur
les conséquences de l'explosion du réacteur nucléaire sur
la santé ]
> 23 mai 1991, « SOS Terre »,
20h50, 29 min 58.
[ déforestation, effet de serre,
désertification]
> 5 mars 1992, « Ozone, la
menace », 20h45, 23 min 18.
[ cri d'alerte des scientifiques quant au trou de la couche
d'ozone dans l'hémisphère nord ]
> 28 mai 1992, « Sous haute
surveillance »,Toulouse, Spot Image, 20h54, 26 min.
[ les évolutions de l'environnement observées
par le satellite Spot ]
Cornet François
> 19 avril 1990, « Tchernobyl
Traumatisme », 20h40, 22 min.
[ état des lieux 4 ans après la
« catastrophe de Tchernobyl]
> 3 janvier 1991, « La ville
noire », 20h54, 20 min.
[ industrie métallurgique roumaine, pollution
atmosphérique, saturnisme, risque industriel ]
Binet Richard
> 16 janvier 1992, « Né à
Katowice », 20h56, 10 min.
[Pologne, pollution atmosphérique liée à
l'industrie > handicaps et malformations]
> 25 juin 1992, « Alerte en
Méditerranée », 20h55, 17 min.
[ algue tueuse, étouffe la flore sous-marine]
Perrin Eric
> 14 février 1991, « La bataille du
rail », 21h, 22min47.
> 28 octobre 1993, « La loi du
silence », 21h50, 21 min.
Période 2 - 1993 - 1996
Monsigny Bernard
> 6 mai 1993, « Musiciens du
bruit », LMK Images, 21h27, 20 min 17.
[ environnement et pollution sonore, la ville et le bruit ]
> 20 octobre 1994, « On achève bien les
autos », 21h48, 22 min 13.
[ recyclage des épaves d'automobiles, en expansion et en
mutation ]
> 17 novembre 1994, « Ignalina, mon
amour », 21h30, 25 min 25.
[en Lituanie, les occidentaux redoutent une catastrophe de type
Tchernobyl]
Grigoriev Basile,
> 10 juin 1993, « Octobre
rouge », Moscou, Master TV Moscow/ Paris, SHK, 20h53, 50 min
38.
[ sur les sous-marins russes Typhoon, trop gros et
laissés à l'abandon ]
> 9 mars 1995, « Les portes de
l'enfer », Paris, SHK, 21h40, 38 min 55.
[reportage en Russie sur les « Cités
interdites de l'atome » qui sortent aujourd'huis de l'ombre]
Sempère Claude
> 16 septembre 1993, « La guerre du
feu », 21h, 29 min 34.
[ dans la région PACA, faire face aux incendies en
été ]
> 22 juin 1995, « Les chasseurs de
primes », 20h50, 30 min 10.
[ en Corse, les paysans allument des feux pour obtenir des
indemnités, loi du silence ]
Blanc Lapierre José
> 19 janvier 1995, « A bout de
souffle », 21h, 24 min 23.
[ Pollution de l'air en France, moyens de réduire
cette pollution due à l'usage des véhicules des particuliers ]
> 23 mai 1996, « Histoire
d'eau », Paris, Canal Plus, 21h, 35 min 35.
[ Paris, New York, Moscou, reportage sur l'eau potable ]
Golberine Georges,
> 28 septembre 1995, « Mortel
Amiante », Paris, en partenariat avec Science et
Avenir/Sertis, 21h, 26 min 58.
[ à propos des conséquences sur la santé
d'un matériau de construction couramment utilisé, l'amiante ]
> 19 septembre 1996, « L'amiante, 50 ans de
mensonges », Paris, en partenariat avec Science et
Avenir/Sertis, 20h55, [durée non spécifiée]
Période 3 : 1997-2000
Molinier Agnès
> 25 septembre 1997, avec Daniel Lévy,
« Paris, brûle-t-il ? », 21h26, 9 min
9.
[ les instruments de la mesure de la pollution
atmosphérique à Paris ]
> idem, « La bataille du
Smog », 21h47, 10 min 38.
[ Los Angelès, les solutions apportées :
covoiturage, travail à domicile, bonus/malus pour les entreprises ]
> idem, « L'acropole
asphyxiée », Paris, Production propre, 21h57, 9 min 48
[ Athènes, la ville la plus polluée d'Europe
]
De Banville Marc,
> 25 septembre 1997, « Les
lobbies », Paris, CAPA Production, 21h35, 5 min 26.
[ lobbies pétroliers et automobiles pour la sauvegarde
du diesel, regrets et enthousiasme des ministres de l'écolo]
> « La vallée de la
chimie », Paris, CAPA Production, 22h10, 5 min 13.
[dans la vallée du Rhône, réhabilitation
d'un ancien site de la pétro-chimie, amorcée il y a 20 ]
> « Alertes aux nitrates »,
Paris, CAPA Production, 22h16, 5 min 42.
[ les conséquences de l'agriculture intensive en
Bretagne ]
Caza Jérôme,
> 25 septembre 1997, « Méga
Pollution » Paris, CAPA Production, 22h, 6 min 40.
[ les mégalopoles les plus polluées et les
solutions apportées ]
> « Hommes Bulles », Paris,
CAPA Production, 22h39, 8 min 29.
[ village étrange construit à l'usage des
chimico-sensibles, allergiques à la pollution de la vie citadine
quotidienne ]
Thomas Johnson,
> 5 mars 1998, « Les dents du
ciel », Paris, CAPA Production, 22h02, 27 min 35.
[ en Madagascar, invasion de criquets, dilemme entre pesticide
et destruction des récoltes]
> 14 janvier 1999, Johnson Thomas,
« La leçon des grands singes », Paris, CAPA
Production, 21h, 49 min 48.
[ les grands singes, composé de 90% du génome
humain, menacés par la déforestation]
= Quelques cas particuliers :
Rabine Gilles,
> 18 janvier 1990, « Soumgait
URSS « , 20h35, 11 min 30.
[ une ville en Russie, 19 usines chimiques, pollution
atmosphérique]
> 29 janvier 1998, Duplex avec Rabine Gilles, 22h50, 3 min
34.
