Campus Numérique Francophone de
Yaoundé
Département des
Sciences de l'Education
MARDIF
MASTER RECHERCHE IIEME ANNEE
LES MÉTHODES ACTIVES DANS LE SYSTEME EDUCATIF
CAMEROUNAIS : le cas de la NAP dans l'enseignement de la philosophie en
classes de terminale à Yaoundé
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du
Master II Recherche en Sciences de
l'Education
Par :
BLAISE HAMENI
Doctorant en philosophie
Sous la co-direction de :
MICHEL HENRI FABRE FRANCE JUTRAS
Professeur Université de Nantes
Professeure Titulaire
Directeur du CREN
Université de Sherbrooke
Années
universitaires 2005-2007
DEDICACE
DEDICACE
A mon épouse
Ø Siéwé Happi Christiane Elisabeth
et notre fille
Ø Kouatchou Hameni Marie Lyne Delhia
REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Au moment où nous achevons la rédaction de ce
travail de recherche, nous reconnaissons que plusieurs personnes, de
près ou de loin, nous ont soutenu d'une manière ou d'une autre
tout au long de notre formation et nous tenons à leur manifester notre
profonde gratitude.
Nous pensons d'abord à nos directeurs de travaux, les
professeurs Michel Fabre et France Jutras, qui n'ont ménagé aucun
effort pour nous assister techniquement et scientifiquement dans cette
recherche. Nous remercions également :
Ø Madame Marianig Porot, pour ses conseils et son
assistance constante.
Ø Notre mère Kouatchou Madeleine, pour son
soutien moral et financier.
Ø Monsieur et madame Siéwé Gabriel et
Fosso Pouatcha Serges, pour
leur apport financier.
Ø Tous nos frères et soeurs, pour leurs
encouragements.
Ø Nos collègues du Mardif promotion Rousseau,
pour la bonne entente.
Ø Que tous ceux ou celles qui m'ont soutenu et qui
n'ont pu être cités, trouvent ici l'expression de ma profonde
reconnaissance.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
LISTE DES ABRÉVIATIONS
NAP : Nouvelle Approche
Pédagogique
CEP : Certificat d'Etude Primaire
BEPC : Brevet d'Etude du Premier Cycle
SAR : Section Artisanal et
Rural
SM : Section Ménagère
ENS : Ecole Normale Supérieure
MINEDUC : Ministère de l'Education
Nationale
TICE : Technologie de l'information et la
communication Educative
ENIEG : Ecole Normale des Instituteurs de
l'Enseignement Général
CAPIEMP : Certificat d'Aptitude
Pédagogique d'Instituteurs de l'Enseignement Maternel et Primaire.
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Récapitulatif des professeurs
interviewés
Tableau 2 : Récapitulatif des
élèves interviewés
Tableau 3 : Récapitulatif des
Inspecteurs pédagogiques interviewés
Tableau 4 : Un modèle de fiche
pédagogique
RESUME
RESUME
A partir des théories éducatives se rapportant
à l'école nouvelle, les philosophes tels que Jean Jacques
Rousseau, Emmanuel Kant et John Dewey se sont investis dans
l'élaboration d'un système qui met l'enfant au centre de
l'école. Il s'agissait dans le cadre de cette étude, de
rechercher des indices visibles de l'utilisation des méthodes actives,
inspirées de ces théories, dans le système éducatif
camerounais. Ce travail de recherche s'inscrit dans le cadre de la
vérification de la mise en pratique des innovations pédagogiques
telle que la Nouvelle Approche Pédagogique dans l'enseignement de la
philosophie en terminale au Cameroun. C'est une recherche qui relève des
sciences de l'éducation ou plus précisément de la
philosophie de l'éducation. Elle s'intéresse à la
pédagogie dans son adaptation au progrès de la science et
à la modernité. En effet, il s'agissait plus
précisément de faire ressortir les avantages de la nouvelle
approche pédagogique par rapport à la vieille approche qui n'est
plus adaptée. Si un constat nous met face à l'évidence
selon laquelle la méthode traditionnelle qui est toujours en vigueur
dans les pratiques pédagogiques des enseignants, ne figure plus dans les
programmes, il nous revient de rechercher les moyens favorables à
l'imprégnation des enseignants par rapport à la nouvelle approche
pédagogique.
Ainsi, nous avons énoncé une
problématique construite autour de trois questions fondamentales,
à savoir :
Ø Les méthodes actives ont-elles une place dans
l'enseignement de la philosophie au Cameroun ?
Ø La nouvelle approche pédagogique est-elle
effectivement prise en compte dans le système d'enseignement de la
philosophie au Cameroun ?
Ø Les enseignants de philosophie appliquent-ils la
nouvelle approche pédagogique, issue des méthodes actives, dans
leurs pratiques de classe ?
Pour élucider ces interrogations, nous avons
mené l'enquête dans les lieux suivants: Lycée
Général Leclerc, Collège international de la
gaîté, Lycée bilingue d'Essos, Collège Jean Tabi,
Ministère des enseignements secondaires et le Centre d'appui à
l'action pédagogique. Nous y avons interrogé 120
élèves des classes de terminale, 10 professeurs et 4 inspecteurs
pédagogiques de philosophie, pour la collecte des données. Nous
avons essentiellement utilisé un guide d'entretien et
réalisé une analyse de contenu.
Au terme de notre recherche, il en ressort les
résultats suivants :
1- Dans toutes les classes de terminale, les programmes de
philosophie sont conçus sur le modèle de la nouvelle approche
pédagogique ou de l'enseignement par objectifs.
2- Cependant, très peu d'enseignants mettent en
pratique l'approche centrée sur l'élève : près
de 80 % des enseignants de philosophie utilisent encore la méthode
traditionnelle.
3- Une frange importante des professeurs ignore les principes
de la Nouvelle Approche Pédagogique (NAP).
4- La non-application de la NAP est due à l'absence de
formation continue des enseignants, aux effectifs pléthoriques et
à l'immensité du programme.
Pour achever cette étude qui nous a amené
à nous poser des questions sur la place qu'occupe la Nouvelle Approche
Pédagogique dans l'enseignement de la philosophie en terminal au
Cameroun, il y a lieu de constater que beaucoup de choses restent à
faire dans le domaine de la formation continue des enseignants aux innovations
pédagogiques.
TABLE DES MATIERES
TABLE DE MATIEREDEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
LISTE DES ABRÉVIATIONS iii
LISTE DES TABLEAUX iv
RESUME v
TABLE DES MATIERES vi
INTRODUCTION GENERALE 1
REMIERE PARTIE: CADRE THEORIQUE 6
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE 6
I.1-CONTEXTE GÉNÉRAL 7
I.1-1- ASPECT PHYSIQUE 7
I.1-2-MILIEU HUMAIN ET SITUATION DÉMOGRAPHIQUE 7
I.1-3- LE SYSTEME D'ENSEIGNEMENT 7
I.1-4- NOUVELLE STRUCTURATION DU SYSTEME D'ENSEIGNEMENT 9
I.1-5- LA CERTIFICATION 9
I.1-7- APERÇU SUR L'ENSEIGNEMENT PRIVE 10
I.2-FORMULATION ET POSITION DU PROBLÈME 11
I.3- OBJECTIFS DE L'ÉTUDE 12
I.3-1-OBJECTIF GENERAL 12
I.3-2-OBJECTIFS SPECIFIQUES 13
I.4- HYPOTHESE GENERALE 13
I.5-INTERÊT DE L'ETUDE 13
I.6-DELIMITATION DE L'ETUDE 14
I.6-1-AU PLAN THEMATIQUE 14
I.6-2- AU PLAN SPATIO-TEMPOREL 14
CHAPITRE II : INSERTION THEORIQUE DU SUJET
15
II.1-DEFINITION DES CONCEPTS 15
II-1-1- Système éducatif 15
II.1-2-Méthodes actives : 16
II.1-3-NAP 16
II.1-4-Objectif opérationnel 16
II.1-5- Pédagogie 17
II.1-6- Pensée inférentielle 17
II.2-REVUE DE LA LITTERATURE 17
II.2-1- La reconnaissance de l'enfant selon Rousseau 18
II.2-2- Devenir homme par l'éducation 19
II.2-3- Apprendre par l'action avec Dewey 19
II.2-3- Développer le self-government 21
II.2-4-Montessori : aider l'enfant à faire seul 22
II.2-5- Célestin Freinet et la nouvelle approche
pédagogique 22
II.2-5- Célestin Freinet : quelques repères
biographiques 23
II.2-6- Pédagogie nouvelle ou nouvelle
pédagogie ? 23
II.2-7- La pédagogie de Freinet au regard de la centration
sur l'enfant et de l'emploi des méthodes actives 25
II.2-8-Une gestion de classe décentralisée,
dynamique et interactive 26
II.2-9-Une invitation à concevoir autrement
l'évaluation 27
II.2-10-Une invitation à concevoir autrement le rôle
de l'enseignant 27
II.2-11-Une invitation à concevoir autrement le rôle
de l'élève 28
II.2-12- Le système éducatif camerounais 28
II.2-13- L'importance de la pensée inférentielle
30
II.2-14- La nouvelle approche pédagogique au Cameroun
30
II.2-15- Formation continue des enseignants 32
II.3-LES THEORIES EXPLICATIVES 32
DEUXIEME PARTIE: CADRE
METHODOLOGIQUE.....................................38
CHAPITRE III : COLLECTE DES DONNÉES SUR LE
TERRAIN 38
III.1- TYPE DE RECHERCHE 38
III.2- CORPUS D'ANALYSE 38
III.3-METHODES DE COLLECTE DE DONNÉES 38
III.3-1- L'OBSERVATION DIRECTE 39
III.3-2- LES ENTRETIENS 39
III.4- L'ANALYSE DE CONTENU 40
III.5-LA POPULATION DE L'ETUDE 41
III.5-1- LES PROFESSEURS DE PHILOSOPHIE 41
III.5-2- LES ELEVES DE TERMINALE DE LA VILLE DE YAOUNDÉ
42
III.5-3- LES INSPECTEURS PEDAGOGIQUES DE PHILOSOPHIE 43
TROISIEME PARTIE: CADRE OPERATOIRE 46
CHAPITRE IV : PRESENTATION DES RESULTATS 46
IV.1-RESULTATS DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE 47
IV.1-1 POLITIQUES EDUCATIVES ET PROGRAMMES OFFICELS 47
IV.1-1-1 LES POLITIQUES EDUCATIVES 47
IV.1-1-3 L'ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE 50
IV.1-1-4 LA NAP DANS LES PROGRAMMES DE PHILOSOPHIE 52
IV.1-2 LES MÉTHODES ACTIVES 53
IV.1-2-1 CONTEXTE D'EMERGENCE 53
IV.1-2-2 FONCTIONALITE DES METHODES ACTIVES 55
IV.1-3 CONCLUSION DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE 55
IV.2-RESULTATS DES ENTRETIENS 56
IV.2-1-Synthèse des entretiens avec les Inspecteurs
pédagogiques 57
IV.2-1-1-La première question 57
IV.2-1-2-La deuxième question 57
IV.2-1-3-La troisième question 58
IV.2-1-4-La quatrième question 58
IV.2-1-5-La cinquième question 59
IV.2-1-6-La sixième question 59
IV.2-2-Synthèse des entretiens avec les professeurs de
philosophie 60
IV.2-2-1-La première question 60
IV.2-2-2-La deuxième question 61
IV.2-2-3-La troisième question 61
IV.2-2-4-La quatrième question 62
IV.2-2-5-La cinquième question 62
IV.2-2-6-La sixième question 62
IV.2-3-Synthèse des entretiens avec les
élèves 63
IV.2-3-1-La première question 63
IV.2-3-2-La deuxième question 63
IV.2-3-3-La troisième question 63
IV.2-3-4-La quatrième question 64
IV.2-3-5-Cinquième question 64
IV.2-3-6-La sixième question 64
IV.2-3-7-La septième question 65
IV.2-3-8-La huitième question 65
IV.3-RESULTAT DE L'OBSERVATION 65
CHAPITRE V : INTERPRETATION DES RESULTATS ET
67
RECOMMANDATIONS 67
V.1- INTERPRETATION DES RESULTATS 68
V.1-1- LA PERCEPTION DES ENSEIGNANTS 68
V.1-2- LA PERCEPTION DES INSPECTEURS PÉDAGOGIQUES 68
V.1-3- LA PERCEPTION DES ELEVES 69
V.2-RECOMMADATIONS 69
CONCLUSION GENERALE 72
BIBLIOGRAPHIE 74
ANNEXES.................................................................................................................77
INTRODUCTION
GENERALE
INTRODUCTION GENERALE
« Tout véritable système
d'éducation suppose l'ascendance préalable d'une vraie doctrine
philosophique et sociale, qui en détermine la nature et la
destination. »
Auguste Comte, Système de politique positive,
discours préliminaire, IIIè partie.
La situation éducative du Cameroun qui préside
à la réalisation de ce travail de recherche est celle d'une
école qui a du mal à se défaire des méthodes
traditionnelles, méthodes qui reposent essentiellement sur la
mémorisation et l'érudition. En effet,
l'approche pédagogique dans le contexte camerounais est
plutôt traditionnelle et axée sur les apprentissages par coeur.
Malgré les efforts qui sont fournis dans le sens de la modernisation du
système éducatif et tous les textes officiels qui encouragent
à une révolution de l'approche pédagogique, rien n'est
fait concrètement. Malgré l'existence d'arrêtés
ministériels qui exigent l'initiation de l'enfant à l'esprit
critique, les méthodes actives qui garantissent cette initiation
à l'esprit critique ne sont pas toujours prises en compte par les
enseignants dans leurs pratiques pédagogiques.
Les méthodes traditionnelles sont celles à
travers lesquelles l'éducateur transmet, tout élaborées,
à l'élève, les connaissances et valeurs qu'il
détient. Ici le rapport pédagogique s'établit sur la base
d'une relation interpersonnelle à sens unique, allant du professeur
à l'élève, à l'occasion de la transmission d'un
objet, d'une notion ou d'une valeur. L'élément actif, c'est le
professeur. L'élève n'est, provisoirement, qu'un
récepteur. Il ne deviendra actif que dans une seconde phase du processus
correspondant à l'intégration de l'objet transmis, par des
activités de mise en oeuvre comme des exercices, de toute façon
subordonnées au processus de transmission. L'action principale
relève du professeur et s'exerce sur l'élève ; elle
est déterminée par l'objet à transmettre et se
définit par l'empreinte : le vecteur de l'objet, c'est le langage,
générateur d'images qui s'impriment dans les structures mentales
de l'élève ; au besoin, la perception est sollicitée
pour fournir d'autres images qui renforceront ou prépareront l'empreinte
attendue des premiers. L'enseignement prend la forme de l'exposition. Dans une
telle situation, le professeur a le monopole des initiatives. Tout se passe,
non comme si la pensée de l'élève était identique
à celle de l'adulte, mais comme s'il suffisait de la mettre en
présence de la pensée adulte pour qu'elle s'adapte au
modèle qui lui est proposé : apprendre signifierait, pour
l'élève, prendre une copie de ce qui lui est
présenté. Au besoin, on fait appel à la
mémorisation pour parachever l'empreinte. (Gabaude 1972 : 14). Les
caractéristiques des pédagogies traditionnelles sont les
suivantes: l'autorité, la discipline, la coercition, la sanction,
l'enseignement livresque, le verbalisme, le formalisme. La situation de
l'élève dans ce contexte se caractérise
généralement par l'apathie ou manque d'intérêt.
Ces méthodes traditionnelles sont courantes et
généralisées dans les pratiques de classe des
établissements secondaires du Cameroun. Dans le cadre de la
présente réflexion, nous envisageons d'explorer
particulièrement le cas de l'enseignement de la philosophie dans les
classes de terminale de la ville de Yaoundé au Cameroun. Pour mener
à bien cette étude, il convient au préalable, de faire
l'économie du texte ministériel qui organise l'enseignement de la
philosophie au Cameroun. Ce texte ministériel1(*) indique que l'enseignement
de la philosophie dans les établissements secondaires est destiné
à favoriser :
1-l'apprentissage et le recours à la réflexion
entendue comme préalable à toute action véritablement
humaine ;
2-l'initiation et la sensibilisation à la pensée
philosophique, c'est-à-dire aux grandes idées et thèmes
majeurs qui ont marqué et animé l'histoire et la vie
intellectuelle des hommes dans le temps et dans l'espace,
3-la vision rationnelle du monde. Il s'agit de former chez les
élèves l'esprit critique et scientifique qui permet à
l'homme d'éviter les prises de position gratuites, de manière
à n'adhérer à une opinion qu'au terme d'une analyse
soutenue par des arguments rigoureux et convaincants;
4-le sens de la moralité, de l'esprit civique et de la
culture démocratique. Le but visé ici est la formation de
citoyens conscients de leurs devoirs comme de leurs droits, ouverts aux valeurs
universelles de solidarité, de tolérance, de respect de la
personne humaine et du bien commun.
Pour orienter les jeunes vers ces finalités, les
objectifs suivants sont à rechercher :
1-Introduire et habituer les élèves à la
lecture de textes philosophiques et d'auteurs africains et non africains,
spécialement de tradition philosophique occidentale, compte tenu du
rôle joué par l'Occident dans l'histoire générale de
la pensée.
2-Initier les élèves à une pensée
rigoureuse et cohérente au moyen d'exercices appropriés à
la réflexion philosophique. Autant que possible, les exemples à
analyser seront choisis en fonction de notre contexte socio-historique.
3- Faire réfléchir, d'une façon
méthodique, sur les problèmes actuels des sociétés
africaines.
Le programme comporte deux volets :
1- Une étude de notions rassemblées autour de la
question de l'Homme. Ces notions font l'objet de regroupements dont la logique
demande à être respectée. Il s'agit d'examiner l'Homme
d'abord dans ses rapports avec Autrui, ensuite dans ses rapports avec la nature
et enfin dans ses rapports avec l'Absolu. Ces notions ne représentent
pas des chapitres séparés par des cloisons étanches, mais
des directions dans lesquelles l'enseignant est invité à engager
ses recherches et sa réflexion ainsi que celles de ses
élèves. Le programme compte vingt-huit chapitres en séries
littéraires et vingt chapitres en séries scientifiques.
2- Une étude d'oeuvres dont la connaissance contribue
à l'initiation au genre et à l'esprit philosophique en même
temps qu'elle aide à la maîtrise des notions du programme doit
être réalisée. La liste des oeuvres à étudier
de manière intégrale est dressée par le Ministre de
l'éducation Nationale. La longévité d'une oeuvre sur la
liste susvisée est de cinq ans. Trois oeuvres sont inscrites au
programme, parmi lesquelles deux sont des auteurs camerounais et une est d'un
auteur occidental. Les deux volets du programme doivent être menés
conjointement.
Le temps imparti à l'enseignement des deux volets du
programme de philosophie est de huit heures par semaine en séries
littéraires et de trois heures en séries scientifiques.
Le texte officiel qui institue l'enseignement de la
philosophie dans les établissements secondaires francophones du Cameroun
propose des objectifs fondés sur la mise de l'élève au
centre de toutes les activités pédagogiques. Ce texte clarifie de
façon exhaustive les attentes de l'administration vis-à-vis de
l'enseignement de la philosophie dans les classes de terminale.
L'arrêté ministériel véhicule les valeurs de
l'éducation nouvelle qui sont inspirées des méthodes
actives telles que la participation effective de l'élève dans
toutes les activités de classe, la considération de l'apprenant
par le maître comme étant au centre de toute action
éducative et la prise en compte de l'avis de l'élève dans
la mise en oeuvre de la pratique pédagogique.
Depuis quelques années, l'obligation est faite aux
enseignants, notamment au niveau du secondaire, de préparer et de
présenter leurs cours selon les principes de la nouvelle approche
pédagogique. Plus que jamais, la nouvelle approche pédagogique
place l'enfant au centre de l'action éducative, c'est-à-dire
qu'il doit construire avec l'aide du professeur la connaissance qui lui est
destinée. C'est alors qu'il revient à l'enseignant de
redéfinir son nouveau rôle de guide, de conseiller, de
facilitateur, d'éclaireur en accordant une large place à la
réflexion et à la raison de l'élève plus
qu'à sa mémoire. Une telle révolution pédagogique
peut-elle s'appliquer avec aisance dans le contexte camerounais ?
Les textes institutionnels qui s'imposent aux acteurs de
terrain que sont les enseignants ne font jamais l'objet d'un débat
public préalable, or toute innovation doit faire appel à un long
processus pysycho-social qui prépare tous les intervenants dans le
système à accepter la nouvelle approche. C'est ce qui justifie,
sans nul doute le fait que la réalité concrète que l'on
observe dans les classes soit toute autre. Les enseignants continuent à
se servir des méthodes traditionnelles pour communiquer le savoir
philosophique à leurs élèves, ce qui prépare ces
derniers non pas à l'esprit critique mais plutôt à l'esprit
de suivisme et de dogmatisme. L'éveil critique en ces lieux n'est pas la
chose la mieux partagée. Au regard de cette situation, le
problème qui se pose est celui du statut des méthodes actives
dans le système éducatif camerounais ou plus
précisément la valeur accordée à la NAP dans
l'enseignement de la philosophie en terminale.
Cette étude s'articule autour de trois étapes
essentielles : la première, le cadre théorique, nous
permettra de bien préciser la problématique et les concepts
fondamentaux de cette recherche ; la deuxième, le cadre
méthodologique, indiquera le protocole de la technique et les outils de
collecte de données ; enfin, la dernière étape, les
résultats, portera sur l'analyse, l'interprétation des
données et les recommandations.
PREMIERE PARTIE :
CADRE
THEORIQUE
REMIERE PARTIADRE THEOR
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
La problématique d'une étude est l'ensemble
construit autour d'une question principale et des signes d'analyse qui
permettent de traiter le sujet choisi. Selon Michel Beaud, (1994) c'est
l'ensemble construit, autour d'une question principale, des hypothèses
de recherche et des lignes d'analyse qui permettent de traiter le sujet choisi.
