Ils exploitent la terre à des fins agricoles, soit
pour la subsistance soit pour le commerce. Ils se distinguent de par leurs
sexes, âges, statuts sociaux, statuts de résidence,
activités principales, etc., qui déterminent à priori
leurs droits fonciers et, partant, leurs accès
différenciés à la terre. Ainsi, nous avons
distingués les exploitants agricoles suivants : autochtones, migrants,
jeunes, femmes et « nouveaux acteurs ».
· Les exploitants agricoles autochtones
Ils appartiennent au groupe ethnique tiéfo et
partagent souvent le même lignage qu'un des chefs de terre de la zone. En
fait, ils sont les héritiers potentiels de ces derniers. Ils se
distinguent des autres exploitants, car ce sont les hôtes de
Dèrègouè. Dans la pratique, ils accèdent à
la terre sans verser de contreparties. Ceux-ci cohabitent avec les autochtones
dioula, descendants des pionniers de l'islamisation de
Dèrègouè. Les Dioula ne sont pas propriétaires
terriens coutumiers et accèdent à la terre en versant des
contreparties symboliques, le « landa ». Bien qu'ils soient
usufruitiers, ceux-ci jouissent de droits fonciers qui sous-entendent une
« appropriation définitive » de la terre : droit de planter,
non versement de la redevance périodique, droit de transmission des
parcelles acquises, etc.
· Les agriculteurs migrants
Représentant 64% des exploitants
enquêtés, les migrants sont les plus nombreux. Ils se distinguent
des autres exploitants car ils sont soumis au versement annuel d'un loyer en
nature qui leur rappelle leur statut d'usufruitiers. Á l'inverse, des
assimilés dioula ils sont soumis à priori à des
restrictions : interdiction de réaliser des investissements
pérennes sur les terres qu'ils exploitent. Les termes, vente ou d'achat
de terre, sont apparus dans les transactions
foncières suite à leurs arrivées. Les
migrants se distinguent selon leurs durées d'installation dans la zone :
les anciens migrants et le nouveau migrants
- les anciens migrants ou
« douna kôrôou »; ils appartiennent à la
première et la deuxième vagues de migrations et sont
arrivés dans un contexte où la terre était disponible. Ils
ont accédé aux espaces cultivables sans que leurs parcelles ne
soient définies à l'hectare. Ainsi, ces derniers ont eu le
privilège de bénéficier de vastes superficies.
- les nouveaux migrants ou
« douna kouraou »; ils appartiennent à la
dernière vague (1995- 2005). Ces migrants, en particulier les migrants
de l'année 2000, sont arrivés dans un contexte de saturation
foncière. Ils ont une expérience des enjeux fonciers car venant
en général de la « vielle zone cotonnière » et
des zones de plantations de la Côte d'ivoire où les contrats
fonciers monétaires, l'insécurité foncière et les
conflits fonciers sont récurrents. Ces nouveaux migrants
n'hésitent pas à proposer des sommes importantes d'argent pour
accéder à la terre. En plus ils sont beaucoup plus
orientés vers la pratique des cultures de rente telles que le coton et
les cultures arbustives. Ils sont souvent méprisés des anciens
migrants car ces derniers estiment qu'ils sont la cause de la réduction
des superficies dont ils sont victimes.
· Les nouveaux acteurs
Ils sont pour la plupart des opérateurs
économiques, des agents de l'administration publique ou privée,
des hommes politiques, etc. L'agriculture ne représente qu'une
activité secondaire pour ceux-ci. Ces « nouveaux acteurs » ne
passent que des séjours temporaires hormis les fonctionnaires
exerçant leur fonction dans la zone. Ils se distinguent des autres
usagers de la terre par :
- l'étendue de leurs parcelles qui atteint au moins 10
hectares;
- la pratique d'activités agro-pastorales
orientées vers le commerce (culture de coton, cultures d'anacarde et de
manguier, etc.) ;
- la présence d'ouvriers agricoles et la mobilisation de
techniques modernes (irrigation) dans les champs ;
- l'acquisition des terres au prix d'argents. Le terme achat est
couramment employé par les paysans pour désigner la
manière dont ils accèdent à la terre.
Parmi ces « nouveaux acteurs », il y'a ces citadins
qui, du fait du manque d'emploi en ville, se dirigent vers la zone pour surtout
pratiquer la culture du coton. Après les récoltes, ces derniers
retournent en ville.
· Les femmes et les jeunes
Les femmes exploitent des parcelles, mais ne sont pas
directement impliquées dans les transactions foncières sauf
à des exceptions près. Elles s'y accèdent par l'entremise
de leurs époux qui leur cèdent une portion de terre. Il est
très rare de voir une femme solliciter une parcelle agricole sans l'aval
de son mari. Leurs droits de culture sur la terre sont en général
temporaires.
Les jeunes ont un âge compris entre 15 et 35 ans. Ils
sont soit célibataires, soit mariés et possèdent des
champs individuels acquis par le biais de leurs parents (père). C'est le
cas très fréquent chez les migrants. En fait le père
attribue une portion de sa parcelle à son fils ou fait la demande d'une
nouvelle parcelle auprès d'un chef de terre au nom de son fils. Par
ailleurs, certains jeunes négocient directement la terre sans l'appui
d'un tiers. Il s'agit en général des jeunes qui ont migré
seuls dans le village et certains jeunes autochtones. Les jeunes sont plus
orientés vers la pratique des cultures commerciales, notamment le
coton.