MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS SECONDAIRE, BURKINA FASO
SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Unité -
Progrès - Justice MESSRS
UNIVERS ITE DE OUAGADOUGOU
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES ET
SOCIALES (UFR/SH)
DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE Option rurale
MEMOIRE DE MAÎTRISE
|
|
LES PROBLEMES FONCIERS EN ZONE DE FRONT PIONNIER
AGRICOLE : CAS DE DEREGOUE DANS LA PROVINCE DE LA COMOE
|
|
Présenté par : NEYA Sihé
Sous la Direction de :
Frédéric O. Koulansouonthé.
PALE, chargé de recherche
Bonayi DABIRE, Enseignant-chercheur à
l'ISSP
Juin 2007
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
|
VII
|
REMERCIEMENTS
|
.VIII
|
LISTES DES SIGLES ET ABBREVIATIONS
|
..IX
|
RESUME
|
.X
|
INTRODUCTION GENERALE
|
1
|
I. LA PROBLEMATIQUE
|
2
|
II. LES HYPOTHESES DE TRAVAIL
|
3
|
III. LES OBJECTIFS D'ETUDE
|
4
|
IV. LA DEFINITION DE CONCEPTS
|
.4
|
V. L'APPROCHE METHODOLOGIQUE
|
8
|
5.1. La recherche documentaire
|
8
|
5.2. Les enquêtes de terrain
|
9
|
5.2.1. Le choix de la zone d'étude
|
.9
|
5.2.2. Le choix des variables
|
10
|
5.2.3. Les populations enquêtées
|
.10
|
5.2.3.1. Les personnes ressources
|
11
|
5.2.3.2. Les chefs d'exploitation agricole
|
11
|
5.2.4. Les techniques de collecte de données
|
12
|
5.2.4.1. Le questionnaire
|
12
|
5.2.4.2. Les guides d'entretien
|
12
|
5.2.4.3. L'observation directe
|
12
|
5.3. Le traitement des données
|
13
|
VI. LES DIFFICULTES
|
.13
|
PREMIERE PARTIE : LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES ET
HUMAINES DE
LA ZONED'ETUDE
|
..14
|
CHAPITRE I : LE MILIEU PHYSIQUE
|
17
|
1.1. LE RELIEF
|
17
|
1.2. LE CLIMAT
|
.17
|
1.3. LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE
|
20
|
III
1.4. LES SOLS .20
1.5. LA VEGETATION 21
CHAPITRE II : LE MILIEU HUMAIN .23
2.1. LE PEUPLEMENT DE LA ZONE D'ETUDE 23
2.1.1. L'historique de la fondation de
Dèrègouè 23
2.1.2. Le peuplement de Dèrègouè par les
« douna » ..25
2.2. LES DONNEES DEMOGRAPHIQUES ..29
2.3. L'ORGANISATION SOCIALE 30
2.3.1. L'organisation sociale chez les autochtones 30
2.3.1.2. Les autorités traditionnelles 31
2.3.1.2. Les unités socio-spatiales 31
2.3.2. L'organisation sociale chez les migrants ...33
2.3.3. Les relations entre autochtones et migrants 33
2.4. LES ACTIVITES ECONOMIQUES 34
2.4.1. L'agriculture ...34
2.4.1.1. Les cultures pratiquées et l'outillage agricole
34
2.4.1.2. les techniques de culture et fertilisation 37
2.4.2. L'élevage 40
2.4.2.1. Les espèces élevées .41
2.4.2.2. Les techniques d'élevage .41
CONCLUSION PARTIELLE ..43
DEUXIEME PARTIE : LES PRATIQUES FONCIERES Á
DEREGOUE 44
CHAPITRE III : LES MODES D'ACCES A LA TERRE Á
DEREGOUE 45
3.1. LES ACTEURS DU FONCIER 45
3.1.1. Les propriétaires du foncier 45
3.1.2. Les exploitants agricoles 46
3.1.3. Les pasteurs 48
3.2. L'ACCES Á LA TERRE À DEREGOUE 49
3.2.1. LE SYSTEME FONCIER TRADITIONNEL 49
3.2.2. LES MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR À DEREGOUE
51
3.2.2.1. Les modes d'accès à la terre à
durée illimitée 52
3.2.2.1.1. Le don coutumier .52
3.2.2.1.2. Le prêt traditionnel 53
3.2.2.1.3. Le métayage
|
.53
|
3.2.2.1.4. L'héritage
|
.55
|
3.2.2.1.5. Le « sanny/Féré » ou
de la « terre » de terre
|
56
|
3.2.2.2. Les modes d'accès à durée
limitée
|
..58
|
3.2.2.2.1. Le prêt saisonnier
|
.58
|
3.2.2.2.2. Le métayage saisonnier
|
58
|
3.2.2.2.3. La location saisonnière
|
.59
|
3.2.2.2.4. Les contrats de prestations saisonniers
|
59
|
CHAPITRE IV : LES PROBLEMES LIES AUX PRATIQUES FONCIERES
|
..61
|
4.1. LES PROBLEMES D'INSECURITE FONCIERE
|
..61
|
4.1.1. L'insécurité foncière chez les
migrants
|
.61
|
4.1.2. L'insécurité foncière chez les
autochtones
|
63
|
4.1.3. Le déguerpis sement foncier : une situation
d'insécurité vécue par les migrants et les
autochtones
|
64
|
4.1.3.1. Le peuplement de la zone pastorale et le
déguerpissement
|
64
|
4.1.3.2. La situation des paysans après le
déguerpissement
|
66
|
4.2. LES PROBLEMES DE PRECARITE FONCIERE
|
.68
|
4.3. LA DURABILITE DES DROITS D'USAGE SUR LA TERRE
|
70
|
4.4. LES INCIDENCES ENGENDREES PAR LES PROBLEMES FONCIERS
|
..71
|
4.4.1. Les incidences sur les pratiques agricoles
|
..71
|
4.4.1.1. La disparition de la jachère
|
.71
|
4.4.1.2. Le « nomadisme agricole » et le blocage des
investissements pérennes
|
72
|
4.4.2. Les incidences sur le plan socio-économique
|
72
|
4.4.2.1. L'impact du prélèvement du loyer en nature
sur la production des ménages
|
72
|
4.4.2.2. Les conflits fonciers et leurs résolutions .73
4.4.3. Les incidences démographiques .76
CONCLUSION PARTIELLE ..76
TROISIEME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES
PROBMEMES FONCIERS Á DEREGOUE ET LES STRATEGIES LOCALES DE
SECURISATION
FONCIERE 79
CHAPITRE V : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBLEMES
FONCIERS 80
5.1. LES FACTEURS DEMOGRAPHIQUES 80
5.2. LES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES 84
5.2.1. L'influence de l'essor de la culture du coton .84
5.2.2. L'influence socio-économique des migrants 86
5.2.3. L'instabilité des clauses des modes d'accès
à la terre 87
5.2.4. L'implication des jeune dans la gestion foncière
88
5.3. L'INTERVENTION DE L'ETAT 89
5.3.1. L'influence des interprétations locales de la RAF
89
5.3.2. L'impact de l'aménagement de la zone pastorale
..90
5.3.3. L'impact des politiques de reboisement .91
CHAPITRE VI : LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION
FONCIERE. .92
6.1. LES STRATEGIES DE SECURISATION PAR LES MIGRANTS 92
6.2. LES STRATEGIES DE SECURISATION PAR LES AUTOCHTONES ..96
CONCLUSION PARTIELLE ..97
CONCLUSION GENERALE 98
BIBLIOGRAPHIE 101
ANNEXES 103
ANNEXE 1 : OUTILS DE COLLECT DE DONNEES 104
ANNEXE 2 : PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES 115
Tables des cartes
Carte n°1 : Localisation de la zone d'étude ..16
Carte n°2: Immigration agro-pastorale à
Dèrègouè 28
Carte n°3: Répartition des domaines fonciers
traditionnels à Dèrègouè 50
Carte n°4 : Situation de la zone aménagée
pastorale de Sidéradougou 67
Carte n°5 : Occupation des sols en 1984 à
Dèrègouè 82
Carte n°6 : Occupation des sols en 2000 à
Dèrègouè 83
Tables des graphiques
Graphique n°1 : Diagramme ombro-thermique (Station de
Bérégadougou) 18
Graphique n°2 : Variations spatio-temporelles des
précipitations dans la Comoé ..19
Graphique n°3 : Variation thermique mensuelle à
partir de la station de Bérégadougou 20
Graphique n°4 : Répartition des migrants
enquêtés selon la durée d'installation 27
Graphique n°5 : Répartition des migrants selon les
zones de provenance 27
Graphique n°6 : Répartition ethnique des
ménages à Dèrègouè 29
VI
Graphique n°7 : Répartition de la population de
Dèrègouè selon les villages et les périodes. 30
Graphique n°8 Evolution de la production
céréalière dans le département Sidéradougou
35
Graphique n°9 : Evolution de la production des
oléagineux dans le département Sidéradougou
Sidéradougou 36
Graphique n°10 : Calendrier agricole dans la zone de
Dèrègouè 39
Graphique n°11 : Evolution de la superficie
ensemencée à Sidéradougou de 1995 à 2004... .84
Liste des tableaux
|
Tableau n°1 : Récapitulatif des personnes ressources
enquêtées
|
11
|
Tableau n°2 : Les modalités d'acquisition de la
traction animale
|
38
|
Tableau n°3 : Evolution du cheptel dans la province de la
Comoé
|
.40
|
Tableau n°4 : Récapitulatif des acteurs fonciers
enquêtés
|
..48
|
Tableau n°5 : Récapitulatif des modes d'accès
à la terre en vigueur à Dèrègouè
|
60
|
Tableau n°6 : Situation du loyer versée par les
métayers selon les chefs de terre
|
.85
|
Tableau n°7 : Evolution du coût du « landa »
en espèce
|
87
|
Tableau n°8 : Fréquence des stratégies de
sécurisation des migrants
|
..95
|
Planches photographiques (en annexe 1)
|
|
Photo n°1 : Paysans en pleine récolte de coton
|
..117
|
Photo n°2 : Entrée d'une ferme agro-pastorale d'un
« nouvel acteur »
|
.117
|
Photo n°3: Situation des plants de maïs pendant le
déguerpissement foncier
|
118
|
Photo n°4 : Restes d'une habitation d'agriculteurs
incendiée pendant le déguerpissement foncier 118
Photo n°5: Paysan déménageant après le
déguerpissement des agriculteurs de la zone
pastorale .119
Photo n°6 : Victime du déguerpissement quittant la
zone pastorale ..119
VII DEDICACE
A la mémoire de mes chers parents : Néya B.
Kirabaon, mon père
Mon grand-père, feu Kam Bihoul
A ma mère Kam Hini
A ma grand-mère, Ouattara Djorbou
Donpkèmènan
A mon oncle, Kam Bêh Jacob
A mes frères et soeur, Sami, Blaise,
Fidèle, Thomas Bihoul et Pamela
A tous mes parents et proches A la population de
Dèrègouè Je dédie ce mémoire
VIII REMERCIEMENTS
Ce mémoire est le fruit d'un travail laborieux et de
nombreuses abnégations. Sans le concours de bonnes volontés, il
n'aurait pas vu le jour. Ainsi, nous voudrions ici remercier
tous ceux qui ont apporté leurs précieux concours
à sa réalisation.
Nos remerciements s'adressent au corps enseignant du
département de Géographie pour l'encadrement dont nous avons
bénéficié durant notre formation. Nous exprimons en
particulier notre profonde gratitude à Monsieur Frédéric
O. Koulansouonthé. PALE qui, malgré ses multiples charges, a
accepté de diriger ce mémoire. Nous lui sommes reconnaissant pour
ses conseils, la bienveillance, la patience et compréhension qu'il nous
a manifestés, et sans lesquels ce travail n'aurait abouti.
Nous adressons nos sincères remerciements au Directeur
de l'ISSP, Le professeur Dieudonné Ouédraogo qui a bien voulu
nous accepter comme stagiaire dans le cadre du projet CLAIMS coordonnée
par sa structure au Burkina Faso. Remercions-nous également Monsieur
Bonayi Dabiré, coordonateur dudit projet et co-directeur du
mémoire ainsi que son équipe, et tout le personnel administratif,
informatique et scientifique de l'institut pour leur appui moral,
matériel, scientifique et financier.
Nous ne saurions oublier la contribution combien
appréciable du personnel de l'IGB, en particuliers Monsieur Sanou Oumar
et ses collaborateurs au laboratoire cartographie et
télédétection pour nous avoir accueilli comme stagiaire et
permis d'améliorer nos connaissances en interprétation de
photographies aériennes et en SIG.
Nous disons merci aux populations de
Dèrègouè pour leur hospitalité, en particulier aux
autorités administratives, coutumières, ainsi qu'aux exploitants
agricoles et éleveurs qui ont participé à
l'enquête.
Ces remerciements vont aussi à l'endroit de toute ma
famille : mes frères et soeurs, mon oncle Kam Bêh Jacob et son
épouse Ouédraogo Aïssata, mon oncle Kam Sami, mes cousins et
cousines ainsi que tous les amis qui nous ont soutenus durant ce travail :
Bamouni Bourahima, Nana Pascal, Malo Houodié, Yaméogo Issiaka,
Bako Jean-baptiste, Coulibaly Alexi, Sory Issa, Koné Karim,
Koussoubé Amidou, Rouanba Hassane, Ganamé Rolande, Sanwidi Rita,
etc.
IX SIGLES ET ABBREVIATIONS
ATAS : Agent Technique d'Agriculture
spécialisée ATC: Agent Technique de Coton
CIRD : Centre international de recherche pour le
développement CLAIMS: Changes in Land Access,
Institutions and Market in West Africa CRPA : Centre
Régional de production Agro-pastoral
CVGT : Commission Villageoise de Gestion des
Terroir DFN: Domaine Foncier National
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture FED : Fond Européen
pour le Développement
GPC : Groupement de Producteur de Coton
GRAF : Groupe d'action et de recherche sur le
foncier Ha : Hectare
Hbt : Habitant
IGB : Institut Géographique du Burkina
INSD : Institut National de la Statistique et de
la Démographie ISSP : Institut Supérieur des
Sciences de la Population du Burkina
NPK : Azote minéral, Phosphore, Potassium
ORD : Office régional pour le Développement
PADL : Projet d'Appui au Développement Local
PIB : Produit Intérieur Brut
PNGT : Programme National de gestion des
Terroirs PSSA : Programme Spécial pour la
Sécurité Alimentaire RAF : Réorganisation
Agraire et Foncière
RAV: Responsable Administrative Villageois
RGP : Recensement Général de la Population
RGPH : Recensement Général de la Population et
de l'Habitation
SEOAB: Syndicat des Eleveurs de l'Ouest Burkina
SOFITEX: Société des fibres et textiles
SIG : Système d'information
géographique
ZAPS : Zone aménagée pastorale de
Sidéradougou ZATA: Zone d'Animation Technique
Agricole
X RESUME
Au Burkina Faso, la terre est un facteur de production capital
de la production agro- pastorale, qui occupe la majeure partie de la
population. L'accès à cette ressource ainsi que son exploitation
engendrent des migrations agricoles dont les flux sont dirigés vers le
sud- ouest du pays avec pour provenance les régions du « plateau
mossi », de la Boucle du Mouhoun ainsi que des Haut-bassins. Il s'en est
suivi l'ouverture d'un front pionnier agricole dans la Comoé ces
dernières années, comme celui de
Dèrègouè.
Les flux migratoires dirigés vers la zone
d'étude ont contribué à accentuer la croissance
démographique et la pression foncière de même qu'à
une augmentation de la population migrante au détriment des autochtones.
Ainsi, la compétition pour l'accès à la terre et son
contrôle s'intensifie, ce qui influence les pratiques foncières.
De nouvelles transactions foncières se développent au
détriment du système foncier traditionnel. La terre, bien
sacrée, a changé de statut devenant ainsi une valeur marchande.
Cette situation entraîne l'émergence des problèmes
d'insécurité et de précarité des droits dont
jouissent les exploitants agricoles. Si les migrations ont été
déterminant dans la dynamique foncière amorcée dans la
zone d'étude, il ne faut pas pour autant négliger l'influence de
certains facteurs tels que l'essor des cultures de rente en particulier le
coton, l'implication de la jeune génération et de l'Etat dans la
gestion foncière, etc.
Conscient de ces problèmes fonciers, les exploitants
agricoles mettent en oeuvre des stratégies pour les prévenir.
L'objectif visé à travers ces stratégies est de garantir
la durée des droits d'usage sur la terre dans le temps et l'espace. Mais
ces stratégies en elles seules ne sont pas suffisantes pour garantir la
stabilité des droits d'usage sur la terre des exploitants.
MOTS-CLES : Burkina Faso - Province de la Comoé
- Dèrègouè - Migration - Pression démographique
- Front pionnier agricole - Problème foncier
INTRODUCTION GENERALE
Au Burkina Faso, la surcharge démographique
consécutive à l'accroissement de la population entraîne
l'amenuisement des ressources naturelles et la fragilisation des droits d'usage
sur la terre, obligeant ainsi les populations à migrer à la
recherche de nouvelles terres agricoles. Ces migrations de paysans se
traduisent par l'ouverture des zones de colonisation agricole au
détriment de la végétation naturelle. Elles sont
principalement orientées du Nord vers le Sud.
Dans les zones d'accueil de ces migrants, la croissance
démographique accentue la pression foncière, entraînant des
transformations dans les structures agraires de ces fronts pionniers agricoles.
Ainsi, les espaces cultivables deviennent objet de convoitises avec une forte
compétition pour le contrôle, l'exploitation et l'appropriation de
ce potentiel productif. Cette situation engendre parfois des pratiques
foncières qui répondent de moins en moins aux attentes des
paysans : retraits de terre, remise en cause des contrats, émergence de
contrats fonciers de courte durée, etc. Ce contexte suscite des
interrogations quant à la capacité des paysans à
stabiliser leurs droits d'usage sur la terre et à sédentariser
leurs exploitations dans les zones de forte colonisation agricole.
I- LA PROBLEMATIQUE
Le Burkina Faso est un pays sahélien dont
l'économie est basée sur le secteur primaire, en particulier
l'agriculture. Cette activité emploie 80% de la population active,
contribue à 30% à la formation du Produit Intérieur Brut
(PIB) et fournit 70% des recettes d'exportation du pays (GRAF, 2005). La terre
constitue pour ce secteur le capital de base et est déterminante dans
l'évolution des relations sociales d'une part, et d'autre part entre
l'homme et son milieu physique.
Si ce potentiel productif est indispensable dans le
développement socio-économique des sociétés
paysannes, il ne faut cependant pas occulter les difficultés
liées à l'instabilité des droits d'usage sur la terre
auxquelles sont confrontés bon nombre de paysans en raison de :
· la raréfaction des ressources naturelles
consécutive à la pression foncière due à
l'accroissement de la population et du cheptel (bétail);
· l'évolution de la perception que les paysans
ont de la terre. En effet, cette ressource qui, autrefois était
perçue comme un bien inaliénable (qui ne se marchande pas), est
aujourd'hui une source de revenus monétaires pour certains de ces ruraux
;
· la dynamique des modes de gestion de l'espace, se
traduisant par l'émergence d'une gestion moderne au détriment du
régime foncier coutumier ;
· le développement des cultures de rente. Ces
cultures, notamment le coton et l'anacardier, ont accentué les
défrichements et la course pour l'accès à la terre
à cause des revenus qu'elles procurent aux paysans.
Ces problèmes d'accès à la terre affectent
toutes les zones rurales du pays, mais se posent avec beaucoup plus
d'acuité dans les zones de colonisation agricole.
La province de la Comoé, située au sud-ouest du
pays, est une des régions de forte colonisation agricole où les
difficultés relatives à l'utilisation durable de la terre sont de
plus en plus récurrentes. Cette situation est consécutive
à l'afflux massif de migrants en provenance des régions
dégradées du « plateau central », de la boucle du
Mouhoun et des Haut-bassins et surtout, des migrants burkinabé de retour
de la Côte d'Ivoire suite aux crises socio-politiques de 1999 et de 2002.
Cette importante migration conjuguée au croît naturel a
intensifié la pression foncière et augmenté les besoins
des populations en terres de culture dans cette localité,
entraînant ainsi le durcissement et l'instabilité des modes
d'accès à la terre qui engendrent parfois des conflits fonciers
souvent très graves.
La présente étude pose les problèmes
liés aux difficultés d'accès durable à la terre et
des conséquences qu'elles engendrent sur le plan
socio-économique, en particulier sur les pratiques agricoles.
Il est donc important de savoir quels sont les modes
d'accès à la terre et les difficultés qu'ils suscitent
dans les fronts pionniers comme celui de notre zone d'étude ? Quelles
stratégies les paysans mettent-ils en oeuvre pour y remédier ?
Quelle est la place de la croissance démographique dans ces
problèmes? Quelles incidences ces problèmes d'accès
à la terre peuvent-ils avoir sur les pratiques agricoles ? Ces
interrogations nous ont amené à formuler les hypothèses
suivantes.
II. LES HYPOTHESES DE TRAVAIL
La forte colonisation agricole entrave la stabilité des
droits d'usage sur la terre et la sédentarisation des exploitations
agricoles à Dèrègouè. De cette hypothèse
principale, les hypothèses spécifiques suivantes ont
été formulées :
1. l'accroissement démographique et la pression sur les
terres sont l'un des facteurs déterminants des problèmes fonciers
qui affectent les pratiques agricoles;
2. les droits d'exploitation agricole qui découlent des
modes d'accès à la terre en vigueur à
Dèrègouè ont crée des situations
d'insécurité et de précarité foncières.
3. Les problèmes d'insécurité et de
précarité foncières incitent les exploitants agricoles
à mettre en oeuvre des stratégies pour stabiliser leurs droits
d'usage sur la terre. Pour vérifier ces hypothèses nous nous
sommes fixés des objectifs :
III. LES OBJECTIFS D'ETUDE
L'objectif principal est d'étudier les problèmes
d'accès à la terre des exploitants agricoles et les incidences
socio-économiques qu'ils engendrent dans la zone d'étude.
Á partir de cet objectif principal, les objectifs spécifiques
suivants ont été définis :
1. Analyser les incidences de la pression démographique
sur les pratiques agricoles;
2. Analyser les modes d'accès à la terre ainsi que
les problèmes d'insécurité et de précarité
foncières auxquels sont confrontés les exploitants agricoles;
3. Identifier les stratégies mises en oeuvre par les
exploitants agricoles pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre;
IV. LA DEFINITION DE
CONCEPTS
Certains concepts ont été utilisés tout au
long de cette étude. Nous avons jugé nécessaire de les
définir afin de mieux saisir le contexte dans lequel nous les
utilisons.
· Front pionnier
C'est une « forme spatiale témoignant d'un
processus d'appropriation de nouveaux territoires, considérés
comme un milieu vierge de toute trace de « civilisation » (...).
L'action principale, symbolique, mais pas univoque est celle des
défrichements et des feux opérés dans des savanes ou des
forêts. Ces défrichements s'opèrent en même temps que
la création de pistes, et la construction de points de peuplement
permanents (...). Elle renvoie aux zones de peuplement à travers tout le
globe » (Matthieu. Le Dérout., 2006). Par ailleurs, il se traduit
par une colonisation agricole, c'est-à-dire « des mouvements de
populations paysannes à la recherche de terres plus favorisées
sur le plan écologique que celles de leur région
d'origine» (Lacinan Paré et Bernard Tallet, 1999 :83). Selon
Kimsé Ouédraogo (2001) le « front pionnier qui traduit
le recul de la forêt devant l'expansion des activités agricoles,
est l'un des principaux facteurs de la déforestation ; c'est en grande
partie la conséquence de la
croissance démographique qui oblige la
société à la recherche de nouvelles terres agricoles au
détriment des milieux naturels, et entraîne également une
consommation plus importante des ressources ».
Ainsi, nous retenons que le front pionnier agricole renvoie
aux migrations d'homme à la recherche de terres de culture, qui se
traduit par la colonisation de l'espace à travers les
défrichements agricoles entraînant le recul des ressources
naturelles
· Migration
On appelle migration ou mouvement migratoire « un
ensemble de déplacement ayant pour effet de transférer la
résidence des intéressés d'un certains lieu d'origine ou
lieu de départ, à un certains lieu de destination, ou lieu
d'arrivée » (Henry, 1989 :105, cité par Cougeau, 1988
:12 ; op. cit Dabiré Bonayi Dabiré 2001 :63) ce terme peut
être abordé selon une approche temporelle ou géographique
qui permet de distinguer, pour les populations humaines, les migrations
périodiques des migrations définitives ou du moins à
très longue période. Celles-ci impliquent l'abandon
définitif - ou très durable - du lieu de départ et les
premières, un retour régulier au lieu de départ, qui reste
le lieu de résidence. Par ailleurs, ces migrations peuvent être
internes, c'est-à-dire à l'intérieur d'un même pays
et externe c'est-àdire au-delà des frontières d'un pays ou
migration transfrontalière ou internationale
Nous pouvons donc déduire que la migration est un
déplacement de populations d'une localité à une autre ou
d'un pays à un autre, et qui peut être périodique ou
durable. Cependant dans la documentation sur les questions de migration et du
foncier, le terme migrant est employé pour designer les individus
n'étant pas originaires d'une localité, même s'y ces
derniers y sont nés.
· Foncier
Ce terme dérive du latin fundus qui signifie fonds de
terre. Il se définit suivant le contexte dans lequel il est
employé. En géographie, il désigne « l'ensemble
des rapports entre les hommes impliqués par l'organisation de l'espace
» (Fréchou, cité par Cubriolo et Goislard ; 1998). Il
renvoie aussi à « l'ensemble des règles
définissant les droits d'accès à la terre, d'exploitation
et de contrôle concernant la terre et des ressources naturelles
renouvelables » (Lavigne-Delville 1998 :18 ; cité par
Mahamadou Zongo, 2005 :5).
Nous retenons de ces définitions que le foncier
englobe une dimension spatiale à savoir l'espace et sa gestion qui,
elle, implique des rapports sociaux donnant un sens aux droits d'usage sur la
terre et son exploitation.
· Droit foncier
Ce sont « des droits portant sur un terrain ou
d'autres ressources naturelles. Les droits sur une parcelle de terrain peuvent
être détenus par plus d'une personne, situation à laquelle
correspond le concept de « faisceau de droit » (qui est une
métaphore consistant à comparer l'ensemble des droits
associés à une parcelle de terrain, à un faisceau de
baguettes dont chacune peut être détenue par des personnes
différentes et peut être acquise de différentes
façons et possédée pendant des périodes
différentes) » (FAO, 2003). Ces droits se résument
à « l'ensemble des dispositifs comprenant les règles
relatives à l'accès à la terre et à sa gestion
». Ils regroupent : les droits de propriété,
d'appropriation, de jouissance, d'usufruit, de culture pérenne, de
cultures saisonnières ou annuelles, etc.
· Transaction foncière
C'est « l'ensemble hétérogène
des conventions formelles ou informelles, par lesquelles des détenteurs
de droits d'appropriation, le plus souvent coutumiers, cèdent à
titre onéreux ou gratuit des droits d'usage permanents ou temporaires,
à des individus, ou groupe d'individus » (PAEP.VF, 1998(a),
1), cité par Ouédraogo Sayouba, 2003). Sa durée renvoie au
« temps durant lequel un exploitant peut jouir de ses droits
délégués sur une parcelle cédée par le
propriétaire. » (Sayouba Ouédraogo, 2003).
· Saturation foncière
Elle renvoie à une « situation dans laquelle
la demande de la terre excède la disponibilité, la zone
cultivable ayant été entièrement utilisée
» (Gérard Ciparisse et al, 2005). Cependant, selon
Pélissier (1995) la « saturation foncière n'a de sens
que lorsqu'elle fait référence à un système
particulier de production, ou à une utilisation de la terre, et aux
techniques de culture courantes. La saturation des terres disponibles est un
facteur influençant l'évolution des marchés fonciers, car
les systèmes de production conduisent généralement
à des méthodes plus intensives d'utilisation de la terre lorsque
la saturation approche».
De ces perceptions, nous disons que la saturation
foncière renvoie à une situation de manque de terres, qui rend
difficile l'accès à cette ressource.
· Insécurité foncière/
Sécurité foncière
L'insécurité foncière « ne
porte pas sur le contenu même des contrats (les modalités
d'accès à la terre), mais sur le risque que ses clauses ne soient
pas respectées (...). Un tel contrat ne sera insécurisant que s
'il peut être remis en cause en cours de route. » (Phillipe.