C'est aussi selon Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt, (1985 :203)
«l'approche ou la perspective théorique qu'on décide
d'adopter pour traiter le problème posé par la question de
départ». Elle comporte plusieurs
articulations, à savoir :
- Le contexte général
- La formulation et la position du problème
- L'objectif de l'étude
- L'hypothèse générale
- L'intérêt de l'étude
- La délimitation de l'étude
I.1-CONTEXTE GÉNÉRAL
Pays de l'Afrique Centrale, le Cameroun présente une
grande diversité sur les plans physique, humain et économique.
I.1-1- ASPECT PHYSIQUE
Le Cameroun a une superficie de 475.445 km2 qui
s'étend sur 11 degrés de latitude Nord, à partir du Golfe
de Guinée jusqu'au Lac Tchad. Il en résulte une
variété de climat et de végétation.
I.1-2-MILIEU HUMAIN ET SITUATION
DÉMOGRAPHIQUE
Le Cameroun se compose de plus de 200 ethnies ;
d'où la pluralité de genre de vie, d'organisation sociale,
culturelle, religieuse et la pratique de plusieurs langues locales auxquelles
s'ajoutent le français et l'anglais qui sont les deux langues
héritées des colonisations française et anglaise.
La population est estimée, selon l'Enquête
Camerounaise auprès des Ménages publiée en 2002, à
près de 15 millions d'habitants.
I.1-3- LE SYSTEME D'ENSEIGNEMENT
L'expression système éducatif camerounais
mérite d'être considérée comme un euphémisme.
Si l'on veut être précis, il serait beaucoup plus idoine de parler
«des systèmes éducatifs camerounais». Car, ce
qui est généralement désigné comme le
système éducatif du Cameroun est plutôt un ensemble
composite de deux systèmes scolaires distincts et différents l'un
de l'autre. En effet, le système éducatif camerounais est
organisé autour d'un sous-système anglophone et d'un
sous-système francophone. Chacun des deux ensembles présente des
traits caractéristiques particuliers qui le démarquent de
l'autre. A ce propos, la loi d'orientation de l'éducation au Cameroun,
socle du domaine scolaire au Cameroun, précise en son article 15
«Le système éducatif est organisé en deux
sous-systèmes, l'un anglophone, l'autre francophone, par lesquels est
réaffirmée l'option nationale du biculturalisme. Les
sous-systèmes éducatifs sus évoqués coexistent en
conservant chacun sa spécificité dans les méthodes
d'évaluation et les certifications »2(*).
C'est dire que le biculturalisme hérité de
l'histoire coloniale qui fait du Cameroun un pays bilingue, partagé
entre l'héritage britannique et le patrimoine linguistique
français, se répercute sur le secteur éducatif francophone
qui nous intéresse et plus précisément à sa branche
de l'enseignement secondaire général. Cependant, il n'est pas
exclu de rencontrer quelques références aux systèmes
d'enseignement qui relèvent du grand ensemble de l'éducation
nationale auquel participe l'enseignement secondaire.
C'est en fait la loi d'orientation citée plus haut qui
fixe les bases et les fondements du fonctionnement de l'institution scolaire
dans le pays. Elle en détermine les cadres, les moyens, buts et
objectifs. De temps à autre, cette loi fondamentale est
complétée par d'autres textes réglementaires. A ce titre,
par exemple, on peut faire référence au décret
présidentiel n°2001/041 du 19 février 2001 portant sur
l'organisation des établissements scolaires publics et fixant les
attributions des responsables de l'administration scolaire. Rappelons que le
fonctionnement et l'organisation du système scolaire du Cameroun sont du
ressort du Ministères des enseignements secondaires et du
Ministère des enseignements de base. En effet, c'est au niveau des
services centraux que sont prises toutes les décisions se rapportant
à la question éducative. Une fois promulguées, ces
décisions ont une implication nationale. Au niveau des
différentes unités administratives, le ministère est
représenté par des services extérieurs :
délégations provinciales, délégations
départementales, inspections d'enseignement qui sont des structures de
relais et assurent la gestion et l'examen de second ordre, de portée
locale. Les établissements scolaires sont à la base de la
pyramide et constituent les piliers fondamentaux du système, en tant
qu'ils abritent le couple apprenant/enseignant, noyau essentiel de
l'éducation.
Le système scolaire n'évolue pas en vase clos,
renfermé à la manière d'une monade. Il existe d'autres
structures parallèles qui participent du fonctionnement, voire de
l'essence même de l'école camerounaise. Ces structures
créées par l'Etat ou non exercent alors une influence sur
l'école. Ces structures sont de divers ordres. C'est dans cette optique
qu'il convient de souligner ici que le Cameroun à ratifié la
Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention
internationale des droits de l'enfant. Il s'agit de textes internationaux dont
la philosophie a une incidence sur notre système éducatif. Au
même titre, en tant que membre de l'UNESCO, le Cameroun est astreint
à l'observation des prescriptions de cet organisme. Sur le plan local ou
national, l'école ne saurait s'affranchir de l'influence de ses
partenaires traditionnels généralement désignés par
le concept de communauté éducative, c'est-à-dire les
parents d'élèves et toutes les autres personnes physiques ou
morales qui interviennent et participent au bon fonctionnement du
système scolaire en général et des institutions et
établissements scolaires en particulier.
I.1-4- NOUVELLE STRUCTURATION DU SYSTEME
D'ENSEIGNEMENT
La structure du système d'enseignement se
présente de la manière suivante :
a) L'enseignement maternel (2 ans)
b) L'enseignement primaire (6 ans)
c) L'enseignement post primaire (SAR/SM) (2 ans)
d) L'enseignement secondaire (7ans)
e) L'enseignement supérieur qui comprend trois cycles
à savoir :
-le cycle de licence (3 ans) - le cycle de maîtrise (2
ans)
-le cycle de diplôme d'étude approfondie (1an) -
le cycle de doctorat.
En faveur de la rentrée académique 2007-2008,
l'enseignement supérieur s'engage effectivement dans le système
(LMD), Licence, Master, Doctorat.
L'enseignement normal comprend deux niveaux :
- Le premier assure la formation des Elèves
Instituteurs des Ecoles d'Enseignement général d'une part, des
Sections artisanales et ménagères (SAR/SM) et des collèges
d'enseignement technique, d'autre part ;
- Le second niveau assure la formation des futurs enseignants
des collèges et lycées d'Enseignement général d'une
part et d'enseignement technique d'autre part.
I.1-5- LA CERTIFICATION
Les diplômes sont délivrés à la fin
de chaque cycle d'étude :
- A la fin du cycle d'enseignement primaire ; le CEPE
- A la fin du premier cycle d'enseignement secondaire ;
le BEPC
- A la fin du second cycle d'enseignement secondaire ; le
BACCALAUREAT
- A la fin de la formation post-primaire : l'attestation
D'APTITUDE
- A la fin de la formation d'enseignement normal; le CAPIEM
- A la fin de formation du cycle de licence; la LICENCE
-A la fin de formation du cycle de maîtrise ; la
MAÎTRISE
-A la fin de formation du cycle de diplôme d'étude
approfondie; le DEA
-A la fin du cycle de Doctorat; la THESE UNIQUE et le PHD.
I.1-6- LES INSTITUTIONS MINISTERIELLES
L'organisation institutionnelle du système
éducatif formel, suite au Décret N°2002/216 du
Président de la République, en date du 21 Août 2002 portant
réorganisation du gouvernement, se présente ainsi :
- Le Ministère de l'Education de Base est chargé
des enseignements maternel et primaire.
- Le Ministère des enseignements secondaires s'occupe
du secondaire général et de l'enseignement normal premier
niveau.
- Le Ministre de l'enseignement technique et de la formation
professionnelle est chargé des enseignements post primaire, secondaire
technique et professionnel ;
- Le Ministère de l'Enseignement supérieur
assure la promotion et le contrôle des enseignements dans les
facultés et les grandes écoles.
I.1-7- APERÇU SUR L'ENSEIGNEMENT PRIVE
L'éducation est assurée au Cameroun par l'Etat.
Toutefois, la Loi attribue aux partenaires privés le droit de concourir
à l'offre d'éducation. Ainsi, avec près de 30 % des
élèves inscrits dans le pré-primaire et le primaire pour
l'année scolaire 1998/1999, le poids et la contribution de
l'Enseignement privé au système éducatif national restent
considérables.
Les partenaires privés qui concourent à l'offre
d'éducation sont organisés en deux catégories, à
savoir : l'Enseignement privé confessionnel et l'Enseignement
privé laïc.
-L'enseignement privé confessionnel regroupe l'ensemble
des établissements scolaires, de la Maternelle au supérieur en
passant par le primaire et le secondaire qui relèvent des
différentes confessions religieuses au nombre desquels on compte :
l'Enseignement privé protestant, l'Enseignement privé catholique,
l'Enseignement privé islamique.
-L'Enseignement privé laïc désigne
l'ensemble des établissements scolaires appartenant à des
promoteurs privés non confessionnels.
Chaque type d'enseignement (privé catholique,
privé protestant, privé islamique, privé laïc) est
placé sous la responsabilité d'un Secrétariat National
(SENAT).
Si l'Enseignement privé doit de manière
générale concourir à la mise en oeuvre de la politique
éducative tel que le stipule la Loi d'orientation, chaque
catégorie ou type d'enseignement conserve sa spécificité
par rapport aux objectifs et contenus des enseignements dispensés d'une
part, et à l'organisation et la gestion internes des
établissements scolaires (recrutements, salaires des personnels etc.)
d'autre part.
Dans la mesure où l'enseignement privé
représente un poids non négligeable dans le système
éducatif national, il a toujours bénéficié des
subventions de l'Etat. Cependant, ce type d'enseignement connaît un
certain nombre de problèmes qu'on pourrait classer autour des quelques
points ci-après :
- inadéquation des infrastructures ;
- prestations insuffisantes ;
- personnel enseignant peu qualifié et excessivement
sous rémunéré ;
- gestion patriarcale et anachronique des hommes et des
biens.
La loi d'orientation de l'Education prévoit un nouveau
cadre de coopération entre les pouvoirs publics et cet important
partenaire.
Sur le plan ethnico-linguistique, le Cameroun est doté
d'une multitude d'ethnies et de langues maternelles, c'est une mosaïque de
peuples aux cultures diverses. Le pluralisme social rencontré au
Cameroun est tel qu'il est difficile de prétendre affirmer avec
exactitude, combien d'ethnies compte le pays. Toutefois ce qui est notable ici
c'est la coexistence pacifique de ces multiples groupes aux cultures et langues
différentes. C'est à ce titre que Engelbert Mveng (1985 :
69) fait l'éloge de la synergie camerounaise. Pour l'auteur, la
cohabitation entre les peuples du Cameroun est extraordinaire et constitue un
cas unique en terre africaine, «Nulle part sur notre continent on a vu
la réunification d'un pays divisé par la colonisation
réussir comme chez nous, et les barrières linguistiques (...) se
transformer en un rendez-vous où toutes les Afriques se sentent chez
elles ».
Face à cette mosaïque linguistique, l'Etat a
choisi l'anglais comme langue d'enseignement obligatoire dans les
régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et le français dans
le reste du pays. Toutefois, il existe des écoles, collèges et
lycées bilingues sur l'étendue du territoire. Quant aux
Universités, elles sont toutes bilingues.
Au regard de cette situation générale du
Cameroun et de son système éducatif, nous sommes amené
à formuler un problème de recherche qui servira de socle à
notre réflexion dans ce travail.
I.2-FORMULATION ET POSITION DU
PROBLÈME
La conception de l'éducation selon Rousseau, Kant et
John Dewey consiste à amener l'enfant à quitter progressivement
l'état naturel de barbarie, pour accéder à la culture,
à la liberté et à l'autonomie de la conscience. La
pédagogie, dans cette optique, doit susciter chez l'enfant un esprit
critique.
Pour atteindre cette finalité, l'éducation doit
mettre en oeuvre une pratique pédagogique conséquente, reposant
sur les méthodes qui visent à développer le jugement de
l'enfant. Cette méthode active par essence se définit comme la
«méthode de l'enfant pour l'enfant». En effet,
à partir des travaux de Jean Jacques Rousseau, dans son oeuvre
intitulée Emile, nous lisons déjà les
prémisses du courant révolutionnaire de l'éducation
nouvelle. Kant suivra Rousseau dans cette nouvelle vision de
l'éducation, en approfondissant l'idée de l'esprit critique et
l'autonomie de la conscience de l'apprenant. John Dewey, quant à lui,
expose de façon approfondie les modalités d'usage des
méthodes actives. A partir de là, nous nous posons la question de
savoir si les méthodes actives auraient une place dans l'enseignement de
la philosophie au Cameroun. Il s'agira d'examiner dans quelle mesure les
méthodes inspirées de l'éducation nouvelle peuvent
s'insérer dans le système d'enseignement de la philosophie dans
les établissements secondaires du Cameroun. Les questions qui se posent
sont les suivantes : la nouvelle approche pédagogique est-elle
effectivement prise en compte dans le système d'enseignement de la
philosophie au Cameroun ? Les enseignants de philosophie appliquent-ils la
nouvelle approche pédagogique, issue des méthodes actives, dans
leurs pratiques de classe ?
Dans le but de mieux appréhender cette
problématique, nous avons défini nos objectifs de la
manière suivante.
I.3- OBJECTIFS DE L'ÉTUDE
Selon LEIF (1979 :192), l'objectif est le
« but précis d'une action éducative, d'un
enseignement ». Nous préciserons ici vers quoi doit
tendre ce travail de recherche. De l'avis de John Dewey (1983 :133),
« avoir un objectif, c'est avoir l'intention de faire quelque
chose et percevoir la signification des choses à la lumière de
cette intention ». Cela suppose qu'on a une base à partir
de laquelle on peut observer, choisir et ordonner les objets et nos propres
capacités ; qu'on a une activité intentionnelle
contrôlée par la perception des faits et leur relation les unes
avec les autres ; qu'on a un plan pour sa réalisation. Nous avons
dans le cadre de cette recherche un objectif général et des
objectifs spécifiques.
I.3-1-OBJECTIF GENERAL
Il s'agira essentiellement, d'établir le statut des
méthodes actives issues des théories de Rousseau, Kant et Dewey,
dans l'enseignement de la philosophie au Cameroun. En d'autres termes, il sera
question de rechercher certains déterminants des méthodes actives
dans le système éducatif camerounais.
I.3-2-OBJECTIFS SPECIFIQUES
À partir de l'objectif général, nous
formulons trois objectifs opérationnels :
-Décrire l'intégration des méthodes
actives dans le système éducatif camerounais.
-Mettre en évidence les entraves à la mise en
place effective des méthodes actives dans l'enseignement de la
philosophie au Cameroun.
-Montrer qu'il existe des résistances à la
pratique des méthodes inspirées de l'éducation nouvelle au
Cameroun.
I.4- HYPOTHESE GENERALE
L'hypothèse générale que nous formulons
à l'amorce de ce travail de recherche est la suivante : les
méthodes actives ou plus précisément la nouvelle approche
pédagogique ou encore la méthode centrée sur
l'élève ne sont pas réellement appliquées dans le
système éducatif camerounais et particulièrement dans
l'enseignement de la philosophie dans les établissements secondaires.
Pour corroborer ou infirmer cette hypothèse, nous nous proposons de
procéder à sa vérification à travers des
entretiens, des analyses de documents et des observations directes.
I.5-INTERÊT DE L'ETUDE
Ce travail de recherche est assorti d'un intérêt
indéniable à un triple niveau :
-D'abord, le sujet qui fait l'objet de ce travail est d'une
actualité brûlante au Cameroun aujourd'hui. Les hauts responsables
du système éducatif camerounais sont très
préoccupés par cette question des méthodes actives, c'est
la raison pour laquelle le deuxième sujet de l'épreuve de
pédagogie générale au concours d'entrée à
l'Ecole Normale Supérieure de la session de juillet 2007 en sciences de
l'éducation était intitulée comme suit :
« L'expression « centré sur l'enfant »
suggère que les enfants soient respectés et encouragés
à s'impliquer dans leur propre apprentissage. Analysez, commentez et
dites comment l'enseignant doit tenir compte de ce principe qui gouverne le
processus enseignement apprentissage, dans les classes à effectifs
pléthoriques ».
-Ensuite, ce sujet relève du domaine des sciences de
l'éducation en général et de la philosophie de
l'éducation en particulier. Plus précisément, il s'agit de
recourir aux théories éducatives de l'école nouvelle
inspirées des travaux des philosophes tels que Rousseau, Kant et Dewey,
pour refonder les méthodes d'approches pédagogiques dans le
système éducatif camerounais.
-Enfin, cette étude a pour finalité d'amener les
éducateurs camerounais à intégrer effectivement dans leurs
pratiques de classe, les méthodes actives qui sont garantes de
l'autonomie de la conscience des apprenants. Le but ultime d'une telle
étude est de parvenir finalement à rompre avec les
méthodes traditionnelles et à adopter la méthode
pédagogique centrée sur l'enfant qui améliore
indubitablement de façon significative la qualité
recherchée en éducation. Pour mener à bien ce travail,
nous avons circonscrit son champ d'application de la manière
suivante.
I.6-DELIMITATION DE L'ETUDE
Délimiter une étude revient à
déterminer son cadre thématique et son cadre géographique.
Cette recherche aurait pu s'étendre au niveau national, mais compte tenu
d'un certain nombre de contraintes, nous n'avons pas eu la possibilité
de le faire. Néanmoins, la ville que nous avons choisie, capitale
politique du pays, et les établissements sélectionnés
révèlent des spécificités qui témoignent
effectivement d'une représentativité nationale.
I.6-1-AU PLAN THEMATIQUE
Le domaine des sciences de l'éducation étant
très vaste, nous nous limiterons au cadre spécifique de la
philosophie de l'éducation et plus particulièrement notre
attention se porte sur une préoccupation pédagogique, à
savoir la place qu'occupe la nouvelle approche pédagogique dans
l'enseignement de la philosophie au Cameroun.
Le sujet qui est au centre de cette étude se rapportant
à la nouvelle approche pédagogique et son application dans le
système éducatif camerounais, sera limité au cas de
l'enseignement de la philosophie dans quelques établissements
secondaires de la ville de Yaoundé au Cameroun.
I.6-2- AU PLAN SPATIO-TEMPOREL
Le travail proprement dit se limitera dans la ville de
Yaoundé où nous avons sélectionné quatre
établissements d'enseignement secondaire à savoir : le
Lycée Général Leclerc, le Collège Jean Tabi, le
Lycée bilingue d'Essos et le Collège international de la
gaîté, pour y mener des entretiens avec les élèves
de terminale et les professeurs de philosophie. Le Ministère des
enseignements secondaires a été le lieu où nous avons
rencontré les inspecteurs pédagogiques de philosophie.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'enquête de terrain en
vue de la collecte des données, il faut relever qu'elle s'est
déroulée en trois mois dans la période située entre
avril et juin 2007. Pour mener à bien notre travail de recherche, il
faut d'abord clarifier les concepts et les théories qui sont à sa
base.
CHAPITRE II : INSERTION THEORIQUE DU SUJET
Les exigences de la recherche scientifique imposent à
tout chercheur de confronter toujours son travail aux recherches
antérieures. C'est ainsi que dans le cadre de ce chapitre nous sommes
amené à élucider d'abord les concepts, à
présenter les théories explicatives et à procéder
ensuite à la revue de la littérature. Cette revue de la
littérature se présente comme le tour d'horizon des recherches
réalisées dans le domaine d'étude concerné. Ce
chapitre s'articulera autour de trois points :
- La définition des concepts
- Les théories explicatives
- La revue de la littérature
II.1-DEFINITION DES CONCEPTS
Cette étude est organisée autour d'un certain
nombre de concepts fondamentaux dont la récurrence dans le texte traduit
la place centrale qu'ils y occupent. Il s'agit donc de les définir, afin
d'en préciser le sens et le contenu dans cette étude. Au risque
de considérer toutes les notions rencontrées dans un travail,
nous n'en retiendrons que quelques-uns.
II-1-1- Système éducatif
Emile Durkheim dans le Nouveau
dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire, publié
sous la direction de Fernand Buisson (1911), définit le système
éducatif comme les «sommes de pratiques
éducatives». Dans son sens historique, le système
éducatif (ou scolaire) renvoie à une mise en système,
à la construction d'un système cohérent à partir de
noyaux éloignés, juxtaposés, voire disjoints. Dans son
acception contemporaine, il s'agit de l'ensemble des institutions qui
participent à la fonction éducative, et aussi de l'organisation
d'ensemble de l'architecture scolaire, c'est-à-dire du
déroulement général des études : cycles,
filières, orientations, etc.
II.1-2-Méthodes actives :
L'expression émerge de l'éducation nouvelle et
signifie de mettre l'enfant en activité dans l'apprentissage.
L'élève, en effet, n'est plus un vide qu'on doit combler, il
n'est plus un sujet passif qui ne se borne qu'à enregistrer, même
contre sa volonté, un flot d'informations que le maître lui
inculquerait. Les méthodes actives supposent l'activité de
l'enfant dans le processus pédagogique.
Au niveau de la pédagogie active, il est important de
réaliser que dans l'un de ses slogans « Learning by
doing », c'est l'activité mentale de l'apprenant qui est
mise en évidence ce contexte. Il s'agit donc d'une méthode
centrée sur l'enfant.
II.1-3-NAP
La NAP désigne la Nouvelle approche
pédagogique ou pédagogie par objectif. Selon Yekeye (2001), la
nouvelle approche est une orientation récente de la pédagogie,
basée sur l'expérimentation, la pensée
inférentielle et sur les activités de l'élève et du
maître. Dans la même optique, la NAP se définit comme l'une
des méthodes actives répondant aux besoins et aux
intérêts propres de l'enfant, selon les ressources du milieu,
fondées sur l'idée que l'enfant doit devenir l'artisan de son
savoir capable d'initiatives, le maître le guide
Le Guide du directeur (1999), la
définit comme une science basée sur le développement de la
pensée inférentielle chez l'enfant à travers l'acte
pédagogique. Dans le cadre de ce travail, nous la
désignons comme une méthode pédagogique moderne,
participative qui est de nature à réveiller le savoir, le
savoir-faire et le savoir-être de l'enfant pour favoriser le
savoir-devenir. L'idée qui domine cette pédagogie nouvelle est la
prise en compte de la personnalité et du développement de
l'enfant. C'est donc une pédagogie qui repose sur la connaissance
psychologique de l'enfant. Nous pouvons encore citer quelques auteurs de cette
nouvelle pédagogie : la méthode de Maria Montessori, la
pédagogie decrolyenne, les pédagogies non directives (la
méthode rogerienne, N.S. Neill et les Libres enfants de
Summerhill, les méthodes Dalton-Cousinet), l'enseignement
programmé de B.F. Skinner et les courants socioconstructivistes
récents.
