LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES
CAPITAUX :
QUELS ENJEUX ?
La lutte contre le Blanchiment de capitaux,
thème majeur de réflexion et de politique à
l'échelle internationale, constitue pour le Maroc comme pour de nombreux
pays une composante essentielle de la coopération internationale.
La stratégie internationale de lutte contre
le blanchiment indique que les activités du blanchiment d'argent
inquiètent aussi bien les pays industriels que les pays en
développement.
Pour, d'une part, se conformer aux
législations et chartes internationales et répondre à
l'urgence d'une coopération internationale en la matière et,
d'autre part, lutter contre cette pratique qui nuit à l'économie
ainsi qu'à l'image du Maroc et à sa capacité d'attirer des
investissements étrangers, notre pays a récemment adopté
la loi contre le blanchiment des capitaux et le financement du
terrorisme.
Si les objectifs recherchés visent
globalement à préserver l'intégrité du
système financier international et à empêcher les criminels
de tirer profit de leurs actes, ils visent en particulier à couper les
terroristes de leurs sources de financement.
Etant donné l'importance de ses enjeux, au
niveau tant international que national, nous avons choisi cette
problématique comme thème de cette conférence sous
l'intitulé :« la lutte contre le blanchiment : quels
enjeux ? ». Loin d'être le fruit d'un hasard, ce
questionnement voudrait, à côté de l'éclairage que
nous allons tenter d'apporter, susciter un débat autour de cette
question brûlante d'actualité.
Présentation du plan :
PLAN
Introduction
I. LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX
A. Compréhension du concept de
blanchiment
1. Définition
2. Description du processus
a.
Prélavage/placement/immersion
b. Lavage/empilement/dispersion
c.
Essorage/recyclage/intégration
3. Principales origines du blanchiment
4. Importance des flux financiers
générés par l'argent blanchi
B. Evolution du Blanchiment des capitaux
1. Aperçu historique
2. Le blanchiment dans un contexte évolutif et
globalisé
II. LES ENJEUX ECONOMIQUES DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX
A. La déstabilisation du secteur
privé
B. L'atteinte à l'intégrité des
marchés financiers
C. Les effets de distorsion et l'instabilité
économiques
D. Augmentation des dépenses publiques et effet
corrosif sur la société
III.LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT : UN ENJEU
MONDIAL
A. Le Groupe d'Action Financière contre le
blanchiment des capitaux (GAFI)
1. Les recommandations du GAFI
2. Révision des recommandations
3. L'évaluation des dispositifs de lutte contre le
blanchiment
4. La liste des Pays et Territoires Non
coopératifs (PTNC)
5. Le GAFI et la lutte contre le terrorisme
B. Le groupe EGMONT : L'internationale du
renseignement financier
C. Le rôle du FMI
D. Le Comité de Bâle : Les nouvelles
réglementations relatives aux établissements
financiers
IV CADRE JURIDIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
AU MAROC
A. La loi 43-05 contre le blanchiment de
capitaux
1. Les fondements de la nouvelle loi
2. L'Unité de Traitement du Renseignement
Financier
a) Bref aperçu sur l'Unité
b) La campagne de sensibilisation
B. Dispositif mis en place par Bank Al Maghrib pour
lutter contre le blanchiment d'argent
C. Conformité du dispositif national aux normes
internationales
INTRODUCTION
Face aux préoccupations croissantes que suscite
le blanchiment des capitaux, le Groupe d'action financière sur le
blanchiment de capitaux (GAFI) a été créé lors du
Sommet du G-7 à Paris en 1989 afin de mettre au point une action
coordonnée à l'échelle internationale à
l'égard de ce domaine phénomène. Le GAFI travaille en
étroite coopération avec d'autres organismes internationaux
participant à la lutte contre le blanchiment de capitaux.
Si le blanchiment d'argent existe depuis longtemps,
les attentats du 11 septembre 2001 ont en grande partie contribué au
renforcement de l'action concertée entre Etats pour la lutte contre le
blanchiment en même temps que pour la lutte contre le terrorisme et son
financement.
Les fonds illicites permettraient en effet aux
blanchisseurs de financer de multiples autres activités criminelles. Par
ailleurs, le blanchiment des capitaux encourage la corruption, influence de
façon négative la prise de décisions dans le domaine
économique et menace l'intégrité des institutions
financières. Le caractère imprévisible du blanchiment de
l'argent rend plus difficile l'application d'une politique économique
judicieuse.
Avant de développer les principaux
enjeux de la lutte contre le blanchiment nous allons passer en revue certains
aspects de ce véritable fléau.
I. LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX
A. Compréhension du concept de blanchiment
1. Définition
De nombreuses définitions du blanchiment ont
été formulées. Celui-ci a été notamment
défini comme étant :
«...un processus par lequel on dissimule
l'origine criminelle de fonds en faisant en sorte que cet argent acquis de
manière illégale paraisse acquis de manière légale
et ce, en l'introduisant dans un circuit économique
régulier.»
« C'est l'activité criminelle qui a
pour but de dissimuler, d'obscurcir l'origine illicite d'un bien pour permettre
à son auteur d'en jouir en toute légalité, de le faire
fructifier ou de financer d'autres activités criminelles par la
suite. »
Bien que les définitions données
paraissent claires, la notion de blanchiment d'argent n'est pas simple à
saisir dans sa pratique.
En effet, ce phénomène met en jeu des
techniques financières et utilise des processus économiques
souvent complexes et de nature transnationale afin de réinvestir de
l'argent acquis de manière illégale tout en brouillant les
pistes.