[ refus des autorités russes, bases navales russes, un
danger pour l'Europe ]
Costelle Anne, Kostine Serguei
> 3 décembre 1992, « La grande
menace », Pathé France, 20h49, 23 min 26.
[en Russie, cimetière de sous-marins nucléaires
]
> 3 avril 1997 « La grande
menace », Pathe France, 21h (?), 23 min 26.
[rediffusion du reportage, retour sur les épaves
nucléaires russes, « rien n'est fait, c'est
épouvantable ! »]
Pousinet Anne
> 28 mai 1992, « Que faire de nos
poubelles ? », 21h48, 23 min.
[ le volume des déchets augmente en France et en
Europe, que faire ? ]
> 12 juin 1997, « La ville
à vélo », France 2/ INA, 20h56, 29 min 46.
[ Paris, Amsterdam, une ville à vélo, c'est
possible]
Journalistes apparaissant une seule fois dans le
corpus
(classés par ordre chronologique, en fonction des
même critères que précédemment)
Période 1 :
Guimier Pascal
22 février 1990, « Le nucléaire :
danger ? , La Hague », 20h40, 12 min 50. [ en France, une
usine de retraitement des déchets nucléaires]
Botta Ettore
19 avril 1990, « Aral le
désert », France, East Ouest Productions, 20h40, 9 min
14. [ sur l'assèchement de la mer d'Aral]
Seban Jean-Marc, Levasseur Michel
28 juin 1990, « Massacre à la
tronçonneuse », , 20h30, 12 min 41. [ en région
parisienne, contre l'établissement d'une mine à ciel ouvert]
Gintzburger Anne
27 septembre 1990, « Exxon
Valdez », Paris, Production propre, 20h45, 22 min 24. [à
propos du naufrage d'un pétrolier]
Hay Thierry
11 octobre 1990, « Méditerranée en
danger, les éboueurs de la mer », 20h30, 15 min 33 [
développement d'« algues tueuses » ]
Beriot Louis, Breux Yves
21 mars 1991, « La France
défigurée », 21h26, 24 min. [ béton >
besoin de gravier > gravière = menace pour les cours d'eau]
Paringaux Rolland Pierre,
5 mars 1992, « Cote d'alerte »,
Paris, Production Propre/ LMK Images, 20h53, 20 min 40, [ défiguration
du littoral breton]
Chignac Frédéric, Gauchard Jean
Yves,
19 mars 1992, « Paris
phérique », 20h45, 23 min 18. [le
périphérique entre prison et évasion]
Millet Sylvie, Zscheh Heinz
28 mai 1992, « C'est la mer blanche qu'on
assassine », 22h14, 11 min. [ en Russie, rejet de déchets
toxiques et radioactifs dans la mer]
Période 2 :
Fottorino Eric
4 mars 1993, « La mort en eau
douce », Paris, LMK Images, 21h27, 23 min 21. [faune et flore de
l'étang de Berg menacés]
Pierrot Eric, Eudes Yves,
6 mai 1993, « Satellite, le 3e
oeil », Paris, Production Propre/LMK Images, 21h27, 23 min 21. [
les phénomènes humains et naturels ]
Fourniou Valérie
9 décembre 1993, « Après le
déluge », 21h55, 25 min 55. [Camargue,
conséquences écologiques après inondation]
Abramovici Pierre
17 mars 1994, « Dangers
mortels », Paris, LMK Images, 22h11, 26 min 48. [ en Europe, la
question du stockage des déchets radioactifs ]
Monchicourt Marie-Odile,
17 novembre 1994, avec Bernard Monsigny, « Ignalina, mon
amour », 21h30, 25 min 25. [en Lituanie, un nouveau
Tchernobyl ? ]
Jauve Sophie
12 janvier 1995, « Alerte au
Pyralène », 20h55, 20 min 15. [incendie d'un
transformateur, cancers, craintes des pompiers]
Segiwa Shuntaro,
2 février 1995, « Bombes à
retardement », Tokyo, Nippon Hoso Kyokai (NHK), 22h, 39 min. [
Kazakhstan, essais nucléaires]
Himbert Marie-Noelle,
16 février 1995, « Brûlés
sans flamme », Paris, CAPA Production, 21h45, 31 min 24. [le
petit nucléaire, trois hommes en Lorraine]
Le Masson Eric,
16 mars 1995, « la Bête »,
21h05, 24 min 17. [ dans les Vosges, retour sur un loup apparu et disparu]
De Boch Leo
25 mai 1995, , « Tchernobyl neuf ans
après », Royaume Uni, Peter Suetens Production, 20h55, 31
min 27.
Hosatte Jean-Marie
7 septembre 1995, « Les commandos de
l'écologie », Paris, CAPA Production, 22h30, 49 min 42.