II.1-4-Objectif opérationnel
Un objectif est dit opérationnel lorsque sa formulation
indique l'ensemble du processus d'enseignement/apprentissage que
l'élève devra mettre en oeuvre dans des circonstances
données pour produire une réalisation observable.
II.1-5- Pédagogie
LEIF (1974 : 200) définit la pédagogie
comme « la réflexion sur les doctrines, les
systèmes, les méthodes, les techniques d'éducation et
d'enseignement, pour en apprécier la valeur, en rechercher
l'efficacité ; pour améliorer les démarches, les
moyens élaborés en vue des fins proches ou lointaines, des buts
que se proposent l'éducation et l'enseignement. ». C'est
aussi d'après le Larousse illustré (1979 : 754)
«la science de l'éducation et de l'instruction».
II.1-6- Pensée inférentielle
Selon G. Politzer (1990), « le sujet humain
possède une capacité remarquable : celle d'élaborer,
à partir d'informations primitives sur l'état de son
environnement (présent ou hypothétique), d'autres informations
sur l'état de son environnement par des activités totalement
intériorisées. Ces activités sont qualifiées
d'inférentielles et les informations dérivées sont dites
inférées. L'activité inférentielle elle-même,
d'une part, et l'information inférée, d'autre part, sont
communément appelées inférence. »
La pensée inférentielle s'entend donc comme une
forme générale de la pensée discursive dont le
raisonnement par l'induction, la déduction, la synthétisation,
etc., sont des cas spéciaux. Elle se fonde sur un raisonnement
hypothético-déductif. On dit d'un enfant qu'il fait preuve d'une
pensée inférentielle lorsqu'il est capable de tirer des
conclusions ou des conséquences, d'induire, de déduire,
d'analyser, de faire des synthèses, à partir de certaines
données du texte proposé. Cette activité intellectuelle
consiste à établir des relations entre des faits et des
idées à émettre vérifier des hypothèses,
à découvrir des sous-entendus.
Après cette étape de clarification des concepts
employés dans ce travail, nous procéderons dans la suite à
la revue de la littérature. Nous évoquerons succinctement les
travaux qui ont été menés dans le domaine des
méthodes actives et plus précisément de la nouvelle
approche pédagogique.
II.2-REVUE DE LA LITTERATURE
Il s'agit ici de déterminer l'état des
connaissances sur la prise en compte des méthodes actives ou plus
précisément de la nouvelle approche pédagogique dans le
système d'enseignement du Cameroun. Avant de présenter
l'état de la littérature sur la question au Cameroun, il nous
revient de prime abord de parcourir les travaux qui ont été
réalisés par des auteurs majeurs dans d'autres régions du
monde sur les méthodes actives.
II.2-1- La reconnaissance de l'enfant selon
Rousseau
Des sources fiables et concordantes présentent Jean
Jacques Rousseau comme l'un des pionniers de l'éducation qui a
donné naissance aux méthodes actives. Comme le fait remarquer
Gaston Mialaret (1969 : 24), «Rousseau, qu'on s'accorde à
reconnaître comme le premier théoricien de ces conceptions, et qui
s'est développée d'abord par l'action méritoire de
pionniers isolés et courageux, puis diffusé de plus en plus
largement dans la pratique scolaire et jusque dans les attitudes familiales,
qu'on donne le nom d'éducation nouvelle. ».
Rousseau a exercé et exerce encore sur les
pédagogues et sur les philosophes une véritable fascination. Ses
idées sur l'éducation paraissent avoir un certain rapport avec
celles de Sénèque, de Montaigne ou de Locke mais elles sont, en
fait, situées dans un éclairage philosophique profondément
original. Rousseau cherche à accompagner son élève tout au
long de cet état privilégié que constitue l'état de
nature elle -même. D'où l'apparition, dans le processus
éducatif, de deux valeurs qui se révèlent encore
aujourd'hui comme « nouvelles » : le
respect de la situation d'enfance et la connaissance des caractères qui
définissent cette situation par rapport à celle de l'adulte.
Reconnaître l'enfance en tant que telle. Parlant
d'Emile, Rousseau dit qu'« il ne doit être ni bête, ni
homme, mais enfant ». On a chez Rousseau une reconnaissance de la
spécificité de l'enfance à une époque
où l'on voit encore l'enfant comme un adulte en miniature.
- Laisser mûrir l'enfance. Voir l'enfance comme le
sommeil de la raison, laisser du temps à l'enfance, voir les
activités des enfants, non comme des formes d'oisiveté, mais
comme autant de mises progressives en éveil. Laisser peu à peu
s'éveiller la raison en l'enfant, et aider à cet éveil,
l'accompagner. Idée de l'art d'éduquer comme savoir perdre son
temps. Laisser du temps à l'enfant pour qu'il réalise ses
expériences, construise des connaissances.
Rousseau (1966) sur la connaissance de l'enfant
montre qu'on ne connaît point l'enfance : sur les fausses idées
qu'on en a, plus on va, plus on s'égare. Les plus sages s'attachent
à ce qu'il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que
les enfants sont en état d'apprendre. Ils cherchent toujours l'homme
dans l'enfant, sans penser à ce qu'il est avant que d'être homme.
Voilà l'étude à laquelle je me suis le plus
appliqué, afin que, quand toute ma méthode serait
chimérique et fausse, on pût toujours profiter de mes
observations. Je puis avoir très mal vu ce qu'il faut faire ; mais je
crois avoir bien vu le sujet sur lequel on doit opérer. Commencez donc
par mieux étudier vos élèves ; car très
assurément vous ne les connaissez point.
II.2-2- Devenir homme par l'éducation
Pour Kant, tout comme pour Rousseau, l'homme est la seule
créature qui doive être éduquée. N'étant pas
dirigé par l'instinct, en effet, il doit conquérir par la culture
ce que la nature lui a refusé. Le développement simplement
naturel de l'homme ne lui permettrait pas de devenir humain. L'homme ne peut
devenir homme que par l'éducation. Il n'est que ce qu'elle le fait. Il
est à remarquer qu'il ne peut recevoir cette éducation que
d'autres hommes qui l'aient également reçue. L'éducation
est donc ce qui, à travers l'intervention d'autres hommes,
eux-mêmes éduqués, permet à l'homme de devenir
humain, de s'humaniser.
L'éducation est le moyen de ce devenir - le
médiateur dirait-on volontiers aujourd'hui. C'est l'homme qui est la
finalité de l'éducation, ce qui veut dire que celui qui
éduque agit au nom d'une certaine idée, d'une certaine image de
l'homme. C'est donc la question des valeurs qui est ici centrale. C'est en ce
sens qu'on pourrait dire qu'éduquer c'est rendre meilleur. L'homme
étant ainsi au centre de l'éducation, l'enfant qui
préoccupe l'éducateur doit pouvoir parvenir à
établir un équilibre entre l'aspiration à la
liberté et la contrainte. C'est la raison pour laquelle un des plus
grands problèmes de l'éducation est le suivant : comment unir la
soumission sous une contrainte légale avec la faculté de se
servir de sa liberté ? Car la contrainte est nécessaire : mais
comment puis-je cultiver la liberté sous la contrainte ? Je dois
habituer mon élève à tolérer une contrainte pesant
sur sa liberté, et en même temps je dois le conduire
lui-même à faire un bon usage de sa liberté. Sans cela tout
n'est que pur mécanisme et l'homme privé d'éducation ne
sait pas se servir de sa liberté.
II.2-3- Apprendre par l'action avec Dewey
Apprendre par l'action est un aspect central du pragmatisme de
Dewey. L'expérience est considérée comme le fil conducteur
de l'éducation, dans sa capacité à tisser des liens entre
le savoir et le faire, la pensée et l'action, l'esprit et le corps,
l'héritage du passé et la prospection de l'avenir. Il
conçoit l'éducation comme une reconstruction continuelle de
l'expérience.
Son deuxième principe constitutif de
l'expérience dans sa dimension éducative est celui d'interaction
: « une expérience est ce qu'elle est à cause de la
transaction qui s'établit entre un sujet et ce qui constitue
à ce moment-là son environnement ». Dewey évite
autant que faire se peut un contrôle de ce que font les enfants par
l'imposition d'une autorité extérieure. Il tend à y
substituer une forme d'autorité qui soit partie prenante des situations
de vie et d'activités. Mettre en place des situations d'apprentissages
et des activités de façon à ce que les procédures
de contrôles de ce que fait tel ou tel enfant réduise au minimum
les interventions autoritaires du maître. Ceci différencie
l'école nouvelle de l'école traditionnelle :
- Dans l'école traditionnelle, le maître fait la
discipline, celle-ci étant l'une de ses attributions ;
- dans l'école nouvelle la discipline résulte de
la participation commune au travail. Du coup, pour Dewey (1975 : 41-84),
c'est la nature du travail proposé aux élèves qui est la
source première de la discipline. Ce travail apparaît comme une
entreprise sociale à laquelle les élèves contribuent et
dont ils se sentent responsables. « Le principe pédagogique de
l'intérêt exige que les sujets eux-mêmes soient choisis en
tenant compte de l'expérience de l'enfant, de ses besoins et de ses
fonctions ; il exige encore que (au cas où l'enfant n'aperçoit ou
n'apprécie pas cette connexion) le maître lui présente les
connaissances nouvelles de manière qu'il en saisisse la portée,
en comprenne la nécessité et voie ce qui les relie à ses
besoins. C'est en amenant l'enfant à prendre conscience de
lui-même en présence d'un sujet nouveau qu'on a vraiment
réussi à rendre ce sujet intéressant et profitable. (...).
On dit souvent que la doctrine qui fonde l'éducation sur
l'intérêt substitue le caprice, l'expérience
grossière et désordonnée de l'enfant à
l'expérience exercée et mûrie de l'adulte. Ce que nous en
avons dit remet les choses au point. L'enfant possède naturellement des
intérêts dus en partie au degré de développement
qu'il a atteint, en partie aux habitudes qu'il a acquises et au milieu dans
lequel il vit. Ces intérêts sont relativement incultes, instables,
transitoires. Pourtant, ils représentent tout ce qui est important pour
l'enfant; ils sont les seules puissances auxquelles l'éducateur puisse
s'adresser; ils sont des points de départ, ce qu'il y a chez l'enfant
d'actif, d'initiateur. [...] Le véritable pédagogue est
précisément celui qui, grâce à sa science et
à son expérience, est capable de voir dans ces
intérêts non seulement des points de départ pour
l'éducation, mais des fonctions qui renferment des possibilités
et qui mènent à un but idéal. »
II.2-3- Développer le self-government
Comme Dewey, Claparède constate que dans une
société adulte qui s'est démocratisée subsiste une
école à caractère autocratique. Dans une classe, la
plupart du temps les élèves sont isolés,
séparés les uns des autres, tant mentalement que socialement. Et
ce n'est pas l'introduction d'un enseignement civique qui parviendra à
corriger les effets de ce fonctionnement anti-démocratique. Fruit d'une
série d'actions et de réactions entre les individus, le
développement du sens social implique communication, entraide,
coopération, collaboration et intérêt mutuel.
L'autorité ne se présentera plus comme quelque chose d'arbitraire
qu'on impose aux enfants de l'extérieur, mais comme un moyen de
réguler la vie collective. C'est dans cette perspective qu'il
préconise le self-government. Cette conception de
l'éducation et de l'enseignement veut prendre l'enfant pour centre des
programmes et des méthodes scolaires.
Dans cette perspective, les maîtres :
- n'auront plus pour tâche principale de transmettre des
connaissances en s'adressant à tous les élèves d'une
classe ;
- ils auront à stimuler l'intérêt des
enfants, à éveiller leur curiosité, leurs besoins moraux
et intellectuels.
C'est le psychologue genevois Edouard Claparède
qui, dès 1905, parle de « révolution
copernicienne ». Au temps de l'enseignement traditionnel,
écrit-il, le programme était au centre, et l'élève
tournait autour. Il s'agit maintenant, au temps de l'éducation
fonctionnelle, d'inverser les positions et de placer l'élève au
centre. Claparède tente de théoriser cette renverse. Il remonte
l'origine de la pédagogie qui met l'élève au centre de
l'éducation de Montaigne à Rousseau, de Comenius à
Pestalozzi un groupe d'auteurs qui militent pour la cause des enfants.
Claparède trouve chez Dewey un appui à ses
propres réflexions pour une éducation qu'il qualifie de
« fonctionnelle» : «C'est en 1911(...)
que j'ai utilisé cette expression (...) c'est celle qui prend le besoin
de l'enfant, son intérêt à atteindre un but, comme levier
de l'activité qu'on désire éveiller chez lui»,
(Houssaye p.365).
Ferrière se sert de ces expériences
pédagogiques pour appeler de tous ses voeux « une
école active » où sont en activité
« des communautés d'enfants ». Quant
à Coussinet « une méthode de travail libre par
groupe » est davantage indiquée. Tandis que chez Freinet,
c'est « l'expérience existentielle » qui
peut permettre aux enfants d'être réellement en activité,
(Houssaye, 1995 :365).
II.2-4-Montessori : aider l'enfant à faire
seul
Deux idées maîtresses traversent l'oeuvre de
Montessori (1935) : l'éducation pour la vie, et l'enfant
constructeur de l'homme : l'enfant est la partie la plus importante de la
vie de l'adulte. Il est le constructeur de l'homme. Elle montre que l'enfant
est l'ouvrier du développement de sa propre personnalité, et que
les adultes ont à aider à ce développement notamment en
aménageant son environnement matériel et social, non en vue de le
façonner mais afin de créer les conditions favorables à
l'actualisation de ses potentialités.
Héritage direct de la philosophie des Lumières,
un principe de liberté est à la base de ses pratiques
pédagogiques. Chez elle, plus encore que chez d'autres artisans de
l'éducation nouvelle, c'est l'enfant devenu le centre de
l'activité, qui apprend tout seul, libre dans le choix de ses
occupations et de ses mouvements.
Pour Montessori, c'est principalement l'activité
individuelle qui stimule et développe, mais les pratiques
socialisées, les échanges entre enfants nourrissent
l'activité individuelle et jouent un rôle important dans la
construction de soi et la socialisation.
S'agissant de la 1e période du développement de
l'enfant (0-6 ans), elle montre l'importance de l'intelligence sensible qui
favorise la découverte et l'exploration du monde. L'originalité
de cette période tient à « l'esprit absorbant de
l'enfant », cette capacité qu'il a d'assimiler les
éléments de son milieu de vie. D'où son choix de mettre
ensemble des enfants de 3 à 6 ans afin de favoriser le
développement de leur sens social et de l'aide mutuelle. « ...
les deux pivots sur lesquels gravite la pédagogie moderne : l'un est
l'étude et la formation de la personnalité (c'est-à-dire
la connaissance de l'enfant dans ses caractéristiques propres), pour le
diriger ensuite selon ses tendances reconnues ; l'autre est l'obligation de
laisser l'enfant libre. C'est la vieille question de la liberté dont
l'origine remonte, en France, à J.-J. Rousseau, son précurseur
théorique.[...] l'enfant lui-même demande à
l'adulte-serviteur d'être aidé, en lui disant : « Aide-moi
à agir seul », (Houssaye 1995:146-150).
II.2-5- Célestin Freinet et la nouvelle approche
pédagogique
C'est l'évolution conceptuelle attribuable à des
recherches contemporaines conduites dans plusieurs domaines, qui ont
transformé considérablement la représentation que nous
avions encore récemment de l'activité des enseignants, de celle
des élèves, mais aussi des objets mêmes de l'apprentissage
scolaire. S'il est indéniable que certains changements apportés
sont majeurs, cette réforme n'est pourtant pas sans laisser une vague
impression de « déjà vu ». La
rhétorique utilisée par ses plus farouches défenseurs peut
rappeler celle qu'ont utilisée les tenants de la pédagogie dite
nouvelle lorsqu'ils cherchaient à discréditer la pédagogie
traditionnelle. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît
raisonnable d'admettre que nous vivons la nouvelle phase d'une
révolution historique qui a commencé à secouer les bases
de la tradition pédagogique sans toutefois la faire s'écrouler
entièrement. Par ailleurs, cette révolution pédagogique
amorcée a véhiculé jusqu'à aujourd'hui des
conceptions et des moyens d'intervention pédagogiques dont la
pérennité serait attribuable au fait qu'ils relèvent
davantage d'un esprit, que d'une approche ancrée dans un cadre
théorique ou dans un courant pédagogique précis. Prenant
comme position de départ que la réforme actuelle des programmes
s'abreuve abondamment à la source de la pédagogie nouvelle et
qu'elle constitue dans les faits un de ses prolongements historiques, il est
intéressant de déterminer et d'analyser les points de rencontre
entre elles à partir.
II.2-5- Célestin Freinet : quelques repères
biographiques
L'expérience de l'existence l'a conduit à
réfléchir sur sa pratique et, plus largement, sur la
pédagogie même. Déjà fortement influencé par
la pédagogie nouvelle en émergence depuis la fin du
XIXe siècle et imprégné des idées de
plusieurs pédagogues s'inscrivant dans ce mouvement, Freinet se forge un
discours en rupture avec la pédagogie traditionnelle qu'il va même
jusqu'à qualifier de pédagogie de mort car, croit-il, celle-ci
tue le désir de l'élève et ne fait que du travail en
surface. Non réductible à un simple renversement de
méthode, la pédagogie de Célestin Freinet a aussi
convié les éducateurs du XXe siècle à un
véritable renversement des valeurs ainsi que des conceptions de
l'enseignement et de l'apprentissage.
II.2-6- Pédagogie nouvelle ou nouvelle
pédagogie ?
La pédagogie nouvelle n'est pas un courant
homogène puisque s'y côtoient des approches relevant de divers
courants en éducation. Il est néanmoins possible de
dégager quelques convergences :
-premièrement, toutes les écoles de
pensée s'entendent pour condamner, souvent de manière
caricaturale, parfois avec une virulence exacerbée, la pédagogie
traditionnelle ;
-deuxièmement, la pédagogie nouvelle a pour
objet de contribuer au développement moral du citoyen ;
-troisièmement, elle se caractérise par sa
centration sur l'enfant, sur ses besoins et sur son développement
personnel ; quatrièmement, la pédagogie nouvelle propose de
recourir à des méthodes qui conduisent l'enfant à
apprendre par son engagement entier dans des activités.
Les valeurs prédominantes de la pédagogie
Freinet sont la coopération, l'expression, la communication, la
démocratie et la responsabilisation. Freinet fait résolument le
choix de la coopération par opposition à une approche
compétitive qui, selon lui, a l'effet pervers de limiter le
développement des enfants puisqu'il les oblige à se priver des
ressources de l'autre. L'établissement d'un climat de coopération
dans la réalisation des activités de la classe conduit les
élèves à devenir tour à tour des ressources pour
les autres en mettant à profit leurs compétences respectives.
À travers l'idée de coopération, c'est également
celle d'interdépendance qui se dessine puisqu'en travaillant au meilleur
développement d'un compagnon de classe, c'est éventuellement
à l'amélioration de son propre développement que l'on
travaille.
Pour Freinet, l'enfant est un sujet social poussé par
le désir de s'exprimer et de communiquer. La communication et
l'expression sont, à ses yeux, des outils de libération parce
que, d'une part, la communication et l'expression sont des moyens pour
l'individu d'exprimer son unicité et d'en prendre conscience et, d'autre
part, parce que l'accent mis sur l'expression était aussi pour lui une
manière de donner une voix aux enfants issus des classes sociales
inférieures, une voix qui leur permettrait de participer activement
à la gestion de la vie communautaire et sociale plutôt que de la
subir.
Critiquant avec virulence l'éducation traditionnelle
qu'il qualifiait (un peu à la manière de Rabelais et
d'Érasme quelques siècles plus tôt) de « scolastique
», Freinet était soucieux d'instaurer un fonctionnement
démocratique et responsable dans sa gestion des affaires scolaires. Ces
valeurs s'incarnent tout entières dans le conseil de classe (conseil de
coopération). Le maître se porte garant du groupe et anime les
discussions, mais il n'est plus le seul dépositaire de
l'autorité, car le conseil en assume désormais une assez large
part. Le conseil de classe fournit un cadre de discussion et de
résolution des problèmes qui contraint les élèves
à rendre des comptes publiquement. Il permet à chacun de
participer, dans un climat de sécurité, à une partie du
processus décisionnel déterminée à l'avance et donc
de faire sa part dans la gestion du fonctionnement du groupe.
Les valeurs de coopération, de solidarité et
d'interdépendance se trouvent sollicitées dans la
compétence transversale d'ordre personnel et social «
Travailler en coopération »; l'expression et la
communication sont développées à l'intérieur de
certaines compétences; la démocratie et la responsabilisation
sont des valeurs abordées directement dans le domaine
général d'expérience de formation Vivre-ensemble et
citoyenneté ainsi que dans les compétences transversales d'ordre
personnel et social. Les valeurs mentionnées plus haut, Freinet les a
investies concrètement dans son oeuvre éducative à travers
des méthodes d'intervention novatrices : les « techniques
Freinet ».
II.2-7- La pédagogie de Freinet au regard de la
centration sur l'enfant et de l'emploi des méthodes actives
Pour Freinet, l'apprentissage n'est pas étranger
à la motivation qu'éprouvent les élèves pour une
tâche, une activité ou un projet. Cette motivation provient d'un
besoin éprouvé, besoin qui en retour fait naître le
désir. Ce désir est porteur d'une grande quantité
d'énergie personnelle que l'enfant est disposé à engager
dans des actions qui l'inciteront à tâtonner. Or, le
tâtonnement est, pour Freinet, un processus universel et « naturel
» de découverte par essais et erreurs par lequel l'enfant interagit
avec son environnement. De ces interactions, il retire des règles de
vie, soit des façons de faire adéquates, éprouvées
par la pratique, agissant en retour sur le niveau d'énergie vitale.