Il convient d'opérer la distinction entre
l'argent « sale », fruit d'activités criminelles et
illégales (drogue/armes/exploitation de la personne
humaine-prostitution, trafic
d'organes...) et l'argent « noir », fruit
d'activités légales mais non déclaré aux
autorités (fraude/évasion fiscale).
2. Description du processus de blanchiment
Le blanchiment est en général
effectué en trois phases :
a. Le placement ou l'immersion
(également appelé le prélavage) :
Cette première étape consiste à
introduire les fonds à blanchir dans le système financier. Cela
peut se faire en fractionnant de fortes quantités d'espèces
pour obtenir des sommes plus petites et moins suspectes qui sont alors
déposées directement sur un compte bancaire, ou en se
procurant divers instruments monétaires (chèques, ordres de
virement, etc.) qui sont ensuite collectés et déposés sur
des comptes en d'autres lieux (c'est à ce stade que le processus de
blanchiment est le plus vulnérable);
b. L'empilement/dispersion (le
lavage):
Cette deuxième étape consiste à
procéder à une série de conversions ou de
déplacements des fonds pour les éloigner de leur source. Les
fonds peuvent ainsi être transférés à travers
l'achat ou la vente d'instruments de placement (obligations, bons du
Trésor etc.) ou encore le blanchisseur peut se contenter de les virer
sur une série de comptes ouverts auprès de diverses banques
à travers le monde. Dans certains cas, le blanchisseur peut masquer les
transferts sous forme de paiements de biens ou de services, ce qui lui permet
de donner aux fonds une apparence légitime.
c. Le
recyclage/intégration (le lavage):
Cette troisième et dernière étape
revient à réintroduire les sommes blanchis dans l'économie
après leur avoir donné une légitimité. En effet,
l'intégration permet de réinsérer le produit des
opérations de dispersion dans l'économie de manière
à ce qu'ils apparaissent comme les profits légaux d'une
activité économique officielle (investissement dans des circuits
économiques officiels : immobilier, tourisme, finance).
Schéma du processus de
blanchiment
Trafics illicites et autres actes de criminalité
organisée
Criminalités transnationales
Criminalités économiques et
financières
Corruption
//==> Blanchiment
En AVAL:
Dissimulation et
recyclage des produits
d'activités criminelles
Continuation
d'activités criminelles
|
liens avec
l'économie
légale
|
3. Principales origines du blanchiment
Le blanchiment implique généralement une
multiplicité de transactions ayant pour but de dissimuler l'origine de
gains financiers afin qu'ils puissent être utilisés en toute
impunité par leurs détenteurs.
Initialement né de la production et de la
commercialisation de stupéfiants, le blanchiment de capitaux
émane de bien d'autres crimes, comme les détournements de fonds,
la corruption, le chantage ou le trafic d'êtres humains, la
criminalité informatique pour n'en citer que quelques-uns.
Selon certaines estimations la moitié provient
du commerce illégal de stupéfiants. L'autre moitié vient
de multiples autres sources qui vont de la fraude à l'extorsion.
Le phénomène de Blanchiment n'a pas
seulement évolué quant à la diversité de l'origine
des fonds apportés pour être recyclés. Le processus a pu
innover et prospérer en utilisant les moindres failles et
défaillances du système économique mondial et ce, au sein
d'une intensité croissante des réseaux bancaires et de
l'importance prise par les marchés boursiers.
4. Paradis fiscaux offshore et secret
bancaire
Les services offerts par les multiples
établissements bancaires implantés dans les paradis
réglementaires et les centres financiers off-shore sont
particulièrement appréciés par les blanchisseurs. Il est
à noter que ces territoires sont surtout connus pour leurs avantages
fiscaux ; cela étant, ils attirent d'abord les blanchisseurs en
raison de l'extrême simplicité des règles applicables pour
la création et la gestion des sociétés de tous types.
Il en résulte que plusieurs millions de
sociétés sont aujourd'hui domiciliées dans quelques
dizaines de paradis financiers ; la très grande majorité
d'entre elles peuvent être qualifiées de
sociétés-écran : il s'agit d'entités dont
l'existence a pour but de dissimuler l'identité de ceux qui les
possèdent ou les contrôlent. Les dirigeants occidentaux ont certes
multiplié, depuis quelques années, les déclarations
officielles pour dénoncer les conséquences de cette situation,
mais leurs propos n'ont pas été suivis, pour l'instant, de
mesures concrètes.
L'existence de banques offshore, dans des paradis
fiscaux qui assurent le secret à leurs clients, a permis aux trafiquants
de drogues d'élaborer de complexes réseaux internationaux. Le FMI
qualifie de «grands centres offshore» les pays suivants :
Antilles néerlandaises, Bahamas, Bahreïn, Hong Kong, îles
Caïmanes, Panama et Singapour. Il existe aussi des centres offshore
secondaires : Dublin, Chypre, Madère, Malte, Malaisie (île
Labaun) et Thaïlande (Centre bancaire international de Bangkok).
Près de 40 pays situés dans toutes les parties du monde sont
considérées comme des paradis fiscaux qui garantissent le secret
à leurs clients.
5. Importance des flux financiers
générés par le blanchiment
Par sa nature même, le blanchiment de capitaux
est en dehors du champ normal couvert par les statistiques économiques.
Néanmoins, comme pour d'autres aspects de l'activité
économique souterraine, on a pu avancer des estimations afin de donner
une idée de l'ampleur du problème.
D'après le Fonds monétaire international
(FMI), le volume annuel des opérations de blanchiment dans le
représente entre 2% et 5% du PIB mondial.
