UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
Mémoire de D.E.A
(Diplôme d'Etudes Approfondies)
LE VIOL AU SEIN DES CATEGORIES STIGMATISEES :
L'EXEMPLE DES FEMMES ALBINOS VIOLEES DE BRAZZAVILLE.
Présenté et soutenu par :
Directeur de
Mémoire :
Félicité Mireille NKANZA-NZENZA
M. Boubacar LY
Année Académique :
2006-2007
REMERCIEMENTS
Que soient ici remerciés
Boubacar LY, Professeur de sociologie à
l'Université Cheick Anta Diop de Dakar
Pour avoir accepté de diriger ce mémoire de
DEA mais également pour avoir toujours été disponible
même dans la maladie.
Pour avoir respecté mon choix en me redonnant
confiance, en me donnant les moyens théoriques d'aboutir et en
m'ayant donné le goût de la recherche et l'exemple du don de
soi
Sylvain FAYE Professeur de sociologie (année de
maîtrise) à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Lamine NDIAYE Chef de Département de sociologie
à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Emmanuel DAYO
Professeur (sociologie du travail) à l'Université
Marien NGOUABI de Brazzaville
Et Euloge BOUEYA Maître Assistant
(démographie) à l'Université Marien NGOUABI de
Brazzaville
Pour avoir accepté d'évaluer en experts les
apports et les limites de ce travail.
A Lydie, Rufin, Lamine, Chirchille, Amélia, Dominique,
Chrischneisch et la Belle, mon soutien moral
A mon ami Franck KISSAMBOU, constamment à
l'écoute de mon travail
A Isis MPASSY, une histoire de confiance et une confiance en
l'Histoire
A Destin et Théophane, la correction, le style et la
légèreté
A toutes les personnes interrogées qui ont
accepté de jouer le jeu
A la FDA et l'UNHACO pour m'avoir ouvert leurs portes
Aux Ministères de l'intérieur, de la Santé
et de la Population et à tous ceux qui ont lutté pour permettre
à tout enquêté de prendre un temps pour la recherche.
ERRATA
Page 14 : Au niveau des objectifs spécifiques,
1er objectif : c'est « décrire les
circonstances des viols et les objets
utilisés » au lieu de « décrire les
circonstances des viols et moyens utilisés »
Page 27 : dernier paragraphe, avant dernier
alinéa : c'est « ...qu'elles ont peur
qu'on leur dise que c'est de leur faute... » au lieu
de « qu'elles ont peur qu'ont leur dise que c'est de leur
faute... »
Page 29 : 1er paragraphe, 4e phrase,
c'est « Il s'agit d'une étude qualitative laquelle s'est
servit aussi de quelques éléments quantitatifs pour appuyer les
arguments qui sont développés. » au
lieu de « .... Les arguments qui sont
développées. »
Page 43 : le 1er paragraphe, la phrase
est : « Les individus ont tendance à banaliser les viols
et à ne pas s'inquiéter du sort réservé aux
albinos » ; au lieu de : «Les individus ont
tendance à banaliser et à s'inquiéter du sort
réservé aux albinos »
Page 46 : 2ème paraphrase, 5e
alinéa, c'est « ...retrouvées
enceintes. » au lieu de
« ...retrouvées enceinte. »
Page 50 : le point 5.1.1 : Le mariage. Dans la
citation, 3e alinéa, c'est «Elles sont hideuses et
répugnantes ... » au lieu de « Elles ont hideuses et
répugnantes... »
Page 55 : dernier paragraphe, 9e
alinéa : c'est « Ils sont à comparables à
la chauve souris qui prend son envol qu'à la
tombée de la nuit » au lieu de « ....qui prend
s'envole... »
Page 56 : le point : 5-3.1 : Les causes :
9e alinéa : la phrase est : « En effet,
depuis des lustres, la femme a toujours été perçue, selon
la tradition judéo-chrétienne et la conception
relevant.... » au lieu de « .....selon la tradition
judéo-chrétienne et le conception... »
Page 57 : le 1er paragraphe, la phrase
est : « C'est justement ce qui explique le fait que la naissance
d'un albinos au sein de cette société soit directement
impliquée à l'infidélité de la femme »
Page 59 : le point 5-3.3 : Rapport avec la
société
- 4e alinéa, c'est «Et je comprends
aujourd'hui, qu'il est difficile ... » au lieu de
« ...qu'il est difficiles... »
- 12e alinéa, c'est
« ...immédiat car celui-ci se méfie de lui et
le traite de tout » au lieu de « ...lui
traite de tout. »
CARACTERISTIQUES DES ENQUETES ET DESCRIPTION DES
CIRCONSTANCES DU VIOL
Dans cette partie, il s'agira de mettre en exergue les
résultats de l'enquête. Il couvre les points suivants :
Caractéristiques démo-socio-economiques des
enquêtés, connaissance et ampleur du phénomène de
viols sur les albinos, caractéristiques des témoins et des
auteurs de viols sur les albinos, caractéristiques des victimes,
description des circonstances et moyens utilisés.