Lavigne-Delville et al, 2001 :119). C'est ce risque qui conduit à la
perception selon laquelle elle renvoie à une « situation
où certains acteurs considèrent que leurs droits sont
menacés par d'autres, les rendant incertains dans leur durée.
» (Cubriolo, 1996 ; cité par Malo Houodié, 2005 :25).
Selon certains auteurs cette insécurité se manifeste à
travers « la suppression des prêts de longue durée, le
retrait des terres, le non-respect des contrats, la difficulté
d'accès à la terre, l'instabilité des droits d'usage
» (Paré. L, 1993 et 2001 ; Tallet. Bernard, 2001). Bologo
Arzouma Eric (2003) évolue dans le même sens en résumant
l'insécurité à une situation dans laquelle les exploitants
sont instables. Par ailleurs, elle n'est pas spécifique à un
groupe social donné ; « l'insécurité
foncière touche l'ensemble des exploitants, autochtones et migrants
confondus. Chacun doute de son droit sur la terre et craint l'apparition de
revendications inattendues » (A. Teyssier, 1994 cité par
Etienne le Roy, 1995 :463).
Donc l'insécurité liée aux modes
d'accès à la terre est une situation d'instabilité des
droits d'usage sur la terre ; elle découle du fait que ceux qui
jouissent desdits droits craignent une revendication et une remise en cause de
leurs prérogatives par d'autres acteurs. Cet état de fait
nécessite une sécurité, voire une sécurisation des
droits.
La sécurisation foncière peut être
définie comme le « processus par lequel les droits fonciers
sont reconnus et garantis. De ce fait, ces derniers ne peuvent être
contestés ou remise en cause de façon inopinée»
(Gérard Ciparisse et al. 2005). Donc l'absence de remise en cause des
droits est gage de sécurité comme l'estime Le Roy (1992) :
« un acteur est en sécurité lorsque ses droits fonciers
ne seront pas remis en cause.» Par ailleurs, selon Tallet Bernard et
al (2003), la sécurité foncière est une question de
perceptions variables d'un acteur rural à un autre qui se
résumerait : l'accès à long terme aux terres et la
reconnaissance d'un droit exclusif sur les terres familiales et
lignagère, la possibilité d'exercer des droits d'usage durables
sur les terres concédées par les autochtones, voire à la
stabilisation de la tenure foncière. Nous pouvons alors conclure que la
garantie d'accès durable à la terre épargné de tous
soupçons de remises en cause serait un gage de sécurité
foncière.
· Précarité
foncière
Selon Jean Bonnal (1995), un droit foncier est
précaire lorsqu'il ne permet pas aux exploitants de s'engager dans des
actions ayant des effets à long terme, par exemple la plantation
d'arbre. Elle se traduit par les droits de culture accordés
temporairement (les contrats de courte durée à l'instar des
prêts et locations annuels ou saisonniers) ou provisoirement (Philipe
Lavigne-Delville : 2001 ; Bakayogo Nouhoun : 2003 ; François Jarrige et
al : 2003) d'une part, et d'autre part par la cession de droits de cultures
annuelles ou saisonnières qui s'opposent aux droits de planter (Bachir
Doucouré Moustapha : 2004). Par ailleurs un exploitant est en situation
foncière précaire lorsque les contrats de courte durée
dont il bénéficie ne sont pas reconduits
régulièrement ou si en cas de rupture, il ne peut relativement en
bénéficier ailleurs, c'est-à-dire accéder à
une nouvelle parcelle agricole (Phillipe Lavigne-Delville : 2001).
Ainsi, l'on parle de précarité foncière
lorsque les droits d'usage sur la terre sont de courte durée ou lorsque
ces droits, malgré leur caractère permanent ne permettent pas
cultiver des cultures pérennes
· Conflit foncier
C'est un « désaccord portant sur les droits
fonciers, ou encore les limites ou le mode d'utilisation d'un terrain. Un
conflit foncier se produit lorsqu'il existe une incompatibilité entre
plusieurs intérêts individuels ou collectifs concernant un terrain
» (FAO, 2003). Par ailleurs, selon Gérard Ciparisse et al
(2005), les « conflits fonciers sont révélateurs des
objectifs contradictoires qui peuvent être poursuivis par les
différents acteurs en présence dans la gestion des ressources
naturelles. »
V. L'APPROCHE METHODOLOGIQUE
La méthodologie mise en oeuvre comprend essentiellement
trois parties : la recherche documentaire, les enquêtes de terrain ainsi
que le traitement et l'analyse des données.
5.1. La recherche documentaire
Elle a consisté en la consultation de documents relatifs
à la question foncière, à la méthodologie de
recherche, au milieu physique et humain de la zone d'étude à
travers des
ouvrages collectifs et individuels, des rapports, des
articles, et des sites web sur internet. Cette recherche nous a conduit dans
les principaux centres de documentation suivants : université de
Ouagadougou, CIRD, ISSP, ministère de l'agriculture, etc.
L'examen des notes bibliographiques relatives à la
question d'accès à la terre en milieu rural révèle
deux principales problématiques que sont l'insécurité
foncière et la précarité foncière. Ces deux
problématiques sont perçues sur plusieurs angles.
Néanmoins, cet examen bibliographique mentionne que la
précarité est perçue sous l'angle de la durée des
droits fonciers et des types de cultures réalisables de par les clauses
des transactions foncières, tandis que l'insécurité est
appréhendée sous l'angle des risques : de rupture des contrats
avant terme, de ne pouvoir pas bénéficier des fruits de son
travail, etc. C'est pourquoi certains auteurs qui assimilent la
précarité foncière aux contrats de courte durée,
estiment qu'un droit précaire n'insinue pas à priori une
situation d'insécurité si l'exploitant a la garantie de jouir des
fruits de son travail et de la parcelle qu'il exploite jusqu' à la date
d'expiration de son contrat. Mais ce dernier serait en insécurité
s'il est exposé à un risque de retrait de sa parcelle avant que
le contrat n'arrive à terme (Phillipe Lavigne-Delville : 2001).
Notre recherche s'inscrit aussi dans la problématique
des questions d'insécurité et de précarité
foncières qui découlent des modes d'accès à la
terre en zone rurale, mais particulièrement en zone de front pionnier
agricole. Pour ce faire, des travaux de terrain, en vue de la collecte de
données empiriques ont été menés.
5.2. Les enquêtes de terrain
Elles se sont déroulées en deux phases. La
première a eu lieu dans le mois d'avril 2005 et a permis d'identifier
notre site d'investigation dans le département de Sidéradougou,
puis d'expérimenter nos outils de collecte de données. A l'issu
de cette première phase, des corrections ont été
apportées pour mieux adapter ces outils aux réalités du
terrain. La seconde phase s'est déroulée de novembre 2005
à janvier 2006 et s'est traduite par l'administration d'un questionnaire
aux chefs d'exploitation agricole et de guides d'entretien aux personnes
ressources.
5.2.1. Le choix de la zone
d'étude
Le cadre général d'étude est la province de
la Comoé, en particulier le département de Sidéradougou
dont relève notre zone d'investigation : le site de
Dèrègouè. Le choix de cette
province s'explique par le fait qu'elle regorge
d'énormes potentiels agro-sylvo-pastoraux et représente un front
pionnier récent de forte et intense colonisation agricole ces
dernières années. Par ailleurs, le site de
Dèrègouè dans le département de Sidéradougou
a été choisi pour les raisons suivantes :
- la forte présence de migrants installés
récemment dans la zone ;
- le déguerpissement de certains agriculteurs sur le
site à vocation pastorale en mai 2004, traduisant ainsi la situation de
saturation foncière dans laquelle se trouve
Dèrègouè ;
- la recrudescence des litiges fonciers entre éleveurs et
agriculteurs.
Dans la zone d'étude, les enquêtes se sont
déroulées dans 2 villages. Ces villages sont
Dèrègouè et Hobaga lesquels sont respectivement
désignés par Dèrègouè 1 et
Dèrègouè 2 sur le plan administratif. Ils ont
été choisis parce qu'ils regroupent les plus grands effectifs de
population de la zone d'étude1. Par ailleurs,
Dèrègouè est le point de départ du peuplement et
Hobaga, le lieu où les premiers migrants, notamment mossi,
étaient installés par les autochtones. Aussi, ces deux villages
sont-ils représentatifs du site en ce sens qu'ils couvrent dans leur
ensemble tous les domaines fonciers coutumiers des chefs de terre qui se
réclame de Dèrègouè, ce qui nous a permis
d'appréhender la situation foncière dans chaque domaine.
5.2.2. Le choix des variables
Les variables qui ont été identifiées pour
mener à terme la collecte des données sur le terrain sont les
suivants :
- le statut des exploitants agricoles;
- les modes d'accès à la terre ;
- les problèmes d'insécurité foncière
et de précarité foncière
- les groupes sociaux d'agriculteur ;
- les stratégies de sécurisation foncière
;
- les facteurs explicatifs des problèmes fonciers ;
- les migrations agricoles ;
- les incidences des problèmes fonciers ;
- les pratiques agricoles.
Des travaux de terrain ont ensuite été
menés pour la collecte d'informations.
1 En 1996, Dèrègouè 1
représentait 32.4% de la population de la zone d'étude contre
43.8 % pour Dèrègouè 2 (INSD/RGPH : 1996). Par contre en
2004, Dèrègouè 1 représentait 60.9 % et
Dèrègouè 2 18.6% (Préfecture de
Sidéradougou/recensement administrative 2004).
Les problèmes fonciers en zone de front pionnier
agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé
5.2.3. Les populations
enquêtées
Au total 172 personnes, composées de personnes ressources
et de chefs d'exploitation agricole, ont été
enquêtées.
5.2.3.1. Les personnes ressources
Il s'agit des leaders d'opinion locaux du site de
Dèrègouè (chefs de terre, chef de village, chefs de
quartier, responsable d'association ou de groupement, RAV), les
autorités administratives (préfet) et les services techniques de
l'agriculture et de l'élevage (Cf. tableau n°1). Au total 22
personnes ressources ont été interviewées. Celles-ci ont
été choisies en fonction de leurs connaissances du peuplement du
site et de la sa situation foncière qui y prévaut.
Tableau n°1 : Récapitulatif des
personnes ressource enquêtées
Personnes ressources enquêtées
|
Total
|
Préfet
|
1
|
RAV
|
2
|
Services techniques (ATAS et RZAPS)
|
2
|
Directeur d'école
|
1
|
Notables (Chefs de terres, chef de village, chef des eaux,
notables Dioula)
|
8
|
Chefs de quartier
|
5
|
Représentant CVGT
|
1
|
Représentant du bas-fond PSSA/FAO
|
1
|
Représentant de groupement d'éleveurs
|
1
|
Total
|
22
|
|
Source : Enquête de terrain 2005/2006
5.2.3.2. Les chefs d'exploitation agricole
Les chefs d'exploitation agricole, c'est-à-dire les
responsables des champs individuels ou collectifs, constituent la population
dont nous avons voulu analyser les problèmes fonciers. Ils
représentent en général les chefs de ménage dans la
zone d'étude.
Au total 150 chefs d'exploitation sur 867 que compte le site
de Dèrègouè, dont 48 autochtones et 102 migrants, ont
été enquêtés. Cet échantillon
représente 17.3% des ménages du site de
Dèrègouè. Ces exploitants ont été choisis
selon qu'ils étaient disponibles dans les concessions ou dans les
champs. Par ailleurs, ceux ayant été victimes du
déguerpissement foncier en mai 2004 ont été ciblés
pour ensuite être soumis au questionnaire. Les localités
regroupant à majorité les migrants, les autochtones et celle
où ces deux groupes sont quasi-
proportionnels en nombre ont été couvertes pour
rendre représentatif notre échantillon. Ainsi 11 localités
sur 17 que couvre le site de Dèrègouè ont
été couvertes par l'enquête.
5.2.4. Les techniques de collecte des
données
Le questionnaire, les guides d'entretien et l'observation
directe ont été les moyens qui nous permis de collecter les
informations sur le terrain.
5.2.4.1. Le questionnaire
Il a été soumis aux chefs d'exploitation
agricole. Ce questionnaire, composé d'un ensemble de questions
fermées et semi-ouvertes, a permis surtout de collecter et
d'apprécier l'importance et la fréquence des informations sur :
les composantes sociales voire des chefs d'exploitation agricole, les modes
d'accès à la terre, la durabilité des droits de culture,
les types de problèmes liés à l'accès à la
terre, les types de culture, les modes des investissements agricoles, les types
de conflits fonciers et les stratégies de consolidation des droits
fonciers.
5.2.4.2. Les guides d'entretien
Deux guides d'entretien distincts ont permis la collecte
d'informations. Le premier a été adressé aux leaders
d'opinion locaux de la zone d'étude. Quant au second, il a
été adressé aux autorités administratives et aux
services techniques qui y interviennent. Ces deux outils ont permis dans leur
ensemble d'obtenir des informations sur: l'histoire du peuplement du site de
Dèrègouè, l'organisation sociale et le système
foncier traditionnel, les pratiques agricoles et leur dynamique, les
modalités d'accès à la terre en vigueur et les types des
problèmes fonciers rencontrés et leurs modes de
résolutions.
5.2.4.3. L'observation directe
Elle a consisté en des visites de concessions, de
champs et en des randonnés à travers le paysage. Elle nous a
permis d'identifier les leaders d'opinion et de se familiariser aux populations
locales tout en s'imprégnant de ses codes de conduite. Ainsi, nous avons
pu appréhender la structuration socio-spatiale de la zone
d'étude, faire un inventaire des espaces cultivés et non
cultivé, identifier les balises délimitant la zone pastorale
aménagée, observer l'occupation agraire de ladite zone et
identifier les concessions saccagées au cours du déguerpissement,
etc. Au cours de cette phase d'observation, des entretiens informels ont eu
lieu avec les populations. Les points abordés étaient relatifs
aux jugements portés sur la
dynamique foncière en cours dans la zone, les pratiques
agricoles, les problèmes fonciers vécus, etc.
3. le traitement des données
Le traitement des données collectées sur le
terrain en vue de la rédaction du mémoire s'est effectué
manuellement par la construction de grille de dépouillement.
Ce dépouillement a permis d'apprécier la
fréquence des modes d'accès à la terre et des
problèmes fonciers respectivement sur la base du total de chefs
d'exploitation agricole enquêtés et le total de transactions
foncières enregistrées à travers le questionnaire. Quant
aux données collectées au moyen des guides d'entretien, elles
sont de sources variées et ont subit des recoupements. Cela nous a
permis de dégager les similitudes et les divergences relatives aux
thèmes qui ont été abordés lors des entretiens.
Par ailleurs, les données cartographiques et
chiffrés ont subit respectivement un traitement informatique à
partir des logiciels ArcView 3.2, arc info et Microsoft Excel qui nous a permis
de visualiser des graphiques et des cartes.
VI. LES DIFFICULTES
Le déroulement des enquêtes de terrain a
été émaillé de quelques difficultés. Au
nombre de ces difficultés on peut retenir :
- la rétention de l'information au niveau des
enquêtés à cause de la recrudescence des litiges fonciers,
notamment le déguerpissement foncier qui suscitait la crainte dans la
zone.
- la non-disponibilité des chefs d'exploitation pour des
raisons diverses (travaux champêtres, jours de marché, etc.)
- l'indisponibilité des sources écrites pour
attester des pratiques ou des faits constatés sur le terrain.
Néanmoins, le désir de réussir ce
mémoire a permis de braver ces difficultés. Ainsi des
données intéressantes ont pu être collectées et ont
permis de rédiger ce mémoire qui s'articule sur trois parties
:
- la première partie traite du milieu physique et humain
de la zone d'étude
- la deuxième partie analyse les problèmes
d'accès à la terre et les incidences qu'ils engendrent dans la
zone de Dèrègouè ;
- la troisième partie porte sur une analyse des facteurs
explicatifs des problèmes fonciers et des stratégies locales de
sécurisation foncière.
PREMIERE PARTIE :
LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES ET HUMAINES DE
LA ZONE D'ETUDE
Situé entre les coordonnées
géographiques 10°45'0 de latitude Nord et 4° 4'60 de longitude
Ouest, le site de Dèrègouè se trouve à
l'extrême Nord-ouest du département de Sidéradougou dans la
province de la Comoé. Il est limité:
· au Nord-est par le département de Péni
(Province du Houet);
· au Nord-ouest par le département de
Karagasso-vigué (Province du Houet) ;
· au Sud par le village de Gouandougou relevant aussi du
département de Sidéradougou ;
· à l'Ouest par Sidéradougou, chef lieu du
département dont relève Dèrègouè ; Cette
zone est accessible par les routes praticables joignant les localités
suivantes :
·
Ouagadougou-Bobo-Dioulasso-Wara-Dèrègouè ;
·
Ouagadougou-Diébougou-Gaoua-Sidéradougou-Dèrègouè
;
·
Ouagadougou-Bobo-Dioulasso-Banfora-Sidéradougou-Dèrègouè
Carte n°1
CHAPITRE I : LE MILIEU PHYSIQUE
L'analyse du milieu physique de la zone d'étude s'est
basée sur les facteurs suivants : relief, climat, pédologie,
réseau hydrographique et végétation.
1.1. LE RELIEF
Le site de Dèrègouè repose sur des
roches cristallines antébirimiennes (gneiss et migmatites) et un granite
calcéo-alcalin d'âge indéterminé. Au Nord-est et
à l'Est de la zone s'étendent des schistes du système
birimien avec localement des massifs de granite à amphibole d'origine
plutonique. Elle est limitée au Nord-est par les grès du
précambrien supérieur qui forment la pseudo-falaise de Banfora.
Cette pseudo-falaise surplombe notre zone d'étude qui se situe au Sud de
cette dernière.
Le socle granitique et les formations birimiennes y ont
été fortement pénéplanées et les formes de
relief sont très peu accentuées. L'altitude passe de 290 m
(niveau de la rivière Koba) à 340 m au sommet des ondulations. Le
point culminant de Dèrègouè est de 350 m. Les pentes sont
très faibles de 1% à 3%.
Entre Dèrègouè et Soumousso subsistent
quelques reliefs granitiques en dômes. Des buttes cuirassées se
retrouvent reparties dans le périmètre. Á l'Est, une
série de buttes latéritiques marque la limite avec de nombreux
petites vallées encaissées (ou vallons) et quelques grandes
vallées alluvionnaires.
1.2. LE CLIMAT
Le climat de la zone d'étude, à l'instar de la
province de la Comoé, est de type soudano-guinéen marqué
par l'alternance de deux saisons bien contrastées: une saison humide et
une saison sèche. La saison humide dure 7 mois et s'étend d'avril
à octobre comme le témoigne le graphique ci-dessous. Cette saison
correspond à la période pendant laquelle soufflent les vents de
mousson porteurs de pluie qui se déplacent du Sud-ouest vers le Nord-
est du Burkina Faso. La saison humide constitue la période active des
populations paysannes de la zone. Par contre, la saison sèche
s'étend sur 5 mois, de novembre à mars. Elle est dominée
par les vents d'harmattan de direction Nord-est Sud-ouest. Ces vents sont
porteurs d'air sec et chaud. Bien que cette période soit sèche,
des pluies communément appelées
« pluies de mangue » s'y manifestent entre les mois
de février et mars. L'alternance entre les périodes humide et
sèche est le résultat des variations pluviométrique et
thermique.
Graphique n °1
140
120
100
40
80
60
20
0
Diagramme ombro-thermique de la station
agro-climatique de Bérégadougou
Mois
250
200
300
50
0
150
100
T° C moy Pmm
Source : Direction Nationale de la
Météorologie
· Les précipitations ;
Avec une moyenne pluviométrique annuelle de 10 17.3 mm
calculée sur une période de 30 ans à partir de la station
agro-climatique de Bérégadougou apparaissent abondantes
comparativement à la moyenne pluviométrique des régions du
Centre et du Nord. Cela explique en partie la migration des paysans du «
plateau central », et surtout l'installation des émigrés
burkinabé de retour de la Côte d'Ivoire vers les zones rurales de
la province de la Comoé, à l'instar de notre zone d'étude.
Toutefois, la pluviométrie reste aléatoire et inégalement
répartie dans le temps et l'espace. En effet, les variations
spatio-temporelles sont significatives comme le démontre le graphique
ci-dessous.
Graphique n°2
1400
1200
1000
400
800
600
200
0
Variation spatio-temporelle des précipitations
à Bérégadougou et à Sidéradougou de 1984
à 2004
Période (en année)
Pmm Bérégadougou Pmm Sidéradougou
Source : Direction Nationale de la
Météorologie
· Les températures ;
Comparativement à l'ensemble du pays, les
températures enregistrées dans la province de la Comoé
sont relativement basses. La température moyenne annuelle est de l'ordre
de 27.3°C avec une amplitude de 5°C. Les températures
mensuelles (Cf. graphique n°3) sont irrégulières et leurs
évolutions permettent de distinguer quatre périodes au cours de
l'année :
- une période froide, assez courte qui correspond au
mois de décembre, janvier et mi
février. Sa moyenne thermique est 27°C avec une
amplitude de 2.6°C ;
- une période torride, couvrant les mois de mars, avril
et mai avec un écart thermique de 1.4°C et une moyenne de 30°C
;
- une période tiède avec une amplitude de
1.4°C et une moyenne de 2 6°C. Elle correspond à la saison des
pluies et concerne les mois de juin, juillet, août, septembre, octobre et
mi-novembre ;
- une période chaude ; elle marque la transition entre la
période tiède et la période froide communément
appelée « période d'harmattan ».
Graphique : n°3
Variations thermiques mensuelles à patir de la
station agro-climatique de Bérégadougou
Mois
40
35
30
25
20
15
10
5
0
T° C maxi T° C mini T° C moy
Source : Direction Nationale de la
Météorologie
1.3. LE RESEAU HYDROGRAPHIQUE
Le Site de Dèrègouè fait partie du
bassin versant de la Bougouriba et est drainé par le principal cours
d'eau, la rivière Koba. Le Koba prend sa source dans la partie Nord de
la Comoé, plus précisément sur les hauteurs de la
pseudo-falaise de Banfora, suit un parcours sinueux et ramifié avant de
se jeter dans la Bougouriba, un affluent du fleuve Mouhoun. Son
écoulement est intermittent et tributaire de la pluviométrie et
des températures. Sa période de crue correspond aux mois de
juillet, Août et de septembre. En début de saison sèche,
des marres d'eau stagnent temporairement, permettant ainsi aux agriculteurs de
pratiquer des cultures de contre-saison et aux éleveurs d'abreuver les
troupeaux de bétail.
Cette rivière joue un rôle capital dans les
activités agro-pastorales. Elle constitue la principale source
d'approvisionnement en eau des paysans qui pratiquent la culture
irriguée. Aussi, offre-t-elle aux éleveurs des points d'eau pour
abreuver les troupeaux.
1.4. LES SOLS
Ils sont dominés par les sols ferrugineux tropicaux
lessivés, composés des matériaux lithologiques suivants :
grés, schiste, etc. Ces sols, classés selon leurs
matériels lithologiques et leurs aptitudes agronomiques, sont
composés essentiellement de :
- lithosols ; ils regroupent les lithosols
sur roches diverses et les lithosols sur cuirasse. Les premiers sont
localisés sur les reliefs résiduels, notamment les buttes
rocheuses. Leurs matériels lithologiques sont composés
essentiellement de grès inférieurs. Par contre, les lithosols sur
cuirasse sont localisés sur les buttes cuirassées. Ces types de
sols sont favorables à la pratique de cultures diverses : cultures
vivrières, coton, etc. ;
- sols ferrugineux ; on y distingue deux types
dans la zone :
- les sols ferrugineux lessivés indurés ; ils
sont présents sur les glacis à pentes fortes et les plateaux de
raccordement. Les schistes, les grés à galets de quartz, les
granites sont les matériels lithologiques qui les prédominent. On
peut y pratiquer les cultures de sorgho, de maïs, de mils, de coton et
d'arachide.
- les sols ferrugineux tropicaux lessivés à
taches et concrétions ; ces sols sont localisés sur les glacis
à pentes moyenne et inférieure. Ils sont constitués de
matériels lithologiques suivants : les grés, les quartz, les
galets, les granites calco-alcalins, les schistes, les colluvions, les
alluvions, etc. Ces sols sont favorables aux cultures vivrières et
à la culture du coton ;
- sols hydromorphes à pseudogley de surface ;
ils sont localisés sur les ensembles fluvio-alluviaux :
bas-fonds, vallons et vallées alluviales. Ces sols sont
constitués d'alluvions et sont propices à la pratique des
cultures suivantes : riz, sorgho, maïs, mil, arachide, coton, etc.
Les aptitudes agronomiques des sols de
Dèrègouè montrent qu'elles sont favorables à la
pratique de plusieurs cultures (culture vivrière, culture commerciale,
arboriculture, etc.). Ces sols conjugués au climat et au réseau
hydrographique, offrent à la zone une végétation dense et
diversifiée.
1.5. LA VEGETATION
Sur le plan phytogéographique, le site de
Dèrègouè à l'image de la zone pastorale de
Sidéradougou est situé dans le district de la Comoé du
secteur soudanien méridional (Guinko Sita, 1984). La
végétation est caractérisée par des formations
naturelle et artificielle (anthropique).
· Les formations naturelles ; elles
sont composées de savanes arborées (forêt galerie et
îlot de forêt dense) et des formations ripicoles. Ces formations
naturelles sont dominées par les espèces ligneuses telles que
vitelaria (Karité), Parkia biglobosa
(Néré), Lamarindusindica (Tamarinier), Loudtiopis
scoettoe, Terminalia laxiflora, Isoberlinia doka. Le
karité, le néré et le tamarinier sont des espèces
protégées par les populations
locales. la coupe abusive de ces
essences est passible de sanction pour celui qui en est l'auteur. Le tapis
graminéen est composé en majeur partie d'andropogonées
vivaces : Schizachyrium, Andropogon, Hyparrhenia,
etc. Ces graminéens ont des tailles variant entre 20 et 50 cm. Á
ces formations naturelles s'ajoutent quelques espèces pérennes
introduites par l'homme.
· Les formations artificielles ; elles
sont composées d'espèces végétales durables
plantées par les populations paysannes. Ces espèces
représentent des intérêts économique et
stratégique pour ces paysans des fronts pionniers agricoles, notamment
pour ces migrants en quête d'un mieux être et de droits fonciers
durables sur les terres. Les espèces qui prédominent dans ces
formations anthropiques sont : Mangifera indica (Manguier),
Anacardium occidental (Anacardier), etc. Elles se conjuguent aux
formations naturelles pour caractériser la trame
végétative de la zone d'étude.
Les traits physiques (relief, climat, cours d'eau, sols et
végétation) offrent d'énormes potentialités
agro-pastorales à la zone : abondance du pâturage,
possibilité de pratiquer une gamme variée de cultures,
présence de nombreux points d'eau, etc. Ces atouts agroclimatiques et
écologiques ont influencé l'Etat et ses bailleurs de fonds dans
le choix de la zone comme site d'accueil de l'élevage, d'où
l'aménagement d'une zone agropastorale dénommée «
zone aménagée de Sidéradougou ». Aussi, ces
caractéristiques ont-elles favorisé les mouvements de populations
en provenance du nord, qui y ont joué un rôle décisif dans
la dynamique socio-démographique, économique, foncière et
agraire.
CHAPITRE II : LE MILIEU HUMAIN
Ce chapitre traite de la dynamique du peuplement, de
l'organisation sociale et des activités économiques de la zone
d'étude.
2.1. LE PEUPLEMENT DE LA ZONE D'ETUDE
Il est nécessaire de faire référence
à l'histoire du peuplement du site de Dèrègouè pour
mieux appréhender ses caractéristiques humaines actuelles. Le
peuplement de ce village s'est fait par vagues successives et a
débuté avec le groupe ethnique tiéfo portant le patronyme
« Ouattara ». Cependant, la paternité de
Dèrègouè est un sujet à polémique entre les
différents lignages de ce groupe.
2.1.1. L'historique de la fondation de
Dèrègouè
Selon les informations relatives au peuplement de
Dèrègouè, il ressort que les Tiéfo sont les
fondateurs du village. Les recherches de Malo Houodié (2005) dans la
zone révèlent que « les détenteurs actuels des
maîtrises territoriales des villages de (...),
Dèrègouè, Sidéradougou sont des Tiéfo (...).
Les Tiéfo auraient vécu dans la région de Kong avant de
s'installer dans l'actuelle province de la Comoé. Ils formèrent
de petits villages comme Gouandougou, Noumoundara le long de leurs parcours
». Cependant, l'historique du père fondateur du village fait
l'objet de nombreuses controverses. En fait, le nom du fondateur du village ne
fait pas l'unanimité entre les lignages autochtones ; d'où la
narration de récits divergents.