Le trafic de stupéfiants représenterait
34% de l'argent blanchi, la fraude douanière (19%) et les autres
activités criminelles telles que la corruption, le vol, le trafic
d'êtres humains, le trafic d'organes... (46%). Quant au terrorisme il ne
représenterait que 1%.
Le Programme des Nations Unies pour le contrôle
international des drogues (PNUCID) estime que le trafic illicite des drogues
produit chaque année environ 400 milliards de dollars de vente au
détail, soit près du double du revenu de l'industrie
pharmaceutique mondiale ou 10 fois environ le montant total de l'aide publique
au développement.
On peut déjà en conclure que ce
problème, qui émane bien plus que de l'argent provenant du trafic
des stupéfiants, est difficilement chiffrable. C'est une activité
criminelle et toute activité criminelle ne prospère que si elle
se fait dans l'ombre et n'est pas mesurable.
Après avoir évoqué
certains aspects du blanchiment d'argent il importe pour mieux cerner ce
véritable fléau et saisir la complexité des techniques
utilisées, il importe de retracer l'évolution du blanchiment par
rapport à son environnement.
B Evolution du blanchiment des capitaux
1. Aperçu historique
Historiquement la notion de blanchiment d'argent est
apparue dans les années 20 aux Etats-Unis, à l'époque de
la Prohibition. La première technique utilisée fut de se servir
de laveries automatiques, commerce où les paiements se font par nature
en monnaie fiduciaire, afin de mêler l'argent « sale »,
provenant de la vente illégale d'alcool, à de l'argent «
propre », issu des revenus réguliers de l'activité de
blanchisserie.
Le phénomène a pris de l'ampleur dans
les années soixante-dix, avec la progression des ressources
procurées par les trafics de drogue aux grandes organisations
criminelles.
La criminalité économique a fait son
apparition d'abord pour contourner les législations fiscales et puis
avec le temps et surtout par l'avancée des techniques modernes elle est
devenue un domaine où le crime organisé est source de gains
énormes.
Les principaux besoins de blanchiment sont directement
liés aux activités de la criminalité organisée dont
le développement est caractérisé par un double mouvement
de diversification et d'internationalisation. Les voies, les moyens et les
lieux utilisés pour la réalisation d'opérations de
blanchiment sont très variés ; cela étant, l'objectif
recherché est toujours le même : l'optimisation des conditions
dans lesquelles les capitaux à recycler pénètrent dans les
circuits de l'économie légale.
En se développant de manière très
importante, depuis une vingtaine d'années le blanchiment a peu à
peu délaissé les structures archaïques et nationales pour
adopter et utiliser des organisations flexibles, tournées vers
l'international (emploi de managers et conseillers spécialisés,
déploiement de stratégies d'accords, programmation de
coûts, profits et investissements par la recherche d'une
rentabilité économique).
2. Le blanchiment dans un contexte évolutif et
globalisé
Le Blanchiment d'argent est un phénomène
ancien dans son concept mais dont les modalités de mise en oeuvre sont
récentes et évolutives. Les modalités du blanchiment sont
à l'image du système financier moderne : évolutives,
sophistiquées et internationales.
Dans le sillage de la mondialisation et de la
libéralisation des échanges, les syndicats du crime
organisé et des individus entreprenants tirent profit de l'ouverture des
frontières, de la privatisation, des zones de libre échange, de
la faiblesse de certains Etats, de l'existence de banques offshore, des
transferts financiers électroniques et des techniques bancaires de
l'âge cybernétique pour blanchir chaque jour des millions de
dollars de profits tirés des trafics tout genre notamment les
stupéfiants.
La réalité de cette mondialisation
s'étant traduite par un accroissement considérable du volume des
transactions financières, le processus de blanchiment d'argent a connu
des transformations, au niveau de son organisation et de ses techniques
d'acheminement, pour s'adapter à la nouvelle donne économique et
continuer d'être rentable aux yeux des trafiquants et autres groupes
criminels organisés.
Le domaine de la Finance s'est en effet
profondément transformé sous l'impulsion d'échanges et de
rapatriements transnationaux de capitaux et de services. La croissance
exceptionnelle des marchés financiers internationaux (les transactions
quotidiennes sur les seuls marchés des changes portent sur près
de 1 500 milliards de dollars), favorisée par l'essor des technologies
de l'information et de la communication, a ainsi provoqué de profondes
et durables ruptures.
L'intégration des pays au sein de
l'économie mondiale, se traduisant par une mobilité accrue des
capitaux et par le développement rapide des nouveaux moyens de paiements
associés aux nouvelles technologies de l'information, tend à
offrir des outils de plus en plus sophistiqués permettant de blanchir le
produit de l'argent du crime tout en préservant l'anonymat des
transactions.
L'examen du processus du blanchiment et de son
caractère évolutif montre la complexité de ce
phénomène, dont la menace peut être également
perçue à travers ses conséquences négatives sur les
secteurs économique et financier.
II LES REPERCUSSIONS DU BLANCHIMENT DES CAPITAUX
Le blanchiment de l'argent a sur le comportement
financier et la performance macroéconomique un impact qui se manifeste
de plusieurs façons :
A. La déstabilisation du secteur
privé
L'un des effets micro-économiques les plus
graves du blanchiment est ressenti dans le secteur privé. Les
blanchisseurs utilisent souvent des sociétés de façade qui
mêlent le produit d'activités illicites à des fonds
légitimes pour masquer leurs gains mal acquis. Aux États-Unis,
par exemple, le secteur de la criminalité organisée utilise les
pizzerias pour dissimuler les bénéfices provenant du trafic de
l'héroïne. Ces sociétés de façade ont
accès à d'importants fonds illicites qui leur permettent de
subventionner leurs produits et leurs services à des niveaux nettement
inférieurs aux prix du marché.