Caractéristiques
démo-socio-économiques des enquétes
Il est question de décrire les
caractéristiques démographiques des personnes interrogées
dans leur répartition par sexe, âge, situation matrimoniale et
leurs caractéristiques socio- économiques.
-La répartition des enquêtés par
sexe :
La répartition des enquêtés par sexe
montre que sur un effectif de 95 enquêtés, nous avons
interrogé 51,58 % des femmes contre 48,42% des hommes. Le pourcentage
élevé des femmes dans cette étude s'explique par le fait
que l'enquête a été largement ouverte aux femmes albinos
qui ont été prioritairement choisies en vue de mieux saisir et
asseoir notre problématique.
Avec la progression ces dernières années de
l'évaluation et la médiatisation du viol par les biais des
campagnes de sensibilisation, des femmes albinos interrogées au cours de
cette enquête n'hésitent pas de signaler les viols dont elles sont
victimes. Elles n'ont pas honte ni peur d'être exclues de la
communauté, car pour elles, elles le sont déjà. En sus,
dans leur imaginaire, ces victimes albinos pensent que la verbalisation du viol
les aiderait à `'s'insérer dans la société''.
En réalité, l'influence des pesanteurs
socio-culturelles relatives à l'albinisme, contraint certaines victimes
albinos à ne pas entretenir secrètement les viols dont elles ont
été victimes.
Les 48,42% représentant les individus de sexe masculin
reflètent non seulement la prise de conscience du
phénomène par les hommes, mais également leur degré
d'implication. En effet, ceux-ci ont intervenu massivement, avec dynamisme et
volonté pour faire prévaloir leur opinion ou perception sur le
viol des albinos. Aussi, par rapport à leur perception, certains
enquêtés n'ont pas hésité de traiter le viol des
albinos comme : `' une expression d'une vengeance
déguisée''.
-Répartition des enquêtés
selon le sexe et l'âge.
Sur un effectif total de 95 enquêtés, 10,52%
d'individus de sexe féminin ont l'âge compris 15 et 19ans contre
7,36% ; 45,26% se retrouvent dans la tranche d'âge comprise entre 20
et 24ans dont 20 individus de sexe féminin et 23 seulement de sexe
masculin ; 36,84% enquêtés ont l'âge allant de 25ans et
plus dont 19 de sexe féminin et 16 de sexe masculin.
-Répartition des enquêtés selon la
situation matrimoniale et le sexe.
La majorité des personnes interrogées sont
célibataires (45,26%), suivi des mariés à l'état
civil et/ou coutumièrement (21,05%) ; des personnes vivant en union
libre (18,94%) ; les divorcés (9,47%) et enfin des veufs (4,21%).
Ceux qui s'abstiennent de déclarer leur situation matrimoniale
représentent un taux de 1,05%. Parmi les célibataires, les femmes
sont plus nombreuses avec une proportion de 27,36% contre 17,89% pour les
hommes. Dans la catégorie `'Marié'' les hommes sont plus
nombreux soit (13,68% contre 7,39%). Les femmes sont également plus
nombreuses que les hommes dans la catégorie : En union libre
(11,57% contre 7,39%).
Au regard de ces résultats, on peut dire que la
structure de l'échantillon des personnes enquêtées
reflète celle de la population globale congolaise.
- Répartition des enquêtés selon
le niveau d'instruction et le sexe.
Dans l'ensemble, 91,5% des individus enquêtés et
qui ont répondu à la question relative au niveau d'instruction,
ont une instruction scolaire ainsi qu'il apparaît au travers du Tableau 4
ci-dessus. Le groupe le plus important est celui des individus ayant atteint le
niveau du secondaire 1er degré et du supérieur
(23,15%). Ainsi, on peut conclure que l'enquête a porté sur une
population instruite, donc capable d'apprécier avec un tant soit peu
d'objectivité un certain nombre de problèmes.
- Répartition des enquêtés selon
la situation économique et le sexe.
Les données recueillies sur le terrain et
portées dans ce tableau révèlent que plus de la
moitié (55,8%) des enquêtés sont sans activité
économique. Il s'agit notamment des chômeurs (20%) ; des
élèves/étudiantes (17,89%) ; ménagères
(9,47%) et des retraités (7,39%). Néanmoins, 44,21% de la
population enquêtée est occupée, parmi lesquels 25,26%
d'hommes et 18,94% de femmes. Par ailleurs, dans l'ensemble de la population
sans activité économique, les femmes représentent 32,62%
tandis que les hommes ont une proportion de contre 23,16%. Ces résultats
reflètent la situation globale de la population congolaise où les
hommes sont plus représentés dans les diverses branches de
l'activité économique tandis que les femmes sont vouées
par tradition aux activités domestiques.