L'apprentissage des règles de vie et l'adaptation subséquente de
l'organisme aux contraintes de l'environnement ne sont possibles que si
l'enfant se montre perméable à son expérience ou, pour
reprendre des idées chères à Piaget, s'il assimile de
nouveaux objets de connaissance à ses schèmes existants et s'il
les modifie devant des objets ou des situations nouvelles. Pour Freinet, il est
présumé que les enfants réaliseront des apprentissages
viables s'ils s'engagent activement dans la réalisation de tâches
signifiantes et appropriées pour leur niveau de développement et
s'ils parviennent à se construire des « règles de
vie » ou compétences durables et mobilisables dans des
situations diverses. Freinet voit les enfants comme des êtres sensibles
à la vie de leur milieu et croit fermement que ces derniers
préfèrent étudier d'abord ce qui les touche de près
ainsi que ce qui a un certain écho dans leur vie quotidienne. Freinet
croit que le travail scolaire doit participer à la fonctionnalisation
des apprentissages scolaires en faisant en sorte que les élèves
s'engagent et apprennent dans le cadre d'activités débouchant sur
des finalités effectives. À cette fin, l'idée de projet
reste à privilégier. Chez Freinet, la pédagogie du projet
se présente sous plusieurs formes : le journal scolaire, l'imprimerie
à l'école, la correspondance scolaire, etc. Le projet
confère une signification aux apprentissages, car il implique de
nombreux tâtonnements, d'abord parce qu'il permet de rencontrer des fins
concrètes et, ensuite, parce qu'il prend pour point de départ les
idées ainsi que les besoins des enfants. Par la mise en marche et la
conduite du projet, on s'attend à ce que les élèves
s'approprient les savoirs et qu'ils développent graduellement les
quelques compétences nécessaires à sa réalisation.
Il est également soutenu que la multiplication des projets permet de
couvrir l'ensemble des objets d'apprentissage ou même de les
dépasser.
II.2-8-Une gestion de classe décentralisée,
dynamique et interactive
Comme nous l'avons progressivement esquissé jusqu'ici,
le rapport entre l'enseignant et les élèves se modifie dans la
pédagogie Freinet. Cette modification s'exprime tout d'abord par la
décentralisation d'une partie du processus de gestion de la vie courante
notamment par l'entremise du conseil de classe. Elle s'exprime ensuite par le
recours à une pédagogie à la fois plus active et plus
interactive. L'enseignant délaisse le modèle d'enseignement
« magistrocentré » et fait davantage appel à des
projets signifiants réalisés de manière collective. En ce
sens, la construction des compétences devient une oeuvre non seulement
individuelle, mais aussi collective, profitant de la confrontation des
idées, de l'observation et de l'initiative des pairs ou du maître.
L'adoption d'une telle forme d'enseignement n'est pas sans se répercuter
sur le climat pédagogique comme en témoigne la citation qui suit.
« Nous n'assurons plus cet ordre silencieux qui domine
l'assemblée des fidèles à l'église, et qu'une jambe
heurtant le banc, l'entrée bruyante d'un nouveau venu, ou un simple
éternuement troublent profondément. Nous aurons l'ordre de
l'usine de travail. Vous entrez dans le grand hall et vous êtes d'abord
comme étourdis par le va-et-vient des ouvriers, par le mouvement en
apparence anarchique des machines. Et pourtant, tout est si bien ordonné
dans cet ensemble» (Freinet, 1960 : 267).
Toutefois, cette pédagogie, qui compte sur une plus
grande participation et un engagement plus intense des élèves
dans le développement d'habiletés cognitives,
métacognitives et sociales ainsi que d'attitudes et de comportements
contribuant à leur apprentissage ne crée-t-elle pas un stress
certain sur la gestion de classe ou, plus particulièrement, sur la
gestion disciplinaire ? S'il faut en croire Freinet lui-même, tout
réside dans la rigueur dont les enseignants font preuve sur le plan
organisationnel. Dans L'éducation du travail (1960: 267), il
affirme que : « Dans la mesure où nous aurons organisé
le travail sans l'asservir cependant à aucune chaîne
mécanique, nous aurons résolu du même coup les
problèmes majeurs de l'ordre et de la discipline; et non pas d'un ordre
et d'une discipline formels et superficiels, qui ne se maintiennent que par un
système de sanctions prévu comme une camisole de force qui
pèse autant à celui qui subit qu'au maître qui
l'impose. »
Aux yeux des tenants de la pédagogie Freinet, ce sont
les besoins et le degré de motivation qui permettent le plus de
distinguer les élèves entre eux. Dans cet esprit,
l'efficacité d'un enseignement collectif généralisé
n'est pas sans leur apparaître tout à fait relative et tend
à renforcer l'intérêt intrinsèque de la
pédagogie du projet. Si cette manière d'envisager l'apprentissage
permet de mieux répondre aux centres d'intérêt des
élèves, elle contraint néanmoins l'enseignant à
réviser la façon dont il intervient auprès d'eux. La
flexibilité dans l'organisation du travail est de mise. Le plan de
travail est l'une des techniques mises au point par Freinet pour
contrôler l'accomplissement des tâches par les
élèves.
II.2-9-Une invitation à concevoir autrement
l'évaluation
Freinet ne tarit pas de reproches à l'endroit de la
conception traditionnelle de l'évaluation. Homogénéisante
et centrée sur le « par coeur », cette conception favorise les
forts en thème, les premiers de classe, alors qu'elle induit
insidieusement chez les moyens et les faibles un dangereux sentiment
d'infériorité. Freinet s'était attaché à
l'idée que les élèves ne subissent pas
l'évaluation, mais plutôt qu'ils y participent activement. Il
voulait que le contrôle reflète précisément leurs
progrès tout en étant le plus juste et le plus impartial
possible. La participation des élèves au processus en cautionne
l'équité tout en favorisant un retour réflexif sur les
productions rendues.
II.2-10-Une invitation à concevoir autrement le
rôle de l'enseignant
Il est souhaité que celui-ci délaisse son
statut d'expert et d'autorité et qu'il s'emploie à mettre en
oeuvre une nouvelle forme de collaboration avec les élèves. La
classe doit progressivement devenir une communauté d'apprentissage au
sein de laquelle l'enseignant est désormais invité à agir
comme accompagnateur, guide et médiateur entre l'élève et
les savoirs. Ici encore, des liens assez étroits peuvent être
tissés avec ce que Freinet souhaitait qu'il advienne du rôle des
éducateurs lors d'une autre transition historique qui, celle-là,
ne s'est jamais véritablement achevée, à savoir celle
devant mener de la pédagogie traditionnelle à la pédagogie
nouvelle. En effet, Gauthier et autres (1998) constatent que :
« L'enseignement dispensé dans la
majorité des écoles continue de présenter une couleur
générale plutôt traditionnelle à laquelle se
superposent quelques teintes innovatrices. Il y a sans doute de nombreuses
raisons à cela et peut-être, il faut l'avouer, un sorte de sagesse
dans le scepticisme et la résistance des enseignants à chambarder
complètement leurs façons de faire et à adopter, sans coup
férir, les approches pédagogiques à la mode. »
Freinet voit l'instituteur comme devant travailler à parfaire
continuellement, individuellement et coopérativement l'organisation
matérielle et la vie communautaire de son école : permettre
à chacun de se livrer à un travail-jeu répondant au
maximum à ses tendances et à ses besoins vitaux; diriger
éventuellement, aider efficacement, sans rogne ni inutiles gronderies,
les petits travailleurs en difficulté; assurer en définitive dans
son école le règne souverain et harmonieux du travail (Freinet,
1960).
II.2-11-Une invitation à concevoir autrement le
rôle de l'élève
Les développements précédents montrent
bien que dans la perspective de la pédagogie Freinet, l'engagement actif
des élèves dans un travail à leur mesure signifiant et
proche de leurs centres d'intérêt est l'une des premières
préoccupations du maître. On peut le résumer en ces
termes : l'enfant est au centre de sa propre éducation et il est le
premier responsable de la construction de ses savoirs parce que ceux-ci
relèvent directement de son activité et de ses interactions avec
la tâche à exécuter et les différents
éléments de son contexte. La pédagogie de Freinet qui
s'inscrit dans le courant de la pédagogie nouvelle et la réforme
actuelle de l'éducation ont une étroite parenté
d'esprit.
Un regard rétrospectif sur la dynamique des changements
en éducation permet d'anticiper que la transition entre «
l'ancienne » et la « nouvelle » approche rencontrera de la
résistance. Pour faciliter ce passage, il faut, bien entendu, consentir
des ressources adéquates pour la formation des enseignants, mais il
apparaît aussi nécessaire de les convaincre que tous les moyens
d'intervention qui, jusqu'à aujourd'hui, rendaient leur enseignement
efficace sur le plan des apprentissages effectués par les
élèves ne sont pas subitement tombés en
désuétude avec l'avènement de la réforme. Comme
Freinet l'avait déjà signalé, c'est davantage le point de
vue des éducateurs que les moyens d'intervention pédagogiques
qu'il faut changer, car une technique de l'école traditionnelle peut
fort bien s'intégrer à nos conceptions si elle permet et facilite
les formes de travail que nous préconisons .
II.2-12- Le système éducatif camerounais
Binyegui Fils Eric traite de la question du
système éducatif camerounais dans ses deux mémoires
intitulés :
« Problématique de la
valorisation d'une culture nationale dans les programmes scolaires officiels au
Cameroun, mémoire de D.E.A en sociologie, Université de
Yaoundé I, juillet 2004 » et «Système
éducatif et culture nationale au Cameroun, ENS-Yaoundé,
2001-2002 ». Pour l'auteur, le système éducatif
camerounais à du mal à intégrer des innovations et quand
bien même elles sont intégrées, elles restent lettre morte.
Il prend appui sur l'introduction des valeurs locales dans le système
éducatif qui est resté pendant longtemps dépendant du
système mis en place pour les besoins de la colonisation. A partir de
ses enquêtes il ressort que les élèves qui sont
engagés dans un système d'apprentissage qui tient compte de leur
environnement immédiat et de leur réalité culturelle,
s'approprient plus vite le savoir que ceux qui sont formés à
partir des réalités étrangères. La relation entre
ces travaux et notre recherche réside dans la problématique de la
résistance au changement qui est une réalité indubitable
dans le domaine de l'éducation au Cameroun. Binyegui achève ses
recherches en proposant qu'une réforme profonde du système
éducatif camerounais puisse s'opérer afin que nos
élèves se sentent davantage concernés par tous les
enseignements qu'ils reçoivent. En lui emboîtant le pas, nous
sommes amené à suggérer que la NAP soit au centre de cette
réforme. De plus, il serait intéressant d'intégrer
d'autres innovations qui voient le jour dans le domaine de l'éducation,
à savoir l'approche par les compétences et les Technologies de
l'Information et la Communication Educative. Toutes ces innovations, qui
concourraient à l'amélioration du système éducatif
camerounais, doivent être intégrées et les enseignants
doivent être recyclés pour s'adapter à ces nouvelles
approches pédagogiques.
Njoya Daouda a mené une étude intitulée
« L'impact de l'inadaptation des programmes scolaires sur le
comportement social des jeunes : Le cas des jeunes du département
du Noun de la province au Cameroun, mémoire de maîtrise en
psychologie, 1991-1992». Il s'est proposé non seulement de
saisir les mécanismes des systèmes et comportements
éducatifs dans le milieu rural, urbain et institutionnel, mais aussi de
situer ces mécanismes dans la totalité de la dynamique
socio-éducative qui les régit. Après avoir
démontré que les valeurs morales que le maître inculque aux
élèves sont en contradiction avec celles que leur présente
la société, ce qui engendre une crise d'identité, il a
interpellé la conscience collective pour une nouvelle prise de
conscience historique. Cette recherche va dans le sens de notre
problématique, dans la mesure où il est question d'adaptation du
système éducatif aux réalités non seulement de
l'environnement de l'apprenant, mais aussi des approches nouvelles.
II.2-13- L'importance de la pensée
inférentielle
Dans Les actes du séminaire
national de l'enseignement primaire, Zoue Bekoung propose des
éléments de réponse à la question de savoir
pourquoi la pensée inférrentielle est nécessaire à
l'école primaire. Il présente son exposé sous forme
d'interpellation aux différents acteurs de l'éducation pour une
application effective de cette nouvelle donne pédagogique.
Pour atteindre son objectif, l'inspecteur pédagogique
provincial part du principe selon lequel tout formateur est appelé
à la polyvalence dans l'enseignement du premier degré. Afin
d'oeuvrer en faveur d'une plus grande pratique de la pensée
inférentielle dans les classes, l'auteur propose alors qu'un tel travail
ne peut être efficace qu'après un inventaire logique et rigoureux
de ce qui est et de ce qui doit être. C'est alors qu'il est
nécessaire de présenter quelques constats montrant les lacunes
courantes des pratiques pédagogiques de nos enseignants en rapport avec
les processus discursifs et réflexifs utilisés face aux
élèves.
Pour plus de précision, on doit noter que les six
niveaux de pensée de Bloom ressurgissent dans la pensée de
l'auteur. Zoue Bekoung démontre en effet que des six niveaux de
pensée élaborés par Bloom, la vieille approche
pédagogique ne s'est contentée que d'exploiter les trois niveaux
inférieurs, c'est-à-dire la connaissance, la
compréhension et l'application. Or, la
pensée inférentielle englobe les trois autres niveaux
supérieurs que sont l'analyse, la
synthèse et l'évaluation. Ce
choix interpelle tous les enseignants, à savoir qu'au cours des
leçons, une formation complète de leurs élèves
consisterait à solliciter concomitamment tous les six niveaux de
pensée. L'objectif premier de l'enseignant reste donc d'éveiller
chez l'enfant à travers toutes les disciplines d'enseignement les six
niveaux de pensée.
Quant à Ndoumou Essomba, il a mené une
étude sur «Le développement de la pensée
inférentielle chez l'enfant de l'école primaire à travers
l'apprentissage à la lecture », à
l'Université de Yaoundé I. Il a recherché ce qui peut
contribuer au développement de la pensée inférentielle
chez l'enfant. C'est ainsi qu'il a parcouru les théories selon
lesquelles l'enseignement de la lecture, basé essentiellement sur les
questions inférentielles, peut développer la pensée
inférentielle.
II.2-14- La nouvelle approche pédagogique au
Cameroun
Zoue Bekoung soutient que l'introduction de la NAP dans le
système éducatif camerounais n'est pas le commun de tous les
enseignants sur le terrain. La mise en application efficace de cette nouvelle
approche dans nos classes n'est possible que par la multiplication des assises
à caractère pédagogique communément appelées
« journées pédagogiques».
La NAP a six caractéristiques
énumérées ainsi qu'il suit :
1-Le maître n'est pas le seul détenteur du savoir
et du savoir-faire dans une classe.
2-Le rôle de l'enseignant dans le développement
des fonctions, facultés et potentialités de l'élève
est d'aider au développement des différentes fonctions.
3- Au nom du principe d'activité dans tout processus de
formation ou d'apprentissage, donner priorité à l'activité
et à la compréhension.
4- L'enseignant est un éducateur, formateur
d'habitudes, de vertus, de qualités de l'enfant.
5- La prise en compte des besoins, réalités et
points de vue de l'enfant.
6- La préparation à l'autonomie et à la
responsabilité.
Au regard de ces caractéristiques, nous notons que la
NAP veut que l'enfant soit l'artisan de son propre savoir en participant de
manière active aux enseignements qui lui sont destinés.
Quant à l'enseignant, il n'est qu'un guide, un
facilitateur pendant le processus enseignement/apprentissage ; et non plus
celui là qui détient le monopole du savoir face aux
élèves considérés comme étant des
récepteurs passifs.
Yoke Jugnia Annie Suzanne dans son mémoire
présenté à l'Ecole Normale d'Instituteurs de
l'Enseignement général de Mfou, intitulé
« L'impact des journées pédagogiques sur
l'assimilation de la NAP par les enseignants », apporte un
début de solution au problème que nous posons dans notre travail
de recherche. L'enseignante, dans ce travail, montre que les journées
pédagogiques constituent des occasions idéales de recyclage ou de
formation continue permettant aux enseignants d'assimiler les principes de la
nouvelle approche pédagogique. Elle part de l'idée selon laquelle
la nouvelle approche pédagogique n'a pas encore pu être
assimilée par les enseignants, et propose, après une
enquête minutieusement menée auprès des acteurs, que l'Etat
mette l'accent sur les journées pédagogiques en tant que moyen de
reconversion des enseignants à la NAP. Ce travail se situe dans le
sillon de la recherche que nous avons menée, en ce sens que nous avons
cherché les raisons pour lesquelles les enseignants en
général et ceux de philosophie en particulier n'appliquent pas la
NAP dans leurs enseignements. Yoke voit le problème dans leur absence de
recyclage et suggère comme solution de renforcer et d'intensifier les
journées pédagogiques qui permettront aux inspecteurs
pédagogiques d'imprégner les enseignants à la NAP.
II.2-15- Formation continue des enseignants
Ouedraogo Innocent met un accent sur la formation continue
des enseignants dans son mémoire de Master deuxième année
en sciences de l'éducation. Selon lui la fonction de recyclage
disciplinaire est celle qui est la plus reconnue par les enseignants. Elle vise
l'exploration et l'appropriation de nouvelles approches enseignantes. Elle
concerne tous les enseignants dans la mesure où les savoirs
théoriques qui sous-tendent les différentes disciplines sont en
constante évolution. Il s'agit donc pour les praticiens de se mettre
à jour pour qu'il n'y ait pas d'hiatus entre les savoirs
enseignés et les savoirs épistémologiques. De même,
les pratiques sociales de référence évoluent et
l'apprentissage des savoirs ne saurait être
décontextualisé. Aussi, les enseignants doivent-il
réfléchir sur les savoirs-clés et sur le sens des savoirs
enseignés qui constitue une des priorités de la formation
continue de tous les enseignants.
Après cette présentation de quelques travaux de
recherche sur la problématique de la nouvelle approche
pédagogique, le recours aux théories explicatives permet de
compléter ce moment de l'étude consacré à
l'insertion théorique.
II.3-LES THEORIES EXPLICATIVES
Hotyat (1973 : 306) définit une
théorie comme « une synthèse hypothétique
couvrant l'explication d'un certain nombre de faits et s'appliquant à
faire le point de l'état d'une science». Selon Cohen
(1980 : 69), « une théorie scientifique est une
ensemble intégré d'énoncés comportant des
définitions et des relations supposées vraies et relatives
à un domaine particulier».
Le paradigme quant à lui,
désigne dans le vocabulaire de (Kuhn, 1983 : 29) «la
recherche solidement fondée sur un ou plusieurs accomplissements
scientifiques passés, accomplissements que tel groupe scientifique
considère comme suffisants pour fournir le point de départ
d'autres travaux». Ainsi, faisant référence
à des textes scientifiques classiques tels que la Physique d'Aristote,
les Principes de Newton ou la Chimie de Lavoisier, Kuhn (p.30) note que
« ces livres et bien d'autres ont longtemps servi à
définir implicitement les problèmes et les méthodes
légitimes d'un domaine de recherche pour des générations
successives de chercheurs ». Il ajoute que :
« S'ils pouvaient jouer ce rôle, c'est qu'ils avaient en
commun deux caractéristiques essentielles : leurs accomplissements
étaient suffisamment remarquables pour soustraire un groupe
cohérent d'adeptes à d'autres formes d'activité
scientifique concurrentes ; d'autre part, ils ouvraient des perspectives
suffisamment vastes pour fournir à ce nouveau groupe de chercheurs
toutes sortes de problèmes à résoudre. ».
Objet d'un relatif consensus au sein de la communauté scientifique d'une
part, point de départ d'un vaste programme de recherche d'autre part,
telles sont donc les deux principales caractéristiques de ces
« performances » que T. Kuhn
désigne comme paradigmes. C'est le paradigme descriptif que nous
utiliserons dans le cadre de cette étude.
Le paradigme descriptif nous permettra de décrire une
situation éducative, reposant sur une interaction entre l'enseignant et
l'enseigné, dans le cadre de la pratique pédagogique
inferentielle. Partant des méthodes actives inspirées de
l'éducation nouvelle, ce paradigme facilitera la vérification de
la nouvelle approche pédagogique dans l'enseignement de la philosophie
en classes de terminale.
Il s'agit d'une enquête empirique reposant sur des
données qualitatives. Notre investigation est effectuée à
partir de la théorie de l'innovation. Une innovation est un changement
délibéré. On parle parfois de changement planifié,
mais cela évoque une entière préméditation. Or,
sans être involontaires, beaucoup de changements n'apparaissent pas aussi
fortement calculés. Parlons plutôt d'un changement intentionnel,
sachant que la réalité est souvent ambiguë ou instable: les
acteurs peuvent, par exemple, décider de renforcer ou de combattre un
processus à l'origine spontané; certains changements, sans avoir
été voulus, découlent d'une action
délibérée, mais qui visait d'autres effets. Les acteurs
sociaux s'affrontent constamment à propos des changements possibles et
souhaitables. Les uns travaillent à les précipiter, les autres
à les empêcher. Ce qui arrive en fin de compte est la
résultante de la confrontation de ces stratégies contradictoires.
Cette complexité nous conduit à conclure que l'objet le plus
intéressant, ce sont les projets, les désirs, les
stratégies d'innovation des acteurs, aussi bien que leurs peurs ou leurs
résistances face aux innovations proposées par d'autres, avec les
transactions tacites ou explicites qui s'engagent à ce propos.
D'où une approche résolument constructiviste, interactionniste et
anthropologique de l'innovation.
Les acteurs qui veulent certains changements sont en
quête de savoir d'innovation (Gather Thurler, 1998). L'outil le
plus pratique est sans doute une bonne théorie des processus
d'innovation. Tentons d'en énumérer quelques
éléments :
1. L'innovation, avant d'être - éventuellement -
un changement effectif, est un changement rêvé, imaginé,
anticipé, préfiguré. Elle est donc de l'ordre des
représentations.