[Greenpeace]
Crotta Frédéric,
14 décembre 1995, « La voiture du
3e type », 22h, 20 min 5. [ sur les voitures
électriques, qui polluent moins ]
Période 3 :
Trillat Marcel,
9 janvier 1997, « La guerre des
pierres », 20h50, 37 min 25. [Pyrénées,
carrière à ciel ouvert, pour et contre ]
Casa Jérôme, Poiret Philippe
6 février 1997, « La guerre du
courrier », Paris, Capa Production, 21h40, 27 min.[nuisances
France/Etats-Unis, courrier postal par avion ]
Bernoux Pierre-Marie,
11 septembre 1997, « Main basse sur les
ordures », Paris, Canal Plus, 22h30, 25 min 43. [la fin des
décharges, les entreprises de recyclage]
Metivet Jean-Pierre
25 septembre 1997, « La Rochelle,
l'utopie », 21h, 21 min 40. [ « 24h sans
voiture »]
Rochot Philippe,
23 octobre 1997, « L'ambassadeur des
ours », 21h55, 26 min 17. [ dans les Pyrénées,
reportage sur ceux qui s'occupent des ours ]
Valenti Alexandre,
5 mars 1998, « Le prix de la
défense », Paris, 21h11, 43 min. [augmentation du nombre
d'éléphants devenu trop important]
Hamon Hervé,
9 avril 1998 « Chasseurs de
tempête », 20h50, 41 min 22. [ en France, les mesures
prises contre l'échouage des bateaux, l'Abeille Flandres]
Bonnet Frédéric,
18 février 1999, « Animaux, le
marché sauvage », Paris, Morgane Production, 20h50, 35
min 44. [ à propos du trafic d'animaux sauvages ]
Andrieux Claude,
4 mars 1999, « Le retour des
loups », Paris, Théo Presse, 20h50, 26 min 36. [ les
loups réintroduits qui attaquent les troupeaux de moutons ]
Carpentier Jean-Michel
28 octobre 1999, « Tableau de
chasse », Paris, Production propre, 20h55, 34 min 10. [ crainte
des chasseurs face aux nouvelles régulations ]
Cancella Kieffer Michaela,
4 novembre 1999, « Pour quelques degrés
de plus », Paris, Galaxie Presse, 20h50, 27 min 55.[ les
conséquences du dérèglement climatique]
Guyot Didier,
2 décembre 1999, « Les roues de la
colère », Paris, Production propre, 20h50, 22 min 09. [
engorgement du Tunnel du Fréjus]
Intervenants extérieurs
( par ordre chronologique d'apparition)
Les cinéastes invités à faire un
reportage :
Enrico Robert,
9 mai 1991 « Terre
Brûlée », Paris, Production Propre, 20h40, 36 min.[
les incendies dans le Var]
Boisset Yves,
22 octobre 1992, « Danse avec les
ours », Paris, Production Propre, 21h16, 30 min 38. [ dans les
Pyrénées, partisans et opposants vis à vis du projet de
creuser un tunnel là où vivent encore des ours ]
Les invités sur le
plateau :
Louis Besson
(Ministre des transports)
14 février 1991, à propos du tracé du TGV
Méditerranée.
Brice Lalonde
(Ministre de l'écologie)
21 mars 1991, à propos des gravières et de la
destruction du paysage en France
Haroun Tazieff
(Vulcanologue, membre de Génération
Ecologie fondée par Brice Lalonde)
30 décembre 1991, commente en direct les images
tirés de trois reportages : l'éruption du Pinatubo, les
incendies au Koweït, les déchets dans la mer
Méditerranée
Commandant Dupuy Montbrun
(commandant d'un sous-marin nucléaire
français)
10 juin 1993, à propos du reportage
« Octobre Rouge », sur les sous-marins
nucléaires russes abandonnés.
Professeur Meinez
(Biologiste, qui intervient dans le reportage
rediffusé)
22 décembre 1994, retour sur un reportage tourné en
octobre 1990, sur les « algues tueuses » en
Méditerranée.
Jean-Louis Etienne
(Docteur, intervient en qualité de
)
19 janvier 1995, à propos de la pollution de l'air en
France.
Michel Barnier
(s'exprime au nom de l'Union
Européenne)
25 mai 1995, « Tchernobyl neuf ans
après », sur la nécessité de poursuivre les
efforts faits dans les PECO
Elisabeth Hubert
(Ministre de la Santé)
28 septembre 1995, les mesures qu'elle envisage pour mettre un
terme au « problème de l'Amiante »
Michel Crépeau
(ancien ministre de l'environnement et maire de La
Rochelle)
25 septembre 1997, à propos de l'expérience
menée dans sa ville, « 24h sans voiture »
+ Jean-Pierre Pommereau
(directeur de recherche au CNRS)
+ Michel Pochon
(représentant du Centre d'étude pour un
développement agricole plus autonome (CEDAPA))
A propos de différentes formes de pollution.
M. Greth
(World Wild Foundation)
A propos du nombre trop important d'éléphants par
rapport aux capacités du territoire.
Conditions particulières de production :
Emissions en public ou en direct -
par ordre chronologique
« Rétro 1991 :
l'écologie »,
30 décembre 1991, plateau ordinaire d'Envoyé
Spécial, avec public.
« Alerte à la
pollution »,
25 septembre 1997, en direct de la Rochelle.
Plateau (en direct du parc naturel de Ouaza au Cameroun),
5 mars 1998, à propos des éléphants
d'Afrique et des Criquets de Madagascar (de la difficulté de
réglementer)
Envoyé Spécial : 10 ans,
Environnement,.
13 janvier 2000, tourné sur les bords de la baie de Rio
de Janeiro (cf. la Conférence de Rio de juin 1992)
Productions (hors production propre) -
par ordre chronologique
East Ouest Productions
19 avril 1990, Botta Ettore, « Aral le
désert » [ sur l'assèchement de la mer d'Aral]
Pathé France,
3 décembre 1992, Costelle Anne, Kostine Serguei,
« La grande menace »,.[en Russie, sous-marins
nucléaires ]
Tokyo, Nippon Hoso Kyokai (NHK)
> 25 avril 1991, Hesters Patrick,
« Tchernobyl, le mensonge », [enquête
menée par un médecin japonais]
> 2 février 1995, Segiwa Shuntaro,
« Bombes à retardement », [ Kazakhstan,
essais nucléaires]
> 25 avril 1996, « Tchernobyl, 10 ans
après » [montage d'images diffusées par
Envoyé Spécial sur Tchernobyl]
Master TV Moscow/ Paris, SHK
> 10 juin 1993, « Octobre
rouge », Grigoriev Basile, Mitkova Tatiana,
[ sur les sous-marins russes Typhoon, trop gros et
laissés à l'abandon ]
> 9 mars 1995, Grigoriev Basile, « Les portes
de l'enfer » [en Russie, anciennes « Cités
interdites de l'atome »]
Royaume Uni, Peter Suetens Production,
25 mai 1995, De Boch Leo, « Tchernobyl neuf ans
après »
CAPA Production,
> 16 février 1995, Himbert Marie-Noelle,
« Brûlés sans flamme » [France, le
« petit nucléaire »]