Dans certains cas, les sociétés de
façade sont en mesure d'offrir des produits à un prix
inférieur au prix de revient, ce qui leur donne un avantage
concurrentiel sur les entreprises légitimes qui obtiennent leurs
capitaux sur le marché financier.
B. L'atteinte à l'intégrité des
marchés financiers
L'intégrité du marché des
services bancaires et financiers dépend fortement du sentiment qu'il
fonctionne dans le cadre de normes juridiques, professionnelles et
déontologiques rigoureuses. En matière d'intégrité,
la réputation est l'un des actifs les plus précieux d'une
institution financière.
Les institutions financières qui comptent sur
le produit d'activités criminelles se heurtent à d'autres
difficultés pour gérer adéquatement leur actif, leur
passif et leurs opérations. Ainsi, de grosses sommes d'argent blanchi
peuvent parvenir à une institution financière puis
disparaître soudainement sans fanfare, grâce à des virements
télégraphiques motivés par des facteurs qui n'ont rien
à voir avec la situation économique du pays, tels que les
activités de la police. Cela risque de poser des problèmes de
liquidité et des ruées sur les banques.
En fait, des activités criminelles ont
été associées à un certain nombre de faillites de
banques à travers le monde, y compris celle de la première banque
sur l'internet, la Banque de l'union européenne. En outre, certaines
crises financières des années 1990 - telles que le scandale de la
Banque de crédit et de commerce international, la BCCI (fraude,
blanchiment et pots-de-vin), ainsi que la faillite, en 1995, de la banque
Barings lorsqu'une combinaison d'opérations risquées portant sur
des produits dérivés menées par un employé d'une de
ses filiales s'est effondrée - avaient d'importantes composantes
criminelles ou frauduleuses.
C. Les effets de distorsion et d'instabilité
économiques
Les blanchisseurs d'argent se préoccupent non
pas d'obtenir un bon rendement de leurs investissements, mais de
protéger leurs gains. C'est pourquoi ils
« investissent » leurs fonds dans des activités qui
ne sont pas nécessairement rentables pour le pays dans lequel se
trouvent ces fonds. En outre, dans la mesure où le blanchiment et la
délinquance financière privilégient des investissements de
faible qualité qui masquent leurs gains, au détriment
d'investissements judicieux, la croissance économique du pays risque
d'en souffrir. Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le
bâtiment et l'hôtellerie sont financés, non pas en
réponse à la demande, mais en fonction des intérêts
à court terme des blanchisseurs de capitaux. Quand ces secteurs cessent
d'intéresser les blanchisseurs, ils les abandonnent, causant leur
effondrement et compromettant gravement l'économie de pays qui ne
peuvent guère se permettre de telles pertes.
D. Impact sur la stabilité
financière
En particulier, l'utilisation des institutions
financières pour le blanchiment d'activités criminelles est de
nature à compromettre gravement la solidité et la
stabilité du système financier.
E. Augmentation les dépenses publiques et effet
corrosif sur la société
Le blanchiment des capitaux entraîne pour la
société des risques et des coûts importants. Il augmente
les dépenses publiques étant donné la
nécessité d'un accroissement des forces de l'ordre et des
dépenses de santé (par exemple pour la désintoxication des
toxicomanes) afin de combattre ses graves conséquences.
De plus, l'ampleur même du pouvoir
économique que confère aux malfaiteurs le blanchiment a un effet
corrosif sur tous les éléments de la société. Dans
les cas extrêmes, il peut même entraîner le renversement du
pouvoir légitime.
Dans un contexte de plus en plus
globalisé, le blanchiment des capitaux pose à la
communauté internationale un problème complexe croissant. Sa
dimension internationale exige incontestablement des normes et une
coopération internationale.
III.LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT : UN ENJEU
MONDIAL
Le blanchiment revêt une importance cruciale
pour toutes les formes de criminalité organisée transnationale.
Les capitaux d'origine illégale, également appelés «
argent sale», font de plus en plus l'objet d'une traque à
l'échelle internationale, tout particulièrement depuis les
attentats du 11 septembre 2001.
Le blanchiment d'argent est par essence un
délit transnational, qui non seulement se joue des frontières,
mais les utilise pour brouiller la trace d'opérations financières
successives réalisées à travers le monde.
La coopération internationale est donc
incontournable. Mais cette collaboration ne va pas sans difficultés tant
les différences des ordres juridiques sont parfois grandes. Depuis
quelques années, les organes internationaux contribuent à
harmoniser les structures nationales afin d'améliorer l'entraide
judiciaire mutuelle.
Le début des années 90 a marqué
la naissance d'initiatives internationales pour lutter contre le blanchiment.
Celles-ci ont abouti à des recommandations émises par des
organismes tels que le GAFI (Groupe d'action financière), le
Comité de Bâle ou l'Union Européenne, que l'ensemble des
banques se doit aujourd'hui d'appliquer.
A. Le GAFI
Le GAFI, créé en 1989 lors du sommet du
G7 à Paris afin de mettre au point une action concertée à
l'échelle internationale, est un organisme intergouvernemental qui a
pour objectif de concevoir et de promouvoir des stratégies de lutte
contre le blanchiment de capitaux.
