UNIVERSITE D 'ABOMEY-CALAVI
FACULTE DES SCIENCES AGRONOMIQUES
DEPARTEMENT D 'ECONOMIE, DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE ET
DE COMMUNICATION
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali1.png)
LIBERALISA TION DE LA FILIERE COTON AU BENIN:
ANALYSE DU CADRE INSTITUTIONNEL ET EFFETS SUR LES PRATIQUES AGRICOLES
DANS LA COMMUNE DE N'DALI (Département du Borgou)
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali2.png)
Présentée et soutenue par
TOTIN G. G. Edmond
THESE Pour l'obtention du diplôme
d'Ingénieur Agronome Option: Economie, socio-anthropologie et
communication
Composition du Jury:
Prof. Nestor AHO Président
Prof. Dansou KOSSOU Examinateur 1
Dr. Victorin HOUNDEKON Examinateur 2
Dr. Davo Simplice VODOUHE Rapporteur
ITE
Décembre 2004 D'ABOM
2
FACULTE DES SCIENCES AGRONOMIQUES
DEPARTEMENT D 'ECONOMIE, DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE ET
DE COMMUNICATION
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali3.png)
COTTON SECTOR LIBERALISATION: INSTITUTIONAL
FRAME ANAL YSIS AND EFFECTS ON FARMING PRACTICES IN N'DALI REGION (Borgou
department)
By TOTIN G. G. Edmond
THESIS Submitted in partial fulfilment of
the requirements of the degree of "Ingénieur Agronome"
Option: Economy, Socio-Anthropology and
Communication
Presented on December14th, 2004
Jury
Prof. Nestor AHO President
Prof. Dansou KOS SOU Examinator
Dr. Victorin HOUNDEKON Examinator
Dr. Davo Simplice VODOUHE Reporter
CERTIFICATION
Nous certifions que ce travail a été
réalisé par TOTIN G.G. Edmond au Département d'Economie,
de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement Rural
(DESAC) de la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) de
l'Université d'Abomey-Calavi, sous notre supervision.
Superviseur
Dr. Ir. Simplice Davo
VODOUHE Agro-économiste Maître-Assistant en Vulgarisation
Agricole
Co-Superviseur
Pr. Dr. Ir. Dansou KOSSOU Professeur d'Agronomie et de
stockage / conservation des grains
ii
DEDICACE
Gloire et louanges à toi Seigneur, tes merveilles
sont immenses Je dédie ce travail à
- Barthélemy TOTIN, bien aimé Père, je te
remercie du fond de mon coeur pour toute l'affection dont tu as entouré
tes enfants. Puisse le Seigneur nous aider à savoir te le rendre.
- Flavienne HOUANSOU, toi ma très chère
Mère, je n'ai pas oublié tous les sacrifices que tu as faits pour
moi. Cette oeuvre en est un témoignage, je te la donne en signe de
gratitude pour toutes ces peines que je t'ai imposées.
- A tous mes frères et soeurs, ce travail est le fruit de
votre soutien.
- Tous mes oncles et tantes, Miguel et Tania, je vous aime
beaucoup
iii
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, nous tenons à exprimer notre
profonde gratitude au Dr. Davo Simplice VODOUHE, notre superviseur de
thèse. Votre dévouement, votre détermination au travail et
votre sens paternel nous ont marqué tout au long de notre formation
à la Faculté. Ils resteront longtemps en nous des marques
indélébiles et ils nous ont permis l'aboutissement de cette
oeuvre. Nous vous remercions aussi pour votre précieux temps que vous
avez accordé à ce travail à travers vos multiples visites
de terrain et vos orientations au cours de la rédaction de cette
thèse.
De même, nous adressons nos sincères
remerciements au Pr Dansou KOS SOU, responsable du Projet Convergence des
Sciences-Bénin (COS) qui a accepté de co-superviser cette
thèse. Votre rigueur et votre dévouement resteront longtemps dans
nos coeurs. Toute l'attention que vous avez accordé à ce travail
à travers les nombreuses visites de terrain et vos multiples suggestions
constituent les preuves très éloquentes de votre
dénouement.
Nous remercions tous les responsables du Projet Convergence des
Sciences qui a assuré le soutien financier de cette étude.
- Ir Antonio SINZOGAN, merci pour toute votre contribution. Ce
travail porte une marque de vos expériences en matière de
recherche.
Nos remerciements vont également à l'endroit :
- de tout le corps enseignant de la Faculté des
Sciences Agronomiques de l'Université d'Abomey Calavi et de nos
éducateurs du primaire et du secondaire. Nous sommes ce que vous avez
fait de nous. Nous vous en remercions très sincèrement.
- de Janice JIGGINS, Niels ROLING et Arnold van HUIS, lors de
vos missions au Bénin, vous avez formulé des remarques
très pertinentes pour l'organisation de cette étude, ce qui nous
a permis d'aboutir. Nous vous en remercions.
- du Dr Gualbert GBEHOUNOU, vous nous avez toujours soutenus
depuis notre jeune âge. Vous avez toujours été là
pour arroser la plantule, chaque fois qu'elle a besoin de vous. Nous vous en
remercions.
- de Ir. Laurent GLIN, votre contribution nous a permis
d'améliorer ce travail, nous vous disons merci.
- de Ir. Augustin KOUEVI, pour toute l'assistance dans la
conduite de cette recherche, vous y avez mis beaucoup du votre, avec vos
précieux conseils. Nous vous en remercions.
- Merci à vous Mme HOUNGBEGNON Françoise et
à votre époux pour vos conseils et soutiens depuis que vous nous
avez connu.
- Mme VOGLOZIN Philomène et son époux, vous avez
été pour nous de véritables tuteurs.
- Mme GOUTON Elisabeth et son époux, vous avez toujours
été là dans nos moments les plus difficiles.
- Mme HOUS SOU Elisabeth et son époux, nous vous
remercions pour votre soutien à notre famille.
- Mme TOTIN Esther, nous vous remercions pour tous les petits
soins dont vous nous entourer.
Enfin, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude
à tous les amis qui nous ont soutenus, de diverses manières au
cours de ce travail, en particulier :
- Mlle DA-GBADJI Mireille Fleur, c'est pour moi le moment de te
féliciter pour ton soutien et ton dévouement qui ont toujours
fait ma fierté.
- Deen DJIBRIL, Ana GARCIA SAEZ, Essègbèmon AKPO,
les techniciens LEC de N'Dali, Nous vous remercions pour la collaboration.
- A tous les paysans du learning group de Gounin, ce travail
ne serait abouti sans vous. Vous en êtes les artisans et votre
collaboration pendant toute cette étude, nous a amené à
ces divers résultats.
- A tous les camarades de promotion et aux amis, Ghislain
MISSIHO, Roméo HOUSSOU, Léonce DOSSA, Bertrand AYIHOUENOU,
Joël AGOSSOU, Antoine ADIDEHOU et Caroline HOUNKPETIN.
- A tous mes amis de la maison Sainte Trinité, nous vous
disons merci pour les moments que nous avons passés ensemble.
- A toute la famille Codja-Djago, nous vous remercions pour
tout.
RESUME
Le secteur cotonnier reste une principale source de devises
pour le Bénin au regard de sa contribution dans la création de la
richesse nationale (70 à 80% des recettes d'exportation, 35% des
rentrées fiscales et 13% du PIB) (INSAE, 2002). Vu l'importance de la
filière, elle a été longtemps dans un système
centralisé, entièrement sous le contrôle de l'Etat.
Mais au début des années 1990, dans le cadre de
la politique de libéralisation/privatisation, le secteur cotonnier a
connu de nouvelles orientations caractérisées par l'ouverture de
la filière aux acteurs privés. Ces réformes
engagées devraient permettre à l'Etat d'une part, de redynamiser
le secteur et d'autre part, de réduire les coûts de ses
interventions (PNUD, 2000). Aujourd'hui, en dépit de cet arrangement
institutionnel et des acquis obtenus, le secteur cotonnier connaît
diverses contraintes qui freinent le bon fonctionnement du mécanisme mis
en place. Dès lors, il devient important de comprendre d'une part, les
motivations et les enjeux au niveau de chacun des acteurs engagés dans
la filière et d'autre part, les dynamiques qui s'y opèrent.
C'est dans cette perspective que s'inscrit la présente
étude des acteurs de la filière coton qui s'est
déroulée dans la commune de N'Dali en raison de la large gamme
d'acteurs dans la région. Les objectifs spécifiques de
l'étude sont :
- D'identifier, de catégoriser les différents
acteurs de la filière et d'examiner les enjeux et les interrelations au
niveau de ces acteurs.
- D'analyser les perceptions des différents acteurs
identifiés, par rapport à l'organisation de la filière.
- Enfin d'analyser l'influence des réformes de la
libéralisation sur les pratiques agricoles en zones
cotonnière.
L'étude a consisté en une série
d'enquêtes menées à différentes échelles: au
niveau paysan et dans diverses institutions qui interviennent dans
l'organisation de la filière. Cette étude a utilisé comme
théorie de base, l'approche centrée sur les acteurs (Long, 1989)
qui permet d'analyser les actions des acteurs à partir des interactions
ou des interfaces qui existent entre eux. Les principaux outils de collecte et
d'analyse des données sont conformes à l'orientation qualitative
du sujet. Toutefois, il nous a été essentiel d'assortir
l'interprétation de nos résultats par des données
quantitatives afin de concrétiser certains aspects.
Les résultats obtenus montrent que les différents
acteurs n'acceptent plus les groupes professionnels mis en place
après l'arrangement institutionnel de la filière à la
libéralisation. Ainsi, des dissidences sont apparues au sein de ces
groupes. Les réseaux parallèles mènent
vi
leurs activités en dehors du circuit formel imposé
par les réformes, ce qui fragilise le mécanisme.
Les conflits d'intérêts sont à la base de
ces dissensions au niveau des acteurs. Avec les réformes, certains
acteurs sentent leurs intérêts menacés. La recherche de
stratégies pour faire face à ces menaces a amené à
la création des réseaux dissidents qui leur permet de contourner
le mécanisme formel.
Au niveau de la classe paysanne, des réseaux dissidents
(AGROP et FENAPRA) sont créés et plusieurs motivations sont
à la base de cette dissidence. La cause la plus évoquée
par les producteurs reste le retard que connaissent les paiements des frais
d'achat du coton aux producteurs (75% de notre échantillon).
Les réseaux dissidents (FENAPRA né du
réseau AGROP) mènent leurs activités (approvisionnement en
intrants, vente du coton graine) hors du circuit mis en place dans le cadre de
la libéralisation.
Les égreneurs qui ne trouvent plus leurs
intérêts pris en compte (approvisionnement en coton graine
à hauteur de la quantité désirée, versement des
acomptes de 40%) ont quitté le groupe professionnel APEB (Association
Professionnelle des Egreneurs du Bénin) reconnu par le mécanisme
formel. Ces groupes «mécontents» ( SODICOT et MCI) soutiennent
les producteurs dissidents en leur rachetant leur coton-graine, contournant
ainsi la centrale, chargée de la commercialisation.
La dissidence a gagné aussi le secteur intrant. Les
opérateurs (CSI et Fruitex) qui se sont retrouvés
écartés de la distribution des intrants, parce que ne remplissant
pas les normes définies par la Coopérative d'Approvisionnement et
de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA), ont mis en place une association
dissidente, l'ADIAB (Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du
Bénin). Ces distributeurs fournissent des intrants aux producteurs des
réseaux non-conformistes.
Il s'est développé un partenariat entre ces
groupes dissidents. Certains distributeurs d'intrants se sont fusionnés
(le cas du complexe CSI-Fruitex) pour faire face aux demandes qu'exigent la
filière. Dans le groupe des égreneurs dissidents, il n'y a pas eu
par contre, une telle fusion parce que la principale cause de la division au
niveau de ce groupe reste les conflits autours de la répartition du
coton. Une quelconque fusion entre ces acteurs ne garantit pas une augmentation
du taux d'approvisionnement de coton graine, du moment où chacune des
compagnies ne s'assurait pas sa capacité nominale. Les producteurs
bénéficient des intrants des distributeurs dissidents et vendent
leur récolte aux égreneurs sortis du système, contre un
revenu cash, sans passer par le mécanisme de la CSPR. Les responsables
de ces mouvements
paysans dissidents, les distributeurs d'intrants et les
égreneurs restent les principaux bénéficiaires de ce
partenariat et les producteurs deviennent les instruments du système.
Ils sont utilisés par leurs responsables pour jouer le «jeu»
des égreneurs et aussi celui des distributeurs d'intrants à qui
ils garantissent un marché, pour leurs produits. La filière reste
une véritable « arène de négociation » où
les intérêts des divers acteurs s'affrontent.
Cet environnement de dissidence et d'intérêts
diversifiés influence les systèmes de production. Les
producteurs, surtout ceux des réseaux dissidents, ne
bénéficient pas des mêmes facteurs de production que ceux
du réseau FUPRO (produits chimiques de qualité, crédits de
campagne à la CLCAM). Les intrants chimiques dont ils
bénéficient échappent au contrôle de la recherche et
ces producteurs n'ont pas accès à la nouvelle technologie
identifiée pour réduire les coûts de traitement dans le
contrôle des ravageurs, parce que la mise en place des intrants
exigés par l'approche LEC ne profite pas aux distributeurs.
Au terme de cette étude, il ressort que l'Etat devrait
s'impliquer davantage dans la gestion de la filière en veillant au
respect des principes du mécanisme. L'environnement de dissidence qui
règne au niveau des groupes professionnels ne saurait rien arranger dans
cette filière qui a besoin du soutien de tous ses acteurs pour sa
meilleure organisation.
ABSTRACT
In a number of French-speaking African countries, cotton plays
a key role in the economy and development efforts by standing for the major
source of export earnings. At the local level, the crop provides the rural
population with a cash insurance against food crop failure. Its importance made
it had been entirely under control of public sector for several years.
At the beginning of 1 990's, in the context of liberalisation
and privatisation policy, the sector has been open to private actors. Those
reforms were to reinforce the sector and to reduce the public interventions
costs. However, the new system set up functioning illustrates some problems to
which all the cotton system might face.
The objective is to understand the actors' linkage in the post
liberalisation system of cotton production and they impact on the innovation
process by:
- identify, and categorise different actors;
- analyse actors' perception of the new system set up;
- analyse the impact of the new system on innovation process
generation and farming practices.
The methods used were open and semi-structured interviews with
groups and individuals, as well as participatory diagramming (dialogic tool)
with different actors.
The cotton industry has been seen as the well-organized crop
network involving many stakeholders. The government's involvement, in its
conventional role of organizing cotton production, is rapidly decreasing. This
role, except for research, for which the government is still responsible, has
been taken over by various new farmers' consultative bodies (CAGIA, CSPR, AIC,
FUPRO). Although the proponents of the new cotton industry systems in Benin
claim that it works and could be better in a more liberalisation context, the
cotton sector face important organisational difficulties as well as technical
that hampered the normal functioning of the mechanism set up. The new system
structure is more complex as well as heavy and it is too early to know whether
the new system will lead to savings
At farmer's level non-conformist - of new system set up-
groups namely FENAPRA and AGROP were created. The main reason of this
dislocation is the delay in the payment of cotton income to peasant in GV
group. Those non-conformist groups broke up mechanism fixed by new reforms and
operate outside conventional system.
Ginners whose interest was not taken in account through the
new system left their professional group (APEB) and created another dissident
class. They collaborated with nonconformist groups, outside the formal
system.
Input distributors who didn't meet conditions established by
CAGIA-cooperative found out that they were out of the mechanism fixed by new
reforms. Then, they formed another group (ADIAB) and they made a parallel
supply of input to peasant in non-conformist group. These actors furnished
input, which were not always controlled by researchers. This situation
compromise the cotton yields.
The reforms taken to improve the cotton sector encouraged this
emergence of a partnership among dissident peasants representatives, ginners
and input distributors. Peasants are the loser in this partnership. They have
been manipulated in profit of their representatives, of ginners and input
distributors. The cotton network is a sector where actors' stakes are
competing.
This conflicting environment affected the production system
because not all producers have acces s to performing inputs. We may not have
this situation if the government was more implied in the management of cotton
sector by making respected the principle fixed by the reforms.
TABLE DES MATIERES
Dédicace i
...
Remerciements ii
Résumé iv
Abstract vi
Table des matières .. ix
Listes des tableaux xii
Listes des figures . xii
Listes des encarts . xiii
Abréviations . xiv
1- INTRODUCTION GENERALE . 1
1-1 Introduction 1
1-2 Problématique et justification 2
1-3 Pertinence de l'étude . 4
1-4 Objectifs et questions de recherche 4
2- CADRE METHODOLOGIQUE 6
2-1 Choix de la zone d'étude 6
2-2 Choix des villages 6
2-3 Méthode de collecte des données 7
2-3-1 Etude documentaire 7
2-3-2 Entretiens informels 8
2-3-3 Entretiens
semi-structurés........................................................................
8
2-3-4 Entretiens structurés ... 9
2-3-5
Triangulation............................................................................................
9
2-4 Echantillonnage ... ... ... ... ...............
9
2-5 Nature des données collectées... ......
... ...... ... ... .......... 10
2-6 Méthodes et outils d'analyse des données
10
2-6-1 Comparaison 11
2-6-2 Etudes de cas 11
2-6-3 Diagrammes participatifs 11
2-6-4 Histoires de vie 12
2-6-5 Les citations 12
2-7 Limites de la recherche . 12
3- REVUE DE LITTERATURE. 14
3-1 Analyse de quelques concepts 14
3-1-1 Notion de filière . 14
3-1-2 Notion d'acteurs 15 3-1-3 Le concept
d'institution /
organisation...................................................... 17
3-1-4 Notion de
conflit........................................................................................
18
3-1-5 La notion de pouvoir dans les organisations
paysannes................................. 19
3-1 -6 Notion de
leadership..............................................................................
21
3-1-7 Les interfaces
sociales.................................................................................
22
3-2 Evolution institutionnelle de la filière coton au
Bénin 22
4- PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE 25
xi
4-1 Situation géographique et organisation sociale . 25
4-2 Milieu physique 25
4-2-1 Climat . 25
4-2-2 La végétation et l'hydrographie
26
4-2-3 Sol et relief 26
4-3 Milieu humain et activités économiques 27
4-3-1 Milieu
humain.......................................................................................
27
4-3-2 Peuplement et
interrelations.........................................................................
27 4-3-3 Activités
économiques.................................................................................
29
5- ACTEURS ET LINKAGE 31 5-1 Restructuration du secteur
agricole au Bénin: différentes réformes engagées
dans le
secteur coton 31
5-1-1 Diverses phases de gestion de la
filière......................................................
31
5-1-2 La pression pour la libéralisation et la
privatisation du secteur cotonnier 33
5-1-3 Déroulement du processus de désengagement
de l 'Etat de la gestion de la filière 34
5-1-4 Performance de la
SONAPRA..................................................................
36
5-1-5 Retombées du transfert au niveau de la SONAPRA
36
5-2 Cadre institutionnel de la filière et son
fonctionnement après la libéralisation 37
5-2-1 Choix stratégiques du gouvernement en
matière de réformes de la filière............. 37 5-2-2
Les acteurs de la filière 38 5-2-3 Fonctionnement et enjeux au
niveau des nouvelles structures............................. 41
6- IMPACT DE LA LIBERALISATION SUR LES SYSTREMES DE
·PRODUCTION. 74
6-1 La libéralisation du secteur cotonnier: la solution
attendue ou une impasse pour les
acteurs du secteur . 74
6-2 La recherche cotonnière 75
6-3 Vulgarisation agricole 76
6-4 La stabilisation et le soutien des prix de coton . 77
6-5 La libéralisation de la filière et le transfert
de pouvoir aux mouvements paysans 79
6-5-1 Les producteurs et la fixation du prix du coton-graine
79
6-5-2 Effets de la réforme sur le bien-être des
producteurs de coton............................ 80 6-6 Impacts de la
réforme sur les pratiques agricoles en coton: cas du contrôle
des
ravageurs 81 6-6-1 Méthodes de contrôle des
ravageurs avant la libéralisation...............................
81
6-6-2 Méthodes de contrôle des ravageurs
après la libéralisation 82
7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS .. 84
7-1 Attentes des acteurs 84
7-1-1 Attentes des producteurs 84
7-1-2 Attentes des distributeurs d'intrants 84
7-1-3 Attentes des égreneurs 85
7-1-4 Attentes de la
recherche..............................................................................
85
7-2 Appréciation de la portée de la réforme
du secteur coton . 85
7-2-1 Evaluation par rapport aux producteurs 85
7-2-2 Evaluation par rapport aux autres acteurs 87
8- PRODUCTEURS ET INNOVATIONS AGRICOLES COTONNIERES . 89
8-1 Une forme de IPM dans le contrôle des ravageurs au
Bénin: la Lutte Etagée Ciblée... 89
8-2 La participation paysanne dans la mise en place des
innovations 90
8-2-1 Qu'est-ce que la participation
?............................................................... 90
8-2-2 Quel type de participation a t-on besoin dans la mise
des innovations ? 91
8-2-3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la
mise en place des innovations
agricoles participatives 92
8-2-4 Les obstacles à la participation 93
9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 98
10- REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .. 100 ANNEXES
LISTE DES TABLEAUX
Tableau1 Tableau 2 Tableau 3 Tableau 4
|
Villages choisis pour l'enquête suivant les réseaux
d'appartenance
Effectif de l'échantillon réalisé par
réseau et par village
Répartition des producteurs suivant leurs motivations
à quitter les GV Rentabilité économique de la production
cotonnière (en f CFA/Ha)
..
|
.
|
7
10 48 53
|
Tableau 5
|
Evolution des chiffres relatifs aux crédits intrants et
aux taux
|
de
|
|
|
recouvrement
|
|
62
|
Tableau 6
|
Répartition des acteurs des différents
réseaux
|
.
|
68
|
Tableau 7
|
Pratique de la LEC dans les milieux d'étude
|
|
90
|
|
.
|
|
|
Tableau 8
|
Analyse SWOT de la filière coton au Bénin
|
|
98
|
|
LISTE DES FIGURES
|
|
|
Figure 1
|
Schéma d'organisation de la filière coton avec le
monopole de l'Etat
|
|
33
|
Figure 2
|
Schéma simplifié du cadre institutionnel
après libéralisation
|
..
|
38
|
Figure 3
|
Schéma détaillé de gestion de la
filière coton
|
.
|
39
|
Figure 4
|
Part des spéculations dans la formation des revenus
agricoles
|
des
|
|
|
producteurs
|
|
47
|
Figure 5
|
Evolution des revenus bruts et des coûts de la production
cotonnière
|
|
53
|
Figure 6
|
Diagramme participatif réalisé par les producteurs
du réseau Fupro
|
.
|
63
|
Figure 7 a
|
Diagramme participatif réalisé par les producteurs
du réseau FENAPRA
|
....
|
65
|
Figure 7 b
|
Diagramme participatif réalisé par les producteurs
du réseau AGROP
|
|
65
|
Figure 8
|
Diagramme participatif des interrelations réalisé
par la recherche
|
..
|
67
|
Figure 9
|
Situation de la pratique de la lutte classique avant la
libéralisation de la filière
|
|
81
|
Figure 10
|
Positionnement et degré d'intervention des membres du
learning group
|
|
95
|
LISTE DES ENCARTS
Encart Les avantages de l'ex-Sonapra (avant l'entrée en
jeu des acteurs privés) .. 37
Encart Importance de la responsabilité «du
secrétaire GV» selon un responsable
2 FENAPRA . 43
Encart
3
Encart
4
Importance du revenu-coton dans la vie du producteur, propos d'un
producteur de Suanin
47
Conséquence de la mauvaise gestion des cautions solidaires
(propos d'un gros producteur de
Kori) 48
Encart Intérêts en jeu au niveau des nouveaux
réseaux 51
5
Encart Stratégie de production coton-maïs
développée par un producteur du réseau FUPRO
6
52
Encart Stratégie développée pour la vente
illicite du coton à Kori, un village de N'Dali
révélée par un producteur
7 GV . 58
Encart Extrait de la lettre adressée au présidium
par les représentants des réseaux FENAPRA et Agrop-Bénin
à
8 la fin des états généraux de juillet 2004
à
Parakou 66
ABREVIATIONS
ADIAB AGROP AIC APEB APV CAGIA CARDER CERPA CFDT CIRAD
Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du
Bénin Association des Groupements de Producteurs
Association Interprofessionnelle du coton
Association Professionnelle des Egreneurs du Bénin
Agent Polyvalent de Vulgarisation
Coopérative d'Achat et de Gestion des Intrants Agricoles
Centre d'Action Régional pour le Développement Rural Centre
d'Encadrement Rural et de la Promotion Agricole Compagnie Française de
Développement des Fibres et Textiles
Centre de Coopération Internationale en Recherche
Agronomique pour le Développement
CLCAM CRA-CF CSPR DIFOV FECECAM FENAPRA FMI
FAS FSS FUPRO GPDIA
GV
GP
IDI
IPM LEC MCI ONS PIB
PNB SDI
SATEC SODICOT
Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel
Centre de Recherches Agricoles-Coton et Fibres
Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement
Direction de la Formation Opérationnelle et de la Vulgarisation
Fédération des Caisses d'Epargne et de Crédit Agricole
Mutuel Fédération Nationale des Producteurs Agricoles
Fonds Monétaires International
Fonds Autonome de Stabilisation
Fonds de Stabilisation et de Soutien
Fédération des Unions des Producteurs
Groupement Professionnel des Distributeurs d'Intrants Agricoles
Groupement Villageois
Groupement de Producteurs
Importateurs et Distributeurs d'Intrants
Integrated Pest Management (Gestion Intégrée des
Ravageurs) Lutte Etagée Ciblée
Marlans Cotton Industry
Office National pour la Stabilisation
Produit Intérieur Brut
Produit National Brut
Société de Distribution Intercontinentale
Société d'Assistance Technique et de
Coopération
Société Des Industries du Coton
SONACEB Société Nationale de Commercialisation et
d'Exportation du Bénin
SONAGRI Société Nationale Agricole
SONAPRA Société Nationale pour la Promotion
Agricole
TS-PV Technicien Spécialiste- Production
Végétale
UCP Union Communale des Producteurs (ex USPP)
UDP Union Départementale des Producteurs
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali4.png)
Introduction, Cadre théorique et
méthodologique
PREMIERE PARTIE
1. INTRODUCTION GENERALE
1.1 Introduction
Depuis une vingtaine d'années, la production de coton
en Afrique francophone de l'Ouest et du centre a énormément
augmenté. Aujourd'hui, près de 8 millions de personnes sont
impliquées dans les secteurs cotonniers de ces deux régions, dont
environ 6 millions pour la seule Afrique de l'Ouest (Ton, 2001). Le coton est
devenu l'une des principales sources de devises dans la plupart des pays
producteurs. C'est le cas du Bénin où le coton reste la
principale culture d'exportation qui contribue au développement
socio-économique du pays. Il constitue non seulement la principale
source de revenus monétaires pour les producteurs qui le cultivent, mais
il apporte aussi d'importantes devises à l'Etat. La filière
représente 70 à 80% des recettes d'exportation, 35% des
rentrées fiscales et sa contribution en termes de valeur ajoutée,
est estimée à 13% du PIB (INSAE, 2002).
La production est plus concentrée dans la partie nord
du pays où elle occupe plus de 80% des paysans ( Ton, 2004). Elle
constitue ainsi un outil stratégique privilégié pour
lutter contre la pauvreté, sachant que les achats annuels du
coton-graine représentent environ soixante dix milliards de francs CFA
qui sont périodiquement versés à plus de trois cent mille
(300.000) exploitants agricoles du pays (Ambassade de France, 2002). Ainsi,
plusieurs acteurs (producteurs, distributeurs d'intrants, égreneurs,
...), à différents niveaux vivent de ce secteur. Vu l'importance
de ce secteur, le gouvernement béninois a, pendant des décennies,
concentré l'essentiel de ses efforts de développement sur la
filière, ce qui fait qu'elle a enregistré une croissance beaucoup
plus forte que les autres secteurs agricoles (Baffes, 2002). Ainsi depuis le
début des années 80, l'examen de l'évolution de la
production nationale révèle de nombreuses fluctuations, mais
toutefois avec une tendance marquée à la hausse où elle
avoisine aujourd'hui environ 400.000 tonnes de coton-graine.
Malgré cette performance de la filière, elle
connaît toujours de profondes difficultés du fait de sa mauvaise
gestion à différents niveaux, amenant ainsi l'Etat à opter
pour sa libéralisation. Ainsi depuis 1995, la filière a pris de
nouvelles orientations. Mais si ces nouvelles transformations peuvent
être accueillies favorablement, il n'en reste pas moins que de nombreux
problèmes persistent. Il n'est souvent pas rare, d'entendre «
aujourd'hui la filière est malade de la cupidité de ses
acteurs ».
En effet, depuis cette libéralisation de la
filière, une guerre d'intérêt se développe entre les
diverses parties-prenantes et ces divergences au sein de la famille des acteurs
ne sont pas sans effets sur la production, surtout par rapport au sous-secteur
intrant.
Ces problèmes très sérieux qui minent la
filière méritent des réflexions approfondies en vue de la
restructurer pour une prospérité de la production et une
meilleure synergie des divers acteurs.
1.2 Problématique et justification
Avant les années 90, la situation économique de
la filière a été particulièrement
préoccupante et, plus le niveau de la production du coton-graine
augmentait, plus le déficit financier enregistré par la
filière était important (MDR, 1995). Cette situation était
due notamment à la gestion peu efficiente de la vente du coton-fibre
béninois.
Dans ces conditions, le déficit cumulé de la
filière coton n'a pas cessé de croître et elle était
au bord de la faillite. Le gouvernement avec l'appui des bailleurs a alors
décidé de la réhabiliter en apportant des modifications
à ses structures et aux règles de son fonctionnement.
Ainsi depuis 1992, le gouvernement béninois a entrepris
un programme de restructuration du secteur. Il entend ainsi réduire le
coût d'intervention des structures étatiques par
l'amélioration de leur efficacité et le transfert de certaines
activités aux opérateurs privés (PNUD, 2000). Dans ce
cadre, la filière a connu de nouvelles orientations
caractérisées par un libéralisme économique. Ces
orientations concernent en particulier, le désengagement de l'Etat qui
s'est traduit notamment par une forte réduction des agents des services
de l'encadrement technique.
Cette libéralisation a favorisé l'ouverture de
la filière à divers acteurs. Ainsi, les usines d'égrenage
sont passées de neuf (09) à seize (16) et les
sociétés de distribution d'intrants agricoles sont passées
de deux (02) à onze (11) entre 1994 et 2003 (CSPR-GIE, 2003). Ce
réarrangement institutionnel au niveau du secteur a amené les
divers acteurs à créer, avec l'aval du gouvernement, des
structures spécifiques afin de coordonner le fonctionnement de la
filière. A cet effet, l'Association Interprofessionnelle du Coton (AIC)
a été mise en place pour constituer un cadre de concertation aux
diverses organisations professionnelles de la filière. La
Coopérative d'Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles du
Bénin (CAGIA) est constituée afin de sélectionner et
d'évaluer les distributeurs d'intrants. A côté de ces deux
structures, la Centrale de Sécurisation des Paiements et du Recouvrement
(CSPR) a été mise
en place pour assurer la commercialisation du coton-graine et
pour sécuriser le recouvrement des crédits intrants et le
paiement des producteurs.
Aujourd'hui, en dépit de ces réformes et des
acquis obtenus, le secteur cotonnier rencontre toujours d'importantes
difficultés aussi bien d'ordre organisationnel, que d'ordre technique,
qui s'opposent au fonctionnement du mécanisme mis en place (Hounkpatin,
2003).
Au plan organisationnel, les retards dans la mise en place des
intrants et dans le paiement des recettes cotonnières aux producteurs,
les perturbations des dispositifs d'égrenage et de mise en place de
semences certifiées, en débouchant sur la chute de la production,
ont engendré une désagrégation avancée de la
filière coton (Djiwan, 2001). La Centrale de Sécurisation des
Paiements et de Recouvrement se débat avec les égreneurs pour
récupérer ses créances, sans grands résultats
pendant que les mésententes entre égreneurs sur la
répartition du coton-graine sont devenues fréquentes. Certains
acteurs violent les règles de fonctionnement adoptées et les
contestations des appels d'offres effectués par la CAGIA pour la
sélection des distributeurs d'intrants se multiplient (Akibou, 2003). Au
niveau des producteurs, la mauvaise gestion des organisations paysannes
entraîne la remise en cause des cautions solidaires et la naissance
d'organisations dissidentes comme AGROP et FENAPRA (Gbèssou, 2004).
Les structures professionnelles mises en place, ont donc, au
bout de quelques années, laissé apparaître des
difficultés majeures auxquelles la filière doit faire face. Mais
est-ce vraiment une insuffisance des familles professionnelles qui est à
la base de ces divers problèmes que rencontre la filière
aujourd'hui ?
Selon Aïssi (2000), cette crise que traverse la
filière n'est que le résultat d'un partenariat ambigu mis en
place depuis la libéralisation. Le fonctionnement réel de la
filière se fait en l'absence de tout cadre réglementaire qui
définit clairement la répartition des responsabilités
entre l'Etat et les différents acteurs, dans la gestion de la
filière, ce qui développe une guerre d'intérêts
(Gbèssou, 2004).
