Problématique
La région du Delta s'étend sur 500 km2, de
Saint-Louis à Dagana (Dia. I., LE Gal. P.Y, 1991). Cette partie du pays,
depuis l'indépendance, a retenu l'attention des autorités
sénégalaises pour être le lieu d'application des politiques
d'aménagements hydro agricoles. La création, en 1965, de la SAED
matérialise cette ferme volonté de la part des pouvoirs publics
d'assurer un développement économique et social en
général et hydro agricole, en
particulier dans le Delta.
L'étude des aménagements présents dans le
delta du fleuve Sénégal révèle différents
types. On y rencontre les grands aménagements transférés,
les grands aménagements non transférés, les petits
périmètres transférés et les aménagements
intermédiaires transférés qui sont l'oeuvre de la SAED ;
les périmètres irrigués villageois (PIV), les
périmètres irrigués
privés (PIP) et l'agro industrie (CSS, SOCAS) qui sont
hors SAED.
Les grands aménagements (GA) y présentent une
importance sans égal car plus de
85% des GA recensés dans la rive gauche se trouvent dans
le Delta. En terme d'investissement, ils sont relativement onéreux et
le prix à l'hectare se situe entre 5 et 6,5
millions de Fcfa (Wade.M et al. 1996).
Le mode de fonctionnement, de gestion et la maintenance des
aménagements hydro agricoles varient suivant l'évolution des
politiques étatiques en matière d'aménagement. En fait,
selon l'attitude des pouvoirs publics, deux grandes périodes marquent
l'aménagement du
delta du fleuve Sénégal.
Pour la période allant des indépendances (1960)
jusqu'aux années 1980, c'est l'Etat
qui assurait, par le biais de l'OAD puis de la SAED, toutes les
charges relatives au fonctionnement, à la gestion et aux travaux
d'entretien. Sa présence dans l'activité agricole se
sentait d'amont en aval puisqu'il intervenait dans
l'étude des aménagements jusqu'à
l'exploitation éventuelle en régie (Maïga.M,
1995).
Vers la fin des années 1980, la gestion étatique
qui prédominait, se heurta à des problèmes de coûts
et de charges : faible performance du système irrigué due en
grande partie à des insuffisances d'entretien.
La seconde période est caractérisée par le
désengagement de l'Etat de la gestion des
aménagements réalisés ou
réhabilités sur fonds publics : c'est l'ère du transfert
des aménagements hydro agricoles et des responsabilités aux
organisations de producteurs.
Le transfert de responsabilités aux producteurs
signifie aussi un transfert de charges aux producteurs (Lavigne Delville. Ph,
1991). Mais ce transfert a occasionné l'établissement de contrats
de concession et des NEG (Note d'entretien et de Gestion) entre la SAED et les
OP. Ce sont des mesures consistant à définir les modalités
de fonctionnement des réseaux et des équipements, la nature,
l'intérêt et les coûts des travaux d'entretien à
réaliser pour assurer
la durabilité des performances des
aménagements.
Ainsi, l'entretien des périmètres, des stations de
pompage, des réseaux, des mailles
hydrauliques et des parcelles relève désormais de
la compétence des usagers et de leurs organisations. Concernant les
aménagements structurants ou collectifs, c'est l'Etat qui assure
aussi bien leur réalisation que leur entretien. Un
aménagement structurant est un type d'aménagement hydro
agricole dont la vocation est de desservir d'autres aménagements,
soit dans un objectif unique d'adduction d'eau (exemple : l'axe
Gorom-Lampsar) soit de drainage
(exemple : l'Emissaire du Delta) soit de circulation ou de
protection contre les crues
(exemple : la digue de ceinture du Delta).
Prés d'une décennie après la concession, on
s'est rendu compte que les paysans n'étaient pas en mesure d'assurer
pleinement la relève de la SAED. Les résultats que l'on
espérait obtenir étaient décevants suite
à des difficultés telles que l'insuffisance de la maintenance.
Alors des mesures d'accompagnement ne sont-elles pas à mettre en oeuvre
si l'on veut réussir totalement ce souhait de responsabiliser les
paysans? Mieux, ne doit-on pas appuyer davantage les unions concessionnaires
dans l'exercice de certaines tâches comme la maintenance afin de lever
toute inquiétude pour ce qui est de la pérennité des
infrastructures
hydro agricoles?
C'est ce que l'Etat du Sénégal, secondé
par ses partenaires au développement (Banque Mondiale, KFW, AFD, etc.),
a très vite compris en prenant à bras le corps la maintenance.
Cette ferme volonté se traduira par : d'abord, la Division Autonome de
Maintenance (DAM) voit le jour en janvier 1998 et deviendra une Direction en
Mars 2002 ; ensuite, une étude relative à la mise en place des
fonds de maintenance a été lancée pour mener à bien
cette nouvelle politique de maintenance. Les fonds créés sont les
suivants : les FOMAED (Fonds de Maintenance des Adducteurs et Emissaires de
Drainage), les FOMUR (Fonds Mutuel de Renouvellement des stations de pompage),
les FOMPI (Fonds de Maintenance des Périmètres
Irrigué) et les FOMIIG (Fonds de Maintenance des
Infrastructures d'Intérêt Général).
A la suite de Moulaye.A et Almadjir.R (1996) nous pouvons
définir la maintenance
« comme l'entretien de tous les constituants complexes
d'un aménagement mais aussi et surtout l'ensemble des actions qui
visent la pérennité du fonctionnement ». Un
aménagement est constitué d'une partie équipements
électromécaniques (par exemple : station de pompage,
d'exhaure) et d'une autre partie aménagement proprement
dit (par exemple : les modules à masque, vannes, prises à
parcelle, etc.). La mobilisation de ressources financières à un
niveau
suffisant pour la réalisation des travaux d'entretien et
de renouvellement est à inclure dans
cette définition de la maintenance car étant une
condition indispensable pour le bon
fonctionnement permanent des installations (Ponsy.P, 1998).
Nous avons choisi de travailler sur les grands
périmètres plus précisément sur le
périmètre de Boundoum pour plusieurs raisons :
- D'abord, l'aménagement de Boundoum fait partie des
réalisations les plus anciennes (1964). Donc le
périmètre est assez vieux (plus de trente ans) ;
- Ensuite, le casier a fait l'objet de plusieurs travaux de
réhabilitations ; ce qui fait qu'il constitue un cas exemplaire des
difficultés de gestion et de maintenance des
grands aménagements dans le Delta ;
- Enfin, la gestion du périmètre n'est plus
assurée par la SAED : elle est confiée aux organisations
paysannes regroupées autour de l'Union des OP et qui sont
appelées à assurer la maintenance.
Notre travail d'étude et de recherche se fixe comme
objectifs de contribuer à une
meilleure compréhension de l'importance de la
maintenance et de l'entretien des aménagements hydro agricoles mais
surtout des exigences ainsi que des aspects financiers,
techniques et sociologiques rattachés à ce
programme. Ce modeste travail prétend être un complément
par rapport aux nombreuses études menées dans le Delta et se veut
une contribution en direction des chercheurs et décideurs qui y
interviendraient.
Pour mener à bien notre étude, nous avons
posé les hypothèses suivantes :
- Les potentialités naturelles ont joué un
rôle considérable dans l'artificialisation du delta du
fleuve Sénégal ;
- l'organisation actuelle de la gestion et de la maintenance
dans le périmètre de Boundoum, laissée à l'Union
des OP seulement ne permet pas d'espérer une durabilité
de l'aménagement ;
- La nouvelle politique de maintenance va servir de cadre de
dialogue entre l'Etat, les collectivités locales et les usagers.
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