Il regroupe 32 pays et deux organisations
internationales, dont la Commission européenne. La présidence est
tournante chaque année. Le Royaume Uni a pris la présidence en
juillet 2007, le Brésil lui succèdera en juillet
2008.
En 1990, le GAFI a rédigé un plan
d'action contre le blanchiment des capitaux sous forme de 40
recommandations.
1. Les recommandations du GAFI
Les recommandations du GAFI traitent du rôle du
système de justice pénale dans cette lutte, du rôle du
système financier et de sa réglementation ainsi que de la
coopération internationale. Chaque Etat-membre s'est engagé
à mettre en oeuvre ces 40 principes, en fonction de ses propres
spécificités et contraintes.
Une vingtaine de recommandations concerne plus
particulièrement le système financier (banques et institutions
financières non bancaires). Les entreprises doivent notamment:
- identifier tous leurs clients et conserver les
documents appropriés (recommandations 10 à 12)
- déclarer les transactions suspectes
(recommandation 15) et mettre en place des mesures de contrôle interne
(recommandation 19)
- accroître leur vigilance dans toutes leurs
relations avec les pays dont les dispositifs anti-blanchiment sont
défaillants (recommandations 20 et 21).
- Aux termes de la recommandation 16 « Si les
institutions financières suspectent que des fonds proviennent d'une
activité criminelle, elles devraient être autorisées ou
obligées à déclarer rapidement leurs soupçons aux
autorités compétentes ».
2. Révision des 40 recommandations
Ces recommandations ont été
révisées en 2003, afin de faire face à l'évolution
des techniques du blanchiment. Parmi les principaux changements il y a lieu de
noter :
Ø l'élargissement du champ des
infractions sous-jacentes au blanchiment à toutes les infractions graves
;
Ø l'extension des mesures anti-blanchiment aux
entreprises et professions non financières telles que les casinos, les
agents immobiliers, les négociants en pierres ou métaux
précieux, les comptables, les avocats, notaires et professions
juridiques indépendantes, les prestataires de services aux
sociétés et trusts ou structures similaires ;
Ø de plus grandes exigences de transparence
nécessitant l'obtention d'informations pertinentes et à jour
relatives au bénéficiaire effectif des personnes morales telles
que les sociétés, ou des constructions juridiques telles que les
trusts ou structures similaires ;
Ø l'extension des obligations anti-blanchiment
à la lutte contre le financement du terrorisme.
En 2006, le Gafi a également
intégré la lutte contre la corruption dans sa méthodologie
de 2004, base de l'évaluation mutuelle.
3. L'évaluation des dispositifs de lutte contre le
blanchiment
L'évaluation de la mise en oeuvre des
recommandations du GAFI constitue actuellement le point central du travail du
GAFI, à travers le processus d'évaluation mutuelle. Cela permet
notamment d'évaluer l'efficacité des systèmes
anti-blanchiment des pays membres du GAFI.
Concrètement, pour l'ensemble de ces Etats,
l'application des 40 recommandations est contrôlée selon un double
mécanisme :
- un exercice annuel d'auto-évaluation et,
périodiquement,
- une procédure mutuelle, dans le cadre de
laquelle chaque membre fait l'objet d'une évaluation sur place par ses
pairs.
Le GAFI a débuté un troisième
cycle d'évaluations mutuelles de ses membres en janvier 2005.
Ces évaluations se fondent sur les quarante
Recommandations de 2003 et sur les neufs Recommandations spéciales de
2001 portant sur la lutte contre le terrorisme. Les évaluations sont
menées par des équipes d'experts (issus des domaines financier,
juridique ou judiciaire), ainsi que par le Secrétariat du GAFI. Elles
consistent en une visite dans le pays évalué, et dans la mise en
place de réunions avec les gouvernements et le secteur privé dans
un délai de deux semaines. Un rapport est alors rempli, sur la base de
questions et critères standards.
Depuis 2005, 16 pays ont ainsi été
évalués, dont la Chine, la Grèce et le Royaume Uni au 1er
trimestre 2007. L'évaluation de la France est prévue pour
2009.
4. La liste des Pays et Territoires Non
coopératifs (PTNC)
Le GAFI inscrit la liste des PTNC les pays pour
lesquels la vigilance doit être accrue, car ils présentent par
exemple des défaillances dans leurs dispositifs anti-blanchiment ou un
manque de volonté manifeste de coopération. Cette
évaluation s'effectue sur la base de 25 critères.
En 2000, constatant que l'effort international de
lutte contre le blanchiment se heurtait aux pratiques non coopératives
de plusieurs pays et territoires, le GAFI a engagé des travaux sur les
pays et territoires non coopératifs, et publié en juin 2000 une
liste de 15 pays et territoires non coopératifs, identifiant les
déficiences en matière de lutte contre le blanchiment de 14
autres pays.
Depuis octobre 2006, il n'y a plus de pays inscrits
sur cette liste.
5. Le GAFI et la lutte contre le terrorisme
Après le 11 septembre 2001, lors d'une
réunion extraordinaire, le GAFI a étendu sa mission à la
lutte contre le financement du terrorisme.
B. Le groupe EGMONT: L'internationale du renseignement
financier
Le groupe Egmont est né en juin 1995 à
Bruxelles de la volonté des Unités de Renseignement Financier de
disposer d'un forum de rencontre et d'échange d'informations
Bien qu'il n'ait pas, comme le GAFI, de statut
d'organisation internationale, le Groupe Egmont regroupe les unités de
renseignement financier (URF) opérationnelles, comme Tracfin pour la
France, dans un cadre spécifique, indépendant des dispositifs
policiers, judiciaires ou diplomatiques.