- Répartition des enquêtés selon
leur catégorie sociale
Il ressort de ce Tableau 6, que sur un effectif total de 95
individus (albinos et non), l'enquête nous permis d'identifier 15
victimes albinos soit 15,78%, 3,15% des agresseurs, 5,26% de témoins,
7,39% des pasteurs (dont 3,15% de femmes et 4,21% des hommes). Quant aux devins
guérisseurs et aux dignitaires, ils ont représenté
respectivement la proportion de 4,21% et 5,26%. La catégorie `'Autres''
couvre simultanément les parents des victimes, les proches ou des
individus neutres avec une forte proportion de 58,94% (32,63% de femmes et
26,31% des hommes).
Chapitre 3.2 :
Connaissances et ampleur du phénomène de viols sur les albinos
Ce point porte son regard sur la connaissance des populations
enquêtées sur les viols des albinos et sur son ampleur afin de
mieux saisir l'un des objectifs fixés par la présente
étude.
- Répartition des enquêtés selon
le fait d'avoir entendu parler ou non de viols à l'égard des
albinos et sexe.
Consciente de ce que tous les enquêtés
interviewés n'étaient pas des albinos et des victimes des viols
dont il est question dans cette étude, il était important de voir
si ces personnes avaient entendu parler des viols faits aux femmes albinos
uniquement. L'examen des données reproduites dans le tableau 7 y relatif
montre que la majorité des individus interrogés (63,15%) ont
effectivement entendu parler des viols des albinos, contre seulement 27,36% qui
n'ont rien entendu du tout. Un enquêté nous a
confié :
(N.), albinos : `' aujourd'hui, plus rien ne passe
sous silence. Qui n'est pas au courant des viols des albinos ? Je suis au
courant mais, les gens font semblant de l'ignorer parce que ce sont des hommes
politiques qui seraient au centre de ces exactions sexuelles. La liberté
d'expression n'est pas admise dans cette société où il y a
tout le temps les règlements de compte.''
Ce fait est bien connu par la majorité de nos
enquêtés, et cette connaissance est constatée tant chez les
femmes que chez les hommes. Cette forte proportion des personnes qui
reconnaissent avoir entendu parler de ce fait social montre que les viols des
personnes albinos sont devenus un fait social courant avec le risque
d'être banalisé dans cette société congolaise si des
mesures rigoureuses ne sont pas prises par les pouvoirs publics. Mais, si ce
phénomène social est bien connu des brazzavillois, il reste
à savoir comment définissent ou se représentent ils ces
albinos.
- Répartition des enquêtés ayant
entendu parler de viols des albinos selon le fait de connaître ou non une
victime et sexe.
Parmi les personnes qui ont déclaré avoir
entendu parler de viol sur les albinos, 63,33% ne connaissent aucune victime
contre 20% qui connaissent au moins une albinos victime.
Ce manque de connaissance des individus albinos victimes est
plus remarqué chez les femmes (35%) contre 28,33% des hommes. Ce manque
de reconnaissance dénote également un certain
désintéressement de la personne albinos dans cette
société congolaise.
`'Mon temps est très précieux et je ne puis
le consacrer à des insanités ou futilités. La situation
des albinos me préoccupe peu... pour tout vous dire. C'est le cadet de
mes soucis, donc j'ignore si elles sont victimes de viols ou non. Mais entre
temps, pourquoi les violer ? Mais les hommes n'ont aucune
gène.'' A déclaré (A.)., une étudiante de
24ans.
- Répartition des enquêtés ayant
déclaré connaître la victime albinos selon le nombre
déclaré de celles-ci
Dans l'ensemble, (12 soit 20%) les personnes ont
déclaré connaître au moins une femme albinos
violée.
(Pasteur M. R.):'' Le viol des albinos n'est plus un
phénomène à nier et en tant que serviteur de Dieu, j'ai
reçu plusieurs femmes victimes dont les albinos. Leur situation
m'écoeure énormément. Car les albinos ne disent rien,
elles ont tendance à accepter cela comme une punition divine. Il arrive
parfois, quand elles viennent m'en parler de demander pardon à Dieu,
parce que justement elles pensent qu'elles sont responsables de qui se produit
dans leur vie...''
(La majorité des enquêtés (58,33%)
connaissent une seule victime ; ceux qui en connaissent deux
représentent 25% ; 16,66% connaissent trois ou plus victimes.