> 7 septembre 1995, Hosatte Jean-Marie, « Les
commandos de l'écologie », [Greenpeace]
> 6 février 1997, Casa Jérôme, Poiret
Philippe, « La guerre du courrier », [trafic
postal, nuisances]
> 25 septembre 1997, De Banville Marc, « Les
lobbies » [lobbies pétroliers v.s. ministres de
l'écologie] / « La vallée de la
chimie » [Rhône, réhabilitation d'un ancien site de
la pétro-chimie] / « Alertes aux nitrates »
[les conséquences de l'agriculture intensive en Bretagne]
> 25 septembre 1997,Caza Jérôme, «
Méga Pollution » [ les mégalopoles les plus
polluées et les solutions apportées ]/ « Hommes
Bulles », [chimico-sensibles, allergiques à la pollution
de la vie citadine quotidienne ]
> 5 mars 1998, Johnson Thomas, « Les dents du
ciel », Paris, , 22h02, 27 min 35.[ en Madagascar, criquets]
> 14 janvier 1999, Johnson Thomas,
« La leçon des grands singes », [
déforestation, grands singes menacés]
LMK Images/ A2 puis France 2
> 5 mars 1992, Paringaux Rolland Pierre,
« Cote d'alerte », [ défiguration du
littoral breton ]
> 4 mars 1993, Fottorino Eric, « La mort en
eau douce », [Etang de Berg v.s. Usine EDF ]
> 6 mai 1993, Pierrot Eric, Eudes Yves,
« Satellite, le 3e oeil » [observation
des phénomènes humains et naurels]
+ Monsigny Bernard,
« Musiciens du bruit » [la ville et le bruit,
pollution sonore ]
Spot Image / A2 puis France 2
28 mai 1992, Hesters Patrick, « Sous haute
surveillance » [observation pas satellite]
Canal Plus/France 2
> 23 mai 1996, Blanc Lapierre José,
« Histoire d'eau » [ Paris, New York, Moscou,
reportage sur l'eau potable ]
> 11 septembre 1997, Bernoux Pierre-Marie,
« Main basse sur les ordures » [traitement des
déchets]
Morgane Production
18 février 1999, « Animaux, le
marché sauvage » [ à propos du trafic d'animaux
sauvages ]
Théo Presse
4 mars 1999, Andrieux Claude, « Le retour des
loups » [réintroduction du loup v.s. bergers ]
Galaxie Presse
4 novembre 1999, Cancella Kieffer Michaela,
« Pour quelques degrés de plus »
[difficultés de se mobiliser]
Chronologie : l'environnement (1986-2000).
1986
|
_Incendie de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
_A Bâle, 30 tonnes de produits chimiques
s'écoulent dans le Rhin.
|
|
|
1987
|
_Remise du rapport Bruntland, « Notre avenir
à tous »
_24 pays signent le protocole de Montréal sur la
protection de la couche d'ozone.(objectif : réduire de 50 % d'ici
à 1999, les émissions de CFC.)
|
|
|
1988
|
_Conférence de l'ONU sur l'environnement à
Oslo.
_Hambourg, congrès international sur le climat et sur
les conséquences des catastrophes climatiques dans les pays en
développement.
|
|
Antoine Waechter, candidat des Verts aux
élections présidentielles (son programme : Choisissons
notre progrès)
|
1989
|
_L'Exxon Valdez déverse 40 000 tonnes de
pétrole sur les côtes de l'Alaska.
_Conférence sur la pollution atmosphérique
à Noordwijk (Pays-Bas). Objectif : stabilisation des
émissions de CO2 d'ici l'an 2000.
_Déclaration de Vancouver sur la survie au XXIe
siècle.
|
|
Les verts récoltent 100 000 voix aux élections
européennes. 30 députés verts entrent au Parlement de
Strasbourg.
|
1990
|
|
23 avril
Directive du Conseil relative à l'utilisation
confinée de micro-organismes génétiquement
modifiés.
|
_Brice Lalonde, ministre de
l'environnement
_ 22 avril
« Jour de la Terre ».
_11 novembre
Création de Génération
Ecologie par Brice Lalonde
|
1991
|
Protocole de Madrid. 26 pays décident que durant 50
ans, il n'y aura pas de développement en Antarctique.
|
Article 6 du Traité de
Maastricht : les exigences de la protection de l'environnement
doivent être intégrées dans toutes les politiques et
actions de l'Union Européenne
|
|
1992
|
Sommet de la Terre à Rio. Signature de
la convention sur la diversité biologique
|
21 mai
Directive du Conseil concernant la conservation des
habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage.
|
_Marie-Christine Blandin, élue présidente du
Conseil Régional du Nord Pas de Calais, double première en
France : c'est une femme et une écologiste.
_ Loi sur les déchets :
toutes les décharges publiques (non
autorisées ?) doivent être fermées d'ici l'an 2000,
pour ne plus recevoir aucun déchet.
_ 31 décembre
loi Royal (sur le bruit) - applique normes
européennes- renforcement du contrôle, augmentation des voies
piétonne, amélioration de la circulation, ...
|
1993
|
|
|
_Dominique Voynet à la tête du
parti des Verts français.
_loi sur ma mise en valeur et la protection des
paysages ( pour une meilleure intégration des infrastructures,
pour une mesure de l'impact visuel sur le paysage de toute construction
(montagne, littoral, espaces périurbains.) => prise en compte du
cadre de vie, tout espace urbain ou rural devient paysage)
|
1994
|
_La convention sur les changements climatiques de Rio est
ratifié par 50 pays.
|
Création de l'Agence Européenne pour
l'environnement.
|
Convention de Paris sur la
désertification.
|
1995
|
_Conférence du Conseil de la Terre pour analyser les
décisions prises au sommet de Rio.
_Rio+ 5, séance spéciale à l'ONU sur
l'environnement.
_Sommet de Kyoto sur les changements
climatiques.
|
_Discussion du plan (très controversé en France)
Natura 2000 ( mise ne réseau des réserves naturelles
européenne - constructions de tunnels et de viaducs palliant à
l'effet barrière des autoroutes et lignes de chemin de fer)
_ « Charte pour une consomma-
tion durable»
|
_ février
Instauration du « principe de
précaution »
_Dominique Voynet, candidate des Verts.
(programme : Oser l'écologie et la Solidarité)
|
1996
|
|
|
_30 décembre
on mesurera désormais la pollution
dans toutes les villes de plus de 100 000 habitants à partir de 1998, et
dans toute la France à partir de 2000.
|
1997
|
|
|
_8 députés écologistes dont 6 Verts
entrent à l'Assemblée Nationale.
_Dominique Voynet, ministre de l'Environnement
et de l'Aménagement du premier gouvernement Jospin.