Selon le chef du village (Dougoutigui), « c'est
Ouattara Amoro qui est le fondateur de Dèrègouè
». Ce dernier serait un chasseur originaire du village de
Gouandougou. « L'actuel Dèrègouè était son
lieu de chasse .... Il faisait des vas et viens entre Gouandougou et
Dèrègouè à la recherche de gibiers. S'étant
habitué et ayant apprécié le lieu, il décida d'y
rester définitivement. C'est ainsi qu'il baptisa le village «
Derpien » (qui signifierait en langue tiéfo « je m'y suis
habitué) » et fit venir sa mère Matogoma et ses
frères qui résidaient à Gouandougou ».
Une deuxième version, contraire à la
précédente et narrée cette fois par le « Batigui
» (chef des eaux) affirmerait que « c'est Sawari
(ancêtre du lignage se réclamant du Balankanafêsso) qui est
le fondateur de Dèrègouè. Quand il est arrivé ici
(allusion faite au site), il n' y' avait personne. En son temps, il y 'avait de
la viande (allusion faite aux animaux sauvages) et tout le lieu était la
brousse. Il l'apprécia, décida d'y élire domicile et le
baptisa « Derkpin », qui signifierait « il m'a maintenu
».
Le lignage du chef de village et du chef des eaux sont les
deux grands lignages propriétaires terriens de la zone. Bien qu'ils
soient tous des Tiéfo portant le même patronyme, ces derniers ne
s'accordent pas sur le nom du père fondateur du village, chacun se
réclamant la paternité. En effet, selon S. B, un dioula
assimilé au Tiéfo par matrilignage, « les descendants de
Sawari sont venus de Dramandougou et ceux de Ouattara Amoro, de Gouandougou.
Mais tous sont originaires de Kong. Il serait difficile de dire qui est-ce qui
se serait-il installé en premier ». Pour Mr D., ATAS de la
zone « les deux lignages (les descendants de Sawari et ceux de Amoro)
se disputent la paternité du village. Chacun affirme que c'est son
ancêtre qui est le premier à s'être installé. Or, il
paraîtrait que ces deux étaient tous des chasseurs qui avaient
comme site de chasse Dèrègouè. Mais leurs tentes
étaient situées de part et d'autre de la colline, raison pour
laquelle nul n'était au courant de la présence de l'autre. Un
jour, l'un vit une flamme, il s'approcha et constata une autre présence
humaine. Et comme chacun affirmait qu'il était le premier sur le site,
ils décidèrent ensemble de se partager les pouvoirs du village.
Ainsi les descendants d'Amoro et de Sawari ont respectivement à leur
charge la gestion du « Dougou » (village et le fétiche
protecteur du village) et du « Ba » (actuel rivière Koba et
ses affluents) ».
Selon la famille du chef de terre de Kounbrigban, faisant
partie de la descendance d'Amoro, « les descendants de Sawari et
d'Amoro sont des cousins. Mais, ce sujet est un sacré dans le village.
Au fait, les deux étaient dans le village et la femme de Sawari
décéda. Amoro décida alors de donner sa fille comme
épouse à Sawari afin qu'il puisse assurer une progéniture.
Mais, cette alliance devait rester sacrée. On ne devrait pas en parler.
C'est parce qu'aujourd'hui il y' a l'argent dans la terre, chacun se
réclame la paternité du village ».
Loin de nous l'intention de jouer le rôle de juge sur
cette question, raison pour laquelle nous avons faire usage du temps
conditionnel pour évoquer la polémique qui règne autour de
l'histoire de la paternité de notre zone d'étude. Cependant,
l'unanimité des populations sur cette question est que ce sont les
Ouattara de l'ethnie tiéfo qui sont les premiers occupants du
site, par conséquent propriétaires terriens
coutumiers de la zone. Cette polémique autour de l'histoire du premier
fondateur de Dèrègouè est l'une des raisons principales de
son partage en trois grands territoires coutumiers: «
Dougoutiguifêsso », « Balankanafêsso » et
« Missifêsso ». Après s'être
installés, les Tiéfo ont été suivis par les Dioula,
avec qui ils forment le groupe autochtone. Tous comme les tiéfo, ils
seraient originaires de Kong et s'y seraient installés entre le 18 et 1
9ème . Ceux-ci portent les patronymes suivants Diawara;
Sanogo et Touré. Ils et sont les pionniers de l'islamisation de la
zone.
Cependant, à partir des années 1970 on assiste
à des vagues de migration en direction de la zone d'étude dont
l'objectif principal est la recherche de terres et de pâturages.
2.1.2. Le peuplement de Dèrègouè par
les « douna »
Les « douna » sont les populations dites
étrangères. Ce sont les allochtones, les migrants de la zone.
Leurs arrivées datent des années 1960/1970 et se sont
déroulées par vagues successives :
· La première vague de peuplement: 1960/70
à 1985 ;
Elle concerne les premiers migrants composés d'ethnies
karaboro, bobo, peul et mossi. Cette vague de migration est consécutive
aux sécheresses qui ont affectés le pays en 1973/74 et en
1983/1984. Elles ont plus affecté les régions Nord et Centre du
pays. Les Bobo et les Karaboro sont venus respectivement de la province du
Houet et de la Comoé (plus précisément des
départements de Tiéfora et de Banfora), par contre les Mossi sont
principalement venus des provinces du Yatenga et du Zandoma. L'arrivée
des Peul a surtout été stimulée par l'aménagement
de la zone pastorale de Sidéradougou. Ces premiers migrants ont
formé des villages tels que Hobaga, Faraba, Sounsoun, etc.
· La seconde vague de peuplement: 1985 à
1995 :
Les zones de provenance des migrants de cette vague sont la
« vieille zone cotonnière», qui est la «région
ouest et nord-ouest du Burkina Faso, au nord de Bobo- Dioulasso. Avec les
sécheresses des années 70 et 80, et le développement du
coton, des mouvements importants de migration ont eu, principalement lieu
à partir du plateau central mossi, densément peuplé et
frappé par la sécheresse. Encouragées par L 'Etat, ces
migrations ont entraîné de rapides et profondes évolutions
économiques et sociales : accroissement démographique des
villages, création de nouveaux hameaux de migrants, extension
des
cultures et saturation des terroirs »
(Paré et Tallet, 1999 ; cité par Paul Mathieu et al.
2003 :3). Suite à la dégradation des ressources
naturelles, à la saturation foncière et au manque de
pâturage, ces migrants ont quitté la vielle zone cotonnière
pour ensuite migrer vers le Sud-ouest, notamment dans la province de la
Comoé dans l'espoir d'accéder à de nouvelles terres de
culture et au pâturage. C'est dans ce contexte que de nombreux migrants
en provenance de ladite zone, et appartenant principalement aux groupes
ethniques mossi, samo et peul sont venus s'installer à
Dèrègouè. 44% des chefs d'exploitation agricole
enquêtés ont quitté cette zone, notamment dans les
localités de Kouka, Bondokuy, Bama, Padéma, etc. Cependant,
certains migrants de cette vague avaient pour zone de provenance le «
plateau mossi ». Cette vague a été suivie par un fort
mouvement de populations.
· La troisième vague de peuplement: 1995
à 2005 ;
Cette troisième vague se situe dans une période
d'intensification des flux d'immigration à
Dèrègouè. Sur le total des 102 migrants
enquêtés, 61% se sont installés à cette
période avec leurs familles respectives (Cf. graphique n°4). Par
ailleurs, ces immigrations se sont accentuées davantage à la
deuxième moitié de cette période. En effet, 29% des
migrants de cette troisième vague de peuplement sont arrivés
entre 1995 et 1999 et 77% entre 2000 et 2005. Ces migrants sont à
majorité composés de mossi et viennent principalement de la
Côte d'Ivoire et de la « vieille zone cotonnière ».
La troisième vague de migration marque le retour
important de burkinabé installé auparavant en Côte d'
Ivoire. Nombre d'entre eux se sont installés dans la province de la
Comoé. Á ces derniers se sont ajoutés d'autres migrants en
provenance des provinces des Banwa, du Houet, du Kénédougou, de
la Sissili, etc. 30.5% des migrants enquêtés installés
à Dèrègouè ont pour zone de provenance la
Côte d'Ivoire contre 43% en provenance de la « Vieille zone de
colonisation agricole » (Cf. graphique n°5 et carte n°2). Les
années 2000 marquent un tournant décisif dans l'histoire du
peuplement de la zone d'étude, et partant de la province de la
Comoé. Elles caractérisent la période d'arrivée
massive des migrants en quête de terres de culture.
1970-1985 1985-1995 1995-2000 2000-2005
Côte d'Ivoire "Vieille zone cotonnière" "Plateau
Mossi" Comoé et Autres
Graphique n°4
Répartition des migrants enquêtés
selon la période d'installation (en %)
Source : enquête de terrain : 2005-06
Graphique n°5
Répartition des migrants enquêtés
selon la zone de provenance (en %)
Source : enquête de terrain :
2005-2006
2.2. LES DONNEES DEMOGRAPHIQUES
Estimée à 550 Hbt en 1975, la population de
Dèrègouè est passée à 1141 Hbt en 1985 et
à 3689 Hbt en 1996 (INSD : RGP 1975 et 1985 ; RGPH 1996). En 10 ans (de
1985 à 1996),
elle a triplé. Par ailleurs, Cet effectif a
augmenté davantage ces dernières années en passant de 4200
Hbt en 1998 à 6066 en 20043.
Cependant, la population du site de
Dèrègouè reste inégalement repartie sur le plan
ethnique et spatial. Elle est à majorité composée de
migrants mossi qui représentent 34.6% des ménages. Par ailleurs
20.6% des ménages sont des autochtones (Tiéfo et Dioula), 8% sont
peul, 5% sont des Karaboro. Les Samo, les Marka, les Lobi, les Dagari, les
Gourounsi, les Dogossiè, etc. représentent dans leur ensemble 31%
des ménages (Cf. graphique n°6).
Graphique n°6
Répartition ethnique des ménages à
Dèrègouè
Mossi
Tiéf o et Dioula
Peul
karaboro
Autres ethnies (Dagari, Dogossiè, Gourounsi, Marka,
Lobi, Samo, etc,)
Source : Malo Houodié : 2005
Sur le plan de la répartition spatiale de la
population, le site de Dèrègouè regroupe quatre grands
villages : Dèrègouè, Hobaga, Kogouè et Kotougouni.
En 2004, ces localités étaient composées respectivement
61, 19, 10% de la population de cette zone (Cf. graphique n°7
répartition spatiale de population selon les périodes). Par
ailleurs, ce graphique montre que la population du village de Hobaga n'a pas
considérablement évolué, tandis que celle de
Dèrègouè 1 enregistre une évolution croissante.
Ceci s'explique par le fait que l'on enregistre un dépeuplement du site
de Hobaga au profit de Dèrègouè 1 lié à
l'aménagement de la zone pastorale.
2 Préfecture de Sidéradougou/recensement
administrative de la population 1998 et 2004
Graphique : n°7
Répartition de la population du site de
Dèrègouè selon les villages et les
périodes
Hobaga Dèrègouè 1 Kôgouè
Kôtougouni
1996 1998 2004
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
Année
Source : INSD 1996; recensement administrative
de la population 1998 et 2004
2.3. L'ORGANISATION SOCIALE
Les populations de Dèrègouè forment dans
leur ensemble deux grands groupes sociaux: les autochtones et les allochtones.
Ces deux groupes ont des organisations qui leur sont propres. Néanmoins,
ils cohabitent à travers des rapports d'interdépendance.
2.3.1. L'organisation sociale chez les autochtones
Les Tiéfo de Dèrègouè ont une
société de type segmentaire. L'organisation sociale est
basée sur la juxtaposition et l'équilibre des rapports entre les
lignages. Le système de filiation est de type bilinéaire et se
caractérise par l'appartenance de chaque individu à la filiation
matrilinéaire et la filiation patrilinéaire. L'héritage
est aussi bilinéaire ; le neveu maternel peut hériter des biens
de son oncle par voie matrilinéaire tout comme le fils de ce dernier.
Jadis le système d'héritage était de type matriarcat.
Mais, avec à l'islamisation des populations il est devenu mixte
(patriarcat et matriarcat).
2.3.1.1. Les autorités
traditionnelles
Les autorités impliquées dans la gestion
traditionnelle de la zone d'étude sont : le chef de village, les chefs
de terre et le chef des eaux.
· Le « Dougoutigui » ou le chef de village
Il est investi des pouvoirs politiques et coutumiers. Le chef
de village est chargé du contrôle social et politique de la
communauté villageoise. Il régule les litiges et conflits
sociaux. Son rôle est surtout perceptible à travers les sujets qui
interpellent toutes la communauté villageoise. Aussi, est-il le
dépositaire des rites relatifs au « Dougou » (qui
signifie en français village ; mais ici il correspond plutôt au
fétiche protecteur du village) ;
· Le « Batigui » ou le chef des cours d'eau
Il assure la gestion des cours d'eau à
l'échelle du village. Il officie les rituels et les sacrifices en
rapports avec les cours d'eau. Le chef des eaux règle tous les litiges
et malheurs en rapport avec l'eau. Chaque année, il immole une
chèvre ou un mouton pour remercier les ancêtres des eaux dans la
rivière Koba.
· Les « Dougoukolotigew » ou les chefs de terre
;
Ils assurent la gestion des terres qui leur sont
dévolues traditionnellement. Au nombre de six, ceux-ci installent les
migrants et attribuent les terres aux populations qui en font les demandes. Par
ailleurs, Ils officient les rites en rapport avec la terre et sont
impliqués dans la régulation des litiges fonciers
localisés sur leurs territoires respectifs.
2.3.1.2 Les unités socio-spatiales
Les autochtones s'identifient à trois unités
socio-spatiales que sont :
· le « Fêsso»
Il signifie « chez soi » et représente le
territoire dont se réclame un groupe de lignage ayant en commun le
même ancêtre. Par exemple, les descendants de Ouattara Amora
antérieurement cités sont assimilés au «
Dougoutiguifêsso » ; par contre, ceux de Sawari sont
assimilés à « balankanfêsso » et
« Missifêsso ». La gestion du fêsso est
assurée par l'aîné. Il oeuvre pour
la cohésion des segments de lignage regroupés
respectivement à travers des grandes concessions familiales
communément appelées « Lou »
· Le « Lou » ou la concession familiale
Il est le reflet des segments de lignage maternel ou
paternel. Les activités au sein de ces concessions sont
coordonnées par l'aîné à qui sont subordonnés
les cadets. L'aîné défend les intérêts de son
groupe auprès des autres familles. Les « Lou » sont
un regroupement de plusieurs familles nucléaires communément
désignées par le terme « Gbâ ».
· Le « Gbâ » ou foyer
Il symbolise le ménage et regroupe en
général le chef de ménage, son épouse ou ses
épouses et ses enfants. Dans cette unité, c'est le chef de
ménage, assisté de son épouse et de ses enfants qui
coordonne les activités. Il arrive parfois que ces ménages
regroupent les neveux, nièces, frères, cousins, etc. du chef de
ménage.
De ces unités sociales se dégagent les
unités de production suivantes:
- le champ collectif ou « foroba »
; c'est une unité de production agricole dont la main d'oeuvre
est composée d'individus se réclamant d'un même
ménage. Les activités y sont coordonnées par le chef de
ménage et la production sert à faire face aux besoins de
subsistance du groupe. On en fait usage dans les situations d'urgence, pour
la
simple raison que nombre de membres du ménage ont des
champs individuels ;
- le champ individuel ou «
djonganiforo » ; c'est unité de production
appartenant à un individu. Ces champs individuels sont en
général détenus par les femmes et les jeunes
célibataires.
L'ordre social au sein des groupes est régi par le
principe d'aînesse, qui se traduit par des rapports d'autorité des
aînés sur les cadets et des hommes sur les femmes au sein des
segments de lignage. Toutefois, les prises de décision se font par
concertation où chacun (vieux, jeune, homme, femme, etc.) donne son
point de vue sur les questions ou les problèmes
évoqués.
La société autochtone de
Dèrègouè n'est pas figée, elle connaît des
mutations dues à plusieurs facteurs : migrations, introduction de
l'économie de marché, la modernité, etc. Ces mutations se
traduisent par le morcellement des grandes familles, libérant ainsi les
jeunes ménages en quête d'autonomie. Ces jeunes créent
leurs propres habitations en dehors des grandes concessions familiales et
organisent leurs propres productions. Néanmoins, ils restent
sous l'autorité des aînés pour ce qui
concerne le mariage, les sacrifices et rituels. L'organisation sociale des
autochtones côtoie celle des migrants.
2.3.2. L'organisation sociale chez les
migrants
C'est une organisation sociale qui a été
crée sur la base de l'ethnie, de l'origine villageoise ou de la zone de
provenance de la migration. Elle fonctionne dans l'optique de maintenir la
cohésion au sein du groupe dont un tiers migrant s'identifie et de faire
face aux problèmes socio-fonciers et économiques de la zone.
L'organisation des migrants est centralisée autour
d'un individu qui, en général, est le premier migrant du groupe
avec lequel il partage la même ethnie ou la même origine
villageoise (province, département, village). Ceux-ci sont
regroupés dans des villages satellites dont les noms renvoient souvent
à l'ethnie pour certains :
- Kounbrangan, quartier regroupant les Mossi originaires du
yatenga ;
- Hobaga, village regroupant en majorité les Mossi
originaires du Zandoma ; - Karaborosso (Faraba, Sounsoun), quartier regroupant
les Karaboro ;
- Flatchin, quartier peul, etc.
Le chef de chaque groupe de migrants oeuvre pour la
préservation de la cohésion sociale au sein du groupe qui
s'identifie à lui. Il facilite l'insertion de tous les nouveaux migrants
qui s'assimilent à son groupe et participe à la défense
des intérêts de ces derniers auprès des autorités
coutumières. Les chefs de migrants sont considérés comme
des hôtes par ceux qu'ils accueillent. L'existence de ces deux groupes
d'organisation sociale n'exclue pas des inter-relations entre eux.
2.3.3. Les relations entre autochtones et
migrants
Á Dèrègouè, les autochtones, et
plus précisément les Tiéfo, sont les « djatigui
» (les hôtes) des migrants. Car ce sont les Tiéfo,
propriétaires terriens coutumiers qui autorisent à priori
l'installation, l'habitation, l'exploitation agricole, etc. aux migrants. Sans
leur accord, aucun migrant ne peut à priori s'installer dans le village
et exploiter un espace cultivable.
Chaque migrant a son hôte représenté par
la famille du chef de terre qui l'a installé. Tout se passe comme si le
chef de terre était le tuteur du migrant. Lorsqu'il attribue une portion
de terre à ce dernier, celui-ci lui devient redevable chaque fin de
saison. En plus, il existe des entraides mutuelles et des relations amicales
entre autochtones et migrants. Les
migrants participent, contribuent financièrement et
matériellement aux cérémonies des autochtones et vis versa
(baptême, mariage, etc.).
L'ordre social à l'échelle villageoise est
assuré de concert par le chef du village, les chefs de terre et les
chefs de migrants avec l'assistance des RAV. Ces derniers sont
interpellés dans la régulation des litiges sociaux et fonciers.
Lorsque les protagonistes sont insatisfaits, les problèmes sont soumis
aux forces de l'ordre (police ou gendarmerie) ou à la préfecture
en vue d'une résolution.
2.4. LES ACTIVITES ECONOMIQUES
L'agriculture et l'élevage sont les deux principales
activités économiques dans la zone. L'agriculture est
pratiquée par la majorité de la population et l'élevage
est surtout l'activité des éleveurs peul ainsi que de quelques
agriculteurs. Les cultures dominantes sont les céréales et le
coton ; l'arboriculture et les cultures maraîchères sont deux
activités émergentes. L'élevage est
caractérisé par la mobilité des espèces à
majorité composées de bovins, caprins, etc. La pêche et le
commerce sont aussi des sources de revenus pour ces populations.
2.4.1. L'agriculture
L'agriculture à Dèrègouè est
pratiquée pour la subsistance et les revenus monétaires. Les
cultures pratiquées varient très peu d'une exploitation à
une autre, de même que les moyens de productions. Les
céréales sont les principales cultures vivrières et le
coton y constitue la culture de rente privilégiée des paysans.
2.4.1.1. Les cultures pratiquées et l'outillage
agricole
Les principales spéculations cultivées sont : les
cultures vivrières et celles de rente.
· Les cultures vivrières
Les céréales sont les principales cultures
vivrières, mais on y cultive les tubercules.
Les céréales sont cultivées pour faire
face au besoin de subsistance des familles. Les principales
céréales sont le mil, le sorgho, le maïs et le riz. Elles
connaissent une évolution croissante en production et en superficie (Cf.
graphique n°8, page 36) dans le département de Sidéradougou,
et partant à Dèrègouè. Cependant, les
céréales, notamment le mil et le maïs, sont souvent
commercialisés. Le rendement à l'hectare de ces deux
spéculations varie entre
15 et 35 sacs de 100 kg. Le prix de l'unité de sac de
100 Kg sur les marchés locaux fluctue entre 9000 et 11000 F CFA selon
les périodes de l'année.
Graphique : n°8
20000
15000
10000
5000
Evolution de la production
céréalière dans le département de
Sidéradougou
0
1995/1996 2002/2003 2003/2004
Période
Sorgho Maïs
Mil
Riz Fonio
Source : ZATA du département de
Sidéradougou, campagne agricole 2002-2003
Les céréales notamment le mil et le maïs
jouent un rôle déterminant dans les rapports entre autochtones et
migrants à Dèrègouè. En effet, chaque migrant qui
obtient d'un chef de terre une parcelle est redevable à ce dernier, en
ce sens que celui-ci est dans l'obligation de remettre 2 à 4 tines de
mil ou maïs chaque récolte.
Les tubercules sont dominés par les patates, les
ignames, etc., et sont beaucoup plus cultivés par les autochtones et les
Karaboro. La culture des tubercules est peu développée à
Dèrègouè, mais sa production est croissante dans le
département de Sidéradougou. Elle est
passée de 2013 tonnes à 3706.6 de 1995 à 2004 (ZATA de
Sidéradougou/Campagne agricole 2002-2003), soit un taux d'augmentation
de 84%.
· Les cultures de rente
Elles concernent les oléagineux, les arbres fruitiers et
le maraîchage.
Le coton représente la principale culture
oléagineuse dans le département de Sidéradougou. Mais
l'arachide, le sésame, le sésame et le woandzou restent des
spéculations non moins importantes comme en témoigne le graphique
ci-dessous (graphique n°9, page 36). 68% des exploitants
enquêtés pratiquent la culture du coton sur une superficie moyenne
de 3,6 ha chacun. Toutefois, certains paysans ont des champs de coton dont les
superficies dépassent largement cette moyenne, et atteigne souvent 10
ha. La culture du coton connaît un
essor à Dèrègouè, et en
général dans le département de Sidéradougou (Cf.
photo n°1, page 118 en annexe 2). Cela s'est traduit par une
évolution croissante de la production de coton et de la superficie
occupée par cette culture (Cf. graphique n°9).
Graphique : n°9
12000
10000
4000
2000
8000
6000
0
Evolution de la production des oléagineux dans
le département de Sidéradougou de 1995 à
2004
1995/1996 2002/2003 2003/2004
période
coton Arachide Sésame Niébé Woandzou
Source : ZATA de Sidéradougou/Campagne
agricole 2002-2003
L'arboriculture se traduit par l'existence de nombreux
vergers de mangue, d'anacarde, etc. L'anacardier est l'arbre le plus
prisé des paysans, notamment des migrants. Il a été
introduit au Burkina Faso dans les années 60 dans l'optique de
protéger les sols et de lutter contre la désertification ; cet
arbre est devenu une culture à but commercial et stratégique.
Dans la province de la Comoé, sa culture a pris une importance avec
l'arrivée significative des migrants et ses enjeux sont à la fois
stratégiques et économiques. « La production de
l'anacarde se développe de plus en plus avec les migrants qui exploitent
en moyenne 4 à 5 ha. La production de l'anacarde représente un
investissement profitable sur une longue durée. La tine varie entre 3500
et 4000 F CFA. La plantation d'arbres apparaît chez les migrants comme
une façon de créer ou de consolider des droits permanents et
transmissibles. » (Kagone M, 2004
:47). Bien qu'émergeant, la pratique de
l'arboriculture par les migrants butte à certaines perceptions
coutumières relatives à l'accès à la terre (nous y
reviendrons largement dans la deuxième partie du mémoire) :
l'arbre est perçu comme une essence dont la plantation sur une parcelle
sous-entend une appropriation privée de l'espace à long terme.
La culture de bananes et le maraîchage y sont aussi
pratiqués. Ils se développent aux abords des cours d'eau,
notamment la rivière Koba, principal cours d'eau du site d'étude.
Ils
sont surtout pratiqués par les « nouveaux acteurs
» et les nouveaux migrants dont l'installation dans la zone est
récente.
Ces spéculations citées ci-dessus sont
cultivées au moyen d'outils et d'intrants variés, et ce pour
accroître le rendement des sols et la production. Néanmoins,
l'usage des outils traditionnels tels que la daba est perceptible
L'outil de travail traditionnel reste la daba. Par ailleurs,
la pratique de la culture attelée par le biais de la traction animale y
est très développée. L'usage de la traction animale pour
les travaux de labour, de sarclage et de buttage a été
intégré dans les moeurs culturales des paysans grâce
à l'ORD dans les années 70. Il s'est
généralisé avec le développement de la culture du
coton et l'arrivée de migrants qui ont l'expérience de telles
pratiques. Les outils modernes (laboureur, butteur, sarcleur, etc.) sont acquis
sous formes d'achat, de troc, de location et de contrats (Cf. tableau n°2,
page 40). Mais l'achat demeure le principal mode d'acquisition de ces outils
des paysans, soit 58% des exploitants enquêtés. Outre l'usage de
ces outils agricoles, les paysans adoptent plusieurs techniques pour
diversifier et accroître leurs productions.
2.4.1.2. Les techniques de culture et de
fertilisation
Les périodes de culture s'étendent
généralement d'avril à décembre. Les mois d'avril,
de mai et souvent de juin représentent la période de labour et
des semis, tandis qu'octobre, novembre et décembre sont les mois de
récolte. Les mois de juin, août, juillet et septembre sont
réservés aux travaux de sarclage, de buttage et de traitement
phytosanitaire des cultures ensemencées (Cf. graphique n°9, page
41).
· L'association de culture
Il se traduit par l'ensemencement de plusieurs plantes dans
un même champ. Les principales cultures associées dans la zone
sont le sorgho, le maïs, l'arachide, l'haricot, etc. Dans les vergers
d'anacardier, les anacardiers sont associés aux plantes
saisonnières (coton, céréale, etc.) lorsqu'ils sont
nouvellement plantés. Dans ce cas de figure, l'association prend fin
à la maturation des plantes d'anacarde.
· L'assolement/rotation
Cette technique consiste à parcelliser les
unités de production et d'y ensemencer des plantes aux exigences
différentes sur chaque parcellaire. Les cultures sont alternées
successivement d'un parcellaire à un autre et d'une année
à une autre. Dans la zone de Dèrègouè, après
l'ouverture d'un nouveau champ, les paysans exploitent successivement les
spéculations suivantes :
- sorgho, coton, maïs, coton, millet, arachide ;
- haricot, sorgho, maïs coton, maïs, millet.
L'utilisation d'engrais et l'irrigation sont les principales
techniques mises en oeuvre par les paysans pour accroître le rendement de
leurs champs.
· L'utilisation des engrais
Les engrais chimiques, notamment le NPK et l'urée,
sont les principaux fertilisants des sols utilisés par les paysans pour
accroître des exploitations. Ces intrants sont soit achetés au
comptant, soit par l'entremise de la Sofitex sous forme de prêt
remboursable. Au fait, la Sofitex fournit les intrants aux producteurs de coton
par le canal des GPC sous la forme de prêt pour permettre à ces
derniers de pratiquer la culture du coton. Selon les paysans
enquêtés : « pour accéder aux intrants de la
Sofitex il faut être membre d'un GPC, ensuite posséder un champ de
coton d'au moins 5 ha afin de bénéficier des intrants pour les
champs de coton et les champs de maïs. Pour 5ha de champ de coton, la
Sofitex octroie des intrants d'1 ha de maïs. Une superficie d'1 ha de
coton correspond à 3 sacs de 50Kg d'NPK et 1 sac d'urée plus 10
litres de pesticides. Cela revient à environs 45.000 F CFA remboursable
à la Sofitex pour 1 ha pour la campagne 2004/2005». Le
rendement moyen à l'ha selon nos enquêtes varie entre 1 et 1tonne
et 1/2, ce qui procure respectivement 175000 et 187500 F CFA pour la campagne
2004/2005.