Chapitre 3.3 :
Caractéristiques des témoins et des auteurs de viols sur les
albinos
Ce point s'intéresse à la fois aux
témoins des viols des albinos et aux personnes ayant commis ces
agressions. Il s'agit ici d'identifier les témoins et les auteurs tout
en précisant leurs caractéristiques principales.
Témoins
Tableau 10 :
Répartition des enquêtés selon qu'ils sont
témoins ou non du viol.
Les résultats de l'enquête montrent que sur les
cinq témoins soit 5,26% tous de sexe masculin, deux connaissent la
victime contre trois qui ne la connaissent. Et les différents
témoins ont l'âge compris entre 20 et 29ans. Ils entretiennent des
connaissances banales avec les victimes.
C. M., chargeur de bus de 25ans : `' il était
à peu près 22h passées de 30 minutes quand j'ai entendu
des cris en provenance d'une maison inachevée. Et la victime
était une albinos. En réalité, cela ne m'avait pas
choqué. Car je connaissais non seulement la victime mais son violeur
également. Mais je me disais plutôt que c'était une bonne
chose pour elle, car dans son état, tout le monde l'évitait.
Surtout les hommes y compris moi-même. Pour moi... le violeur
était très cool et très courageux je dirais.... Il a agit
ainsi par compassion, je pense.''
Auteurs de
viols
Sur l'effectif de 95 enquêtés, nous avons pu
identifier 3 auteurs de viols. Ils ont respectivement l'âge de 19, 22 et
36ans. 2 soit 66,66% d'auteurs ont un niveau d'instruction 2e
degré secondaire contre 1 soit 33,33pour_cent qui a un niveau
supérieur. Ils sont dans la majorité des célibataires et
exercent dans le commerce (2) et la politique (1). Ils font tous partie des
églises de réveil et ne connaissent pas leurs victimes.
M.K. : auteur de 22ans et commerçant : `'
Nous ne sommes pas obligés de connaître toutes les femmes avec
lesquelles on couche. Le plus important c'est de prendre son pied...elle
(victime) m'était inconnue et je préfère. Tout du moins
son ombre ne pourra pas hanter mes nuits... Dans ce cas, elles doivent se
réjouir, nous leur faisons ressentir des sensations inédites et
fortes...''
Chapitre 3.4 :
Caractéristiques des victimes ; Description des circonstances et
moyens utilisés.
a) Caractéristiques
des victimes albinos :
Ce point s'intéresse aux femmes victimes des viols. En
ce qui concerne les victimes, il s'agit de procéder à l'examen de
leur situation matrimoniale, religieuse et leur niveau d'instruction.
La répartition des femmes victimes de viols sur
l'ensemble de Makélékélé dans la présente
enquête montre qu'un effectif de 15 femmes albinos a été
identifié. Le viol des albinos est donc un mal social répondu sur
l'ensemble du territoire national. Toutes les victimes identifiées ici
sont de nationalité congolaise, à l'exception d'une seule
ressortissante du Congo démocratique.
-Age des victimes albinos :
L'âge des victimes qui ont été
interviewées varie entre 15 et 32ans. Dans l'ensemble, c'est le groupe
d'âge de 15-19ans qui est le plus touché avec un pourcentage de
54,5% des cas enregistrés. Vient ensuite celui de 20-24ans avec un
pourcentage de 21,7%. Les groupes d'âge de 25 et plus représentent
5%. Si ce groupe d'âge 15-19 ans est le plus touché, cela pourrait
être lié au fait qu'à cet âge, les filles n'ayant
aucun moyen de résistance se trouvent exposées à ces
agressions. Or, au delà de 19ans, l'aspect physique de la femme ou de la
fille peut influencer l'agresseur qui hésiterait à commettre son
acte. En outre, les résultats de l'enquête ont
révélé également que les filles mineures albinos
c'est-à-dire celles dont l'âge est inférieur à 15ans
n'ont pas été épargnées par les agresseurs et elles
ont subi cette agression dans une proportion de 17,6%.
- Situation matrimoniale
Les résultats de l'enquête montrent que les
victimes albinos sont dans leur écrasante majorité des
célibataires soit 90,9%.
(S.H., victime) : `' la couleur de ma peau me
condamne à mourir en célibataire''.
(N., victime) : `' je ne suis pas mariée et je
n'y pense pas. Car pour moi le mariage est une utopie. Je resterai
célibataire à vie. A quoi bon rêver...''
-Le fait d'avoir des enfants ou non
La majorité des femmes violées soit 47,3%
déclarent n'avoir aucun enfant.
(P.H., 23ans)`' J'ai très peur d'affronter la
réalité en face. Imaginez un seul instant que je mette un albinos
au monde. Je ne le supporterai pas. Donc je préfère ne pas faire
subir le pire à l'enfant que je mettrais au monde. Je n'ai pas
d'enfant.''