2. Cette représentation ne se limite pas à dire
ce qui pourrait ou devrait changer, mais s'étend aux raisons de ce
changement, aux obstacles prévisibles, aux avantages et
inconvénients présumés.
3. Proposer une innovation n'est jamais, en soi, une chose
éminemment rationnelle et allant dans le sens d'un progrès
indiscutable. Ce qui constitue un progrès ne fait pas
l'unanimité, car les raisons d'innover ou d'inciter les autres à
innover sont rarement entièrement désintéressées,
simple expression du bien public ; ce dernier, d'ailleurs, fait l'objet de
visions fort diverses.
4. De la même manière, aucune résistance
à l'innovation n'est a priori irrationnelle ou
réactionnaire. Comme les tenants de l'innovation, les résistants
ont leurs raisons, souvent réfléchies, sinon toujours
avouables.
5. L'innovation est rarement un but en soi, elle est
reliée à des visions du monde, des idéologies, des
stratégies plus vastes. Elle n'est parfois qu'un moyen pour que rien
d'essentiel ne change.
6. L'innovation en éducation concerne rarement un seul
acteur, même s'il en est l'initiateur. Lorsqu'un enseignant innove dans
sa classe, cela a des implications pour les élèves et leurs
parents, parfois - au moins indirectement - pour ses collègues ou sa
hiérarchie. Un professeur qui renonce à donner des devoirs ou des
punitions provoque, par exemple, une comparaison avec ses collègues.
7. Les acteurs concernés ont rarement le même
rapport à une innovation définie. Tout dépend de leurs
projets, de leurs attentes, de leurs compétences, de leurs peurs, des
alternatives dont ils disposent, de leurs alliances, des autres enjeux, du
calcul coûts/bénéfices qui leur est propre.
8. L'innovation fait donc en général l'objet
d'une transaction, d'un marchandage (Huberman, 1982) aboutissant
à un compromis entre plusieurs intérêts, plusieurs
systèmes de valeurs, plusieurs projets, plusieurs logiques d'action.
9. Les transactions relatives à diverses innovations
possibles, souhaitables, redoutables sont au coeur du fonctionnement des
organisations et du monde du travail. Elles renvoient constamment aux rapports
de pouvoir et au sens des activités.
10. Le sens d'une innovation est toujours, en dernière
instance, construit par chacun des acteurs, même si chacun subit des
influences et ne pense pas l'innovation tout seul.
Ces propositions, qui restent d'une grande
généralité, permettent cependant de rendre plus
intelligibles les jeux sociaux qui se jouent autour des innovations en
éducation. Si le sort d'une innovation dépend fortement du sens
que lui attribuent les acteurs, en particulier ceux auxquels on demande de
transformer leur pratique, il importe de mieux comprendre :
- comment les acteurs perçoivent, se
représentent et évaluent les innovations qui leur sont
proposées ou imposées ;
- comment ils développent de leur propre chef des
projets d'innovation pour eux-mêmes ou une partie du système dont
ils font partie.
Au-delà des contextes et des enjeux spécifiques,
deux leitmotivs émergent de la réflexion sur
l'innovation :
1. le degré de professionnalisation du métier
d'enseignant et des métiers connexes;
2. la dimension réflexive de la pratique (Schön,
1994).
Le professionnel est au contraire un des moteurs de
l'innovation. Confronté à des problèmes, il se met en
quête de solutions nouvelles, se forme, expérimente,
réfléchit sur sa pratique et ses outils de travail. Plus une
organisation fait appel à des professionnels, plus elle
décentralise les processus d'innovation et les instances de
décision, multiplie les foyers et les dynamiques, délègue
en quelque sorte l'invention du changement aux praticiens réflexifs,
Professionnaliser le métier d'enseignant et développer sa
dimension réflexive (Perrenoud, 2001) apparaît à terme plus
efficace que de multiplier les prescriptions et les incitations autoritaires au
changement. Si elle réussit, une telle stratégie facilitera
l'innovation plus sûrement que les efforts ponctuels engagés dans
chaque réforme. Tout changement des pratiques est un processus, le
résultat d'une lente construction sociale. Il ne peut être
provoqué par une simple décision politique ou administrative.
Aucun projet d'innovation, aussi séduisant soit-il, ne peut
aisément convaincre les enseignants d'abandonner des routines ayant fait
leurs preuves en faveur de pratiques qu'ils maîtrisent mal et qui ne leur
garantissent pas un fonctionnement économique et efficace.
Dans cette optique la théorie de l'innovation qui porte
sur l'introduction d'une nouvelle approche pédagogique dans un
système éducatif, fait nécessairement appel au
fonctionnalisme et au constructivisme. Il s'agit d'établir le rôle
de cette approche nouvelle et celui des acteurs dans la consolidation d'un
système d'enseignement. De la même manière que le
constructivisme se rapporte à l'ensemble des processus mentaux que les
acteurs du système éducatif en réformation mettent en
place pour s'adapter et à apporter une touche particulière
à l'approche qui leur est imposée.
Le contexte de notre recherche nous met face à trois
intervenants majeurs dans le système éducatif qui doit subir une
réforme, à savoir : les inspecteurs pédagogiques qui
initient les réformes, les enseignants qui sont appelés à
appliquer la réforme et les élèves qui sont les
bénéficiaires de la réforme.
En ce qui concerne les inspecteurs, le souci de la
réforme est motivé par deux facteurs ; d'abord le constat de
l'inefficacité et de l'improductivité du système en cours,
ensuite le souci de se conformer aux réformes éducatives que
connaissent la plupart des système éducatifs du monde afin de
s'arrimer à la modernité. Pour rendre un projet de réforme
possible, il est nécessaire de tenir compte des invariants de la
théorie de l'innovation : toute chose nouvelle, avant
d'intégrer un système, doit reposer sur la prise en
considération de la perception sociale de la réforme et des
résistances inévitables auxquelles il faut faire face.
Pour ce qui est des enseignants, en tant que maîtres
d'oeuvre de l'éducation, ils sont formés sur une certaine base
pédagogique, ils appliquent ces théories de base au quotidien et
ils en ont fait une habitude. Lorsqu'on sait que « l'habitude est
une seconde nature », on peut imaginer que l'arrivée
d'une nouvelle approche pédagogique pose un véritable
problème de réadaptation, de recyclage et d'acceptation.
Quant aux élèves, ils n'ont jamais
été consultés en ce qui concerne l'approche
pédagogique dont doit se servir le maître dans ses enseignements.
Comme il en est ainsi, ils se résignent au rôle de
réceptacles et d'observateurs du système éducatif. Leur
sentiment ou leur perception des choses c'est que tout leur est
imposé.
A partir de la théorie de l'innovation, il revient que
la réforme n'est pas un acte spontané qu'on pose mais tout un
processus qui doit se construire sur une durée plus ou moins longue
selon le degré de perception des acteurs du système. Une nouvelle
approche pédagogique fait donc appel à une préparation
psychologique du maître et à un ensemble d'activité
d'imprégnation afin de minimaliser au maximum les résistances et
les rejets. Dans le cadre de cette recherche, nous vérifierons dans
quelle mesure toutes les conditions qui entourent la mise en place d'une
réforme sont remplies. En nous référant à la
théorie de l'innovation qui suppose celles du constructivisme et du
fonctionnalisme, nous évaluerons le système éducatif
camerounais en voie de réformation, si de façon
systématique les changements ne sont pas juste des produits d'une
génération spontanée, et si tel est le cas, quelles
seraient donc les modalités pour une bonne imprégnation des
acteurs à la nouvelle approche pédagogique ? Le cadre
méthodologique permettra de poser les bases instrumentales de la
recherche des solutions à cette interrogation.
DEUXIEME PARTIE :
CADRE
METHODOLOGIQUE
CHAPITRE III : COLLECTE DES DONNÉES SUR LE
TERRAIN
De l'avis de Zumatwo Some cité par Yekeye (2001 :
19) «la méthodologie est l'ensemble des démarches,
approches, réflexions, organisations, hypothèses, susceptibles de
permettre d'atteindre un objectif pédagogique ou de recherche à
caractère scientifique ou un autre». Ce chapitre nous permet
de préciser et de définir les réflexions
méthodologiques qui serviront de support à cette recherche. Nous
mettons en relief la population visée par l'étude, l'instrument
de recherche et le traitement des données.
III.1- TYPE DE RECHERCHE
Cette étude s'inscrit dans le champ
de la recherche empirique reposant sur des données qualitatives qui,
à partir d'un guide d'entretien comme outil d'enquête, fait
ressortir non pas la quantité mais plutôt les valeurs, les
incohérences et les obstacles épistémologiques d'un
système.
III.2- CORPUS D'ANALYSE
Il s'agit de l'ensemble des programmes scolaires officiels de
philosophie, circulaires, documents écrits, sonores, iconographiques
ayant participé à la collecte des informations.
III.3-METHODES DE COLLECTE DE DONNÉES
Les informations analysées dans ce travail ont
été recueillies à partir de la combinaison de trois outils
d'investigation : l'observation directe, les entretiens et l'analyse de
contenu. Ainsi, notre travail consistera à procéder au
préalable par une observation directe, laquelle observation nous
permettra de vérifier par nous même l'effectivité ou non de
la pratique pédagogique centrée sur l'élèves dans
nos établissements secondaires. Cette observation sera suivie par des
entretiens qui nous permettrons de recueillir les avis des intervenants directs
dans la pratique pédagogique.
III.3-1- L'OBSERVATION DIRECTE
A l'origine, l'observation directe était une technique
d'investigation utilisée en anthropologie et participait à
«la mise en évidence des culture et des
« routines sociales» (Nga Ndongo 1999 : 300). Par
ailleurs, elle doit ses lettres de noblesse à Bronislav Malinowski.
Selon Nga Ndongo (1999 : 300), recourir à l'observation directe, c'est
procéder à « l'enregistrement, par notes
descriptives ou analytiques, d'actions ou d'observations perçues sur le
terrain, dans un contexte naturel ».
Concrètement, il était question au cours de la
recherche d'accorder une attention particulière à toute
activité ou entreprise, à tout fait ou événement en
rapport avec les préoccupations de l'étude. L'observation directe
repose aussi et surtout sur « la tenue d'un journal de terrain,
dans lequel on enregistre quotidiennement les données
recueillies » (Beitone et Al 2000 : 24). Ces faits ou
événements pouvant survenir dans les médias, les
établissements scolaires, les institutions et structures telles que les
services du ministère des enseignements secondaires, la vie
quotidienne etc., dans le but « d'observer en ces divers
endroits, toutes les informations utiles ainsi recueillies et toutes
choses vues et entendues, assorties de tout commentaire ou remarque
inspirés par celle-ci » (Nga Ndongo, p.30),
Autrement dit, l'observation directe procède en
priorité par les organes de sens ; en particulier la vue et
l'ouïe. Pour compléter et faciliter la compréhension et
l'exploitation des données ainsi observées, l'étude a fait
recours à l'entretien ; suivant en cela les recommandations
émises par Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt (1985 : 203) en ces
termes : « La méthode d'entretien suivie d'une analyse de
contenu est certainement la plus utilisée en parallèle avec les
méthodes d'observation.».
Au cours de notre investigation, nous avons, grâce
à des visites de classe et autres techniques, observé directement
les acteurs et intervenants dans l'application de la NAP au Cameroun. Les
entretiens ont aussi contribué à renforcer cette phase
préalable de l'enquête.
III.3-2- LES ENTRETIENS
Définissant cette technique d'enquête, Alain
Beitone et ses co-auteurs (p.25) pensent que « l'entretien est
une technique qui consiste à organiser une conversation entre
enquêté et enquêteur. Dans cet esprit, celui-ci doit
préparer un guide d'entretien, dans lequel figurent les thèmes
qui doivent être impérativement
abordés ».
A l'instar de la plupart des techniques de collectes des
données en sciences sociales, l'entretien présente diverses
formes et variantes, liées au dynamiques qui président à
son déroulement. Quelle que soit la forme retenue, les méthodes
d'entretien se caractérisent par un contact direct entre le chercheur et
ses interlocuteurs et par une faible directivité.
Au total, l'entretien permet au chercheur d'accéder
directement à l'information souhaitée. Parlant de l'information,
Quivy et Campenhoudt (p.195), précisent qu'il peut s'agir de la
perception d'un événement ou d'une situation, des
interprétations ou d'expériences énoncées par
l'enquêté.
Au cours de cette recherche, les entretiens ont fourni
l'occasion de contact direct entre le chercheur et des personnes ressources
qui, de par leur expérience, compétence ou responsabilité,
ont fourni des informations de diverse nature. Il s'agissait tout
particulièrement des responsables des services centraux du
ministère des enseignements secondaires et de responsables de quelques
établissements secondaires, des enseignants et des élèves
des classes de terminale. La collecte des données s'est appuyée
sur l'entretien centré. Ici le chercheur s'est muni d'un guide
d'entretien classique. Les détails méthodologiques se trouvent
dans l'annexe du mémoire.
Cette phase du travail a duré trois mois, entre avril
et juin 2007. Elle a conduit le chercheur à effectuer des descentes sur
le terrain dans la ville de Yaoundé. Pour atteindre nos objectifs de
recherche, après avoir recueilli les données, nous avons
procédé par l'analyse de contenu.
III.4- L'ANALYSE DE CONTENU
L'analyse de contenu est, d'après Quivy et Campenhoudt
(p. 229), «un ensemble de techniques d'analyse des communications
visant, par les procédures systématiques et objectives de
description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs
(quantitatifs ou non) permettant l'inférence de connaissances relatives
aux conditions de produit/réception (variables inférées)
des messages ».
Elle participe autant des techniques d'analyse qualitatives
que quantitatives. C'est à partir des travaux de l'américain
Harold Lasswell que l'analyse de contenu doit son émergence. Selon Quivy
et Campenhoudt, l'analyse de contenu présente trois grandes variantes;
à savoir, les analyses thématiques, les analyses formelles et les
analyses structurales. En ce qui concerne le matériau de travail
proprement dit, l'analyse de contenu, d'après ces deux auteurs, porte
sur des messages aussi variés que des oeuvres littéraires, des
articles de journaux, des documents officiels, des programmes audiovisuels, des
déclarations politiques, des rapports des réunions ou des comptes
rendus d'entretiens. Il s'agit alors de passer au crible de l'analyse en
profondeur, les termes utilisés, leur fréquence et leur mode
d'agencement, la construction du discours et son développement.
C'est ainsi que dans ce travail, les données
recueillies sur le terrain au travers des entretiens centrés sont
exploités suivant ce modèle d'analyse. Mais divers autres
documents tels que des ouvrages, des oeuvres scientifiques, des textes de lois
sont également exploités à l'aune de l'analyse de contenu.
Par souci d'objectivité et de représentativité, notre
travail a porté sur une population bien précise que nous
déterminons comme suit.
III.5-LA POPULATION DE L'ETUDE
Le terme population, dans le domaine de la recherche, englobe
les éléments, êtres animés ou inanimés,
événement, d'un groupe bien défini. C'est l'ensemble des
sujets soit homogènes, soit hétérogènes sur
lesquels le chercheur prévoit généraliser les
résultats de ses enquêtes.
Pour cette étude, la population est constituée
des élèves de terminal du Lycée Général
Leclerc, du Collège Jean Tabi, du Lycée bilingue d'Essos et du
Collège international de la gaîté, des enseignants et
inspecteurs pédagogiques de philosophie de la ville de Yaoundé.
III.5-1- LES PROFESSEURS DE PHILOSOPHIE
Tableau 1 : Récapitulatif des professeurs
interviewés
STATUT
|
SEXE
|
EXPERIENCE
|
ETABLISSEMENT
|
Prof. L.C
|
masculin
|
15 ans
|
Lycée Général Leclerc
|
Prof. L.C
|
féminin
|
1 an
|
Lycée Général Leclerc
|
Prof. L.C
|
masculin
|
13 ans
|
Lycée Général Leclerc
|
Prof. Vat.
|
masculin
|
5 ans
|
Collège de La Gaîté
|
Prof. Vat.
|
masculin
|
10 ans
|
Collège de La Gaîté
|
Prof. L.C
|
féminin
|
18 ans
|
Lycée Bilingue
|
Prof. L.C
|
féminin
|
8 ans
|
Lycée Bilingue
|
Prof. L.C
|
féminin
|
12 ans
|
Lycée Bilingue
|
Prof. L.C
|
masculin
|
7 ans
|
Collège Jean Tabi
|
Prof. L.C
|
féminin
|
16 ans
|
Collège Jean Tabi
|
Le premier entretien avec les professeurs s'est
effectué avec 3 enseignants du Lycée Général
Leclerc, qui sont crédités de 1 ans, 15 ans et 13 ans
d'expérience, se sont tous des professeurs certifiés,
Le second entretien s'est déroulé avec
2 enseignants du Collège international de la gaîté, se sont
deux professeurs vacataires qui ont 5 ans et 10 ans d'expérience.
Le troisième entretien s'est
déroulé avec 3 enseignants du Lycée bilingue d'Essos,
elles sont toutes des femmes ayant une expérience de 18 ans, 8 ans et 12
ans.
Le dernier entretien s'est déroulé
avec 2 enseignants du Collège Jean Tabi. Les deux enseignants
missionnaires ont une expérience de 7 ans et de 16 ans. Cette rencontre
avec les enseignants des établissements que nous avons
sélectionnés s'est poursuivie par les interviews des
élèves des classes de terminale de ces mêmes
établissements.
III.5-2- LES ELEVES DE TERMINALE DE LA VILLE DE
YAOUNDÉ
Tableau 2 : récapitulatif des
élèves interviewés
CLASSE
|
Nombre
|
SÉRIE
|
ETABLISSEMENT
|
Terminale A4
|
20
|
Francophone
|
Lycée Bilingue
|
Terminale A4
|
10
|
Anglophone
|
Lycée Bilingue
|
Terminale A4
|
7
|
Espagnol
|
Collège Jean Tabi
|
Terminale A4
|
8
|
Allemand
|
Collège Jean Tabi
|
Terminale C
|
2
|
Scientifique
|
Collège Jean Tabi
|
Terminale A4
|
16
|
Espagnol
|
Collège de La Gaîté
|
Terminale A4
|
10
|
Allemand
|
Collège de La Gaîté
|
Terminale C et D
|
4
|
Scientifique
|
Collège de La Gaîté
|
Terminale A4
|
18
|
Espagnol
|
Lycée Général Leclerc
|
Terminale A4
|
15
|
Allemand
|
Lycée Général Leclerc
|
Terminale D
|
10
|
Scientifique
|
Lycée Général Leclerc
|
L'entretien avec les élèves a commencé au
Lycée Bilingue d'Essos. Dans cet établissement, nous avons
regroupé les élèves selon le système
d'enseignement, puisque dans les lycées bilingues règne une
cohabitation entre deux systèmes d'enseignement, le système
francophone et le système anglophone. Ayant constitué deux
groupes de discussion, soit un groupe de 20 élèves francophones
et un groupe de 10 élèves anglophones, nous avons utilisé
le guide d'entretien pour recueillir leur avis.
Le deuxième entretien a eu lieu au Collège Jean
Tabi à Etoudi. La particularité de ce collège
réside dans le fait qu'il est missionnaire catholique. Pour soumettre
les élèves à nos questions nous avons créé
deux groupes de 15 élèves de série littéraire et de
2 élèves de la série scientifique.
Le troisième entretien s'est tenu au Collège
international de la gaîté. Cet établissement est
rentré dans notre échantillon parce qu'il regroupe en son sein
des enseignants et des élèves originaires de plusieurs
nationalités. Nous y avons scindé les élèves par
groupe de 26 en série littéraire et 4 en série
scientifique.
Le quatrième entretien s'est déroulé au
Lycée Général Leclerc avec les élèves de
terminal A4 (espagnol et Allemand), C et D. Après avoir obtenu les
autorisations des autorités de l'établissement, nous avons
demandé à constituer deux groupes d'élèves selon
les séries, ainsi nous avons fait un groupe de discussion avec 33
élèves des séries littéraires et 10 des
séries scientifiques. A partir de notre guide d'entretien, nous avons
posé des questions d'ensemble aux élèves qui
répondaient à tour de rôle dans l'ordre qui les arrangeait.
Nos entretiens ont ensuite continué au niveau du Ministère des
enseignements secondaires où se trouvent les inspecteurs
pédagogiques de philosophie.
III.5-3- LES INSPECTEURS PEDAGOGIQUES DE PHILOSOPHIE
STATUT
|
SEXE
|
AGE
|
EXPERIENCE
|
Inspecteur départemental
|
Féminin
|
42
|
3ans
|
Inspecteur provincial
|
Féminin
|
45
|
10 ans
|
Inspecteur national
|
Masculin
|
48
|
11 ans
|
Inspecteur général
|
Masculin
|
50
|
17 ans
|
Tableau 3 : Récapitulatif des
Inspecteurs pédagogiques interviewés
Pour notre premier entretien avec les inspecteurs
pédagogiques, nous avons rencontré Madame AM., âgée
de 42 ans, inspecteur départemental de philosophie qui nous a bien
accueilli et qui a répondu spontanément à toutes les
questions contenues dans notre guide d'entretien.
L'entretien avec madame N.Z, âgée de 45 ans,
inspecteur provincial de philosophie s'est déroulé dans une
atmosphère conviviale. Nous avons pu voir au delà de la ville de
Yaoundé, comment se déploie la méthode actives dans
l'enseignement de la philosophie dans les autres villes du Cameroun.
Nous sommes allé à la rencontre de monsieur N.M,
âgé de 48 ans, inspecteur national de philosophie et enseignant
à l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé. Son
expérience nationale nous a permis percevoir la portée nationale
que peut revêtir notre travail.
Notre quatrième entretien a eu lieu au Ministère
des enseignements secondaires avec monsieur G.P âgé de 50 ans,
inspecteur général de philosophie. En sa qualité de doyen
des inspecteurs et initiateur de l'approche par objectif, son témoignage
à été extrêmement important pour la
compréhension de ce qui a été déjà entrepris
par le ministères des enseignements secondaires afin d'encourager et de
faciliter l'usage des méthodes actives dans la pratique éducative
au Cameroun.