Les engrais chimiques ne sont pas les seuls intrants
utilisés dans la production. Certains paysans enquêtés
affirment utiliser la fumure organique pour accroître la fertilité
des sols de leurs champs. Il s'agit particulièrement des agro-pasteurs
et de certains nouveaux acteurs.
Tableau °2: les modalités
d'acquisition de la charrue ou des tracteurs
Modalités d'acquisition
|
Contrepartie ou coût de l'acquisition
|
Nombre de cas
|
Achat
|
|
58
|
Don
|
néant
|
-
|
héritage
|
néant
|
2
|
Emprunt
|
|
4
|
Troc
|
parcelle
|
2
|
location
|
15 à 25000 l'ha
|
18
|
contrat
|
Main d'oeuvre
|
16
|
Total
|
|
100
|
|
Source : Enquête de terrain, 2005
· L'irrigation
Cette technique a vu le jour dans les années 1990 avec
l'appui du projet PSSA/FAO qui a financé l'aménagement d'un
bas-fond rizicole de 30 ha. A ce bas-fond, s'ajoute le périmètre
irrigué dont l'aménagement et la fourniture de motopompe a
été possible avec l'appui du PNGT et du PADL, en vue du
développement de la culture de contre saison dans la zone. Par ailleurs,
les techniques d'irrigation sont aussi pratiquées par les «
nouveaux acteurs » qui y détiennent des fermes agro-pastorales (Cf.
photo n°2, page 118 en annexe). L'irrigation est pratiquée surtout
aux abords de la rivière Koba et ses affluents, dont les eaux
constituent la principale source d'alimentation des périmètres
irrigués. Les exploitants par le biais de motopompes ou d'un
système mécanique irriguent leur.
Graphique n°10
" " " " " " " " " " " " " "
Janv Fé v M ars A vril M ai Ju in Ju ill A oû t S
ep t O ct Nov Déc Janv
TENDANCE GENE
COTON
SORGHO
MAÏS
RALE
LE CALENDRIER AGRICOLE A DEREGOUE
B uttage
Sarclage Sé me nce
LEGENDE
Labour Récolte
Source: E n quête de terrain 2005/2006 Néya
Sihé Août 2006
2.4.2. L'élevage
L'abondance du potentiel fourrager et la présence de
nombreux points d'eau naturels ont favorisé le développement de
l'élevage dans le département de Sidéradougou, et partant
à Dèrègouè. Ce développement s'est
accentué suite aux luttes contre les glossines sur les rives de la
rivière Koba et à l'aménagement de la zone pastorale de
Sidéradougou. Les espèces élevées et les
systèmes d'élevage sont divers.
2.4.2.1. Les espèces
élevées
Le cheptel est composé principalement de ruminants
(bovins, ovins, caprins, asins) et des monogastriques (volailles, porcs, etc.).
Dans la Comoé, l'effectif de ces espèces a augmenté ces
dernières années comme le démontre le tableau ci-dessous.
Cependant, cette croissance cache des problèmes vécus par
certains éleveurs de la zone et qui entraînent une migration de
ces derniers vers des pays voisins. En effet, selon S. D, un responsable de
groupement d'éleveur peul dénommé « Djamdjalo
», le cheptel est en régression dans la zone, car de nombreux
éleveurs migrent vers les pays voisins, en particulier le Ghana
où ils sont bien accueillis. « J'ai moi même une partie
de mon cheptel dans ce pays ». Selon lui, cette émigration des
éleveurs peul vers le Ghana s'explique par la saturation foncière
qui se traduit par le manque de pâturages et de passages pour les
troupeaux, suite à l'accroissement des parcelles de culture.
Tableau N° 3: Evolution du cheptel dans la
province de la Comoé
Espèce
Années
|
Bovins
|
Ovins
|
Caprins
|
Asins
|
Porcins
|
Volaille
|
1995-1996
|
22.069
|
17.157
|
6.083
|
-
|
-
|
114.151
|
2002-2003
|
26.000
|
19.600
|
7.200
|
20
|
500
|
128.000
|
|
Source : plan de campagne 1995/1996 et
DPRA/Comoé, déc. 2003
2.4.2.2. Les techniques d'élevage
L'élevage dans la zone d'étude est de type
extensif. L'alimentation du bétail est en général
assurée par les ressources naturelles (eau, végétation,
etc.) et les résidus de culture. L'exploitation du pâturage
naturel implique soit la sédentarisation soit la transhumance. Par
ailleurs, ces techniques évoluent selon l'activité principale des
producteurs et l'amplitude de mobilité du cheptel. Ainsi, deux
principaux types d'élevage se distinguent dans la zone. Il s'agit de
l'élevage peul et l'élevage des agriculteurs.
· L'élevage peul
L'élevage peul a un caractère culturel et
économique. Les espèces sont seulement vendues pour faire face
à des besoins (achat de moyen de locomotion, préparation des
cérémonies, etc.). Il est difficile d'obtenir des chiffres
fiables sur la taille des bovins, car les Peul sont réticents à
fournir des informations à ce sujet. Néanmoins, nous avons
dénombré 20 à 30 têtes de bovins conduits
généralement par les pasteurs que nous avons rencontrés
pendant les enquêtes. L'élevage peul peut être classé
comme suite :
- l'élevage transhumant ; il concerne
les bovins zébus (bos indicus) et les taurin (bos Taurus) et se
caractérise par une grande mobilité des pasteurs en compagnie de
leurs bétails. Les éleveurs sont en perpétuel mouvement
à la recherche de pâturages et de points d'eau pour d'abreuver les
troupeaux. Ils se déplacent sur de longues distances d'une saison
à une autre. Selon Chartier (1982) cité par Chrystel Meallet et
al. (1997 :13) « L'amplitude de transhumance est en moyenne de 35 Km
avec un maximum de 100 Km ». Cet élevage de transhumance
côtoie un élevage moins mobile ;
- l'élevage sédentaire ; il se
traduit par des mouvements de bétail de faible amplitude qui se limite
au terroir avec un rayon de mobilité d'environs 5 Km. Les troupeaux sont
à chaque fois ramenés dans les concessions. Les terres de culture
récoltées sont les lieux de parcage du troupeau. Mais en pleine
saison de culture des enclos sont construits afin de pouvoir les garder.
Les ruminants sont les espèces dominantes de cet
élevage ; néanmoins, ces éleveurs pratiquent
l'élevage de la volaille, notamment les pintades. Outre l'élevage
peul, on' y observe l'élevage pratiqué par les paysans dont la
vocation principale est l'agriculture.
· L'élevage des paysans
agriculteurs
Les espèces élevées sont des
métis. Parmi ces paysans qui pratiquent l'élevage, on y distingue
les agro-pasteurs d'avec les agriculteurs, en ce sens que la part relative du
bétail dans les revenus globaux des agro-pasteurs est supérieure
à celle des agriculteurs. Chez les agro-pasteurs, il existe un
équilibre entre l'élevage et l'agriculture, ce qui n'est pas le
cas pour ce qui concerne les agriculteurs. Dans le système
d'élevage des paysans, l'utilisation des résidus de
récolte comme fourrage est général ; la fumure animale
ainsi que la traction animale sont utilisées.
Les agro-pasteurs associent l'élevage aux
activités agricoles et leur troupeau est confié aux
éleveurs peul. Par conséquent, Leurs bêtes font aussi
l'objet de transhumance. Par contre, les agriculteurs sédentaires
pratiquent surtout l'élevage de boeuf de traction et de la volaille
à cause du développement de la culture attelée. Les boeufs
de traction sont utilisés pour les travaux champêtres. Les animaux
partagent la même concession que ces agriculteurs.
En dépit de la délimitation des zones
pastorales et agro-pastorales, l'élevage, notamment celui des ruminants,
se trouve confronté à des difficultés liées
à l'accès aux pâturages et aux points d'eau. Ces
problèmes que rencontre l'élevage dans cette zone sont
stimulés par la pression démographique et la saturation
foncière, conséquence de la colonisation agricole massive
amorcée ces dix dernières années dans la zone
d'étude.
CONCLUSION PARTIELLE
Le site de Dèrègouè offre des atouts
pour le développement des activités agricoles et pastorales. Cela
a entrainé ces dernières années une intensification des
flux d'immigration. Ces migrations, en plus du croît naturel, ont
contribué à l'accroissement de la population. Ainsi, la structure
socio-ethnique traditionnelle du site a été transformée
avec une population migrante composée majoritairement de mossi en
supériorité numérique. Par conséquent, deux
organisations s'y côtoient, celle des autochtones et des migrants.
Les cultures céréalières et le coton
sont les principales spéculations des paysans de la zone d'étude.
L'usage des engrais chimiques et l'irrigation sont les techniques mises en
oeuvre par les paysans pour fertiliser les sols de leurs champs.
L'élevage est de types sédentaire et transhumant avec un cheptel
à dominance bovine.
Cette dynamique socio-démographique et économique
à influencé les pratiques foncière que nous aborderons
dans la deuxième partie du document.
DEUXIEME PARTIE :
LES PRATIQUES FONCIERES Á DEREGOUE
Dans cette partie de l'étude, l'analyse porte sur:
- les pratiques liées aux modes d'accès à
la terre en vigueur dans la zone d'étude ainsi que les problèmes
fonciers qui en découlent ;
- les incidences engendrées par les problèmes
fonciers.
CHAPITRE III : LES MODES D'ACCES Á LA TERRE
Á DEREGOUE
Les modes d'accès à la terre à
Dèrègouè sont régis par un système foncier
traditionnel en mutation, laissant apparaître de nouvelles transactions
foncières. Celles-ci mettent aux prises des acteurs aux
intérêts divers.
3.1. LES ACTEURS DU FONCIER
Dans la zone d'étude, nous avons identifié les
catégories d'acteurs suivantes: les propriétaires du foncier, les
exploitants agricoles et les pasteurs. Á travers leurs rapports avec la
terre d'une part, et d'autre part leurs rapports réciproques, ces
derniers influencent les modes d'accès à la terre.
3.1.1. Les propriétaires du foncier
Ils détiennent le pouvoir de décider de
l'attribution et de l'utilisation des terres, ainsi que de l'expulsion d'une
personne sur une parcelle. Á Dèrègouè, deux
instances détiennent de fait ces prérogatives : l'Etat et les
autorités coutumières
L'Etat use d'une autorité
légale en matière de gestion foncière et est
représenté par les autorités administratives locales que
sont les préfets et les RAV, qui interviennent respectivement à
l'échelle départementale et villageoise. Avec l'avènement
de la RAF et l'aménagement de la zone pastorale, l'autorité de
l'Etat, bien que mal perçue par certains usagers de la terre, s'affirme
de plus en plus dans la zone d'étude. Il intervient dans la gestion
foncière à travers le suivie des pratiques liées à
l'exploitation des ressources naturelles, de l'occupation des terres et la
résolution des litiges fonciers. Il facilite souvent l'acquisition des
terres à des individus. C'est ainsi que l'Etat à travers ses
structures déconcentrées a demandé aux chefs terriens
d'accueillir les burkinabé de retour de la Côte d'Ivoire suite au
déclanchement de la crise dans ce pays et de leur attribuer des
parcelles. Aussi son
intervention dans la gestion foncière n'a-t-elle pas
été remarquable lorsqu'il a déguerpi en mai 2004 les
exploitants agricoles de la zone pastorale de Sidéradougou.
Les autorités coutumières sont
représentées par les chefs de terre et le chef des eaux pour ce
qui concerne respectivement la gestion des terres et des ressources hydriques.
Notre attention s'est plus focalisée vers les chefs de terre, car ils
sont les premiers responsables de fait de la gestion des terres à
Dèrègouè. Ils installent les migrants et attribuent des
terres de culture à ceux qui en font la demande. Aussi interviennent-ils
dans la régulation des litiges fonciers.
3.1.2. Les exploitants agricoles
Ils exploitent la terre à des fins agricoles, soit
pour la subsistance soit pour le commerce. Ils se distinguent de par leurs
sexes, âges, statuts sociaux, statuts de résidence,
activités principales, etc., qui déterminent à priori
leurs droits fonciers et, partant, leurs accès
différenciés à la terre. Ainsi, nous avons
distingués les exploitants agricoles suivants : autochtones, migrants,
jeunes, femmes et « nouveaux acteurs ».
· Les exploitants agricoles autochtones
Ils appartiennent au groupe ethnique tiéfo et
partagent souvent le même lignage qu'un des chefs de terre de la zone. En
fait, ils sont les héritiers potentiels de ces derniers. Ils se
distinguent des autres exploitants, car ce sont les hôtes de
Dèrègouè. Dans la pratique, ils accèdent à
la terre sans verser de contreparties. Ceux-ci cohabitent avec les autochtones
dioula, descendants des pionniers de l'islamisation de
Dèrègouè. Les Dioula ne sont pas propriétaires
terriens coutumiers et accèdent à la terre en versant des
contreparties symboliques, le « landa ». Bien qu'ils soient
usufruitiers, ceux-ci jouissent de droits fonciers qui sous-entendent une
« appropriation définitive » de la terre : droit de planter,
non versement de la redevance périodique, droit de transmission des
parcelles acquises, etc.
· Les agriculteurs migrants
Représentant 64% des exploitants
enquêtés, les migrants sont les plus nombreux. Ils se distinguent
des autres exploitants car ils sont soumis au versement annuel d'un loyer en
nature qui leur rappelle leur statut d'usufruitiers. Á l'inverse, des
assimilés dioula ils sont soumis à priori à des
restrictions : interdiction de réaliser des investissements
pérennes sur les terres qu'ils exploitent. Les termes, vente ou d'achat
de terre, sont apparus dans les transactions
foncières suite à leurs arrivées. Les
migrants se distinguent selon leurs durées d'installation dans la zone :
les anciens migrants et le nouveau migrants
- les anciens migrants ou
« douna kôrôou »; ils appartiennent à la
première et la deuxième vagues de migrations et sont
arrivés dans un contexte où la terre était disponible. Ils
ont accédé aux espaces cultivables sans que leurs parcelles ne
soient définies à l'hectare. Ainsi, ces derniers ont eu le
privilège de bénéficier de vastes superficies.
- les nouveaux migrants ou
« douna kouraou »; ils appartiennent à la
dernière vague (1995- 2005). Ces migrants, en particulier les migrants
de l'année 2000, sont arrivés dans un contexte de saturation
foncière. Ils ont une expérience des enjeux fonciers car venant
en général de la « vielle zone cotonnière » et
des zones de plantations de la Côte d'ivoire où les contrats
fonciers monétaires, l'insécurité foncière et les
conflits fonciers sont récurrents. Ces nouveaux migrants
n'hésitent pas à proposer des sommes importantes d'argent pour
accéder à la terre. En plus ils sont beaucoup plus
orientés vers la pratique des cultures de rente telles que le coton et
les cultures arbustives. Ils sont souvent méprisés des anciens
migrants car ces derniers estiment qu'ils sont la cause de la réduction
des superficies dont ils sont victimes.
· Les nouveaux acteurs
Ils sont pour la plupart des opérateurs
économiques, des agents de l'administration publique ou privée,
des hommes politiques, etc. L'agriculture ne représente qu'une
activité secondaire pour ceux-ci. Ces « nouveaux acteurs » ne
passent que des séjours temporaires hormis les fonctionnaires
exerçant leur fonction dans la zone. Ils se distinguent des autres
usagers de la terre par :
- l'étendue de leurs parcelles qui atteint au moins 10
hectares;
- la pratique d'activités agro-pastorales
orientées vers le commerce (culture de coton, cultures d'anacarde et de
manguier, etc.) ;
- la présence d'ouvriers agricoles et la mobilisation de
techniques modernes (irrigation) dans les champs ;
- l'acquisition des terres au prix d'argents. Le terme achat est
couramment employé par les paysans pour désigner la
manière dont ils accèdent à la terre.
Parmi ces « nouveaux acteurs », il y'a ces citadins
qui, du fait du manque d'emploi en ville, se dirigent vers la zone pour surtout
pratiquer la culture du coton. Après les récoltes, ces derniers
retournent en ville.
· Les femmes et les jeunes
Les femmes exploitent des parcelles, mais ne sont pas
directement impliquées dans les transactions foncières sauf
à des exceptions près. Elles s'y accèdent par l'entremise
de leurs époux qui leur cèdent une portion de terre. Il est
très rare de voir une femme solliciter une parcelle agricole sans l'aval
de son mari. Leurs droits de culture sur la terre sont en général
temporaires.
Les jeunes ont un âge compris entre 15 et 35 ans. Ils
sont soit célibataires, soit mariés et possèdent des
champs individuels acquis par le biais de leurs parents (père). C'est le
cas très fréquent chez les migrants. En fait le père
attribue une portion de sa parcelle à son fils ou fait la demande d'une
nouvelle parcelle auprès d'un chef de terre au nom de son fils. Par
ailleurs, certains jeunes négocient directement la terre sans l'appui
d'un tiers. Il s'agit en général des jeunes qui ont migré
seuls dans le village et certains jeunes autochtones. Les jeunes sont plus
orientés vers la pratique des cultures commerciales, notamment le
coton.
3.1.3. Les pasteurs
Nous entendons par pasteur, les éleveurs qui
pratiquent le nomadisme et la transhumance. La recherche de pâturages est
l'une des raisons de leurs migrations dans la zone d'étude.
Néanmoins, certains d'entre eux pratiquent l'agriculture vivrière
dont la production est destinée à l'auto-consommation. Ces
éleveurs bénéficient d'une zone pastorale qui,
aujourd'hui, suscite de nombreuses polémiques. Les conflits entre ces
derniers et les agriculteurs sont très fréquents car chaque
groupe revendique les espaces, notamment l'espace dit à vocation
agro-pastoral. Ils sont en désaccord avec certains paysans, qui les
soupçonnent d'être à la base du déguerpissement des
agriculteurs de la zone pastorale.
Tableau n °4: Récapitulatif des
acteurs fonciers enquêtés
Acteurs
|
Statuts
|
Total enquêté
|
Propriétaires du foncier
|
L'Etat (Préfet, RAV)
|
3
|
|
5
|
Exploitants agricoles
|
autochtones
|
150
|
|
|
|
|
Nomades, transhumants
|
3
|
Total
|
|
161
|
|
Source : enquête de terrain2005/2006
3.2. L'ACCES Á LA TERRE À DEREGOUE
L'accès à la terre, préalable pour la
pratique des activités agricoles, se déroule selon des
modalités diverses qui se distinguent de par la nature, le type de
droits conférés, la contrepartie versée en échange
d'une parcelle. Ces éléments qui permettent de distinguer les
transactions foncières laissent apparaître de nos jours diverses
formes d'accès à la terre qui découlent du système
foncier traditionnel.
3.2.1. LE SYSTEME FONCIER TRADITIONNEL
La gestion des terres est assurée par les chefs de
terre qui interviennent dans leurs domaines fonciers respectifs (Cf. carte
n°3, page 50). Ils y installent et attribuent les terres selon des
principes coutumiers dont l'application change selon que le demandeur d'une
parcelle est autochtone ou migrant.
Selon les chefs de terre de la zone d'étude la
« terre est un bien collectif. Nous ne la refusons pas à
quiconque voudrait l'exploiter pour subvenir à ces besoins de
subsistance. On ne la vend pas». La superficie des terres
attribuées aux « étrangers » est fonction de la taille
de leurs ménages respectifs. Certes la terre est un bien collectif
à Dèrègouè comme dans toute société
traditionnelle africaine, mais les règles qui régissent la mise
en valeur des parcelles attribuées permettent de distinguer deux types
de droits :
- le droit de « propriété » ou droit
« éminent » dévolu aux propriétaires terriens
;
- le droit d'usufruit, c'est-à-dire « un
droit réel de jouissance qui confère à son titulaire
(usufruitier), le droit d'utiliser une chose, d'en percevoir les revenus, mais
non d'en disposer » (Gérard Ciparisse, 2005) ; il est
délégué aux individus n'appartenant pas aux groupes des
propriétaires terriens.
L'installation des étrangers et le défrichement de
l'espace à des fins agricoles par ceux-ci sont
précédés de rituel accompli avec :
- des poulets lorsque l'usager ne doit pas habiter dans son
champ ;
- des poulets plus une chèvre lorsque l'usager doit
construire une concession dans son champ.
Le versement de cette contrepartie appelé «
landa » doit précéder le défrichement et
l'exploitation de l'espace attribué. Á la fin de la saison
agricole, chaque exploitant offre une part non-définie de sa
récolte pour les cérémonies, dont le but est d'adresser
des remerciements aux ancêtres pour la saison écoulée et
les implorer pour de bonnes récoltes à l'avenir. Par ailleurs,
les migrants sont tenus de respecter des interdits et les obligations relatifs
à la mise en valeur des terres par les populations dites «
étrangère ».
Á priori, lorsque la terre est attribuée
à un exploitant allochtone qui n'est pas membre du lignage d'un chef de
terre celui-ci est dans l'obligation de cultiver du « siman
», qui correspond aux cultures vivrières destinées
à la consommation (sorgho, millet, maïs). En conséquence, il
ne bénéficie pas du droit de planter des arbres pérennes.
En plus, pour éviter que son droit ne lui soit retiré par les
propriétaires terriens, il doit par conséquent respecter les
interdits suivants :
- ne pas travailler dans le champ les lundis et vendredi ;
- ne pas jouir des certains arbres présents dans le champ
: Karité, Néré, Tamarinier ; - interdiction de creuser des
puits et des forages ;
- S'abstenir de faire des rapports sexuels dans le champ,
etc.
Selon les chefs de terre le « non-respect des interdits
entraîne le retrait de la parcelle, voir l'expulsion de celui qui en est
l'auteur ».
Ces principes coutumiers régissant la gestion
foncière dans la zone ne sont pas stables, ils évoluent. En
effet, les travaux de terrain ont révélé
l'évolution de plusieurs éléments qui caractérisent
l'accès à la terre dans la zone d'étude : les
contreparties versées lors de l'attribution des terres, les interdits
relatifs à l'exploitation des parcelles, etc. Ainsi, plusieurs modes
d'accès à la terre se distinguent dans la zone d'étude.
3.2.2. LES MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR À
DEREGOUE
L'analyse des clauses qui régissent les contrats
fonciers ainsi que les acteurs qui s'y impliquent dans la zone d'étude a
révélé les deux grandes formes suivantes : les modes
d'accès à la terre à durée limitée et les
modes d'accès à durée illimité.
3.2.2.1. Les modes d'accès à la terre
à durée illimitée
La singularité de ces formes d'accès à
la terre est que la durée de validité des droits qui en
découlent n'est pas limitée à priori et les types de terre
qui concerne ces transactions sont en général des brousses non
appropriées. Par ailleurs, nos enquêtes ont
révélé que des terres ayant déjà subi un
défrichement (ancienne jachère et terres en culture) font l'objet
de réattribution avec délégation de droits permanents
suite à la remise en cause de certains contrats. Sur le total des terres
transférées avec délégation de droits permanents,
85.3% était des brousses, 4.6% des anciennes jachères et 10% des
terres en culture. Pour ce qui concerne l'accès à la terre
à durée non-définie, les travaux de terrain ont
révélé les formes suivantes : le don, le prêt, le
métayage et la vente.
3.2.2.1.1. Le don coutumier
C'est une forme traditionnelle d'accès à la
terre dans laquelle le donateur est un chef de terre, et le
bénéficiaire en général un membre de la famille des
propriétaires terriens coutumiers. Aucune contrepartie n'est
versée dans cette forme de transaction foncière et il se traduit
par la délégation des droits d'usage permanents, voire
définitifs sur la parcelle transférée.
Lorsqu'un individu appartenant au lignage des
propriétaires terriens désire acquérir un champ en son
nom, il en fait la demande auprès de l'aîné de son groupe
qui assure la fonction de chef de terre. Ce dernier lui cède une
parcelle sans conditionnalité. Le bénéficiaire devient
dès l'instant propriétaire légitime de la parcelle acquise
et peut y réaliser différents types d'investissement: planter des
arbres pérennes (anacarde, manguier, etc.). Il a même la
possibilité de céder la parcelle à une tierce personne,
mais ne doit pas la vendre par principe.
« Anka yôrô bo »,
c'est-à-dire c'est chez nous ou « oya diiyan » (on
m'a donné) sont les termes généralement employés
pour désigner ce transfert de terre par don. Nous avons
préféré cette appellation de don dans ce type de transfert
car le bénéficiaire accède à la terre sans
contrepartie. En plus, il a la possibilité de réaliser des
investissements qui, pour les populations locales renvoie une forme
d'appropriation privée et définitive de la terre: planter des
arbres à longévité durable. Sur un total de 254 transferts
de terre enregistré à travers les 150 chefs d'exploitation
agricole enquêtés, 8.3% étaient faits sous forme de don.
3.2.2.1.2. Le prêt traditionnel
Cette modalité d'accès à la terre
représente 8% des transactions dénombrées. Les parties
concernées par ce type de prêt sont en général des
assimilés dioula (emprunteurs) et les chefs de terre
(prêteurs).
Les emprunteurs de parcelles par prêt sont des Dioulas.
Ceux-ci sont des autochtones, mais pas des propriétaires terriens
coutumiers. Par conséquent, ils ne peuvent qu'être des
usufruitiers des terres. Les droits d'usage sur les terres qui leur sont
attribués sont permanents. En échange, ils versent au chef de
terre qui leur a cédé la parcelle le « banda
». En plus, après chaque récolte, ils peuvent en guise
de reconnaissance donner une part de leurs récoltes non- définie
à priori. Cette part de récolte est utilisée pour des
cérémonies de reconnaissance vis à vis des ancêtres.
Mais, cette pratique a disparu avec l'islamisation des villages sous
l'influence des Dioula.
Le bénéficiaire de parcelles par ce prêt
jouit des prérogatives suivantes : droits de cultures à cycle de
production quasi-annuelle (cultures vivrières, coton, etc.) et droits de
réalisations d'investissements durables (pratique de l'arboriculture,
construction de diguettes anti-érosives, etc.). Il a la
possibilité de mettre sa parcelle en jachère au cas où le
besoin se fait sentir. Aussi, il peut la prêter à une tierce
personne. Cependant, l'emprunteur est tenu de respecter certains interdits
coutumiers relatifs à la mise en valeur des terres par les usufruitiers
traditionnels : s'abstenir des actes sexuels tant que les sacrifices qui
rendent possibles ces pratiques n'ont pas été faits, de quereller
dans le champ et ne pas y travailler les lundis et les vendredis.
3.2.2.1.3. Le métayage
Cette transaction est apparue avec l'accroissement de
l'effectif des migrants à partir des années 80 et renvoie
à un « loyer que paie en nature (part de la production
fixée par bail) un agriculteur (métayer) pour exploiter les
terres appartenant à un propriétaire » (Françis
Beaucire et al, 1987 :285). Dans le métayage « le bailleur et
le preneur (appelé métayer) conviennent que le produit de la
terre, travaillée par le métayer, sera partagé
entre eux selon une proportion convenue à l'avance. » (FAO,
2003).Ces définitions s'assimilent à ce qui se passe dans la
pratique à Dèrègouè. Lorsqu'un migrant y arrive et
demande la terre pour cultiver, le chef de terre la lui cède. En
échange, le migrant bénéficiaire donne au chef de terre le
« landa » et la redevance périodique en nature. Le
métayer doit s'acquitter de cette redevance annuelle après chaque
récolte à compter de la deuxième saison de culture qui
suit l'ouverture du champ. Elle varie entre 2 et 4 tines de mil, sorgho ou
maïs.
Les chefs de terre sont munis de cahiers de charge dans
lesquels figurent les noms de tous les migrants sous contrat de métayage
permanent. Lorsqu' un métayer s'acquitte de son loyer, le chef prend le
soin de le mentionner dans le cahier. Le non-versement régulier de la
redevance peut entraîner la remise en cause des accords. Par ailleurs,
lorsque le migrant n'a pas la possibilité de verser le loyer en nature,
il a cette chance de le donner en espèces. Pendant les enquêtes,
sous sa forme espèce, le loyer correspondait à la somme de 3000,
4500 ou 6000 F CFA respectivement pour les 2, 3 ou 4 tines. Ces montants
peuvent varier selon le prix de la tine de céréales sur le
marché.
En retour, le chef de terre délègue au
métayer un droit de culture permanent, mais celui n'a que le droit de
cultiver des plantes à durée de vie saisonnière : par
exemple le maïs, le sorgho, le coton, etc. Par conséquent, il ne
doit pas planter des arbres, ne doit pas réaliser
des investissements pérennes (construction de puits ou
forage par exemple). Une absence prononcée sur la parcelle peut
entraîner la reprise et la réattribution de la parcelle à
un autre demandeur.