Cela confirme leur statut de célibataire et donc sont
plus prédisposées au viol. Néanmoins, 39,4 % d'autres
femmes affirment avoir des enfants (26,4% suite au viol), alors que 5,8% ne
déclarent rien à ce sujet. Ce mutisme pourrait se justifier,
entre autres, par la stérilité qui caractérise souvent des
jeunes filles albinos consultées à l'Association Congolaise du
Bien Etre Familial (ACBEF) au niveau des antennes locales et surtout la peur de
mettre au monde un enfant albinos. Les femmes avec enfants sont surtout celles
ayant l'âge compris entre 17 et 25ans.
-Appartenance religieuse des femmes
violées
Dans l'ensemble, on enregistre une forte appartenance
religieuse des victimes avec un pourcentage de 80,1%. Deux grands groupes
religieux dominent. Il s'agit du groupe constitué par les catholiques
qui représentent 24,4%. Et celui des protestantes avec 19,8%. Ensuite,
vient le groupe religieux constitué des autres églises dites de
réveil avec un pourcentage de 35,9%.
`'Mes parents étaient catholiques. J'ai
quitté la religion catholique pour intégrer une assemblée
de réveil. Là où je suis-je sers à quelque chose.
Nous travaillons pour le compte de l'assemblée, il n'y a aucun
problème. Il m'arrive des fois aussi d'adopter des comportements
difficiles, mais les gens qui sont avec moi là bas me comprennent, ce
n'était pourtant pas le cas ailleurs. Le pasteur m'a même
prêté une chambrette que je partage avec mon enfant. La chambre
n'est pas grande mais c'est mieux que de dormir à la belle
étoile...'' (P. la victime)
La forte proportion des autres églises peut s'expliquer
par le fait qu'aujourd'hui, avec la prolifération des églises de
réveil, les acteurs sociaux pensent et trouvent facilement des
réponses à leurs problèmes dans ces nouvelles
églises.
-Niveau d'instruction
La majorité des femmes violées 81% ayant
répondu à la question relative au niveau d'instruction ont
été à l'école. Le niveau le plus
représenté est celui du primaire76, 2%. Suivi du secondaire
premier degré 4,5%. Les femmes violées sans instruction
représentent un pourcentage de 18,3%.
(N.: victime)`'Je n'ai pas eu la chance de me retrouver
sur le banc de l'école comme les autres enfants normaux, car mes parents
avaient honte de moi. Elle (sa maman) a été
répudiée par mon père juste après m'avoir
accouché et n'avait pas de soutien financier pour m'envoyer à
l'école. Donc j'étais obligée de rester à la
maison.''
-Situation économique
Les femmes victimes de viols sont en majorité sans
activités économiques génératrices de revenus.
Parmi les 15 femmes violées, la majorité soit 43,5% sont
occupées, elles travaillent dans le secteur agricole, viennent ensuite,
celles qui sont dans la couture soit 19,1%, le secteur du commerce occupe les
femmes violées dans une proportion de 16,8%
La situation est aussi difficile, pour toutes les victimes
albinos, le dénominateur commun est `'la débrouillardise'' pour
survivre, une autre victime nous confie ceci :
`'Je m'appelle A.T, j'ai 23ans. Je suis issue d'une
famille de 4 enfants et je suis la seule avoir cette couleur. Je suis mise
à l'écart. Pour survivre, je m'efforce de travailler, en aidant
les vieilles mamans dans les travaux champêtres. Depuis longtemps je suis
là, je travaille nuit et jour, sept jours sur sept. Je suis très
fatiguée, car c'est un travail pénible. Dans mon état je
travaille sans relâche sous le soleil alors que cela est
préjudiciable à ma santé. Et cela je ne puis
m'empêcher de le faire parce que mon fils compte sur moi. Mes parents
sont décédés pendant la guerre, et tout le monde m'accuse
et pense que j'ai `'bouffé'' mes parents. Ce que je fais là ne me
plaît pas, je n'ai pas le choix. Mais lorsqu'on a un enfant sans
père à entretenir, toutes les possibilités sont bonnes. Si
seulement, les autres pouvaient être moins cruels à mon
égard, je ne souffrirais pas tant. J'ai besoin de l'aide, car cela
affecte de beaucoup ma santé et j'ai très peur pour mon
enfant.''
-Présentation physique et vestimentaire des
auteurs estimée par les victimes.