Dans ce contexte, après la première
décennie de la libéralisation de la filière, il
paraît opportun de réaliser une étude pour
appréhender d'une part, les responsabilités et les motivations de
chacune des parties prenantes de la filière en vue d'expliquer les
dynamiques qui s'y opèrent et d'autre part, d'examiner les impacts de la
prolifération de nouvelles organisations professionnelles concurrentes
à celles existantes, sur les pratiques agricoles au niveau de la
production du coton.
La présente étude se place dans un processus de
développement participatif des innovations avec l'intégration des
connaissances endogènes et scientifiques de tous les acteurs
dans la perspective d'une orientation de la recherche vers les
besoins et les opportunités des producteurs. Ce cadre qui est l'un des
principes de base du projet Convergence des Sciences pour une meilleure gestion
des cultures et du sol (Projet-CoS), vise à renforcer la capacité
des paysans en les intégrant dans la mise en place des technologies afin
de réduire les charges de production agricole. Autrement, il s'agit de
mettre à la disposition des producteurs, des outils facilement
utilisables pour mieux gérer leur production.
1.3 Pertinence de l'étude
La présente étude, en fonction des objectifs
poursuivis paraît opportune pour diverses raisons.
- D'abord, elle permet de comprendre davantage le
fonctionnement de la filière en mettant en exergue les écarts
entre les normes et les actions réelles des divers acteurs. Elle met en
évidence les divers enjeux qui s'opposent à l'évolution
normale du mécanisme fonctionnel mis en place dans le cadre de la
réforme institutionnelle de la filière.
- Ensuite, elle se situe dans le cadre des Politiques de
Restructuration du Secteur Agricole amorcées par le gouvernement
béninois depuis 1992. Elle pourrait permettre, aux responsables à
divers niveaux, de faire un bilan des différentes réformes
instaurées dans le secteur cotonnier au Bénin. Ainsi, il serait
possible d'évaluer les divers impacts de ces réformes
institutionnelles sur la production nationale et pourrait aussi permettre de
redéfinir de nouvelles stratégies, plus applicables dans le
milieu agricole en général, et dans le secteur cotonnier en
particulier.
- Enfin, vu le climat conflictuel qui prévaut
aujourd'hui entre les divers acteurs du secteur, l'étude pourrait
déboucher sur une plate-forme de négociations entre les
différentes parties prenantes pour examiner les problèmes qui
minent la filière et pour élaborer des approches de solutions ;
ce qui faciliterait une synergie des divers acteurs pour le bien de
l'économie nationale.
1.4 Objectifs et questions de recherche
L'objectif principal de cette recherche est d'identifier,
à la faveur de la libéralisation de la filière coton, les
dynamiques qui s'y opèrent au niveau institutionnel et technique dans la
commune de N'Dali.
Pour parvenir à cet objectif, il s'agira de façon
spécifique, par rapport au processus de gestion de la filière
:
- d'identifier, de catégoriser les différents
acteurs de la filière et d'examiner les enjeux et les interactions au
niveau de ceux-ci.
- d'analyser les perceptions des différents acteurs
identifiés sur le cadre actuel de la filière - d'analyser
l'influence de la libéralisation sur les pratiques agricoles en zones
cotonnières Ces divers objectifs seront abordés à travers
les questions de recherche suivantes.
1: Quels sont les différents groupes
d'intérêts au niveau de la filière coton béninoise
et quelles sont les relations qui existent entre eux ?
2 : Quelles perceptions ces différents groupes ont du
cadre institutionnel de la filière, après la
libéralisation ?
3: Quels sont les impacts des réformes actuelles sur les
systèmes de production cotonnière ?
2. CADRE METHODOLOGIQUE
Dans cette rubrique, nous présenterons la démarche
scientifique que nous avons utilisée pour conduire cette
étude.
2.1 Choix de la zone d'étude
L'étude a été conduite dans la commune de
N'Dali, tout d'abord parce qu'elle abrite une localité dans laquelle
sont conduites des expérimentations sur le développement
participatif des technologies de lutte contre les insectes en culture
cotonnière dans le cadre du projet CoS.. Mais à côté
de cette raison, il existe diverses autres non moins importantes qui justifient
le choix de la région.
Autrefois, une des meilleures communes de production
cotonnière du Borgou avec 16.077,63t de coton en 1996-1997, N'Dali a
connu de fortes perturbations qui ont affecté sa production
cotonnière, la ramenant ainsi à 3.523,1 t, en 2002-2003 soit un
taux de décroissance de 78,08 % en l'espace de six ans. Nous avons
choisi alors cette région pour mener la présente étude
afin de comprendre les mécanismes de fonctionnement des divers
groupements et ce qui pourrait expliquer, tel le cas de N'Dali, les divers
problèmes que rencontre, aujourd'hui la filière au
Bénin.
Au niveau de la commune, on note la présence de
plusieurs acteurs impliqués dans la gestion de la filière
cotonnière depuis la production jusqu'à la commercialisation.
Ainsi dans le groupe des producteurs, il existe une cohabitation des divers
réseaux (FUPRO, AGROP, FENAPRA) ; les distributeurs d'intrants et les
égreneurs (usine SODICOT) y sont représentés aussi, de
même que d'autres structures de soutien (AIC, CSPR, CRA-CF). Il existe
alors dans cette région une large gamme d'acteurs intervenant dans la
filière.
Enfin, la commune de N'Dali reste l'une des régions qui
expérimente depuis 2000, la nouvelle approche de gestion des ravageurs
(lutte étagée ciblée) conduite par la Recherche Coton et
Fibre. Ainsi, le choix de cette région nous permettrait d'étudier
les processus d'implication des divers acteurs dans la mise en place de cette
innovation.
2.2 Choix des villages
Pour le choix des divers villages, nous avons pris en compte
trois critères : - Accessibilité du village ;
- Répartition des divers réseaux des groupements de
producteurs ; - La pratique de la lutte étagée ciblée
(LEC)
Par rapport à ces différents critères, nous
avons défini trois catégories de villages. Dans la
première catégorie, nous avons les villages où cohabitent
les trois réseaux de groupements (FUPRO, AGROP, FENAPRA).
La deuxième regroupe les villages où sont
présents deux réseaux. Nous avons deux types de villages. Le
premier avec les réseaux FUPRO-AGROP et le second avec FUPROFENAPRA.
Nous avons deux types de villages compte tenu du fait que le réseau
originel (GV de la FUPRO) persiste toujours dans les différents
villages.
Enfin dans la dernière catégorie, nous avons retenu
les villages où nous avons noté seulement le réseau FUPRO,
donc des villages qui n'ont pas connu encore de clivage.
Cette catégorisation, nous a permis d'examiner les
interrelations entre les groupements et les motivations qui ont abouti à
l'éclatement des GV dans les villages.
A l'intérieur de chaque catégorie, nous avons
fait un choix aléatoire d'un village pour l'enquête auprès
des producteurs. Ainsi nous avons retenu au total quatre villages (Cf. tableau
1).
Tableau 1: Villages choisis pour l'enquête
suivant les réseaux d'appartenance.
Paramètres
|
Réseaux
|
Villages retenus
|
GV-FUPRO
|
GP- FENAPRA
|
GP- AGROP
|
1 ère catégorie
|
+
|
+
|
+
|
Suanin
|
2è catégorie
|
+
|
+
|
-
|
Sakarou
|
+
|
-
|
+
|
Kori
|
3è catégorie
|
+
|
-
|
-
|
Dèbou
|
Source : Enquête, 2004 (+ : présence de l'acteur, -
: absence de l'acteur )
2.3 Méthode de collecte des données
Cette étude a plus un caractère qualitatif et la
méthodologie utilisée est conforme à cette orientation.
Les outils utilisés à cet effet sont notamment la recherche
documentaire, les entretiens et les observations.
2.3.1 Etude documentaire
ordre et ceux du deuxième ordre). La revue s'est
déroulée à divers niveaux, d'abord à Cotonou et
ensuite a été synchronisée avec la recherche dans la zone
d'étude.
A Cotonou, nous avons parcouru plusieurs centres de
documentation des structures concernées par l'étude. Il s'agit
notamment des centres de documentation de la FSA, de l'OBEPAB, du CRA-CF, de
l'AIC et du MAEP.
Dans le milieu d'étude, nous avons eu accès au
cahier de charge et de fonctionnement des groupements de producteurs ainsi
qu'à la documentation au niveau des structures sur place, ce qui nous a
permis d'avoir des données spécifiques au niveau de la
commune.
2.3.2 Entretiens informels
Ces entretiens ont été réalisés
tout le long de l'étude, d'abord pour mieux cibler les divers acteurs de
la filière et ensuite pour explorer certains contours du sujet ou pour
approfondir des aspects spécifiques. A cet effet, nous avons
rencontré les responsables des structures concernées, les membres
des divers groupements villageois ayant en charge la gestion du coton
conventionnel.
Ce type d'entretien nous a permis de faire des recoupements
à propos des besoins, des motivations et des perceptions des
différents acteurs enquêtés.
2.3.3 Entretiens semi-structurés
Les entretiens semi-structurés ont été
réalisés sur la base d'un guide d'entretien, à
différents niveaux. Au cours des discussions de groupe, les producteurs
ont été invités à se prononcer de façon
exhaustive, sur des questions posées. Parfois, au cours de ces
entretiens, nous intervenons pour redresser les déviations persistantes
éventuelles ou pour orienter l'interlocuteur sur des aspects qui se sont
révélés pertinents lors de l'enquête standard
auprès des producteurs.
Ces entretiens de groupe ont été
réalisés avec les responsables de groupements retenus pour
l'enquête, en présence de quelques producteurs. L'objectif de ces
entretiens est de comprendre d'une part, le fonctionnement et les
interrelations entre les différents groupements et d'autre part, les
raisons des dissidences et les stratégies développées par
les producteurs face aux divers problèmes que rencontre la
filière.
Au niveau des différentes institutions qui
interviennent dans l'organisation de la filière, ce type d'entretien a
été utilisé pour comprendre leur importance dans la
filière afin de détecter des foyers de conflits qui expliquent
les dynamiques au sein de la filière.
2.3.4 Entretiens structurés
Ces entretiens ont été administrés aux
producteurs sur la base de questionnaires. Ils nous ont permis d'avoir des
informations sur l'organisation individuelle de la production, les perceptions
des producteurs et les processus d'implication des producteurs dans la mise en
place des innovations cotonnières, plus particulièrement dans le
cas de la lutte étagée ciblée (LEC), nouvelle approche de
contrôle des ravageurs, vulgarisée dans le secteur cotonnier.
2.3.5 Triangulation
La plupart des outils et lieux de collecte de données
ne permettent pas d'appréhender tous les contours du sujet
abordé. C'est en vue d'éviter des biais que nous avons
effectué une triangulation des outils de collecte, des lieux
d'observation et des sources d'informations. Les mêmes informations ont
été donc recherchées ou vérifiées au niveau
de plusieurs sources et avec différents outils. Les informations
retenues provenant de plusieurs sources concordantes. Cette technique a
l'avantage de rassurer de la fiabilité et de la
crédibilité des données collectées.
2.4 Echantillonnage
Les unités de recherche concernées par cette
étude sont d'une part, les institutions ou les structures qui jouent un
rôle déterminant dans la filière coton et d'autre part, les
acteurs locaux de la zone d'étude.
A la suite de la phase exploratoire, nous avons
distingué trois types de groupements: GP-FENAPRA et GP-AGROP, tous deux
dissidents, partis du groupement originel GV. Au total, nous avons
recensé 41 GV, 27 GP-FENAPRA et 12 GP-AGROP.
L'échantillon qui a servi de base pour les
enquêtes individuelles auprès des producteurs est composé
de soixante-cinq (65) producteurs constitués à partir de huit
groupements dont quatre GV, deux GP-FENAPRA et deux GP-AGROP. La liste des
membres des groupements obtenue auprès des responsables est
utilisée comme base de sondage pour le choix des producteurs. Ce choix
est fait au niveau de chaque groupement suivant un échantillonnage
aléatoire stratifié avec un coefficient d'échantillonnage
de 1/12. Nous avons retenu un tel coefficient en fonction de l'effectif
élevé des membres des groupements et aussi compte tenu du fait
que les producteurs ne constituent pas les seuls acteurs
enquêtés.
Au niveau de chaque groupement, nous avons constitué
deux (02) catégories de producteurs, sur la base du niveau moyen de
superficie emblavée en coton ces deux dernières années. A
l'intérieur de chaque classe, nous avons tiré de façon
aléatoire, les producteurs suivant le poids de chaque catégorie.
Ce choix nous a permis de prendre en considération, tout aussi bien les
«petits» producteurs que les «gros» producteurs, pour une
meilleure représentativité de l'échantillon. Nous avons
utilisé le niveau moyen de superficie emblavée en coton dans la
commune (2,5 Ha) comme limite de distinction des producteurs. Ainsi les
«petits» producteurs ont au plus 2,5 Ha de coton et les
«gros» producteurs cultivent habituellement plus de 2,5 Ha.
Parallèlement aux entretiens individuels avec les
producteurs, nous avons eu des discussions de groupe avec les responsables des
divers groupements retenus pour l'étude.
Au niveau des institutions, nous avons enquêté
systématiquement les structures qui interviennent directement dans
l'organisation de la filière.
Tableau 2 : Effectif de l'échantillon
réalisé par réseau et par village
Réseaux
|
Villages
|
Total
|
Effectif enquêté
|
< 2,5Ha
|
= 2,5Ha
|
GV-FUPRO
|
Débou
|
153
|
8
|
5
|
Sakarou
|
140
|
9
|
3
|
Kori
|
118
|
4
|
6
|
Suanin
|
131
|
7
|
4
|
GP-FENAPRA
|
Sakarou
|
72
|
4
|
2
|
Suanin
|
83
|
4
|
3
|
GP-AGROP
|
Kori
|
23
|
1
|
1
|
Suanin
|
4
|
3
|
1
|
|
TOTAL
|
724
|
40
|
25
|
Source: Enquête, 2004
2.5 Nature des données collectées
Les données collectées au cours de cette
étude sont plus à caractère qualitatif et elles
s'organisent autour de deux pôles d'intérêt. D'abord, nous
avons analysé l'importance de chacun des acteurs impliqués dans
la filière cotonnière depuis la production jusqu'à
l'égrenage. Cette analyse nous a permis d'examiner les interrelations
entre les différentes
parties prenantes et d'autre part, de mieux appréhender
les dynamiques qui s'opèrent au niveau de la filière. A cet
effet, nous avons collecté des données relatives :
- à l'identification des principaux acteurs de la
filière coton depuis la production jusqu'à l'égrenage.
- aux rôles et aux interrelations entre ces divers
acteurs.
- à l'évaluation de la performance des
principaux acteurs y compris leurs intérêts, leurs contributions,
les foyers de conflit et leur perception sur l'organisation de la
filière.
Après cette analyse des parties prenantes, nous avons
étudié les effets ou les répercutions de la
libéralisation de la filière sur les pratiques agricoles et
particulièrement sur les modes de gestion des ravageurs. A ce niveau
nous nous sommes appesantis sur l'analyse de la nouvelle pratique de
contrôle des ravageurs (LEC).
2.6 Méthodes et outils d'analyse des
données
Conformément à l'option méthodologique et
en fonction du caractère des données collectées au cours
de l'étude, les techniques d'analyse ont privilégié une
approche qualitative. Ainsi, nous avons choisi des techniques comme la
comparaison, les études de cas à travers les histoires de vie,
les citations et les diagrammes de Venn.
2.6.1 La comparaison
La comparaison est une démarche qualitative
utilisée pour établir la confrontation des objets, des pratiques
ou des approches. Elle permet d'identifier les ressemblances et les
écarts entre les éléments comparés.
La comparaison intègre d'une part, une dimension
relativiste qui met en jeu le niveau de développement relatif des
éléments mis en comparaison, où l'un est
apprécié par rapport à l'autre et d'autre part, une
dimension normative où chaque élément est vu par rapport
à ce qu'il devrait être (théorie).
Les diverses dimensions présentées
évoquent les niveaux de comparaison des éléments : d'abord
entre eux et ensuite par rapport au modèle. La démarche
utilisée dans cette étude met plus l'accent sur la dimension
normative, avec pour élément de base la filière coton
conventionnel. Ainsi, au niveau de chaque acteur, nous avons fait une analyse
de leurs fonctions ou de leurs pratiques, ce qui nous a permis d'établir
des écarts par rapport aux théories. La comparaison, telle
utilisée ici, vise à faire ressortir la différence entre
les approches ou les pratiques des divers acteurs et les normes
prévues.
2.6.2 Les études de cas
Les études de cas sont indiquées quand il
s'avère nécessaire d'explorer en profondeur, des relations entre
individus et institutions, de comprendre et de décrire, d'expliquer et
d'interpréter des comportements, des attitudes ( Mettrick, 1994). Faute
de pouvoir couvrir tous les acteurs de la filière, nous avons
utilisé cet outil pour approfondir des aspects spécifiques par
rapport à l'organisation et au fonctionnement des classes d'acteurs. Ces
études concernent un nombre limité de cas pertinents
sélectionnés, surtout au niveau des égreneurs et des
réseaux de producteurs, pour leur exclusivité. Les études
de cas nous ont permis d'examiner en profondeur les dynamiques qui
s'opèrent au niveau de la filière, à travers les diverses
institutions et les organisations paysannes, depuis la production
jusqu'à la commercialisation.
2.6.3 Les diagrammes participatifs
Les diagrammes participatifs, outils d'évaluation
participative, permettent d'établir les divers liens entre les organes
d'une structure.
Les diagrammes utilisés ont été
réalisés par les acteurs enquêtés, individuellement
ou au cours des entretiens de groupe. Ils sont utilisés pour
évaluer d'une part, les interrelations entre les groupes d'acteurs et
d'autre part, pour mesurer le degré de connaissance de l'organisation
institutionnelle formelle de la filière par les divers acteurs. Cet
exercice fait aussi ressortir les perceptions des différents acteurs par
rapport à l'arrangement institutionnel et les rôles des
différents acteurs.
2.6.4 Les histoires de vie
Les histoires de vie nous permettent de retracer les diverses
trajectoires des acteurs mais aussi, elles nous permettent d'approfondir
certains aspects importants que ne nous révèlent pas les
enquêtes formelles. Ainsi, à travers des histoires de vie, nous
avons pu détecter, les motivations réelles des divers acteurs et
leurs perceptions quant à l'organisation de la filière. De ces
histoires, nous avons fait une lecture des diverses transformations qui sont
intervenues au niveau des enquêtés.
2.6.5 Les citations
Les citations constituent des témoignages qui viennent
illustrer les analyses effectuées. Elles sont, en général,
très utilisées dans le cadre de l'analyse des perceptions
où elles révèlent les opinions des divers acteurs par
rapport à la conduite de la filière coton aujourd'hui.
2.7 Limites de la recherche
Cette étude présente bien des limites qu'il
convient de reconnaître humblement. Compte tenu du temps imparti, nous
n'avons pris en considération dans notre étude que les acteurs de
la production à l'égrenage. En effet, les transporteurs, les
banques, les usines d'huilerie et de textiles sont aussi des acteurs qui ne
restent pas sans influencer le système.
Une autre limite provient du fait que nous avons eu à
faire appel à la mémoire des personnes âgées, sur
plusieurs décennies en arrière, surtout au niveau de la narration
des récits de vie ; ce qui autorise des doutes sur la précision
de certains faits. Néanmoins, ceux afférents directement à
leur vie intime peuvent être considérés comme les plus
valables.
Plusieurs difficultés rencontrées lors de la
collecte des données pourraient engendrer des limites dans
l'étude. D'abord, le problème essentiel qui s'est posé
à nous sur le terrain, lors de la collecte des données reste
celui de la communication. L'utilisation des interprètes ne nous aurait
certainement pas permis de capter toutes les idées exprimées par
les enquêtés. Les déformations et les arrangements que font
les traducteurs sont sujets à des malentendus et des oublis.
Mais au-delà de tout, l'approche flexible adoptée
dans l'exécution de l'étude nous a permis de surmonter ces
difficultés.
3. REVUE DE LITTERATURE
3.1 Analyse de quelques concepts
3.1.1 Notion de filière
La notion de filière revêt différents
aspects selon les auteurs et plusieurs approches sont utilisées pour la
définir.
Fabre (1994) définit la filière de production
comme étant l'ensemble des agents économiques qui contribuent
directement à la production puis à la transformation et à
l'acheminement jusqu'au marché de réalisation d'un même
produit agricole. Pour cet auteur, l'agent économique est un acteur /
opérateur économique ou encore une cellule
élémentaire intervenant dans l'économie en étant un
centre autonome d'action et de décision.
Cette considération d'acteur économique peut
amener à voir la filière comme un rassemblement d'agents
économiques autonomes, sans une interdépendance et sans aucune
influence réciproque dans la prise de décision. Ainsi, la
filière apparaît simplement comme un mode de découpage et
de représentation de l'appareil productif sans une vision sur la
synergie ou le niveau de dépendance qui existe entre les
différents maillons.
Veron (1990), perçoit la filière comme un type
d'organisation d'une production (et des activités en amont et en aval)
caractérisé par la combinaison d'opérations techniques
conduisant d'un produit primaire au bien transformé et à la
structuration des acteurs ayant à charge ces opérations. Il
poursuit pour donner une autre conception qui vient spécifier la
fonction méthodologique de la filière qui est fondée sur
une certaine segmentation de la réalité économique ainsi
que sur un regroupement vertical des activités étudiées.
Elle privilégie une approche qui met l'accent sur les relations
techniques et institutionnelles au sein du segment étudié et sur
sa dynamique interne.
Cette définition de Veron fait alors de la
filière une formalisation sous forme d'un modèle d'explication de
l'organisation des flux et des acteurs, modèle centré sur les
relations d'interdépendance.
Abordant la notion de filière sous le même angle
que Veron, Hugon (1992) met en évidence la fonction de synergie qui
existe entre les divers compartiments d'une filière dont l'analyse
permet de repérer l'espace de déploiement des stratégies
des acteurs. L'analyse des différents acteurs d'une filière
permet alors de faire sa décomposition en plusieurs
éléments,
«segments» qui s'enchaînent de l'amont vers
l'aval, afin de connaître le fonctionnement et les dynamiques du
système (Hugon, 1992).
Bérould (1999) quant à lui, en distinguant les
segments, voit la filière cotonnière comme l'ensemble des
opérations relatives à la production, à l'égrenage
et à la commercialisation du coton-graine en amont et des produits finis
que sont la fibre et les coproduits ( graine, huile, tourteaux) en aval.
Dans le cadre de la présente étude, nous
fonderons notre analyse sur la notion de filière selon la conception de
Hugon (1992) qui met en évidence les interrelations entre les divers
compartiments mais nous nous limiterons aux opérations qui vont de la
production à l'égrenage compte tenu du temps qui est
accordé à cette recherche.
3.1.2 Notion d'acteurs
Selon Grimble et Wellard (1996), la notion d'acteurs est
utilisée pour désigner tout groupe de personnes,
organisées ou non et partageant un intérêt, dans un
système donné.
De là, l'analyse des acteurs paraît une approche
holistique pour gagner la compréhension d'un système ou pour
examiner les divers changements intervenus dans le système en utilisant
des acteurs clés ou les « stakeholder » afin d'évaluer
leurs intérêts respectifs.
En général, les diverses parties d'un
système, en face d'un intérêt ou d'un objectif,
développent des stratégies particulières pour
protéger des intérêts implicites. Ainsi, le plus souvent,
les acteurs d'un système ne sont pas d'avis commun ou ne partagent pas
les mêmes opinions sur des actions du système (Jiggins et
al, 2003). Par rapport à cet aspect, l'auteur perçoit
les acteurs comme des individus ou des groupes qui ont des enjeux ou de
réels intérêts matériels en vue, dans une situation
donnée. Ainsi, chaque acteur est considéré comme un
être stratégique et rationnel ( Motta, 2003) qui cherche à
satisfaire ses besoins dans un système. Sa stratégie lui est
propre et il agit selon sa logique. Cette rationalité est dite «
limitée » (Long, 1989) par le fait qu'un acteur agit en ajustant
les moyens aux fins désirées.
Dans toute organisation, des règles formelles sont
établies, et même si les dirigeants pensent tout prévoir,
il reste toujours des zones d'ombre, dites « d'incertitude » ( Motta,
2003) qui sont sources de pouvoir pour les acteurs et chacun essaie, par tout
moyen possible de préserver cette zone d'incertitude. Ainsi tout
système aussi structuré soit-il, laissera toujours des marges
d'autonomie à ses acteurs. Plus il y a de règles et plus les
divers acteurs se créent des marges de manoeuvre, observant ainsi une
source de pouvoir non prévue dans ces règles (Jiggins et
al, op cit ).
Le pouvoir ou le leadership naît de
l'interdépendance des acteurs et de la maîtrise des zones
d'incertitude Motta (2003). Etre le seul à détenir un
savoir-faire procure à l'acteur un pouvoir qui ne lui sera
disputé que si d'autres acteurs apprennent ce savoir-faire (Helbriegel
et al, 1989.).
Dans un système, les acteurs peuvent se situer à
n'importe quel niveau ou position dans la société (niveau global,
national, régional ou familial) et comme Freeman (1984), Jiggins et al
(2003), ont distingué dans leur typologie trois classes d'acteurs.
Dans la première classe, Jiggins et al (2003),
distinguent les acteurs qui initient les décisions ou les actions, les
acteurs du premier ordre. Dans le cas de notre étude, nous pouvons
assimiler l'Etat à cet acteur qui initie les différentes
réformes pour organiser le secteur agricole.
La deuxième classe regroupe ceux qui sont
affectés ou concernés par ces décisions ou ces actions,
les bénéficiaires ou les acteurs de deuxième ordre. Ces
acteurs peuvent être affectés positivement ou négativement
par la décision (le cas précis des producteurs qui subissent
toutes les conséquences des réformes du secteur). Ils peuvent
aussi être engagés de façon active ou passive selon le
degré d'implication dans l'exécution de l'action. Cette classe
pourrait concerner plus les acteurs à la base, les producteurs
notamment.
Enfin la troisième catégorie d'acteurs d'un
système, regroupe ceux qui supportent, soutiennent ou entravent
l'évolution normale des décisions et en général,
influencent l'action soit positivement ou négativement (acteurs
intermédiaires). Dans cette dernière classe, nous rangerons les
groupes qui appuient (en intrant ou en conseil technique) la production. Les
parties qui sont affectées positivement vont certainement supporter ou
même faire la promotion des décisions tandis que celles qui se
sentent affaiblies par ces mesures vont s'opposer à son évolution
normale.
Grimble et Wellard (1996) se basent sur l'importance des
individus dans un système pour faire une catégorisation des
divers acteurs. Mais dans ce cas, la notion d'importance fait allusion à
la priorité des intérêts alors que l'influence se
réfère plus au pouvoir que certains acteurs possèdent dans
un système.
La conception de Jiggins et al (2003) pourrait être
adaptée au contexte de cette étude pour une analyse des diverses
catégories d'acteurs identifiés, mais nous mettrons plus l'accent
sur les « gains » ou les « pertes » d'intérêts
au niveau de ces acteurs.
Nous nous proposons, à partir de ces différents
aspects de la notion d'acteur, de définir d'autres concepts dont celui
de conflit, de pouvoir et de leadership, pour mieux aborder notre analyse.
3.1.3 Le concept d'institution
/organisation
La frontière entre les notions d'institution et
d'organisation n'est pas tranchée; il est très courant
d'éprouver des difficultés quant à établir la
différence entre ces deux concepts.
Selon Stockhaussen (1984) cité par Amoussou (2001),
«les institutions sont l'ensemble des règles politiques, sociales
et légales fondamentales qui régissent les bases de la
production, des échanges et de la distribution; ainsi que les
arrangements entre les unités économiques qui définissent
la façon dont ces unités peuvent compétir ou
coopérer.»
Bartoli (1988) définit la notion d'organisation comme
étant un groupe d'hommes constitué sciemment dans le but
d'atteindre un certain objectif.
Ces deux définitions montrent q'une institution est
relative aux lois, aux textes et accords pendant que l'organisation est une
structure ayant un objet social. Cependant, en pratique, certaines institutions
peuvent être des organisations; c'est du moins ce que suggère la
convention de Uphoff (1992) et Flower (1992) cité par Pretty (1995)
selon laquelle, il y a plusieurs types d'institutions dont certaines sont en
même temps des organisations et d'autres non.
Selon Pretty (op cit.) « Une institution est un complexe
de normes et de comportements qui persistent dans le temps en servant une
valeur sociale», alors qu'une `` organisation est une structure qui joue
un rôle déterminé.» Ainsi, l'organisation se base sur
des normes ou un cadre institutionnel pour fonctionner.
Dans le cadre de notre étude, la notion d'institution
étant étroitement associée à celle de
l'organisation, le concept d'institution se réfère aux principes
de base qui servent de fondement aux diverses organisations.
3.1.4 Notion de conflit
Les premiers travaux en anthropologie africaniste qui aient
systématiquement abordé la réalité sociale par le
biais des conflits sont conduits par Gluckman (1956). L'usage que ce dernier
fait de cette notion de conflit renvoie à trois dimensions d'analyse.
Au niveau empirique, le conflit reste un élément
inhérent à toute vie sociale. Ainsi, toutes
sociétés ou toutes organisations sociales sont traversées
par des conflits du fait de la divergence de leurs objectifs ou de leurs
intérêts.
Dans son analyse structurelle, Gluckman, cité par de
Sardan (1995), montre que la notion de conflit évoque des
différences de positions. Autrement, les sociétés, aussi
petites
soient-elles et aussi dépourvues soient-elles de formes
institutionnalisées, sont divisées et clivées. Ces
divisions sont entretenues par des codes culturels. Les conflits expriment donc
des intérêts différents liés à des positions
sociales différentes.
Enfin, la dimension fonctionnaliste montre que les conflits
qui semblent vouer les sociétés à l'émiettement ou
à l'anarchie, concourent au contraire à la reproduction sociale
et au renforcement en dernière analyse de la cohésion sociale.
Ils permettent ainsi de maintenir le lien social.
Ces différents postulats développés par
Gluckman (1956) soulignent les divers niveaux d'analyse du conflit. Mais au
niveau de la dimension structurelle, il convient de souligner l'existence d'une
marge de manoeuvre pour les individus (Long, 1989). Les conflits ne renvoient
pas seulement à des différences de position dans la structure
sociale. Ainsi, un conflit entre personnes ou entre groupes n'est pas que
l'expression d'intérêts ou «d'objectifs '' opposés,
mais aussi l'effet de stratégies personnelles, plus ou moins
liées à des réseaux et organisées en alliance
(Long, 1989).
En partant de l'analyse empirique de Gluckman, ICRA (2003)
reconnaît que les conflits naissent du désaccord entre deux ou
plusieurs parties, du fait de l'incompatibilité de leurs objectifs, de
leurs intérêts, de leurs perceptions ou encore de leurs valeurs.
Cette notion évoque donc la diversité des valeurs et des
croyances ou des paradigmes au sein des acteurs dans un système. Ainsi,
la réunion de diverses parties-prenantes demande une parfaite
connaissance des intérêts explicites et même parfois
implicites et des théories qui fondent la conception des
différents acteurs en présence.
Selon Grimble et Willard (1996), les conflits sont des
situations de compétition et de potentiels désagréments
entre deux ou plusieurs groupes d'acteurs dans un système sur
l'utilisation de l'une ou l'autre ressource rare. Cette conception de Grimble
rejoint la dimension empirique de Gluckman et celle de ICRA (2003).
March (1987) donne une conception de la notion de conflit
à partir des processus de prise de décision. Selon ce dernier le
conflit s'identifie à un blocage des mécanismes normaux de la
prise de décision, de sorte qu'un individu ou un groupe éprouve
des difficultés à opérer le choix de son action. Cet
auteur discerne trois principales classes de phénomènes
conflictuels.
- conflits individuels qui concernent les prises de
décisions personnelles. Ces types de conflit peuvent surgir de
l'inacceptabilité, de l'incompatibilité ou même dans des
cas d'incertitude.
- conflits organisationnels qui concernent les groupes ou des
individus dans une organisation.
- conflits inter-organisationnels qui concernent les
distorsions entre des organisations ou des groupes.
Il est possible d'établir une liaison entre ces trois
niveaux. Les conflits organisationnels peuvent provenir des problèmes de
décision individuelle et il est fréquent de constater que des
conflits entre groupes surviennent au sein des organisations de grandes
dimensions.
Dans notre étude, nous privilégions plus les
dimensions empirique et structurelle d'analyse des conflits qui nous paraissent
assez complètes pour aborder notre sujet. Mais toutefois, nous mettrons
un accent particulier sur les stratégies personnelles
développées par chaque acteur pour satisfaire ses propres
besoins.
3.1.5 La notion du pouvoir dans les organisations
paysannes
Selon Weber (1957) cité par Vodouhè (1996), le
pouvoir est l'équivalent de la tyrannie. Il se définit comme la
probabilité qu'un acteur d'un secteur social donné soit en mesure
de faire sa propre volonté, en dépit des résistances et
quelle que soit la base sur laquelle repose cette probabilité.
Dahl (1961) en poursuivant dans la même logique que
Weber, indique que le pouvoir fait référence à l'ensemble
de relations entre les unités sociales de telle sorte que les
comportements d'une ou de plusieurs unités dépendent, dans
certaines circonstances, du comportement d'autres unités. Le pouvoir
évolue ainsi, suivant les interrelations entre les différentes
parties en présence.