L'accès à la terre par métayage
représente 39.4% des transferts enregistrés et se présente
sous deux formes, qui se distinguent selon le nombre de parties
impliquées dans ce contrat et le versement ou le non-versement du
« landa »: le métayage avec « landa
» et le métayage sans « landa ».
· Le métayage avec « landa
»
Les parties impliquées dans le métayage avec
« landa » sont : les chefs terriens, partie cédeur et, les
migrants, partie preneuse ou métayer.
Dans ce type de métayage, le métayer a une
double contrepartie à verser : une contrepartie symbolique,
versée une seule fois, et une redevance en nature dont il s'acquitte
périodiquement. Ce qui n'est pas le cas dans la deuxième forme de
métayage à savoir le métayage sans « landa
».
· Le métayage sans « landa
»
Il implique trois parties regroupant des migrants et des
autochtones :
- un premier migrant, cédeur ;
- un deuxième migrant, réattributaire ;
- un chef de terre, propriétaire éminent et
percepteur de la redevance.
Il se traduit par une réattribution de parcelle
à un tiers migrant, généralement un parent sans terre,
sous l'accord du chef de terre concerné qui, en retour, perçoit
le loyer en nature sur le nouvel acquéreur. Ce dernier accède
à la terre, mais ne verse pas le « landa » puisqu' il
avait été versé auparavant par son parent migrant qui lui
a cédé la terre. L'avantage de ce métayage est que le
réattributaire, qui est le nouveau métayer, ne verse pas le
« landa » avant de défricher sa parcelle.
3.2.2.1.4. L'héritage
C'est un transfert de terre d'un défunt usager
(père, oncle, etc.) à un héritier légitime.
Lorsqu'un exploitant décède, ses droits d'usage sur une parcelle
sont transmis à un héritier qui peut être le fils, le
neveu, le frère, etc. L'accès à la terre par
héritage représente 16% des transferts de terre
enregistrés et se présente sous deux aspects: l'héritage
sans redevance et l'héritage avec redevance.
· L'héritage sans redevance
Il concerne les autochtones et représente 92.3% des
transactions par héritage enregistrées. Lorsqu'un héritier
hérite des terres de son défunt parent, il accède aux
droits fonciers dont jouissait ce dernier de son vivant. Il ne verse aucune
redevance au chef de terre et exploite la terre acquise sans restriction. Ce
qui n'est pas le cas pour les héritiers migrants dont les défunts
parents ont exploités les terres sous des contrats de métayage
à durée illimitée.
· L'héritage avec redevance
Il concerne les héritiers migrants dont les
défunts parents exploitaient de leur vivant les terres sous contrat de
métayage permanent. Ce type d'héritage est moins fréquent
et ne représentent que 7.3%. Lorsqu'un migrant qui exploite une terre
sous métayage permanent décède, son héritier doit
en faire de même, c'est-à-dire continuer de verser la redevance en
nature que son défunt versait au chef de terre quitte à se voire
retirer son héritage. Si un migrant décède, son
héritier peut continuer d'exploiter la parcelle, mais avec l'accord du
chef de terre. Une fois qu'il accède à la terre, il doit
continuer de verser le loyer en nature (les 2, 3. ou 4 tines de mil, maïs
ou sorgho) que versaient ses parents auprès des propriétaires
terriens, afin d'éviter toute tentative de remise en cause de
l'héritage.
Les droits fonciers des héritiers, autochtones ou
migrants, restent les mêmes que ceux de leurs défunts parents dont
les parcelles furent héritées. Pour ce qui concerne les migrants,
en particulier, l'héritier est tenu de respecter les interdits (ne pas
planter, creuser des puits, travailler les lundis et vendredis dans le champ,
etc.). Dans le cas contraire, la parcelle peut lui être
retirée.
3.2.2.1.5. Le « Sanny/Féré
» ou la « vente » de terre
Dans une société où la cession
définitive de parcelles aux migrants n'est pas encore admise (surtout
par les « vieux »), et où les différentes formes
d'accès à la terre ne sont pas encore déterminées
par un marché officiel (du genre offre et demande), il est difficile de
parler de vente au sens moderne du terme3. C'est pour cette raison
que nous avons préféré mettre le terme vente entre
guillemet. Par contre, nous l'utilisons pour mettre l'accent sur
l'appropriation définitive de la terre et la mobilisation de forte somme
d'argents qu'entraine cette transaction.
La vente de terre est une pratique qui s'est
développée ces dernières années à
Dèrègouè et représente 2% des contrats fonciers
enregistrés à Dèrègouè. Les termes
employés par les populations locales pour désigner cette
transaction sont le « Féré » ou le «
Sanny », qui signifie respectivement la « vente » ou l'
»achat » de terre. Elle se caractérise par :
- l'accès à la terre au prix d'argents
définis à l'hectare et supérieure largement au
« landa » converti en espèce,
c'est-à-dire supérieur en général à la somme
de
10.000 FCFA. Par exemple pendant les enquêtes le prix de
l'ha de parcelle
fluctuait entre 20000 et 50000 F CFA ;
- le non-versement du loyer annuel en nature ;
- l'accès au droit de planter, voire au droit de
réalisation d'investissements pérennes.
Cependant, ce terme n'est pas apprécié des
propriétaires terriens coutumiers car selon eux la terre ne se vend pas.
Ils préfèrent plutôt employer le terme « benhin
», qui signifierait « entente » pour témoigner d'un
arrangement à travers lequel le cédeur perçoit de l'argent
dont le montant est largement supérieur au « landa »
converti en espèce. En retour, le preneur se voit transférer
des droits qui lui permettent de réaliser des investissements durables
sur la parcelle et de transférer sa parcelle à une autre
personne.
La vente se pratique à Dèrègouè
et entraine une appropriation privée, mais aucun écrit ne
l'atteste. Elle se traduit particulièrement à travers
l'accès au droit de planter, car dans les perceptions locales il est
difficile de retirer le champ d'une personne qui y a planté des
arbres. Nous avons pu identifier trois formes de vente de
terre qui se distinguent de par les contreparties et le type de terre en jeu
:
3 C'est-à-dire un contrat par lequel une
partie (le vendeur) transfert ou s'engage à transférer la
propriété d'une chose ou un droit à l'autre partie
(l'acheteur, ou acquéreur), qui s'oblige à en payer le prix en
argent.
Les problèmes fonciers en zone de front pionnier
agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé
· La « vente » sur terre
non-cultivée
C'est un transfert de terre non cultivé (brousse ou
ancienne jachère) en échange d'une contrepartie en argent
fixée à l'hectare. Le montant varie selon les domaines fonciers
coutumiers des chefs de terre et le temps. Entre 2000 et 2005, le prix de
l'hectare a évolué de 15000 à 50000 FCFA.
· La « vente » sur terre en culture et la
« vente » par troc
Elle concerne les terres occupées et mises en culture.
En fait, lorsqu'un migrant veut planter des arbres dans son champ, il en fait
la demande au chef de terre qui lui a cédée la terre sous contrat
de métayage. Si ce dernier approuve la demande, il délègue
au migrant le droit de planter en contrepartie d'une somme d'argents
définie en fonction de la superficie occupée par les arbres :
pour un ha d'arbres plantés, la contrepartie équivaut à
25000 F CFA, puis 12500 F CFA pour un demi-ha. Cette forme d'accès
à la terre vient mettre une fois de plus en exergue le rôle
capital de l'arbre dans l'appropriation définitive de la terre et montre
combien les modes d'accès à la terre ne sont pas stables, mais
s'adapte au contexte sociopolitico économique.
Quant à la « vente » de terre par troc, il
se traduit par l'acquisition d'une parcelle en échange d'un bien que le
preneur donne au cédeur. Ces biens sont en général des
engins mobylettes. C'est une pratique qui se déroule en
général entre les « nouveaux acteurs » et la nouvelle
génération de propriétaires terriens: les jeunes.
3.2.2.2. Les modes d'accès à durée
limitée
Ce sont des transferts de terre avec délégation
de droits de culture temporaires définis dans les clauses des contrats.
Ils représentent 26.4% des modes d'accès à la terre en
vigueur. Les droits d'usage sur la terre qui en découlent sont
temporaires avec une durée de validité saisonnière qui
correspond à la période campagne agricole. Celle-ci dure d'avril
à décembre/janvier.
Les exploitants agricoles qui accèdent à la
terre par le biais de contrats fonciers temporaires ne peuvent jouir que du
droit de cultiver des plantes dont la longévité ne dure que le
temps d'une campagne agricole. Il s'agit des céréales, du coton,
etc. En conséquence, les investissements durables : plantation d'arbres
pérennes, construction de maison, ne leur sont pas autorisés. Ces
contrats peuvent être renouvelés lorsque les cédeurs ne
manifestent pas le désir de remettre leur terre en valeur ou de la
retransmettre à un autre exploitant.
Les transactions foncières temporaires
dénombrées à Dèrègouè se distinguent
selon les contreparties versées par les exploitants concernés,
qui se présentent sous formes de loyer en nature ou en espèce.
Ainsi, nous avons pu identifier les formes suivantes : le prêt, le
métayage, la location et le contrat de prestation saisonniers.
3.2.2.2.1. Le prêt saisonnier
Dans ce contrat, les emprunteurs et les préteurs sont
soit des migrants, soit des autochtones. L'emprunteur, une fois qu'il
accède à la parcelle, n'est pas dans l'obligation de verser une
contrepartie au propriétaire. Cependant, il peut en guise de
reconnaissance offrir quelques tines de céréales ou autres
cadeaux à celui qui lui a attribué la parcelle.
Le terme local couramment employé pour désigner
cette transaction est le « samian dondoly », ce qui
signifierait en français prêt d'une saison de culture.
Elle représente 17.3% des transactions dénombrées et
65.7% des contrats fonciers saisonniers.
3.2.2.2.2. Le métayage saisonnier
Comme défini plus haut, le métayage prend son sens
lorsque l'exploitant est dans l'obligation de verser une part de sa
récolte au propriétaire de la parcelle.
Á Dèrègouè, le métayage
qui ne dure qu'une campagne agricole représente 20% des contrats
saisonniers enregistrés. Il consiste à céder une parcelle
à une tierce personne qui, en retour, verse au cédeur une part de
la récolte de son mil, maïs ou sorgho qui varie entre 2 et 4 tines.
Les métayers sont des migrants, en particulier les nouveaux migrants
installés après l'année 2000 dans la zone. Par contre les
cédeurs sont soit des migrants, soit des autochtones.
3.2.2.2.3. La location saisonnière
Représentant 4.5% des transferts à durée
déterminée dénombrés, les locations
saisonnières sont des accords qui se traduisent par le versement d'un
loyer en argent en échange de la parcelle acquise. Ce loyer est
défini à l'hectare de superficie et varie entre 10000 et 20000 F
CFA.
Ce sont des pratiques qui se déroulent en
général entre les autochtones, cédeurs, et migrant,
locataires. Mais selon certains enquêtés, des migrants
cèdent des portions de leur terre sous forme de location à
d'autres migrants.
3.2.2.2.4. Les contrats de prestations
saisonniers
Désignés aussi sous le terme « benly
», ils représentent 9% des contrats temporaires. Ce sont des
accords dans lesquels les preneurs fournissent des prestations aux
bénéficiaires en échange des droits d'exploitation acquis.
Ces prestations correspondent à la main-d'oeuvre que les preneurs
apportent pendant les travaux champêtres au bailleur pour les travaux de
labour, semis, sarclage, récolte, etc. Le bénéficiaire
décide de travailler dans le champ du bailleur pendant un certain nombre
de jours de la semaine, en général trois fois.
C'est une pratique développée entre migrants,
mais il arrive que des autochtones soient des bailleurs dans les contrats de
prestation. Ce type de transaction offre l'opportunité aux
cédeurs d'alléger leurs dépenses pour ce qui concerne
l'acquisition de la main d'oeuvre pendant les travaux champêtres.
L'insuffisance et le manque de terre sont les facteurs qui
obligent certains exploitants à accepter les contrats temporaires. Ces
contrats temporaires leur permettent ainsi d'accroître leur production
d'une part, et d'autre part, d'arriver à pratiquer l'agriculture le
temps d'accéder à un droit permanent. Les parcelles
attribuées dans les modes d'accès à durée
limitée sont des terres en jachère et en exploitation.
Tableau n°5 : Récapitulatif des
modes d'accès à la terre en vigueur à
Dèrègouè
Modes d'accès à la terre
|
Total
|
(%)
|
Droits transférés
|
Contreparties
|
Cédeurs
|
Attributaires
|
Durée illimitée
|
190
|
|
|
|
|
|
Don coutumier
|
|
8,3
|
cultures saisonnières et pérennes
|
néant
|
Chefs de terre
|
Propriétaire terrien
coutumiers
|
Prêt coutumier
|
|
8
|
cultures saisonnières et pérennes
|
"landa"
|
|
Autochtones assimilés
|
Métayage
|
|
39,4
|
Cultures saisonnières
|
"landa" et redevance en nature
|
Chefs de terre/Migrants
|
Migrants
|
Sans "landa"
|
|
|
|
redevance en nature
|
Migrants
|
Migrants
|
Avec "landa"
|
|
|
|
"landa" et redevance en nature
|
Chefs de terre
|
Migrants
|
Héritage
|
|
16
|
|
|
Autochtones/Migrants
|
Autochtones et migrants
|
Sans loyer
|
|
92,3
|
|
"landa"
|
Autochtones
|
Autochtones
|
Avec loyer
|
|
7,3
|
|
redevance en nature
|
Migrants
|
Migrants
|
"Vente"
|
|
2
|
Cultures saisonnières et pérennes
|
|
Chefs de terre
|
Migrants
|
simple
|
|
|
|
1 ha compris entre 20000
|
Chefs de terre
|
Migrants
|
Par plantation d'arbre
|
|
|
|
1ha à 25000,
1/2 ha à 12500 FCFA
|
Chefs de terre
|
Migrants
|
par troc
|
|
|
|
Motocyclette
|
Chefs de terre
|
Migrants
|
Durée limitée
|
64
|
26,4
|
Temporaire
|
|
autochtones ou migrants
|
|
Prêt
|
|
17,3
|
cultures saisonnières
|
volontaire
|
|
Autochtones et migrants
|
Métayage
|
|
21
|
|
redevance en nature
|
|
Location
|
|
4,5
|
|
1 ha à 15000 ou 20000 FCFA
|
|
Migrants
|
Contrat de prestation
|
|
9
|
|
main d'oeuvre
|
|
Migrants
|
Total
|
254
|
|
|
|
|
|
|
CHAPITRE IV : LES PROBLEMES LIES AUX PRATIQUES
FONCIERES
Pour faire allusion aux problèmes d'accès
à la terre auxquels ils sont confrontés, les exploitants
agricoles de la zone d'étude emploient couramment la phrase «
dougou makolo komi ban dégué », ce qui signifie les
difficultés liées à la terre dont nous souffrons. Ces
problèmes sont multiples et s'assimilent à des situations
d'instabilité des droits d'usage sur la terre telles que
l'insécurité et la précarité des contrats
fonciers.
4.1. LES PROBLEMES D'INSECURITE FONCIERE
Ils sont variés en raison de la diversité des
objets mises en cause et des perceptions paysannes. En effet, les
problèmes d'insécurité rencontrés à
Dèrègouè diffèrent selon que les exploitants sont
soit des migrants, soit autochtones.
4.1.1. L'insécurité foncière chez les
migrants
Pour les migrants enquêtés,
l'insécurité foncière est liée au risque de remise
en cause des droits d'exploitation agricole qui leur ont été
cédés par les propriétaires terriens coutumiers. Elle se
manifeste à travers les retraits de terres et les réductions de
superficie.
· L'insécurité liée aux
retraits de terre
Elle renvoie au risque de remise en cause des contrats
fonciers, qui sont perceptibles à travers les retraits de terre. Sur le
total des exploitants enquêtés, 7 cas de retrait de parcelles ont
été enregistrés, soit 50% de victimes de cette
pratique. Les parcelles ainsi retirées sont
réattribuées à d'autres demandeurs qui, le plus souvent,
sont des migrants.
Le besoin de terre et le non-respect des clauses qui
définissent les contrats sont les principales raisons
évoquées par les propriétaires terriens coutumiers pour
justifier les retraits de terre. Par contre, pour les victimes que sont les
migrants c'est plutôt la recherche du gain qui pousse ces derniers
à retirer les terres pour les céder de nouveau aux plus
offrants.
· L'insécurité liée
à la réduction de superficies
Elle est la conséquence du manque et de l'augmentation
des demandes de terre suite à l'accroissement démographique.
C'est une pratique dans laquelle la victime se voit interdire l'exploitation
d'une portion de son champ. Cette portion est ensuite réattribuée
à un nouveau demandeur. 7 cas de réduction de superficie ont
été enregistrés au cours des enquêtes, soit 50% des
cas de remise en cause des droits d'usage sur la terre.
Pour les propriétaires terriens, c'est pour satisfaire
les nouvelles demandes de terre qui ne cessent d'augmenter que certaines
parcelles sont réduites, notamment celles dont les superficies sont
estimées grandes. Les victimes de réduction de parcelle
enquêtées exploitaient plus de 5 ha. Si certains migrants
acceptent cette pratique, d'autre par contre la trouvent injuste. Pour ces
derniers, certes les parcelles sont grandes, mais il ne faudrait pas ignorer la
taille du ménage qui s'agrandit au fil des années.
L'émergence des retraits de terre et des
réductions de superficie, en dépit du caractère permanente
des contrats fonciers, suscite un sentiment de doute et de crainte chez les
migrants quant à la durée de leurs droits d'usage sur la terre.
En effet, bien que la durée des droits ne soit pas limitée
à priori dans le temps, ils ne sont pas de plus en plus
épargnés de ces problèmes fonciers. De plus avec la
pression foncière qui s'intensifie, les risques de réduction de
superficies s'accentuent. Cette situation place les migrants, notamment ceux
qui ont une assise sociale fragile, dans une situation d'incertitude.
Comme mentionné auparavant, les migrants se
distinguent selon leurs durées d'installation, leurs provenances et
leurs statuts économiques. Ces critères, qui permettent d'une
part de distinguer les anciens migrants d'avec les nouveaux, les migrants en
provenance des localités du pays d'avec les migrants burkinabé de
retour de la côte d'Ivoire d'autre part, influencent leur rapport avec
les propriétaires terriens. En effet, les anciens migrants qui ont
bénéficié de vastes superficies sont les plus
exposés aux phénomènes de réduction de la taille
des champs. Les superficies des champs sont réduites pour satisfaire les
nouvelles demandes de terre faites par les nouveaux migrants, surtout par les
migrants de retour de la Côte d'Ivoire et les « nouveaux acteurs
». Les migrants sont tous exposés aux retraits de terre, mais ce
phénomène affecte le plus les migrants qui n'ont pas d'assise
socio-économique solide dans la zone. Les problèmes
d'accès à la terre ne sont pas spécifiques aux migrants,
car les autochtones évoquent aussi des faits qui rendent incertains leur
autorité foncière.
4.1.2. L'insécurité foncière chez les
autochtones
Elle est variée et diffère selon le statut
social des autochtones. Cette insécurité se rapporte au
non-respect des clauses qui régissent les modes d'accès
établis avec certains migrants et au manque de terre de plus en plus
perceptible dans la zone.
· L'insécurité liée au
non-respect des clauses
Les clauses, notamment les interdits et les obligations, que
les propriétaires terriens imposent aux exploitants agricoles sont des
éléments qui leur permettent de préserver à priori
leur contrôle foncier. Par exemple, les interdictions coutumières
et les redevances permettent d'abord aux chefs de terre d'empêcher toutes
les tentatives de remise en cause de leur autorité sur les terres qu'ils
ont attribuées aux migrants. Ensuite, cela leur permet de rappeler aux
bénéficiaires que la terre qu'ils exploitent ne leur appartient
pas et que toute opposition à ces obligations peut entraîner une
reprise des parcelles. Si les migrants ont longtemps respecté ces
clauses, ces dernières années nombre d'entre eux enfreignent
à ces règlements.
Les propriétaires terriens coutumiers n'approuvent pas
le fait que certains migrants adoptent des pratiques relatives à la mise
en valeur des terres sans leur consentement : planter des arbres, céder
la parcelle à une tierce personne, refuser de verser le loyer dans les
contrats de métayage. Selon eux, elles viseraient à remettre en
cause leur autorité sur les terres de leurs ancêtres. Toutes ces
pratiques désapprouvées par les chefs terriens se
déroulent dans un contexte où l'autorité coutumière
est fragilisée par la présence du pouvoir administratif.
· L'insécurité liée au manque
de terre : une menace future
C'est un problème que vivent les jeunes autochtones.
Avec l'arrivée massive des migrants et l'intérêt
économique que ces derniers suscitent dans la compétition
foncière, les aînés propriétaires terriens leur
attribuent les terres sans penser à l'avenir de leurs cadets. «
Il n'y a plus de terre, les chefs de terre ont tout attribué aux
migrants, et il serait difficile de reprendre ces parcelles dans les
années avenirs quand ils en auront besoins » affirme SM, un
jeune autochtone. Ces propos mettent en lumière le souci de pouvoir
accéder à leur « patrimoine foncier collectif »
à long terme. Si les terres sont toutes cédées aux
migrants c'est le contrôle foncier des jeunes, relève de la
chefferie terrienne coutumière, qui serait menacé. Au fait, les
jeunes autochtones se sentent dans une situation d'insécurité qui
s'inscrit dans le long terme.
Malgré les divergences au niveau de la perception des
situations d'insécurité, les enquêtes menées dans le
front pionnier de Dèrègouè ont révélé
que les autochtones et les migrants vivent aussi une même
instabilité foncière. Il s'agit du déguerpissement des
paysans de la zone dite pastorale.
4.1.3. Le déguerpissement foncier : une situation
d'insécurité vécue par les migrants et les autochtones
Le déguerpissement foncier est un
phénomène qui « consiste à chasser les occupants
d'un sol par voie d'exécution forcée administrative,
l'administration considérant que ces gens n'ont aucun droit à
être là. L'évacuation du lieu se fait
généralement par la force et sans en référer
à l'autorité judiciaire» (Tribillon J-F, 1993 ;
cité par Gérard Ciparisse et al, 2005). Cette définition
reflète ce qui s'est déroulé les 24 et 25 mai 2004, en
pleine campagne agricole dans la zone pastorale de
Dèrègouè. Des paysans qui exploitaient ce site à
des fins agricoles, ont été expulsés par les
autorités étatiques (préfecture, police, gendarmerie,
service technique, etc.) du département de Sidéradougou.
4.1.3.1. Le peuplement de la zone pastorale et le
déguerpissement
La zone pastorale de la Koba (allusion faite à la
rivière Koba qui jouxte la partie Est et Nord de la zone pastorale) est
située à cheval sur les départements de
Sidéradougou et de Péni. Ce site fait partie de la grande «
zone aménagée de Sidéradougou » qui, elle, a
été identifiée dans les années 1960/70 dans le
cadre du projet « Amélioration de l'élevage traditionnel
dans les CRPA des Haut-bassins et de la Comoé » financé par
la FED. Cet espace d'une superficie de 308.700 ha est réparti en zones
pastorale, agropastorale et agricole couvrant respectivement 128.800 ha, 51.800
ha et 144.100 ha. Ce n'est qu'en l'an 2000 que cette zone a été
entièrement balisée par arrêté conjoint portant
délimitation de la zone pastorale.
L'aménagement de la zone pastorale et les
sécheresses des années 1970 ont stimulé la migration
d'éleveurs peul vers la zone de Sidéradougou en cette
période. Par ailleurs, nos enquêtes ont
révélé que les premiers éleveurs en provenance du
nord et du centre du pays se sont sédentarisés à
Dèrègouè dans les années 1980. Mais avant la
délimitation de la zone, des hameaux de culture y existaient et
étaient habités par des agriculteurs. Ce constat montre que la
zone pastorale de la Koba a été occupée et
exploitée par des agriculteurs avant le déguerpissement en
2004.
L'année 2000 marque la période
d'intensification des migrations agricoles dans la zone d'étude, et
surtout le retour des émigrés burkinabé de la Côte
d'Ivoire dans des conditions difficiles. Pour mieux gérer le retour de
ces migrants, l'Etat à travers ses démembrements a
sollicité l'appui des chefs de terre pour faciliter l'insertion de ces
migrants dans les localités où ils voudront s'installer. Cette
situation a offert l'opportunité aux chefs de terre qui convoitaient la
zone pastorale. Ainsi, de nombreuses parcelles y seront attribuées
à des migrants avec pour conséquence, un accroissement des
superficies emblavées et une régression du pâturage et des
pistes de bétail. Cela a entraîné une recrudescence des
litiges entre agriculteurs et éleveurs. Ces derniers iront se plaindre
par le canal du syndicat des éleveurs SEOAB auprès
l'autorité administrative qui a décidé enfin de
déguerpir les paysans installés dans la zone pastorale en mai
2004.
Pour ce qui concerne ce déguerpissement, notons que
des préavis ont été adressés aux paysans par
l'entremise des RAV. Mais ils n'ont pas influencé les paysans qui ont
continué d'exploiter la zone. Fort de ce constat, la préfecture,
la police, la gendarmerie, les services techniques d'agriculture et
d'élevage, de façon conjointe, ont déguerpi de force les
paysans les 24 et 25 mai 2004. Ainsi, des champs ont été
détruits, des habitations saccagées et incendiées pour
obliger les agriculteurs à abandonner le site et les champs qu'ils
avaient ensemencé (Cf. photo n°3, 4 et 5, en annexe 2 page 119).
4.1.3.2. La situation des paysans après le
déguerpissement
Après le déguerpissement, l'incertitude et la
crainte sont devenues les principaux sentiments des agriculteurs de la zone
d'étude, notamment les paysans qui ont leur champ situé dans la
zone pastorale.
L'année 2004 a été un cauchemar pour les
exploitants agricoles victimes du déguerpissement. Certains exploitants
n'ont pas pu pratiquer les activités agricoles en cette année du
fait leur déguerpissement. Ainsi, pendant la campagne agricole 2005-2006
certains paysans ont migré plus au Sud dans la province du Poni, tandis
que d'autres y sont restés faute d'acquisition de nouvelles parcelles
agricoles. Ces derniers se sont réinstallés dans la zone
pastorale, sous autorisation des autorités administratives à
condition qu'aucun conflit ne soit provoqué en cas de dégât
de champs par le bétail des éleveurs. Cette situation
témoigne de l'instabilité dans laquelle se trouvent de nombreux
paysans installés dans la zone pastorale. En effet, en juillet 2006 les
autorités administratives, à travers le ministère de
ressources animales, ont de nouveau demandé aux exploitants agricoles de
quitter la zone pastorale.
Le déguerpissement foncier en mai 2004 a surtout
affecté les nouveaux migrants qui, à majorité, ont
été installés dans la zone pastorale. Il n'a pas non plus
épargné les anciens migrants et les autochtones. Ce
déguerpissement n'a affecté que les hameaux suivants:
Dèrègouè 1, Kounbrigban, Babolo, Tôrko et Bougoura
(Cf. Carte n°4, page 68). Sur les 150 chefs d'exploitation agricole
enquêtés, nous avons enregistré 26 victimes du
déguerpissement4, soit 17.3%. Les paysans dont les champs
sont situés dans ladite zone se sentent dans une situation
d'insécurité, car n'ayant pas la garantie que leurs droits
fonciers sur cet espace ne seront pas encore remis en cause. Tout se passe
comme si ces derniers jouissaient de droits d'usage provisoires sur les terres
pastorales. La conséquence de cette situation d'instabilité est
la récurrence des dégâts de champs par les animaux face
auxquels certains exploitants restent inertes au risque d'être
chassé par les autorités administratives.
4 Nous désignons par victimes du
déguerpissement, les exploitants qui ont vu leur champ ou leur
concession saccagé par les forces de l'ordre.
Les problèmes fonciers en zone de front pionnier
agricole : cas de Dèrègouè dans la Comoé
Les différentes formes d'insécurité ne
sont pas les seuls problèmes qui préoccupent les paysans de
Dèrègouè. La cession des droits d'exploitation agricole
précaires y constitue aussi une inquiétude.
4.2. LES PROBLEMES DE PRECARITE FONCIERE
Ils sont liés d'une part à la durée de
validité des droits d'usage sur la terre, et d'autre part, à la
longévité des cultures imposées aux exploitants agricoles.