_Extinction du réacteur de la centrale
nucléaire Superphenix
|
1998
|
Conférence de Buenos Aires sur les changements
climatiques.
|
|
_février
150 000 chasseurs manifestent à
Paris
_juin
on rallonge la période de tir des oiseaux migrateurs
(contre les directives européennes)
_juillet : mise en place d'un Institut
de veille sanitaire, et de deux Agences de sécurité
sanitaire pour les produits de santé et les aliments.
_Conférence de Paris sur l'eau et le
développement durable.
|
1999
|
|
Première semaine verte, cycle annuel de conférences
sur l'environnement organisé par l'Union Européenne.
|
_Naufrage de l'Erika
_Daniel Cohn-Bendit, après avoir rejoint les
Verts devient député européen en France.
_ entrée des membres de CPNT au Parlement
européen.
|
2000
2000
|
_février :
L'organisation mondiale du commerce donne
tord aux européens qui continuent malgré tout de
considérer le « principe de
précaution » comme un principe juridique valable
|
_Plan Natura 2000
_Convention Européenne du paysage
(Florence), le paysage est reconnu comme un élément de
la qualité de vie, sa préservation nécessite une
coopération entre Etats et une participation accrue du public.( on
insiste sur le rôle local des populations)
_23 octobre
Directive du Parlement européen et du Conseil
établissant une harmonisation de la gestion de l'eau en
Europe.
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Est-ce la fin du début ou le début de la
fin ?...
* 1 Les mesures
envisagées et citées sont extraites des programmes des trois
candidats, disponibles sur leur site officiel de campagne électorale.
Ils ont pour titre : La France de toutes nos forces,
François Bayrou ; Le pacte présidentiel,
Ségolène Royal ; Mon projet - Ensemble tout devient
possible, Nicolas Sarkozy.
* 2 Bozonnet Jean-Paul,
L'écologisme à l'aube du XXIe siècle, De la rupture
à la banalisation ?, Genève, Georg Editeur, Coll.
« Stratégies énergétique, Biosphère et
Société. », 2000, p. 138-140
* 3 Ifen, La
sensibilité écologique des Français, Paris, Editions
Techniques et Documents, 2000, p. 36
* 4 [auteur inconnu], «
Mots et maux de l'environnement », dans Sauver la
planète ?, Sciences Humaines Hors Série, n° 49,
juillet - août 2000, pp.. 14-15
* 5 Extrait d'une fiche de
cours, rédigée par Martine Tabeaud (citant le livre The
quality of envrionment paru en 1968 dans), « Pour une
définition des enjeux environnementaux », UFR de
Géographie, Master de gestion de l'environnement, Université
Paris 1, Septembre 2006.
* 6 Charles Lionel,
« Environnement, incertitudes et risque : du pragmatisme aux
développement contemporains », dans Alliage,
n°48-49, automne 2001, pp.. 57-59
* 7 Latour Bruno,
Politiques de la nature, Comment faire entrer les sciences en
démocratie, Paris, La découverte, Coll. « Sciences
humaines et sociales », 1999, p. 9
* 8 Propos librement
inspiré de la lecture de Steiner George, Dans le château de
Barbe Bleue, Notes pour une redéfinition de la culture, Paris,
Gallimard, Coll. « Folio Essais », 2004, 160 p.
* 9 Nous renvoyons le lecteur
aux livres parus dans les années 1990, de Marc Abélès, de
Bernard Kalaora, et de Jean-Guy Vaillancourt.
* 10 Cf. Maigret Eric,
Macé Eric, Penser les médiacultures, Nouvelles pratiques et
novelles approches de la représentation du monde, Paris, INA/Armand
Colin, coll. « Médiacultures », 2005, 190 p.
* 11 Morin Edgar, Le Roy
Ladurie Emmanuel (collectif), L'homme et l'environnement : quelle
histoire ?, Blois, Les rendez-vous de l'Histoire, 2001, 153 p.
* 12 Morin Edgar, Le Roy
Ladurie Emmanuel (collectif), Op. Cit., p. 83
* 13 Morin Edgar, Le Roy
Ladurie Emmanuel (collectif), Op. Cit., p. 24
* 14 Charaudeau Patrick,
Le discours d'information médiatique : la construction du
miroir social, Paris, Nathan/INA, Coll. « Médias
Recherches », 1997, 288 p.
* 15 Mouchon Jean,
Visibilité médiatique et lisibilité sociale, dans
Esquenazi Jean-Pierre (dir.), La communication de l'information,
Paris, L'Harmattan, Coll. « Champs Visuels », 1997, pp..
51-52
* 16 Mouchon Jean,
« Visibilité médiatique et lisibilité
sociale » dans Esquenazi Jean-Pierre, La communication de
l'information, Paris, Harmattan, Coll. « Champs
visuels », 1997, p. 51
* 17 Campet Jacques (commission de
réflexion présidée par), « L'avenir de la
télévision publique », Paris, Rapport au ministre de la
Communication, Septembre 1993, p. 12
* 18 Institut Français
de l'Environnement et de la Nature (IFEN), La sensibilité
écologique des Français à travers l'opinion publique,
Paris, Edition Technique et Documents, 2000, pp.. 34-35
* 19 Cf. les études
d'Olivier Donnat à propos des pratiques culturelles des Français.
* 20 Ce deuxième
élément, explicitement cité, est particulièrement
intéressant à propos du traitement télévisuel de la
gestion de l'environnement.
* 21 Campet Jacques
(commission de réflexion présidée par),
« L'avenir de la télévision publique »,
Paris, Rapport au ministre de la Communication, Septembre 1993, p. 16
* 22 Cornu Francis,
« Envoyé Spécial, l'info en vedette », Le
Monde Télévision-Radio-Multimédia, Paris, 22-23 juin
1997, cité dans Dossiers de l'Audiovisuel n°76, Paris,
Ina/La documentation Française, 1997, pp.. 39-40
* 23 Auteur Inconnu,
« Envoyé Spécial, La
200e »,Télérama, n° 2351, Paris,
1er février 1995, p. 119
* 24 Follea Laurence,
« Jeudi 18 janvier Envoyé spécial : A2, 20h35
La rédaction d'A2 mobilisée », Le Monde, Paris,
15 juin 1990.