En abordant une autre dimension de l'analyse du pouvoir,
Bennis et Nanus (1985) mettent en évidence la polyvalence de cette
notion. En effet, dans une société, un individu présentant
une puissance sur un plan peut ne pas l'être sur un autre, de sorte que
tous les individus d'une organisation pourraient présenter chacun une
domination spécifique. Mais dans certains systèmes, tous les
pouvoirs peuvent être concentrés en un seul individu.
Dans une association, plusieurs sources de pouvoir peuvent
être distinguées et le pouvoir naît le plus souvent du
contrôle de domaines de grands intérêts par un groupe
d'acteurs (Hermel, 1988). La source de pouvoir peut être formelle ou
informelle (Hermel, op cit). Le pouvoir formel est celui officiellement reconnu
à un individu. Cette notion de pouvoir formel peut être vue sous
plusieurs angles.
En effet, Hermel (op cit) considère que des pouvoirs
formels existent à différents niveaux dans l'organisation, autre
que dans la relation « patron-client ». Ainsi, si comme le propose
Minzberg (1986), le pouvoir est « tout simplement la capacité
à produire ou à modifier les résultats ou effets
organisationnels », alors le phénomène de pouvoir ne met pas
nécessairement plusieurs acteurs en jeu mais peut n'en concerner qu'un
seul.
Toujours dans le cadre du pouvoir formel que le « patron
» peut exercer à l'égard de ses « subordonnés
», il est possible de considérer qu'il s'agit au départ d'un
pouvoir potentiellement total (car unilatéral) (Luce et Raiffa, 1957),
mais que plusieurs facteurs peuvent conduire à un autre mode de
répartition et d'exercice de ce pouvoir formel. Ainsi, tel «
Manager » pourra décider formellement de céder une part de
pouvoir à tel Managé dans le cadre d'une certaine
délégation ou d'un désir de susciter une initiative chez
ses collaborateurs (Hermel, op cit). Ainsi, le partage du pouvoir dans une
optique synergique pourrait conduire à une meilleure cohérence
interne au niveau d'un secteur d'activités. Cela est d'autant plus
important qu'il est possible de mentionner deux phénomènes
complémentaires (Hermel, op cit) :
- la liaison entre la motivation et l'intérêt du
travail, voire le degré d'autonomie ;
- les possibilités de pouvoirs négatifs ou
contre-pouvoirs, en cas de non-motivation ou franche opposition.
Ces phénomènes sont autant liés au pouvoir
informel qu'au pouvoir formel.
Au-delà du caractère officiel de la distribution
des pouvoirs et de l'autorité de l'organisation, qui donne
généralement naissance aux structures organisationnelles, les
membres d'une structure peuvent s'attribuer un type de pouvoir caché qui
leur permet d'avoir une importance sociale (Etzioni, 1961). Sans
nécessairement être managers, ils exercent une influence qui fait
d'eux des leaders charismatiques (Etzioni, op cit).
Le pouvoir informel que possèdent tous les acteurs
d'une organisation, à quelque niveau qu'ils soient, capables par des
comportements de passivité, de réticence, voire de «
sabotage», de compromettre toute décision des personnes à
pouvoir formel (Hermel, op cit).
Bernis et Nanus (1985) en faisant une analyse approfondie sur
les dysfonctionnements engendrés par ce type de comportement non
productif, révèlent l'importance réelle des incidences de
ces formes indirectes de pouvoir de sorte que le fonctionnement réel de
l'organisation reste le résultat de l'influence réciproque des
aspects formels et informels.
3.1.6 Notion du leadership
La notion de leadership varie suivant les auteurs. Pour
certains, Feinstein (1986) ; Vroom et al (1988), l'image du leader est celle
d'un personnage sage et paternaliste qui prend toutes les décisions et
dirige seul une organisation. Cette image du leadership renvoie à la
capacité d'un individu à produire une certaine influence sur
d'autres personnes au cours d'une interaction réelle, comme un
échange de point de vue ou une prise de décision en commun
(Fournout, 2003). Le leadership joue alors un rôle crucial dans la mise
en application des réformes car il implique deux des aspects les plus
importants de la notion de réforme: le changement et les hommes (Bass,
1985). En effet, le leadership se manifeste dans les relations
interpersonnelles et un bon leader inspire les hommes. Il contribue à la
diffusion et au maintien de nouvelles valeurs nécessaires à une
réforme dans un secteur donné, en insufflant un véritable
changement du comportement des membres de l'organisation selon les normes de la
réforme (Feinstein, 1986).
Helbriegel et al (1989), dans une analyse comparative,
établissent une distinction entre les rôles du leader et ceux du
manager. En effet, diriger, c'est avoir une vision que l'on communique à
autrui ; c'est également posséder le pouvoir de la rendre
réelle et de l'imposer. Dans cette perspective, les dirigeants sont des
personnes qui font ce qu'il faut pour réaliser leur vision. Pour ces
même auteurs, les managers sont des personnes qui font les choses comme
il faut. Ainsi, gérer c'est diriger le travail des autres et être
responsable des résultats obtenus.
En partant des comportements du leader, Helbriegel et al
(1989) mettent en place un modèle qui distingue divers types de leader
dont :
- le leadership positif qui tient compte des besoins des
subordonnés en manifestant de l'intérêt pour leur
bien-être et en créant un climat de parfaite collaboration.
- Le leadership directif qui consiste à faire savoir
aux subordonnés ce que l'on attend d'eux, en leur donnant des
instructions précises. Alors que le leadership participatif
intègre la consultation des divers collaborateurs.
Nous développons cette notion avec ses diverses
dimensions pour pouvoir établir le cadre dans lequel se place le
fonctionnement des diverses structures concernées par notre
étude.
Tous ces concepts développés dans cette rubrique
de même que les éléments de littérature cités
nous aideront à comprendre la situation qui se présente dans le
cas de notre étude. Pour ce faire, ils serviront tantôt de
références pour les comparaisons, tantôt de
modèles pour des analyses ou pour renforcer les
illustrations tirées des cas rencontrés. Ainsi, nous avons
grâce à ces éléments de références,
des poches de discussions qui guideront notre analyse.
3.1. 7 Les interfaces sociales
Dans la conception sociologique, «l'interface» est
un point critique d'interaction ou de contact entre différents niveaux
de l'ordre social où les discontinuités structurelles,
basées sur les différences de valeurs normatives et
d'intérêts sociaux existent (Long, 1989).
Les parties en jeu se différencient en terme de
pouvoir. Ce sont des unités sociales (groupes associatifs, paysans
membres des institutions, leaders...) avec des intérêts
différents, mais qui ont un certain degré
d'interdépendance qui les oblige à s'interagir.
Le concept implique une part de face à face entre les
individus ou les unités pour différents intérêts.
Ainsi, dans le cadre de cette étude, nous pourrons examiner les enjeux
et les inter-relations au niveau du système.
3.1.8 Le système de connaissance et
d'information agricole
Pour comprendre le fonctionnement actuel du système
(filière coton et ses dynamiques), nous ferons recours à une
approche systémique notamment le Système de Connaissance et
d'Information Agricole (SCIA) de Röling (1988).
Le Système de Connaissance et d'Information Agricole
(SCIA) peut se définir comme un réseau d'acteurs devant
travailler en synergie afin de faciliter l'innovation dans un domaine
donné d'activité humaine. Plus complètement, il peut se
définir comme l'ensemble "des personnes, réseaux et institution
et les interfaces et liens entre ceux, qui sont impliqués ou qui
dirigent la création, la transformation, la transmission, le stockage,
la récupération, l'intégration, la diffusion et
l'utilisation des connaissances et d'informations, et qui potentiellement
opèrent de façon synergique pour améliorer la
correspondance entre les connaissances et l'environnement, et la technologie
utilisée dans l'agriculture" (van der BAN et al, 1994).
L'approche SCIA constitue donc la base de la gestion de
l'innovation parce qu'en tant que perspective partagée par les acteurs,
elle permet à ceux-ci de définir une mission collective, de
s'accorder sur les voies et moyens d'améliorer le fonctionnement du
système. C'est donc une approche holistique d'analyse dans laquelle les
phénomènes sont perçus
comme indivisibles. Elle met en exergue le fait que, pour un
développement rural, tous les acteurs doivent être
impliqués et jouer pleinement leur rôle.
La SCIA prend en compte la recherche, le paysannat et la
vulgarisation, secteurs dans les quels interviennent les acteurs des domaines
privés ou publics. Nous utiliserons cette approche pour évaluer
les effets de la libéralisation sur les différents sous-secteur
de la filière cotonnière.
3.2 Evolution institutionnelle de la filière coton
au Bénin
Parmi les produits agricoles destinés à
l'exportation, le coton est l'un de ceux dont la culture est de tradition
très ancienne au Bénin. Sa zone de production s'étend plus
particulièrement du nord-Mono (Couffo) au nord-Ouémé
(Plateau), en passant par le ZouCollines, avec une concentration dans le
septentrion (Borgou-Alibori). Le développement institutionnel de la
filière a connu plusieurs phases en relation avec les orientations
générales des politiques de développement et de
l'organisation de l'appareil productif. Cette évolution de la
filière peut être analysée en cinq phases remarquables
(Oloulotan. 2001).
? La période d'avant 1960, caractérisée
par une production insignifiante avec un niveau d'organisation relativement
faible. Pendant cette phase, la filière a été
gérée, dans un premier temps, par l'administration coloniale.
Mais avec le désengagement de cette dernière au lendemain de la
seconde guerre mondiale, les coopératives privées de services
(Union des Coopératives Dahoméennes, Union des Mutuelles
Agricoles de Savè, ...) ont vu le jour et se chargeaient de la collecte
primaire du coton.
? La période de 1960 à 1972 où, sous
l'impulsion des sociétés de développement comme la
Compagnie Française de Développement des Fibres et Textiles
(CFDT) et la Société d'Assistance Technique et de
Coopération (SATEC), la production nationale a enregistré une
croissance record de 50.000 tonnes de coton-graines à la campagne
1972-1973. Cette croissance s'expliquait par l'augmentation
régulière des surfaces emblavées et le
développement de la recherche dans le secteur cotonnier. Les
sociétés de développement étaient chargées
alors d'assurer la collaboration technique entre la filière et les
centres internationaux de recherche (IRAT, IRCT). La méthode
adoptée pendant cette période était plus proche de
l'approche par produit avec une structuration verticale des diverses
sociétés (Institutions internationales-)Institutions nationales-)
Techniciens-)Producteurs), ce qui ne facilitait pas les échanges
horizontaux entre les acteurs. Les organisations paysannes étaient peu
structurées et négociaient directement avec les
sociétés commerciales
? La période de 1972 à 1981: Avec
l'avènement du régime socialiste, un accent particulier a
été mis sur le développement de l'agriculture,
principalement axé sur les cultures vivrières. Il s'ensuit une
chute de la production cotonnière jusqu'à 16.000 tonnes de
coton-graine en 1977- 1978, avec la suspension des contrats entre les
sociétés de développement et l'Etat
révolutionnaire.
? La période de 1981 à 1996 reste
caractérisée par la relance de la production soutenue par les
grands projets de développement rural.
Dans un premier temps, les principales fonctions de la
filière, à l'exception de la recherche sont
exécutées par les CARDER. L'objectif visé était la
mise en oeuvre des politiques de développement rural
intégrées. Les CARDER étaient alors des innovations
institutionnelles pour faciliter la collaboration entre les acteurs, avec une
combinaison des fonctions d'approvisionnement, de commercialisation et de
vulgarisation. Ils assuraient également la gestion des usines
d'égrenage.
Mais en 1988-1989, les CARDER ont été
relayés par une nouvelle société, la SONAPRA du fait de
l'échec des politiques de développement rural
intégré. Ce système a réalisé une
segmentation de la filière séparant ainsi les fonctions de
production des fonctions de commercialisation et d'égrenage.
Malheureusement, cette période reste aussi marquée par des
problèmes liés à:
- la conjoncture économique internationale parfois peu
favorable (fluctuation du taux de change du dollar sur le marché
international, accroissement du niveau mondial de la production...),
- l'insuffisance des infrastructures d'égrenage et de
stockage,
- la méthode de gestion peu efficace de la
filière (...) ayant conduit à un déficit cumulé au
niveau du secteur. Cette situation a été à l'origine de la
libéralisation de la filière coton, objet de négociation
avec les bailleurs de fonds et qui a permis la récupération du
déficit cumulé par la mise en oeuvre de programmes de
réformes efficaces.
? La période de 1996 à nos jours:
caractérisée par l'ouverture de la filière aux
opérateurs privés. La coordination des activités du
secteur est assurée alors par des familles professionnelles (AIC, CAGIA,
CSPR ). Cette libéralisation répond à l'orientation de
l'économie libérale adoptée par le Bénin depuis
1990. Une telle organisation a l'avantage de l'intégration verticale des
fonctions de la filière en remplaçant l'Etat par une
Interprofession forte comme gestionnaire de la filière. Cette
participation accrue du secteur privé dans le sous
secteur cotonnier, fortement contrôlé jusqu'alors
par l'Etat, a constitué une étape capitale dans la mise en oeuvre
de la libéralisation.
4. PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE
4.1 Situation géographique et organisation
sociale
Située dans le département du Borgou, entre les
9è et 10è parallèles,
hémisphère nord, la commune de N'Dali reste bordée dans sa
partie nord par les communes de Bembèrèkè et de
Sinendé, au Sud par Parakou et Tchaourou. Elle est située
à l'Ouest de Nikki et de Pèrèrè et à l'Est
de Djougou.
Avec une superficie de 3748 km2, elle
représente 3,33 % de la couverture nationale et offre 236800 ha
d'espaces cultivées, soit 70,38 % de sa superficie totale cultivable.
La commune de N'Dali se répartit sur 5 arrondissements
(N'Dali, Bori, Gbégourou, Ouénou et Siarou)
découpés en six quartiers et dix-sept villages. Dans chacun des
arrondissements, on note la cohabitation des pouvoirs administratif,
traditionnel et religieux..
Le pouvoir administratif est détenu par le maire de la
commune, les chefs d'arrondissement et les chefs villages. Ils sont
chargés de régler les problèmes relevant du droit commun
et de toute question relative au développement de la commune.
Le pouvoir traditionnel appartient à la cour royale.
Cette cour est garante de la tradition. Dans chaque arrondissement de la
municipalité, le roi est représenté par un conseiller qui
assure l'autorité traditionnelle.
Quant au pouvoir religieux, il est détenu par les
Imams, les chefs féticheurs et les pasteurs chrétiens. Ils
dirigent les cultes et jouent parfois un grand rôle dans la
sensibilisation de la population.
De nombreuses prises de décision dans la région
nécessitent une concertation de ces divers pouvoirs.
4.2 Milieu physique
4.2.1 Climat
La commune de N'Dali est dominée par un climat de type
continental soudanoguinéen. Cette région, comme tout le
septentrion, ne bénéficie que d'une saison sèche qui
alterne avec une saison pluvieuse.
Le climat au Nord, ayant une seule saison de pluie allant de
mai à septembre et apportant environ 700 à 1000 mm de pluies en
moyenne par an, est apte à la culture du coton, surtout par rapport
à la température (jusqu'à 40°C) et à l'abondance du
soleil.
La saison pluvieuse est soumise à de fortes
perturbations qui témoignent des risques attachés aux
activités agricoles qui restent fortement liées à la
pluviométrie. Ces perturbations se traduisent par un retard dans
l'installation des pluies ou par une mauvaise répartition dans le temps,
ce qui reste préjudiciable aux cultures.
Pour toute la région de l'Alibori et du Borgou, en
raison du climat de type unimodal, le bilan parasitaire est globalement faible
en début de campagne pour la raison évidente que la grande saison
sèche qui précède les pluies, détruit un grand
nombre de ravageurs et de plantes qui les hébergent.
4.2.2 La végétation et
l'hydrographie
Le paysage végétatif de la région de
N'Dali reste très diversifié et fortement marqué par
l'intervention de l'homme. Ainsi toute la végétation originelle a
presque disparu sous l'effet des défrichements
répétés, surtout avec l'extension cotonnière et les
prélèvements de bois de chauffe. Ces pratiques donnent lieu
progressivement à une savane à graminée parsemée de
quelques espèces à savoir Cassia siaméa,
Khaya senegalensis, Daniella olivera, Parkia
biglobosa.
A côté de ces formations, la couverture
végétale de N'Dali est constituée des forêts
classées de l'Ouémé supérieure (142000 ha) et de
N'Dali (4730 ha) qui servent de réserve pour les espèces
animales. Le long des cours d'eau, subsistent aussi des
végétations spontanées de forêts galeries avec des
espèces rupicoles comme le Ceiba pentendra. Les plantations de
teck et d'anacardier s'ajoutent aussi au couvert végétal de la
commune.
Sur le plan hydrographique, la région de N'Dali dispose
d'un réseau caractérisé par deux affluents de
l'Ouémé : Akpro dans la région Ouest de la commune et
l'Okpara qui sillonne en grande partie les localités de Gbègourou
et de Bori. A côté de ces eaux naturelles, quelques retenues d'eau
à but agro-pastoral et hydro- agricole se répartissent sur toute
la région. Ce réseau assez bien fourni pour l'ensemble de la zone
constitue une source potentielle pour les activités agricoles et
d'élevage.
4.2.3 Sol et relief
L'essentiel du Borgou-Alibori est constitué sur un
socle précambrien du type dahoméen avec une frange
sédimentaire alluvionnaire le long du Niger et des grès du
crétacé au Nord-Est et limité à l'Ouest par la
grande faille à la verticale de Kandi.
La commune de N'Dali se trouve partagée par les sols du
socle granito-gneissique et ferralitique, dans l'ensemble apte pour les
activités agricoles. Ces sols sont particulièrement
propices pour la culture cotonnière en raison de la
structure non inondable. Dans les régions arrosées par les cours
d'eau, on rencontre des sols hydromorphes, propices pour la riziculture. En
général, le Borgou qui abrite la région de N'Dali, est une
zone très peu accidentée qui permet de dégager de vastes
espaces cultivables par un seul tenant. Ainsi, le relief de N'Dali est surtout
fait de plateau avec quelques affleurements par endroits, surtout dans les
régions de Témé et Kori qui sont traversées par une
bande d'élevation de collines.
4.3 Milieu humain et activités
économiques
4.3.1 Milieu humain
La population totale de la commune de N'Dali est
estimée, d'après les derniers recensements de 2002, à
60031 habitants avec 29706 hommes et 30325 femmes. Cette population est
inégalement répartie dans toute la commune. Des poches de
concentration se situent dans les quartiers de ville.
La population agricole est estimée à 33631
habitants dont 52,8 % d'hommes. Cette population est répartie dans 6240
exploitations agricoles avec 5923 dirigées par des hommes. 70 % de la
population totale est composée d'individus de moins de 45 ans avec
principalement deux grands groupes ethniques : les baribas (60 %) et les peulhs
(22,5 %). Mais par le biais des brassages ethniques et des migrations, surtout
à la suite de la crise politique togolaise de 1994, on note une forte
colonie venant du Togo, mais aussi de ressortissants de l'Atacora, de la Donga
et des collines.
4.3.2 Peuplement et interrelations
Nous nous sommes intéressés aux interrelations
ethniques pour apprécier leur impact sur les processus de mise en place
des innovations participatives.
? Les bariba
Les bariba constituent, dans l'histoire de l'installation des
peuplements du Nord-Est du Bénin, l'une des ethnies les plus anciennes.
Cette ethnie a très tôt su imposer sa domination dans la
région, grâce à une remarquable organisation d'un pouvoir
traditionnel dont l'influence dépasse les limites du Borgou-Alibori pour
s'étendre dans l'Atacora. Le royaume bariba a pour capital Nikki. Le roi
de Nikki, issu d'une des dynasties Wassangari est au sommet de la
hiérarchie batonou.
Les relations des bariba avec les autres ethnies, notamment
avec les peulh et les gando sont très imbriquées et ont connu
avec le temps des changements remarquables. Les rapports qu'entretiennent les
bariba avec les gando ont été au départ des relations de
maîtres à sujets. Aujourd'hui, ces derniers servent surtout de
main-d'oeuvre salariée dans les exploitations cotonnières. Ils
assurent aussi en partie, le gardiennage des troupeaux bariba.
Entre bariba et peulh, il existait une situation de
cohabitation avec la domination des premiers sur les derniers. Les peulh
étaient sujets au paiement de tribut aux chefs traditionnels bariba de
leur localité et s'occupaient de l'élevage des bêtes des
bariba. Mais de nos jours, dans la région de N'Dali, les bariba
élèvent de plus en plus leurs bêtes surtout avec le
développement de la traction animale. Quoique l'élevage occupe
davantage une place importante, les bariba demeurent essentiellement
agriculteurs.
? Les Gando
Les gando forment un groupe socio-culturel dont l'histoire et
la tradition les rapprochent des bariba et des peulh. Selon les diverses
sources consultées, deux grandes circonstances seraient à la base
de la naissance des gando.
La première tient du fait que chez les batonou, la
délivrance d'un nouveau-né à partir des membres
inférieurs ou la dentition à partir de la gencive
supérieure est perçue comme des signes de malédiction dans
la famille. Les enfants nés dans ces conditions sont alors isolés
ou confiés aux peulh qui acceptent leur garde.
La deuxième catégorie de gando serait les
prisonniers de guerre. Ils sont utilisés par les bariba pour les durs
travaux. Leurs descendants restent toujours des gando et sont très
souvent sujets à des discriminations sociales.
Les gando sont agriculteurs et éleveurs, toutefois plus
éleveurs que les bariba et les relations entre peulh et gando sont
faites de respect et de reconnaissance des uns pour les autres. De ce type de
relation, des restrictions sociales en sont nées et les alliances
matrimoniales entre les deux groupes sont très limitées.
Les relations sociales entre gando et bariba sont quant
à elles faites de la crainte du sujet vis-à-vis de son
maître. Les gando sont présents dans presque tous les villages de
la commune, mais toujours isolés des bariba.
? Les peulh
Les peulh sont traditionnellement éleveurs transhumants.
Ils se retrouvent dans toute la zone soudano-sahélienne de l'Afrique de
l'Ouest. Dans la commune de N'Dali, ils se
sédentarisent de plus en plus et font leur
entrée dans l'agriculture. Les zones de campement peulh sont dans la
partie Est de la commune du fait de l'abondance de la verdure.
La sédentarisation est un processus successif qui a
commencé avec la culture des céréales autour des
campements. Le manque de verdure et la pression foncière de plus en plus
forte sur les terres dans les zones cotonnières auraient certainement
encouragé le processus de sédentarisation des populations peulh.
A cette situation, on pourrait ajouter au fait que les peulh perdent leur
monopole de gardiennage du bétail ( leur force économique),
surtout avec le développement de la culture attelée en
région cotonnière.
En raison de leur méfiance à l'égard des
autres ethnies, les communautés peulh ne se mélangent pas
à d'autres, dans les groupements recensés. Ainsi, les GV de
Dèbou, de Travo se trouvent constitués uniquement de peulh.
? Les Atacoriens
Les Atacoriens regroupent les Yom, les Tanéka, les
Logba, les Natimba, les Ditamari et autres. Selon les raisons de leur
présence dans les villages, on distingue deux groupes :
- les «immigrés saisonniers'' qui arrivent au
début de la saison des pluies et qui sont employés dans les
différents travaux champêtres. Ils retournent dans leurs villages
à la fin de la saison.
- la deuxième catégorie, la plus nombreuse,
regroupe ceux qui arrivent dans la région avec pour principal objectif,
la recherche de terres agricoles.
Face aux ressortissants de l'atacora en général
et les Ditamari en particulier, les relations entre les bariba et ces groupes
sont très peu imbriquées et se limitent strictement au lien de
voisinage. Les bariba acceptent plus les Nago qu'ils considèrent comme
des «cousins' 'que les Ditamari.
4.3.3 Activités
économiques
L'agriculture, l'élevage et le commerce constituent la
base de l'économie dans l'ensemble de la région
d'étude.
A la faveur de la structuration du monde rural, de la
promotion de la culture attelée et surtout de l'organisation de la
filière coton, l'agriculture a particulièrement connu une
évolution spectaculaire dans le Borgou et l'Alibori.
L'amélioration du travail de la terre et l'utilisation
des variétés améliorées sont couplées
à une motorisation de plus en plus poussée des activités
agricoles. Malgré la nucléarisation des familles, les superficies
emblavées ne cessent d'augmenter. Ceci amène les
structures d'encadrement à oeuvrer pour une agriculture
intensive à travers une gestion efficiente du terroir villageois. Dans
la région de N'Dali, le mode d'utilisation des terres, pour la
majorité des exploitations reste encore traditionnel. Ainsi, la culture
itinérante sur brûlis persiste avec la diminution des temps de
jachère.
Les systèmes traditionnels de production sont surtout
basés sur le coton, le maïs, l'igname, le sorgho et dans une
moindre mesure, l'arachide, le niébé et le manioc. Les vivriers
en général, ne bénéficient pas d'intrants
spécifiques de la part des distributeurs ; ce qui amène les
producteurs à convertir une partie des intrants coton en intrants
vivriers. Les systèmes de rotation rencontrés sont assez
hétérogènes. Néanmoins, on peut distinguer quelques
règles générales. L'igname vient toujours en tête de
rotation après le défrichement des terres vierges. Des exceptions
sont cependant observées dans les exploitations Nago où le manioc
est suivi du maïs ou du sorgho puis le coton ou l'igname en fin de
rotation.
L'élevage reste une activité florissante dans la
commune de N'Dali. Les cheptels bovins et ovins-caprins occupent une grande
proportion, de même que l'aviculture. Cependant, la productivité
et la couverture sanitaire du cheptel bovin restent encore faibles pour des
raisons d'insuffisance de formation des éleveurs et du coût
élevé des intrants vétérinaires. En outre,
l'élevage n'est pas encore tout à fait intégré
à la production agricole et on note une spécialisation des
différents acteurs. Les agriculteurs élèvent surtout les
caprins et les ovins pendant que les peulhs s'occupent plus des bovins, leur
appartenant ou qui leur sont confiés par les agriculteurs Batonou.
En matière du commerce, Parakou, Nikki, Kandi et
Malanville constituent les grands centres qui échangent des produits
avec la commune de N'Dali.
A côté de ces grands centres, les marchés
périodiques s'animent à travers tous les villages de la
région ; mais les plus importants sont ceux de N'Dali-centre, de
Tamarou, de Banhounkpo, de Siarou, Kakara, ...
On rencontre dans le centre ville, quelques boutiques
gérées en majorité par les Nigérians et
Nigériens.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali5.png)
DEUXIEME PARTIE : Résultats et discussions
5. ACTEURS ET INTERFACES
A travers ce chapitre, nous présentons une
évolution des diverses fonctions des acteurs de la filière. Une
analyse des performances nous a permis de déboucher sur les « gains
» ou les « pertes » engendrés par le cadre institutionnel
actuel du secteur. Ainsi, nous avons mieux perçu les divers foyers de
conflits entre les acteurs de même que les interrelations au niveau de la
filière. Ces différents points d'analyse nous ont permis de
répondre à nos deux premières questions de recherche.
5.1 Restructuration du secteur agricole au Bénin:
Différentes réformes engagées dans le secteur coton
La filière coton a connu diverses phases de
réformes. Ces réformes visent d'une part la recherche de
compétitivité qui exige une forte productivité dans la
filière, et d'autre part la réorganisation des structures de
gestion de la filière afin de les adapter au nouveau contexte
économique international (CAPE, 2004).
5.1.1 Diverses phases de gestion de la
filière
La première phase visait à accroître
l'efficacité de la filière, à réduire les
coûts de production du coton fibre et à améliorer les
procédures et les recettes d'exportation. Elle a débuté
dans les années 80 avec l'appui de la banque mondiale dans le cadre du
projet Borgou et de l'AFD. Cette première phase a été
placée d'abord sous le contrôle des CARDER et ensuite sous le
contrôle de la SONAPRA.
5.1.1.1 Secteur cotonnier sous le contrôle des
CARDER
Après la concluante expérience
enregistrée par les Centres d'Action Régionaux pour le
Développement Rural (CARDER) en 1975, toutes les composantes du
sous-secteur cotonnier étaient confiées à ces institutions
de l'Etat représentées dans les départements qui
abritaient les usines d'égrenage à l'époque (Borgou, Mono
et Zou). L'organisation des activités dans les mouvements paysans, la
production du coton graine et sa transformation relevaient de la
compétence des CARDER.
Suite à la crise cotonnière de 1987 due à
une production qui dépassait les capacités d'égrenage des
usines et la chute inattendue des cours mondiaux sur le marché
international, des mesures subséquentes ont été prises.
Ainsi, les outils industriels du secteur ont été retirés
de la tutelle des CARDER pour être placés sous la coupe de la
SONAPRA. Les CARDER
sont devenus des prestataires de services pour la SONAPRA dans
le cadre de l'organisation de la commercialisation du coton graine et de la
gestion des intrants agricoles.
Ce schéma de prestataire de services entre les deux
structures a duré jusqu'en 1992 où la libéralisation du
secteur a démarré. Dans ce cadre, les CARDER ont
été écartés de toutes les activités
commerciales; ils n'avaient que des tâches régaliennes notamment
celles liées à la vulgarisation agricole, l'appui aux
organisations paysannes et la formation. L'importance des CARDER a
évolué de façon régressive au niveau de la
filière, ce qui fait évidemment perdre des faveurs aux acteurs
concernés.
5.1.1.2 Secteur cotonnier sous le contrôle de la
SONAPRA
La SONAPRA a été mise en place pour assurer la
promotion des produits agricoles à travers l'approvisionnement en
facteurs de production, la stabilisation, le soutien des prix et la
commercialisation des produits. Elle a constitué pendant longtemps
au-delà des GV et USPP, la structure chargée de l'exploitation de
la filière coton béninoise.
Ce système de monopole permettait à la SONAPRA
de contrôler la commercialisation et l'égrenage du coton graine,
ainsi que l'exportation de la fibre et des graines de coton. Elle
contrôlait la distribution des intrants agricoles, l'attribution des
agréments et des passations de contrats avec les fournisseurs. La
SONAPRA assure également le recouvrement des crédits et le
paiement des producteurs et des fournisseurs.
Avec la politique de désengagement de l'Etat, les
nombreuses fonctions contrôlées par la SONAPRA ont
été transférées au secteur privé ou à
d'autres acteurs du secteur public. Aujourd'hui, la SONAPRA se limite seulement
à l'égrenage et est en voie de privatisation. En levant le
monopole de cette structure, l'Etat vise à rendre plus compétitif
le secteur cotonnier. Ce transfert des multiples fonctions, autrefois
assurées par la SONAPRA, à d'autres acteurs, reste aussi un
transfert de pouvoir. Ainsi, le désengagement de l'Etat est une
véritable source d'enjeux pour les agents et les responsables des
structures.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali6.png)
ETAT
SONAPRA
CARDER
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali7.png)
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali8.png)
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali9.png)
Groupements Villageois
Producteurs
Flux de produits, de paquet technologique ou Flux financier
Source : Enquête, 2004
Figure 1 : Schéma d'organisation de la
filière coton avec le monopole de l'Etat
5.1.2 La pression pour la libéralisation et
la privatisation du secteur cotonnier
Vers la fin des années 80, les problèmes
financiers des Etats d'Afrique de l'Ouest ont conduit à repenser le
rôle des gouvernements dans le développement rural. Ainsi, le
Bénin, à l'instar des autres pays de l'Afrique de l'Ouest, a
dû accepter les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) du FMI et de la
Banque Mondiale. Ceux-ci les ont contraints à réduire leurs
dépenses et leur personnel, à rationaliser les politiques
d'investissement et à augmenter les recettes d'exportation (PNUD, 2002).
De ce fait, tous les gouvernements Ouest-africains ont commencé à
se retirer de certains secteurs économiques dans lesquels ils
étaient fortement impliqués, en particulier ceux qui
n'étaient pas subventionnés.
Le secteur cotonnier béninois n'a pas pu
échapper complètement à cette première vague de
restructuration. Les subventions sur les intrants ont considérablement
été réduites, le
transport du coton a été rationalisé afin
de réduire les frais; les mécanismes de fixation des prix ont
été adaptés pour mieux tenir compte de leur fluctuation
sur le marché mondial.
Vers le milieu des années 90, enfin, l'approche de
« filière intégrée » qui consiste en un ensemble
d'interventions à presque tous les stades des différents maillons
de la filière, a subi, elle aussi de sérieuses attaques de la
part de la Banque Mondiale. Selon cette dernière, l'efficacité et
la pérennité du secteur cotonnier ne pourraient être
assurées à travers une forte implication des gouvernements
nationaux. La Banque juge l'intervention des Etats, dans la plupart sinon
à toutes les étapes de production, inefficace et peu
transparente.
La pression de la Banque Mondiale et du FMI pour la
libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier fait partie
intégrante de leur politique de réduction des interventions et
des dépenses de l'Etat, de libéralisation du commerce et de
développement du secteur privé. Vu sous cet angle, ces
institutions semblent ignorer la position stratégique du secteur
cotonnier dans l'économie des pays producteurs. Ceci explique que la
Banque Mondiale se heurte actuellement aux politiques et aux
intérêts de plusieurs acteurs du secteur (en particulier les
intérêts de la Compagnie Française de Développement
des Textiles) (Ton, 2001). Ainsi, au niveau macro, la libéralisation et
la privatisation du secteur cotonnier menacent les intérêts des
agents des sociétés cotonnières et de divers responsables
politiques qui en dépendaient. Au niveau micro, l'épanouissement
du milieu rural pourrait en prendre un coup.