Ces problèmes ne relèvent pas des perceptions locales comme c'est
le cas pour ce qui concerne l'insécurité foncière. Mais
c'est un état de fait qui, même s'il permet aux paysans de
cultiver, ne leur permet cependant pas d'orienter leurs activités
agricoles dans le long terme. Ainsi, les travaux de terrains ont
révélé deux formes de précarité
foncière :
· La cession des droits de culture
temporaires
La cession des droits de culture temporaires est une pratique
émergente dans la zone d'étude. Sur les 254 transferts de terre
enregistrés, 64 contrats fonciers, soit 26,6% étaient des
contrats précaires, c'est-à-dire de courte durée. Cette
pratique consiste en général à céder un droit de
culture saisonnier dont la validité ne dure que pendant une campagne
agricole à une tierce personne lorsque cette dernière sollicite
une terre pour cultiver. Les raisons qui expliquent l'émergence d'une
telle pratique sont l'insuffisance et le manque de terre et surtout, le
désir des cédeurs de consolider leur emprise sur les parcelles
non exploitées.
Faute d'acquérir des parcelles où ils pourront
jouir de droits d'usage permanents sur la terre, certains exploitants sont
contraints d'accepter les contrats précaires même s'ils ne leur
permettent que d'exploiter lesdites terres pour une période
limitée. C'est une alternative pour pratiquer l'agriculture dans un
contexte où la terre est « finie », mais lorsque cette
situation perdure elle devint un souci pour l'exploitant et sa famille.
La cession de droits d'usage saisonniers sur la terre n'est
pas le seul fait qui empêche de bâtir une emprise foncière
durable voire pérenne sur la terre. Il y'a aussi le fait d'interdire
à un exploitant le droit de planter des arbres à
longévité pérenne sur sa parcelle, gage de
pérennisation d'un contrôle foncier sur l'espace.
Les exploitants les plus exposés aux droits d'usage de
courte durée sur la terre sont les nouveaux migrants moins nantis,
installés dans la zone ces cinq dernières années.
Arrivés dans un contexte de raréfaction de la terre, ces migrants
négocient des parcelles sous contrats de courtes durées quitte
à ce qu'ils gagnent de nouveaux espaces cultivables où ils
jouiront de droits d'usage permanents sur la terre. 2.7% des exploitants
enquêtés sont des attributaires saisonniers. Par ailleurs,
certains bénéficient de droits permanents, mais exploitent des
terres
par le biais de contrats précaires du fait de
l'insuffisance de terres. Ces derniers ont des champs dont les superficies
varient entre 2 et 3 ha.
· L'interdiction de pratiquer les cultures
arbustives
Les cultures arbustives pratiquées en
général dans la zone d'étude sont les arbres fruitiers :
manguier, anacardier, agrume, etc. Ces arbres ont une longue durée de
vie. Outre leurs intérêts économiques, ils jouent un
rôle déterminant dans les rapports fonciers entre les individus.
En effet, planter un arbre dans un champ est perçu comme un signe
d'appropriation, voire d'aliénation de l'espace. En conséquence,
les chefs de terre interdisent à priori sa plantation aux personnes
qu'ils considèrent être des « étrangers» dans le
village. « Si tu donnes une place (référence faite
à une parcelle de culture) à quelqu'un et s'il plante des arbres,
cela veut dire que la terre ne t'appartient plus. C'est pourquoi on refuse la
plantation d'arbre à certaines personnes » Ce sont les propos
couramment tenus pour justifier l'interdiction de planter sur les parcelles.
L'interdiction de planter sous-entend la culture de plantes
dont la longévité ne dépasse pas la période d'une
campagne agricole. Ce qui suppose que la durée de validité des
droits correspond à la durée de vie des cultures mises en terre.
Dès l'instant qu'elles sont récoltées, la terre revient au
cédeur qui peut décider de rompre le contrat avec l'exploitant.
C'est cette situation qui pose des difficultés à certains
migrants. Les remises en cause de contrats sont récurrentes et la seule
garantie de pouvoir conserver leurs champs est la plantation d'arbres.
Très souvent, l'arbre n'est pas planté à des fins
économiques, mais plutôt pour marquer une présence
pérenne sur la parcelle exploitée. Cependant, lorsqu' un
exploitant n'arrive pas à planter des arbres dans son champ, tout se
passe comme si la durée du droit dont il jouit était une campagne
agricole, parce que la terre pouvant faire l'objet de retrait après
chaque récolte.
L'interdiction de planter est devenue un problème
sérieux avec l'émergence de la « vente » du droit de
planter. De plus en plus, les migrants qui ont les moyens financiers
accèdent au droit de planter en contrepartie d'argent. Cette situation
défavorise les moins nantis qui, faute de moyens, sont contraints de se
contenter du droit de cultures annuelles.
Pour ce qui concerne la précarité liée
à l'obligation de cultiver des plants annuels au détriment des
cultures pérennes, tous les migrants sont vulnérables. Mais cette
vulnérabilité diminue avec la durée d'installation dans la
zone. Plus l'installation d'un migrant dure, moins le droit de planter des
arbres dans son champ lui sera interdit. En général, il s'agit
des exploitants migrants installés pendant la première et
deuxième vague de migration, c'est-àdire entre les années
70 et 80. De même, le statut économique permet à certains
migrants
d'avoir un accès facile au droit de planter. Ainsi,
l'ancienneté et le pouvoir économique deviennent deux
paramètres qui permettent aux migrants d'être moins
vulnérables aux droits fonciers précaires.
4.3. LA DURABILITE DES DROITS D'USAGE SUR LA TERRE
DANS LA ZONE DE DEREGOUE
Nous définissons la durabilité comme
étant le temps durant lequel un exploitant a pu exploiter la parcelle
qu'il lui a été cédé. C'est la durée d'un
droit calculé à partir de la période d'acquisition d'une
parcelle et la période de rupture d'une transaction foncière.
Cette durabilité des droits d'usage sur la terre est fonction du type de
modes d'accès à la terre.
Dans les modes d'accès à la terre à
durée illimitée la longévité des droits de culture
est relative. Car même si les droits d'usage sont dits permanents bon
nombre ne sont pas « définitifs ». En effet, nos
enquêtes ont révélé que la durabilité de
certains droits d'usage sur la terre détenus par des migrants et des
autochtones est de 20 à 30 ans. Par contre, du fait des retraits et
réductions de terre ainsi que des déguerpissements, des droits
détenus à majorité par des migrants n'ont pas atteint
cette durée. Sur les 28 chefs d'exploitation agricole victimes
d'annulation de droits d'usage sur la terre, 53% ont pu jouir de leurs droits
sur une période comprise entre 0 et 5 ans, 28,6% sur une période
allant de 5 à 10 ans et 18% entre 10 et 20 ans. Cet état de fait
vient témoigner une fois de plus du caractère
non-définitif des droits issus des contrats permanents que nous avons
désignés sous l'appellation mode d'accès à la terre
à durée illimitée.
Pour ce qui concerne les modes d'accès à la
terre à durée limitée, la durée de validité
des droits de culture est en général d'une campagne agricole.
Mais, certains exploitants ont pu jouir de ces droits saisonniers pendant plus
d'une saison de culture, car ayant été renouvelés. Ces
contrats saisonniers sont rarement renouvelés plus de 5 fois.
Les problèmes d'accès à la terre et de
leur mise en valeur sont des situations qui ne sont pas
appréciées par les exploitants, ce qui affecte très
souvent les pratiques agricoles, les rapports sociaux, etc.
4.4. LES INCIDENCES ENGENDREES PAR LES PROBLEMES
FONCIERS
Les incidences engendrées par les problèmes
fonciers sont perceptibles à travers : la disparition de la
jachère, le nomadisme agricole, le poids du loyer en nature sur les
ménages, les conflits fonciers et les migrations de départ.
4.4.1. Les incidences sur les pratiques agricoles 4.4.1.1.
La disparition de la jachère
Tant que la terre est disponible et les demandes moins
fortes, la convoitise des espaces cultivables dévient moindre; en
conséquence, les champs en jachère peuvent rester sans susciter
des polémiques. Ce constat part du fait que les terres mises en
jachère stimulent de plus en plus des intentions de remise en cause des
contrats fonciers du fait du manque de terre conjugué à la forte
demande. Pour prévenir ces situations, les exploitants, en particulier
les migrants, s'abstiennent de mettre leur terre en jachère.
Lorsqu'un exploitant laisse sa terre au repos, cela
sous-entend qu'il a assez de parcelles en réserve et que les terres
qu'il a ensemencées suffisent pour satisfaire ses besoins. Et comme
d'autres exploitants en ont besoin, ces jachères sont reprises pour
ensuite être réattribuées. « Si tu laisses ta
parcelle au repos (allusion faite à la jachère) les
propriétaires terriens disent que c'est parce que tu en as beaucoup que
tu gardes d'autres au repos, et ils profitent te la retirer pour ensuite la
céder à d'autres migrants. Souvent ce sont les migrants qui vont
dire aux chefs que tu ne veux plus cultiver ton champ et qu'eux en ont besoin.
Comme ces derniers proposent de l'argent, les dougoukolotigew, surtout les
jeunes, n'hésitent pas à te la retirer pour ensuite la
réattribuer à d'autres migrants ». C'est ce que nous a
confie OA, un migrant mossi installé dans la zone en 1987. Au risque
donc de perdre une parcelle parce qu'elle est mise en jachère, certains
préfèrent la céder sous forme de prêt,
métayage ou location pour en tirer profit. Cela entraîne
l'exploitation continue des terres au détriment de la pratique de la
jachère. Cette technique est en général remplacée
par l'utilisation intensive des engrais lorsque le rendement baisse.
4.4.1.2. Le « nomadisme agricole » et le
blocage des investissements pérennes
Le nomadisme agricole est la conséquence du manque de
stabilité sur les parcelles exploitées. Il se traduit par la
mobilité agraire qui renvoie aux mouvements des exploitations
agricoles dans l'espace. Par exemple, lorsque les contrats de
courte durée d'un exploitant ne sont pas renouvelés, celui-ci est
obligé de renégocier d'autres contrats fonciers pour pouvoir
continuer son activité. Ce qui l'amène à ouvrir un nouveau
champ à un notre endroit. Ce nomadisme agricole est aussi visible
lorsque les paysans se voient interdire l'exploitation de leurs champs par les
propriétaires terriens coutumiers ou par les autorités
administratives. Après le déguerpissement qui a eu lieu dans
à Dèrègouè, certains ont abandonné leur
champ situé dans la zone pastorale pour en renégocier de nouveaux
dans la zone agro-pastorale.
Le blocage des investissements pérennes est lié
au refus de permettre à un exploitant de réaliser des
investissements durables dans son champ et aux contrats de courte durée
(1, 2, 3 ou 5 ans). Lorsqu'ils ne bénéficient pas d'autorisation
pour planter, de moyens financiers pour s'octroyer ce droit ou parce qu'ils
jouissent de droits temporaires, de nombreux migrants n'arrivent pas à
pratiquer la culture arbustive sur les parcelles.
Les incidences ne sont pas perceptibles seulement au niveau des
pratiques agricoles, car les problèmes fonciers affectent aussi la
situation socio-économique des paysans.
4.4.2. Les incidences sur le plan
socio-économique
La charge du prélèvement du loyer en nature sur
la production des ménages et les conflits fonciers sont les principales
incidences socio-économiques des problèmes d'accès
à la terre à Dèrègouè.
4.4.2.1. L'impact du prélèvement du loyer
en nature sur la production des ménages
Le prélèvement du loyer en nature sur la
production des métayers est perçu comme une charge insupportable
pour certains. Les exploitants qui cultivent des champs qu'ils estiment petites
en superficies pour faire face aux besoins des membres de leurs ménages
jugent que le prélèvement du loyer en céréales sur
leur production constitue une charge économique. Pour eux, les
récoltes ne suffisent pas aux besoins de subsistance de la famille et
lorsque les chefs viennent à prélever cette redevance, cela
aggrave davantage la situation. Mais ceux-ci n'ont d'autres choix que de
s'acquitter de cette contrepartie périodique quitte à se voir
retirer leur parcelle du moment où leur confrère migrant
s'acquitte des leurs.
Si pour les métayers le loyer a un impact
négatif sur leur production, ce n'est pas le cas pour les
propriétaires terriens. Le loyer annuel représente une source de
richesse pour ces propriétaires, car chaque année ce loyer est
acheminé vers les marchés locaux et urbains pour être vendu
ce qui leur procure des revenus. Selon certains migrants, c'est cette
redevance
périodique qui a permis à des
propriétaires de s'enrichir (construction de maison en ciment, achat de
mobylette, radio, télévision, etc.).
4.4.2.2. Les conflits fonciers et leurs
résolutions
Les conflits fonciers opposent d'une part les autochtones
entre eux puis ceux-ci et les migrants, et d'autre part les éleveurs aux
agriculteurs ainsi que l'Etat aux agriculteurs. Ces différends sont la
conséquence des retraits de terres, des réductions de superficie,
du non- respect des clauses des transactions, des dégâts d'animaux
et du déguerpissement.
Bien qu'ils soient fréquents dans la zone, nous
n'avons été témoin que de sept (7) conflits fonciers au
cours de nos travaux de terrain: Trois (3) différends causés par
les dégâts d'animaux, deux (2) relatifs à la
révocation des droits d'usage sur la terre et un (1) lié au non-
respect des limites de parcelles et un (1) autre lié à
l'implication des jeunes dans la gestion foncière. Ainsi, nous avons pu
identifier les conflits suivants:
· Les conflits fonciers entre
autochtones
Ce sont des désaccords entre les membres d'un
même lignage dans la gestion foncière. Certains jeunes se trouvent
confrontés aux aînés parce qu'ils attribuent les terres aux
migrants sans consulter les plus âgés. En revanche, les jeunes
n'apprécient pas le fait que leurs aînés attribuent des
terres aux migrants en contrepartie d'argents dont ils ne
bénéficient guère. Ainsi, chaque jeune cherche à
attribuer de façon personnelle la terre sans interférence d'un
autre membre du lignage. Cette situation s'explique par deux raisons : d'abord
les jeunes veulent se garantir des réserves pour l'avenir et veulent
profiter de l'arrivée massive des migrants agricoles en leur attribuant
des parcelles, le plus souvent par la « vente ».
Monsieur KS est le neveu d'un des chefs de terre de la zone
d'étude, et du fait de l'âge très avancé de son
oncle (le chef de terre, frère aîné de sa mère) il a
eu le privilège d'être le cédeur des terres relevant du
territoire coutumier de son oncle. Le fils légitime du chef de terre ne
pouvait assumer cette tâche à cause de son jeune âge. Mais
au fil des années, ce dernier s'impliquait dans l'attribution des terres
aux migrants sans le consentement de son cousin KS. Celui-ci n'a pas
apprécia pas cette attitude, et le fait de voir le fils du chef
impliqué dans la gestion des palabres relatives au conflit n'est pas
aussi vu d'un bon oeil. Aujourd'hui, un conflit latent existe entre les deux
cousins du fait de l'émancipation du jeune cousin dans la gestion
foncier. Pour certains témoins de ce litige latent « ce sont
les fortunes (construction de maison en dur, achat de moto, train de vie de la
bourgeoisie villageoise, etc.)
qu'obtient K.S à travers la gestion des terres qui
ont incité le fils légitime du chef de terre à s'y
impliquer de plus en plus ».
· Les conflits entre les autochtones et les
migrants
Ils résultent de l'opposition manifestée vis
à vis de certaines pratiques telles que les retraits de terre et les
réductions de superficie ainsi qu'au non-respect des interdits
imposés aux migrants (interdiction de planter, de céder la
parcelle à une tierce personne sans accord des chefs de terre, respect
des limites des terrains cédées, etc.). Ce sont des situations
qui ont émergé à partir de l'année 2000,
période marquant le début l'intensification des migrations dans
notre zone d'étude.
· Les conflits entre les éleveurs et les
agriculteurs
Ils sont récurrents dans la zone pastorale et
déclenchent suite à des dégâts de champ par le
bétail. Même si ladite zone revient de droit aux éleveurs,
il ne faut cependant pas occulter le fait qu'elle est revendiquée par
les agriculteurs qui n'approuvent pas les incursions de bétail des
pasteurs dans leurs champs. Selon les éleveurs, c'est le manque de
pistes pour conduire le troupeau vers les pâturages et les points d'eau
suite à « l'envahissement » de la zone pastorale par les
agriculteurs qui rendent récurrents les incursions de bétail dans
les champs. Par contre, pour les paysans, la période de mobilité
(période de récolte) des éleveurs n'est pas propice et les
dégâts de champs par les animaux sont
prémédités par les éleveurs peul, mais il est
difficile de mettre un terme à cette situation puisque le site revient
de droit aux éleveurs. L'inertie des agriculteurs face aux
dégâts de champs par le bétail est confirmée par DS,
éleveurs installé dans la zone pastorale de
Dèrègouè il y'a 10ans : « Avant, lorsqu'il y 'a
des incursions de bétail dans les champs situés dans la zone
pastorale, les paysans en faisaient un problème et il y 'avait toujours
des querelles. Mais depuis qu'ils ont été déguerpis pour
la première fois, ils ne se plaignent plus lorsque des
dégâts sont causés dans leurs champs par les troupeaux de
bétails. ».
· Les conflits entre les agriculteurs et
Etat
Le premier conflit a été perceptible à
travers le déguerpissement foncier. Ce conflit s'est traduit en deux
phases: le préavis de suspension des activités dans la zone
pastorale qui fut désapprouvé par les agriculteurs et le
déguerpissement sous la direction des forces de l'ordre. Si certains
agriculteurs se sont réinstallés dans la zone après une
demande adressée aux autorités administratives, d'autres par
contre se sont réinstallés parait-il sous pression des hommes
politiques.
La résolution des conflits à
Dèrègouè impliquent plusieurs acteurs : les chefs de
terre, le préfet, les RAV et souvent les agents techniques de
l'agriculture ou de l'élevage. Les protagonistes exposent leurs
problèmes en vue d'une résolution aux acteurs qui peuvent
départager à leur faveur. C'est le cas de certains migrants qui
préfèrent soumettre leurs problèmes au préfet
lorsqu'ils n'ont pas été satisfaits au niveau du village. Au fait
ce sont les conflits qui opposent les migrants aux propriétaires
terriens qui sont le plus souvent exposés à l'autorité
administrative. Par contre, lorsque les protagonistes sont tous des migrants,
les faits sont soumis aux chefs de terre ou aux RAV qui leur
départagent. Souvent, ces deux instances de régulation s'unissent
pour trancher un litige. Dans ce cas de figure, l'autorité
administrative est le dernier recours lorsque l'arbitrage n'a pas
été satisfait à l'échelle locale.
Les différentes émanations de l'Etat et les
services techniques s'impliquent dans les conflits qui opposent les exploitants
agricoles aux éleveurs. Par exemple, pour résoudre la question
des conflits entre éleveurs et agriculteur dans la zone pastorale, ils
ont décidé du déguerpissement des agriculteurs. Les
services techniques, notamment les ATC, sont aussi impliqués dans la
résolution des litiges qui opposent les agriculteurs aux éleveurs
et qui résultent des dégâts de champ de coton par le
bétail. Leur rôle est, comme nous l'avons constaté à
Hobaga, de faire le constat des dégâts et d'en évaluer le
coût qui sera communiqué à l'éleveur dont
appartenait le troupeau. Pour entrer en possession de son troupeau, celui-ci
doit s'acquitter du coût des dégâts estimés par
L'ATC.
4.4.3. Les incidences démographiques
Les incidences démographiques engendrées par
les problèmes liés à l'accès à la terre et
à la mise en valeur des parcelles se traduisent par le
dépeuplement de certains hameaux de culture. Ces migrations de
départ sont internes et externes.
Les mouvements de population internes se traduisent par les
départs de population d'un hameau vers d'autres relevant de
Dèrègouè. Ce sont les départs de paysans jadis
installés dans la zone pastorale, vers la zone agro-pastorale. Ils ont
débuté suite aux travaux d'aménagement de la zone à
vocation pastorale. Les hameaux de départs étaient principalement
Kounbrigban et Hobaga, tous situés de part et d'autre des balises
marquant la limite du site pastoral d'avec la zone agro-pastorale. 2% des chefs
d'exploitation enquêtés ont été affectés par
ce type de départ. Mais avec le déguerpissement ces mouvements de
départ se sont intensifiés, mais cette fois orientée vers
le sud-ouest de la Comoé, et plus précisément dans les
provinces du Poni et du Noumbiel.
CONCLUSION PARTIELLE
De l'étude des problèmes fonciers liés
à l'accès à la terre et des incidences qu'ils engendrent,
nous pouvons retenir les aspects suivants : pour ce qui concerne les modes
d'accès à la terre, on constate que le système foncier
traditionnel a évolué et de nouvelles transactions
foncières qui se distinguent à priori de par la durée de
validité des droits d'usage cédés. Ils sont soit
permanents, soit limités dans le temps.
Ces modes d'accès à la terre n'épargnent
pas les exploitants des problèmes d'insécurité
foncière qui s'assimilent aux risques de remise en cause des droits
d'utilisation de la terre. Ces situations d'insécurité sont
perceptibles à travers les retraits de terre, les réductions de
superficie, le non-respect des contrats, le manque de terre qui inquiète
l'avenir de la jeunesse paysanne. Par ailleurs, les problèmes
liés au déguerpissement foncier affectent les autochtones et les
migrants presque au même degré. Á cela s'ajoutent les
problèmes de précarité dont les principales formes sont la
cession de droits de culture temporaire et de droits de cultures annuelles.
Jadis rares dans les pratiques foncières, ces difficultés ont
émergés ces dernières années suite à
l'intensification des migrations. Ils affectent les pratiques agricoles, la
situation socio-économique des paysans, ce qui entraîne des
conflits ainsi que des départs de populations vers d'autres zones
rurales.
TROISIEME PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES
PROBMEMES FONCIERS Á DEREGOUE ET LES STRATEGIES LOCALES DE
SECURISATION FONCIERE
Cette partie porte une analyse sur :
- les facteurs explicatifs de l'émergence des
problèmes fonciers ;
- les stratégies locales mises en oeuvre par les paysans
pour sécuriser leur droit d'usage sur la terre.
CHAPITRE V : LES FACTEURS EXPLICATIFS DES PROBLEMES
FONCIERS
Les problèmes liés à
l'instabilité des droits fonciers des exploitants agricoles sont
récurrents à Dèrègouè ces dernières
années et cette situation résulte de la conjugaison de plusieurs
facteurs. Les données collectées sur le terrain à partir
du questionnaire et des guides d'entretien, ont révélé que
ces facteurs sont d'ordre démographique, socio-économique et
politique.
5.1. LES FACTEURS DEMOGRAPHIQUES
La démographie a influencé les pratiques
foncières à Dèrègouè à travers
l'accroissement de la population et ses corollaires que sont l'accroissement
des espaces de culture, ainsi que la pression démographique sur les
terres.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, la population
de la zone d'étude a augmenté ces dernières années
avec un taux de progression de 64,4% entre 1996 et 2004. Cette croissance est
due aux migrations et au croît naturel. Elle a entraîné dans
la zone une augmentation des demandes de terre avec comme conséquence un
accroissement des superficies cultivées (Cf. carte de l'occupation des
sols à Dèrègouè en 1984 et 2000, pp 86- 87). C'est
ainsi qu'une forte pression démographique a été
exercée sur la terre, ce qui a accéléré la
saturation foncière.
En effet, les populations enquêtées disent que
la terre est « finie » à
Dèrègouè à cause de l'intensification des
immigrations qui, conjuguée au croît naturel, a
accéléré la croissance de la population et partant, la
saturation des terres ces dernières années. Cette saturation
foncière explique le fait que les nouvelles demandes sont de moins en
moins satisfaites ou sont accordées aux prix de retraits de champs et de
réductions de superficie. Ce manque de terre est en effet l'argument
avancé par bon nombre de propriétaires terriens coutumiers pour
justifier la réduction de la superficie des champs afin de satisfaire de
nouvelles demandes de terres. Un des faits illustrant la saturation
foncière dans la zone est l'attribution importante des espaces
cultivables de la zone pastorale aux migrants installés dans les
années 2000. Cela a
entraîné le rétrécissement des zones
de pâturage qui a été l'un des mobiles du
déguerpissement des exploitants du site pastoral.
Les données de la campagne agricole 2002/2003 dans le
département de Sidéradougou, dont relève notre zone
d'étude, montrent aussi que les superficies cultivées ont
augmenté. En effet, entre 1995 et 2003, période d'intensification
des immigrations agricoles dans le département, elles ont connu un taux
de progression de 29%. Cet accroissement de superficie cultivée a
été accéléré de 1995 à 2003, mais a
entamé une phase de ralentissement à partir de l'année
2003, période de la saturation foncière (Cf. graphique n°11,
page 84). La croissance de la superficie des terres cultivées se
confirme à travers les cartes d'occupation des sols qui
présentent un accroissement des superficies entre 1984 et 2000. En 1984
les champs étaient concentrés autours des concessions. Par contre
en 2000, ils occupaient la quasi-totalité de la zone au détriment
de la végétation naturelle. Les concessions ont augmenté
en nombre avec la naissance de villages tels que Tomora, Soukroulaye,
Wopé, Tôrko, Ouratenga, etc., occupé à
majorité par les migrants.
Graphique n°11
35000
30000
25000
20000
15000
10000
5000
0
Evolution de la superficie cultivée dans le
département de Sidéradougou de 1995 à 2004
1995/1996 2002/2003 2003/2004
Période
Superficie cultivée
Source : ZATA du département de
Sidéradougou, campagne agricole 2002-2003
L'accroissement démographique n'est pas le seul facteur
explicatif des problèmes fonciers à
Dèrègouè. Il y'aussi les déterminants
socio-économiques.
5.2. LES FACTEURS SOCIO-ECONOMIQUES
La dynamique foncière à
Dèrègouè s'explique aussi par l'essor de la culture du
coton, la monétarisation des transactions foncières à
travers l'influence socio-économique des nouveaux migrants et les
facteurs politiques.
5.2.1. L'influence de l'essor de la culture du coton
Le développement de la culture du coton dans la
Comoé a engendré la création de la zone cotonnière
de Banfora. Mais, nous nous intéressons surtout à son influence
sur les pratiques foncières. Elle s'est traduite par l'extension des
terres cultivées et une monétarisation des modes d'accès
à la terre.
la superficie des champs de coton a connu de 2003 à
2004 un taux de progression de 18.2%, en passant de 8.460 à 10.000 ha
dans le département de Sidéradougou (ZATA de Sidéradougou,
2003), tandis que dans la région cotonnière de Banfora qui couvre
les provinces de la Comoé et de la Léraba, elle a connu une
régression de 0.9% en passant de 64.589 à 64.021 ha en cette
même période (Sofitex,2005). Nous pouvons donc conclure que le
développement de la Culture de coton dans le département de
Sidéradougou est très important. L'essor de cette
spéculation a contribué ainsi à
l'accélération de la saturation foncière car elle a
mobilisé de vastes superficies. Cette situation a stimulé
certaines pratiques telles que les retraits de terre, la réduction de
superficies des champs, les déguerpissements et, surtout les
dégâts de champ par les animaux.
Si le coton a contribué à
l'accélération de la saturation des terres, il ne faut cependant
pas occulter son impact sur les transactions foncières. En effet, avec
la culture du coton, le métayage permanent a pris la forme de fermage en
ce sens qu'en lieu et place du loyer en nature, les producteurs de coton qui ne
cultivent pas les céréales sont dans l'obligation de verser
l'équivalent des tines de « siman » en espèces
(Cf. tableau n°6)
Tableau n°6 : Situation du loyer en nature
versé par les métayers selon les chefs de terre
Chefs de terre
|
Redevance en nature (en tine)
|
Redevance
en nature (en Kg)
|
Equivalent
de la redevance en espèce (en FCFA)
|
Ouattara Bassabana
|
2
|
67
|
[3.000 - 3.600]
|
Ouattara Baladji
|
2
|
67
|
[3.000 - 3.600]
|
Ouattara Bas sandi & Bamory
|
2
|
67
|
[3.000 - 3.600]
|
Ouattara Bakary
|
3
|
100
|
[4.500 - 5.400]
|
Ouattara Adama
|
4
|
133,2
|
[6.000 - 7.200]
|
|
Source : Enquête de terrain 2005/2006
Ainsi, la culture du coton avec les revenus monétaires
qu'elle procure et qui permettent à certains paysans de s'acheter
certains biens (motocyclette, boeuf, etc.) ont fait perde à la terre son
caractère sacré. Elle est de moins en moins perçue comme
un bien sacré et collectif qui permet de subvenir aux besoins de
subsistance, mais plutôt comme une source de revenus et de profit,
stimulant ainsi les transactions foncières monétarisées.
L'essor de la culture du coton a entraîné « le
développement de l'économie de marchande qui est guidée
par la recherche du profit au détriment de l'économie de
subsistance ; et dans une région où la terre est de plus en plus
valorisée, le régime foncier subit nécessairement de
profondes transformations » (J.M Kohler, 1968 ; cité par
Bakayogo Nouhoun, 2003 : 83). Á Dèrègouè, ces
transformations sont perceptibles à travers l'émergence de la
« vente », les retraits de terres, l'augmentation des contreparties
données en échange d'une parcelle, etc.
