Ordre public et Arbitrage International en Droit du commerce international( Télécharger le fichier original )par Rathvisal THARA Université Lumière Lyon 2 - Master 1 Droit des entreprises en difficulté 2005 |
§ I. Ordre public étatique
A. Ordre public dans la loi choisie
En l'absence d'un choix exprès par les parties, il revient aux arbitres de déterminer les règles de droit applicables au litige139(*). L'article 1496, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile leur laisse pour ce faire une très grande liberté. Ce texte se borne en effet à indiquer qu'à défaut de choix des parties, l'arbitre tranche le litige conformément aux règles « qu'il estime appropriées ». Pour cela, il se dit que le pouvoir de déterminer le droit applicable au fond est un des acquis les plus fondamentaux et les plus anciens de l'arbitrage international. Il forme une application du principe d'autonomie qui prévaut dans le domaine contractuel international140(*). En ce sens, il est vrai qu'il n'existe pas de méthode de détermination imposée aux arbitres car ; ils ne sont pas tenus d'appliquer une règle de conflit spécifique ou ordinaire d'aucun Etat même de son siège. Il peut, par exemple, utiliser la méthode cumulative qui consiste à faire simultanément application des règles de conflit de tous les systèmes présentant un rattachement avec la cause. Il existe aussi d'autres méthodes pour les arbitres de pouvoir déterminer le droit applicable au fond, telles que la méthode des principes généraux du droit international privé, la méthode de libre sélection d'une règle de conflit141(*) ou la méthode de « voie directe » consistant à constater l'insuffisance du rattachement du rapport juridique avec un ou des systèmes étatiques déterminés pour l'assujettir à ce qu'il est convenu d'appeler les usages et pratiques du commerce international142(*). A cet égard, sur la désignation des règles applicables, il est intéressant de comparer la situation d'un arbitre à celle d'un juge. Le juge et l'arbitre se séparent dans la mesure où, pour le premier, la recherche des règles applicables s'effectue dans un cadre déterminé des règles de conflit de lois alors que le second n'est nullement tenu d'observer une règle de conflit déterminée143(*). Pour cela, force est de constater que l'efficacité du choix opéré par les arbitres connaît également, comme le cas du droit applicable choisi par les parties, une exception qui est l'exception de l'ordre public. Le même fondement est l'article 1502 5° et 1504 NCPC ; c'est-à-dire qu'en vertu de cet article, le juge arbitral afin de rendre sa sentence internationalement efficace doit se préoccuper de la conception locale de l'ordre public international et de celle qui résulte de l'ordre public transnational ou réellement internationale144(*). En tout cas, s'il s'agit de la loi choisie tant par les arbitres que par les parties, la limite à l'efficacité du choix ainsi opérée est l'ordre public international étatique et l'ordre public transnational. Ainsi, il est judicieux d'étudier ensuite le cas de l'ordre public étranger à la loi choisie.
B. Ordre public étranger à la loi choisie Normalement, l'arbitre en tant que juge à part entière a l'obligation également de respecter l'ordre public étranger à la loi choisie précédemment expliquée. Le fondement de ce devoir est toujours la recherche de l'efficacité de la sentence et la pérennité de l'arbitrage international. En conséquence, il obtient le pouvoir de passer outre le choix des parties quant au droit applicable et a le pouvoir de soulever d'office la violation de l'ordre public étranger au droit choisi dans l'hypothèse où aucune des parties ne soulève la violation d'une disposition d'ordre public145(*). L'ordre public étranger à la loi choisie est, en premier lieu, l'ordre public international étatique puisque la plupart des législations modernes de l'arbitrage international contrôle la sentence arbitrale en se fondant sur l'ordre public international. De même, les lois de police reflétant les exigences de l'ordre public étatique doivent être également prises en compte.
Quant au juge du for, qui est normalement chargé de vérifier la conformité de la sentence à son ordre public, celui-ci n'a pas à sanctionner un éventuel refus de prise en compte par l'arbitre de son ordre public interne, mais exclusivement de son ordre public international146(*). On précisera à ce point que la violation de l'ordre public interne du for n'est possible que si elle constitue, en même temps une violation de l'ordre public international français. En effet, au regard de la liberté des parties de choisir une autre loi que la loi française, pour les jurisprudences internationales, elles pourraient méconnaître totalement les dispositions d'ordre public de celle-ci. Au contraire des lois de police, l'exception d'ordre public international étatique est mieux accueillie par les arbitres147(*). Mais, à vrai dire le droit des procédures collectives est la seule véritable hypothèse où l'ordre public international a vocation à intervenir. En effet, les arbitres sont obligés d'assurer le respect des lois relatives à la faillite sous peine de courir le risque d'un refus d'exequatur. Par exemple, le droit français s'applique lorsqu'une procédure collective touchant l'une des parties a été ouverte en France. La dernière question en cette matière se pose dans le cas où une même société fait l'objet de plusieurs procédures de faillite ouvertes dans plusieurs pays différents. La réponse réside dans la Convention d'Istanbul de février 1990 et la Convention européenne du 23 novembre 1995 signée à Bruxelles qui retiennent les règles du lieu d'ouverture de la faillite principale au détriment de celles secondaires148(*).
* 126 Pierre MAYER, « Le contrat illicite », Rev. Arb. 1984. p. 209. * 127 G. Cornu « Vocabulaire juridique », Association H. Capitant, PUF, 1987. p. 464. * 128 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 430. * 129 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 854. * 130 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p. 233. * 131 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 430. * 132 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 872. * 133 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 49 * 134 Jean Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p. 240. * 135 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 874. * 136 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, 2002. p. 125. * 137 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p. 237. * 138 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 875. * 139 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 49. * 140 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, 2002. p. 122. * 141 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 894. * 142 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, 2002. p. 123. * 143 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 433. * 144 Philippe FOUCHARD, Emmanuel GAILLARD, Berthold GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996. p. 854 et p. 895. * 145 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p. 284. * 146 Marie-Noël JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international », Fasc. 534-2, J-CL éditions techniques 1992. p. 11. * 147 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 436. * 148 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, pp. 294 à 297. * 149 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 434. * 150 J. Béguin, G. Bourdeaux, A. Couret, B. Le Bass, D. Mainguy, M. Menjucq, H. Ruiz Fabri, C. Seraglini, J.M. Sorel, Traité du droit du commerce international, Litec, 2005. p. 1059. * 151 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. p. 435. * 152 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, édition 3e, 2002. pp. 435et 436. * 153 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 15. |
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