5.1.3 Déroulement du processus de
désengagement de l'Etat de la gestion de la
filière
La deuxième phase de la réforme qui se poursuit
actuellement a débuté en 1992 avec pour objectif de
résoudre certains problèmes découlant de la phase
précédente des réformes. Il s'agit du transfert du
monopole de la SONAPRA en matière de commercialisation pour aboutir
à une «agriculture contractuelle». Cette phase de la
restructuration a pour but de libéraliser la filière, de
privatiser les secteurs des intrants et de l'égrenage afin d'aider
l'Etat à se dégager des activités de la filière.
5.1.3.1 Sous-secteur intrants
Le processus de désengagement de l'Etat a
commencé d'abord par l'ouverture du secteur intrant aux distributeurs
privés. Au cours de la campagne 1992-1993, la Société de
Distribution Intercontinentale (SDI) a réalisé avec
succès, lors de la phase test, une expérience d'approvisionnement
et de distribution directe aux producteurs à hauteur de 20% des besoins
nationaux en engrais et insecticide.
Cette réussite a encouragé l'Etat à
déclencher le processus de désengagement. Ainsi, un comité
de suivi national a été mis en place et 60% des besoins nationaux
sont assurés par la SONAPRA par appel d'offres internationales et 40%
sont fournis par des opérateurs privés nationaux.
L'évolution de la participation des acteurs
privés dans ce sous secteur s'est poursuivie à hauteur de 60% en
1996 et de 80% jusqu'à la campagne 2000-2001, avec treize
sociétés. C'est à partir de 2001-2002 que le sous secteur
est revenu entièrement aux mains des acteurs privés.
5.1.3.2 Le sous-secteur égrenage
Dans le domaine de l'égrenage, la libéralisation
a commencé au cours de la campagne 1994-1995 par l'agrément
accordé par l'Etat béninois aux usines de première
génération. Cet acte qui traduit la volonté de l'Etat
d'aller au bout du processus a porté en trois ans sur huit usines
privées pour une capacité nominale additionnelle de 255.000
tonnes de coton graine portant ainsi la capacité totale
d'égrenage à environ 575.500 tonnes au lieu de 312.500 tonnes
pour la SONAPRA seule. Ainsi, à partir de la campagne 1998-1999, les
usines ne parvenaient plus à garder leur rythme d'égrenage. Ceci
n'aurait été possible que si la production nationale passait
à 460.000 tonnes au moins. En dessous de ce seuil, les charges fixes
étant maintenues et les cours mondiaux de la fibre en régression,
l'ensemble des Sociétés d'Egrenage du Coton (SEC) risque
d'aboutir à un bilan déficitaire en fin de campagne. Il se pose
alors un problème d'augmentation de la production nationale pour
satisfaire toutes les usines en tenant compte de leur capacité nominale.
Si au lieu de donner l'agrément d'égrenage à tous ces
acteurs en si peu de temps, l'Etat l'avait organisé sur une longue
durée en tenant compte du niveau de la production nationale, il n'y
aurait peut-être pas de conflits entre les égreneurs aujourd'hui
quant à la répartition de la production..
5.1.3.3 Le transfert des compétences aux
organisations paysannes
Il est important de souligner que toutes ces mutations
intervenues dans le secteur agricole ont été soutenues par
l'idée selon laquelle, les paysans seraient assez clairvoyants pour
prendre en mains leurs propres affaires. Un programme destiné à
garantir ce transfert, en renforçant la compétence de ces acteurs
a été élaboré avec des démembrements depuis
le niveau national jusqu'au milieu paysan. L'exécution de ce programme
s'est déroulée sur des
GV-test qui ont été créés pour
conduire ce transfert de compétence aux organisations paysannes.
Aujourd'hui, près d'une décennie après,
le constat qui se dégage de ce transfert n'est pas très
reluisant, car au lieu de mieux responsabiliser les structures pour les rendre
indépendantes du point de vue technique et de gestion, il a abouti
à leur fragilité avec pour corollaires, des cas d'endettement
sans précédent.
5.1.4 Performance de la SONAPRA
Le système de monopole, étroitement
contrôlé par la SONAPRA a eu pour effet positif d'accroître
rapidement la production du coton qui, dans la plupart des cas, était
l'unique culture commerciale des petits exploitants agricoles.
Cependant, un examen de sa performance montre que les
mécanismes d'intervention ont défavorisé les producteurs
et autres opérateurs du secteur privé, entraînant ainsi une
diminution considérable de la contribution qu'aurait pu avoir la forte
croissance de la production à l'augmentation des revenus des paysans et
à l'amélioration des conditions de vie dans les zones rurales. Ce
que confirme une étude de la Baffes (2002).
Avec les diverses fonctions d'importation et de distribution
d'intrants, d'égrenage et de recouvrement, la SONAPRA a connu de
nombreuses difficultés surtout financières liées à
sa mauvaise gestion. Cette mauvaise gestion a été à la
base du retard dans le paiement des producteurs. De plus, elle n'arrivait plus
à récupérer ses fonds auprès des égreneurs
privés à qui elle accorde des quotas de coton graine. Cette
situation compromet davantage sa capacité financière, d'où
la libéralisation totale de la filière par l'Etat.
En abolissant le monopole de la SONAPRA, le principal
défi que s'est fixé l'Etat, est de trouver des méthodes et
des mécanismes institutionnels de remplacement qui pourront corriger les
failles du système de monopole.
5.1.5 Retombées du transfert au niveau de la
SONAPRA
Le transfert des fonctions, alors assurées par la
SONAPRA, au secteur privé a engendré des frustrations au niveau
de la classe des dirigeants de cette société. Ces frustrations
constituent des sources de conflits parce qu'il y a des pertes
d'intérêts liés aux fonctions autrefois exercées.
Une fois détaché des fonctions, on perd les avantages ou les
faveurs qui y sont liés.
Encart 1 : Les avantages de la SONAPRA avant
l'entrée des acteurs privés, selon l'inspecteur de la CSPR.
Pendant que la SONAPRA gérait la commercialisation,
les agents avaient au moins 18 mois de salaire par an, les 6 mois
d'excédents sont des primes
Entretien n°1, SONAPRA le
05/07/04
Face à ce transfert, on assiste à un clivage au
sein de ces acteurs. Ce clivage a permis de distinguer deux groupes à ce
niveau. D'abord, ceux qui ont perdu leur poste et par conséquent, les
avantages y afférents. Ensuite, ceux qui sont dans le système
mais positionnés à un poste moins «juteux». Au niveau
de la SONAPRA, ce sont des catégories d'acteurs que nous pouvons appeler
«les mécontents» parce que se sont vus
défavorisés par les réformes engagées.
5.2 Cadre institutionnel de la filière coton et son
fonctionnement après la libéralisation
5.2.1 Les choix stratégiques du gouvernement en
matière de réforme de la filière
Dans le cadre des réformes économiques
entamées au début des années 90, l'Etat a engagé un
processus progressif de libéralisation de la filière
cotonnière. Ce processus a commencé par l'ouverture de la
filière au secteur privé de l'importation et de distribution des
intrants agricoles (engrais et insecticides).
L'activité d'égrenage a ensuite été
ouverte aux opérateurs privés qui détiennent aujourd'hui
une capacité d'égrenage d'environ 47% de la production nationale
(AIC, 2004). Au cours de l'année 2000, ce processus de
libéralisation a connu une nouvelle avancée décisive avec
le choix par le gouvernement d'une filière privée
autogérée au niveau national. Cette réforme repose sur les
principes suivants :
Le transfert des responsabilités de l'Etat aux acteurs
privés, dans le domaine de la gestion de la filière, a
été consacré à travers deux décrets et deux
arrêtés d'application. Il s'agit du :
- Décret N°99-537 du 17 Novembre 1999 portant
transfert au secteur privé de la responsabilité des consultations
pour l'approvisionnement en intrants ;
- Décret N°2000-294 du 23 Juin 2000 portant
suppression du monopole de commercialisation du coton graine par la SONAPRA.
;
- L'arrêté interministériel
N°2003-016/MICPE/MAEP/MFE/DC/SG/DCCI du 14 mars 2003 qui fixe les
conditions d'importation et de distribution des intrants coton au Bénin
;
- L'arrêté interministériel
N°2003-023/MICPE/MAEP/MFE/DC/SG/DCCI du 07 mai 2003 portant organisation
en République du Bénin de la commercialisation du coton
graine.
Ces choix du gouvernement sont sous-tendus par un schéma
de fonctionnement (fig 2) qui s'articule comme suit :
- Les producteurs, pour mener leurs activités de
production, expriment leurs besoins en intrants à savoir, engrais et
insecticides auprès de la Coopérative d'Approvisionnement et de
Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA).
- Les intrants sont livrés à crédit par
les sociétés agréées et remboursés au moment
de la commercialisation du coton graine par la Centrale de Sécurisation
des Paiements et de Recouvrement (CSPR).
- Les égreneurs assurent le placement du coton fibre sur
le marché mondial.
Le fonctionnement de ce schéma qui met en relation les
différentes familles professionnelles de la filière, repose sur
des accords et des conventions connus par tous les groupes professionnels.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali10.png)
FUPRO
CAGIA
IDI
GPDIA
BANQUES
CSPR
AIC
APEB
EGRENEURS
FENAPRA
AGROP
GV (Producteurs)
ADIAB
Source : Enquête-2004 Flux de produits Flux financier
Figure 2: Schéma simplifié du
cadre institutionnel après libéralisation
5.2.2 Les acteurs de la
filière
D'après le développement fait dans la
première partie, il ressort que le processus de privatisation /
libéralisation de la filière était largement
engagée depuis 1992 avec l'ouverture du sous-secteur intrants aux
acteurs privés. La fonction de l'égrenage lui en a
emboîté le pas à partir de 1995.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali11.png)
· Proposition de répartition du coton-graine
· Paiement en avance de 40 % d'acompte
· Egrène le coton-graine
· Place le coton-fibre à l'exportation
· Alimente les industries locales en graines et coton-
fibre
· Organise le cadre légal et réglementaire de
la filière
· Signe l'accord-cadre de partenariat entre l'Etat et les
acteurs privés
· Contrôle le bon fonctionnement du système
APEB
BANQUES
- Gestion de la commercialisation primaire - Réception
état décadaire et délivrance des
ordres d'enlèvement du coton-graine - Paiement des
producteurs
- Récupération et dénouement des
crédits d'intrants
AIC
(Familles des producteurs et égreneurs)
CSPR-GIE
ETAT (Ministères
et directions
FUPRO-BENIN GV-UCP-UDP
CAGIA-BENIN
- Importer et distribuer les intrants
- Formation à l'utilisation des intrants agricoles
Famille Importateurs- Distributeurs
privés d'Intrants
GV
· Représente les acteurs de la filière
auprès de l'Etat et signe les accords et prestations de service
· Cadre de concertation entre familles professionnelles
· Elaboration du plan de campagne
· Gestion des fonctions critiques (recherche, semences,
encadrement, qualité, pistes, fixation des prix)
- Cadre de concertation des
producteurs
- Commercialisation
primaire du coton-graine -
Signature des accords de
campagne et de vente du
coton-graine
- Sélection par appel d'offre des Importateurs
et Distributeurs d'Intrants coton
- Formation des
producteurs sur
l'utilisation des intrants
- Suivi de la mise en place
Figure 3 : Schéma détaillé
de gestion de la filière coton
Pour parachever ce double processus de privatisation et de
libéralisation qui nécessite le passage d'une gestion
concentrée aux mains de l'Etat à une gestion Interprofessionnelle
de la filière, il convient de créer un cadre réglementaire
et institutionnel de négociation entre acteurs. Ainsi, différents
groupes professionnels sont engagés dans la gestion actuelle de la
filière.
5.2.2.1 Le Groupement Professionnel des Distributeurs
d'Intrants Agricoles
Créé en 1992, à l'ouverture du sous
secteur aux opérateurs privés, il est constitué de douze
membres avec un bureau exécutif de cinq représentants élus
de la profession. Ce bureau assure la coordination entre les différents
membres du groupement et représente la profession au cours des
concertations Interprofessionnelles.
Suite à la sélection des appels d'offres pour
l'acquisition et la distribution des intrants agricoles au titre de la campagne
2002-2003, de graves dissensions sont apparues entre les distributeurs au sein
du GPDIA et ont conduit à la constitution d'un autre groupe de
distributeurs dénommé ADIAB (Association des Distributeurs
d'Intrants Agricoles du Bénin).
5.2.2.2 La Fédération de l'Union des
Producteurs du Bénin (FUPRO-Bénin)
Cette fédération a été mise en
place en 1995 par l'ensemble des soixante-dix-sept USPP du Bénin. La
FUPRO est une association de coopératives multifilières
même si la filière la plus en vue, au niveau de la
fédération reste la filière coton.
Elle est chargée de contribuer à l'autopromotion
paysanne en défendant les intérêts de ses adhérents
au sein des différentes structures. La FUPRO représente
l'ensemble des organisations à la base d'une part, au sein de
l'Association Interprofessionnelle du Coton dont elle est membre fondateur et
d'autre part, lors des négociations avec l'Etat.
Les dissensions au sein de la FUPRO ont débouché
sur la naissance des réseaux parallèles dont FENAPRA et AGROP qui
mènent leurs activités en dehors du contrôle de la
FUPRO.
5.2.2.3 La Coopérative d'Approvisionnement et de
Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA)
La principale mission de la coopérative est d'assurer
l'approvisionnement de ses membres en intrants de qualité à bonne
date et à des prix compétitifs. Plus spécifiquement, elle
est chargée de procéder à la collecte et à
l'estimation des expressions de besoins en intrants des producteurs. Elle
organise aussi la sélection des fournisseurs d'intrants et
participe à la négociation des prix de vente avec
les égreneurs. La coopérative a été mise en place
par les UCP.
5.2.2.4 Association Interprofessionnelle du Coton
L'Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) est
créée en 1999 par deux groupes professionnels, l'APEB et la
FUPRO. L'AIC représente le seul cadre de concertation des acteurs de la
filière coton au Bénin. Mais la base de l'interprofession semble
être biaisée du moment où elle exclue les distributeurs
d'intrants qui constituent de potentiels acteurs de la filière. Etant un
cadre de concertation entre les différents acteurs, elle ne devrait pas
en exclure. La principale mission de l'interprofession consiste en :
- La coordination technique des activités relatives
à la gestion de la filière.
- L'arbitrage économique et financier entre les
différentes familles professionnelles avec la création d'une
chambre arbitrale et de conciliation.
- La gestion des fonctions critiques et des accords
professionnels.
En dehors de certaines activités exercées par
l'AIC par l'intermédiaire des structures d'accompagnement que sont la
CSPR, la CAGIA et la FUPRO, l'Interprofession assure l'essentiel des fonctions
critiques par contrat de production de service en s'appuyant sur la
compétence des structures étatiques et professionnelles.
5.2.2.5 L'Association Professionnelle des égreneurs
du Bénin
L'Association Professionnelle des égreneurs du
Bénin (APEB) a été créée en 1999 par les
égreneurs privés et la SONAPRA. Cette structure est
chargée d'assurer la coordination entre ses membres et la
représentation de la profession au sein des institutions mises en place
dans le cadre de l'Interprofession (AIC, CSPR, CAGIA). L'APEB est membre
fondateur de l'AIC et de la CSPR.
Il convient toutefois de signaler qu'à la veille de la
campagne de commercialisation 2000-2001, la première de la CSPR, des
dissensions internes au sein de cette association ont conduit au retrait de
certains de ses membres. En effet, à la création de la CSPR,
l'organisation de la commercialisation du coton graine, contrairement à
la gestion de la SONAPRA devrait obéir à un mécanisme
rigoureux qui exigeait des conditions non- négociables aux
égreneurs pour entrer en campagne.
5.2.2.6 La Centrale de Sécurisation des Paiements et
de Recouvrement (CSPR)
La CSPR a été créée dans le double
souci de sécuriser d'une part, les producteurs pour le paiement effectif
et à temps réel du coton vendu aux égreneurs et d'autre
part, le remboursement du crédit intrants pour garantir les besoins des
producteurs en intrants. Elle joue alors un rôle d'interface entre les
producteurs et les importateurs d'intrants d'une part et les producteurs et les
égreneurs d'autre part.
La CSPR-Gie est un groupement d'intérêt
économique à statut de droit privé créée par
trois groupes au sein de la FUPRO; les Importateurs-Distributeurs d'Intrants
organisés au sein du GPDIA et les égreneurs de coton
regroupés dans l'APEB.
5.2.3 Fonctionnement et enjeux au niveau des
nouvelles structures 5.2.3.1 Le sous secteur de la
production
> Fonctionnement des groupements paysans
Les groupements paysans qui interviennent aujourd'hui dans la
production du coton sont de plusieurs ordres : les réseaux FENAPRA et
AGROP, mouvements parallèles au système FUPRO.
Les groupements villageois (GV-FUPRO), structures mises en
place sur initiative des CARDER pour faciliter la gestion à la base de
la filière coton, sont des prestataires vis-à-vis de leurs
membres. Ces structures s'occupent principalement des fonctions
d'approvisionnement en facteurs de production et de la collecte primaire du
coton graine.
Au niveau de l'approvisionnent en facteurs de production, les
besoins en intrants agricoles sont recensés dans les groupements (par
les secrétaires) et transmis au gérant de l'UCP (Union Communale
des Producteurs, ex-USPP). Les responsables des GV-FUPRO réceptionnent
ces intrants, lors de leur livraison et les distribuent aux membres.
Dans les différents groupements enquêtés,
seulement les secrétaires dirigent les diverses activités et
quelques fois en association avec les trésoriers et les
présidents; ce qui leur offre une large marge de manoeuvre dans la
gestion. Cette concentration des activités au niveau de ce cercle
réduit (surtout au niveau des secrétaires), au sein des
groupements, leur confère un pouvoir dans la société
rurale et favorise aussi les détournements. Les secrétaires des
mouvements paysans deviennent ainsi des leaders dans ces communautés
agricoles.
Dans la collecte primaire autogérée du coton
graine, chaque groupement met en place, en fonction des pistes d'accès,
un certain nombre de «marchés» correspondant au GPC
(Groupement des Producteurs du Coton, une fragmentation des
GV-FUPRO). La programmation des marchés pour l'achat de coton est faite
par les secrétaires en collaboration avec le gérant de l'UCP et
l'agent de commercialisation de la CSPR. Les responsables des groupements
paysans assurent la préparation des marchés et la pesée du
coton de chaque producteur dans le marché, fonctions qui revenaient
autrefois au CARDER. La mauvaise lecture des poids du coton et la
difficulté de la tenue des documents de charge multiplient les
mécontentements dans ces groupements.
Dans le cadre du transfert de compétences au milieu
rural, la prise en charge de l'organisation de la commercialisation primaire
reste assez stratégique. La société rurale telle que
conçue dans les communautés béninoises, avec un faible
niveau d'instruction, semble ne pas être encore prête pour prendre
en charge cette responsabilité. Ce transfert à des acteurs peu
préparés se traduit aujourd'hui par les problèmes de
conflit de leadership et de mauvaise gestion.
Compte tenu du fait que tous les producteurs (de coton ou non)
se retrouvent dans les GVFUPRO, ce qui pose d'ailleurs de réels
problèmes de suivi et de gestion, les producteurs ont initié des
GPC (Groupements des Producteurs de Coton) de taille plus restreinte (une
trentaine en moyenne). Ces groupements sont constitués seulement des
producteurs de coton qui se regroupent par affinité. Ce regroupement
facilite le contrôle et la gestion des cautions solidaires. Chaque GPC
est conduit par un responsable choisi par les membres du groupement. Il y a
alors au niveau du GV-FUPRO une redistribution des pouvoirs pour limiter ou
pour faire efficacement face aux difficultés rencontrées dans les
GV-FUPRO.
Il a été remarqué au niveau des divers
groupements, que les producteurs même maîtrisent très peu
les mécanismes, assez complexes de la filière ou même les
fonctions de chaque membre du Conseil d'Administration des groupements paysans,
avec pour conséquences, des conflits d'attribution et des cumuls de
charges au niveau de certains responsables.
Vu le fait que les groupements villageois se soient
retrouvés avec des responsabilités sans s'y attendre
(pesée du coton, distribution des fonds coton, enregistrement des
demandes en intrants,...), ils n'intègrent pas encore le principe de
fonctionnement. Ainsi, depuis sept ans, aucun groupement villageois
enquêté n'a tenu une assemblée générale. Les
nouveaux groupements formés (GP-FENAPRA et GP-AGROP) fonctionnent aussi
à l'image des GVFUPRO avec les mêmes normes. Depuis trois ans que
le premier réseau est installé dans la commune, seulement un GP
de ceux enquêtés (1/4) a tenu une fois une AG pour faire le bilan
des activités menées.
> Statut social des secrétaires des GV / GP
Compte tenu de l'importance marquée aux
secrétaires des mouvements paysans, nous nous sommes
intéressés à l'étude du statut social de ces
acteurs spécifiques afin d'identifier leurs intérêts dans
les organisations villageoises.
D'après Schaefer (1989), le statut social
désigne la gamme de toutes les positions sociales définies dans
un groupe ou une société. L'auteur distingue trois niveaux de
statut social : le statut «obtenu», le statut
«attribué» et le statut maître».
Le statut obtenu est celui acquis par l'individu de par ses
efforts ou sa position dans la société. C'est par rapport
à cette considération que nous analyserons la fonction ou
l'importance sociale des secrétaires GV / GP des zones
cotonnières.
L'image que confère la société à
ces acteurs reste très diversifiée. « Les secrétaires
GVFUPRO, ce sont ceux qui nous tuent, nous volent dans les villages ; Ce sont
eux qui tirent profit de tout le coton ». C'est l'image que la plupart des
producteurs de N'Dali se font de cette responsabilité de
secrétaire GV/GP. Cette conception prouve combien les producteurs
restent conscients des intérêts liés à cette
position.
Pour un responsable de la CSPR, les « secrétaires
sont les lettrés des villages, lettrés qui détruisent tout
au niveau des groupements ». Ceci vient compléter la vision
paysanne par rapport à la mauvaise gestion des secrétaires
(détournement) dans les groupements. Les secrétaires dirigent
toutes les activités stratégiques du groupement (demande et
distribution d'intrants agricoles, demande de crédits, gestion des
ristournes,...). Cette implication dans les diverses activités leur
laisse une marge de manoeuvre dans la conduite de toutes ces activités
du groupement, face à des membres (GV / GP) peu lettrés, ce qui
limite tout contrôle.
Ce poste est perçu comme un canal pour s'enrichir, ce qui
fait qu'il reste très convoité dans les zones
cotonnières.
Encart 2 : Importance de la
responsabilité «du secrétaire GV» selon un responsable
de la FENAPRA.
Demandez à un élève aujourd'hui, quelle
carrière voudrait-il choisir après sa formation, il vous dira
certainement «secrétaire GV».
Entretien n°2, N'Dali le
12/07/04
Les secrétaires GV/GP ne sont pas
considérés au même niveau social que les autres membres des
groupements parce qu'ils acquièrent un prestige qui les place dans une
position au-dessus des autres. Il existe ainsi, un intérêt
économique et culturel qui est lié à cette
responsabilité de secrétaire. Pour les producteurs, le
secrétaire s'enrichit plus aisément avec
un privilège qui fait qu'il est impliqué dans des
prises de décision, même en dehors du secteur agricole.
Dans la plupart des domiciles des secrétaires GV
visités, le décor reste assez frappant : meubles,
télévision, groupe électrogène qui sont des
éléments de prestige dans la région. Sans trop
prétendre expliquer les dessous des secrétaires, ces
éléments ne manquent pas de renseigner sur le niveau d'aisance de
ces responsables.
Ces divers intérêts en jeu au niveau des
groupements font que les acteurs locaux cherchent à se maintenir au
«pouvoir», ce qui débouche sur des guerres de leadership au
niveau de ces mouvements paysans.
> Limites de la gestion des groupements villageois
La rapidité du désengagement et du transfert de
compétence à des acteurs peu préparés reste une
contrainte majeure qui explique la désorganisation des mouvements
paysans aujourd'hui. La conséquence a été que ces acteurs
du monde rural, n'ont pas disposé de suffisamment de temps pour
s'organiser efficacement. Cela se traduit par des problèmes
d'endettement liés à la mauvaise gestion des intrants, l'absence
de contrôle des opérations liées au crédit, caution
solidaire devenue inefficace en raison du grand nombre d'adhérents au
GV. Cette mauvaise gestion a entraîné une crise de confiance des
paysans qui ont pour certains abandonné la production
cotonnière.
Le but visé par ce transfert de responsabilité
est de favoriser une meilleure organisation des producteurs afin de jouer un
rôle économique majeur et constituer ainsi une force de
partenariat avec l'Etat. Mais pour ces producteurs « mal partis », la
gestion des activités au niveau local est devenue un atout ou une «
porte » pour subvenir aux besoins personnels au profit de
l'intérêt commun. Cette perception de la libéralisation a
débouché sur la mauvaise gestion au niveau des groupements
villageois.
Plusieurs mécontents sont sortis de ces points de
conflits, dans le rang des paysans. De nombreux producteurs à bout de la
mauvaise répartition des fonds coton ou épuisés par les
conflits de pouvoir, se retrouvent dans les organisations dissidentes.
5.2.2.4 Les enjeux du réseau FUPRO
Malgré l'organisation du monde paysan depuis le niveau
village jusqu'au niveau national, les producteurs restent les maillons faibles
du système parce qu'ils n'ont pas su profiter de cet environnement
favorable (transfert de compétences, revenus cotonniers,...) pour
s'imposer comme interlocuteurs devant «négocier en
partenariat» avec les pouvoirs
publics. Toutefois, il est clair que la base de ce
«partenariat» s'est avérée a priori
déséquilibrée, avec un pouvoir public fortement
intellectuel face aux producteurs en grande majorité
analphabètes.
Si la force reconnue aux mouvements de producteurs de coton,
du fait de leur structuration, de la garantie de production, est un atout pour
faciliter, grâce à la caution solidaire, l'accès des
producteurs au crédit de campagne (FECECAM) et au crédit intrants
(distributeurs d'intrants), depuis quelques années, ces organisations
rencontrent des difficultés dont notamment l'endettement
(difficulté d'honorer les engagements vis-à-vis des institutions
de micro-crédit, des distributeurs d'intrants) et la mauvaise gestion
des responsables.
Mais l'utilisation de plus en plus marquée de cadres
techniques salariés pour la gestion des familles professionnelles mise
en place pourrait fragiliser ces mouvements de producteurs. Ils ont
été pour la plupart, employés dans des institutions dont
la mauvaise gestion a conduit à la libéralisation de la
filière. En effet, le problème vient surtout du fait que la
plupart de ces cadres ne sentent pas leur vie liée à celle des
producteurs et ne sont pas non plus acquis à leur cause à tout
moment.
Au regard de ces enjeux et de la puissance des acteurs en lice
face à la FUPRO, la maîtrise ou le contrôle de la gestion de
la filière ne lui est sans doute pas facile avec les réseaux
dissidents.
> Stratégie développée par les
«mécontents» : Naissance des réseaux
parallèles
Face aux différents problèmes rencontrés
dans le réseau FUPRO (mauvaise gestion des cautions solidaires,
détournement), une catégorie d'acteurs, les
«mécontents» du système, s'est retrouvée pour
mettre en place l'Association des Groupements de Producteurs Economiques
(AGROPE-Bénin). Cette association a pris forme dans la commune de
Bembérékè (à 50 Km environ de N'Dali).
De nombreuses versions ont été obtenues sur les
raisons de la mise en place de cette association. Pour certains, elle aurait
été suscitée par les politiciens en vue de se garantir un
électorat et se constituer un capital. Pour d'autres, elle serait
l'oeuvre des distributeurs d'intrants dans le but de se garantir un
marché. Le but visé par ces distributeurs d'intrants,
rejetés du réseau de la CAGIA, serait de mettre la main sur une
catégorie de producteurs pour livrer facilement leurs intrants. Pour
d'autres acteurs, ce serait certains égreneurs qui auraient
incité les producteurs à mettre en place cette association pour
se garantir un stock de coton graine hors du circuit de la CSPR.
Pour l'une ou l'autre de ces versions, les enjeux
d'intérêts restent à la base de la création de cette
association dissidente au réseau FUPRO.
A la première campagne, les membres de l'Association
ont bénéficié des intrants du complexe CSI-Fruitex. Les
intrants mis en place cette campagne, par Tankpinnou et da-Silva, auraient
été ceux destinés à la Lutte Etagée
Ciblée (LEC) parce que, la campagne précédente, ils
étaient agréés pour livrer ces intrants à la
recherche. Mais compte tenu de leur retard dans la livraison des produits, la
recherche a rejeté les intrants (Totin, CRA-CF, comm pers.). Ces
distributeurs se sont retrouvés avec des insecticides sur le bras et il
leur faut trouver un marché pour leur écoulement. Ils auraient
ainsi, suscité la naissance de cette association pour leur fournir les
intrants.
A la campagne suivante, les responsables de l'AGROPE, ont pris
des contacts avec le distributeur SCPA pour avoir des intrants de production.
Mais au sein de ces responsables, un groupe, en fonction des
intérêts propres, a signé des engagements avec la DFA, une
autre compagnie de distribution d'intrants. Cette situation de tension a
conduit à l'éclatement de l'association en AGROPE-Madougou
(Secrétaire du groupement) et AGROPE-Amidou (président du
groupement). Par la suite, AGROPE-Amidou est devenu AGROP (Association des
Groupements de Producteurs) et l'autre bord s'est transformé en FENAPRA
(Fédération Nationale des Producteurs Agricoles). Aujourd'hui, on
apprend encore la naissance d'un autre réseau «FENAGROP» qui
serait parti de la réunion des producteurs venant des deux premiers
réseaux (AGROP et FENAPRA). Ces différents réseaux se sont
étendus aujourd'hui, dans toutes les zones de production
cotonnière du Borgou-Alibori.
La genèse de ces mouvements paysans montre que ce sont
des intérêts propres qui soutiennent les dynamiques au sein de ces
réseaux, devenus des « arènes de négociation »,
comme l'a su bien dire Bierschenk (1988), où chaque acteur vient
satisfaire ses besoins. Les parties qui ne sentent par leurs
intérêts pris en compte ou qui se sentent menacés, sortent
du système.
> Motivations des producteurs à se retrouver dans
les groupements dissidents
Trois principales raisons expliquent la reconversion des paysans
dans les groupements parallèles au réseau FUPRO.
La source la plus évoquée par les producteurs
reste le retard que connaissent les paiements des fonds coton dans les GV (cf.
histoire de vie 1). Dans les zones de production, le revenu cotonnier est la
principale «source financière» qui est utilisée dans la
résolution des
problèmes sociaux et économiques du producteur
(Ahouissoussi, 1998). Tous les enquêtés ont reconnu l'importance
des fonds coton dans leur ménage (Fig 4).
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali12.png)
40
20
80
60
0
Coton Maïs Niébé Autres
Spéculations
Zone Nord Zone Sud
Source : Adapté de Ton (2004)
Figure 4 : Part des spéculations dans la
formation des revenus agricoles des producteurs
Il paraît alors évident que l'absence ou le retard
de ces fonds crée une désorganisation ou des perturbations
sociales.
Encart 3 : Importance du revenu-coton
dans la vie du producteur, propos d'un producteur de Suanin
L'année surpassée, en 2002, ma femme est
morte d'une petite maladie parce que je n'avais pas l'argent. Cette
année là, j'ai vendu 2 tonnes de mon coton dans le GV et on nous
a dit que l'argent n'est pas venu. Personne n'avait d'argent dans le village
pour me venir en aide parce qu'on était tous dans la même
situation. Avec FENAPRA, l'argent est cash.
Entretien n°3, N'Dali le
04/07/04
Une autre catégorie de producteurs regroupe ceux qui
sont victimes de la mauvaise gestion des cautions solidaires. Ces cautions
solidaires sont prélevées directement au niveau du GV, ce qui
affecte tous les producteurs du groupement. Au cours de la répartition
des fonds-coton au niveau du GV, les responsables font aussi des retenues chez
les parents des producteurs qui sont en impayés.
Encart 4 : Conséquence de la mauvaise
gestion des cautions solidaires (propos d'un gros producteur de
Kori)
Pour la campagne dernière, j'ai fait 4 tonnes de
coton mais j'ai seulement eu 75.000 f CFA pour toute ma production parce que
mon frère est tombé dans l'impayé. Cette année,
j'ai décidé d'aller dans FENAPRA parce que là bas, il n'y
a pas de crédit CLCAM. C'est le crédit CLCAM qui nous tue
ici.
Entretien n°4, N'Dali le
04/07/04
La dernière catégorie de producteurs qui se
retrouvent aujourd'hui dans les groupements dissidents est celle des
producteurs qui sont reliés par des liens de parenté avec les
responsables de ces mouvements. A partir de ce noyau familial, le groupement
grandit progressivement et gagne les amis et finit par prendre forme.