La dynamique des pratiques foncières consécutives
à l'essor de la culture du coton a été renforcée
par l'influence économique des migrants.
5.2.2. L'influence socio-économique des
migrants
Elle se traduit à travers :
· La monétarisation des modes
d'accès à la terre
Il faut entendre par monétarisation des transactions
foncières, l'introduction de la variable argent dans les clauses qui
régissent l'accès à la terre. En lieu et place des
contreparties en nature, les paysans versent des contreparties en espaces.
Cette pratique a été
introduite avec l'arrivée des migrants. Lorsqu'ils
sont arrivés dans la zone d'étude, les migrants ont
demandé aux chefs de terre qu'on leur permettre de verser les
contreparties en nature (poulets, chèvre, etc.) sous forme
espèce, ce qui a été accepté par ces
propriétaires terriens coutumiers. Au fil des années, cette
contrepartie en argents a augmenté. Elle est passée de 1.500
à 7.500 F CFA entre 1970 et 2000 lorsque l'exploitant migrant
décide de ne pas habiter dans son champ, et de 3.000 à 10.000 F
CFA, voire 15.000 F CFA lorsqu' il choisit de construire une concession et
d'habiter dans son champ.
Par ailleurs, les enquêtes ont
révélé qu'à cause de la forte demande de terre par
les migrants, celle-ci est devenue une véritable source de revenus
monétaires. Ainsi, les paysans nantis sont privilégiés par
rapport aux démunis dans la compétition foncière. De plus,
les terres attribuées et qui ne sont pas marquées par des signes
attestant une présence humaine font de plus en plus l'objet de retraits
et de réductions de superficie ce, pour satisfaire les nouvelles
demandes qui permettent d'engranger des fortes sommes d'argent. Dans ce
contexte, seuls les paysans démunis sans véritables assises
sociales et économiques solides sont défavorisés dans la
course pour l'accès à la terre.
· L'influence économique des nouveaux
migrants : les « rapatriés » et les nouveaux acteurs
»
Comme mentionné auparavant, le terme «
rapatrié » est employé pour désigner les
émigrés burkinabé de Côte d'Ivoire qui ont
été contraints de retourner au Burkina Faso suite à la
crise qui a déclenché dans ce pays en 1999. Á leurs
arrivés, la majorité de ces migrants se sont installés
dans les régions telles que Banfora où le potentiel
agro-climatique est quasi semblable à celui de leurs zones de
provenance. Ces « rapatriés » ont une
expérience des transactions monétaires et de la culture des
arbres qu'ils tentent de pratiquer dans leur zone d'accueil dont
Dèrègouè. Ainsi, l'engouement pour la culture de rente,
notamment la culture arbustive, a pris de l'ampleur. Ce qui a amené les
autochtones à attribuer le droit de planter en contrepartie d'argents
pour s'adapter au changement socio-économique dans un contexte où
l'autorité coutumière, même si elle prévaut, n'est
épargnée des remises en cause incessantes.
Le retour au pays des émigrés burkinabé
de la Côte d'Ivoire et leur installation dans la zone d'étude
représentent des enjeux socio-politiques et économiques. En
effet, les autorités administratives ont mobilisé les populations
pour faciliter l'installation de ces migrants. Ainsi dans la zone de
Sidéradougou, il a été demandé aux paysans,
notamment aux chefs de terre, de faciliter leur installation et leur
accès à la terre. Bien qu'ils aient été favorables,
cette sollicitation a été une opportunité pour les chefs
de terre qui cherchaient des alibis valables
pour légitimer leur projet d'occupation de la zone
pastorale dont l'aménagement a remis en cause leur contrôle
foncier sur cet espace. C'est ainsi que les terres de la ZP ont
été attribuées à de nombreux «
rapatriés ». Cette occupation a été de courte
durée puisqu'ils ont été déguerpis en mai 2004 sur
le site sous l'ordre des autorités administratives du département
de Sidéradougou.
Les « nouveaux acteurs » regroupent les
fonctionnaires, les opérateurs économiques, etc. qui investissent
dans les activités agro-pastorales à
Dèrègouè. Ils influencent les pratiques foncières
à travers leur pouvoir économique par « l'achat » des
terres. L'intérêt qu'ils accordent à la terre et les moyens
financiers qu'ils y investissent ont donné une valeur marchande à
cette ressource. Par conséquent, les propriétaires terriens
préfèrent conclure des arrangements avec ces derniers pour tirer
le maximum de profit de leur patrimoine. Par ailleurs, l'intervention des
« nouveaux acteurs » a entraîné l'émergence de
certaines transactions telles que l'achat de terre par troc.
Á l'influence économique des migrants qui a
entraîné la monétarisation des modes d'accès
à la terre et accentué la compétition pour l'accès
à la terre, s'ajoute l'instabilité des clauses qui
régissent les contrats fonciers.
5.2. 3. L'instabilité des clauses des modes
d'accès à la terre
Elle se traduit par l'évolution dans le temps des
contreparties versées par les exploitants pour accéder à
la terre et la défricher. Par exemple, le coût du « landa
» en espèces versé avant tout défrichement d'un
espace à Dèrègouè ne cesse d'augmenter. Elle est
passée de 1.500 à 12.500 FCFA, voire 15.000 FCFA entre les
années 1970 et 2000 (Cf. Tableau n°7).
Tableau n 7: Evolution du coût du
« landa » en espèce
Période (année)
|
Coût (en FCFA)
|
1970-1985
|
1.500 à 5.000
|
1985-1995
|
5.000 à 7.500
|
1995-2005
|
7.500 à 15.000
|
|
Source : Enquête de terrain, 2005/2006
Cette dynamique de la contrepartie influence les pratiques
foncières des paysans dans un contexte de raréfaction de la
terre. Les espaces cultivables sont « finis» et les demandes de terre
par les migrants ainsi que le coût du « landa » augmentent, ce
qui pousse souvent les propriétaires terriens à réduire la
superficie des champs en exploitation ou en jachère. Certains
exploitants pensent que c'est pour gagner de l'argent
à travers les nouvelles demandes que les propriétaires
réduisent les superficies. Par ailleurs ce sont souvent les migrants qui
demandent aux chefs de terre de leur permettre d'exploiter une parcelle mise en
jachère par un autre migrant au prix d'une forte somme d'argent.
De plus en plus pour accéder à un lopin de
terre, un paysans migrant n'a pas moins de 10.000 F CFA à donner en plus
du loyer versé régulièrement à son chef de terre,
raison pour laquelle des efforts sont faits pour satisfaire ces nouvelles
demandes même si la terre est en manque. D'où les pratiques telles
que les retraits de terre et les réductions de superficie qui alimentent
les incertitudes pour ce qui concerne l'exploitation durable des champs par
certains paysans.
5.2.4. L'implication des jeunes dans la gestion
foncière
Les jeunes sont des groupes sociaux subordonnés aux
personnes âgées. Ils n'interférent dans la gestion
foncière que sur l'accord des plus âgés. Cependant, ces
dernières années ceux-ci s'y ingèrent sans l'entremise de
leurs aînés. Ils concluent des accords avec des nouveaux
demandeurs, retirent les terres que leurs aînés avaient
cédées à des migrants sans le consentement de ceux-ci.
Cette implication des jeunes dans la gestion foncière a fait perdre
à la terre son caractère sacré, car l'on estime dans la
zone que leur forme privilégiée de transactions foncières
est la « vente » de terre. Pour cette jeune génération,
la terre est une source de revenus, ce qui est en contradiction avec la vision
des vieux qui estiment que cette ressource est sacrée,
inaliénable et ne doit pas être vendue.
L'implication des jeunes dans la gestion des terres a vu le
jour dans un contexte où la terre est « finie ». Or
les demandes d'espaces cultivables par les migrants et, surtout les «
nouveaux acteurs » et les « rapatriés » ne
cessent d'augmenter. En conséquence, à défaut de pouvoir
retirer la terre de certains migrants, ils les réduisent pour satisfaire
les nouvelles demandes de terre qu'ils estiment plus rentables sur le plan
économique.
OS est un jeune autochtone dont l'implication dans la gestion
foncière est récente suite au décès de son
père qui assurait de fait la fonction de chef de terre de leur domaine
foncier coutumier à Dèrègouè. Celui-ci s'est
impliqué dans la gestion foncière à un moment où la
quasi-totalité des terres relevant de leur autorité ont
été attribuées. Pour tirer le maximum de profit dans ce
contexte de forte demande et de pression foncière, OS procèderait
souvent à des retraits de terre et des réductions de parcelle
sans le consentement de ces aînés, ce pour satisfaire les
nouvelles demandes qui lui sont faites. « On leur a dit de ne pas
vendre la terre
car elle est précieuse, mais il refuse
d'écouter » affirmait OM, un autre jeune autochtone dont le
père n'apprécie pas le fait que les jeunes cèdent les
terres en contrepartie de forte somme d'argent.
Aux facteurs démographiques et
socio-économiques explicatifs de la dynamique des pratiques
foncières, et surtout de l'émergence des problèmes
d'insécurité et de précarité, s'ajoutent
l'intervention de l'Etat.
5.3. L'INTERVENTION DE L'ETAT
Elle a influencé les pratiques foncières locales
par le biais de la RAF, des politiques aménagements du territoire et de
reboisement.
5.3.1. L'influence des interprétations locales de
la RAF
Si la RAF a été promulgué pour assurer
la sécurité des exploitants agricoles et veiller à une
gestion rationnelle des ressources naturelles, elle est loin d'avoir atteint
ses objectifs dans les zones rurales, notamment à
Dèrègouè. Les enquêtes de terrain ont en effet
révélé que les textes qui la régissent sont
méconnus des paysans. Par ailleurs, même si ces derniers sont au
courant de l'existence de ces textes, leurs interprétations et
appréciations diffèrent d'un acteur à un autre, notamment
des migrants aux autochtones.
Les textes de la RAF qui stipulent que « la terre
appartient à celui qui la cultive ou celui qui la met en valeur »
et que « l'Etat propriétaire de la DFN » ainsi que « la
non- reconnaissance du droit coutumier » influencent les perceptions que
les paysans ont de la terre. Certains migrants, en s'appuyant sur la cette
législation foncière, adoptent des pratiques à l'encontre
des interdits dictés par les autochtones sous prétexte que
« la terre appartient à tout le monde ». Ils
empiètent sur les terres qui ne leur ont pas été
attribuées ou plantent des arbres sans l'accord des chefs de terre.
Cette situation crée du côté des propriétaires
terriens coutumiers des sentiments de crainte pour ce qui concerne l'avenir de
leur emprise sur les terres. Comme eux-mêmes le disent, de nombreux
migrants ne respectent plus les principes coutumiers ; et lorsqu'ils veulent
leur sanctionner, ils sont convoqués auprès des autorités
administratives.
Le sentiment d'insécurité foncière que
suscite la RAF est surtout vécu par les propriétaires terriens
qui les perçoivent comme une sorte de remise en cause de leur
autorité en matière de la gestion foncière. En effet, de
nombreux migrants qui ont acquis des parcelles
de culture par l'entremise de ces propriétaires
terriens, se basent sur la RAF pour s'opposer à certains principes
coutumiers en matière de gestion foncière : plantation d'arbres,
attribution de parcelles à une tierce personne sans accord des chefs de
terre. Pour ces migrants, la modernité devient de plus en plus une
garantie de la sécurité foncière au détriment de la
coutume.
Si l'avènement de la législation foncière
moderne a fragilisé le pouvoir coutumier, l'approche des politiques
d'aménagement du territoire ne l'a pas consolidé non plus.
5.3.2. L'impact de l'aménagement de la zone
pastorale
La création et la délimitation d'une zone
pastorale à Dèrègouè a d'abord
entraîné un rétrécissement des espaces cultivables,
et par conséquent le domaine foncier coutumier des chefs de terre. Cet
aménagement conjugué à la croissance démographique
a aussi accéléré la saturation des sites agricoles et
agro-pastoraux. Ne disposant pas d'assez d'espace de culture dans ces deux
dernières zones, les paysans se sont tournés vers la zone
pastorale où la terre est encore disponible pour y installer les
migrants arrivés dans les années 2000. Ainsi on a assisté
à des défrichements intensifs et l'accroissement des superficies
cultivées. Cette situation a entrainé la recrudescence des
dégâts de champs par les troupeaux de bétail, qui
engendraient des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Conscient de
la menace que représente la colonisation agricole de la zone pastorale,
les éleveurs ont interpellé les autorités administratives
sur cet état de fait. C'est ainsi qu'en 2004 des exploitants agricoles
ont été déguerpis de ce site par les autorités
administratives.
La zone pastorale cause des problèmes de manque de
terres cultivables, mais il ne faut pas occulter le manque d'approche
participative lors de son aménagement. En effet, des
balises ont été installées pour marquer les limites de la
zone pastorale d'avec le site agro- pastoral sans que le bien fondé d'un
tel aménagement ne fasse l'objet d'une sensibilisation. Les autochtones
affirment qu'ils n'ont pas été sensibilisés sur le
bien-fondé de la création d'une zone pastorale. C'est pourquoi
à Dèrègouè où l'activité principale
est l'agriculture cet espace réservé aux éleveurs se
trouve être inexistant aux yeux de ses agriculteurs. Cela est soutenu par
une autorité administrative qui pense que le manque de sensibilisation
et d'infrastructures d'élevage sont les raisons explicatives de
l'occupation anarchique de la zone pastorale par les agriculteurs. Ainsi, on
assiste à une recrudescence des conflits qui opposent ces derniers aux
éleveurs à cause des dégâts de champs par le
bétail. Ce qui a amené les
autorités administratives de Sidéradougou a
déguerpi les agriculteurs de la zone au profit des éleveurs.
5.3.3. L'impact des politiques de reboisement
Pour lutter contre l'avancée du désert, des
campagnes de reboisement ont été lancées et les
populations encourager à planter des arbres. Cette action est certes
salutaire, mais à Dèrègouè elle est
appréciée sous divers angles. Pour les migrants, les campagnes de
reboisement encouragées par l'Etat vient mettre un terme à
l'interdiction de planter des arbres dans un champ que leur imposent les
propriétaires terriens. Par contre, les chefs de terre n'approuvent pas
cette politique parce qu'elle encourage les migrants à planter des
arbres dans leur champ sans qu'eux ne soient aviser. Cela vient une fois de
plus remettre en cause de leurs autorités sur la terre.
Les chefs de terre, pour faire face à cette situation,
ont pris une mesure qui a consistée à monnayer le droit de
planter sur les parcelles où ce droit a été au
préalable interdit aux migrants. Ainsi, tous les migrants qui veulent
planter des arbres dans leur champ doivent payer.
L'agriculture étant leur activité principale,
les exploitants de Dèrègouè ne restent pas passifs face
à l'émergence des pratiques qui compromettent la stabilité
de leurs emprises foncières.
CHAPITRE VI : LES STRATEGIES LOCALES DE SECURISATION
FONCIERE
Les exploitants agricoles de la zone d'étude ne
restent pas inactifs face aux problèmes fonciers auxquels ils sont
confrontés. Ils mettent en oeuvre diverses stratégies,
c'est-à-dire qu'ils prennent des initiatives de prévention dans
la perspective de consolider leur emprise sur les terres qu'ils exploitent. Ces
mesures de prévention sont multiples et changent selon le statut social
des exploitants. Ces stratégies ont été analysées
sur la base des informations collectées à partir du questionnaire
et des guides d'entretien.
6.1. LES STRATEGIES DE SECURISATION DES MIGRANTS
Plusieurs initiatives sont prises par les migrants dans le but
d'assurer la stabilité de leurs droits d'usage sur les terres qu'ils
exploitent. Parmi ces stratégies, nous avons relevé :
· La sécurisation par les relations
sociales
Cette stratégie consiste à maintenir de bonnes
relations avec les propriétaires terriens, notamment ceux qui leur ont
cédé les parcelles qu'ils exploitent. Les migrants tentent de
satisfaire les chefs de terre en leur rendant souvent divers services, par
exemple fournir à ces autochtones la main d'oeuvre dans les champs.
Cette attitude permet de maintenir de bonnes relations qui pourraient leur
épargner des situations de remise en cause de leurs droits d'usage sur
la terre. Par ailleurs, les « étrangers » participent aux
cérémonies des autochtones telles que les mariages, les
funérailles, les baptêmes, etc. Cela leur permet d'entretenir
entre les propriétaires terriens et eux des relations d'amitié et
de confiance. Mais, ces stratégies adoptées par les migrants sont
moins suffisantes pour endiguer certaines pratiques telles que la remise ne
cause des droits d'usage sur la terre.
· La sécurisation par le versement
régulier du loyer en nature
Sur les 150 chefs d'exploitation migrants
enquêtés, 96 soit 64% sont des métayers. Ceux-ci sont dans
l'obligation de verser, outre le « landa », une certaine
quantité de leurs récoltes de céréales après
chaque campagne agricole aux chefs de terre qui leur ont cédé des
parcelles. Le versement régulier ou non de cette redevance est
déterminant dans l'évolution des relations entre les migrants
métayers et les propriétaires terriens. Le non-respect du
versement de ce loyer en céréales peut amener les chefs de terre
à retirer la terre à un métayer
et la réattribuer à une autre personne. En
effet, 34.3% des exploitants agricoles enquêtés
préfèrent verser régulièrement cette rente
céréalière pour maintenir de bonnes relations avec leurs
hôtes, en vue d'empêcher toute tentative de remise en cause de
leurs droits sur les terres qu'ils exploitent.
Dans le contexte de raréfaction de la terre
conjuguée à la forte demande dont elle fait l'objet, les
propriétaires terriens cherchent des moyens pour satisfaire les nouveaux
demandeurs. Par conséquent, l'absence de régularité dans
le versement du loyer par les métayers peut être un alibi pour
remettre en cause leur droit. Conscients de cet état de fait, certains
exploitants qui n'arrivent pas à verser la rente prennent le soin
d'aviser leurs hôtes afin qu'ils leur accordent la possibilité de
s'en acquitter la saison de culture suivante.
· La sécurisation par la plantation
d'arbre
Les arbres sont perçus par les paysans autochtones et
migrants, comme un élément qui garantit la stabilité des
droits d'usage sur la terre. De ce fait, des exploitants agricoles, notamment
les migrants, tentent de consolider leur emprise foncière par la
plantation des arbres. Cette stratégie représente 25.5% des
mesures de sécurisation foncières. Cependant, l'approche
adoptée pour planter ces arbres diffère selon la situation
socio-économique des migrants. Au cours des enquêtes, nous avons
identifié deux stratégies de sécurisation par la
plantation d'arbres à Dèrègouè. Il s'agit de :
- la plantation des arbres par l' « achat » du
droit de planter : il concerne les migrants métayers à qui le
droit de planter a été interdit. Parmi eux, certains
achètent le droit de planter qui leur permet de consolider davantage
leur emprise sur la terre qu'ils exploitent.
- la plantation d'arbres à l'insu des
propriétaires terriens : dans ce cas de figure, l'exploitant plante des
arbres sans prévenir le chef de terre. Ainsi, lorsque celui-ci constate
les faits, il lui est difficile de retirer la parcelle. Lorsqu'il demande
à l'exploitant d'arracher les arbres, il est le plus souvent
convoqué devant les autorités administratives. Une fois
arrivée devant les autorités, un arrangement est conclu pour
permettre au migrant de conserver sa parcelle et ses arbres.
Ainsi, l'arbre n'est donc pas planté pour seulement
des besoins économiques, mais aussi dans le but de prévenir les
situations d'instabilité des droits d'usage sur la terre. Car
très souvent l'exploitant plante quelques pieds d'arbres pour seulement
marquer une présence pérenne.
· La sécurisation par l'achat de
terre
L'une des caractéristiques de l'«achat» de
terre est l'importante somme d'argent versée en échange de la
parcelle acquise. Cette contrepartie en espèces permet de consolider le
contrôle foncier de l'acheteur, qui devient un recours pour le
cédeur lorsqu'il est dans des situations difficiles : besoin d'argent
pour la résolution de certains problèmes. Le rapport qui
naît ainsi entre l' « acheteur » et le « vendeur »
empêche le dernier d'entreprendre des tentatives de remise en cause des
droits d'usage sur la terre de l'acquéreur. Aussi, épargne-t-il
le bénéficiaire des interdits relatifs à la
réalisation d'investissements durable. Tout se passe dans l' «
achat » de terre comme si l'acheteur venait de bénéficier
d'un « droit de propriété ». C'est pourquoi là
où la notion de « vente » intervient, les
bénéficiaires arrivent à réaliser des
investissements pérennes sans que les cédeurs s'y opposent.
Malgré l'assurance qu'engendre cette transaction
foncière en ce qui concerne l'exploitation à long terme des
terres, des réserves sont émises par les
bénéficiaires quant à durée de leurs droits. Pour
eux, l'acquisition de « papiers » qui attestent les transactions est
plus rassurante. Toute chose que les propriétaires terriens refusent. De
ce fait, certains n'hésitent pas à recourir au « fama
» (terme employé pour désigner les autorités
administratives) pour stabiliser leurs droits d'usage sur la terre.
· La sécurisation par l'autorité
administrative
Pour les exploitants migrants, le recours à
l'autorité administrative est aussi un moyen pour sécuriser les
droits d'usage sur la terre. Lorsque les propriétaires terriens
coutumiers manifestent le désir d'interdire l'exploitation d'une
parcelle à un migrant, celui-ci n'hésite pas à interpeller
l'autorité, notamment le préfet. Le plus souvent, c'est lorsque
le migrant se sent victime d'une injustice qu'il recourt à
l'administration ; dans le cas contraire il s'abstient. Deux des migrants
enquêtés ont interpellé l'administration lorsque les
propriétaires terriens ont tenté de retirer leurs parcelles, ce
qui leur a permis de continuer l'exploitation de leurs champs.
· La sécurisation par le morcellement des
terres acquises
Suite à la forte demande de terre dans un contexte de
saturation foncière, des champs font l'objet de réduction en
superficies pour satisfaire les nouvelles demandes. En revanche, pour
éviter que leur parcelle ne fassent l'objet d'une réduction,
certains migrants morcellent leur terres et les cèdent à des
parents à travers des contrats de courte
durée, souvent renouvelables. Cette stratégie
leur permet ainsi de marquer une présence humaine sur leurs
réserves foncières, afin de réduire la probabilité
des réductions de superficies ou de retrait de terres.
Si la cession de droits précaires, c'est-à-dire
de courte durée, constitue un problème d'instabilité pour
certains migrants, pour les cédeurs de ces types de droits, elle
représente une stratégie de consolidation des droits.
Les migrants ne sont pas les seuls à adopter des
stratégies pour garantir leur contrôle foncier à
Dèrègouè. Ces mesures préventives contre toute
situation d'insécurité foncière concernent
également les autochtones. Au fait, ce qui est souvent perçu
comme un élément de sécurité pour les migrants est
appréhendé comme une source d'insécurité pour les
autochtones et vis-versa. Aussi prennent-ils des initiatives pour consolider
leur emprise sur les espaces cultivables relevant de leurs autorités.
Tableau n°8: Fréquence des
stratégies de sécurisation foncière des
migrants
Stratégies de sécurisation
|
Fréquence
|
Maintenir de bonnes relations avec les propriétaires
terriens
|
29.4
|
Verser régulièrement le loyer en nature
|
34.3
|
Planter des arbres
|
25.5
|
Acheter la terre
|
2
|
Interpeller l'autorité administrative
|
2
|
Morceler les terres
|
1
|
Néant
|
5.9
|
Total
|
100
|
|
Source : enquête de terrain2005/2006
6.2. LES STRATEGIES DE SECURISATION DES
AUTOCHTONES
Parmi les initiatives de prévention prises par les
autochtones en vue de consolider leur contrôle foncier dans le long
terme, nous pouvons mentionner :
· Le refus de formaliser les règles
d'accès à la terre
Lorsque les migrants accèdent à la terre en
contrepartie d'argent qu'ils estiment élevées, certains d'entre
eux tentent de réclamer des écrits attestant la transaction.
Cette logique n'est pas appréciée par les propriétaires
terriens qui préfèrent conclure avec les migrants des contrats
oraux. Au fait le recours à l'écrit dans les transactions est
perçu comme une perspective de remise en cause de leur contrôle
foncier sur les espaces cultivables.
Le refus de formaliser par l'écrit les transactions
permet aux propriétaires terriens de garantir leur emprise
foncière en anticipant sur toutes les tentatives de revendication des
terres qu'ils ont cédées aux migrants. Mais, il y'a aussi le fait
de percevoir le loyer en nature qui rend les migrants redevables auprès
des autochtones sur le plan foncier.
· La perception du loyer en nature
La rente en nature que les chefs de terre perçoivent
auprès des migrants métayers est un élément qui
leur permet de maintenir une relation de dépendance entre ces derniers
et eux. En effet, il rappelle aux métayers que la terre ne leur
appartient pas, et qu'une quelconque opposition au versement de cette rente
peut entraîner la remise en cause des contrats qui leur lient.
Lorsqu'un exploitant exploite un bien qui lui rend redevable
vis à vis de la personne qui l'a cédé, cela
sous-entendrait qu'il ne t'appartient pas. C'est ce rapport de
dépendance qui lie la majorité des exploitants migrants aux
propriétaires terriens. Car, Ceux que nous appelons migrants
métayers sont dans l'obligation de verser une partie de leurs
récoltes ; dans le cas contraire les champs qu'ils exploitent peuvent
être retirés.
· L'acquisition individuelle des
parcelles
L'attribution des terres du patrimoine collectif aux migrants
est perçue comme une source d'insécurité par de nombreux
jeunes autochtones. Pour garantir leur sécurité en matière
de gestion foncière, ces jeunes revendiquent leurs parts du patrimoine
foncier collectif, en tentant d'acquérir et de gérer de
façon individuelle les terres. Par ailleurs, certains jeunes qui
s'impliquent dans la gestion foncière remettent en cause des contrats
que leurs aînés ont conclus avec des migrants. Cette attitude
permet à cette jeune génération d'autochtones
d'étendre et consolider leur assise foncière dans un contexte
où « la terre est finie ».
CONCLUSION PARTIELLE
La recrudescence des problèmes fonciers ainsi que leurs
incidences à Dèrègouè sont la conséquence de
l'accroissement démographique consécutif à la migration et
au croît naturel. Á ces facteurs démographiques s'ajoutent
des facteurs socio-économiques et politiques liés à la
culture du coton, à l'influence socio-économique des migrants,
à la politique de l'Etat en matière de la gestion des ressources
naturelles, etc.
Cette situation amène certains exploitants à
adopter des stratégies en vue de consolider leurs droits fonciers.
L'accès au droit de planter et le versement régulier du loyer de
céréales sont autant de stratégies mises en oeuvre par les
migrants pour rendre durables leurs droits sur la terre. Par contre, le refus
de formaliser les transactions foncières et la perception du loyer en
nature auprès de ces derniers sont des moyens qui permettent aux
propriétaires terriens d'affirmer leur autorité sur les espaces
cultivables.
CONCLUSION GENERALE
Située au sud-ouest du Burkina Faso, plus
précisément au Nord-est du département de
Sidéradougou dans la province de la Comoé, le site de
Dèrègouè présente des conditions naturelles
favorables au développement des activités agro-pastorales. La
nature des sols, la végétation conjuguée à la
relative abondance et régularité des précipitations, sont
des facteurs qui ont rendu possible la diversification des activités
agricoles. Ce potentiel a favorisé le choix de cette région pour
l'aménagement d'un site agro-pastoral par les autorités
étatiques. Aussi a-t-il stimulé ouverture d'un front pionnier de
forte colonisation agricole par l'immigration de populations de provenances
variées. Ce qui a influencé les pratiques foncières.
Nous avons abordé l'étude des problèmes
fonciers à Dèrègouè sur la base des 3
hypothèses suivantes :
1. l'accroissement démographique et la pression sur les
terres sont l'un des facteurs déterminants des problèmes fonciers
qui affectent les pratiques agricoles;
2. les droits d'exploitation agricole qui découlent des
modes d'accès à la terre en vigueur à
Dèrègouè ont crée des situations
d'insécurité et de précarité foncières
3. les problèmes d'insécurité et de
précarité foncières incitent les exploitants agricoles
à mettre en oeuvre des stratégies pour stabiliser leurs droits
d'usage sur la terre.