Les résultats de l'enquête révèlent
que la majorité des agresseurs 70,2% se sont présentés en
civil et sans armes. Autrement dit, sans avoir présent à l'esprit
l'idée d'éliminer physiquement la victime en cas de refus. Une
victime nous confie ceci :
(S.H., victime) :'' je me souviens bien de ce jour
là. En effet, j'étais très malade et étant
donné que je n'avais pas de soins, je me trouvais coucher dans une
petite ruelle. Soudain, j'ai vu deux hommes bien vêtus s'approcher de moi
et aussitôt ils avaient compris que j'étais souffrante et m'ont
placé dans leur véhicule. J'étais inconsciente. A mon
réveil, j'étais dans une petite chambre plus ou moins mal
entretenue. Quelques temps bien après, j'avais vu un homme m'apporter
des médicaments...Quatre jours plus tard, je me sentais bien, mais
j'étais toujours enfermée. Donc en un mot, je suis restée
enfermée dans cette maison pendant dix jours. Mais entre temps, je
voulais m'enfouir, mais je n'en avais pas la possibilité. Toutefois, il
continuait à me donner des tisanes dont j'ignorais la
nécessité. Ce fut le jour où j'ai été
violée par leur `'chef'' que j'ai tout compris. En
réalité, les tisanes qu'on me donnait c'était pour
permettre la sortie des menstrues. J'ai été violée par cet
inconnu. C'était un véritable rituel : il était
question que cela se passe pendant mes menstrues et pendant la pleine lune.
Durant l'agression il ne cessait de réciter quelques formules mystiques.
Entre Temps, j'avais des yeux bandés. Mais je me souviens d'une chose,
il n'était pas en tenue militaire...''
Il n'en demeure pas moins que les agresseurs en tenue
militaire et avec armes en mains occupent un pourcentage de 14,5%. L'analyse de
l'agression indique par ailleurs, que certaines femmes ont été
violées par des personnes en tenue militaire, armées et
masquées soit 20,09%.
(A.T) : `' les deux agresseurs étaient
habillés comme les cobras (une milice privée). Ils étaient
tous les deux en tenue militaire, armés et
masqués...''Autrement dit, les agresseurs avaient la crainte ou la
peur d'être reconnus par les victimes.
-L'âge des agresseurs estimé par les
victimes.
La majorité des femmes 42,7% ont été
violées par des personnes dont l'âge se situe entre 20ans et
29ans ; autrement dit des hommes jouissant d'une maturité
incontestable, donc des hommes responsables de leurs actes.
(A.T) : `'les deux violeurs n'avaient pas l'âge
de mon petit frère (20ans). Ils avaient soit mon âge ou plus, mais
pas moins, car durant l'agression ils n'ont cessé de dire que
j'étais encore petite fille... « Ils ont
goûté à plus que ça ».''
Les agresseurs dont l'âge se situe entre 30 et 39ans
occupent la deuxième position avec 24,4% de citations. A propos de cette
tranche d'âge, (N.), nous confie que : `'il était
déjà papa. Il devait avoir l'âge avoisinant celui de mon
oncle maternel (qui en avait 37ans)''.
Et certaines agressions ont été commises par des
mineurs c'est-à-dire des jeunes de moins de 18ans 2,3%de cas. S'agissant
de ce cas, (P.) a déclaré : `'ils étaient juste
des petits qui devaient avoir moins de 20ans, car il y avait des peureux parmi
eux. Ils n'avaient qu'un seul désir découvrir la nudité
d'une femme albinos, lui faire du mal.''
Il est à noter cependant que les femmes violées
par des mineurs et par des jeunes de la tranche d'âge de 15ans à
20ans représentent une proportion de 10,0% tandis que celles ayant
été violées par les personnes adultes 35ans et plus
représentent globalement une proportion de 12,2%.
-Etat de conscience des auteurs.
Les femmes victimes des viols ont apprécié
l'état de conscience des auteurs de ces actes à partir de la
lucidité de leurs propos et de leur comportement.
(S.) :'' je pense nettement que le violeur
n'était pas sous l'effet de la drogue. Il récitait avec
précision ces formules magiques et savait bien ce qu'il faisait. J'ai
été violée pendant trois jours à la même
heure (le soir) et toujours il récitait les mêmes formules''.
Par ailleurs, certaines agressions ont été
commises sous l'effet de la drogue. Aussi, 46,6% des femmes ont
été violées par des hommes drogués.
(P.) : `'ils étaient en bande et fumaient de
la cigarette et du chanvre. Les deux qui m'ont violé ont dit bien avant
l'agression à leurs amis (Bo pesa ngai kosovo epesaka nkonzo : nous
allons encore tirer un dernier coup du chanvre, car cela fortifie)...''En
revanche, 32,8% des femmes ont subi ce sort du fait des hommes non
drogués.