Tableau 3 : Répartition des
producteurs suivant leurs motivations à quitter les GV-FUPRO
Paramètres
|
Catégorie 1
|
Catégorie 2
|
Catégorie 3
|
Producteurs
|
55%
|
40%
|
5%
|
Source : Enquête, N'Dali-2004
Catégorie1 : Producteurs partis du GV pour retard du
paiement des fonds coton Catégorie2 : Producteurs partis du GV pour
mauvaise gestion des cautions solidaires Catégorie3 : Producteurs partis
du GV pour liens familiaux
Nous avons remarqué au cours de notre étude que
ce sont les personnes âgées (au delà de 40ans) et las
parents proches (femmes, enfants) des responsables qui restent, malgré
les dissidences, dans les groupements villageois (GV-FUPRO). Selon ces
personnes âgées ces mouvements de naissance ressente (AGROP et
FENAPRA) sont « des projets qui vont finir bientôt ».
> Conflits et cohésion
sociale
La divergence des idéologies paysannes quant à
l'organisation de la production cotonnière pourrait laisser penser qu'il
n'y a pas beaucoup de relations à l'échelle villageoise. Mais
quand on se rapproche des villages, on se rend compte que le tissu social,
même si quelque peu affaibli par les conflits de leadership ou de
mauvaise gestion, tient encore bon. Cette cohésion sociale s'effrite
certes, sous l'effet des conflits mais cela n'empêche pas la
solidarité en cas de coups durs. Ainsi, les paysans s'échangent
des intrants entre groupements. Un producteur FENAPRA/AGROP qui n'a pas eu des
intrants dans son groupement pourrait en bénéficier auprès
de ses pairs du réseau FUPRO. La multiplication des réseaux
parallèles n'a pas engendré une « balkanisation » des
liens sociaux. Il est courant de rencontrer dans une même famille, des
frères se retrouver dans différents groupements et cela n'a pas
de répercussions sur l'affection sociale.
L'identité commune qui subsiste au niveau des villages
et en milieu Batonou en particulier, ne permet pas de punir les responsables
des mouvements paysans parce que disent-ils « après tout, ce sont
nos frères ou nos enfants ». Cette logique collective donne une
garantie pour des actions «peu honnêtes»,
parce qu'il n'est pas possible d'être rejeté du système
social. Il y a une cohabitation aujourd'hui des responsables ayant
détourné des fonds (le cas précis du gérant de la
FENAPRA qui aurait détourné plus de 5 millions dans le GV) avec
la société, sans une discrimination.
Est-ce cette tolérance sociale qui permet à ces
« anciens mauvais gérants » de devenir, aujourd'hui, dans les
nouveaux mouvements, des responsables ?
> Qui dirigent ces réseaux dissidents ?
Les acteurs retrouvés à la tête de ces
mouvements proviennent de deux catégories.
- Ceux qui veulent accéder à des postes de
responsabilité, dans le réseau FUPRO et qui n'y parviennent pas.
Ce blocage est dû au fait que les responsables actuels, en fonction des
intérêts qu'ils en tirent, ne veulent pas laisser ces postes. Il
se développe ainsi entre ces deux parties une guerre de leadership qui
va jusqu'à des menaces de mort. Dans cet environnement de tension qui
fait des «mécontents», le perdant ou le moins fort quitte le
système et se reconvertit dans les nouveaux réseaux. Cette
tension de leadership prévalait depuis le transfert de
compétences au secteur agricole et l'arrivée de ces
réseaux a été une occasion attendue
pour ces acteurs
«mécontents».
- Une deuxième catégorie de responsables des
mouvements paysans, regroupe les débiteurs des caisses locales. Ces
acteurs trouvent ces réseaux comme des points de refuge pour
échapper au remboursement des crédits. Dans ce groupe, nous nous
sommes rendus compte que le gérant de la FENAPRA reste devoir plus de
cinq millions à la CLCAM. Ainsi, au-delà de l'engagement des
acteurs dans les mouvements, il y a des intérêts non avoués
qui expliquent leurs motivations et ce choix paraît une stratégie
pour satisfaire ces intérêts implicites.
> Naissance des réseaux dissidents : le
salut ou autre engrenage pour les producteurs
Les nouveaux mouvements dissidents ont mis en place des
mécanismes pour limiter les mauvaises gestions connues dans les GV. Ces
groupements sont constitués par affinité avec un effectif
réduit et parfois sur base ethnique, pour une meilleure
efficacité.
Pour faire face au retard du paiement de coton, ces mouvements
sont en relation directement avec des égreneurs qui achètent le
coton au « cash ». L'argent cash soulage les producteurs et constitue
un point d'attraction qui les amène à choisir ces groupements.
Pour résoudre les problèmes d'impayés des
crédits de campagne, ces mouvements ne prennent pas d'engagement pour
les cautions CLCAM. Mais toutefois, chaque producteur a la possibilité
de demander directement des crédits auprès de ces institutions
sans l'aval du groupement, ce qui ne réussit pas souvent. En effet, les
institutions n'accordent pas souvent les crédits individuels, surtout
aux petits producteurs, à cause des nombreux risques qui y sont
attachés, ce qui limite l'accès des paysans à ces
prêts. En intégrant les mouvements dissidents, les paysans se
trouvent alors privés d'autres avantages. Mais il convient de se
demander si la suppression des cautions aux membres reste
bénéfique pour les producteurs ?
Tel que ces réseaux fonctionnent, même s'ils
donnent l'impression de favoriser les producteurs, en ce sens qu'il leur permet
d'avoir à temps leurs fonds, ils ne manquent pas de privilégier
les intérêts des responsables, perturbant ainsi le
mécanisme mis en place dans le cadre de la libéralisation. Dans
ce système, les responsables s'enrichissent sur le «dos» des
paysans. Les parts critiques destinées à l'AIC pour la recherche,
la vulgarisation et autres, sont partagées entre ces responsables ; ce
qui explique la guerre que l'Interprofession mène à ces
réseaux. Les fonctions critiques, à raison de 15 F/ kg de coton
graine vendu (au cours de la campagne 03-04), restent d'importantes sommes que
se partagent ces divers responsables. A côté de ces fonds, ils
bénéficient des faveurs d'une part, auprès des
égreneurs à qui ils garantissent la production de leurs membres
et d'autre part auprès des distributeurs d'intrants pour
l'écoulement des intrants. Dans cette arène, toutes les parties
tirent leurs profits du jeu : les égreneurs parviennent à obtenir
une quantité de coton graine au-delà de celle obtenue dans le
système CSPR. Cette négociation entre
producteurs-égreneurs a conduit à une spécialisation des
différentes compagnies d'égrenage : la MCI à qui est
garantie la production du réseau AGROP et SODICOT a le coton graine de
la FENAPRA.
De même, ces responsables permettent à certains
distributeurs, ne remplissant pas les conditions de la CAGIA, d'écouler
leurs produits à travers leurs groupements ; échappant ainsi au
contrôle de la CAGIA. Le système leur offre ainsi une marge de
manoeuvre pour livrer toute gamme de produits, dans le milieu paysan. De
nombreux producteurs ont encore en mémoire leur expérience de la
campagne 2003-2004 où ils ont eu des insecticides peu efficaces avec
pour conséquences des chutes de capsules dans tous les
groupementsFENAPRA.
Dans ce réseau, les responsables des groupements
paysans, les égreneurs et les distributeurs d'intrants restent les
principaux bénéficiaires et les producteurs deviennent des
instruments du système. Ils sont utilisés par les responsables
pour jouer le «jeu» des égreneurs (avoir le maximum de stock
en coton graine) et aussi celui des distributeurs
d'intrants agricoles (faire écouler les intrants quelle
que soit leur qualité). En retour, ces responsables
bénéficient de nombreuses faveurs de la part de ces
acteurs.
Encart 5 : Intérêts en jeu au
niveau des nouveaux réseaux
1-? Allez à Bembérékè, vous serez
étonné par la gigantesque maison que se construit un responsable
du réseau AGROP! Tout ça avec l'argent du coton, sur le dos des
paysans.
2-? Le président communal d'un réseau
parallèle de N'Dali, l'année surpassée, aurait eu un
million chez un distributeur pour lui permettre de livrer ses intrants aux
producteurs de la commune.
Entretien n°5, N'Dali le
17/08/04
1- Confession d'un responsable de l'UDP Borgou-Alibori
2- Confession d'un sage de la commune, correspondant de la radio
nationale à N'Dali
Dans cette arène où le producteur se trouve
coincé entre les enjeux de leurs dirigeants, des égreneurs et
ceux des distributeurs, on pourrait se demander ce qu'il en tire en
étant producteur.
> Production cotonnière : activité rentable
ou manque d'alternative
Le manque de sources alternatives de revenus et les besoins
croissants des ressources monétaires pour la consommation et la
production agricole sont les principales motivations des producteurs à
faire le coton. « Le coton est une spéculation très
exigeante ». Les paysans n'apprécient généralement
pas la culture, comme l'a montré aussi Ton (2002), tel est le cas de 74%
de notre échantillon. Ils reconnaissent que la culture cotonnière
est exigeante en travail et en investissement pour les intrants. Toutefois,
elle constitue la principale source de revenu en gros, donc susceptible de
financer des investissements importants (Cf. Figure 4, page 48 ).
La production cotonnière ne pourrait plus être
considérée comme une stratégie de constitution de revenus.
Le coût de production ne cesse de croître (tableau 4), amenuisant
ainsi le revenu du producteur.
La culture cotonnière reste jusque-là, la seule
spéculation dont le débouché est garanti (LARES-APEIF,
1996). Le problème de débouché constitue la principale
difficulté que les producteurs évoquent pour expliquer leur
engouement actuel pour la culture du coton. Il s'agit là d'un
problème épineux en raison de ses implications. En effet, il
n'existe pas autre spéculation qui bénéficie d'une
organisation pareille à celle du coton, ce qui fait qu'il est
utilisé comme «culture enveloppe» parce qu'elle fait
bénéficier aux autres cultures
(notamment le maïs) de ces intrants à travers les
arrière-effets et les reconversions d'intrants coton en intrants
maïs.
Encart 6 : Stratégie de production
coton-maïs développée par un producteur du réseau
FUPRO
Je fais le coton pour avoir l'engrais pour mon maïs.
Quand je vends le coton, j'arrive à payer les crédits d'engrais
et le maïs constitue mon bénéfice. Parfois, je vends
jusqu'à dix-huit sacs à raison de 15.000 f le sac.
Entretien n°6, N'Dali le
15/06/04
Le producteur ne fait pas seulement le coton parce qu'il
procure de l'argent mais il utilise son canal pour valoriser d'autres
spéculations. L'accès au crédit de campagne et aux
intrants ainsi que le développement de la culture attelée
liés à la production cotonnière, ont favorisé
l'expansion d'autres cultures, en l'occurrence les vivriers
intégrés dans le système d'assolement et de rotation avec
le coton.
Les producteurs arbitrent entre deux catégories de
produits : les cultures vivrières et le coton, comme culture de rente.
Cette forme d'arbitrage a un double intérêt. Il y a le souci de
garantir l'alimentation du ménage et celui de pouvoir faire face aux
besoins financiers pour les dépenses sociales.
Le cas rapporté ci-dessus (encart 6), prouve que des
cultures autres que le coton, pourraient permettre de se constituer des revenus
(cas du maïs par exemple) pour faire face aux divers besoins. Mais les
producteurs ne parviennent pas à garder leur stock jusqu'à la
période de soudure, où le prix monte. Comme cette
spéculation ne bénéficie pas d'un prix garanti, le prix
varie suivant les périodes (chute en période d'abondance et monte
en période de soudure) et les producteurs à court de
liquidité, n'arrivent pas à supporter jusqu'à la
période de cherté. La promotion de cette spéculation se
heurte alors à la limite des débouchés disponibles, compte
tenu des aléas du marché des vivriers. Les producteurs doivent
faire face à ce dilemme : les coûts de production du coton vont
sans cesse croissants et le marché des vivriers, de l'autre
côté, se trouve asphyxié par manque de
débouchés (LARES-APEIF, 1996). Dans ces conditions, quelle
alternative peuvent-ils choisir ?
Tableau 4 : Rentabilité économique
de la production cotonnière (en CFA/Ha)
Paramètres
|
95-96
|
96-97
|
97-98
|
98-99
|
99-00
|
00-01
|
01-02
|
02-03
|
Rendements1
|
1.465
|
1.101
|
1.023
|
853
|
1.069
|
1.261
|
1.282
|
1.202
|
Prix (prod)
|
165
|
200
|
200
|
225
|
185
|
200
|
200
|
180
|
Revenu brut2
|
241.725
|
220.200
|
204.600
|
191.925
|
197.765
|
252.200
|
256.400
|
216.360
|
Evolution du coût des intrants
agricoles
|
Engrais
|
38.000
|
38.000
|
38.000
|
38.000
|
38.000
|
38.000
|
41.000
|
39.600
|
Insecticides
|
25.200
|
24.000
|
21.600
|
28.400
|
33.600
|
33.600
|
36.000
|
36.000
|
Labour
|
18.000
|
18.000
|
18.000
|
18.000
|
18.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
Sarclage
|
15.000
|
15.000
|
15.000
|
15.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
Récolte
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
20.000
|
TOTAL
|
116.200
|
115.000
|
112.600
|
119.400
|
129.600
|
131.600
|
137.000
|
135.600
|
Revenu net3
|
125.525
|
105.200
|
92.000
|
72.525
|
68.165
|
120.600
|
119.400
|
80.760
|
Source : CRA-CF, 2004
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali13.png)
Revenu brut et coût de production
Revenu brut
Coût de production
300000
250000
200000
150000
100000
50000
0
1995-
1996
1996-
1997
1997-
1998
Campagne cotonnière
1998-
1999
1999-
2000
2000-
2001
2001-
2002
2002-
2003
Source :Adapté du tableau 4
Figure 5 Evolution des revenus bruts et des
coûts de production cotonnière 5.2.3.2 Sous secteur
égrenage, dans le nouveau système
La libéralisation du secteur a favorisé
l'entrée de nouvelles compagnies privées. Regroupées dans
l'Association Professionnelle des Egreneurs du Bénin (APEB), les
égreneurs et l'Interprofession ont dégagé un consensus sur
les modalités de répartition du coton graine entre les compagnies
en fonction de leur capacité d'égrenage. Le mécanisme mis
en place fait obligation entre autres, aux Sociétés d'Egrenage du
Coton (SEC) de reverser un acompte de 40% de la valeur du quota
sollicité avant le début de la campagne pour solder le
crédit intrant. Mais il faut qu'elles disposent aussi
d'un quitus de la CSPR attestant qu'elles n'ont aucune facture en instance
(CSPR-GIE, 2003). Or, certains égreneurs (MCI, SEICB et SODICOT), ne
remplissent pas entièrement ces conditions pour pouvoir s'approvisionner
en coton.
En effet, avant la mise en place de la Centrale de
Sécurisation des Paiements et de Recouvrement, les égreneurs
privés s'approvisionnaient en coton graine auprès de la SONAPRA
qui organisait la commercialisation primaire. Ces égreneurs payaient le
coton acheté à la SONAPRA après la vente du coton
égrené sur les marchés internationaux.
Profitant de la marge de manoeuvre que laisse ce
mécanisme, certains égreneurs retardaient ou même
manquaient de reverser les fonds coton à la société
d'approvisionnement. Cette situation a entraîné des perturbations
d'une part dans le recouvrement des crédits intrants et d'autre part,
dans le paiement des producteurs. Mais toutefois, ces perturbations
étaient de moindre intensité ou moins ressenties qu'aujourd'hui
parce que, la SONAPRA étant une société d'Etat, ces
impayés sont greffés sur les charges de la société,
charges dénouées par l'Etat. Ceci fait que l'ampleur du
phénomène n'était pas ressentie par les acteurs, comme le
cas aujourd'hui, où l'Etat n'intervient plus pour couvrir des dettes.
> Enjeux et les stratégies développées au
niveau des égreneurs
La plupart des égreneurs , sauf la MCI et la SODICOT
s'approvisionnent en coton graine suivant le mécanisme de la CSPR. La
non implication de ces dernières dans le processus de commercialisation
selon le mécanisme de la CSPR s'explique selon les responsables de la
CSPR par le fait qu'elles restent devoir des factures de campagnes
antérieures. Pour la MCI et la SODICOT, le boycott du système
CSPR est lié au fait qu'il profite plus à des acteurs tels que la
SDI qui sont à la fois égreneurs et distributeurs d'intrants. En
effet, les 40% d'acomptes versés par les égreneurs pour leur
approvisionnement en coton graine sont en partie reversés à ces
acteurs (à la fois égreneurs et distributeurs d'intrants) pour
régler les frais des intrants mis en place. Ce règlement
étant prioritaire, les égreneurs que sont la MCI et la SODICOT se
trouvent moins favorisés que ces acteurs qui sont à la fois
égreneurs et distributeurs d'intrants.
Le non approvisionnement en coton graine auprès de la
CSPR entrave le fonctionnement normal des usines de la MCI et de la SODICOT.
Pour fonctionner, les responsables de ces usines s'approvisionnent directement
en coton graine auprès de la SONAPRA qui en retour est alimentée
par le système CSPR. Le mécanisme mis en place pour assurer la
répartition du coton graine entre les usines n'est plus ainsi
respecté et le non
paiement des dettes des ces acteurs dissidents ne permet plus
à la centrale d'honorer ses engagements vis-à-vis des
producteurs.
Comment comprendre que la SONAPRA, membre de la CSPR
coopère avec des acteurs reconnus par l'ensemble du système comme
des «dissidents» ? Les raisons qui motivent ce partenariat n'ont pas
n'ont pas pu être élucider au cours de cette étude.
La MCI et la SODICOT ont développé une autre
manière pour s'approvisionner qui consiste à susciter la
naissance des organisations paysannes, autres que celles existantes (GV) pour
que ces dernières les approvisionnent directement en coton graine. Pour
y parvenir, ces acteurs attirent l'attention des producteurs sur les conflits
latents au niveau des GV, conflits liés à la gestion des
intrants, au pouvoir de décision, à la mauvaise gestion des
ristournes. Ils motivent aussi les leaders d'opinions par les dons de diverses
natures.
Au niveau de la compagnie MCI, on constate que cet acteur
garantit les intrants aux producteurs chez qui il s'approvisionne en coton.
Mais la mise en place des intrants seuls ne suffit pas pour assurer une bonne
production, il faut aussi d'autres facteurs des production (le crédit,
des technologies appropriées donc la recherche et la vulgarisation).
Mais ces derniers facteurs cités nécessitent plus
d'investissements et l'égreneur pourrait ne pas sentir directement ces
intérêts. Ce qui pourrait justifier l'abandon de ces domaines par
ce dernier qui se concentre plus sur les engrais et les insecticides.
En réalité si les producteurs qui se trouvent
aujourd'hui sous ces acteurs dissidents savaient, ce qu'ils perdaient (en
vulgarisation, en recherche et autres) il n'est pas évident qu'ils
accepteraient ce système. Ces acteurs qui utilisent juste comme
appât l'argent cash du coton, profitent de l'ignorance ou du manque
d'informations au niveau de la masse paysanne pour asseoir leur influence.
Les égreneurs influences aussi les élus locaux,
en mettant en exergue le rôle social que peut jouer par le coton dans la
construction de leur localité. Ainsi, toute insuffisance en
matière première affecte la rentabilité des usines et par
à coups, a des effets négatifs sur les gains en ressources des
localités dans lesquelles ces usines sont installées.
Une autre approche consiste à détourner le camion
chargé de coton sur les voies pour leur prendre leur chargement,
destiné à une autre usine.
Cette situation est encouragée par des facteurs tant au
plan national qu'international. En effet, les prix du coton sont très
élevés sur le marché international et le coton se trouve
ainsi très recherché.
Au niveau national, la capacité d'égrenage des
compagnies (production nationale moyenne est de 400.000 tonnes alors que la
capacité d'égrenage des usines est plus de
700.000 tonnes) pourrait expliquer ce rapport de «à
qui mieux-mieux » où chacun se bat pour élever le plus haut
possible son stock.
5.2.3.3 Nouveau système de recouvrement
La création de la Centrale de Sécurisation des
Paiements et du Recouvrement (CSPR) a été la première
mesure prise par l'Interprofession pour corriger les
irrégularités de la SONAPRA dans le recouvrement des
crédits et le paiement des producteurs. Cette centrale est
constituée juridiquement comme une association sans but lucratif avec
pour mandat, l'exécution de deux fonctions importantes du système
SONAPRA : (i) le paiement du coton graine aux producteurs et (ii) le
recouvrement du crédit intrant par les distributeurs et leurs banques de
prêts. Ce nouveau mécanisme élimine ainsi les effets
pervers liés à la mauvaise gestion de la SONAPRA.
La CSPR constitue un cadre de concertation aux acteurs
privés et publics que regroupe la filière. Sous sa forme
centralisée actuelle, la CSPR mène trois groupes principaux
d'activités. Elle enregistre les prêts et crédits
liés à l'importation et à la distribution des intrants ;
organise la commercialisation du coton graine et assure enfin, la gestion de
tous les mouvements de capitaux au niveau de la filière.
Selon le mécanisme, chaque compagnie d'égrenage
dépose auprès de la centrale, une avance correspondant à
40% de la valeur totale du quota qui lui est attribué pour la campagne
et paye les 60% restant, au fur et à mesure que la livraison du coton
graine est faite. La CSPR utilise ces avances pour rembourser aux banques, le
crédit consenti pour l'approvisionnement en intrants et faire des
avances de paiement aux producteurs. Une fois que toute la demande en coton
graine est livrée aux usines d'égrenage, les producteurs
reçoivent aussi la totalité des fonds coton.
Mais si le mécanisme fonctionne aussi efficacement,
pourquoi le problème d'impayé reste toujours posé au
niveau des producteurs ?
> Les enjeux de la centrale
Les failles au niveau de la centrale peuvent se situer à
différents niveaux.
Depuis que la libéralisation prône
l'intégration des acteurs dans la gestion de la filière, il ne
faudrait pas perdre de vue, que ce soit au niveau de l'Interprofession ou des
conseils d'administration des différentes organisations, les paysans
restent les «maillons faibles» de la chaîne.
Aujourd'hui, cette centrale, comme toutes les autres mises en
place après la libéralisation du secteur, reste toujours
dirigée par une classe technique constituée des « anciens
responsables » des structures avant la libéralisation (SONAPRA,
CARDER,...), ceci en fonction des différents intérêts
liés à la filière (primes et indemnités). Cette
classe technique intellectuelle, pourrait se sentir moins concernée par
les intérêts des acteurs servis (producteurs, distributeurs
d'intrants et égreneurs) et développer à côté
des intérêts du secteur, des intérêts propres
à satisfaire, intérêts qui se retrouvent en front
d'opposition avec les intérêts du mécanisme et qui les
contraignent à s'écarter des normes fixées.
L'idéale aurait été que les acteurs concernés
prennent en charge, leur propre affaire. Mais toujours est-il que les
intérêts implicites de ces derniers vont s'y impliquer, entravant
ainsi l'évolution normale du
mécanisme.
La classe paysanne constitue aussi une pesanteur qui freine le
mécanisme fonctionnel de la centrale. Un grand nombre de paysans
prennent des intrants pour la production cotonnière et les
détournent vers d'autres buts. Dans la plupart des cas, ils les
utilisent pour les vivriers ou les revendent à moindre prix, ce qui ne
leur permet pas d'atteindre la production prévue pour couvrir les
charges en intrants, alors que la centrale paie entièrement les
distributeurs d'intrants sur les avances reçues pour la demande en coton
auprès des égreneurs. La production obtenue chez les paysans ne
permet plus à la CSPR de dégager suffisamment de marge,
après recouvrement des crédits intrants, pour assurer le paiement
de tous les producteurs et couvrir totalement la demande des
égreneurs.
Une analyse du comportement des producteurs face aux intrants
agricoles pourrait être faite sous deux angles. D'abord, l'orientation
des intrants vers les vivriers, parce que ces spéculations ne
bénéficient pas d'un système de crédit intrants
alors que les sols se retrouvent de plus en plus épuisés par les
pratiques cotonnières. Les paysans en marge d'alternatives,
reconvertissent alors ces intrants coton vers les vivriers. Cette pratique
reste fréquente dans la zone sud-Borgou, comme l'a montré une
étude du LARES-APEIF (1996) parce qu'elle est reconnue pour sa fonction
de « grenier du Nord ». Elle nourrit toutes les zones
spécialisées dans la production cotonnière, c'est ainsi
une zone à potentialité vivrière.
En second lieu, les producteurs bradent les intrants agricoles,
soit pour faire face aux contraintes financières, en début de
campagne, à la sortie de la longue période de soudure, soit pour
se venger des situations d'impayés dont ils ont été
victimes une campagne précédente. Les compagnies
d'égrenage ne restent pas non plus sans affaiblir le mécanisme de
la centrale. Certaines d'entre-elles, ne remplissant pas les exigences de la
CSPR, surtout par rapport aux
acomptes des 40% en avance, achètent le coton hors du
système géré par l'Interprofession. En effet, le principe
d'acompte de 40% à verser pour s'approvisionner en coton, constitue un
facteur qui limite l'accès aux compagnies d'égrenage. Cette
contrainte suppose que si un acteur ne dispose pas des acomptes, il ne pourrait
pas s'engager dans la commercialisation. C'est face à ce goulot
d'étranglement que certaines compagnies se sont
désolidarisées du réseau formel. Dans ces conditions, deux
situations se rencontrent :
- Ces compagnies parfois, achètent le coton graine,
directement auprès des producteurs ayant bénéficié
d'intrants coton mis en place hors du système CAGIA-CSPR, par des
sociétés privées. Dans ce cas, les pertes sont
limitées à la centrale et ne concernent que les fonctions
critiques à verser à l'Interprofession (AIC).
- Dans d'autres cas, l'achat s'effectue directement
auprès des producteurs ayant pris des intrants dans le système de
la CAGIA. Les pertes sont grandes dans ces conditions parce que le recouvrement
des intrants pose d'énormes problèmes (impayé, conflits
sociaux,...).
Ces écarts observés au niveau de la
filière ne font que fragiliser le mécanisme de la centrale et
multiplier les foyers de conflits entre les acteurs. En contournant le
système CSPR, les égreneurs empêchent d'autres qui
utilisent le canal de la CSPR, d'avoir le stock demandé. Ainsi, la
répartition de la production reste une source de tension et oppose la
centrale à certains égreneurs. C'est dans ce cadre que s'inscrit
le contentieux opposant la compagnie d'égrenage SEICB à la CSPR
en 2001-2002, campagne durant laquelle, la compagnie, après s'être
acquittée de toutes ces obligations vis à vis de la Centrale, n'a
été approvisionnée qu'à hauteur de 18.000 tonnes
sur un quota de 25.000 tonnes allouées. Pour préserver ses
intérêts, la compagnie a assigné la centrale en justice.
> Autre stratégie qui fragilise le mécanisme
CSPR: commerce du coton avec le Nigeria
La vente du coton au Nigeria se pratique, au départ,
dans les régions frontalières. Mais de plus en plus, le
phénomène s'étend vers les autres zones de production, tel
le cas de N'Dali.
Encart 7 : Stratégie
développée pour la vente illicite du coton à Kori, un
village de N'Dali révélée par un producteur GV-FUPRO.
L'année surpassée, j'ai caché une
partie de ma production et quand notre GV a vendu son coton, mon fils est venu
du Nigéria prendre le stock pour le vendre là-bas. Deux semaines
après, il est revenu avec 3 motos «Quinko» que nous avons
revendues à 250.000F chacune. Beaucoup le font dans notre village, mais
personne n 'en parle, si jamais le CARDER l'apprend, on est perdu...
Entretien n°7, N'Dali le 0
7/08/04
Depuis la persistance du «retard de paiement» des
fonds-coton, le phénomène de vente de coton au Nigeria s'est
considérablement développé. En effet, plusieurs
motivations soutendent cette opération clandestine.
L'achat du coton au Nigeria se fait au cash. Ce facteur est
d'autant plus important qu'au cours de la campagne 00/01, certains producteurs
de la commune ont vendu leur production au Nigeria alors que le prix au Kg
était en moyenne de 180F, contre un prix officiel de 200F au
Bénin. Ce cash permet aux producteurs de faire face à des besoins
sociaux immédiats.
La vente du coton au Nigeria permet aussi aux paysans
d'échapper aux retenues forfaitaires qui s'élèvent, dans
certaines régions à 2F / Kg de coton graine. De même, sur
le marché nigérian, il n'y a pas une catégorisation de la
production (coton de 1er ou de 2e choix). Cette absence
du contrôle sur la qualité du coton livré encourage les
producteurs à choisir le marché nigérian.
Cette fuite de la production nationale pose le problème
des réalisations sociocommunautaires, le plus souvent fondées sur
les ristournes et rend difficile la récupération des
crédits intrants. Ce phénomène fragilise le
mécanisme de la CSPR et renforce davantage le retard du paiement des
fonds coton aux producteurs. Ils entretiennent aussi le «cercle
vicieux» de la mauvaise conduite de la filière qui dégrade
les relations entre les divers acteurs du secteur.
5.2.3.4 Importance de l'AIC dans le secteur
cotonnier
Le mandat de l'AIC comporte deux volets, l'un d'ordre technique
et l'autre institutionnel.
A travers son mandat technique, l'Interprofession organise et
coordonne le processus de consultations et de négociation entre le
secteur privé et le gouvernement, avec pour objectif de permettre au
secteur privé de prendre en charge les diverses « fonctions
critiques »
autrefois assurées par la SONAPRA. Toujours au titre de
son mandat technique, l'AIC met en place les mécanismes de
médiation et d'arbitrage entre tous les acteurs de la filière.
Dans le cadre institutionnel, l'Interprofession veille au
respect des mesures définies entre les acteurs pour assurer le bon
fonctionnement du secteur. Mais parvient-elle réellement à
assurer la synergie, au niveau de tous les acteurs ?
> Performance de l 'AIC
L'AIC, vu ses multiples responsabilités (techniques et
institutionnelles) apparaît comme l'organe pivot du secteur après
la réforme. Elle coordonne à elle seule, toutes les
activités au niveau de la filière. Mais actuellement, avec la
naissance des regroupements dissidents, l'autorité de l'Interprofession
reste très peu partagée par les différents acteurs de la
filière. L'AIC n'arrive plus à s'autogérer par cause de
non-respect des engagements pris par ses membres.
Ce nouveau mécanisme mis en place ne permet plus
à un certain groupe d'acteurs de satisfaire des intérêts
propres. En prévision à cet obstacle aux intérêts,
les premiers responsables de l'Interprofession se sont opposés à
la constitution de ce nouveau cadre institutionnel de la filière (CSPR,
CAGIA,...) parce qu'il ne permet plus d'avoir la marge de manoeuvre que
garantissait l'ancien système, avec le monopole de l'Etat.
> Les handicaps de l'Interprofession
Suite à la réforme du secteur, l'Etat a pour
mandat de définir un cadre législatif qui servirait de pilier
à l'AIC dans la conduite de la filière. Mais faute de cet accord
cadre qui jusque-là n'est pas encore défini, l'Interprofession se
trouve sans maintien, ce qui permet à certains acteurs de contourner
l'autorité de l'institution. L'absence de ce cadre réglementaire
reste aujourd'hui la principale «goutte d'eau» qui fait
déborder continuellement le vase au niveau de la filière, parce
qu'il laisse une marge de manoeuvre à ces différents acteurs. Les
différentes parties qui trouvent leurs intérêts
menacés par le nouveau système, profitent alors de l'inexistence
de ce cadre législatif pour sortir du système. Il existe
aujourd'hui un véritable gap entre les fonctions normatives de
l'Interprofession et ces fonctions réelles du fait que tous les acteurs
n'adhèrent pas à ses idéologies. Elle n'a pas encore
réussi à faciliter l'arbitrage avec les divers groupes
professionnels de la filière.
Il faudrait ajouter que l'intervention de politiciens
participe à la fragilisation du système AIC. Le pouvoir politique
garantit une position «d'intouchable» à certains acteurs qui
se trouvent au-dessus des actes normatifs ou des autres acteurs du
système. Ils disposent
aussi d'une liberté qui leur permet de s'imposer ou
même d'outrepasser l'autorité de l'Interprofession. Cette
implication de la force politique nourrit la dissidence à laquelle doit
faire face l'institution.
5.2.3.5 Importateurs et Distributeurs d'Intrants
> Organisation de la mise en place des intrants
La libéralisation du secteur a permis de briser la
position monopoliste et centralisée de l'Etat et de rendre ce secteur
plus compétitif à travers son ouverture à plusieurs
acteurs privés. Conscients de l'importance et des nombreux
intérêts liés au sous-secteur intrants, ces
opérateurs économiques l'ont pris d'assaut. Cette affluence vers
ce secteur a amené les producteurs et distributeurs d'intrants à
mettre en place la CAGIA pour assurer leur approvisionnement en intrants de
qualité à bonne date et à des prix compétitifs.
Plus spécifiquement, la CAGIA procède à la collecte et
à l'estimation des besoins en intrants agricoles de ses membres,
participe, en temps que représentant des producteurs au sein de la
commission intrants agricoles, à la sélection des fournisseurs
d'intrants.
Le mécanisme d'importation et de distribution des intrants
agricoles repose sur les principes suivants :
- La commercialisation des intrants est assurée
seulement par les sociétés sélectionnées. - Les
ventes des intrants aux producteurs d'une même commune sont
assurées par une et une seule société.
- Les distributeurs sélectionnés disposent de 120
jours maximum pour livrer les intrants, aux groupements.