* 25 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 26 Serres Michel, Leglu
Dominique, « Entre pédagogie et culture », dans Blum
Sylvie, Dumas François (dossier coordonné par), Science et
Télévision, Dossiers de l'Audiovisuel [n°31], Institut
National de l'Audiovisuel/La documentation Française, mai/juin 1990,
pp.. 32-33
* 27 Rey Jean-Noël
(propos recueilli par), Benyamin Bernard « Envoyé
Spécial : rigueur et austérité »,
Cinémaction, Paris, 1997, p. 76
* 28 Fleury Claire,
« Un Français sur quatre »,
TéléObs, Paris, 30 mai -3 juin 1998, p 10.
* 29 Cornu Francis,
« Envoyé Spécial, l'info en vedette », Le
Monde Télévision-Radio-Multimédia, Paris, 22-23 juin
1997, cité dans Dossiers de l'Audiovisuel n°76, Paris,
Ina/La documentation Française, 1997, pp.. 39-40
* 30 Leclère Thierry,
« Deux sur A2 », Télérama,
n°2087, Paris, 10 janvier 1990
* 31 Rey Jean-Noël
(propos recueilli par), Nahon Paul, « Envoyé
Spécial : rigueur et austérité »,
Cinémaction, Paris, 1997, p. 72.
* 32 Leclère Thierry,
« Deux sur A2 », Télérama,
n° 2087, Paris, 10 janvier 1990, pp.. 50-51
* 33 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 34 Introduction à
l'entretien « Envoyé Spécial : rigueur et
austérité », Cinémaction, Paris,
1997, p 70.
* 35 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 36 Doussot Michel,
« Aux commandes d'Envoyé Spécial »,
Télé Scope, n°131, Paris, 18-24 mai 1996, p. 12
* 37 Robert Enrico a
reçu en 1976 un César pour le Vieux Fusil.
* 38 Respectant ce point de
vue, les journalistes sont désignés comme les auteurs des
reportages répertoriés dans l'inventaire des sources.
* 39 Rey Jean-Noël
(propos recueilli par), Nahon Paul « Envoyé
Spécial : rigueur et austérité »,
Cinémaction, Paris, 1997, p. 79
* 40 Azoulai Minou (coord.),
Benyamin Bernard, Nahon Paul, Envoyé Spécial, le
livre, Paris, Michel Lafon/Edition n°1, 1992, p. 20
* 41 Doussot Michel,
« Entretien avec Paul Nahon », Télé
Scope, n°131, Paris, 18-24 mai 1996, p. 13
* 42 Rey Jean-Noël
(propos recueilli par), Nahon Paul « Envoyé
Spécial : rigueur et austérité »,
Cinémaction, Paris, 1997, p. 72.
* 43 Esquenazi Jean-Pierre,
La communication de l'information, Paris, Harmattan, Coll.
« Champs visuels », 1997, p. 5
* 44 Cf. le site
http://journalistes-reporters-dimages.france2.fr
* 45 Pour le détail, se
reporter en annexe au répertoire complet des maisons de production
auxquelles Envoyé spécial a fait appel.
* 46 Cf. site officiel de CAPA
Production
* 47 Benyamin Bernard, Nahon
Paul, Azoulay Minou (coordination), Envoyé Spécial, le
livre, Edition n°1/Michel Laffont, Paris 1992, 207 p.
* 48 Pour le détail, se
reporter en annexe à la liste des journalistes ayant travaillé
pour Envoyé spécial.
* 49 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 50 Cornu Francis,
« Envoyé Spécial, l'info en vedette », Le
Monde Télévision-Radio-Multimédia, Paris, 22-23 juin
1997, cité dans Dossiers de l'Audiovisuel n°76, Paris,
Ina/La documentation Française, 1997, pp.. 39-40
* 51 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 2 Prendville Brendan,
L'écologie, la politique autrement ? « Culture,
sociologie et histoire des écologistes. », Paris, L'Harmattan,
1993, 200 p.
* 52 Roqueplo Philippe,
Climat sous surveillance, limites et conditions de l'expertise
scientifique, Paris, Economica, 1993, 406 p.
* 53 Alors que le premier
numéro de l'année de cette revue était traditionnellement
consacré à une personnalité ayant marqué
l'actualité de l'année précédente.
* 54 Prendville Brendan,
L'écologie, la politique autrement ? « Culture,
sociologie et histoire des écologistes. », Paris,
L'Harmattan, 1993, p. 68
* 55 Roqueplo Philippe,
Climat sous surveillance, limites et conditions de l'expertise
scientifique, Paris, Economica, 1993, pp.. 50-51
* 56 Hébel Pascal,
Maresca Bruno, L'environnement, ce qu'en disent les
Français,Ministère de l'aménagement du territoire et
de l'environnement / La Documentation française, 1999, p.
166
* 57 Azoulai Minou (coord.),
Benyamin Bernard, Nahon Paul, Envoyé Spécial, le
livre, Paris, Michel Lafon/Edition n°1, 1992, p. 15
* 58 Remarquons ici, que comme
en 1992, c'est encore à une date charnière de l'histoire de
l'écologie (pour la France, 1997) que Paul Nahon revendique pour
Envoyé spécial le label écologiste.