Parvenus au terme de cette phase méthodologique de
notre étude, qui a permis d'indiquer la technique, les outils de
collectes de données et la population que nous avons soumis à
l'entretien. Nous sommes amené maintenant à exposer les
résultats de la recherche.
TROISIEME PARTIE :
CADRE
OPERATOIRE
TROISIEME PARTIADRE OPERATOIRE
CHAPITRE IV : PRESENTATION DES RESULTATS
Ce chapitre porte essentiellement, ainsi que l'indique son
intitulé, sur les résultats des enquêtes et recherches
engagées aux fins d'élucider les principales
préoccupations au centre de cette étude. Il présente ainsi
et de façon détaillée, l'ensemble des résultats que
nous avons obtenus après les collectes de données. Il s'articule
autour de trois pôles : les résultats de la recherche
documentaire, en particulier l'analyse des programmes officiels de philosophie,
l'observation, et les entretiens sur le terrain.
IV.1-RESULTATS DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE
La recherche documentaire que nous avons effectuée nous
a amené à consulter divers documents écrits, notamment des
ouvrages publiés et des travaux de recherches soutenus dans des
Universités. Outre ces documents, l'étude a également eu
recours à des textes administratifs tels que des arrêtés et
des circulaires ministérielles. Les résultats de la recherche
documentaire vont nous permettre de faire ressortir l'importance et la place
qu'occupent les méthodes actives en général et la NAP en
particulier dans les programmes de philosophie en terminale.
IV.1-1 POLITIQUES EDUCATIVES ET PROGRAMMES
OFFICELS
Ayant déjà présenté plus haut
l'école camerounaise dans sa structuration et son organisation, nous
allons dès lors évoquer son mode de fonctionnement à
travers les politiques éducatives et les programmes officiels. Il s'agit
en fait de faire une présentation non exhaustive du contenu de notre
analyse.
IV.1-1-1 LES POLITIQUES EDUCATIVES
Généralement utilisée au pluriel, la
notion de politique éducative occupe une place centrale dans tout
système d'enseignement, en ce sens que ce sont les politiques
éducatives qui définissent les conditions d'existence et de
fonctionnement de celui-ci. La notion de politique éducative met en
relief les buts avoués du système éducatif. Selon le
chercheur camerounais Gilles Ntebe Bomba, (2001 : 111), les politiques
éducatives «disent ou plus exactement expriment car, elles
reposent sur beaucoup de non-dits, la façon dont une
société se pense elle-même, se veut, se projette dans
l'avenir. Elles expriment donc aussi les rapports de force dans une
société, la domination socio-économique, mais
également la domination symbolique et culturelle. »
Partant de cette approche notionnelle, il est donné de
considérer que les politiques éducatives se présentent
comme les vecteurs de la philosophie, de la vision du monde d'un peuple.
Autrement dit, la notion de politique éducative peut être
assimilée à celle d'idéologie, c'est-à-dire un
ensemble de croyances, de valeurs, de convictions et d'objectifs à
atteindre que se fixe un groupe social. En effet, ce sont les politiques
éducatives qui fixent les valeurs à transmettre aux apprenants.
De même, c'est de ces politiques éducatives que découlent
les conditions et les cadres de déroulement du processus
enseignement/apprentissage. C'est pour tous ces paramètres qu'il est
convenu de dire que les politiques éducatives sont au centre de l'action
éducative dans tout système. Elles sont à la base du
processus de conception du système et l'orientent tout au long de son
effectuation. Même au sortir du système, ce sont elles qui, au
travers des finalités qu'elles définissent, permettent
d'apprécier le résultat en fin de formation. De tout temps, les
politiques éducatives se fondent sur le modèle d'homme à
former : réalité abstraite, subtile et toujours non
observable de façon manifeste. Les politiques éducatives sont au
fondement du système éducatif et influent de tout leur pouvoir
sur la nature des institutions scolaires. En effet, le fonctionnement,
l'organisation de la nature des institutions et structures participant de
l'oeuvre éducative d'une société sont définis par
les politiques éducatives. Enfin, l'orientation des enseignements et le
contenu des programmes et manuels officiels d'enseignement émanent des
politiques éducatives.
Les politiques éducatives se matérialisent et
se manifestent, dans les sociétés modernes, par des textes de loi
et autres décisions administratives. Ces textes qui peuvent se
présenter sous diverses formes ou formules (arrêtés,
décrets, lois, circulaires, résolutions, etc.), posent et
énoncent les buts ainsi que les objectifs poursuivis par l'entreprise
éducative au sein du groupe social. C'est donc de cet ensemble de textes
que se dégage ce qu'il convient d'appeler la philosophie
éducative du groupe social. Celle-ci renseigne alors sur le
modèle d'homme à former. A ce sujet, le profil d'homme à
former au Cameroun tel qu'énoncé par les politiques
éducatives nationales préparent «un citoyen patriote,
éclairé, bilingue (Anglais-Français) maîtrisant au
moins une langue nationale, enraciné dans sa culture, mais ouvert au
monde, créatif, entreprenant, tolérant, fier de son
identité, responsable, intégré, respectueux des
idéaux de paix, de solidarité et de justice et jouissant des
savoir, savoir-faire et savoir-être» (Ntebe Bomba, 2001:18).
La loi n°98/004 du 14 avril 1998 portant orientation de
l'éducation au Cameroun se présente comme la cheville
ouvrière des politiques éducatives du Cameroun. C'est cette loi
qui fixe les grandes lignes et orientations des programmes scolaires.
IV.1-1-2 LES PROGRAMMES OFFICIELS
Les programmes scolaires sont conçus,
élaborés par les services spécialisés du pouvoir
central au ministère de l'éducation. Dans certaines
circonstances, notamment dans les pays fédérés ou dans
certaines démocraties appliquant le principe de décentralisation,
il arrive que des modifications ou des ajustements soient opérés
au niveau local de l'Etat ou de la région. Dans ce cas, il s'agit tout
simplement d'arrimer le contenu des enseignements aux réalités
immédiates des apprenants. Mais, les grandes lignes des programmes
scolaires officiels sont fixées au niveau de la sphère
décisionnelle à caractère national. Ils sont donc
élaborés par l'administration centrale et leur application est
nationale, c'est-à-dire valable pour l'ensemble du territoire. C'est ici
le lieu qui permet de comprendre la fonction idéologique de
l'institution scolaire. Il s'agit donc d'orienter les programmes scolaires dans
une perspective bien déterminée, étant entendu que les
programmes scolaires officiels sont l'expression du type de
société et traduisent par là même, le souci de
former un type d'homme particulier. Pour les pays à autorité
politique centralisée comme le Cameroun, les programmes scolaires
officiels sont du ressort du Ministère des enseignements secondaires.
Qu'il s'agisse de la conception, de l'évaluation ou encore du
réaménagement de ces programmes, c'est à cette
sphère décisionnelle que reviennent compétence et
expertise. Le Ministère des enseignements de base s'occupe des
programmes de la maternelle et du primaire.
Partant de cette grille d'analyse, les programmes scolaires
officiels peuvent être cernés comme résultat d'une
politique ou d'une philosophie bien précise, déterminée
par le contexte en termes d'époque, de priorité, de tendances
idéologico-politiques, les programmes scolaires sont alors l'expression,
la matérialité des ambitions que se fixe un système
politique en rapport avec la formation de ses membres. Mais au-delà de
ce rapport avec la sphère politique, les programmes scolaires
découlent toujours des politiques éducatives dont se dote un
groupe social. Il n'existe pas de programmes scolaires sans politiques
éducatives car un rapport étroit de subordination unit les
deux.
Le concept de programmes scolaires en lui-même renvoie
à un ensemble de disciplines et matières
considérées comme idoine à la formation de la jeunesse et
retenu comme tel pour servir de contenu d'enseignement à dispenser dans
les institutions scolaires. Autrement dit, ils contiennent l'ensemble des
contenus et des domaines d'activité humaine concourant à la
formation des individus d'une société, dans le cadre des
institutions scolaires. Il est alors important de souligner qu'il s'agit de
domaines de connaissances divers. Très souvent, l'attention est
rivée sur les disciplines scientifiques lorsqu'on évoque la
notion de disciplines scolaires. Il s'agit d'une appréhension certes
compréhensible, l'école étant le cadre de
prédilection de la science. Mais, elle ne s'y réduit pas pour
autant. En effet, des domaines d'activité sans attache
particulière avec le monde de la science sont inclus dans le concept de
programme scolaire et officiellement insérés dans les programmes
de formation. Référence est particulièrement faite ici
à la catéchèse, au travail manuel ou encore à la
conduite individuelle (discipline).
En ce qui concerne précisément le cas de
l'enseignement de la philosophie au secondaire, le programme se présente
de la manière suivante.
IV.1-1-3 L'ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
Sur le plan pédagogique, l'étude des notions
ainsi que celle des oeuvres se feront à la lumière des principes
de l'enseignement par objectifs. Dans cette perspective, chaque cours comporte
un objectif pédagogique terminal sous-tendu par des objectifs
pédagogiques intermédiaires correspondant aux différentes
séquences ou parties du cours, les quelles définissent son
contenu. La fiche pédagogique, qui est obligatoire, indique
également les auxiliaires pédagogiques à utiliser, les
activités pédagogiques et les activités d'apprentissage
à mettre en oeuvre, le questionnaire d'évaluation et le timing
prévus pour chaque séquence.
L'étude d'une notion devra se faire en tenant compte
des points suivants :
-Organisation d'activités préliminaires
conçues notamment sous forme de petites questions stimulantes et
d'explications de textes ou groupements de textes relatifs aux objectifs
visés à travers le cours et destinées entre autres
à s'assurer de l'effectivité des savoirs et savoir-faire
pré-requis. Autant que possible, les textes des traditions
philosophiques ;
-Une introduction comportant l'historique du thème et
la problématique qui en découle ;
-Une approche systématique consistant en un examen
critique de la problématique à travers un plan logique et faisant
ressortir entre autres aspects pertinents les thèses majeures et
essentielles sur la question ;
-L'étude ponctuelle et succincte de l'histoire de la
philosophie chaque fois qu'il est donné de parler d'un auteur ;
-Une évaluation finale comportant des questions
précises se rapportant aux objectifs du cours ainsi que des sujets de
réflexion et de débat s'inscrivant dans le prolongement des
problèmes abordés.
Pour l'étude des oeuvres, on tiendra compte des
étapes ci-après :
-Mise en oeuvre d'activités augurales consistant
notamment à recueillir et à analyser les attentes de lecture des
élèves ainsi que leurs réactions par rapport aux aspects
paratextuels tels que le nom même de l'auteur, la présentation
matérielle du livre, la jaquette et autres caractéristiques
apparentes ;
-Organisation d'un contrôle de lecture intervenant
après un laps de temps alloué aux élèves pour
prendre connaissance de l'oeuvre et visant à apprécier la
perception/compréhension qu'ils en ont ;
-Elaboration avec les élèves d'un plan
d'étude inspiré des étapes sus-mentionnées et
comprenant notamment :
-des données biographiques et
bibliographiques ;
-la problématique philosophique de l'auteur ;
La problématique spécifique de
l'oeuvre ;
La structure et la thématique de l'oeuvre ;
-l'explication d'extrait significatifs ;
-des exposés d'élèves ;
-l'évaluation critique de l'oeuvre.
IV.1-1-3-1 EVALUATION
L'enseignement des méthodologies de la dissertation et
du commentaire de texte philosophiques doit être mené avec
beaucoup de sérieux suivant les mêmes exigences que celles qui
président à l'étude des notions et des oeuvres. En
particulier, les étapes essentielles de chacun de ces deux exercices
devront être définies en termes d'objectifs pédagogiques
opérationnels à atteindre les uns après les autres. Le
professeur veillera à ne pas se limiter à de simples
considérations théoriques, mais accordera au contraire à
la pratique la place centrale en proposant aux élèves des
modèles concrets. L'initiation à ces exercices se fera au cours
du premier trimestre de l'année scolaire. Le professeur observera une
cadence régulière, de manière à inciter les
élèves à organiser leur travail personnel.
L'évaluation se fera par séquence, en fonction des enseignements
déjà dispensés avec, au terme, un galop d'essai devant
intervenir au plus tard dès la quatrième séquence et
épousant les caractéristiques de l'épreuve-type d'examen,
à savoir :
Pour les séries A et B :
-deux sujets de dissertation dont un sous forme de
citation,
-un sujet de commentaire de texte.
Pour les séries C, D, E :
-deux sujets de dissertation dont un sous forme de
citation,
-un exercice sur texte.
En plus de la dissertation et du commentaire de texte, les
professeurs sont tenus :
-de diversifier les exercices écrits et oraux ;
-d'initier les élèves à la lecture
philosophique par le biais d'explications préparées et
orientées, de lectures dirigées et de comptes-rendus de
lecture ;
-d'organiser des exposés qui sollicitent la culture et
l'expérience des élèves, leur revues, des émissions
radiodiffusées ou télévisées.
Enfin, des exercices de pensée logique seront
obligatoirement donnés aux élèves à raison d'une
heures au moins tous les quinze jours pour les séries A et B et d'une
heure au moins pour les séries C, D et E. Ces exercices ont pour
finalité d'entraîner progressivement les élèves
à la science du discours non- contradictoire et de les sensibiliser aux
exigences d'une pensée rigoureuse.
Ces exigences méthodologiques qui sont prescrites par
le ministère des enseignements secondaires, témoignent du souci
des autorités de moderniser le système d'enseignement du Cameroun
et de se rapprocher davantage des nouvelles méthodes
pédagogiques. Cette innovation méthodologique qui rompt avec les
pratiques pédagogiques traditionnelles, relève du besoin
d'adapter la pédagogie des écoles camerounaises à
méthodes actives. En quoi consistent exactement ces méthodes
actives ?
IV.1-1-4 LA NAP DANS LES PROGRAMMES DE PHILOSOPHIE
Michel Nguepi, inspecteur national de philosophie, soutient
l'idée selon laquelle le système éducatif Camerounais
s'est engagé depuis quelques années dans le champ de la nouvelle
orientation pédagogique à travers ce qu'on nomme ici la
pédagogie par objectifs. C'est une pédagogie qui tourne
résolument le dos à la méthode catéchétique
traditionnelle où le maître enseigne en inculquant aux apprenants
une somme de savoir qu'il détient. La nouvelle orientation
pédagogique intègre l'apport de l'élève dans la
définition des objectifs et l'orientation globale de la leçon. Il
y a ainsi une véritable révolution qui rompt avec ce que
l'inspecteur nomme une « pédagogie de la transcendance et
de la verticalité ». Cette nouvelle approche
écrit-il : «Tournant le dos résolument au monologue
et au dogmatisme comme pratiques de classe, s'articule prioritairement autour
de l'apprenant qu'il s'agit, après tout de transformer dans un sens
donné par le biais de l'enseignement dispensé (...) De spectateur
passif qu'il était, (la pédagogie par objectifs) en fait un
acteur privilégié du processus de formation»
( Ngueti, 2001 : 6).
Pour s'insérer et vivre dans un monde en
évolution rapide et permanente, il faut savoir faire preuve d'autonomie,
de capacité d'analyse et d'invention : une pédagogie active
permettant aux élèves de prendre des initiatives,
d'expérimenter, de développer leur esprit critique et leur
créativité doit être mise en place. Pour s'insérer
et vivre dans un monde complexe, aux savoirs de plus en plus
interconnectés, il faut favoriser une pédagogie basée sur
des projets collectifs, souvent interdisciplinaires. Il apparaît en
effet de plus en plus indispensable de prendre en compte les talents et les
centres d'intérêt des élèves pour leur permettre de
s'appuyer sur ce qu'ils savent déjà afin de mieux accéder
aux connaissances qui se trouvent en dehors de leur univers quotidien.
Au-delà de ce discours officiel, rien n'est fait
concrètement sur le terrain pour amener les principaux acteurs à
s'approprier ses innovations pédagogiques.
IV.1-2 LES MÉTHODES ACTIVES
Pendant plusieurs siècles, l'éducation reposait
sur le courant traditionnel, courant qui avait pour modèle
théorique, les méthodes traditionnelles. Dans le cadre de ce
courant traditionnel, «Le fait essentiel que toute initiative
appartient au maître tend à faire, du rapport pédagogique,
un rapport d'autorité. Les connaissances bénéficient de
l'autorité magistrale et, théoriquement du moins, il n' y a pas
lieu de les mettre en doute. Sur le plan moral, l'élève est
considéré comme un objet à modeler de l'extérieur.
On pourrait appeler logocentrique un tel courant, exprimant ainsi le fait qu'il
est centré sur le discours, son objet, sa structure et son
émetteur. Le premier mouvement de contestation va consister à
centrer l'acte pédagogique non plus sur le discours, mais sur
l'élève » (Gabaude, p. 15).
C'est en fait ce besoin de remettre l'élève au
coeur de l'éducation qui amena les pédagogues à initier ce
qu'il convient de nommer l'éducation nouvelle. Ce nouveau courant
révolutionnaire sera à l'origine des nouvelles méthodes ou
méthodes actives. Comment se sont constituées historiquement ces
méthodes actives ?
IV.1-2-1 CONTEXTE D'EMERGENCE
Au tournant du XXe siècle, naît
la réflexion pour une éducation nouvelle, une école
nouvelle aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis : l'intérêt
de l'enfant pour les travaux proposés à l'école devient la
condition d'une réussite immédiate et à long terme. Dewey
(1913 :51) insiste ici sur la nécessaire conjugaison de
l'intérêt et de l'effort. Quand il y a un intérêt
véritable, c'est que le moi s'identifie avec une idée ou un
objet. Si l'effort sans intérêt n'a pas de sens et
réciproquement, la difficulté réside alors dans le choix
des sujets à faire étudier aux enfants le principe
pédagogique de l'intérêt n'a pas exigé que les
sujets eux-mêmes soient choisis en tenant compte de l'expérience
de l'enfant, de ses besoins et des fonctions ». Si d'aventure
l'enfant ne perçoit pas d'emblée l'intérêt du sujet
d'étude, alors naît l'exigence que le maître lui
présente les connaissances nouvelles de manière qu'il en saisisse
la portée, en comprenne la nécessité, ce qui les relie
à ses besoins.
Tous ces pédagogues qui oeuvrent dans la
première moitié du XXe siècle veulent rompre avec la
passivité des élèves et atteindre des finalités
éducatives à travers des activités fondées sur
l'intérêt, l'enthousiasme, l'engagement consenti, l'identification
à des tâches à accomplir par un groupe
d'élèves, autorisant une appropriation plus solide des outils,
des savoirs induits par les programmes institutionnels et une éducation
à des valeurs citoyennes, telles l'autonomie et l'entraide. Les
critiques ne manquent pas et Claparède y répond «On
accuse parfois l'éducation nouvelle d'être révolutionnaire,
anarchiste, internationaliste, que sais-je encore? De vouloir miner la notion
d'autorité. Il n'en est rien...Partout il peut y avoir
intérêt à former des hommes actifs, doués d'une
forte personnalité, et prêts à se mettre au service de
l'intérêt général».
Dans cette perspective, la philosophie devient la discipline
porteuse d'une méthode qui suscite le développement du jugement
de l'élève. En effet, la principale visée de
l'enseignement de la philosophie est de former le jugement de
l'élève et de le rendre aussi exact qu'il puisse l'être et
c'est à quoi devrait tendre la plus grande partie de la formation. On se
sert de la raison comme d'un instrument pour perfectionner la raison.
De l'avis de Dominique Ottavi, on peut retrouver les signes
annonciateurs de la méthode active chez des auteurs comme Pestalozzi,
qui déclare à propos de sa méthode intuitive, que
« sa foi dans l'enfant, foi vive, activée par l'amour, est
sa certitude et sa garantie ». Toutefois, c'est Edouard
Claparède (p.225) qui incontestablement a formulé clairement pour
la première fois que le système éducatif devait graviter
autour de l'enfant. Le recours à l'autorité de
Rousseau lui donne l'occasion de faire la déclaration suivante :
« Le système éducatif gravitant autour de l'enfant,
non plus l'enfant couché bon gré malgré dans le lit de
Procuste du système, voilà la grande révolution qui fait
de Rousseau le Copernic de la pédagogie», (Claparède
p.43).
La pensée pédagogique de Claparède
n'ignore pas la dimension d'une régénération par une
éducation bien menée, mais elle s'oriente vers une réforme
de l'école. A la différence de Pestalozzi, il ne fonde pas sa
pédagogie sur une méthode dont le fondement est anthropologique
et philosophique, mais sur la connaissance psychologique de l'enfant. C'est
pourquoi l'oeuvre de Claparède comporte un double aspect,
théorique et pratique. Il associe à sa pédagogie la
psychologie expérimentale en ce qu'elle se base sur une étude du
comportement de l'enfant. De ce point de vue, ce qui distingue Claparède
de tous ces prédécesseurs, c'est le fait que Montaigne, Rousseau,
Herbart et Pestalozzi avaient bien compris l'enjeu de l'avenir et
dénoncé les limites de l'éducation traditionnelle. Mais
leurs vues manquaient de base scientifique et ignoraient la psychologie
expérimentale. Il se sent plus proche de la théorie
pédagogique de Maria Montessori, même s'il dénonce aussi
son caractère artificiel. En effet, Montessori aurait tendance,
d'après Claparède, à enfermer la spontanéité
du développement dans les exercices et un matériel immuables.
L'idée dominante dans la méthode de Claparède (p.43) est
la suivante « c'est de chaque élève que doit
finalement provenir la pédagogie qui lui convient.».
Les méthodes actives se fondent sur
l'activité de l'enfant. Ce qui revient à dire que l'orientation
pédagogique prônée ici repose sur l'éveil de
l'intérêt de l'enfant. On doit partir de lui en suscitant
l'intérêt et la motivation de ce dernier. C'est cette orientation
qui fonde ce que l'on nomme l'éducation nouvelle dont les tenants sont,
entre autres, Maria Montessori, Ovide Decroly, Célestin Freinet.