- La définition de la nature, de la compétition,
de la qualité, du conditionnement des intrants à livrer,
relève de la compétence exclusive du CRA-CF. A cet effet, avant
leur mise en consommation, les intrants sont contrôlés par la
recherche et les services de protection des végétaux. Seulement
les résultats de contrôle pourraient autoriser la mise en
circulation de ces
intrants.
- Les intrants sont vendus au même prix unique sur tout le
territoire.
Ces divers principes fixent les normes de conduite du
sous-secteur intrant de la filière. Mais la sélection des
distributeurs par la CAGIA reste souvent l'objet de vives contestations. Les
opérateurs ne remplissant pas les normes fixées ont dû
créer en Novembre 2001, leur propre association dénommée
ADIAB (Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du Bénin),
association dissidente du GPDIA (Groupement Professionnel des Distributeurs
d'Intrants Agricoles). Ces distributeurs de l'ADIAB (Fruitex
et CSI) fournissent des intrants aux groupements de producteurs dissidents
à un prix légèrement en baisse par rapport au circuit des
distributeurs de la GPDIA. Mais les intrants livrés ne sont pas
identiques à ceux recommandés par la recherche. D'ailleurs leurs
intrants échappent au contrôle des normes phytosanitaires.
La libéralisation du sous-secteur intrant est source
d'effets pervers qui contribuent à la détérioration du
système de distribution, entraînant une hausse des coûts des
intrants, un manque de professionnalisme des distributeurs et finalement une
baisse de la qualité des intrants importés. L'ouverture de la
filière au secteur privé a permis l'entrée sur le
marché des opérateurs n'ayant pour toute qualification que leur
affinité politique. La politique ne semble pas rester également,
au niveau de ce sous-secteur, en marge de ces divergences.
Les acteurs ADIAB n'étant pas reconnus par la CAGIA, ni
la CSPR, le recouvrement de leurs crédits intrants pose de
véritables problèmes. De même, les distributeurs du GPDIA
craignent de livrer des intrants aux producteurs hors du crédit FUPRO du
fait des difficultés de recouvrement.
> Problématique des intrants et recouvrement du
crédit intrants
La mise en place des intrants est réalisée par
les distributeurs privés séLECtionnés au titre de la
campagne, par la CAGIA. Cette opération se déroule à
crédit à partir du mois de février dans les GV auxquels
incombe le rendement du crédit durant la commercialisation.
Le mécanisme prévoit d'une part, la
sécurisation de ce crédit aux producteurs et d'autre part, son
remboursement par ces derniers au profit des Importateurs et Distributeurs
d'Intrants. Mais, la récupération des crédits
auprès des producteurs posent des problèmes : les
quantités mises en place dans les GV étant, le plus souvent en
inadéquation avec leurs besoins réels. Selon le SOP de la
région « les paysans déclarent de grandes superficies et
reçoivent les intrants en conséquence, mais dans la
réalité, ils ne respectent pas les superficies
déclarées ». Cette situation est due au fait que les paysans
utilisent une partie de l'engrais pour d'autres cultures.
Le détournement de l'engrais constitue alors une
stratégie développée par les producteurs pour faire face
au manque d'appui aux vivriers. Cette stratégie que développent
les producteurs ne permet pas au mécanisme de recouvrer à 100%
les crédits intrants, les capacités de remboursements des
groupements étant en-déça des valeurs des intrants mis en
place. Alors que les crédits consentis aux distributeurs d'intrants par
les banques sont dénoués
à 100% par la CSPR, au plus tard à la fin du mois
de décembre, donc avant le démarrage effectif de la
commercialisation
Tableau 5: Evolution des chiffres relatifs aux
crédits intrants et aux taux de recouvrement
Campagne
|
Crédits intrants
|
Montant récupéré
|
Taux recouvrement
|
00-01
|
20.628.839.000
|
20.297.254.385
|
98,39%
|
01-02
|
25.950.807.550
|
25.452.021.241
|
98,08%
|
02-03
|
27.541.549.855
|
24.966.792.530
|
90,65%
|
Source : CSPR, enquête (2004)
Ce tableau montre que la récupération des
crédits intrants se solde de plus en plus par des impayés, non
prévus dans le mécanisme de recouvrement. Les gaps de ces
crédits sont supportés par la centrale et ceci entraîne les
retards dans le paiement des fonds-coton aux producteurs. Les taux de
recouvrement ne cessent de baisser d'une campagne à l'autre, fragilisant
ainsi les équilibres financiers du mécanisme.
Dans ce contexte, où les impayés se multiplient,
les distributeurs d'intrants ne perdent aucune partie, leur créance leur
étant versée en totalité par la CSPR, même avant la
commercialisation. Par contre, les victimes les plus affectées par ces
irrégularités sont les paysans, avec les retards des fonds
coton.
5.2.3.6 Organisation institutionnelle du secteur cotonnier:
perception des parties prenantes
Dans cette partie, nous analyserons la perception de chaque
acteur sur les liens institutionnels au niveau de la filière. Ainsi,
nous pourrons évaluer le degré de connaissance de la
structuration de la filière au niveau de chaque acteur et les
interrelations entre les parties.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali14.png)
Flux de produits ou de paquet technologique
> Perception paysanne
AIC
CAGIA
RECHERCHE
FUPRO
CSPR
BANQUES
EGRENEURS
IDI
Flux financier
Source : discussion de groupe, N'Dali le
20/08/04
Figure 6: «Diagramme participatif»
réalisé par les producteurs du réseau
FUPRO
Le réseau FUPRO reste en relation avec diverses autres
structures / institutions (Fig 6). L'AIC
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali15.png)
Photo1 Réalisation d'un «diagramme
participatif» au cours d'une discussion de groupe avec les paysans du
réseau FUPRO
vient en appui aux initiatives de la FUPRO. De même, la
recherche identifie les besoins en technologies au niveau des producteurs et
les soumet à l'AIC pour financement. Les résultats de la
recherche sont restitués à l'AIC qui implique ses techniciens
(TS/ AIC), dans la diffusion en milieu rural. La relation directe entre la
recherche et le paysannat intervient au cours de l'identification des besoins
en technologies et pendant la conduite de la recherche. Certaines innovations
sont expérimentées aussi bien en station qu'en milieu réel
(cas de la Lutte Etagée Ciblée).
La CAGIA intervient dans le système pour
sélectionner les distributeurs d'intrants et organiser la formation des
producteurs sur l'utilisation des intrants agricoles. Il faudrait signaler que
le rôle clé de la CAGIA dans les interrelations avec le paysannat,
n'a pas fait
l'unanimité des membres du groupe au cours de la
conception du diagramme. Ce désaccord pourrait être compris d'une
part, comme l'absence directe de relation entre la CAGIA et les producteurs et
d'autre part, comme l'effet de déception qu'ont connu les producteurs
quant à l'efficacité des produits chimiques mises en pace dans
les GV. Pour certains producteurs, « si la CAGIA est une bonne chose, les
producteurs n'auraient pas les problèmes qu'ils ont aujourd'hui avec les
produits », ceci pour témoigner de tout leur mécontentement
par rapport à la gestion de ce sous-secteur intrant.
Une autre faiblesse de la CAGIA réside dans le fait que
sa fonction de formation des producteurs sur les intrants est
reléguée au second rang. Cette tâche est prise en mains
directement par les distributeurs d'intrants, c'est d'ailleurs la relation qui
relie les fournisseurs à la FUPRO.
La CSPR reste le «carrefour» entre les producteurs,
les distributeurs d'intrants et les égreneurs. En effet, la CSPR
s'approvisionne en coton au niveau des producteurs et le livre aux
égreneurs contre un acompte de 40% dont une partie est utilisée
pour payer les distributeurs d'intrants. La relation CSPR-producteurs reste
assez forte parce que, pour plusieurs producteurs « l'argent du coton
dépend de la CSPR », ceci en raison du contrat monétaire
entre les deux parties.
Au cours de cette étude, nous nous sommes rendus compte
que, parmi les différentes institutions qui interviennent au niveau de
la filière, la CSPR est la structure que les producteurs connaissent le
mieux et pour beaucoup (65% de notre échantillon), les
difficultés rencontrées par les acteurs sont dues à
l'inefficacité de la centrale.
La FECECAM (banque locale), à travers les caisses
locales, intervient dans la filière pour garantir les crédits de
campagne aux producteurs. Mais au niveau du paysannat, le manque de suivi et la
mauvaise gestion n'ont pas permis aux producteurs d'évaluer
l'utilité de ces crédits. Ils révèlent souvent que
« les crédits CLCAM tuent les producteurs». Le système
solidaire en vigueur dans ces groupements fait que les producteurs qui
utilisent correctement ces crédits se sentent défavorisés
par rapport aux producteurs indélicats qui «tombent en
impayés».
L'organisation de la filière, selon la perception des
paysans des réseaux FENAPRA et AGROP, est assez simplifiée (Fig
7) parce que les nombreuses structures qui se greffent à la
filière sont la cause de sa désorganisation, et elles ne «
sont que des figurations ». Ces réseaux se sont
débarrassés de ces diverses institutions qui entrent dans la
gestion du réseau FUPRO pour se retrouver avec ce schéma
simplifié. Pour ces divers acteurs des réseaux parallèles,
plus il y a d'intermédiaires dans le système, plus le partage est
réduit.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali16.png)
a-
Fournisseur
d'intrants S di
Flux de produits ou de paquet technologique Flux
financier
FENAPRA
GP-
b-
MCI (égreneur)
CAGIA CSPR
AGROP
MCI
MCI (fournis- intrants
AIC
Source : discussion de groupe, N'Dali le
20/10/04
Figure 7: «Diagramme participatif'' des
interrelations au niveau de la filière réalisé par les
producteurs des réseaux FENAPRA
(a) et AGROP (b)
Au niveau de la FENAPRA, les responsables entrent directement
en contact avec les fournisseurs pour avoir les intrants et ils convoient toute
leur production vers la compagnie d'égrenage de la SODICOT (Fig 7-a),
pendant que le réseau AGROP prend ces intrants et livre sa production
à la compagnie MCI (Fig 7-b).
Dans ces deux systèmes, les mécanismes de
recouvrement sont autogérés par ces acteurs. Les distributeurs
d'intrants et égreneurs retrouvés dans ces réseaux sont
ceux qui sont sortis du mécanisme mis en place par l'Interprofession.
Ces réseaux regroupent donc les divers acteurs qui ne retrouvent pas
leurs intérêts dans le système mis en place par l'AIC.
Dans ce nouveau cadre institutionnel, ces acteurs
(égreneurs, distributeurs «dissidents» et responsables des
mouvements parallèles) parviennent à satisfaire les
«attentes» que ne garantissait pas le système de
l'Interprofession. L'intervention de l'AIC/CSPR dans «leurs
réseaux» est perçue comme une menace des
intérêts en jeu, menace parce que l'AIC exigerait d'une part, les
fonctions critiques qui sont devenues des «intérêts d'un
petit groupe» et d'autre part, le passage par le canal de la CSPR et de la
CAGIA, ce qui n'arrange plus les distributeurs et les égreneurs. Ainsi
les intérêts visés par les différentes parties
s'échapperaient avec l'implication de l'Interprofession qui est devenue
un potentiel adversaire.
Encart 8 : Extrait de la lettre adressée
au présidium par les représentants des réseaux FENAPRA et
AGROPBénin à la fin des états généraux de
juillet 2004 à Parakou4;
Compte tenu des constats faits lors des différents
ateliers, nous, producteurs des réseaux précités, rejetons
fermement la responsabilité de la CSPR, AIC et CAGIA, dans la gestion de
notre coton graine et ceci jusqu'à nouvel ordre; car nous ne voulons pas
de casses, du désordre et de la mafia dans la gestion de ce
coton.
Cet extrait ne manque pas de renseigner sur la situation de
conflit d'intérêts qui subsiste au niveau de la filière.
Mais est-ce vraiment les intérêts de simples producteurs qui sont
en jeu ici ? Derrière ces déclarations, n'y a t-il pas plusieurs
autres acteurs du réseau ?
La dynamique institutionnelle dans le réseau FUPRO ou
dans les réseaux parallèles, n'améliore pas autrement le
revenu des producteurs. Par rapport à ce contrat, le réseau
FUPRO, avec un grand nombre d'acteurs (CAGIA, CSPR, AIC, ...) présente
l'avantage d'offrir d'emplois à plusieurs groupes. Ainsi, le partage
« du gâteau de coton » se fait entre plusieurs acteurs alors
qu'au niveau des réseaux parallèles, les bénéfices
du coton sont partagés entre un petit groupe d'acteurs
(égreneurs, distributeurs d'intrants, responsables des
mouvements paysans,...), écartant ainsi les
producteurs. > Perception et linkage de la
recherche
La recherche reste en relation avec diverses institutions de
la filière (Fig 6). Elle recommande à la CAGIA, après
expérimentation, les produits à mettre en place par les
distributeurs. Avant cette phase, la recherche conduit les protocoles des
firmes, sur les matières actives identifiées. Après
l'expérimentation, la DIFOV, à travers les CARDER, prend la
relève pour la vulgarisation de la technologie identifiée par la
recherche. De plus en plus, la limite du partenariat entre la recherche et la
DIFOV n'est plus nette. Les fonctions de l'un chevauchent sur celles de
l'autre.
4 Lettre co-signée par Madougou (FENAPRA) et
Amidou (AGROP)
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali17.png)
SDI
AIC
FUPRO
CAGIA
Recherche
Firmes phytosanitaires
DIFOV
Egreneur
Carder
Flux de produits ou de paquet technologique
Flux financier Source : discussion de groupe, N'Dali
le 25/10/04
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali18.png)
Figure 8: «Diagramme participatif'' des
interrelations au niveau de la filière réalisé par la
recherche
La recherche entretient aussi des relations avec les
distributeurs nationaux et un intérêt particulier est reconnu
à la SDI (compagnie de distribution des intrants) pour plusieurs causes.
La SDI a une importance économique qui fait dire « on ne peut pas
faire le coton au Bénin sans Talon ! ». Cette force
économique la place au-dessus de plusieurs acteurs, mais malgré
cette importance, elle est restée dans le système de
l'Interprofessionnel. Au niveau de la recherche, la SDI finance certains
projets de protection phytosanitaire. Ce privilège accordé
à cette société peut provenir des diverses relations
qu'elle a tissées avec la recherche. Depuis la libéralisation
où le désengagement de l'Etat a posé une lacune, la
recherche est menée en partenariat avec des structures nationales (dont
la SDI) et internationales qui prennent en charge le financement. Ce
partenariat renforce les relations entre ces institutions. Ce sous- secteur
collabore aussi avec des égreneurs pour l'identification des
variétés qui améliorent les produits d'égrenage.
Les différents responsables rencontrés dans le
domaine de la recherche ont reconnu que la filière fait face à
plusieurs difficultés. Sur le plan international, les gros producteurs
(Chine, les Etats-Unis d'Amérique et l'Union Européenne) causent
de nombreuses pertes aux producteurs du sud en subventionnant leur production.
Au plan national, la difficulté majeure est la création
récente d'organisations professionnelles qui mènent leurs
activités en dehors du cadre réglementaire ; ce qui perturbe le
caractère «de filière intégrée' 'et
entraîne des manques à gagner à l'Etat. Ces
difficultés restent liées au rôle ambigu de l'Etat qui n'a
pas défini
clairement avec l'Interprofession le protocole d'accord devant
conduire à un cadre réglementaire au niveau du secteur (Djihinto,
CRA-CF comm. pers).
La politique n'est pas restée en marge des
difficultés que rencontre la filière ; elle utilise les failles
de l'Etat (profite de l'absence de l'accord cadre) pour inciter la
désorganisation de la filière en raison des divers
intérêts en jeu.
5.2.7.3 Catégorisation des acteurs
Suivant la distinction des acteurs d'un système, telle
effectuée par Jiggins et al (2003), nous distinguerons trois
catégories d'acteurs regroupés dans le tableau 6.
Tableau 6 : Répartition des acteurs des
différents réseaux selon les perceptions
Paramètres
|
Perception FUPRO
|
Perception FENAPRA
|
Perception AGROP
|
Acteurs de premier ordre
|
AIC- CSPR- CAGIA
|
Egreneurs, distributeurs d'intrants agricoles
|
Egreneurs, distributeurs d'intrants agricoles (MCI)
|
Acteurs du second ordre
|
Producteurs, Egreneurs, distributeurs
d'intrants agricoles
|
Producteurs
|
Producteurs
|
Acteurs intermédiaires
|
Source : Enquête, N'Dali (2004)
L'AIC, la CSPR et la CAGIA sont regroupées comme
acteurs primaires au niveau du système FUPRO, parce que chargées
d'initier les activités ou de définir les itinéraires
à suivre au niveau du mécanisme mis en place. En dehors de
l'Etat, ce sont les institutions qui ont en charge la gestion de la
filière coton au Bénin. ils prennent des décisions pour la
conduite du secteur. Dans les réseaux dissidents où ces
institutions sont exclues, ce sont les distributeurs et les égreneurs
qui ont ce pouvoir. Mais notons qu'ici, il ne s'agit pas d'un pouvoir formel
mais c'est en complicité avec les responsables de ces organisations
paysannes que ces acteurs secondaires (du système FUPRO) ont pu se
positionner comme primaires.
Dans les réseaux parallèles où il
n'existe plus l'autorité de l'Interprofession, n'est-il pas possible aux
producteurs de se positionner en acteurs primaires où ils pourront
s'imposer aux autres acteurs du système ? Cette
éventualité n'est pas envisageable a priori parce que les
égreneurs et les distributeurs d'intrants ont une force
économique qui fait que les producteurs se placent dans une position de
dépendance. D'abord pour la production, ils ont besoin
d'intrants que les distributeurs leur livrent à
crédit parce qu'ils n'ont pas souvent la capacité de les prendre
au cash. Ce contrat de crédit entre les deux parties, placent les
producteurs dans une situation de dépendance vis à vis des
fournisseurs.
Dans la classe des acteurs intermédiaires, nous
retrouvons, dans le réseau FUPRO, aussi les égreneurs et les
distributeurs d'intrants. Dans cette catégorie, il y a des acteurs qui
soutiennent les itinéraires définis par l'Interprofession parce
qu'ils retrouvent un avantage dans le mécanisme. Par contre, ceux qui ne
retrouvent plus leurs intérêts en jeu s'opposent à ces
mécanismes et se sont reconvertis dans les systèmes dissidents en
se positionnant dans la classe du premier ordre, tel le cas de MCI, CSI,
Fruitex,...
Les producteurs, en fonction de leur limite (capacité
financière), se retrouvent dans la basse couche parce que n'ayant pas
une autonomie dans le système. Que deviendrait le système quand
les producteurs auront une force de négociation où ils seront
considérés comme de vrais partenaires ?
Même si les réseaux parallèles, ont
réussi à briser la charpente institutionnelle imposée par
l'Interprofession, ils se trouvent parfois contraints à retourner dans
le système formel. C'est le cas, cette année avec les producteurs
FENAPRA, qui, par manque d'intrants agricoles, ont été
obligés d'être approvisionnés par la SDI, une compagnie du
système formel. A la commercialisation, c'est le distributeur qui leur
imposerait le circuit dans lequel ils doivent vendre leur coton. Tout le jeu
semble ainsi être joué par les distributeurs d'intrants qui
détiennent la «force» du système. Les producteurs
restent les maillons faibles parce qu'ils disposent d'un faible contrôle
du secteur intrant.
5.2.3.8 Performance du système de financement du
secteur cotonnier
Jusqu'à la levée du monopole de l'Etat, les
activités de production et la commercialisation du coton étaient
financées par trois principales sources :
- Prêts aux distributeurs d'intrants pour leur permettre
d'importer les intrants, dont la SONAPRA garantissait le recouvrement aux
banques ayant consenti les prêts, grâce à son monopole sur
le coton graine.
- Prêts aux compagnies d'égrenage pour leur
approvisionnement en coton graine auprès de la SONAPRA. Dans certains
cas, ces compagnies peuvent recevoir du coton à crédit et
rembourser la SONAPRA après la vente des fibres.
- Crédits de campagne pris par la SONAPRA auprès
des banques pour assurer le paiement des producteurs, après
déduction des coûts des intrants.
Ces différents éléments du système
de financement du secteur qui reposaient sur la situation de monopole de la
SONAPRA se sont avérés assez performants pour la
sécurisation du crédit intrant. En effet, les crédits de
campagne de la SONAPRA ne comportaient aucun risque parce que, d'une part, ils
étaient accordés sur la base de la production nationale et
d'autre part, en l'absence d'autres acheteurs, la société
cotonnière n'avait pas à craindre de concurrence au niveau de
l'approvisionnement en coton graine.
Le mécanisme de recouvrement des intrants était
alors assez efficace non seulement à cause du monopole de la SONAPRA
mais aussi parce que les acteurs engagés dans la filière
étaient peu nombreux. Mais cette performance du système
n'était pas sans effets pervers, très coûteux.
Le fait que la SONAPRA garantisse entièrement le
crédit aux distributeurs d'intrants a non seulement peu incité
ces acteurs à mieux gérer leurs ressources, mais a aussi
encouragé l'entrée sur le marché d'intrants, d'acteurs peu
qualifiés sous protection politique. A cause de cette situation, le
système de distribution d'intrants s'est détérioré
avec des pertes financières répétées au niveau de
la SONAPRA.
Au niveau des compagnies d'égrenage privées, la
livraison entièrement à crédit, du coton graine a
entraîné non seulement des retards considérables dans le
paiement des producteurs mais aussi des «manques à gagner»
fréquents pour la SONAPRA.
Tout le système se retrouve ainsi dans l'impasse,
coincé entre les dettes au niveau de la société
cotonnière et les intérêts des acteurs en place
(égreneurs, distributeurs d'intrants et responsables des
sociétés publiques).
5.2.3.9 Performance de la dynamique institutionnelle de la
filière
Le secteur cotonnier béninois a connu de nombreuses
réorganisations conduisant aujourd'hui à sa
libéralisation.
Dans un premier temps, l'élément marquant de la
dynamique institutionnelle a été l'organisation de la
filière sous une forme intégrée de l'amont à l'aval
autour de sociétés d'Etat. Cette organisation a permis de
sécuriser l'environnement socio-économique des producteurs en
matière d'approvisionnement à crédit et de
commercialisation du coton graine. Ainsi, l'obstacle de l'accès au
crédit a été surmonté pour les petits prêts,
à court terme pour l'achat d'intrants, dans le cadre d'une caution
solidaire de groupes de producteurs et de la sécurisation du
remboursement lors de l'achat du coton graine. De même, les
itinéraires techniques cotonniers ont été mis à
disposition de la vulgarisation grâce à la collaboration entre les
sociétés agro-industrielles cotonnières et la recherche ;
Malheureusement ces appuis
se sont très vites essoufflés, comme le note
aussi Dévèze (2004) faute de financement sécurisé
et d'une étroite association à l'innovation des producteurs.
Face à ces divers obstacles, de nouvelles orientations
ont été prises dans le secteur. En cas de réussite, ces
réformes entreprises dans le cadre de sa libéralisation,
renforceront la compétitivité de la production nationale sur les
marchés internationaux et permettront au pays de
bénéficier de l'augmentation probable de la demande mondiale du
coton. Cette augmentation de la productivité et de la
compétitivité devrait se traduire par des revenus plus
élevés dans le secteur. Ainsi, plus de transparence et
d'efficacité dans la gestion de la filière entraînerait
à coup sûr une meilleure redistribution des revenus, non seulement
dans le secteur coton mais aussi dans les autres secteurs productifs tant dans
le monde agricole qu'ailleurs.
Si à ces débuts, la réforme était
avant tout, une réaction à une crise majeure dans la
filière, elle a dépassé ce stade et l'on assiste
aujourd'hui dans le secteur, à une profonde crise de confiance entre les
acteurs. Certains distributeurs d'intrants n'acceptent plus les règles
et procédures d'agrément et mettent en place des intrants hors
système. Dans le même temps, certains égreneurs
achètent du coton graine soit auprès des OP qui se sont
retirées de l'Interprofession. En clair, comme le fait remarqué
Berkani (2002), le système se retrouve dérouté de sa ligne
de départ et asphyxie tous les acteurs. Certains groupes jugent ainsi
que les autres ne leur donnent pas leur part d'intérêts qu'ils
méritent, et ils s'en approprient alors en dehors du système
reconnu par l'Interprofession, fragilisant ainsi le mécanisme.
Le clivage des groupes qui débouche aujourd'hui sur la
désorganisation du secteur ne serait survenu si l'Etat jouait le
rôle qui lui a été confié dans le cadre de ces
réformes. L'environnement peu spécifié dans lequel a
été conduite cette libéralisation, a entretenu tous les
débordements observés actuellement dans la filière.
5.2.3.10 Les enjeux autour de la privatisation de la
SONAPRA
Le projet de privatisation de la SONAPRA a en effet
été annoncé par le gouvernement, dans le cadre de la
restructuration du secteur coton depuis 2000. Mais, c'est seulement en Juin
2003 qu'un appel d'offres a été lancé pour
sélectionner les adjudicataires. Or, cet appel d'offres a vite
été interrompu puis annulé par le gouvernement parce
qu'étant perçu comme peu transparent et trop avantageux pour
certains opérateurs au détriment d'autres. Après
révision de la procédure de privatisation des outils industriels
de la SONAPRA, l'appel à la manifestation d'intérêt
lancé par le Ministère du Plan, de la Prospective et du
Développement (MCPPD) prévoit la cession des usines en quatre
lots d'actifs distincts.
En réalité, de nombreuses compagnies reconnues
être des débiteurs de la SONAPRA, enregistrées comme
soumissionnaires aux appels d'offres ont été
écartées du marché par la commission de
dénationalisation. Face à cet acte, la commission aurait
été dépossédée du dossier par des
responsables politiques au profit d'une commission interministérielle.
On pourrait percevoir une volonté de ces responsables de faire racheter
des débiteurs dans le groupe des soumissionnaires. C'est à dire
que tout semble avoir été fait, avec la bénédiction
de hauts responsables, pour permettre à certains soumissionnaires
débiteurs de se tirer d'affaire et de se retrouver parmi les
adjudicataires. Mais quel peut bien être les intérêts qui
soutendent la volonté politique qui veut toujours faire racheter les
débiteurs de la société ? est-ce pour des buts politiques
ou mieux des intérêts économiques ?
Au bout de nombreuses tractations, la commission a pu
identifier quatre soumissionnaires (Sci de Kagnassy pour le lot 1, Promodec de
Talon pour le lot 2, de Jbi-Sa filiale d'un groupe Suisse pour le lot 3 et
enfin Cdi de Christopher pour le lot 4). On pourrait se croire au bout du
tunnel puisque la situation des appels d'offres a été finalement
décantée au niveau des soumissionnaires si l'affaire Jbi-Sa
n'avait pas resurgi. Alors que cette société a été
retenue sur la dernière liste des commissionnaires, ses
difficultés ont commencé lorsque la banque qui devrait lui servir
de caution n'a pu honorer ses engagements dans les délais prescrits par
la commission de dénationalisation. Désormais dans l'impasse, ce
soumissionnaire ne pouvait plus rien faire d'autre que de recourir aux grands
moyens. La commission était face à cette situation quand lui
parvient la lettre du gouvernement qui demandait un moratoire de 20 jours
à Jbi-Sa. Mais pourquoi cette faveur spéciale à Jbi-Sa
?
L'intervention du gouvernement aurait été
surtout décidée par la présence dans l'ombre de Jbi-Sa de
l'un de ses proches, un homme d'affaire que l'on cite parmi les gros
débiteurs de la SONAPRA (Tossou, 2004). Cette notification devrait
amener la commission de dénationalisation à violer ses propres
textes, donnant ainsi des prétextes de nouvelles revendications aux
soumissionnaires qui avaient déjà été
définitivement écartés. La forte implication des
politiciens témoigne des multiples enjeux du secteur coton.
Mais la commission vient de passer outre cette instruction du
gouvernement parce que voulant respecter scrupuleusement les dispositions du
règlement d'appel d'offres. Elle a jugé scandaleux et plein de
risques pour l'Etat, le « piétinement » jusqu'à un tel
point des « règles établies ». La commission a dû
notifier la défaillance de la Jbi-Sa et a fait appel au commissionnaire
immédiat du lot 3. Ainsi la société Sofidec de Tankpinou
vient d'être repêchée et devrait faire partie
désormais des soumissionnaires définitivement retenus dans le
cadre de la privatisation de la SONAPRA.
Reste à voir si cette compagnie ne serait pas
confrontée aux mêmes difficultés que JbiSa quant à
la caution bancaire et aussi quelle pourrait être la réaction du
gouvernement dont les instructions en faveur du Jbi-Sa ont été
passées outre.
6. EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LE SYSTEME DE
PRODUCTION
Les réformes actuelles ont engendré des
mutations dans le secteur cotonnier. Nous avons évalué dans ce
chapitre l'impact de ces réformes sur les acteurs et aussi le niveau
d'avancement qu'à connu le secteur par rapport au système
centralisé avec l'Etat au centre de toutes les activités.
6.1 La libéralisation du secteur cotonnier : la
solution attendue ou une impasse pour les acteurs du secteur ?
Il a été tout à fait normal de revoir les
mécanismes d'intervention étatiques autrefois en vigueur dans le
secteur cotonnier, mécanismes qui donnent un monopole à la
SONAPRA, eu égard au manque d'efficience, d'effectivité et
d'équité. La nécessaire restructuration du secteur
pourrait cependant prendre différentes formes qui vont de la
privatisation totale à la restructuration des offices publics de
commercialisation, sans remise en cause des principes de base de «
l'approche filière ». De nombreuses études (Ton, 2001 ;
Dévèze, 2004) ont montré que cette approche a joué
un rôle décisif dans le développement rural, en Afrique de
l'Ouest.
Face au bilan déficitaire du secteur coton au cours des
années 80, les organisations de producteurs et le secteur privé
ont été jugés capables d'assurer la coordination et
l'exécution des activités et d'augmenter ainsi les
bénéfices des producteurs. Mais de tels changements dans
l'organisation du secteur ne garantissent pas que les producteurs puissent
obtenir une juste part des revenus et profits du secteur.
La libéralisation a favorisé l'implication de
plus en plus, des producteurs dans des aspects pratiques des activités
du secteur. Mais, leur participation aux décisions, au suivi, au
contrôle, à la fixation des prix reste encore très
limitée (Ton, 2001). Jusqu'à présent, les organisations
paysannes ont eu une petite place au sein des débats concernant l'avenir
du secteur : elles ont été toujours considérées
comme des « receveuses de politiques »1plutôt que de
véritables partenaires.
Avec l'entrée des nouveaux acteurs privés, il
paraît maintenant plus difficile de coordonner les diverses
activités du secteur. Le marché du coton graine n'est plus
transparent qu'hier et des problèmes de planification apparaissent tout
au long de la chaîne de production. Cette restructuration
institutionnelle a plus que jamais dessoudé les relations entre
différents
1 Nous empruntons cette expression à Oloulotan
(2001)
groupes d'acteurs en créant au sein de chaque groupe,
des catégories de « mécontents ». Ces diverses
catégories ont utilisé la faille ou les marges de manoeuvre du
réseau original pour mettre en place des circuits dissidents pour servir
leurs intérêts. Ainsi, au niveau de la filière, chaque
acteur essaie de « tirer le drap de son côté » compte
tenu du fait que les intérêts en jeu sont importants.
Cette libéralisation qui devrait permettre à
l'Etat, de faire des gains de devises, n'a pas su diminuer l'appétit des
différents acteurs, tant au niveau de l'Etat, qu'au niveau des groupes
professionnels, à utiliser les revenus du secteur à d'autres
fins. Si l'ouverture de la filière, avec l'éclatement du monopole
de l'Etat, a permis de créer d'emplois pour plusieurs autres acteurs (
des postes dans les nouvelles institutions mises en place, dans les compagnies
privées), elle n'a pas manqué de faire perdre aussi de nombreux
intérêts à l'Etat. Les revenus que généraient
ces compagnies autrefois à l'Etat se limitent aujourd'hui seulement aux
taxes et impôts qu'il doit prélever maintenant au niveau de ces
compagnies. Mais vu le fait que la politique s'en est mêlée et les
responsables de certaines compagnies privées sont sous protection
politique, donc pouvant se passer de payer ces impôts à l'Etat, il
n'est pas évident que la situation économique du secteur soit
meilleure à celle d'avant libéralisation. Au mieux, cette
situation pourrait arranger un petit groupe d'acteurs au détriment de la
grande masse des producteurs qui doivent faire face à des coûts de
production, sans cesse croissants, amenuisant ainsi leur revenu.
En général, la politique de
libéralisation du secteur semble ne pas encore lever le goulot
d'étranglement au niveau de la filière. Elle ne
reste pas non plus sans impacts sur les divers compartiments de la
filière. Examinons alors les mutations engendrées par les
réformes sur les différents sous-secteurs de la
filière.
6.2 Recherche cotonnière
Avant l'entrée en jeu des nouveaux acteurs
privés, la recherche cotonnière était supportée par
l'Etat à travers la SONAPRA. A côté de cette source, la
recherche est aussi financée, pour une bonne part, par des institutions
étrangères (cas du CIRAD, partenaire Français). Mais ce
processus de libéralisation, avec le désengagement de l'Etat du
secteur cotonnier, n'a pas su définir, au niveau national, la structure
qui devrait prendre en charge le financement de la recherche cotonnière.