* 59 Serres Michel, Le
contrat naturel,Paris, Bourin/Julliard, 1990, p. 20
* 60 Serres Michel, op.
cit., p.65
* 61 Serres Michel, op.
cit., p.35
* 62 Serres Michel, op.
cit., p.67
* 1 Chaniac
Régine/Chervin Jacqueline, La représentation de
l'environnement à la télévision, la pollution de l'eau
douce, Paris, INA, rapport d'étude, 1995, p. 67-70
* 63 Chaniac
Régine/Chervin Jacqueline, La représentation de
l'environnement à la télévision, la pollution de l'eau
douce, Paris, INA, rapport d'étude, 1995, p. 14-19
* 64 Bernard Marianne,
Génération démagogie, Bizanos, Editions Bihet,
1992, pp.. 190-199
* 65 Bernard Marianne,
Génération démagogie, Bizanos, Editions Bihet,
1992, pp.. 197-198
* 66 Peytevin Jean-Louis,
« Avant propos », « Discours de
l'écologie », Quaderni, n°17, Paris,
Editions Laura Wind / Ministère de la Recherche et de la Technologie,
Printemps 1992, p. 65
* 67 Peytevin Jean-Louis,
Peytevin Jean-Louis, « Avant propos »,
« Discours de l'écologie »,
Quaderni, n°17, Paris, Editions Laura Wind / Ministère de
la Recherche et de la Technologie, Printemps 1992, p. 65
* 68 Eisenbeis Manfred,
Télévision et esthétique de l'environnement,
« Le rôle de la télévision dans la participation
des citoyens à la planification et à l'aménagement de leur
environnement. », Strasbourg, Conseil de l'Europe/ Conseil de la
coopération culturelle/ Comité de l'éducation
extrascolaire et du développement culturel, septembre 1974, pp...4-5
* 69 Eisenbeis Manfred, Op.
Cit., p. 7
* 70 Vincent Catherine,
« Festival des 9es rencontres internationales de
l'audiovisuel scientifique à Paris, Sciences et
télé : le mariage impossible ? », Le
Monde, 19 octobre 1992, p. 16
* 71 Courtiau Jean-Pierre,
« Actualités Paysages, De la législation sur le
paysage », dans « Paysages », Monuments
Historiques, n°192, avril 1994, pp.. 112-113
* 72 Jacob Jean, Histoire de
l'écologie politique, « comment la gauche a redécouvert
la nature. », Paris, Editions Albin Michel, Paris, 1999, pp..
293-297
* 73 Peytevin Jean-Louis,
Peytevin Jean-Louis, « Avant propos »,
« Discours de l'écologie »,
Quaderni, n°17, Paris, Editions Laura Wind / Ministère de
la Recherche et de la Technologie, Printemps 1992, p. 65
* 74 Bourg Dominique,
« Droits de l'Homme et écologie », dans
Esprit, Paris, octobre 1992, pp.. 80-94
* 75 Luc Ferry, Le nouvel
ordre écologique, « L'arbre, l'animal et l'homme »,
Paris, Bernard Grasset, 1992, pp.. 267-268
* 76 Rudolf Florence,
L'environnement, construction sociale, « Pratique et discours sur
l'environnement en Allemagne et en France. », Strasbourg,
Presses Universitaires de Strasbourg, 1998, p. 48
* 77 Becker Jean-Jacques,
Histoire politique de la France depuis 1945, Paris, Armand Colin,
Coll. « Cursus », 2003, p.220
* 78 Jacob Jean,
Histoire de l'écologie, Comment la gauche a redécouvert la
nature, Paris, Albin Michel, 1999, p. 297
* 79 Micoud André,
« Une nébuleuse associative au service de
l'environnement », dans Sauver la planète ? Les
enjeux sociaux de l'environnement. Sciences Humaines Hors Série,
n°49, juillet/août 2005, pp.. 54-59
* 80 Rymarski Christophe,
« Greenpeace en France et en Allemagne, deux destins
différents », dans Sciences Humaines Hors Série,
Op. Cit., p. 57
* 81 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 82 Chervin Jacqueline, De
Cheveigné Suzanne (sous la direction de), Le traitement des
thèmes scientifiques dans le journal télévisé (de
1949 à 1995), novembre 2000, 224 p.
* 83 Roqueplo Philippe,
Climat sous surveillance, limites et conditions de l'expertise scientifique,
Paris, Economica, 1993, 406 p.
* 84 Lipietz Alain,
Qu'est-ce que l'écologie politique ?, Paris, La
Découverte, 2003, p.103
* 85 Cette chaîne a
reçu plusieurs prix pour sa programmation au festival international de
l'audiovisuel scientifique.
* 86 Caro Paul,
Funck-Brentano Jean-Louis, L'appareil d'information sur la science et la
technique, Rapport commun n°6 Académie des
Sciences/CADAS, Paris, Lavoisier, Coll. : « Technique
et documentation », 1996, p. 61
* 87 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 88 La rubrique Post
Scriptum est mise en place à partir de 1995, elle permet au
magazine de rediffuser, cinq après leur première diffusion, des
reportages que Paul Nahon et Bernard Benyamin jugent nécessaire de
montrer encore une fois. C'est aussi une occasion de discuter avec l'auteur du
reportage des évolutions, sur le moyen terme, de la situation.
* 89 Bystrova Anna,
« La politique écologique soviétique. Problèmes
et perspectives. », dans La crise de l'environnement à
l'Est, Pays en transition et expérience française d'une
économie mixte, Paris, L'Harmattan, 1993, pp.. 97-105
* 90 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 91 Ferenczi Thomas,
« Les incertitudes du progrès », Le Monde,
Paris, 20 août 1996, p. 13
* 92 IFEN, La
sensibilité Ecologique des Français, « à
travers l'opinion publique », Orléans, Edition Tec et Doc,
2000, p.18
* 93 Ashiéri
André, Santé-environnement, dans Alliage,
n°48-49, automne 2001, p. 172
* 94 Roqueplo Philippe,
Climat sous surveillance, Paris, Economica, 1992, p. 97
* 95 De Banville Marc,
« Les lobbies », Envoyé spécial,
Paris, France 2 (production et diffusion), 27 septembre 1997.
* 96 Allemand Sylvain,
« Environnement où en est-on ? », Sciences
Humaines, n°130, août-septembre 2002, p. 10
* 97 Ashiéri
André, « Santé-environnement, défi pour le
troisième millénaire », dans Alliage,
n°48-49, automne 2001, p. 179
* 98 Ashiéri
André, « Santé-environnement, défi pour le
troisième millénaire », dans Alliage,
n°48-49, automne 2001, p. 171
* 99 Ashiéri
André, Art. Cit., p. 179
* 100 Barraque Bernard,
« L'action municipale dans le domaine de l'environnement, limitations
historiques et perspectives encourageantes. », dans Vinaver Krystina
(dir.), La crise de l'environnement à l'est, Paris,
l'Harmattan, 1993, pp.. 139-146
* 101 Lagadec Patrick,
« Risques et crises : nouvelles frontières, nouvelles
responsabilités », Pour une nouvelle culture du risque.