L'analyse des données collectées confirme ces
hypothèses. En effet, le site de Dèrègouè a connu
un accroissement rapide de sa population suite à la migration et au
croit naturel. En 8 ans (1996 à 2004), la population a augmenté
avec un taux de progression de 64.4%. Cette croissance, surtout liée
à la migration, a intensifié la pression démographique sur
la terre, entraînant ainsi une mutation des modes d'accès à
la terre. Des transactions foncières telles que le métayage, la
« vente » et les contrats fonciers de courte durée ont
émergé. La terre est devenue un objet de convoitise, accentuant
de ce fait la compétition foncière entre les acteurs aux
origines, statuts socio-économiques et objectifs variés. Ce
contexte a favorisé la recrudescence des problèmes
d'insécurité et de précarité foncières. Ces
difficultés se traduisent à travers les retraits de terre, la
réduction de la superficie des champs, la remise en cause de
l'autorité coutumière, les déguerpissements fonciers,
l'interdiction de planter et la cession de droits de culture de courte
durée. Elles ont des incidences sur les pratiques agricoles, les
rapports entre les
acteurs : abandon de la jachère, blocage des
investissements agricoles à long terme, émigrations agricole,
conflits fonciers etc.
Bien que son effet ait été significatif dans
l'émergence des problèmes fonciers, la croissance
démographique n'est pas le seul facteur explicatif des
difficultés liées à l'accès à la terre. En
effet, le développement de la culture du coton avec ses corollaires que
sont l'extension des superficies et la monétarisation des transactions
foncières ainsi que l'intervention de l'Etat (RAF, politique
d'aménagement du territoire et de reforestation) ont aussi
contribué à rendre instables les droits d'usage sur la terre
à Dèrègouè. Face à la recrudescence de ces
problèmes, certains paysans mettent en place des stratégies pour
stabiliser leurs droits dans le temps et l'espace. Mais malgré ces
stratégies, les problèmes demeurent. C'est pourquoi, il est
nécessaire pour une amélioration de la situation foncière
des paysans et partant, pour la stabilité sociale d'entreprendre les
actions suivantes:
· empêcher les remises en cause de
contrats fonciers sans raisons valables
Il est donc nécessaire d'adopter une approche
participative dans les situations de retraits de terres et de réductions
de superficies de champs dont bénéficient certains exploitants.
Cette approche doit être consensuelle en impliquant les personnes
ressources : par exemple, les décisions de remise en cause des contrats
fonciers permanents devraient être prises par un collège
composé de personnes ressources autochtones et migrantes avec
l'implication de l'autorité administrative. Les motifs avancés
dans ces situations doivent être en phase avec les principes
traditionnels dont le non-respect pourrait permettre une expulsion. Dans les
cas de réduction de superficies des champs, il est nécessaire de
fixer un seuil de superficie à partir duquel une parcelle pourrait faire
l'objet de réduction. Par exemple la taille moyenne des ménages
étant de 7 habitants dans la Comoé (INSD, 1996), on pourrait
permettre une telle pratique lorsque l'exploitant possède un champ dont
la superficie en hectare est supérieure à l'effectif des membres
résidents de son ménage. Pour ce qui concerne le
déguerpissement des exploitants de la ZPS, la mesure devrait s'appliquer
à tous si elle doit avoir lieu. Elle ne devrait pas être
localisée comme ce fut le cas en 2004 à
Dèrègouè où seulement quelques hameaux de culture
ont été saccagés. En plus, il serait important de trouver
des lopins de terre pour satisfaire les exploitants installés dans la ZP
si ceux-ci doivent définitivement quitter la zone au profit de
l'élevage. Car bien avant que le site ne soit délimité des
populations d'agriculteurs y vivaient. Dans le cas contraire, il serait
adéquat de faire un inventaire des exploitants installés sur
ledit site tout en vérifiant la végétation naturelle
encore disponible, afin de créer des conditions où
éleveurs et agriculteurs pourraient vivre en harmonie. Aussi, faudra
t-il freiner les
nouveaux défrichements du fait de l'essor de la culture
du coton. Par ailleurs, il serait bien de réaménager les pistes
de bétail qui mèneront au pâturage encore disponible et aux
points d'eau. Ensuite sensibiliser les exploitants afin que les
dégâts de champ ne fassent pas l'objet de conflits, mais en retour
interpellé aussi les éleveurs pour que les incidences ne soient
pas préméditées.
· Stabiliser les clauses qui régissent
les transactions foncières
Il concerne en particulier les contreparties fixes ou «
landa » (part symbolique versé pour les offrandes, avant tout
défrichement) et périodiques (redevance en nature
versé en tine de céréales), puis l'interdiction de planter
imposée à certains exploitants.
Le constat est que le versement « landa » sous
sa forme nature est rare. Elle est en général donnée
en espèces et n'est plus stable. Ce qui entraîne des divergences
dans l'appréciation des transactions foncières comme c'est le cas
pour la « vente » de terre. En plus, cette contrepartie offre plus de
chance aux nantis dans la course pour l'accès à la terre. Cela
crée des confusions dans les pratiques qui suscitent des craintes pour
ce qui concerne la durabilité des droits. Il est donc nécessaire
d'harmoniser et de rendre stable la contrepartie qui doit être
donnée avant de défricher une parcelle. La valeur de cette
contrepartie doit se faire en fonction de la superficie cédée. Il
serait donc intéressant que les autorités administratives
définissent les types de contrats fonciers en tenant compte des
réalités du terrain. Pour ce qui concerne le loyer en nature, il
doit être redéfinir : par exemple fixer le nombre de tines
versé par chaque métayer en fonction de la superficie des champs
qu'il exploitent en tenant compte du rendement moyen de céréales
à l'hectare. Ce loyer doit servir aussi au développement de la
zone. On pourrait par exemple demander à chaque propriétaire
terrien de verser une certaine quantité de sacs qu'il perçoit
chaque fin de campagne agricole auprès des métayers, qui pourrait
être vendue et épargner en vue de la construction
d'infrastructures socio-économiques pour l'intérêt de la
zone.
Si la culture arbustive regorge des intérêts
économiques, il ne faut cependant pas occulter le contrôle foncier
pérenne qu'il permet ; raison pour laquelle les propriétaires
terriens craignent que les usufruitiers plantent des arbres sur leur domaine.
Il y'a donc nécessité d'intégrer le droit de planter dans
les transactions foncières. Il faut permettre aux agriculteurs
exploitants qui veulent se sédentariser dans la zone de planter des
arbres dans leurs champs. Les exploitants, autochtones comme migrants, doivent
avoir la possibilité de planter. Cependant, lorsqu'ils voudraient
quitter le village définitivement, la terre devrait revenir sous le
contrôle foncier de la communauté villageoise si celui-ci n'a plus
de membre de son ménage dans le village.
101 BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
Baud J. 2001, Transactions et conflits fonciers
dans l'Ouest du Burkina : le cas des départements de Bama et
Padéma. Graphigéo, PRODIG. 107 pages.
Bonnal J. 1995, Participation et risques
d'exclusion : Réflexions à partir de quelques exemples
sahéliens. Série Participation populaire 9/FAO-Rome 1995.
Document disponible sur le site
http://www.fao.org/DOCREP/003/V5370F/V5370F00.HTM
Bruce J. W. 1991, La foresterie communautaire:
Evolution rapide des droits fonciers et propriété de l'arbre et
de la terre. FAO, Rome 199. 89 pages.
Ciparisse G. et al. 2005. Thésaurus
multilingue du foncier. 2e édition, FAO/Rome 2005. 246
pages.
Cubriolo. M. et Goislard. C. 1998, Bibliographie
et lexique du foncier en Afrique noire. Karthala. Coopération
française. 415 pages.
FAO. 2003, Le régime foncier et le
développement rural. FAO ETUDE SUR LES REGIMES FONCIERS 3/Rome 2003. 65
pages.
GRAF. 2001, Politiques foncières et
développement durable : les voies de l'élargissement du
débat. Actes des journées Nationales du Foncier. Ouagadougou,
30nov-1er déc. 2001. 120 pages.
GTZ et al. Juillet 1998, Zone pastorale
d'accueil de Sidéradougou (Haute Volta). IEMVPT. 191 pages.
Lavigne-Delville P, Toulmin C, colin J-P, Chauveau J-P
(Coord) et al. 2001, L'accès à la terre par les
procédures de délégation foncière (l4Afrique de
l'Ouest rurale) : Modalité, dynamiques et enjeux. IIED/GRET/IRD-REFO.
207 pages.
Le Roy E. et al. 1996, La sécurisation
foncière en Afrique : pour une gestion viable des ressources
renouvelables. KARTHALA. 338 pages+Annexes.
Tallet B. (Coord) et al. 2003, Dynamique des
populations, disponibilité en terres et adaptation des régimes
fonciers : le Burkina Faso, une étude de cas. FAO, CICRED. 114 pages.
MEMOIRES ET THESES
Bakayoko N, 2003, Dynamique des droits
délégués dans le département de Kouka (province des
Banwa). Mémoire de maîtrise en
géographie/UFR-SH/Université de Ouagadougou. 130 pages+Annexe.
Bougouma M. I. R. 2000, La femme et les
problèmes fonciers en milieu rural Burkinabé : cas de Dakonsin et
Dagamtenga dans la province du Kouritenga. Mémoire de maîtrise en
géographie/FLASH/Université de Ouagadougou. 116 pages.
Dabiré B. 2001, Analyse contextuelle
de la migration au Burkina Faso : l'influence des caractéristiques
communautaires et familiales sur les comportements migratoires au plateau
central et au Sud-ouest. Thèse de démographie/ Louvain La Neuve.
232 pages.
Kagone M. 2004, Migration et évolution
des transactions foncières dans le village de Diaya,
Noumoukiédougou et Mangodara dans la province de la Comoé.
Mémoire de maîtrise en sociologie/UFR-SH/Université de
Ouagadougou. 70 pages+Annexes.
Koné K. 2004, Migration et occupation
de l'espace dans la vallée de la Bougouriba. Mémoire de
maîtrise ; Géographie/ option rurale/ UFR-SH. 102 pages.
Malo H. 2005, Dynamique des transactions
foncières : la problématique de la sécurisation
foncière dans le département de Sidéradougou.
Mémoire de maîtrise/ Département de sociologie/ UFR-SH/
Université de Ouagadougou. 91 pages.
Ouédraogo S. 2003, Evolution des
transactions foncière dans le Ganzourgou : cas du
périmètre irrigué de Mogtédo et de l'UD de
Rapadama. Mémoire de maîtrise ; Géographie/UFR-SH/
Université de Ouagadougou. 112 pages.
RAPPORTS, DOSSIERS, COMMUNICATIONS, DOCUMENTS DE
TRAVAIL
ADP, 1996, Loi N°014/96/ADP, portant
Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) au Burkina Faso.
Ouagadougou, 44 pages.
Baud J, 1999, Etude des transactions
foncières dans les départements de Bama et de Padéma au
Burkina Faso. GRET/Mission française de
coopération/Ministère de l'agriculture ; 87 pages.
Bologo. A. E, 2003, Migrations, changements
structurels, transferts intergénérationnels et mutations
foncières dans l'Ouest du Burkina Faso. Université de
Ouagadougou, UERD. 22 pages.
Guinko S, Nov. 1986, Rapport sur
capacités de charge des pâturages. Préparation
d'aménagements pastoraux dans la zone de Sidéradougou. Projet
TCP/BKF/4504. 33 pages.
Le Meur P. Y. 2002, Approche qualitative de la
question foncière : note méthodologique. Document de travail de
l'unité de recherche 095 N°4/ IRD-REFO. 19 pages
Mathieu P. et al., mars 2003,
Sécuriser les transactions foncières dans l'Ouest du Burkina
Faso. IIED/GRET/GIDISCI/IRD-REFO, Dossier n°117. 36 pages.
Nana P. 2004, Migration, peuplement et
dynamiques foncières en zone de front pionnier agricole: cas du
département de Niangoloko (Province de la Comoé). Rapport
d'étude. Projet CLAIMS/ISSP/UO. 153 pages+Annexe.
Nelen J., Traoré N. et Ouattara M. Nov
2004, De la colonisation du vide à la concentration sur le plein :
Réglémentation de l'exploitation d'une zone pastorale à
Samorogouan. IIED, Dossier n° 129. 62 pages.
Ouédraogo K. Juillet 2001,
L'étude prospective du secteur forestier en Afrique. Document national
de prospective - Burkina Faso/FOSA - FAO. 39 pages.
Ouédraogo M. 2003, Les nouveaux
acteurs et la promotion des activités agro-pastorales dans le Sud du
Burkina Faso : aux départ ou inexpérience ? IIED/programme zone
arides/GRAF. Dossier N° 118. 67 pages.
ARTICLES
Jarrige F et al. juin 2003, Et si le
capitalisme patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? In le
courrier de L'environnement de l'INRA n°49. Article disponible sur le site
http://www.inra.fr/dpenv/jarric49.htm
L-Dérout M. 2006, Front pionnier.
HYPERGEO. 4 pages. Article publié sur le site
http://hypergeo.free.fr/IMG/article357.pdf.
Doucouré M. B. 2004, Le droit de
planter en Afrique Noire. 8 pages. Article publié sur le Site web: http//
www.foncier.org/articles/83/83Doucoure.html
Pélissier P. 1995, Démographie
et pratiques foncières. In terre, terroir, territoire : les tensions
foncières. ORSTOM. Page 18 à 34.
Hagberg S. 1998, A l'ombre des conflits
violent : Règlement et gestion des conflits entre agriculteurs Karaboro
et agro-pasteur peul du Burkina Faso. In Cahier d'Etudes Africaines. Extrait du
site web
http://etudesafricaines.revues.org/document66.html
ANNEXES
ANNEXE 1 : OUTILS DE COLLECT DES
DONNEES
QUESTIONNAIRE ADRESSE AUX CHEFS D'EXPLOITATION AGRICOLE
(CEA) MODULE 1 : IDENTIFICATION
1. Numéros d'ordre :
2. Quartier (ou hameau de culture) :
3. Nom et prénom du CEA :
4. Sexe : Ethnie :
5. Age ou date de naissance : Lieu de naissance :
6. Situation matrimoniale : 1. Célibataire 2.
Marié (e) 3. Veuf (Ve) 4. divorcé (e)
7. Taille du ménage :
8. Position dans le lignage :
1. Chef de lignage ..2. Chef de ménage .3. Autres
(précisez ? )
9. Statut dans la famille : 1. Aîné 2. Cadet 3.
Autres (précisez : )
10. Fonction occupée dans le village ..
1. Representant de groupement .2. Délégué
CVGT .
3. Chef des migrants 4. Chef de quartier ..5. Autres
(précisez : )
11. Statut de résidence: 1. Autochtone 2.
Allochtone ..
12. Date d'arrivée ou durée d'installation du
migrant : Date . Durée .
13. Résidence précédente du migrant :
14. Village d'origine du migrant :
15. Résidence précédente et date de retour
de l'autochtone :
16. Raison d'installation ou de retour du CEA :
17. Activité secondaire :
18. Type de problèmes fonciers vécus par le CEA
:
1. retrait de parcelle avant expiration du contrat 2.
Déguerpissement
3. Non-renouvellement du contrat 4. Réduction de la
superficie de la parcelle
5. retrait de terre sans préavis 6. Destruction des
cultures par le bétail
7. néant 7. Autres (précisez les : )
MODULE 2: MODES D ACQUISITION ET D'ATTRIBUTION DES
TERRES PAR LE CEA
MODULE 2 .1 Modalité d'acquisition des terres
exploitées par le CEA
1. Combien de champs exploitez-vous ?
2. Qui vous a cédé votre (os) champ(s) ?
1. migrant 2. Autochtone 3. Autres (précisez ..)
. Champ 1 : . Champ 2 . Champ 3 .
3. Comment avez-vous acquis les terres de vos champs
(déterminez l'appellation en dioula ou en moré) ? ..
- .champ 1 : .champ 2 champ 3 :
4. les droits d'usage sur la terre dont vous jouissez sont-ils
temporaires, permanents ou définitifs ?
- . champ 1 : champ 2 : champ 3 :
5. Si ce droit est temporaire quelle est sa durée de
validité ?
1. Annuelle 3. Bis annuelle 5. Trois ans
2. quatre ans 4. Cinq ans 6. + De cinq ans (précisez :
)
6. Qu'avez-vous donné en contrepartie des terres acquises
? ..
1. en espèce (précisez la valeur) :
2. en nature (précisez la valeur) :
7. Cette contrepartie est-elle obligatoire ou volontaire ?
1. volontaire 2. Obligatoire 3. Autres (précisez )
8. Si la contrepartie est obligatoire ? À quelle
période la versez-vous généralement ?
1. après la récolte 3. Avant le début des
travaux champêtres
2. pendant les travaux champêtres 4. Autres
(précisez : )
9. Le non-respect du versement peut-il entraîner le retrait
de la parcelle ? 1. oui 2. Non
10. Avez-vous déjà été dans le cas ?
1. oui 2. Non
11. Quels sont les interdits et les obligations qui vous ont
été imposés par les cédeurs ?
1. Interdire de planter des arbres
2. Interdire de couper ou de jouir des fruitiers
(néré, karité, tamarinier, etc.)
3. Interdire de réaliser des infrastructures
socio-économiques (puits, maison, etc.)
4. Interdire de céder la parcelle sans autorisation du
cédeur
5. Autres (précisez )
12. L'un de vos champs a- t-il déjà fait l'objet de
retrait ? 1. oui 2. Non
13. Si oui, pendant combien de temps l'avez-vous exploité
?
1. année d'acquisition de la parcelle : 19
2. année de retrait : 19
3. durée : ans
14. Avez -vous déjà été victime de
retrait de parcelles avant le terme du contrat ?
15. Si oui, précisez . ·
1. la date d'acquisition de la parcelle . ·
19......
2. la date de la fin du contrat . · 19......
3. la date de retrait de la parcelle : 19
16. Et pourquoi ?
MODULE 2. 2 Modalités d'attribution de parcelles
agricoles par le CEA
1. Avez-vous déjà cédé des terres de
culture à quelqu'un ? 1. oui 2. Non
2. Si oui , combien .
3. Et à qui ? 1. migrant 2. Autochtone
3. Nouveaux acteurs 4. Autres (précisez )
4. Et quelle était la nature du droit
concédé?
1. définitif
2. permanent
3. temporaire (la durée: )
5. Q' avez-vous pris en contrepartie de la cession de la
parcelle
1. en nature (précisez la valeur)
2. en espèce (précisez la valeur)
6. Comment se fait ce versement?
1. après la récolte 2. Avant le début des
travaux champêtre
3. pendant les travaux champêtre 4. Autres (précisez
.)
7. Avez -vous retiré des parcelles cédées ?
1. Oui 2. Non
8. Si oui, quand ?
9. Et pourquoi ?
1. irrégularité dans le versement de la
contrepartie 2. Non respect des interdits
3. besoin de terres de culture 4. Autres (précisez :
)
10. Quelle était la nature du droit sur la parcelle ?
1. définitif
2. permanent
3. temporaire
11. Ce retrait s'est-il fait avant le terme du contrat ? 1. Oui
2. Non
12. Si oui pourquoi ?
1. besoin de la terre
2. non respect des interdits
3. autres (précisez )
MODULE 3 : TECHNIQUES DE CULTURE ET MODES
D'INVESTISSEMENT AGRICOLE
1. Où se situent vos champs ?
1. Ancienne jachère2. Bas-fond
2. Brousse 3. Autres ( )
2. Quelles cultures pratiquez-vous dans vos champs ?
1. Sorgho 2. Petit mil 3. Maïs 4. Riz 5. Arachide
6. Coton 7. Anacarde 8. Mangue 9. Igname 10. Autres
(précisez )
3. Quels outils utilisez-vous pour vos travaux champêtres
?
1. daba 2. Traction animale 3. tracteur 4. Autres
4. Comment avez-vous obtenu ces outils ?
1. Achat (coût ) 2. Emprunt.....3. Location (coût
: )
4. Don 5. Autres (précisez )
5. Quelles cultures associez-vous dans vos champs ?
6. Comment pratiquez-vous l'assolement dans vos champs ?
.année 1 : Année 2 : année 3
: année 4: .Année 5 :
7. Quels investissements faites-vous pour accroître la
fertilité ou le rendement de vos champs?
1. apport de fumure organique 2.apport d'engrais (nom :
)
3. achat de mains d'oeuvre 4. Jachère
5. autres (autres : )
8. Quels investissements faites-vous pour lutter contre la
dégradation des sols de ce champ....
1. construction de brise-vent
2. construction de diguettes anti-érosives
3. jachère
4. autres ( )
9. A combien estimez-vous le coût des investissements faits
sur ce champ ?
10. A combien estimez-vous la quantité des produits
récoltés sur vos champs ?
1. maïs 2. Sorgho 3. Petit mil . . . 4. Riz
5. coton :
6. autres (précisez la spéculation et la
quantité) :
MODULE 4 : FACTEURS ET MANIFESTATIONS DES
PROBLEMES FONCIERS
1. Comment évolue les modes d'accès à la
terre et la durée des droits de culture ?
2. Les droits de culture cédés aux exploitants
durent-ils ? 1. Oui 2. Non
3. Certains exploitants jouissent-ils de droits de culture
temporaires? 1. Oui 2. Non
4. Si oui, qui sont-ils ?
1. anciens migrants 4. Nouveaux migrants
2. vieux 5. Jeunes
3. autochtones 6. autres (citez les )
5. Etes - vous dans ce cas 1. Oui 2. Non
6. Etes -vous obligé de pratiquer des cultures annuelles
sur vos champs ? 1. Oui 2. Non
Si oui, pourquoi ?
8. Aimerez-vous pratiquer des cultures pérennes dans vos
champs ? 1. Oui 2.non.....
9. Est-ce possible de pratiquer des cultures pérennes sur
vos champs? 1. Oui 2. Non
10. Pourquoi des personnes à qui des droits d'usage
permanents sur la terre ont été cédés se les voient
retirer ?
11. Avez-vous déjà changé de champs ? 1.
Oui 2. Non
12. Si oui combien de fois ? .
13. Et pourquoi ?
14. Comptez-vous rester longtemps dans ce village ? 1. Oui 2.
Non
15. Si oui pourquoi ? (expliquez-vous)
16. Si non, pourquoi ?
1. manque de terres cultivables 5. Recrudescence des retraits de
terre
2. émergence de cession de droits de culture
temporaires
3. recrudescence des déguerpissements 6. Coût
élevé des transactions
4. autres (précisez-les )
17. Possédez-vous des champs dans d'autres villages ? 1.
Oui 2. Non
18. Si oui, pourquoi ?
19. Si non, pourquoi ?
20. D'autres paysans ont-ils aussi des champs dans certains
villages ? 1. Oui 2. Non
21. Si oui, est-ce pour les mêmes raisons ?
22. Pourquoi les droits de culture deviennent instables dans le
village ?
1. Forte migration agricole 3. Forte demande de terre de
culture
2. Manque de terres de culture 4. Monétarisation des
transactions
5. Autres (précisez-les )
23. Si vos droits de culture sont permanents et
définitifs, feriez-vous de lourds
investissements dans vos champs ? 1. Oui 2. Non
24. Si oui, que feriez-vous ?
1. Planter des arbres (quels arbres .)
2. Mettre en jachère
3. Protéger les sols contre l'érosion
4. Autres (précisez-les )
25. Si non, que feriez-vous ? .
26. Que faites-vous pour vous sédentariser sur les champs
que vous exploitez ?
GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX ET SERVICES TECHNIQUES DU
DEPARTEMENT DE SIDERADOUGOU
I .IDENTIFICATION
1. Numéros d'ordre :
2. Nom et prénom : Age : sexe :
3. Nom de la structure :
4. Domaine d'intervention :
5. Date d'installation ou de prise de fonction :
II .THEMES
Thème 1 : PEUPLEMENT DE DEREGBOUE Points
à évoquer :
- premiers occupants du site de Dèrègouè et
ethnies autochtones ;
- vagues de migration (ethnies, provenance, raisons,
période) ;
- raisons du découpage de Dèrègouè en
deux entités administratives, c'est à dire
Dèrègouè 1 et Dèrègouè 2 ;
- villages satellites ou hameaux de culture rattachés
à Dèrègouè 1.
Thème 2 : MODES D'ACCES A LA TERRE EN VIGUEUR A
DEREGBOUE Points à évoquer :
- acteurs impliqués dans les modes de cession des terres
agricoles ; - modes d'accès à la terre en vigueur ;
- formalisation des transactions foncières ;
- évolution de la durée de validation des droits
d'usage sur la terre.
Thème 3 : SITUATION FONCIERE DES EXPLOITANTS
AGRICOLES
Points à évoquer :
- types de problèmes fonciers selon le statut de
résident des exploitants ;
- conflits fonciers (protagonistes, causes, dates) ;
- modes de résolution de problèmes fonciers ;
- RAF et stabilisation des droits d'exploitation des exploitants.
(état des lieux et suggestions)
Thème 4 : FACTEURS DE L'INSTABILITE DES
DROITS DE CULTURE Points à évoquer :
- Les formes d'instabilité des droits d'utilisation de la
terre ;
- facteurs démographiques (migrations, pression
démographique, rajeunissement de la population) ;
- facteurs socio-économiques (perceptions paysannes de
RAF, dislocation des familles, développement des cultures commerciales,
etc. ) ;
- perceptions des formes d'instabilité des droits d'usage
sur la terre et leurs manifestations ;
- suggestions pour une stabilisation des droits d'usage sur la
terre ;
GUIDE D'ENTRETIEN ADRESSE AUX PERSONNES RESSOURCES
LOCALES
I. IDENTIFICATION
1. Numéros d'ordre : Village : quartier ou
hameau :
2. Fonction occupée dans le village :
3. Nom et prénom(s) : Age : Sexe :
4. Ethnie : Statut de résident :
5. date ou durée d'installation :
6. motifs d'installation :
II. THEMES
Thème 1 : HISTOIRE DU PEPEUPLEMENT DU SITE
D'ETUDE
Points à évoquer :
- fondateur du village (nom, ethnie, origine ; période et
raisons d'installation) ;
- ordre d'installation des populations (ethnies, périodes
et raisons de leurs installations) ;
- mise en place des quartiers (premiers occupants, période
d'occupation et ethnie dominante) ; - migrations de départ (personnes
concernée, période des départs, causes).
Thème 2: ORGANISATION SOCIALE ET PRATIQUES
RELIGIEUSES
Points à évoquer :
- lieux sacrés du village ;
- cérémonies religieuses coutumières
(période, acteurs) ;
- religions pratiquées dans le village ;
- rôle et place des composantes sociales autochtones
(vieux, jeunes, femmes) ;
- relations inter-communautaires (communautés
concernées, nature de la relation).
Thème 3: ACTIVITES ECONMIQUES :
AGRICULTURE, ELEVAGE Points à évoquer :
- activités agricoles (spéculations, outils de
culture types de champ et intrants) ; - évolution des pratiques
agricoles (causes, pratiques émergentes) ;
- typologie des exploitants agricoles (origines, durée
d'installation, spéculation principale et activités
secondaire);
- élevage (acteurs, espèces et types
d'élevage, rapport éleveur /agriculteur);
- autres activités économiques (acteurs).
Thème 4: REGIME FONCIER COUTUMIER ET MODES D'ACCES
A LA TERRE
Points à évoquer :
- régime foncier coutumier (perception et
représentation de la terre, personnes habilitées à
cédées la terre, nature du doit d'utilisation de la terre,
contreparties et interdits, etc.)
- types de champ cédés : cas des autochtones et
migrants ;
- évolution des modes d'accès à la terre
(quand, pourquoi, comment et conséquences) ; -perceptions et
représentations que gens se font actuellement de la terre.
Thème 5: LITIGES FONCIERS ET LEURS MODES DE
RESOLUTION
Points à évoquer :
- Causes et protagonistes des litiges (agriculteurs /
agriculteurs, éleveurs /agriculteurs, - institutions de
résolution des litiges.
ANNEXE 2 : PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES
Photo n°1 : Paysans en pleine récolte de
coton
Source : Enquête de terrain 2005/2006
Photo n°2 : Entrée d'une ferme agro-pastorale
d'un « nouvel acteur »
Source : Enquête de terrain 2005/2006
Photo n°3 : Etat des plants de maïs
pendant le déguerpissement foncier dans la zone
pastorale
Source : Projet Claims/ISSP 2004
Photo n°4 : Restes d'une habitation
d'agriculteurs incendiée pendant le déguerpissement
foncier
Source : Projet Claims/ISSP 2004
Photo n°5 : Paysans déguerpis de la
zone pastorale dans leur hameau de culture
saccagé
Source : Projet Claims/ISSP 2004
Photo n°6: Paysan déménageant
après le déguerpissement des agriculteurs de la zone
pastorale
Source : Projet Claims/ISSP 2004
|