Dans ce climat d'incertitude qu'a laissé apparaître la
réforme institutionnelle amorcée après 1995, l'AIC s'est
trouvée contrainte de greffer cette charge sur son compte. La recherche
est alors supportée par les producteurs et les égreneurs
à
travers les fonctions critiques. Mais pour combien de temps
l'AIC va t-elle continuer à supporter la recherche ? Surtout que de plus
en plus, les dissidences au niveau des groupes professionnels ne permettent
plus à l'Interprofession de récupérer entièrement
les fonctions critiques chez tous les acteurs. Dans ce cas, la recherche
serait-elle seulement orientée vers les groupes qui continuent de verser
les fonctions critiques à l'Interprofession ?
Avant la mise en place des réformes enclenchées
dans le secteur cotonnier, la recherche a souvent en vue, les pôles
d'intérêts des organismes de commercialisation (SONAPRA), et non
ceux des producteurs (Goreux et Macrae, 2003). Ainsi, la sélection des
variétés du coton aurait surtout été
concentrée sur l'amélioration des produits de l'égrenage
et des caractéristiques du coton brut, plutôt que sur les
résultats au niveau du champ. Mais avec la réforme actuelle
où les producteurs participent aussi au financement de la recherche,
à travers les fonctions critiques, elle se doit de satisfaire aussi les
exigences de ces catégories. Il s'agit d'identifier des
variétés d'une part, avec de bonnes performances à
l'égrenage (longue fibre, taux d'égrenage élevé)
pour satisfaire les attentes des égreneurs et d'autre part à haut
rendement et résistantes aux attaques parasitaires, ce qu'exigent les
producteurs. La recherche se trouve partagée entre les exigences de ces
deux groupes d'acteurs.
La nouvelle variété introduite depuis 2002, la
H.289.1 qui a remplacé la STAM-1 8-A, semble ne pas prendre
entièrement en compte, les intérêts de chacune des deux
parties. Elle ne donne pas des fibres aussi longues que l'auraient voulu les
égreneurs mais par contre, elle a un bon rendement au champ, mais plus
sensible aux attaques. En attendant la mise au point de la
variété qui satisferait toutes les attentes, on ne peut que
saluer les efforts consentis par la recherche.
Les objectifs de la recherche varient suivant les
intérêts des bailleurs. Si les distributeurs d'intrants
participent au financement de la recherche, elle pourrait alors s'orienter vers
les intérêts de ceux-ci : favoriser l'écoulement de leurs
produits quels que soient leur qualité et leur prix, alors que les
producteurs auraient davantage besoin de techniques agricoles utilisant peu ou
pas d'intrants chimiques. Dans tous les cas, la recherche se doit de faire face
à des intérêts divergents et pour la maintenir dans une
position objective, avec le souci d'améliorer la production et la
situation économique des producteurs, elle devrait avoir des fonds
garantis ou elle serait appuyée par des structures neutres.
6.3 Vulgarisation agricole
La vulgarisation a été identifiée comme
l'un des instruments de promotion du développement agricole. Elle est
chargée de mettre les technologies développées par la
recherche à la disposition des paysans pour favoriser un changement
technologique nécessaire à une amélioration de leurs
conditions de production et de vie. Au Bénin, la vulgarisation a
été très tôt l'oeuvre exclusive des services
publics. Ainsi, les CARDER étaient fortement impliqués dans la
filière coton jusqu'au début des années 90. Ils assuraient
la formation des producteurs, la vulgarisation des technologies agricoles et le
suivi-évaluation.
Mais le gel de recrutement d'encadreurs et d'agents de
vulgarisation compétents, suite au désengagement progressif de
l'Etat et à la restructuration des services agricoles, a amené
une diminution de l'effectif des agents des CARDER (Vodouhè et Tovignan,
2003). Dès lors, les Carder n'arrivent plus à effectuer un
encadrement agricole proprement dit, c'est-à-dire en qualité et
en quantité. Le nombre de producteurs par agents est devenu très
élevé, ce qui limite leur efficacité sur le terrain.
Actuellement, seulement les techniciens recrutés par l'AIC s'improvisent
«vulgarisateurs» dans le secteur agricole; ce qui fait que, d'abord,
vu l'effectif insuffisant et la qualification inadéquate des agents, le
producteur se trouve obligé de se
débrouiller tout seul.
Avec la professionnalisation de la vulgarisation où,
les services techniques recrutent eux même les agents chargés de
faire la promotion de leurs prestations, toutes sortes de messages passent
facilement dans le système agricole. La Société de
Distribution Intercontinentale (SDI), dans sa volonté d'être plus
présente dans le secteur des intrants et sans doute, dans sa
stratégie de se positionner comme un acteur incontournable, a
signé avec le ministère de l'agriculture un contrat l'autorisant
à intervenir dans l'encadrement des producteurs. Cet encadrement de
proximité porte sur l'amélioration des conditions d'utilisation
des intrants agricoles par les producteurs. A cet effet, la
société recrute des agents appelés Agents Polyvalents de
Vulgarisation SDI (APV-SDI) qui interviennent au niveau de toutes les cultures
en générales et celle du coton en particulier. Cette assistance
pourrait être plus à but commercial qu'à caractère
éducatif.
Le secteur cotonnier a besoin d'agents de vulgarisation
qualifiés du fait de ses nombreuses exigences : la production
cotonnière demande des semences spécifiques à chaque
campagne de même que les intrants chimiques. Il faut alors un personnel
d'encadrement spécialisé pour orienter les producteurs suivant
les itinéraires indiqués.
6.4 La stabilisation et le soutien des prix de coton
Né dans le cadre de la libéralisation de la
filière coton dont il a été la cheville ouvrière,
l'Office National de Stabilisation et de Soutien provient de l'ancienne
Direction de la Caisse de Stabilisation de la SONAPRA, elle-même
héritière de l'ex-Fonds Autonome de Stabilisation (FAS).
Les mesures de réorganisation financière ont
conduit au retrait de la fonction de stabilisation et de soutien à la
SONAPRA et à son transfert à une structure qu'est l'ONS. Cet
office a à charge :
- De garantir l'équilibre financier de la filière
coton pour en assurer la pérennité.
- D'assurer et de gérer les ressources provenant des
surplus dégagés par la filière en veillant à leur
sécurité, à leur disponibilité et à leurs
rendements.
- De contracter et de rembourser les emprunts
nécessaires au soutien du prix de revient plancher de la fibre de
coton.
Le marché mondial des produits agricoles est
dominé par quelques grands producteurs qui sont, le plus souvent les
gros consommateurs de ces produits. Afin de protéger les producteurs
locaux contre les très grandes variations du prix d'achat du coton
graine, il est donc nécessaire d'envisager un mécanisme qui d'une
part, protège ou soutient les prix d'achat des produits agricoles et par
conséquent le revenu des producteurs contre les caprices du
marché international et d'autre part, évite que la SONAPRA
enregistre des pertes qui risquent de mettre en péril l'avenir de la
filière.
Dans le cadre de la restructuration de la filière, une
étude de la Banque Mondiale conduite par Wadell, étude qui sert
aujourd'hui de socle au fonctionnement de la filière, a montré
que le stock des fonds de stabilisation et de soutien pourrait être
limité à 10 milliards de francs CFA. Selon cette étude, le
soutien apporté aux producteurs à travers les plus-values
pourrait être greffé directement sur le prix d'achat du coton aux
producteurs.
Les fonds de stabilisation ont été
constitués seulement par la SONAPRA à la suite des marges
dégagées du placement de la fibre sur le marché
international. Les usines privées n'ont pas accepté participer
à la constitution de ces fonds. Aujourd'hui, seule la SONAPRA
bénéficie encore d'un appui de l'Office en début de
campagne et aucun soutien n'est apporté aux producteurs, comme le
soutien est intégré déjà aux prix d'achat du coton
graine.
L'objectif de cette étude de Wadell était de
faire bénéficier tous les paysans, des fruits de la production.
En réalité, dans les zones de production, les plus-values
dégagées de la commercialisation du coton sont utilisées
pour les fonctionnements des mouvements paysans et pour les réalisations
socio-communautaires (construction d'école, de centres
médicaux,).
Ces fonds participent plus au développement de la
localité qu'à un quelconque développement individuel des
producteurs.
Actuellement, les attributions de l'office font l'objet de
vives contestations avec l'Interprofession. Cette dernière
réclame les fonctions de soutien assurées par l'office. Pour
certains, la gestion des fonds de stabilisation constitués par la
SONAPRA serait en vue au niveau de l'Interprofession. Alors que ces fonds sont
détenus par la SONAPRA qui les exploite à chaque campagne pour
engager la commercialisation et verser les intérêts à
l'office.
6.5 La libéralisation de la filière et le
transfert de pouvoir aux mouvements paysans
Avec le projet de libéralisation du secteur cotonnier,
l'Etat s'est engagé à transférer un certain nombre de ces
fonctions aux organisations paysannes, dont les activités de production
et de commercialisation. Mais le transfert de pouvoir aux producteurs a t-il
changé leur position de «subordonné» dans le
système coton ?
6.5.1 Les producteurs et la fixation du prix du
coton graine
Le prix du coton est généralement fixé,
à l'ouverture de la campagne de commercialisation, par des
comités nationaux formés de représentants du gouvernement,
de l'organisme public de commercialisation et d'organisations de
producteurs.
Les prix aux producteurs dépendent pour une large part,
du prix du coton sur le marché mondial et de la rentabilité des
activités de transformation et de commercialisation du coton. Le prix du
coton graine est aussi influencé par les contextes politiques. Ainsi, en
1998- 1999, le prix aux producteurs a été fortement
influencé par les enjeux électoraux, passant ainsi de 165 F (en
95-96) à 200 F (en 97-98) puis à 225 F(en 98-99), le prix le plus
culminant de toute la série, depuis la production du coton au
Bénin.
Malgré l'implication des producteurs dans ces processus
de fixation des prix du coton, la tendance est restée constante. Ainsi,
le partenariat entre les acteurs dominants de la filière et le paysannat
se trouve déséquilibré et les producteurs ne parviennent
pas à influencer les décisions ou même à se faire
entendre pour défendre leurs propres intérêts. Les
producteurs sont alors contraints à subir toutes ces décisions
prises pour eux et « avec eux » mais sans une réelle
intégration ou un véritable pouvoir pour influencer le
système. Ainsi, ils se trouvent obligés, dans le cadre de la
restructuration du secteur, d'intégrer les prises de décisions ;
mais quand il s'agit de défendre les intérêts des acteurs
représentés, on pense que là n'est pas leur rôle.
Il s'agit là d'un véritable paradoxe qui
caractérise les pratiques des acteurs dominants de cette filière
où il semble que le paysan ne peut être à la fois «bon
à produire» et «bon partenaire» avec qui on devra
négocier (Oloulotan, 2001). Ce paradoxe traduit assez bien le climat qui
règne actuellement au sein du monde de développement en ce sens
que, si certaines personnes pensent que les responsables paysans peuvent (ou
doivent) contribuer avec efficacité à la bonne gestion de leur
filière, d'autres, très attachées à une logique
très ancienne de répartition des rôles au sein de la
filière, ne font pas d'effort pour accepter que les paysans soient
capables de prendre en main leur destin.
Est-ce que les mouvements paysans peuvent influencer les prix
des intrants agricoles ? La forte dépendance des intrants coton et du
système de crédit d'intrants, fait en sorte que la filière
coton est très susceptible à des troubles d'ordre organisationnel
ou institutionnel. Si ces intrants arrivent tard dans la saison ou s'ils sont
de mauvaise qualité, la production en prend un coup.
Conscients de cette position clé qu'ils occupent dans
la filière, les distributeurs d'intrants n'entendent pas négocier
le prix des intrants avec les producteurs. Les prix de vente des intrants sont
fixés par une commission et homologués par le gouvernement
après transmission des propositions de prix. Dans le système, les
producteurs, tout comme dans le cas de la fixation des prix d'achat du coton
graine, n'ont pas une force déterminante pour influencer les prix. Le
désengagement de l'Etat a certes donné des droits aux
organisations paysannes, mais ils semblent ne pas être acceptés
par les autres acteurs, les plus dominants du système.
6.5.2 Effets de la réforme sur le
bien-être des producteurs de coton
Les achats de coton cumulés pour les trois campagnes
ont généré près de 205 milliards de F CFA
versés à divers acteurs de l'économie nationale (CAPE,
2004). Environ 60% de ce montant, soit 123 milliards sont allés
directement vers les producteurs dans le cadre du paiement du coton vendu. La
différence, soit 82 milliards de F CFA est allée vers le secteur
de la distribution des intrants agricoles.
Au titre des ristournes payées toujours aux
producteurs, environ quatre milliards ont été versés
à ceux-ci.
De façon analytique, le cumul des revenus primaires
(à l'endroit des producteurs) déversés dans la
filière chaque année se chiffre en moyenne à plus de 45
milliards. Cette importante somme doit avoir une incidence sur le niveau de vie
des producteurs si elle est bien utilisée. Quant aux ristournes et frais
de prestation de service, ils sont destinés à assurer
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali19.png)
20
15
10
5
0
Petits prodcteurs Gros producteurs
6 trait à dose normal Moins de 6 trait Plus de 6 trait
Traitements
le fonctionnement des OP et à la réalisation
d'infrastructures socio-communautaires.
Les réformes entamées (censées profiter
aux producteurs), n'ont pas permis d'améliorer le prix d'achat aux
producteurs. Le prix au producteurs est resté sensiblement stable
(autour de 200 F) alors que le prix des intrants et celui du coton sur le
marché international ont fortement varié, avec une tendance
à la hausse. Les réformes entamées ne semblent pas
améliorer le bien-être des paysans. Dans tous les cas, la question
majeure qui préoccupe tous les acteurs de la vie économique est
de savoir quel sera l'avenir du secteur après sa libéralisation
complète. D'aucuns pensent que la libéralisation de la
filière exposerait les producteurs de coton à des risques
liés au secteur et particulièrement la volatilité des
cours mondiaux du coton pouvant leur être préjudiciable. Par
contre la Banque Mondiale (Baffès, 2002) est plus optimiste et elle
pense qu'une réforme bien conduite et transparente du secteur cotonnier
améliorerait sa contribution au développement économique,
en particulier au développement des zones rurales à travers une
amélioration du prix au producteur (une réduction de
l'écart du prix aux producteurs au prix international).
6.6. Impacts de la libéralisation sur les pratiques
agricoles en coton: cas du contrôle des ravageurs
6.6.1 Méthode de contrôle des
ravageurs avant la libéralisation
Selon les investigations menées au niveau des
producteurs, il existait seulement une approche de contrôle des
ravageurs. La lutte classique est la seule pratiquée dans toutes les
exploitations de production cotonnière. Mais dans l'application de ce
mode de contrôle des ravageurs, les producteurs ne respectent pas les
doses et les dates d'application.
L'analyse de la figure montre que les petits producteurs
respectent plus les six traitements recommandés que les gros producteurs
; ceci pourrait se justifier par le fait que les petits producteurs se
consacrent plus à leurs exploitations pour se garantir au moins un
minimum de rendement. C'est la tendance générale que traduit la
figure.
Les producteurs qui vont au-delà des six traitements
convenus ne respectent pas les doses recommandées. Ils fractionnent les
doses et répartissent ainsi les traitements sur une
longue période.
6.6.2 Méthode de contrôle des ravageurs
après la libéralisation
Au niveau de cette rubrique, nous distinguerons la
période avant la campagne 2001-2002 (où ont commencé les
dissidences dans les groupes professionnels) et la période après
cette situation.
6.6.2.1 Période avant la campagne 2001-2002
Pendant cette période, deux méthodes de lutte
cohabitent dans le milieu d'étude. Suivant l'objectif de
réduction des coûts de production que s'est fixée la
réforme, la LEC a été identifiée comme un moyen de
lutte efficace. Très rapidement elle s'est répandue dans les
zones cotonnières. Ainsi, dans la zone d'étude, tous les
producteurs enquêtés qui sont restés dans le GV ont au
moins une fois appliqué les produits LEC dans leur champ de coton.
Mais la politique de réforme n'a pas mis en place des
mesures pour encourager cette pratique. Il n'y a pas un système
précis qui définit le mode de mis en place de ces intrants.
6.6.2.2 Période après la campagne
2001-2002
Avec la naissance des dissidences entre les groupes
professionnels, parce que ne retrouvant plus les intérêts en jeu,
les réseaux parallèles ont vu le jour. Les producteurs qui se
sont retrouvés dans ces groupes n'ont plus accès à la
technologie de la LEC. Il y a alors une reconversion de la pratique de
contrôle des ravageurs. Ceux qui utilisaient cette technologie se sont
trouvés contraints à renouer avec la pratique classique (histoire
de vie 2).
En effet, les distributeurs d'intrants qui alimentent ces
réseaux ne mettent plus en place ces intrants LEC parce qu'ils ne leur
sont pas aussi rentables que ceux exigés par la lutte classique. La
technologie est certes utile pour les producteurs mais les distributeurs ne
trouvent pas leur compte. La réforme n'a pas su
définir des mesures pour encourager l'importation de ces intrants. Les
producteurs se retrouvent avec un goulot d'étranglement : ils ne peuvent
plus retourner dans le système GV pour prendre les intrants parce que
d'une part, ce système ne les arrange pas (retard du paiement des fonds
coton, mauvaise gestion des cautions solidaires qui entraîne des
impayés) et d'autre part, leurs productions sont d'avance
destinées à des compagnie précises (SODICOT pour FENAPRA
et MCI pour AGROP) et ils ne peuvent pas bénéficier des intrants
souhaités dans le réseau d'appartenance.
6.6.2.3 La LEC en front avec les intérêts des
distributeurs d'intrants
Les coûts des traitements chimiques varient suivant les
groupements: au niveau des réseaux FUPRO et FENAPRA, les coûts
s'élèvent à 49.500F et à 38.000F dans le
réseau AGROP (au cours de la campagne 2004-2005). Dans le même
temps, les traitements LEC sont estimés à 23.770F, soit en
moyenne 50% des traitements classiques dans les divers réseaux. Pendant
que cette technologie améliore la situation des producteurs en diminuant
les charges de production, elle ne semble par réconcilier tous les
acteurs, en particulier les distributeurs d'intrants. Les intérêts
tirés sur 1 Ha de traitement classique dépassent de loin ceux
générés par le traitement sur seuil (LEC) aux
distributeurs d'intrants, parce que dans ce cas, la quantité de produits
utilisée est faible (3 l au lieu 7 l dans le traitement classique). Ce
manque à gagner au niveau de ces intrants, a fait que cette
année, les distributeurs n'ont pas commandé ces intrants, bien
qu'ayant pris des engagements fermes auprès de la recherche pour assurer
la mise en place.
Cette rupture dans le processus d'adoption de la technologie,
rupture qui a marqué plusieurs paysans, pourrait constituer un frein
dans sa diffusion. Les paysans pourraient rester méfiants de la
technologie parce qu'ils se disent, suite à la non mis en place de ces
intrants, « avoir été trahis par l'Etat». En effet, il
a été montré par Rogers (1983) que la perception que les
paysans ont d'une innovation reste un élément déterminant
de son adoption. Si déjà, ils perçoivent une trahison de
l'Etat dans la technologie, ils pourraient se réserver quant à
son utilisation. Ainsi, la non disponibilité de ces intrants vient de
«briser» le pont entre paysan et l'innovation.
7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES
ACTEURS
7.1 Attentes des acteurs
7.1.1 Attentes des producteurs
Les producteurs constituent les maillons les plus importants
de la filière coton. Ils ont placé beaucoup d'espoir dans la
conduite des réformes au regard des situations vécues dans le
passé (mauvaise gestion des intrants agricoles dans les GV,
détournements des fonds coton par les secrétaires GV,...). En
effet, le cycle répétitif de la dégradation des cours sur
le marché et le faible niveau d'implication des producteurs dans la
gestion de la filière sous les services publics ne leur ont pas garanti
un revenu décent et stable dans le temps. Les attentes des producteurs
se résument à l'amélioration de leur revenu donc de leur
niveau de vie qui se traduit essentiellement par :
- Le paiement des différentes recettes à leur
profit dans les délais raisonnables
- Le démarrage de la campagne de commercialisation
à temps
- L'implication des producteurs dans la fixation des prix dans un
cadre de concertation et sur base d'un consensus pour garantir un prix
rémunérateur
- La transparence dans la gestion des activités de la
filière
- La mise en place des intrants, de bonne qualité,
à bonne date et à un prix raisonnable
7.1.2 Attentes des distributeurs
d'intrants
Les attentes de ces acteurs se résument à:
-au renforcement de la capacité des OP à mieux
participer à la mise en place des intrants par une bonne expression des
besoins en intrants et une meilleure centralisation des commandes et des
facturations des mises en place dans les GV/GP.
- au non-retour des stocks d'intrants par les GV, une fois la
mise en place faite conformément aux bons de commandes fermes.
- au dénouement du crédit intrant mis en place en
respect de la réglementation en vigueur au niveau des banques.
Les résultats sont en général
intéressants car, le crédit intrant a été toujours
dénoué à 100% et avant le 31 décembre,
conformément au principe retenu. Toutefois, les retours de stocks
d'intrants continuent d'avoir cours, malgré la notion de bons de
commande ferme,
obligeant souvent les distributeurs d'intrants à
concéder les avances sur report à
certains groupements afin de leur permettre d'honorer leurs
engagements vis-à-vis des producteurs.
7.1.3 Attentes des
égreneurs
Les égreneurs attendent d'exercer leurs activités
dans les conditions normales telles
que :
- Démarrage à temps de la campagne de
commercialisation
- L'approvisionnement des usines à leur capacité
nominale, sur la base d'un plan d'évacuation qui tient compte des
réalités du terrain (production nationale, détournement
des chargements,) - L'acceptation d'un prix consensuel et négocié
de tous les acteurs de la filière.
7.1.4 Attentes de la recherche
Pour les acteurs enquêtés au niveau de la
recherche, la « filière est malade parce qu'il y a trop de
laisser-aller ». Malgré le tropisme actuellement favorable à
la libéralisation, le gouvernement devrait s'impliquer davantage dans le
domaine des intrants du coton, en régulant et en sanctionnant les
opérateurs indélicats. Il s'agit pour le gouvernement de
s'investir davantage dans la recherche et le développement, en
partenariat avec les organisations de producteurs tout en veillant au respect
des principes de base de gestion de la réforme dans le secteur.
Si les responsables, à différents niveaux s'y
engageaient de manière transparente, des mesures de régulation et
de contrôle mises en oeuvre par l'Etat pourraient réduire
effectivement les divers risques liés à la production et
améliorer la situation économique des paysans.
7.2 Appréciation de la portée de la
réforme du secteur coton
L'appréciation de la réforme peut être
évaluée par rapport à la qualité des services
offerts, à la qualité de la production, à
l'efficacité du système ou par rapport aux acteurs. Dans cette
étude, nous concentrerons notre analyse sur l'appréciation de la
performance de la réforme par rapport aux différents acteurs du
secteur.
7.2.1 Evaluation par rapport aux
producteurs
constituent le principal terreau auquel le sous-secteur
cotonnier doit son développement. Cependant de nombreuses interrogations
subsistent par rapport aux capacités des OP à vraiment contribuer
au succès des réformes.
En absence d'autres filières organisées, le
constat qui se dégage depuis la mise en place de la FUPRO fait
apparaître que cette structure ne trouve sa raison d'être que dans
la culture du coton. Même si quelques fois, des efforts ont
été entrepris pour intervenir dans d'autres filières comme
celles des cultures vivrières, de l'ananas, de la production animale, il
est difficile pour la FUPRO de ne pas paraître comme une OP
faîtière présente dans la filière coton. Cela
s'explique d'une part par le fait que cette filière est la mieux
organisée dans le pays. En clair, toutes les activités de la
FUPRO sont exclusivement concentrées sur la production
cotonnière. Les ressources que nécessite cette structure doivent
provenir de cette spéculation à moins d'être appuyée
par des subventions extérieures. La filière se trouve alors
asphyxiée parce que, contrainte à supporter plusieurs acteurs. Si
les réformes engagées avaient favorisé une diversification
des spéculations, les multiples parties qui se ruent aujourd'hui vers le
coton, parce qu'étant le seul créneau porteur en matière
de filière, seraient orientés vers d'autres secteurs.
S'il est vrai qu'une culture organisée sert de
locomotive pour d'autres filières, il n'en demeure pas moins qu'à
N'Dali, la situation reste tout autre. L'intérêt que le producteur
tire de cette spéculation, en dehors de sa recette, reste le canal des
intrants qu'ils utilisent, dans l'informel, pour d'autres spéculations
(cas des cultures maraîchères et du maïs). Mais
malheuresement, la production du maïs n'est pas valorisée et il s'y
prête juste une agriculture de subsistance. Avec cette stratégie,
il s'ensuit des impayés en fin de campagne, ce qui affecte en retour la
recette cotonnière. Le paysan se retrouve ainsi dans un cercle vicieux,
miné par les intérêts des puissants acteurs de la
filière coton béninoise.
En effet, avec la tendance à la baisse des cours du
coton sur le marché international depuis quelques années, la
filière traverse une crise aggravée par les résultats
observés suite au transfert de compétence aux organisations
paysannes. Il est tout à fait évident, que la forte
responsabilisation des organisations paysannes, depuis la gestion des intrants
jusqu'à la commercialisation primaire à fait naître des
crises de mauvaise gestion et de malversation. Constatons qu'avec les mutations
qui sont intervenues dans le secteur coton, les organisations paysannes
à tous les niveaux (GV, UCP, FUPRO), sont affaiblies par des
problèmes de gestion et de trésorerie qui sont liés d'une
part au système de gestion et de distribution des intrants coton et
d'autre part à la gestion des mécanismes de la commercialisation
primaire. Le problème d'endettement par crédit intrants est
monnaie courante pour les GV. Par contre,
les Importateurs-Distributeurs d'Intrants, quant à eux,
sont assurés du remboursement des crédits d'intrants à
part entière, grâce au système actuel géré
par la CAGIA, la CSPR et l'Interprofession.
Ces situations d'endettement sont entretenues par
l'inexistence de la notion de spécialisation en certaines cultures; ce
qui a favorisé des déviations dans la gestion des intrants dont
une forte proportion est bradée ou détournée sur les
cultures vivrières, sans autres dispositions pour en assurer le
remboursement du crédit.
La mauvaise application de la notion de caution solidaire a
servi de socle à la dilapidation des ressources collectives par une
minorité, le plus souvent les responsables de ces organisations
paysannes, démotivant ainsi plusieurs producteurs à la base.
Les disfonctionnements observés au sein des
organisations paysannes témoignent que ces acteurs à la base ne
s'étaient pas préparés à ces diverses missions qui
leur ont été assignées avec la réforme. Cette
incapacité à gérer efficacement ces nombreuses fonctions a
engendré des frustrations qui ont servi de tremplin à la
création des structures paysannes parallèles à la
FUPRO.
Cette approche scissionniste des structures paysannes, ne
saurait rien arranger dans cette filière qui a besoin du soutien de tous
ces acteurs, surtout dans le domaine si complexe de la commercialisation
primaire, où la sécurisation des intérêts des
producteurs tient une place de premier choix. Il est vivement conseillé
que les OP des divers réseaux tirent de cet environnement de conflit et
de clivage, des enseignements pertinents qui s'imposent pour une redynamisation
des groupements de producteurs à la base.
En effet, malgré ces nombreuses faiblesses
relevées suite à cette nouvelle orientation organisationnelle de
la filière, l'espoir reste encore permis surtout que le Bénin
fait partie des premiers pays à expérimenter cette politique de
libéralisation et de privatisation du secteur coton. Les
expériences acquises pourront servir pour la réorganisation et la
restructuration des paysans en groupements spécialisés dans la
culture cotonnière; ce qui apaiserait certaines inquiétudes,
notamment sur le plan de la gestion des biens collectifs.
7.2.2 Evaluation par rapport aux autres
acteurs
Avec cette politique de libéralisation-privatisation du
secteur, caractérisée par l'entrée en jeu des acteurs
privés, l'esprit capitaliste s'est développé chez les
opérateurs économiques. La course au profit, par tous les moyens
possibles, au détriment de la classe paysanne, reste alors
l'idéologie au niveau de ces acteurs.
Vu la forte dépendance du secteur des cours
internationaux assez fluctuants, la réforme n'a pas su définir un
appui de stabilisation aussi bien aux Importateurs-Distributeurs qu'aux
égreneurs afin de soutenir ces acteurs et de soulager les producteurs
des coûts de production sans cesse croissants.
Avec la nouvelle plaque institutionnelle qu'impose la
réforme, les acteurs privés notamment les distributeurs et les
égreneurs à la recherche d'intérêts, ne se sentent
plus libres pour mener leurs activités et une guerre
d'intérêts se développe entre ces groupes d'acteurs. Avec
le processus de privatisation des outils industriels en cours, processus
prévu par la réforme, le problème de conflit quant
à la répartition de la production nationale entre
égreneurs pourrait encore s'accentuer. Ces outils étant revenus
aux privés, tous les moyens seront mis en oeuvre pour chercher à
s'approvisionner au moins à la capacité nominale.
Mais toutes ces crises peuvent être jugulées si
chaque acteur prend en compte les principes de base qui régissent
l'organisation de la filière. Dans ce cas, l'espoir est permis et tout
le monde y trouvera son compte. Il reste que l'Etat affiche sa volonté
d'aller jusqu'à bout du processus de façon responsable en
réglant convenablement les divers problèmes qui se posent
à la filière. Une implication de l'Etat dans le secteur en
signant souverainement l'accord cadre qui doit intervenir entre
l'Interprofession et les autres acteurs pour la délimitation des
domaines d'intervention de chaque acteur limiterait les conflits actuels.
En observant les institutions qui assurent la gestion du
mécanisme actuel, il est facile de constater que les «responsables
des structures avant réformes» dont l'inefficacité a conduit
à ces réformes s'y retrouvent toujours.
En définitif, le mécanisme de gestion
imposé par la réforme n'est pas mal en soi. Elle peut permettre
de relever tous les défis qu'elle s'est fixés, seulement le mode
de gestion du mécanisme reste encore inapproprié.
8. PRODUCTEURS ET INNOVATIONS AGRICOLES COTONNIERES
Dans ce chapitre, nous aborderons les rôles de chaque
catégorie d'acteurs (recherche, vulgarisation et paysannat) dans la
génération des technologies agricoles. Nous nous baserons sur la
Lutte Etagée Ciblée (LEC), nouvelle technologie de contrôle
des ravageurs, actuellement en vulgarisation dans les milieux cotonniers.
8.1 Une forme de IPM dans le contrôle des ravageurs
au Bénin: la Lutte Etagée Ciblée
L'augmentation de la production nationale en coton (de 272.371
tonnes en 1993 à près de 400.000 tonnes en 2000 (OBEPAB, 2002))
rythme également avec le niveau de consommation de pesticides ( de
1.972.764 litres en 1993 à 2.314.127 litres en l'an 2000 (OBEPAB, op
cit)). L'utilisation de pesticides dans la production cotonnière
présente de sérieux risques aussi bien pour les producteurs que
pour l'environnement, ce qui impose la recherche de méthodes
alternatives de contrôle des ravageurs. D'où l'initiative de la
Lutte Etagée Ciblée expérimentée au Bénin
depuis 1988.
La Lutte Etagée Ciblée (LEC), telle qu'elle est
pratiquée au Bénin, constitue une méthode de
contrôle des ravageurs qui consiste à choisir et à
appliquer, si nécessaire suivant le calendrier habituel de traitement,
une ou plusieurs matières actives en concentré emultionnable
selon le degré d'infestation du champ observé.
> Avantages de la LEC
La technologie présente de nombreux avantages à
savoir :
Selon la recherche, la technologie rend les producteurs plus
aptes à reconnaître les ravageurs avec leurs dégâts,
de même que les types de produits avec les doses à appliquer selon
l'intensité des infestations. En concentrant plusieurs matières
actives, la LEC permet de faire efficacement face à la résistance
observée chez certains ravageurs dont le cas le plus frappant du
H. amigera dans les zones de forte production.
Du fait qu'elle soit appliquée sur seuil, la
technologie permet de limiter les nombreux dommages (intoxication, pollution)
causés aux producteurs et à l'environnement au cours des
traitements phytosanitaires.
Pour les producteurs, l'avantage la plus en vue au niveau de
cette technologie reste la réduction des coûts de traitement, ce
qui améliore les recettes de production en fin de campagne. Les
traitements LEC coûtent environ 24.000F contre 53.000F pour les
traitements classiques. Les producteurs manifestent un intérêt
à la technologie, non pas à cause de son
caractère de protection (des producteurs et de
l'environnement), mais plutôt à la réduction des charges de
production.
> Contraintes de la LEC
A côté de ces multiples avantages, la technologie
demande plus d'efforts aux producteurs. Elle impose l'obligation d'aller
observer les ravageurs au champ, la veille ou l'avant-veille du traitement afin
d'évaluer la charge parasitaire. Pour des grandes exploitations, il est
souvent difficile aux paysans de faire ces observations, ce qui revient
à compter les insectes sur 400 à 500 plants pour les
exploitations de 10 à 12,5 Ha.