-Liens sociaux entre les agresseurs
Sur 15 cas de viols recensés, 9 femmes victimes
affirment connaître leurs agresseurs, soit 72,5% contre 6 victimes qui
n'ont aucune connaissance de ceux-ci, soit 27,5%. Ces résultats
confirment effectivement que les agresseurs ont agi à découvert
comme l'ont révélé les statistiques un peu plus haut.
(N.), `' je peux facilement reconnaître les
agresseurs. Il est difficile d'oublier celui qui vous a fait du mal. Je me
souviens avoir rencontré un, une fois au grand marché, mais il ne
m'avait reconnu, hélas...''
Par contre, (P.), nous a fait comprendre :''il m'est
très difficile de reconnaître facilement l'agresseur. Car j'avais
des yeux bandés, mais je n'oublierais jamais sa senteur...''.
-Connaissance ou non des agresseurs
Ces agressions sexuelles ont été commises en
majorité par les voisins du quartier 20,6%, les connaissances banales
19,1% et les inconnus 13,7%.
(N.) : `'parmi les deux agresseurs, un était
mon voisin. Mais depuis un temps, il avait quitté le quartier et je
l'avais perdu de vue jusqu'au jour de l'agression.''
Ceci justifie certainement la facilité avec laquelle
les victimes reconnaissent leurs agresseurs. Il est à noter
également que certains viols ont été commis par certains
hommes politiques hautement placés soit 9,2%. Et nous allons comprendre
bien après quelles sont les motivations de ces derniers. Par ailleurs,
les membres de la famille et les proches de la famille des victimes n'ont
commis d'agressions sexuelles que dans une proportion respectives de 4,6% et
3,8%. Ces faibles pourcentages montrent qu'à Brazzaville, certains
comportements sociaux perçus et/ou vécus comme des attitudes de
déviance (l'inceste) sont encore évités par acteurs
sociaux dans la mesure où ceux qui en sont coupables sont victimes de
réprobation collective.
(N.): `' pour la première fois j'ai
été violée par mon père à l'age de 12ans. Et
ma mère faisait semblant de ne rien voir. J'ai vécu dans ce
climat pendant longtemps jusqu'au jour où j'ai été
violée par un inconnu et mes parents m'ont jeté dehors. Car j'en
ai étais de trop pour ma famille.''
Chapitre 5 : Les
sentiments sur les violences et sanctions
Dans ce point, il est question d'examiner les divers
sentiments qu'ils éprouvent sur les violences faites aux albinos. Les
sanctions proposées par les victimes contre les agresseurs sont
également mises en exergue dans ce présent chapitre.
-Sentiments des victimes de viols
Acte socialement condamnable, le viol, lors qu'il est
perpétré sur un acteur social, amène inévitablement
la victime à réagir, réaction qui va du pardon à la
vengeance. Le sentiment qui paraît avec une proportion nettement
significative est l'angoisse 40,5%. Certaines albinos violées
éprouvent un sentiment de malédiction 15,3%, d'autres ont envie
de se venger contre les agresseurs, le sentiment d'abandon par dieu 10,7% et de
tout pardonner 10,7%. Il y a cependant une catégorie de femmes qui,
après avoir subi cet acte de violence, ont aussitôt envie
d'oublier 9,9%. Si dans l'ensemble, le sentiment le plus exprimé demeure
l'angoisse permanente, cela s'explique par la peur que peut éprouver une
victime de contracter une maladie sexuellement transmissible comme le sida qui,
jusqu'à nos jours demeure incurable. Le sentiment d'abandon par Dieu
exprimé ici pourrait être l'expression d'une sorte de
désespoir et de colère car, la protection divine est vécue
comme meilleure sur terre. Aussi, être abandonné par le tout
puissant est considéré comme `'lâché'', être
sans existence sociale.
`'Avoir toujours présent à l'esprit les
différentes séquences de l'acte de viol dont on a
été victime, c'est aussi souffrir en permanence au niveau du
psychisme des conséquences qui en résultent. Aussi, afin,
d'éviter de vivre continuellement cette souffrance, j'ai appris à
accorder le pardon à mon agresseur et oublier ce que j'ai subie. C'est
là ma force, une manière pour moi d'effacer les traces de ce
calvaire au niveau de mon univers mental '' a (déclaré V.,
une victime.)
-Sanctions proposées par les
victimes
Les victimes ont proposé des sanctions contre les
auteurs de ces actes hors normes. De ces sanctions, le mariage avec la victime
occupe la première place avec 50,4% de citations,
`' L'une des plus grandes sanctions, c'est de demander
justement aux agresseurs de nous marier. Je pense que l'acte de viol suppose un
contact physique et cela veut dire qu'ils veulent bien de la victime, et du
coup comme sanction disciplinaire la société doit l'obliger
à prendre la victime car qui voudra encore d'une femme qui a
été violée par un autre. Et si par malheur cette
dernière contractait soit une grossesse soit une maladie incurable. Le
mieux serait de la confier à l'agresseur si toutefois celui-ci est
identifié...'' a confié (P.)