En application des recommandations du GAFI,
chargées de recueillir et de traiter les déclarations de
soupçon des institutions financières et de certaines professions,
ont été constituées dans la plupart des pays dotés
d'une législation en ce domaine. Tandis que l'activité de ces
services prenait de l'essor, leurs responsables ont rapidement pris conscience
de la nécessité de pouvoir disposer d'un cadre international pour
résoudre les problèmes concrets de coopération que pose au
quotidien la lutte contre le blanchiment.
Le groupe Egmont, qui compte désormais 58 URF a
réussi depuis sa création à construire un réseau
international d'échange d'informations dont l'objectif est de
développer une coopération internationale pour combattre et
poursuivre efficacement le phénomène mondial du blanchiment
d'argent.
C. Rôle du FMI
Le FMI contribue aux efforts déployés au
plan international de plusieurs manières importantes, qui correspondent
à ses principaux domaines de compétence. En tant qu'institution
de portée quasi universelle, fondée sur la collaboration, le FMI
est tout naturellement une plate-forme pour le partage de l'information,
l'établissement de stratégies communes et la promotion de
politiques et de normes avisées -- armes cruciales de la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En outre, la vaste
expérience que le FMI a acquise à la faveur de ses travaux
d'évaluation du secteur financier, ses concours d'assistance technique
dans le secteur financier et l'exercice de la surveillance des systèmes
économiques des pays membres est particulièrement utile pour
évaluer dans quelle mesure les autorités nationales respectent
les normes LBC/FT internationales et pour élaborer des programmes visant
à les aider à pallier les lacunes recensées dans ce
domaine.
D. Le Comité de Bâle : Les nouvelles
réglementations relatives aux établissements financiers -
La lutte contre le blanchiment connaît un
nouveau souffle, ceci grâce entre autres au groupe de travail du
Comité de Bâle, initiateur d'un document intitulé «
Customer Due Diligence For Banks » (Règles bancaires relatives au
suivi de la clientèle), diffusé en octobre 2001, et dont le
contenu constitue d'ores et déjà une référence
utile aux banques pour améliorer l'exercice de leur vigilance dans ce
domaine, et anticiper de probables évolutions réglementaires. De
plus, Bâle 2 (octobre 2001) recommande aux banques d'identifier le
comportement anormal des comptes clients, de suivre les comptes à haut
risque, et de s'assurer que leur système d'information permet
l'identification, l'analyse et la surveillance des comptes jugés «
à risque ».
Les banques doivent acquérir un très
haut niveau dans la lutte contre le blanchiment. Trois raisons essentielles
justifient ces efforts :
- la morale universelle,
- la sécurité des pays,
- et la réputation qu'une banque met en jeu en
ne prenant pas suffisamment au sérieux ces questions.
Selon Thierry Dingreville, les grandes règles
à suivre pour être efficace en matière de lutte et de
prévention contre le blanchiment peuvent s'énoncer ainsi : know
your Business, know your Customer, know your Employee, know your Supplier. Un
haut niveau de connaissance sur ces questions n'est cependant pas aisé
à obtenir, même avec une forte implication des collaborateurs et
une organisation efficace et décentralisée. Au-delà des
obligations légales, l'objectif principal de cette prévention
réside dans la connaissance affinée des clients « sensibles
». Pour être améliorée, la prévention
anti-blanchiment nécessite de plus en plus des bases de données
spécifiques, dont celles des personnes politiquement exposées :
les PEPs (Political Exposed Persons). De plus, elle doit s'appuyer sur un
système informatique qui analyse en finesse le fonctionnement des
comptes : synthétise les mouvements et détecte les comportements
anormaux, comme les dépôts d'espèces
importants.
IV CADRE JURIDIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT AU
MAROC
Le Maroc a mis en place un dispositif qui
intègre en droit interne les engagements internationaux pris en vertu
des conventions bilatérales et multilatérales qu'il a
ratifiées, les recommandations du GAFI et du Comité de Bâle
sur le devoir de vigilance à l'égard de la clientèle ainsi
que les dispositions pertinentes des résolutions du Conseil de
Sécurité, basées sur le chapitre VII de la Charte des
Nations-Unies qui forment l'un des piliers de l'ordonnancement juridique
international dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.
Au lendemain du 11 septembre 2001, et surtout
après les attentats du 16 mai de Casablanca, le processus de mise
à niveau de la législation marocaine en matière de lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme a marqué une
sensible accélération. Le 28 mai 2003, le Maroc a, en juin 2003,
une loi antiterroriste qui englobe des dispositions de contrôle et
d'interdiction de l'utilisation du système financier à des fins
terroristes et, en mai 2007, il a adopté la loi contre le blanchiment de
capitaux.
A. La loi 43-05 contre le blanchiment de
capitaux
La loi 43-05 contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme, est promulguée par le dahir du 17 avril 2007
et publiée au Bulletin officiel en mai 2007.
Cette loi définit le blanchiment comme
étant «le fait d'acquérir, de détenir, d'utiliser,
de convertir ou de transférer des biens dans le but de dissimuler ou de
déguiser l'origine de ces biens, dans l'intérêt de l'auteur
ou d'autrui quand ces derniers sont le produit des infractions prévues
par ce projet de loi (trafic de stupéfiants, d'êtres humains,
d'immigrés, d'armes et de munitions, mais aussi corruption et
détournement de biens publics ou privés)».
La loi 43-05 s'inscrit dans la continuité de
l'adoption en 2003 de la loi n° 03-03, relative à la lutte contre
le terrorisme.