Dans le même temps, les paysans-observateurs
formés pour la tâche sont pris en charge par les producteurs (
à raison de 250F par Ha traité) pour leur prestation. Ces
diverses contraintes limitent l'adoption du paquet au niveau des paysans
(observation des champs et traitement avec les produits chimiques
recommandés pour la LEC).
Tableau 7: Pratique de la LEC dans les milieux
d'étude.
Paramètres
|
Observation + produits LEC
|
Produits LEC seulement
|
Observation traditionnelle + produits LEC
|
Suanin
|
3/15 (20%)
|
5/15 (33%)
|
7/15 (47%)
|
Sakarou
|
1/12 (08%)
|
6/12 (50%)
|
5/12 (42%)
|
Dèbou
|
2/8 (25%)
|
4/8 (50%)
|
2/8 (25%)
|
Kori
|
2/11 (18%)
|
5/11 (45%)
|
4/11 (37%)
|
TOTAL
|
17%
|
43%
|
40%
|
Source: Enquête N'Dali, 2004
L'analyse du tableau 6 montre que très peu de
producteurs (17% de l'échantillon) pratiquent l'observation telle
qu'exigée par l'approche LEC. La principale raison évoquée
par les paysans pour justifier la «non-observation » des plants avant
traitement, suivant la méthodologie de la LEC, est la contrainte temps
qu'impose cette opération. En effet, pour 1 ha, il faut observer 40
plants pour évaluer le degré d'infestation et juger de la
nécessité de traiter ou non le champ.
La pratique traditionnelle consiste à observer les
plants sous ombrage (plants situés sous les arbres laissés dans
les champs) et à apprécier leur état par rapport à
ceux exposés au soleil. Si un grand nombre des plants situés
à l'ombre (environ 45%) présentent un état de
flétrissement par rapport à ceux exposés au soleil, la
pression parasitaire est forte et le champ devra être traité.
Cette pratique traditionnelle permet aux paysans de gagner du temps.
8.2 La participation paysanne dans la mise en place des
innovations
La participation de la population est souvent vue comme une
manière de réaliser un développement rural plus efficace
et visant davantage à résoudre les problèmes des
bénéficiaires (van den Ban et al, 1994). De plus en plus, elle
est perçue comme une stratégie qui facilite l'adoption des
innovations.
8.2.1 Qu'est ce que la participation
?
La participation suppose que la responsabilité du
processus de décision au sujet de l'identification et de la mise en
place d'une innovation soit partagée entre les divers acteurs (le
paysannat, la recherche et la vulgarisation). Ainsi, il y a une parfaite
intégration des différents compartiments à toutes les
phases de la conduite de l'innovation. Lavigne Delville et Nour-Eddine (1999)
ont distingué sept niveaux de participation des populations aux
programmes et projet de développement (de la participation passive
à l'initiative locale).
Combien de technologies issues des stations de recherche n'ont
pas été purement et simplement rejetées par les paysans
parce que, ne répondant pas à leurs préoccupations ?
Les innovations proposées au paysannat doivent prendre
en considération l'expérience des agriculteurs. Dans la
réalité, ces acteurs locaux sont détenteurs de
technologies appropriées, forgées au cours des siècles et
résultant de leurs propres recherches (expériences) et des
innovations introduites. Les producteurs, le plus souvent font des
sélections selon la perception qu'ils ont de l'innovation, ce que
constate aussi (1994). C'est dans ce sens que beaucoup de producteurs ont
préféré l'approche traditionnelle d'observation des
plants, qui permet de gagner du temps à celle recommandée par la
méthode LEC. Il y a alors une réadaptation de la technologie
à la réalité sociale du milieu. Le temps utilisé
pour compter les insectes dans le champ peut être utilisé pour
d'autres activités dans l'exploitation. Les paysans ont adopté
alors les intrants LEC et y ont ajouté leur approche locale. Le paquet
n'a pas été adopté entièrement.
Si toujours est-il qu'avant de s'approprier une technologie,
le paysan y apporte des modifications résultant de son niveau technique
et des contraintes socio-économiques vécues, l'idéale
aurait été que les innovations proposées aux agriculteurs
prennent en considération leurs expériences pour s'approcher plus
de leur réalité sociale. Sinon, très rapidement,
l'innovation se trouve en marge de leurs attentes.
8.3.2 Quel type de participation a t-on besoin pour
la conduite des innovations ?
La participation du paysan au processus de décision
concernant l'identification, la méthode et l'organisation de
l'innovation permet de mieux s'approcher des réalités sociales
des acteurs locaux, pour qui la technologie est destinée.
Le rejet de nombreuses innovations pourrait être
lié à l'absence d'une participation véritable des paysans.
Et quand ces derniers sont associés, ils sont plutôt
utilisés comme des «instruments» au lieu d'être
considérés comme de véritables acteurs qui doivent
être impliqués (Eponou, 1994). Dans certains cas, on les associe
sans conviction, juste pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds
(Eponou, op cit). Dans ce contexte, comme leur participation, qui se limite
d'ailleurs à une fourniture d'informations, est vue comme une
nécessité pour satisfaire les exigences du bailleur,
l'utilisation qui en est faite ne leur est pas souvent utile.
L'élaboration de la technologie de la LEC a
été faite conjointement avec le paysannat. Ces acteurs ont
participé à la conduite des expérimentations de la
technologie. Malgré cette implication des paysans, la technologie se
trouve réadaptée soit parce que la participation n'a
été que virtuelle et non effective ou soit pour répondre
aux réalités socio-culturelles du milieu, comme l'annonce
d'ailleurs Eponou (op. cit) .
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali20.png)
Photo 2 Les paysans participant à la
collecte des données dans le champ de coton
8.3.3 Rôles et motivations de chaque acteur
dans la génération des innovations
agricoles participatives
Le rôle que la recherche, la vulgarisation et le
paysannat peuvent jouer au moment de l'élaboration d'une innovation
dépend d'une part, des connaissances dont dispose chaque
catégorie d'acteurs et d'autre part, du pouvoir de décision
accordé à chacun d'eux (van den Ban et al, 1994).
Dans la conduite conjointe du processus, chaque classe a la
liberté de donner son opinion ou avoir ses critères propres pour
évaluer l'innovation identifiée. Les échanges entre ces
groupes pourraient permettre de s'accorder sur les résultats. Cette
confrontation constitue une véritable difficulté en ce sens que,
ce que un acteur trouve pertinent et efficace pourrait ne pas l'être pour
l'autre.
Dans le cas pratique du "learning group" étudié
dans le cadre de cette étude, certaines expérimentations (cas des
essais en bande : coton-mil) ont été jugées inefficaces
par les producteurs alors que les résultats se sont
révélés intéressants pour la recherche.
La motivation des paysans à participer au learning
group mis en place reste principalement la « recherche de la connaissance
» ou la « curiosité de découvrir ». Mais cette
forme de perception des paysans laisse croire « qu'ils sont venus en se
mettant dans une position d'apprenant ». Dans la réalité,
l'idée de base est de considérer ces acteurs locaux comme
détenteurs de technologies appropriées forgées au cours
des siècles ou résultant de leurs propres recherches. Ainsi,
l'évolution convergente de ces connaissances (endogène et
scientifique) aurait permis de créer une synergie interactive entre les
acteurs et d'identifier la communication sociale. Cet environnement facilite
une complicité agissante dans l'analyse des problèmes,
l'élaboration et la mise en oeuvre des solutions les plus
appropriées. Cette réalité ne semble pas être encore
précise chez les acteurs locaux : pour eux, ils n'ont rien à
apprendre aux autres acteurs. Les paysans ne sont pas encore convaincus de leur
rôle dans le système. Dans le learning group étudié,
seulement trois (03) paysans sur dix (10), soit un poids de 30% reconnaissent
que dans la recherche conjointe menée avec les autres acteurs
(recherche, vulgarisation), ils ont aussi des connaissances à
transmettre à ces acteurs.
La recherche participative rencontre de nombreuses
difficultés qui ne permettent pas
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali21.png)
Photo 3 : Une séance d'observation des
attaques dans le champ de coton échange entre chercheurs, vulgarisateurs
et paysans
sa mise en oeuvre effective.
8.3.4 Les obstacles à la
participation
Les obstacles liés à la participation peuvent
être d'ordre culturel ou du fait de la divergence des points
d'intérêts.
Les obstacles à la participation peuvent être
directement liés à chaque catégorie d'acteurs. Mais dans
cette rubrique, nous allons nous appesantir sur les barrières
liées au paysannat, surtout avec l'environnement institutionnel au
niveau de la filière coton, après la libération.
8.3.4.1 les divergences dans les
intérêts
Dans le "learning group" où se conduit une forme de
recherche participative, nous avons identifié deux catégories de
producteurs mues par des intérêts divergents.
La première catégorie regroupe ceux qui sont
intéressés par les intérêts financiers de
l'approche, « en travaillant dans le groupe, on peut obtenir des faveur
d'ordre financiers ». Mais très tôt, ne sentant pas un tel
intérêt en jeu, ces paysans se sont retirés du groupe,
parce que « le temps perdu n'est pas rémunéré ».
Pour ce groupe, l'élément déterminant reste le soutien
financier qui accompagne la participation, alors que la « vraie
participation» serait l'engagement dans le soucis de comprendre et de
contribuer en vue de faire correspondre l'innovation aux réalités
sociales vécues, ce qui facilite son adoption.
Dans la deuxième catégorie, nous retrouvons les
paysans qui se sont engagés à la « recherche du
savoir». Mais est-ce la recherche du savoir, la vraie clé de la
participation ? En se plaçant dans une telle position où le
paysan suppose que le savoir vient de l'autre, il se trouve dans
l'incapacité de partager sa connaissance avec les autres acteurs, parce
que pour le paysan, il ne connaît rien. La collaboration dans le
"learning group" a amené à briser cette barrière qui se
pose aux paysans.
8.3.4.2 Pesanteurs culturelles :les
inégalités sociales
Les inégalités ethniques au niveau des
communautés ne sont pas de nature à rendre la participation
effective. Alors que dans de nombreux contextes, une participation
significative ne peut se produire que si toute la population cible est reconnue
partagée les mêmes droits (Eponou, 1994), en milieu Bariba, toutes
les couches ethniques n'ont pas les mêmes importances dans la
société (cf. section 4.3.2). Cette différence sociale fait
par exemple qu'il serait difficile pour un Bariba de considérer pour
vrai et de suivre ce que développe un Somba parce qu'entre ces deux
ethnies, il a existé une relation de maître à sujet. Cette
image transparaît encore dans la société et rend difficile
la cohabitation entre individus.
L'inégalité entre le sexe (entre l'homme et la
femme), surtout dans les communautés rurales constitue une pesanteur qui
entrave l'efficacité de la participation. A cet effet, nous avons
observé que tous les membres du learning group ne participent pas au
même degré, ceci étant imposé par le système
culturel. Après, plusieurs séances de discussions, nous avons
établi le diagramme de la figure 9 qui traduit la position de chaque
membre du "learning group" au cours d'une prise de décision.
Nous avons évalué le nombre de fois que chaque
membre du groupe a pris la parole pour faire une proposition ou pour
défendre une réponse. Pour des discussions, les membres n'ont pas
des positions fixes mais la tendance reste répétitive. Les femmes
ont souvent l'habitude de se placer en retrait du groupe, parce que, dans la
société bariba, la femme ne doit pas occuper la même place
ou même se prononcer après l'homme.
Il serait opportun de rechercher des moyens pour aller
au-delà de ces barrières culturelles sans créer de
frustration au sein du groupe, pour une réelle participation.
![](liberalisation-filiere-coton-benin-n-dali22.png)
A= atacorien - B= bariba - () = degré d'intervention -
Trait plein = homme Trait creux = femme
B (10%)
B (20%)
A (10%)
B
B (40%)
B (10%)
A
A
B (10%)
B
Figure 10: Positionnement et degré
d'intervention des membres du learning group
8.3.4.3 La divergence des intérêts des
réseaux paysans
La dissidence dans les mouvements paysans a amené la
création de divers réseaux (AGROP, FENAPRA,...). Les innovations
agricoles concernent tous ces groupes et il faut
une collaboration de paysans des divers réseaux pour la
mise en place de ces innovations. Dans la réalité, les pratiques
varient d'un réseau à un autre, surtout au niveau des pesticides
chimiques ( cf. histoire de vie 2).
Entre les paysans même, il y a des rivalités: le
retrait d'un groupe de producteurs, des GV a entraîné des manques
à gagner au groupement (les ristournes sont diminués parce qu'il
y a une fuite des tonnages vers les nouveaux groupements, avec le départ
des producteurs). Alors que c'est sur ces ristournes que fonctionnent les GV et
les UCP. Le climat de dissidence qui subsiste entre les réseaux ne
crée pas un environnement favorable à la collaboration entre les
paysans.
Tableau 8: Analyse SWOT de la filière
coton au Bénin
Paramètres
|
FORCES
|
FAIBLESSES
|
Techniques
|
- Climat des zones de forte production est propice à la
culture (en moyenne 900-1 100mm, saison sèche marquée) - Terre
n'est pas une contrainte
- Seule filière organisée, ce qui mobilise tous les
producteurs
|
- Rendement assez faible surtout dans la zone-centre
(ZouCollines)
- Humidité plus élevée dans la zone sud, ce
qui augmente la pression parasitaire
|
Socio-économique
|
- Les recettes coton constituent une part importante des revenus
dans les zones de production
- La vente est garantie aux producteurs
- Accès facile aux intrants de production
- Secteur contribue beaucoup à l'économie nationale
- Participe aux réalisations socio-communautaires
|
- Retard dans le paiement des recettes coton aux producteurs
- Mauvaises gestions des producteurs ce qui entraîne des
endettements dans les groupements villageois
- Appui insuffisant aux initiatives paysannes
- Augmentation des coûts de production
- Forte dépendance du secteur des marchés
internationaux
|
Institutionnel
|
- Bonne innovation de la libéralisation/ privation
- Intégration du secteur privé dans la gestion de
la filière
|
- Faible pouvoir de négociation des organisations
paysannes vis-à-vis des autres acteurs
- Naissance de dissidence dans les groupes professionnels -
Intervention des acteurs politiques qui débouche sur le non-respect des
principes de la réforme
|
Analyse SWOT de la filière coton au Bénin
(suite)
Paramètres
|
OPPORTUNITES
|
MENACES
|
Technique
|
- Potentialité pour augmenter la superficie
cotonnière (terre étant disponible dans les zones de forte
production)
|
- Augmentation des pertes de production si les IDI ne sont pas
soumis à de contrôle rigoureux
|
Socio-économique
|
- Potentialité pour améliorer les services de
vulgarisation à travers le Farmer Field School, les approches
participatives d'identification des méthodes de contrôle des
ravageurs.
- Bonnes potentialité pour la production biologique (en
limitant les dommages causés à l'environnement et à la
santé des producteurs).
|
- Baisse du prix de coton sur les marchés internationaux -
Distorsion du prix au marché mondial par des subventions à la
production (USA, Europe et Asie)
- Augmentation des coûts de production
|
Institutionnel
|
- Les arrangements en cours dans le secteur créent un
environnement favorable à l'intégration des acteurs
privés. - La libéralisation et la privatisation peuvent conduire
à plus de transparence dans la gestion de la filière
|
- Risque de rupture d'accès aux intrants à cause de
la libéralisation.
- Le non-respect de la prise de décision collective risque
de miner tout le secteur
- Le retrait complet de l'Etat risque de miner tout le secteur
|
Source : Enquête, 2004
9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Depuis le début des années 1990, le Bénin
assiste à une réorganisation du secteur cotonnier, autrefois
coordonné et géré entièrement par l'Etat. La
filière est aujourd'hui gérée par une Interprofession
regroupant les organisations des producteurs, les égreneurs et les
distributeurs d'intrants. Avec ces réformes, on assiste dans le secteur,
à une profonde crise de confiance entre les divers acteurs.
A la suite de conflits entre acteurs au sein des organisations
professionnelles originelles, ces dernières ont connu des clivages avec
la création de nouvelles organisations. Ainsi, de la FUPRO, les
producteurs ont créé l'AGROP et la FENAPRA. De même, au
niveau des distributeurs d'intrants, des dissidents du GPDIA ont mis en place
l'ADIAB. Dans le rang des égreneurs, même s'il n'y a pas
formellement la création d'une organisation dissidente, toutes les
compagnies d'égrenage ne se reconnaissent plus membres de l'APEB. Toutes
ces organisations dissidentes mènent leurs activités en dehors du
cadre formel établi dans le contexte de la libéralisation,
perturbant ainsi le fonctionnement normal du mécanisme. Cette
restructuration institutionnelle a plus que jamais dessoudé les
relations entre différents groupes d'acteurs en créant au sein de
chaque classe des «mécontents» qui ne retrouvent plus leurs
intérêts dans ce nouveau jeu de la libéralisation. Mais le
non-respect par certains acteurs des engagements pris, ne saurait causer tant
de problèmes à la filière si l'Etat béninois jouait
à plein le rôle qui est le sien dans la réforme. En
réalité, il suffirait que l'Etat assure l'exécution de ses
prérogatives pour mettre fin au débordement actuel observé
au niveau de la filière coton.
Au-delà de toutes ces considérations, vu
l'importance de cette filière dans l'économie nationale (en terme
de contribution en valeur fiscale), il serait illusoire de l'approcher
uniquement sous un angle technique. Le secteur cotonnier n'est pas un terrain
libre où, différentes parties prenantes se retrouvent pour
échanger et se rendre complémentaires. Il est par contre, un
champ de bataille, où l'économie, la politique et les
intérêts (individuels, collectifs, nationaux ou de partenaires
étrangers) se confrontent et s'entrechoquent. La filière reste un
véritable foyer d'enjeux pour les différents acteurs.
Cet environnement de la filière ne manque pas
d'affecter la basse classe paysanne : la multiplication des réseaux, les
conflits de leadership,.... De nombreux producteurs se sont retrouvés
incapables d'utiliser la Lutte Etagée Ciblée, méthode de
contrôle des ravageurs reconnue assez efficace et peu coûteux.
Cette inaccessibilité à l'innovation est due à la
dissidence. Mais aussi, les distributeurs qui supportent ces
réseaux ne retrouvent pas leurs intérêts, à mettre
en place des intrants dans un système qui fait appel à moins
d'intrants.
Au vu des résultats de cette étude, il ressort
que l'Etat conserve encore une fonction de coordination et de régulation
des activités du secteur libéralisé, qu'il doit assurer
conjointement avec l'Interprofession. Mais le relâchement de l'Etat
à encourager le non- respect des règles définies pour la
conduite de la filière par certains groupes d'acteurs.
Des efforts devraient surtout être concentrés sur
l'augmentation des rendements afin que toutes les compagnies d'égrenage
atteignent au moins leur production nominale, ce qui limiterait les
guères entre égreneurs.
De même, compte tenu de l'échec des fonds de
stabilisation existants, le gouvernement devra rechercher des mécanismes
alternatifs de stabilisation (le cas de l'approche commodity risk management
par exemple) permettant de réduire les risques encourus par les
producteurs du fait des fluctuations des prix sur les marchés
internationaux. Toujours au plan international, surtout dans le contexte actuel
de la décentralisation, le développement d'un partenariat entre
les zones de production cotonnière et les compagnies d'égrenage
et de distribution d'intrants agricoles constituerait un atout pour les
municipalités. Le renforcement de la recherche et des capacités
de développement afin d'identifier d'une part, des
débouchés pour d'autres spéculations et d'autres part, des
alternatives durables aux méthodes de production actuelles (incluant le
coton organique et la réduction des coûts de production)
lèverait le goulot d'étranglement qui repose sur les
producteurs.
Face à la mauvaise gestion qui s'opère
continuellement dans les organisations paysannes, l'encadrement des producteurs
sur les modes de gestion doit être renforcé pour permettre de
relever les défis posés par la libéralisation. Il est
aussi recommandé d'accentuer la formation des producteurs, selon une
approche participative, sur les reconnaissances des ravageurs du coton et de
leurs ennemis naturels en vue de la promotion de la lutte biologique, qui
protège aussi bien les producteurs que l'environnement.
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conditions de vie en milieu rural en Afrique de l'Ouest. Oxfam-GB et ENDA-
87p.
- TON, P. (2004). La production du coton au Bénin
:projet d'analyse d'une spéculation agricole par pays- FIPA,
Pays-Bas, 52 p.
- TOSSOU, L. (2004). La privatisation de la SONAPRA. In
La Nouvelle Tribune N°67 1 (du 07 octobre 2004). p.3.
- VERON, J. (1990). Les filières agricoles
d'exportation en Afrique subsaharienne. France Presse, pp33-42.
- VODOUHÈ, D. S. (1996). Making rural
development work, cultural hybridation of farmers' organisation: the Adja case
in Benin- Wageningen
- VODOUHÈ, D. S. & S. TOVIGNAN (2003). Current
trends and perspectives of agricultural extension in Benin communication,
1 0p.
- VROOM, V.; J. NANUS et A. JAGO (1988) The new leadership:
Managing participation in organizations. Englewood pp 22-28.
ANNEXE Histoire de vie 1 Sujet :
Secrétaire du GP-FENAPRA de Tèbo Emigré de l'Atacora -
29 ans
Je m'appelle Donatien Konkouata et je suis atacorien. J'ai
laissé l'école en classe de sixième, en 1988, faute de
moyens. J'ai décidé de faire le coton et j 'ai rejoins mes
cousins à Tèbo pace que j 'ai appris que le coton marche bien
dans ce village.
J'ai commencé avec 1/4 ha de coton et on n'avait pas de
problème de retard ni d'impayé jusqu'au moment où le
secrétaire GV a commencé un jeu louche. Après qu'il ait
distribué les engrais, il les rachetait aux producteurs à 5000F
et revendait plus tard à 10.000F à ces mêmes producteurs
quand ils en ont besoin. Finalement, tout le village tombe en impayés.
Le GV a fait une réunion pour lui interdire ce mauvais comportement. Il
a ensuite cherché un autre moyen, quand on demande par exemple, un
crédit de 25.000F, il inscrit 50.000F et retire les 25.000F
supplémentaires, ce qui pose aussi des problèmes d'impayés
dans notre village. On produit toute une campagne et on n'a pas l'argent ; en
2002, c'était trop. C'est justement à ce moment que la FENAPRA
venait dans notre village et j 'ai décidé de partir dedans en
attendant de voir ce que cela pourrait donner. Mais je vous avoue que
jusqu'à maintenant tout va bien pour moi et je vends mon coton, au plus
deux semaines et j'ai mon argent. Avant quand j'étais dans le GV, je ne
gagnais rien mais maintenant où je suis secrétaire du GPFENAPRA
de mon village, une partie des ristournes qui arrivent est partagée
entre les membres du bureau et une autre est mise en caisse pour les
déplacements du bureau.
L'année passée, nous avons reçu les
engrais à 9.700F pendant que, dans les GV il est vendu à 9.900F.
les NPK n'étaient pas la même chose parce que les emballages
étaient différents, de même que les insecticides. Les
insecticides en sachet, «tampico» (Avaunt) nous ont trahi
l'année passée et moi je ne vais plus jamais l'utiliser dans mon
champ. Quand tu traites ton champ avec ce produit, deux jours après,
toutes les capsules tombent et tu verras que la plante grandit vite.
A Nikki, cette année, les producteurs du GV n'ont pas
trouvé d'engrais, ce qui fait que beaucoup sont venus dans notre
groupement. On n'a plus suffisamment d'engrais pour tous les membres du
groupement actuellement. Je viens de prendre deux sacs d'urée chez le
secrétaire du GV-Suanin qui est un parent, il s'est marié
à ma jeune soeur. Depuis que je suis dans le réseau FENAPRA, je
n'ai jamais eu de semences traitées, il y a d'autres qui parviennent
à l'avoir par le biais des amis. L'année passée, les
plants n'avaient pas poussé et
on était obligé d'acheter les semences dans les
GV. Le Yoroukou (environ 3,5 kg) est vendu à 250F. quand j 'ai voulu en
acheter, c'était trop tard, tout était fini. C'est le vrai
problème que nous avons dans le groupement.
Histoire de vie 2
Sujet : Secrétaire du GP-FENAPRA de Suanin Gros
producteur du village - 33 ans
Je m'appelle Bagoudo Pierre, je suis de Témé
(à 35 km de Suanin). Mes parents sont venus s'installer à Suanin
en 1974 parce que, dans le temps, Témé était
enclavé, on n'avait difficilement accès à l'eau potable.
Dans le même temps, ma mère perdait beaucoup d'enfants.
J'ai commencé à faire le coton à partir
de 1979 dans le champ de mon père. Nous les enfants, nous faisions le
semis, le sarclage et à la récolte, nous ramassons les tas de
coton dans les paniers. A cette époque, les encadreurs venaient dans les
champs pour voir comment chacun faisait son champ.
J'ai pris mon champ en 1985, année où j 'ai fait
le coton pour mon propre compte. Je venais de laisser l'école et le
coton marchait très bien dans notre village. En ce temps, on prenait
l'engrais et les insecticides chez les encadreurs qui connaissaient tous les
champs. On ne pouvait pas tricher avec les engrais comme cela se fait
aujourd'hui. Il n'y avait pas d'autres groupements que les GV pour
l'organisation de la production du coton. L'argent venait vite et les
producteurs avaient suffisamment de quoi vivre jusqu'à la campagne
prochaine, surtout que la vie n'était pas si chère.
En 1994, j'étais organisateur dans le bureau GV de mon
village, mais l'année suivante, j'ai dû démissionner de ce
poste parce que se sont les décisions du président et du
secrétaire qui passaient toujours. Ils ne consultent personne et
prennent des décisions en votre nom, cela a fait que certains sont
partis vers le GV de Wobakarou.
Même après mon départ du GV, j 'ai servi
le groupe en utilisant mon engin pour toutes les courses. Mais quand les
ristournes arrivent, on ne me donne même pas 1F pour le carburant parce
qu'ils me prennent comme le «gobigui» (le plus riche) du fait que j
'ai l'attelage.
En réalité, les ristournes sont partagées
entre le président, le secrétaire et quelques responsables de
l'USPP. Les paysans n'y sont jamais intéressés, ils veulent
seulement leur « propre argent » de vente du coton, c'est pourquoi il
faut que l'argent arrive vite. Jusqu'en 1996, l'argent arrivait
régulièrement et il n'y avait aucun problème. Mais
à partir de 1997, le
retard a commencé progressivement et cela ne nous
permettait plus de contrôler le GV. Parfois quand l'argent vient, le
bureau vous dit que ce n'est pas venu et on n'a pas les moyens de
vérifier. Il y a eu certaines années où nous n'avons eu
que 41% seulement de notre argent et même d'autres années
où nous n'avons pas eu 1F pour nous soulager. C'est ce problème
qui a amené à la création de AGROP devenu par la suite
FENAPRA. Il faut dire que depuis qu'on s'est détaché du CARDER,
les problèmes ont commencé. Avant les encadreurs connaissaient
tous les champs et si quelqu'un doit de l'engrais, ils le savaient et tout
marchait bien, il n'y avait pas des problèmes d'impayés.
Maintenant le secrétaire se lève et va dans son champ sans
chercher à savoir ce qui se passe à côté de lui, ce
qui encourage les détournements d'engrais dans les GV.
Je suis allé dans le réseau FENAPRA en 2002. Au
niveau de FENAPRA, on ne peut pas dire que cela ne marche pas pour le moment.
Nous avons toujours eu notre argent à temps. Mais le produit de
l'année passée n'était pas bon et quelques producteurs
sont en impayé. Avant, quand j'étais dans le GV, je n'utilise pas
les produits que j'utilise aujourd'hui dans le GP- FENAPRA. Les produits du GV
étaient certes coûteux mais plus efficaces. Dans le GV on
utilisait les produits de la recherche (LEC), mais dans le FENAPRA on n'a pas
ces produits, donc on est obligé d'utiliser ce que les distributeurs de
la FENAPRA nous donnent.
Aujourd'hui, le coton ne donne plus comme avant. Si on peut avoir
autre filière, surtout au niveau des vivriers, je vous assure qu'on
laissera tous le coton. Mais si la situation du coton continue ainsi, avec les
retards du paiement, d'ici cinq ans, plus personne ne produirait le coton dans
le Bénin
TABLE DES MATIERES
Dédicace i
Remerciements ii
Résumé iv
Abstract vi
Table des matières .. ix
Listes des tableaux xii
Listes des figures . xii
Listes des encarts . xiii
Abréviations . xiv
1. INTRODUCTION GENERALE 1
1.1 INTRODUCTION 1
1.2 PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION 2
1.3 PERTINENCE DE L'ETUDE 4
1.4 OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE 4
2. CADRE METHODOLOGIQUE 6
2.1 CHOIX DE LA ZONE D'ETUDE 6
2.2 CHOIX DES VILLAGES 6
2.3 METHODE DE COLLECTE DES DONNEES 7
2.3.1 Etude documentaire 7
2.3.2 Entretiens informels 8
2.3.3 Entretiens semi-structurés 8
2.3.4 Entretiens structurés 9
2.3.5 Triangulation 9
2.4 ECHANTILLONNAGE 9
2.5 NATURE DES DONNEES COLLECTEES 10
2.6 METHODES ET OUTILS D'ANALYSE DES DONNEES 11
2.6.1 La comparaison 11
2.6.2 Les études de cas 12
2.6.3 Les diagrammes participatifs 12
2.6.4 Les histoires de vie 12
2.6.5 Les citations 13
2.7 LIMITE DE LA RECHERCHE 13
3. REVUE DE LITTERATURE 14
3.1 ANALYSE DE QUELQUES CONCEPTS 14
3.1.1 Notion de filière 14
3.1.2 Notion d'acteurs 15
3.1.3 Le concept d'institution /organisation 17
3.1.4 Notion de conflit 17
3.1.5 La notion du pouvoir dans les organisations paysannes
19
3.1.6 Notion du leadership 21
3.1.7 Les interfaces sociales 22
3.1.8 Le système de connaissance et d'information
agricole 22
3.2 EVOLUTION INSTITUTIONNELLE DE LA FILIERE COTON AU BENIN
23
4. PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE 26
4.2 MILIEU PHYSIQUE 26
4.2.1 Climat 26
4.2.2 La végétation et l'hydrographie
27
4.2.3 Sol et relief 27
4.3 MILIEU HUMAIN ET ACTIVITES ECONOMIQUES 28
4.3.1 Milieu humain 28
4.3.2 Peuplement et interrelations 28
4.3.3 Activités économiques 30
5. ACTEURS ET INTERFACES 1
5.1 RESTRUCTURATION DU SECTEUR AGRICOLE AU BENIN: DIFFERENTES
REFORMES ENGAGEES DANS LE SECTEUR COTON 32
5.1.1 Diverses phases de gestion de la filière
32
5.1.2 La pression pour la libéralisation et la
privatisation du secteur cotonnier 34
5.1.3 Déroulement du processus de
désengagement de l 'Etat de la gestion de la filière 35
5.1.4 Performance de la SONAPRA 37
5.1.5 Retombées du transfert au niveau de la SONAPRA
37
5.2 CADRE INSTITUTIONNEL DE LA FILIERE COTON ET SON
FONCTIONNEMENT APRES LA LIBERALISATION 38
5.2.1 Les choix stratégiques du gouvernement en
matière de réforme de la filière 38
5.2.2 Les acteurs de la filière 39
5.2.3 Fonctionnement et enjeux au niveau des nouvelles
structures 43
6. EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LE SYSTEME DE PRODUCTION
77
6.1 LA LIBERALISATION DU SECTEUR COTONNIER : LA SOLUTION
ATTENDUE OU UNE IMPASSE
POUR LES ACTEURS DU SECTEUR ? 77
6.2 RECHERCHE COTONNIERE 78
6.3 VULGARISATION AGRICOLE 80
6.4 LA STABILISATION ET LE SOUTIEN DES PRIX DE COTON 81
6.5 LA LIBERALISATION DE LA FILIERE ET LE TRANSFERT DE POUVOIR
AUX MOUVEMENTS PAYSANS 82
6.5.1 Les producteurs et la fixation du prix du coton graine
82
6.5.2 Effets de la réforme sur le bien-être des
producteurs de coton 83
6.6. IMPACTS DE LA LIBERALISATION SUR LES PRATIQUES AGRICOLES EN
COTON: CAS DU CONTROLE DES RAVAGEURS 84
6.6.1 Méthode de contrôle des ravageurs avant
la libéralisation 84
6.6.2 Méthode de contrôle des ravageurs
après la libéralisation 85
7. PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS 87
7.1 ATTENTES DES ACTEURS 87
7.1.1 Attentes des producteurs 87
7.1.2 Attentes des distributeurs d'intrants 87
7.1.3 Attentes des égreneurs 88
7.1.4 Attentes de la recherche 88
7.2 APPRECIATION DE LA PORTEE DE LA REFORME DU SECTEUR COTON
88
7.2.1 Evaluation par rapport aux producteurs 88
7.2.2 Evaluation par rapport aux autres acteurs 90
8.1 UNE FORME DE IPM DANS LE CONTROLE DES RAVAGEURS AU BENIN:
LA LUTTE ETAGEE
CIBLEE 92
8.2 LA PARTICIPATION PAYSANNE DANS LA MISE EN PLACE DES
INNOVATIONS 94
8.2.1 Qu'est ce que la participation ? 94
8.3.2 Quel type de participation a t-on besoin pour la
conduite des innovations ? 95
8.3.3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la
génération des innovations
agricoles participatives 95
8.3.4 Les obstacles à la participation 97
9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 100
10. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 102
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