Alliage, Automne 2001, p. 27
* 102 Lagadec Patrick,
« Risques et crises : nouvelles frontières, nouvelles
responsabilités », dans Alliage, n°48-49,
automne 2001, pp.. 27-36
* 103 Lepage Corinne,
« Allocution », dans Ethique et environnement, Actes du
Colloque, Paris, La documentation française, 1997, p. 17
* 104 Bruntland Grottarlem
(président de la commission), « Une Terre, un
Monde », dans Notre avenir à tous, Commission
Mondiale de l'Environnement et du Développement, 1987 [n.p.]
* 105 Birnbacher Dieter,
La responsabilité envers les générations futures,
Paris, PUF, Coll. « Philosophie Morale », 1994
[Stuttgart, 1988], p. 25
* 106 Lepage Corinne,
« Discours de clôture », dans Ethique et
environnement, Actes du Colloque, Paris, La documentation
française, 1997, pp.. 171-182
* 107 Becker Jean-Jacques,
Histoire politique de la France depuis 1945, 2003, Armand Collin,
Coll. « Cursus », pp.. 229-230
* 108 Métivet
Jean-Pierre, « La Rochelle, l'utopie ?», Envoyé
spécial, Paris, France 2 (production et diffusion), 25 septembre
1997, 21h.
* 109 [auteur inconnu],
« Journée sans voiture », Wikipedia,
(encyclopédie accessible gratuitement sur Internet) ;
informations recoupées avec divers sites officiels sur la
« journée sans voiture »
* 110 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin.
* 111 Stengers Isabelle,
« Le développement durable, une nouvelle
approche ? », Alliage, n°40, automne 1999, p.
33
* 112 En annexe du livre de
Sauvé Lucie, Education et environnement, Outremont
(Québec), Editions Logiques, 2001, pp.. 305-310
* 113 Porcher Louis, Les
médias entre éducation et communication, Paris, Vuibert,
Coll. « Comprendre les médias. », 2001, p. 13
* 114 Porcher Louis, Op. Cit.,
p. 33
* 115 Sauvé Lucie,
Education et environnement, Outremont (Québec), Editions
Logiques, 2001, pp.. 52-54
* 116 Sauvé Lucie, Op.
Cit., pp.. 132-133
* 117 Birnbacher Dieter,
La responsabilité envers les générations futures,
Paris, Puf, Coll. « Philosophie morale », 1995, p. 181
* 118 Strazzula
Jérôme, « La ville sur deux roues », Le
Figaro, Paris, 12 juin 1997, p. 33
* 119 Boillon Colette,
« Menaces sur la terre et sur l'homme », La Croix,
25 septembre 1997, p. 23
* 120 Stengers Isabelle,
« Le développement durable, une nouvelle
approche ? », Alliage, n°40, automne 1999, p.
32
* 121 Vigneron Jacques,
Francisco Laurence, La communication environnementale, Paris,
Economica, 1996, p. 18
* 122 Cité dans
Vigneron Jacques, Francisco Laurence, Op. Cit., p. 25
* 123 Thibaut Luc, «
Agriculture et environnement, planification, marché ou contrat
social », dans Vinaver Krystyna (dir.), La crise de
l'environnement à l'Est, Pays en transition et expérience
française d'une économie mixte, Paris, L'Harmattan, 1993,
pp.. 147-154
* 124 Institut National de
l'Environnement et de la Nature, La sensibilité écologique
des Français, Paris, Editions Techniques et Documents, 2000,
p.12
* 125 Boy Laurence,
« Le principe de précaution, de la gestion des crises à
la représentation lisible des choix de vie », dans Pour
une nouvelle culture du risque, Alliage, n°48-49, automne 2001, p.
91
* 126 Hans Jonas, Le
principe de responsabilité, Paris, Editions du Cerf, 1990,
[1ère éd. 1979], pp.. 237-250
* 127 Luc Ferry, Le nouvel
ordre écologique, l'arbre, l'animal et l'homme, Paris, Bernard
Grasset, 1992, pp..246-247
* 128 Brunel Sylvie,
« Les ambiguïtés du développement
durable », dans Sauver la planète ?, Sciences
Humaines Hors Série, n°49, juillet - août 2005, p. 86
* 129 www.iddri.org -
conférence donnée par Paul-Marie Boulanger le 27 avril 2004
à l'Iddri.
* 130 Genot Jean-Claude,
Ecologiquement correct ou protection contre nature ?,
Aix-en-Provence, Edisud, 1998, pp. 12-24
* 131 Genot Jean-Claude, Op.
Cit., p. 133
* 132 Ifen, La
sensibilité écologique des Français, Paris, Editions
Techniques et Documents, 2000, pp.. 170-171
* 133 Genot Jean-Claude,
Ecologiquement correct ou protection contre nature ?,
Aix-en-Provence, Edisud, 1998, p. 134
* 134 Ifen, La
sensibilité écologique des Français, Pairs, Editions
Techniques et Documents, 2000, p. 33
* 135 Dumas Brigitte,
Gaulin Benoît, « La presse et la question
environnementale : le cas des pluies acides » dans
Vaillancourt Jean-Guy (dir.), Gestion de l'environnement, éthique et
société, Montréal, Fides, 1992, pp.. 93-126
* 136 Cf. notre entretien avec
Paul Nahon et Bernard Benyamin en annexe.
* 137 Bozonnet Jean-Paul,
L'écologisme à l'aube du XXIe siècle, De la
rupture à la banalisation ?,Genève, Georg Editeur,
Coll. « Stratégies énergétiques,
Biosphère et Société », p. 14
* 138 Cf. conclusion de
Borne Dominique, Histoire de la société française
depuis 1945, Paris, Armand Colin, Coll. « Cursus »,
2002, pp.. 175-178
* 139 Winock Michel,
« L'avènement des intellectuels » dans La
fièvre hexagonale, Les grandes crises politiques (1871-1968),
Paris, Ed. du Seuil, Coll. « Points Histoire », 2001, pp.
158-175
* 140 Michaud Yves,
Changements dans la violence, essai sur la bienveillance universelle et la
peur, Paris, Ed. Odile Jacob, 2002, p. 143
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