IV.1-2-2 FONCTIONALITE DES METHODES ACTIVES
Le modèle centré sur les élèves se
retrouve dans la psychopédagogie et recommande de partir de
l'élève. La théorie qui sous-tend une telle vision de
l'éducation, c'est le constructivisme, qui contrairement au
comportementalisme, repose sur l'idée selon laquelle un objet de savoir
n'est assimilable que construit par le sujet qui apprend. C'est en fait
l'apprenant qui réarticule le savoir, selon les singularités de
son génie propre et les lois communes de la psychologie
génétique, avec d'autres objets que seule son activité de
sujet met en mouvement. Sans toutefois nier l'apport majeur de la
médiation dans l'assimilation du savoir par l'élève, le
constructivisme qui alimente la pédagogie contemporaine s'appuie sur la
conviction selon laquelle en s'activant à transformer son surcroît
naturel d'agitation, l'être acquiert la capacité de se mouvoir
dans la seule intensité de sa pensée. On donnera alors la
préférence aux méthodes actives pour le temps des
apprentissages. Ils sont ainsi nombreux qui défendent la conception de
l'enseignement qui fait de l'apprenant le centre de l'action éducative.
On retrouve cette conception dans la théorie du « learning by
doing » de John Dewey. Il y a donc une nécessité
indéniable d'une activité de l'élève pour qu'on
puisse parler de l'apprentissage. Toutefois, apprendre quelque chose appelle
toujours, d'une façon ou d'une autre, la médiation d'autrui et
l'une des formes de cette médiation est de rencontrer quelqu'un qui vous
l'enseigne, cette chose.
Les méthodes actives permettent à
l'élève de se sentir concerné par l'activité de
classe dont il est le premier bénéficiaire. Il s'agit dès
lors, de présenter les méthodes qui nous ont permis de rechercher
les signes visibles de l'application des méthodes centrées sur
l'élève dans le système d'enseignement du Cameroun.
IV.1-3 CONCLUSION DE L'ANALYSE DOCUMENTAIRE
Joseph Marie Eyenga, chef de cellule d'appui à l'action
pédagogique veut rompre avec les usages coutumiers en proposant une
nouvelle approche pédagogique selon lui, il y a lieu d'entrevoir une
nouvelle approche de l'appui à l'action pédagogique.
Celle-là qui fait des inspecteurs pédagogiques les principaux
acteurs des réformes en perspective. Des réformes qui vont d'une
nouvelle dynamique de formation des formateurs et qui aboutit aux
bénéficiaires de la formation envisagée. Ce qui suppose
une franche rupture avec les usages coutumiers restés sans effet par
rapport à l'inadéquation formation-emploi relevée dans
notre système, jusqu'à l'interpellation des apprenants
eux-mêmes, confrontés aux objectifs qu'ils se fixent avec leurs
parents pour l'avenir.
Les arrêtés ministériels que nous avons
évoqués dans ce travail nous renseignent suffisamment sur la
place qui est accordée à la nouvelle approche pédagogique
dans les programmes scolaires au Cameroun. C'est depuis 1998 que les
responsables qui s'occupent des reformes pédagogiques au Cameroun ont
inscrits dans le système éducatif camerounais les
modalités de la nouvelle approche pédagogique.
Le système éducatif en lui-même a
été reformé lors des états généraux
de l'éducation de 1997 et intégré dans tous les programmes
scolaires de la maternelle jusqu'en terminale les principes de
l'éducation nouvelle ou des méthodes actives, C'est ainsi que la
NAP a été mise sur pied afin de répondre à
l'exigence de la centralisation de la pédagogie sur
l'élève. Les ouvrages que nous avons consultés au sujet
des méthodes actives, insistaient sur le fait qu'il s'agit d'une
révolution pédagogique, celle qui a consisté à
remplacer les méthodes traditionnelles par les méthodes actives.
Les auteurs de ces ouvrages démontrent que pour atteindre les fins
escomptés de l'éducation, l'activité pédagogique
doit être décentrée sur l'enseignant et centrée sur
l'apprenant. Et les raisons de la mise de l'élève au centre de
l'action éducative sont les suivantes : le développement de
l'esprit critique chez ce dernier, l'acquisition par l'apprenant de l'autonomie
de la conscience, le refus du dogmatisme et du fanatisme au profit de la
promotion de l'éveil critique.
Les travaux de recherche dont nous avons fait usages,
reviennent pour la plupart sur l'importance de la méthode active
incarnée dans le système éducatif camerounais par la NAP.
D'autres ont axé leurs travaux sur le système éducatif
camerounais qui doit être réformé au gré des
innovations pédagogiques.
IV.2-RESULTATS DES ENTRETIENS
IV.2-1-Synthèse des entretiens avec les
Inspecteurs pédagogiques
IV.2-1-1-La première question
Pouvez-vous nous dire en quoi consiste la NAP ?
L'inspecteur A.C répond à cette question
en ces termes : « La nouvelle approche pédagogique a
précisément pour objectif de rompre avec les méthodes
anciennes, c'est-à-dire que la NAP est beaucoup plus participative,
c'est l'élève qui devient le centre des préoccupations de
l'éducation, on ne focalise plus l'attention sur l'enseignant qui se
présentait comme le maître absolu, mais l'élève
devient l'acteur principal du système éducatif, donc en
réalité ». La NAP se présente
d'après l'inspecteur comme la solution que les promoteurs du
système éducatif camerounais ont adoptée afin de
résoudre les différents problèmes que posent les
méthodes traditionnelles, à savoir : l'érudition, le
dogmatisme et le manque d'ouverture d'esprit chez l'apprenant.
D'après l'inspecteur N.G, la pédagogie par
objectif qui doit remplacer dans nos classes les méthodes
traditionnelles se justifie par le fait qu'en violation des exigences de la
philosophie - qui est débat critique et non révélation
dogmatique - et des principes de la saine pédagogie - qui est
interaction plutôt qu'unilatérale - l'enseignement philosophique
dans nombre de nos classes terminales s'est malheureusement
dévoyé pour s'orienter vers une sorte de liturgie de la parole
à sens unique. Au lieu d'être, comme il se doit, les
animateurs/régulateurs d'une action collective de formation où
l'élève se voit confier une part active, de nombreux professeurs
- paradoxalement encouragés en cela par des apprenants
étonnamment complices de leurs bourreaux - se complaisent dans le
rôle en réalité peu enviable de pontifies castrateurs.
Adeptes du mandarinat et uniquement soucieux, comme des sophistes,
d'érudition et d'éloquence, ils assomment de discours magistraux
de pauvres élèves ébahis, offerts en victimes
étrangement consentantes à leur « one man
show » aussi inefficace que spectaculaire.
IV.2-1-2-La deuxième question
La NAP procède-t-elle des méthodes actives ou
participatives ?
Les avis des inspecteurs convergent vers l'idée selon
laquelle il existe une interaction entre les méthodes actives et la NAP.
L'enfant dans ce cas a la place de choix parce qu'en réalité
c'est lui qui est au centre des préoccupations, il devient donc l'acteur
et, pour mener à bien son action, il participe. Il y a donc un
échange entre l'enseignant et l'enseigné. D'après Madame
A.C « on s'est inspiré des méthodes actives pour
créer la NAP ». Ainsi, les inspecteurs
pédagogiques et les responsables du ministère des enseignements
secondaires, pour s'arrimer aux pratiques pédagogiques issues des
méthodes actives, ont introduit dans le système éducatif
camerounais, la nouvelle approche pédagogique ou l'enseignement par
objectif.
IV.2-1-3-La troisième question
Quelle place la NAP occupe-t-elle dans les programmes de
philosophie en terminale ?
La NAP d'après les inspecteurs occupe une place de
choix dans les programmes de philosophie en terminale. Cette nouvelle approche
pédagogique encourage la créativité, suscite la
curiosité, les vertus qui grandissent l'élève et lui
donnent une ouverture d'esprit. L'élève n'est plus agi, il ne
subit plus le cours, il se sent concerné, il participe.
IV.2-1-4-La quatrième question
Qu'est ce qui a motivé l'adoption de la NAP ?
Madame A.C soutient que la NAP a été
créée parce qu'on s'est rendu compte que l'ancienne
méthode était obsolète au Cameroun et elle ne parvenait
pas a de bons résultats, d'où les échecs scolaires.
L'inspecteur N.M quant à lui défend
l'idée selon laquelle l'adoption de la NAP naît du besoin de
trouver une issue salutaire aux dérives engendrées par les
méthodes traditionnelles au niveau des apprenants. Ainsi affirme t-il
que ces dérives créent chez les élèves non
seulement les obstacles pédagogiques que sont la désaffection et
la passivité vis-à-vis de la philosophie, mais aussi les
mauvaises performances tant décriées à l'occasion des
diverses évaluations. Que de fois n'a-t-on entendu des professeurs
résignés se plaindre de ces maux devenus
presqu'endémiques ? Certains poussent la désespérance
au point de confesser, toute honte bue, qu'ils en sont arrivés à
renoncer à tout effort d'intéressement de leurs
élèves à la chose philosophique, se contentant
désormais simplement de « couvrir le
programme », c'est-à-dire, en fait, de les assommer de
contenus bruts, sans leur faire acquérir le moindre savoir-faire. Comme
si le désintérêt des apprenants participait de je ne sais
quelle fatalité ! Comme si la passivité et les
piètres performances de ces derniers n'étaient pas,
précisément, des effets pervers d'une certaine manière
d'enseigner la philosophie.
Ainsi, la nouvelle approche revêt un grand
intérêt pour le professeur de philosophie, car cette approche qui,
tournant le dos au monologue et au dogmatisme comme pratique de classe,
s'articule prioritairement autour de l'apprenant qu'il s'agit, après
tout, de transformer dans un sens donné par le biais de l'enseignement
dispensé. Très proche de l'esprit qui inspirait et animait la
maïeutique socratique, la pédagogie par objectifs - puisqu'il faut
l'appeler par son nom - consacre en effet l'élève comme point de
mire du cours dans toutes ses articulations. De spectateur passif qu'il
était, elle en fait un acteur privilégié du processus de
formation.
C'est donc pour rompre avec les anciennes pratiques qui ne
tenaient pas compte de l'enfant entant préoccupation centrale de
l'action éducative que l'adoption de la NAP s'est imposée comme
une nécessité absolue.
IV.2-1-5-La cinquième question
Quel peut être l'effet de la NAP sur l'éveil des
potentialités de l'élève ?
Monsieur N.M répond à cette question en ces
termes : «Notre avis est que nous devons sortir de ce marasme
pédagogique. Moyennant une courageuse autocritique, nous le pouvons
effectivement. En tout cas, en lieu et place de cette pédagogie de la
transcendance et de la verticalité devenue coutumière dans nombre
de nos classes transformées en champs clos du monologue dogmatique, il
nous paraît urgent d'en adopter une autre grâce laquelle, tout en
couvrant normalement le programme officiel, nous aidions davantage nos
élèves à développer toutes leurs
potentialités intellectuelles. En faisant d'eux des convives actifs et
enthousiastes d'un banquet philosophique au demeurant plus appétissant
et plus digeste, parce que plus collectif et plus vivant. »
Les élèves issus d'un système
éducatif qui les met au centre de toute action éducative
expriment mieux toutes leurs potentialités. Comme aimait le dire Platon,
l'école n'est pas un dressage, il faut laisser s'exprimer
l'élèves et on verra éclore tout son génie. C'est
la même idée qu'on retrouve chez Rousseau et Kant, lorsque le
premier encourage les pédagogues à ne rien enseigner aux
élèves mais à les laisser découvrir la
vérité par eux-mêmes en les mettant dans des conditions
d'observation/apprentissage. Tandis que le second demande aux éducateurs
de ne pas porter l'enfant si on veut le voir marcher tout seul demain.
IV.2-1-6-La sixième question
Quelles sont les stratégies envisagées pour
l'imprégnation des enseignants à la NAP ?
Pour N.M, c'est essentiellement un problème de suivi
sur le terrain. Il appartient aux inspecteurs provinciaux et aux animateurs
pédagogiques d'organiser le travail sur ces nouvelles bases. Il faut
mettre fin au laxisme méthodologique qui règne dans les
établissements et qui cause des ravages au niveau des résultats
du baccalauréat. Le travail sur le terrain suppose comme
préalable la formation et l'information des enseignants. C'est la raison
pour laquelle Les cahiers du département3(*) mettent à la
disposition des enseignants, tout le matériau nécessaire à
la bonne pratique de classe dans nos établissements secondaires.
Madame A.C pour répondre à cette question
affirme ce qui suit : « concernant les stratégies,
nous mettons à la disposition des enseignants, Les cahiers du
département contenant des fiches pédagogiques. Nous organisons
des séminaires de formation et nous allons sur le terrain pour expliquer
davantage aux enseignants la nouvelle approche
pédagogique.»
Les inspecteurs provinciaux à travers les visites de
classe et la publication des Cahiers du département, font des
efforts en ce qui concerne l'imprégnation des enseignants aux nouvelles
méthodes pédagogiques. Toutefois, nous pouvons nous interroger
sur l'efficacité de cette technique des inspecteurs. On se pose la
question de savoir si la méthode choisie par les inspecteurs permet
effectivement aux enseignants d'intégrer les nouvelles approches
à leur pratique de classe. Les entretiens que nous ont accordés
les professeurs de philosophie des établissements que nous avons
choisis, nous permettront de trouver une réponse à ces
interrogations.
IV.2-2-Synthèse des entretiens avec les
professeurs de philosophie
IV.2-2-1-La première question
Qu'est-ce que la NAP d'après vous ?
Les professeurs dans leur grande majorité
répondent que la NAP est une des innovations pédagogiques qui a
été introduite dans notre système éducatif depuis
quelques années. Ils précisent même, avec quelques nuances,
que la NAP se matérialise par la pédagogie par objectifs que le
ministère de tutelle recommande à tous les professeurs dans leur
pratique quotidienne. A partir de cette réponse, nous constatons que les
enseignants sont bien informés sur cette nouvelle approche
pédagogique.
IV.2-2-2-La deuxième question
Pouvez-vous nous dire comment vous appliquez la NAP dans votre
pratique de classe ?
Le professeur N.G estime que cette méthode est sur le
terrain déjà depuis plusieurs années, mais qu'elle ne la
met pas encore en pratique parce qu'au-delà de la définition de
la NAP, elle ne sait pas très précisément en quoi
ça consiste ou encore comment on la met en pratique.
Monsieur B.O affirme qu'il connaît très bien
à quoi la NAP renvoie, mais qu'il lui est impossible de l'appliquer
à cause des effectifs pléthoriques, l'immensité du
programme de philosophie et le temps imparti à cette discipline qui ne
permet pas toujours de couvrir le programme.
Sans hésiter, monsieur T.O affirme connaître de
quoi il s'agit lorsqu'on l'interroge sur la manière dont il applique la
NAP dans sa pratique de classe. D'après le professeur, la nouvelle
approche pédagogique est bien indiquée et adaptée au
contexte de la modernité actuelle. Mais il reconnaît que c'est par
un concours de circonstances qu'il a été confronté
à la pratique de cette méthode. C'est son encadreur de stage dans
un lycée de la place qui l'a initié à cette
méthode.
Madame N.E se défend de ne pouvoir utiliser cette
méthode parce que qu'elle n'a qu'un an d'expérience et qu'il lui
faut du temps pour s'y conformer, car dit-elle «même si à
l'Ecole normale supérieure nous recevons des leçons dans ce sens,
ont ne nous apprend pas concrètement comment mettre cette méthode
en pratique dans nos activités de classe.». Ainsi, dans les
écoles normales du Cameroun, même si théoriquement la
nouvelle approche pédagogique est enseignée, il reste que dans la
pratique cela paraît encore difficile à appliquer.
IV.2-2-3-La troisième question
Existe-t-il, une incidence entre la NAP et le
développement de l'esprit critique chez l'élève ?
Parmi les enseignants que nous avons rencontrés, ceux
qui ont expérimenté la nouvelle approche dans leur pratique de
classe nous font savoir qu'ils ont observé un grand changement dans
l'éveil critique des élèves contrairement à ceux
qui subissent encore l'endoctrinement des méthodes traditionnelles. En
tant qu'enseignant de philosophie dans les classes de terminales à
Yaoundé, nous avons personnellement expérimentée la
nouvelle approche pédagogique dans nos classes et nous avons observer
que les élèves au terme d'une formation basée sur cette
approche nouvelle sont plus éveillés que ceux qui sont
formés par les méthodes traditionnelles. Donc, la plupart des
enseignants qui ont essayé cette nouvelle méthode affirment
qu'elle a un effet très positif sur le comportement des enfants.
IV.2-2-4-La quatrième question
Quelles sont les difficultés qui entravent la mise en
place effective de la NAP ?
En ce qui concerne les obstacles à la mise en place de
la NAP, les professeurs sont quasi unanimes sur les causes suivantes :
-l'absence de séminaires de recyclage
-la longueur du programme de philosophie en terminale
-le temps imparti à cette discipline très
insuffisant
D'après eux, si des conditions favorables
étaient réunies, les enseignants pourraient mieux s'approprier
cette nouvelle méthode et d'autres méthodes innovatrices.
IV.2-2-5-La cinquième question
Ressentez-vous une différence fondamentale entre la NAP
et les méthodes traditionnelles, si oui, laquelle ?
Les enseignants ayant reconnu qu'ils appliquent
déjà la NAP, affirment qu'il existe une différence
fondamentale entre la nouvelle approche pédagogique et la méthode
traditionnelle. Ils affirment que la nouvelle approche décentre
l'enseignant de son sanctuaire séculaire de magister et installe
l'élève au centre de toute activité pédagogique,
alors que la méthode traditionnelle accordait à l'enseignant tous
les pouvoirs, de conception et de diffusion du savoir. Ceux des enseignants qui
ne savaient pas encore en quoi consiste la nouvelle approche, soutiennent avoir
entendu ou lu que cette approche pédagogique nouvelle voudrait qu'on ne
dicte plus tout à l'élèves mais qu'on l'amène
à découvrir par lui-même l'objet et la finalité
d'une séquence d'enseignement/apprentissage.
IV.2-2-6-La sixième question
Les élèves interviennent-ils dans
l'élaboration et la réalisation du cours ?
A ce niveau, il n' y a que le professeur T.O qui a
répondu favorablement pour dire qu'il prend effectivement en compte les
avis des élèves afin d'orienter et de guider les débats.
En ce qui concerne les autres professeurs, ils affirment ne tenir compte des
interventions des élèves qu'à la fin de leurs cours
magistraux, exclusivement dans la phase qui permet aux élèves de
poser quelques questions. Il s'agit pour ces professeurs qui appliquent encore
la méthode traditionnelle, de concevoir dans la solitude totale leurs
leçons et de les inculquer aux élèves de façon
doctrinale. Alors que la méthode centrée sur
l'élève voudrait que la leçon soit l'émanation d'un
échange entre les élèves et le professeur.
IV.2-3-Synthèse des entretiens avec les
élèves
IV.2-3-1-La première question
Avez-vous déjà entendu parler de la
pédagogie par objectifs encore appelée NAP ?
Parmi les 120 élèves interrogés,
près de 90 % affirment ignorer la signification et les principes de
la nouvelle approche pédagogique. Seuls les élèves issus
des classes des enseignants qui appliquaient déjà cette
méthode pouvaient définir de façon évasive en quoi
consiste la NAP. Ceux qui tentaient de définir de la NAP se limitaient
au fait que c'est l'enseignement basé sur les objectifs et ignoraient la
véritable finalité de cette approche qui consiste à mettre
l'élève au centre des activités pédagogiques.
IV.2-3-2-La deuxième question
Si oui, cette méthode vous permet-elle de mieux
comprendre les cours ?
Ceux qui reçoivent des enseignements à partir de
la nouvelle approche pédagogique reconnaissent que les cours sont plus
détendus, bien animés. Grâce à cette ambiance qui
règne dans la classe, les élèves se sentent plus
concernés et affirment qu'ils comprennent de mieux en mieux le sens des
enseignements du professeur. Bien entendu, ceux qui sont sous le régime
des méthodes traditionnelles ne peuvent pas en déterminer la
différence.
IV.2-3-3-La troisième question
Pensez-vous que votre participation est effective dans
l'élaboration et la réalisation des cours ?
Les élèves du Collège international de la
gaîté répondent en choeur que leur participation est
effective, parce que, disent-ils, les professeurs leur permettent de poser
beaucoup questions pendant les cours. Mais nous notons qu'à ce niveau,
les élèves ne connaissent pas en réalité les
principes de la nouvelle approche pédagogique. Car, s'il est vrai que la
participation des élèves repose sur les échanges et les
questions-réponses avec les enseignants, elle ne se limite pas à
cela. En fait la NAP dans son essence consiste à mettre
l'élève au centre de toutes les activités de la classe,
c'est-à-dire amener les élèves à trouver par
eux-mêmes et en eux-mêmes les objectifs et les contenus des
leçons.
En ce qui concerne les élèves des autres
établissements, ils admettent qu'ils reçoivent toujours des cours
tout faits qu'ils se contentent de recopier et d'enregistrer. Cependant, les
élèves reconnaissent avoir la possibilité de poser des
questions aux enseignants.
IV.2-3-4-La quatrième question
Pensez-vous que l'enseignant de philosophie tient compte de
votre avis ou de vos suggestions pendant les cours ?
Près de 100 élèves sur 120 affirment ne
pas se reconnaître dans les enseignements des professeurs de philosophie.
Il y a le plus souvent un échange préalable entre les enseignants
et les élèves, mais le contenu de cet échange n'est pas
toujours intégré dans le cours que l'enseignant dispense, le fond
du cours n'est pas affecté par toutes les suggestions des
élèves. Les enseignants qui arrivent en salle de classe avec des
cours déjà rédigés et arrêtés,
n'admettent pas toujours qu'un élément venant des
élèves puisse s'y incruster. Les élèves
déçus pour la plupart et n'ayant aucun moyen de recours,
digèrent leur frustration et se contentent de mémoriser les
enseignements des professeurs. Toujours est-il que, de l'avis des
élèves, ce qui importe c'est d'avoir de bonnes notes et de
réussir aux examens officiels. A partir de là on constate que les
élèves dans un tel système non actif, étudient ou
mieux mémorisent leurs leçons dans le seul et unique objectif
d'accéder à un niveau supérieur, ce qui est
déplorable et même dommageable pour la formation de ces
derniers.
IV.2-3-5-Cinquième question
Les cours vous sont-ils dictés ou émanent-ils
des échanges entre l'enseignant et vous ?