Suivent le dédommagement de la victime 31,3%,
l'emprisonnement ferme 17,6% ; la condamnation à mort 10,7% ;
l'exposition en public de l'agresseur 9,9%. Les autres formes de sanctions
n'interviennent que dans les proportions relativement faibles : renvoi du
service 8,4% ; sanction divine 6,9%, mutilation sexuelle 6,9%.
Au regard de ces résultats, la majorité des
enquêtés condamnent les viols commis sur les albinos et envisagent
des sanctions contre les auteurs de ces actes.
- Sentiments des enquêtés sur les
violences sexuelles
Les violences sexuelles à l'égard des albinos,
nous l'avons vu dans les pages précédentes, ont plusieurs
conséquences sur les victimes et comme tel, cet acte rencontre une
désapprobation à la fois des hommes et des femmes comme cela
apparaît dans les résultats recueillis sur le terrain.
Les résultats de terrain nous révèlent
que les violences sexuelles en général, sont perçues et ou
vécues comme anormales 93,4% ; parce qu'interdites par la loi 23,9%
du point de vue à la fois de la loi et de la coutume 56,6% et enfin pour
d'autres raisons 5,3%. Par ailleurs, une certaine approbation du viol des
albinos a été observée chez quelques
enquêtés. Ceci montre à suffisance que certains hommes et
femmes n'ont pas encore pris conscience d'une réalité : le
droit reconnu à toute personne, quelque soit sa condition, de vivre une
vie paisible, avec respect et surtout protection, laquelle doit être
assurée par les pouvoirs publics au travers certaines institutions
habilitées à le faire.
- Sanctions proposées par les
enquêtés
Commettre le viol (qu'il soit perpétré sur une
femme dite normale ou sur une albinos) étant un comportement social hors
norme, la société prévoit des sanctions comme
élément du contrôle social contre les auteurs d'un tel
acte.
Ainsi, les personnes interrogées déclarent dans
leur grande majorité que les auteurs des viols méritent
d'êtres sanctionnés. Dans l'éventail des sanctions
proposées, l'emprisonnement ferme se trouve être la sanction
fréquemment citée 63,5% que mérite tout agresseur sexuel,
suivent le dédommagement de la victime 39,1% et la condamnation à
mort 30,8%. Les autres sanctions qui, du point de vue des proportions,
apparaissent comme subsidiaires renvoient à : l'exposition en
public 19,6%, le renvoi au service 16,7%, la sanction divine 10,4 % ; les
mutilations sexuelles 3,9%, épouser la victime 3,9%. La volonté
exprimée par les enquêtés d'infliger des sanctions aux
agresseurs pourrait être l'expression d'une prise de conscience de
ceux-ci de ce qu'au travers de la sanction, l'on peut éviter la
reproduction de ces actes et en conséquence, assurer la
régulation sociale car, la sanction est supposée modifier dans le
sens positif les comportements de déviance, de marginalisation ou de
stigmatisation. Par ailleurs, sanctionner des auteurs de viol peut aussi
apporter satisfaction à la conscience collective car, une
société, quel que soit son niveau de développement, ne
saurait fonctionner dans l'impunité au risque de sombrer dans
l'anarchie. `'Ces albinos, malgré, la couleur de leur peau, sont
avant tout des êtres humains, créés à l'image du
Tout-puissant'' a déclaré le (Pasteur R. M.)
Conclusion partielle :
Comme nous l'avons dit plus haut, la taille
de notre échantillon est de 95 enquêtés dont 15 victimes
albinos. Il faut préciser qu'en règle générale, les
victimes n'ont pas été consentantes des viols subis. Il convient
de savoir que, lorsque nous parlons du `'vécu'', cela renvoie à
un ensemble d'expériences personnelles des victimes survenues
après l'acte de viol et non pendant que l'acte se fait. En d'autres
termes, nous nous sommes intéressés à la manière
dont ces victimes albinos vivent l'acte de viol.
Au cours de l'enquête, il nous à
été permis de comprendre que les victimes albinos ont
été contraintes physiquement et par des menaces verbales, le
chantage d'avoir les rapports sexuels non consensuels. La forme la plus
courante de contact était des rapports vaginaux avec l'introduction des
éléments comme `'le cube magie'' et autres. S'agissant du
vécu, elles nous ont fait comprendre que le viol dont elles ont
été victimes, demeure irrémédiable et que cela est
en grande partie encouragé par certains habitus et imaginaires sociaux.
Elles acceptent le fait d'être violées malgré elles, parce
que, cela est encouragé en grande partie par la
société.
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