1. Les fondements de la nouvelle loi
Dans la nouvelle loi le législateur marocain a
veillé à ce que toutes les garanties en matière de
préservation du secret professionnel et de protection des personnes
assujetties contre toutes poursuites judiciaires découlant de
l'exécution de leurs obligations soient garanties.
Selon l'article 2 de la loi, qui fait partie du Code
pénal désormais, sont assujetties les personnes physiques
et les personnes morales de droit public qui réalisent, contrôlent
ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de
capitaux susceptibles de constituer des infractions prévues par le code
pénal.
Sont notamment assujetties les établissements
de crédit (banques et société de financement), et les
sociétés holding offshore ainsi que les personnes membres d'une
profession juridique indépendante, lorsqu'elles participent, au nom de
leur client et pour le compte de celui-ci, à une transaction
financière ou immobilière entre autres (Notaires,
etc.).
2. L'Unité de Traitement du Renseignement
Financier
Conformément aux recommandations du GAFI, la
loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux a prévu
la création d'une Unité de traitement du renseignement financier
qui constitue l'instrument central du dispositif de lutte contre le blanchiment
de capitaux.
a) Bref aperçu sur l'Unité
Selon la loi 43-5 cette unité est
rattachée à la primature. Elle est chargée
principalement :
- de recueillir et de traiter les renseignements
liés au blanchiment de capitaux et de décider de la suite
à réserver aux affaires dont elle est saisie;
- de constituer une base de données concernant
les opérations de blanchiment de capitaux;
- d'ordonner toutes enquêtes ou investigations
à effectuer par les services d'enquête et d'investigation
- de collaborer et de participer avec les services et
autres organismes concernés à l'étude des mesures à
mettre en oeuvre pour lutter contre le blanchiment de capitaux et de proposer
au gouvernement toute réforme législative, règlementaire
ou administrative nécessaire en matière de lutte contre le
blanchiment de capitaux;
- de donner son avis au gouvernement sur le contenu
des mesures d'application de la loi. L'unité fixe les montants et
conditions particulières afférents aux opérations qui
entrent dans le champ d'application de la loi anti-blanchiment.
Par ailleurs, elle est chargée de
l'échange de renseignements financiers liés au blanchiment de
capitaux, avec les autorités étrangères de
compétence similaire, et du traitement des requêtes de gel
émanant d'instances internationales habilitées.
Les pays ont toute la latitude pour confier cette
compétence à une cellule de type administratif (France, Belgique,
Espagne), de type policier (Allemagne, Autriche, Royaume Uni), de type
judiciaire (Luxembourg et Chypre) ou de type hybride (Danemark,
Norvège).
Le Maroc a opté pour une Unité de type
administratif.
b) La campagne de sensibilisation
Une campagne nationale, organisée conjointement
par le Ministère de la Justice, le Ministère de l'Economie et des
Finances et Bank Al-Maghrib, a été lancée le 31 octobre,
à Rabat, quelques mois après l'entrée en vigueur de la loi
relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. L'initiative
intervient «pour répondre à la demande formulée par
les groupes et commissions parlementaires à l'occasion de l'examen et
de l'adoption du projet de loi en question et au souhait des entités et
personnes concernées par la lutte contre le blanchiment de
capitaux.».
Cette action qui s'est poursuivie dans toutes les
régions du Royaume visait à expliciter le contenu et la
portée de la loi N° 43-05.
La campagne de sensibilisation a pour nouveau
dispositif légal et d'adopter une approche commune dans son
interprétation et son application.
B. Dispositif mis en place par Bank Al Maghrib pour
lutter contre le blanchiment d'argent
Bank Al-Maghrib a anticipé
l'entrée en vigueur de la loi anti blanchiment, en initiant, en
collaboration avec les organisations professionnelles, des actions visant,
notamment, à renforcer les mesures prudentielles, à asseoir et
à diffuser une véritable culture de vigilance, de
prévention, de conformité et
d'éthique.
Bank Al-Maghrib qui a, dès
décembre 2003, adopté la circulaire sur le devoir de vigilance
incombant aux établissements de crédit, a révisé
ces dispositions le 2 Août 2007 en intégrant les obligations
introduites par le nouveau dispositif légal anti-blanchiment, en
cohérence avec les obligations découlant des conventions
internationales ratifiées par le Maroc, ainsi qu'avec les
recommandations des organisations internationales (GAFI--le Maroc est membre du
GAFIMOAN, Comité de Bâle)
En tant qu'autorité de supervision du
secteur bancaire, Bank Al-Maghrib a, en effet, dès février
2001, dans le cadre de sa circulaire sur le contrôle interne,
demandé aux organes d'administration et de direction des
établissements de crédit de prendre les précautions et les
mesures adéquates pour empêcher que leurs établissements ne
soient impliqués, à leur insu, dans des opérations
financières liées à des activités non
autorisées.
En décembre 2003, Bank Al-Maghrib a fixé
les règles minimales que les établissements de crédit sont
tenus d'observer au titre du devoir de vigilance au sujet de la
clientèle.
Ces règles exigent des établissements de
crédit :
- d'identifier leur clientèle et d'en avoir une
connaissance approfondie ;
- d'assurer le suivi et la surveillance des
opérations de la clientèle notamment celles présentant un
degré de risque important ;
- de conserver et de mettre à jour la
documentation afférente à la clientèle et aux
opérations qu'elle effectue.
- de sensibiliser leur personnel et le former aux
techniques de détection et de prévention des opérations
à caractère inhabituel ou suspect ».