Cette question qui fait suite à la
précédente a reçu une réponse unanime au regard de
ce qui a été dit plus haut. En effet, les élèves
dans leur grande majorité ont affirmé que les cours sont
dictés et que le professeur qui part de son domicile avec des
leçons toutes faites, ne les modifie jamais après les
échanges fructueux ou non avec les élèves.
IV.2-3-6-La sixième question
Existe-t-il un réel dialogue entre le professeur de
philosophie et vous ?
Les élèves ont répondu à cette
question avec enthousiasme, car la quasi-totalité des enseignants de
philosophie, disent-ils, établissent toujours le dialogue avec les
élèves lors d'une séquence d'enseignement/apprentissage.
Mais tout le problème se situe au niveau de la prise en compte ou
l'intégration des résultats de ces discussions dans les
enseignements que les élèves reçoivent. Il n'est pas
courant de voir les enseignants de philosophie modifier leurs leçons par
rapport aux suggestions des élèves.
IV.2-3-7-La septième question
Pensez-vous qu'en classe de philosophie l'élève
est mis au centre de toutes les activités pédagogiques ?
L'immense majorité des élèves
interrogés admettent qu'ils ne se sentent vraiment
intégrés dans les activités de classe que lors de la phase
de questions réponses. On comprend par là que tout est
centré sur le professeur de philosophie dans la plupart des classes de
terminale.
IV.2-3-8-La huitième question
Avez-vous des suggestions à faire à votre
professeur de philosophie par rapport à sa méthode
d'enseignement ?
Les élèves des quatre établissements
secondaires ont suggéré à leurs enseignants de philosophie
d'expliquer davantage les leçons et de prendre beaucoup plus des
exemples dans leur environnement immédiat afin de rendre les
enseignements plus accessibles. Ils ont aussi souhaité que leurs avis
soient pris en compte par les professeurs.
IV.3-RESULTAT DE L'OBSERVATION
Notre statut d'enseignant de philosophie en terminale dans les
établissements secondaires de Yaoundé, nous amène à
parler de notre expérience personnelle de pratique de classe et celle de
nos collègues que nous avons recueillis à travers plusieurs
visites de classe. D'une manière générale, nous avons
observé dans la plupart des classes de terminale que les enseignants
font la course au programme, ils s'efforcent à couvrir totalement le
programme au détriment de l'organisation des activités qui
stimulent les élèves et les amènent progressivement
à devenir maîtres d'eux-mêmes.
Ce que nous avons observé autour de nous, nous
amène à soutenir l'idée selon laquelle il existe une
véritable résistance à l'adoption de la nouvelle approche
pédagogique au Cameroun. Cette résistance est due au fait que les
enseignants n'ont pas été au préalable
préparé à accueillir cette nouvelle méthode. Les
inspecteurs pédagogiques n'ont pas permis aux acteurs de s'approprier
cette méthode et d'en faire un outil de leur pratique quotidienne.
Dans le but de faire ressortir un cas concret de pratique de
classe, nous présentons ici un modèle de fiche pédagogique
inspirée de la nouvelle approche pédagogique ou méthode
par objectif. C'est le plan du cours tel qu'il est recommandé par les
inspecteurs pédagogiques à tous les enseignants de philosophie du
secondaire au Cameroun. La manière de la mettre en oeuvre donne
l'occasion à l'élève de se sentir concerné par le
cours qui est dispensé. Il s'agit précisément du cas du
cours sur la conscience et l'inconscient qui représente le
troisième chapitre du programme de philosophie en terminale
indépendamment des séries.
Comme on peut le remarquer sur cette fiche, du début
jusqu'à la fin de la séquence, les élèves
participent à l'élaboration du contenu du cours. En pratique, il
est recommandé aux professeurs de choisir des textes illustratifs, les
faire lire par les élèves et les interroger par la suite sur le
contenu des textes, afin d'éveiller leur imagination.
Tableau 4 : un modèle de fiche
pédagogique
Titre du cours : CONSCIENCE ET
INCONSCIENT
Problématique : Qu'est-ce qui
détermine le psychisme humain
Objectif pédagogique terminal :
L'élève sera capable de définir la nature du
moi.
Durée : 8 H
Séquences
D'apprentissage
|
Objectifs
Intermédiaires
|
Contenus spécifiques
|
Supports didactiques
|
Activités
D'apprentissage
|
Activité d'enseignement
|
Évaluation
|
I
La conscience
|
L'élève sera capable de définir
l'activité consciente et d'en indiquer les modalités
|
-La conscience psychologique
-La substance pensante
-La conscience morale
-L'intentionnalité
-La mémoire
-L'extériorisation
|
Descartes : Méditations
métaphysiques
Gusdorf : Traité de l'existence morale
-Husserl -Bergson
-Sartre - Hegel
|
-lire les textes choisis
-répondre aux questions
-participer aux débats
-prendre des notes
-Faire des propositions
-Donner des exemples
|
-faire lire les textes choisis
-les expliquer
-orienter les débats
récapituler
|
La conscience est -elle un phéno
mène intérieur ?
|
II L'inconscient
|
L'élève sera capable de déterminer la place
de l'inconscient dans le comportement du sujet.
|
-Définition de l'inconscient
-La psychanalyse comme théorie et comme
thérapeutique
-La théorie freudienne de la personnalité
-La conscience illusion
|
Freud :
Introduction à la psychanalyse
Essais de psychanalyse
Durkheim : Sociologie et philosophie
Nietzsche : Le gai savoir.
La généalogie de la morale
|
IDEM
|
IDEM
|
L'inconscient est-il un mythe ?
|
III
Inconscient et liberté
|
L'élève sera capable d'établir que la
réalité de l'inconscient n'évacue pas l'activité
consciente du sujet.
du sujet.
|
Le traitement psychanalytique
-La liberté entendue comme libération, effort pour
contrôler, se libérer du joug des passions et des pulsions.
|
Sartre : L'existentialisme est un humanisme.
Alain : Eléments de philosophie
|
IDEM
|
IDEM
|
Peut on se libérer de son passé ?
|
CHAPITRE V : INTERPRETATION DES RESULTATS ET
RECOMMANDATIONS
Le présent chapitre va nous donner
l'opportunité de nous prononcer sur les résultats que nous avons
obtenus sur le terrain. Dans cette perspective, il est question pour nous de
faire ressortir les fondements de ces résultats, c'est-à-dire les
causes et les paramètres justificatifs qui permettent de cerner ces
résultats. Ce chapitre se structure en deux grands mouvements. Dans un
premier temps, la réflexion que suscitent les résultats
présentés dans le chapitre précédent est
exprimée. Dans un second temps, nous faisons des suggestions et des
recommandations.
V.1- INTERPRETATION DES RESULTATS
Il s'agit à présent, dans cette partie du travail,
de donner un sens et une signification aux résultats
présentés dans le chapitre précédent. Il est
question plus précisément de mettre en relief les facteurs
déterminants des résultats trouvés au cours des recherches
et présentés précédemment.
V.1-1- LA PERCEPTION DES ENSEIGNANTS
Nous avons remarqué que certains enseignants de
philosophie du secondaire à Yaoundé ignorent encore en quoi
consiste la NAP, tandis que d'autres développent des résistances
face à la nouvelle approche pédagogique pour plusieurs
raisons :
-Les effectifs pléthoriques
-Le temps imparti au cours de philosophie, insuffisant
-L'immensité du programme
-L'absence de recyclage sur les nouvelles méthodes
Ainsi, nous pouvons, au regard de ces griefs, affirmer que les
enseignants n'ont pas une perception favorable à la nouvelle approche
pédagogique.
V.1-2- LA PERCEPTION DES INSPECTEURS
PÉDAGOGIQUES
Du côté des inspecteurs, puisque la nouvelle
approche est inscrite dans les programmes scolaires depuis quelques
années, il revient aux enseignants de s'en approprier pour la mettre en
pratique dans les classes. Lorsqu'on leur fait part des raisons
qu'évoquent les enseignants pour justifier leur démotivation, ils
accusent l'esprit de facilité et de paresse qui caractérisent ces
derniers, mais ils reconnaissent aussi que le gouvernement ne met pas assez de
moyens à leur disposition pour encadrer les enseignants et les
imprégner aux nouvelles méthodes.
V.1-3- LA PERCEPTION DES ELEVES
Nombreux sont les élèves qui ignorent en
réalité le type de méthode dont se servent leurs
enseignants pour leur transmettre des connaissances. Cela est paradoxal parce
que, dans les programmes scolaires, il est indiqué que les enseignants
doivent d'abord définir la méthode et bien expliquer aux
élèves en quoi consiste la nouvelle approche, du moment où
il s'agit de la méthode qui met ce dernier au centre de ses
préoccupations. Les élèves sont presque tous
étrangers aux innovations pédagogiques qui interviennent dans le
système éducatif camerounais. C'est au regard de toutes ces
raisons évoquées plus haut que nous formulons quelques
suggestions afin de contribuer à l'amélioration de la
situation.
V.2-RECOMMADATIONS
Afin de résoudre ses problèmes majeurs qui
empêchent la mise en application des méthodes actives dans
l'enseignement de la philosophie au Cameroun, nous suggérons le
renforcement des activités suivantes :
1-Le recyclage
Il consiste à organiser des rencontres permanentes
entre les inspecteurs et les professeurs de philosophie. Au cours de ces
rencontres, les inspecteurs ont la lourde mission d'imprégner les
enseignants aux nouvelles approches pédagogiques. Il incombe aux
inspecteurs pédagogiques d'organiser plusieurs séminaires de
recyclage à l'intention des enseignants.
2-L'animation pédagogique
Les professeurs de philosophie d'un même
établissement forment un groupe de discipline. Au sein de ce groupe, ils
pourraient aborder les questions relatives à l'enseignement de leur
discipline et discuter entre eux des innovations pédagogiques. Au cours
de ces rencontres, l'animateur pédagogique qui est le plus ancien et le
plus gradé des enseignants de la même discipline, partage son
expérience de terrain avec ses collègues.
3-Le conseil
d'établissement
Un peu plus large que le groupe de discipline, il regroupe les
enseignants de philosophie et l'administration de l'établissement. Il
donne l'occasion de discuter de l'enseignement de la philosophie. Il permet aux
professeurs de solliciter au niveau des responsables, les auxiliaires
pédagogiques nécessaires au bon accomplissement de leur
mission.
4-Les journées
pédagogiques
Elles sont animées par les inspecteurs
pédagogiques provinciaux. Autour des inspecteurs, des animateurs
pédagogiques et des professeurs de philosophie de plusieurs
localités voisines se retrouvent pour des séances pratiques
d'imprégnations aux nouvelles méthodes.
5-L'autoformation
L'autoformation donne l'occasion aux enseignants de faire des
recherches personnelles dans les centres de documentation et sur Internet. Les
Nouvelles Technologies de l'Information et la Communication permettent ainsi
aux professeurs de pouvoir se former sans l'aide de formateur.
6-Les visites de classe
Elles permettent aux inspecteurs pédagogiques de
vérifier l'effectivité de l'application des nouvelles
méthodes pédagogiques par les professeurs dans leurs pratiques de
classe.
Pour des raisons diverses, notamment de contraintes
financières et d'organisation, le dispositif est réduit quasiment
aujourd'hui aux seules visites de classes. Or, les visites de classes suscitent
de nombreuses interrogations et sont au coeur de bien de controverses. En
effet, les opinions sont partagées si elles ne sont pas divergentes sur
leurs enjeux.
Nombreux sont les enseignants qui pensent que les visites de
classe ne leur apportent pas l'aide pédagogique attendue. Or pour
l'institution et pour le personnel d'encadrement, les visites de classes sont
prévues pour aider les enseignants à améliorer leurs
connaissances et leurs compétences professionnelles.
7- Au Ministère de tutelle
Le ministère des enseignements secondaires doit revoir
le temps allouer au cours de philosophie, revoir le programme et veiller
à la réduction des effectifs dans les classes d'examen. Il doit
mettre des moyens à la disposition des inspecteurs pédagogiques
afin qu'ils accomplissent efficacement leurs missions.
Au delà de ces cadres formels qui peuvent aider les
enseignants à s'imprégner des principes de la nouvelle approche
pédagogique, un travail de fond doit être fait pour les amener
à s'approprier cette innovation. Etant entendu que le problème au
Cameroun vient du fait que cette innovation est imposée aux
professionnels de l'éducation, par une simple décision politique
ou administrative, pour en sortir, il serait judicieux que l'instauration d'une
nouvelle méthode pédagogique soit le résultat d'une lente
construction psychosociale. Il s'agit de susciter l'intérêt, la
motivation et l'engagement consenti des enseignants.
En se conformant aux principes de la théorie de
l'innovation, la nécessité s'impose d'encourager la dimension
réflexive et de décentraliser les processus et instances de
décisions. Dans le même sens, il est question de
déléguer l'invention du changement aux praticiens, de faire appel
au fonctionnalisme et au constructivisme entant que paradigmes qui permettent
de déterminer le rôle des acteurs dans un système, d'une
part et de recourir aux processus mentaux que les acteurs de ce système
mettent en place pour s'adapter et apporter une touche particulière
à la nouvelle approche, d'autre part.
CONCLUSION GENERALE
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre recherche qui s'articulait autour de la
question de savoir si les professeurs de philosophie dans les
établissements secondaires de Yaoundé au Cameroun
intègrent effectivement les méthodes actives ou la nouvelle
approche pédagogique dans les pratiques de classe, avec les entretiens
et les observations directes et l'analyse de contenus, et compte tenu des
résultats auxquels nous sommes parvenus, il ressort les informations
suivantes.
Premièrement, bien que les méthodes actives et
la nouvelle approche pédagogique soient bien présentes dans les
programmes de philosophie en terminale, il ne fait aucun doute que les
professeurs de philosophie n'appliquent pas ces méthodes actives dans
leurs pratiques de classe.
Deuxièmement, les professeurs évoquent plusieurs
problèmes qui les empêchent de se servir de la nouvelle approche
dans leurs classes.
Du point de vue des inspecteurs pédagogiques, les
programmes de philosophie dans les établissements secondaires du
Cameroun répondent aux principes fondamentaux des méthodes
actives. D'après ces derniers, l'instauration de la NAP ou
pédagogie par objectifs dans les programmes scolaires témoigne du
souci d'adaptation du système éducatif camerounais aux nouvelles
approches en éducation. Ils reconnaissent toutefois que les enseignants
ne mettent pas en applications cette innovation dans leurs pratiques
quotidiennes, pour deux raisons essentielles à savoir, la
résistance des professeurs au changement de méthodes et le manque
de moyens pouvant permettre d'organiser régulièrement des
séminaires de recyclage.
Les élèves qui devraient être les
principaux destinataires et bénéficiaires des innovations
pédagogiques sont réduits au statut de simples spectateurs devant
le spectacle quotidien que leur offrent les enseignants. Ils ignorent dans leur
grande majorité de quoi il s'agit lorsqu'on fait allusion à la
NAP, au point d'ignorer la différence fondamentale qui existe entre la
nouvelle approche et la vieille approche pédagogique.
Les enquêtes menées auprès de quelques
intervenants dans l'action pédagogique et l'analyse du contenu
documentaire, nous ont permis de nous rendre à l'évidence que la
pédagogie employée par les enseignants de philosophie dans les
établissements secondaires du Cameroun ne permet pas de
développer l'esprit critique chez les apprenants. Les enseignants font
au quotidien la course au programme, c'est-à-dire qu'il vivent en
permanence l'angoisse de la couverture totale des programmes, tandis que les
élèves ne recherchent tout simplement qu'à
mémoriser les leçons pour les ressasser lors des examens
officiels afin d'obtenir les diplômes. Il s'agit de tout faire et de
faire tout pour obtenir un résultat pouvant leur donner accès
à la classe supérieure.
C'est fort de ce constat que nous avons fait quelques
recommandations aux décideurs qui ont la charge du système
éducatif camerounais en général et des programmes de
philosophie en particulier.
Au-delà des efforts qui doivent être fournis pour
qu'en fin la NAP soit effective dans les pratiques de classe des enseignants de
philosophie, l'école camerounaise est appelée à faire face
à d'autres innovations pédagogiques. Nous pouvons citer
l'approche pédagogique par les compétences et l'utilisation des
nouvelles technologies de l'information et la communication dans le domaine de
l'éducation. La technologie de l'éducation ou TICE constitue
selon Mialaret (1979 : 431) : « une façon de
concevoir, d'appliquer et d'évaluer l'ensemble du processus de
l'instruction en termes d'objectifs précis, fondés sur la
recherche en matière d'instruction et de communication humaines, qui
utilise un ensemble de moyens humains et non humains destinés à
donner une éducation plus efficace ».
BIBL
BIBLIOGRAPHIE
IOGRAPHIE
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Le nouveau dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire.
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Encyclopédie historique, Paris, Hachette LIVRE.
-LAROUSSE ILLUSTRÉ, (1976) Librairie
Larousse, Paris.
IV-TEXTES DE LOIS
-Loi n°98/004 du 14 avril 1998 portant orientation de
l'éducation au Cameroun.
-Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision
de la constitution du 02 juin 1972.
-Décret présidentiel n° 2001/041, 19
février 2001
-Décret N°2002/216 du Président de la
République, en date du 21 Août 2002.
V- SITOGRAPHIE
www.viepedagogique.gouv.qc.ca
www.iris-france.ca
www.viepedagogique.gouv.qc.ca
www.cafepedagoqique.net
ANNEXES
ATTESTATION DE RECHERCHE
Monsieur HAMENI Blaise, étudiant au Master II
recherche à distance francophone en sciences de l'éducation de
l'Université de Rouen, doit effectuer une collecte de données sur
le terrain dans le cadre de ses travaux de recherche. Ceux-ci sont
encadrés par les professeurs Michel FABRE et France JUTRAS. Les
résultats de ces travaux seront consignés dans le mémoire
de Master que présentera monsieur HAMENI en octobre prochain à
l'Université de Rouen.
Pour mener à terme ses travaux de recherche, monsieur
HAMENI a besoin de conduire des entretiens avec plusieurs personnes du monde de
l'éducation au Cameroun dans les ministères et dans les
établissements scolaires. Il est au courant des normes éthiques
qui régissent la recherche, c'est-à-dire le fait de
préserver la confidentialité des personnes qui auront
accepté de répondre à un entretien en utilisant un
pseudonyme dans la rédaction pour faire en sorte que rien ne permette de
les reconnaître.
De plus, il ne fera que le nombre d'entretiens
nécessaires à l'atteinte de ses objectifs de recherche. Ainsi,
toutes les données qu'il aura recueillies seront analysées. Les
résultats de son étude pourront apporter une meilleure
connaissance de la situation de l'éducation au Cameroun.
Pour tout renseignement supplémentaire, vous pouvez me
contacter :
France Jutras PhD, professeure titulaire
Faculté d'éducation Université de
Sherbrooke
Sherbrooke, Qc Canada J1K 2R1
France.Jutras@USherbrooke.ca
Mes salutations cordiales,
France Jutras
METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
v Cadre général de la
recherche :
- Ministère des enseignements secondaires,
- Centre d'appui à l'action pédagogique,
- Lycée général Leclerc,
- Lycée bilingue d'application,
- Collège international de la gaîté
- Collège Jean Tabi
v Technique de collecte des
données
- Observation direct
- Entretiens
- Groupe de discussions orientées
v Outils de collecte des
données :
Ø Un guide d'entretien
Ø Un dictaphone :
v Population
-Les inspecteurs pédagogiques
-Les professeurs de philosophie
-Les élèves de terminale
v Échantillonnage
Ø 4 inspecteurs pédagogiques,
Ø 10 professeurs de philosophie,
Ø 120 élèves de terminale.
GUIDE D'ENTRETIEN
I- Les Inspecteurs pédagogiques de
philosophie
1-Pouvez-vous nous dire en quoi consiste la NAP ?
2-La NAP procède t-elle des méthodes actives ou
participatives ?
3-Quelle place la NAP occupe t-elle dans les programmes de
philosophie en terminale ?
4-Qu'est ce qui a motivé l'adoption de la NAP ?
5- Quel peut être l'effet de la NAP sur l'éveille
critique de l'élève ?
6- Quelles sont les stratégies envisagées pour
l'imprégnation des enseignants à la NAP ?
II -Les enseignants de philosophie
7-Qu'est-ce que la NAP d'après vous ?
8-Pouvez-vous nous dire comment vous appliquez la NAP dans
votre pratique de classe ?
9-Existe-t-il, une incidence entre la NAP et le
développement de l'esprit critique chez l'élève ?
10- Quelles sont les difficultés qui entravent la mise
en place effective de la NAP ?
11-Ressentez-vous une différence fondamentale entre la
NAP et les méthodes traditionnelles, si oui, laquelle ?
12-Les élèves interviennent-ils dans
l'élaboration et la réalisation du cours ?
III- Les élèves de terminale
13- Avez-vous déjà entendu parler de la
pédagogie par objectif encore appelé NAP ?
14-Si oui, cette méthode vous permet-elle de mieux
comprendre les cours ?
15-Pensez-vous que votre participation est effective dans
l'élaboration et la réalisation des cours ?
16-Pensez-vous que l'enseignant de philosophie tient compte de
votre avis ou de vos suggestions pendant les cours ?
17-Les cours vous sont-ils dictés ou émanent-ils
des échanges entre l'enseignant et vous ?
18- Existe-t-il un réel dialogue entre le professeur de
philosophie et vous ?
19-Pensez-vous qu'en classe de philosophie
l'élève est mis au centre de toutes les activités
pédagogiques ?
20-Avez-vous des suggestions à faire à votre
professeur de philosophie par rapport à sa méthode
d'enseignement ?
* 1 Arrêté
N°114/D/28/ MINEDUC/SG/IGP/ESG Portant définition des programmes de
philosophie en classe Francophone dans les établissements d'Enseignement
Secondaire Général du Cameroun.
* 2 Voir la loi n°98/004 du
14 avril 1998 portant orientation de l'éducation au Cameroun.
* 3 C'est une revue
publiée par le département de philosophie du ministère des
enseignements secondaires pour mettre à la disposition des enseignants
toutes les reformes et innovations pédagogique dans l'enseignement de la
philosophie en terminal.
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