Section II. Ordre public et contrôle étatique
sur les sentences arbitrales
- La décision des arbitres prend la forme d'une sentence180(*). Les sentences de
l'arbitrage international présentent un intérêt tel
qu'elles constitueraient une source d'un possible corps juridique qui est la
Lex mercatoria181(*), elle-même une source du droit du commerce
international. Au stade de leur reconnaissance, il s'agit notamment de savoir
dans quelle mesure la violation ou la non application de l'ordre public ou des
lois de police par les arbitres est susceptible de rendre nulle la
sentence182(*) puisque
l'appréciation de la convention d'arbitrage a lieu au stade de la
reconnaissance d'une décision183(*).
- En vertu du principe
« compétence-compétence », ce n'est qu'a
posteriori que les juridictions étatiques contrôlent une
sentence sur la compétence ou vérifient si le tribunal arbitral a
bien respecté les limites de sa mission. Ainsi, il est également
important de souligner que la question du contrôle sur les sentences ne
porte pas sur la question de révision au fond du litige. Pour cela, une
étude particulière sur le contrôle des sentences n'est pas
dépourvue d'intérêts car cette question de la
conformité de la sentence à l'ordre public est d'actualité
dans la mesure où l'admission de l'arbitrabilité des litiges
mettant en jeu l'ordre public reporte le contrôle au stade de l'examen de
la sentence184(*). En
effet, avec la sentence rendue, l'affaire serait normalement terminée.
Mais, le contrôle exercé par un Etat sur une sentence
internationale peut être fait s'il existe alors la contestation sur la
décision par l'une des parties.
- Il s'agit alors d'une phase post-arbitrale dans laquelle le juge
étatique joue un rôle essentiel dans le contrôle des
sentences et il est à noter que la mission de l'arbitre s'est
déjà achevée depuis que sa sentence était
rendue185(*). Avant
d'entrer en détail, on aura nécessairement intérêt
de définir et distinguer deux notions qui sont liées dans cette
phase post-arbitrale, l'une à l'autre : la reconnaissance et
l'exequatur des sentences arbitrales. La reconnaissance est
l'admission par l'ordre juridique français de l'existence de la sentence
tandis que l'exequatur résulte de la demande portée
devant les tribunaux de conférer le caractère exécutoire
de la sentence. Alors, la reconnaissance se distingue de l'exequatur
dans la mesure où elle ne tend pas à l'exécution
forcée. Par exemple, une partie peut demander en France, la
reconnaissance d'une sentence ayant débouté son adversaire, ce
qui n'implique aucune mesure d'exécution186(*).
- L'étude sur les conventions internationales et la comparaison sur
les droits étatiques éprouvent que l'ordre public est toujours
prévu en cas du contrôle sur les sentences. C'est le cas par
exemple du droit français qui, selon l'article 1502 °5, refuse de
donner effet à une sentence dont la reconnaissance ou l'exécution
sont contraires à l'ordre public international. L'ordre public accorde
ainsi la faculté au juge étatique de remettre en cause la
sentence lorsqu'il ne peut écarter celle-ci pour un autre
motif187(*).
- Toutefois, en tenant compte de l'indépendance et de
l'impartialité de l'arbitrage international188(*), l'ordre public remplit une
fonction essentielle de veiller, dans les modalités du contrôle
(§ II), à préserver la souveraineté de l'arbitre,
tandis que la notion d'ordre public est conçue de manière
très restrictive dans cette limite du contrôle (§
I).
* 180 Jean-Michel Jacquet
et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 439.
* 181 Jean-Marc Mousseron,
Jacques Raynard, Régis Fabre, Jean-Luc Pierre, Droit du
commerce international, Litec, Manuel, 3e édition, 2003,
n° 98, p. 77.
* 182 Luca G. RADICATI di
BROZOLO, « L'illicéité qui crève les yeux :
critère de contrôle des sentences au regard de l'ordre public
international », Rev. Arb., 2005. p. 530.
* 183 Sylvain
BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé
à l'épreuve des sentences arbitrales, Economica, 2004. p.
10.
* 184 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
436.
* 185 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 439.
* 186 Jean-Michel Jacquet et
Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz,
Cours, édition 3e, 2002. p. 445.
* 187 Jean-Baptiste Racine,
L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p.
441.
* 188 Cass. 1re
Civ., 20 févr. 2001 : Rev. Arb. 2001. 511, note Clay.
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