Cette obligation de vigilance a été
étendue par la loi bancaire de 2006 aux organismes assimilés aux
établissements de crédit (CDG, CCG, Banques Off shore,
associations de micro crédit, services financiers de Barid Al-Maghrib,
sociétés exerçant le transfert de fonds).
Bank Al-Maghrib a, par sa nouvelle circulaire sur
l'obligation de vigilance d'août 2007, harmonisé les règles
édictées par la circulaire sur le dispositif de vigilance du 24
décembre 2003 avec les dispositions de la loi bancaire et celles
relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux.
Les nouvelles dispositions introduites
concernent:
- le devoir de vigilance renforcé
;
Les établissements de crédit doivent
assurer une surveillance particulière sur les comptes et
opérations des personnes présentant un profil de risque
particulier visées par la loi n° 43-05 relative à la lutte
contre le blanchiment de capitaux.
Ils doivent également assurer une surveillance
particulière sur les comptes et opérations des personnes
étrangères exerçant ou ayant exercé des fonctions
publiques de haut rang.
- l'origine des fonds ;
Les établissements de crédit,
conformément à la loi relative à la lutte contre le
blanchiment de capitaux, se renseignent, lors de l'ouverture d'un nouveau
compte, sur l'origine des fonds à verser et la nature de la relation
d'affaires.
- la création d'une structure
dédiée à la gestion du dispositif interne de vigilance
;
Cette structure doit notamment assurer la relation
avec l'Unité de Traitement du Renseignement Financier et tenir la
Direction de l'établissement continuellement informée sur les
clients présentant un profil de risque élevé.
Comme cela ressort de l'évaluation par la
Banque Centrale des dispositifs internes des banques, les banques ont
institué la fonction de conformité, nommé ses responsables
et leurs suppléants, implémenté des progiciels
paramétrables adaptés au traitement des opérations
suspectes et au profilage de la clientèle et se sont dotées de
moyens d'analyse et de détection afin d'assumer leur obligation de
déclaration de soupçon à l'Unité de Traitement du
Renseignement Financier.
Bank Al-Maghrib en tant que personne
assujettie, s'est conformée elle-même aux nouvelles
prescriptions légales, en se dotant d'un dispositif institutionnel,
opérationnel et technique conforme aux meilleures pratiques des Banques
Centrales en la matière.
C. Conformité du dispositif national aux normes
internationales
La conformité du dispositif national aux normes
internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme fait l'objet d'évaluation, selon une
méthodologie uniforme appliquée à tous les pays, de la
part du Comité contre le Terrorisme relevant du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies et du Groupe d'Action
Financière International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord,
constitué en 2004 et dont le Royaume du Maroc est l'un des Etats
fondateurs.
Cette évaluation constitue déjà
un élément essentiel dans l'appréciation, faite par le
Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, de la
stabilité économique et financière et partant, influe sur
la notation attribuée au Maroc par les agences
spécialisées.
C. Actions d'assistance dans le cadre de la
coopération du Maroc avec les Etats et les Institutions
Internationales
Des actions d'assistance sont fournies, en
matière de lutte contre le blanchiment, à notre pays sous forme
de missions d'étude et de formation, organisées par les
Nations-Unies, le Fonds Monétaire International, le GAFI, le Fonds
Monétaire Arabe et les gouvernements de plusieurs pays, notamment,
l'Espagne, la France et les Etats-Unis.
Conclusion 1
Outre la signature de la convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme, divers
textes participent, à l'échelle nationale, à cette
volonté de lutter contre le blanchiment d'argent, en particulier : le
Code pénal, la loi n° 03-03 sur la lutte contre le
terrorisme1(*) et, plus
récemment, la loi n° 43-05 sur la lutte contre le blanchiment de
capitaux2(*).
Le renforcement des prérogatives de la Banque
Centrale dans le domaine de la surveillance des systèmes et moyens de
paiement, l'extension du champ d'application de la loi bancaire en particulier
aux banques offshore, aux entreprises d'intermédiation en matière
de transfert de fonds, aux associations de micro crédit et aux services
financiers de la Poste, sont autant de mesures à même de
consolider la politique de prévention du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme au Maroc.
A cela on peut ajouter l'amélioration du taux de
bancarisation, l'encouragement des moyens de paiement scripturaux et la mise en
place de l'infrastructure nécessaire pour la télé
compensation des valeurs.
Conclusion générale
Ce dispositif de lutte contre le blanchiment
des capitaux et le financement du terrorisme, qui s'inscrit dans le cadre de la
participation du Maroc à la mobilisation de la communauté
internationale en matière de lutte contre la criminalité
financière organisée, a permis à notre pays de se
conformer aux engagements pris en vertu de conventions bilatérales et
multilatérales qu'il a ratifié.
Au-delà de l'adoption de la loi contre
le blanchiment de capitaux, beaucoup d'efforts et de temps seront
nécessaires avant que le souhait affiché d'une lutte contre le
blanchiment de capitaux, au Maroc, soit réel et
effectif.
Ceci est d'autant plus vrai, quand on sait que
le GAFI a pu relever dans les pays développés une augmentation
tendancielle d'opérations suspectes, y compris après le 11
septembre 2001.
S'agissant de l'une des formes de
criminalité transnationale organisée, toute une expertise et un
savoir faire sont à développer pour une stratégie efficace
de prévention et de lutte en la matière, d'où
l'intérêt d'une coopération internationale
soutenue.
* 1 Bulletin officiel n°
5114, du 05 juin 2003.
* 2 Bulletin officiel n°
5522, du 3 mai 2007.
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